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Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

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Photos de couverture :Nonne 8 Lalibela (Ethiopie).(E) Arnaud de W ! ! denberg. Patrimoine2001/Fondation-La Caixa.,La bataille de Stalingrad. @ L'illustrationjSygma, Paris

4

L'INVITÉ DU MOIS :

JEAN

DANIEL

9

AU FIL DES M

PAR

BAHGAT ELN

ET

ADEL RIFA

.

tIIROi, , J w, r r rv".

y-

44

ESPACE VERT

AU CHEVET DES PLANTES

SAUVAGES par France Bequ

47

PATRIMOINE

LUXEMBOURG, LE BALCONDE L'EUROPE

par Jean-Pierre Kra

50

C'ÉTAIT DANS

LE COURRIER DE

EN FÉVRIER 195

LE MONDE DES

TROGLODYTES

10

LE TROGLODYTE, CET INCONNU

par Jacek Rewerski

15

CHINE : MAISONS DE MESS

par Jean Pau ! Loubes

19

ITALIE : UNE ARCHITECTURE DE L'EAU, DES VENTS ET DE LA LUMIÈRE

par Pietro Laureano

31

ETHIOPIE : LA"NOUVELLE JÉRUSALEM>>

par Kassaye Begashaw

35

SITES TROGLODYTIQUES DE LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL

Grottes de Mogao (Chine)

Site archéologique de Pétra (Jordanie)

Eglises rupestres d'Ivanovo (Bulgarie)

Monuments de Nubie d'Abou Simbel à Philae (Egypte)

Grottes d'Ajanta, Grottes d'Ellora, Grottes d'Elephanta (Inde)

Falaise de Bandiagara (pays dogon) (Mali)

Sites rupestres de Cappadoce (Turquie)

Mesa Verde (Etats-Unis d'Amérique)

Mines de sel de Wieliczka (Pologne)

Consultant : Jacek Rewerski

23

t) iâ Eft MIl ; Y A 10, A, NIS,

p rena. it Il : n la Seconde GUJe"e. lIIondiiale (1939-19. 45)

"Les gouvernements des Etats parties à la présente Convention déclarent :

Que, les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix...... Qu'une paix fondée sur les seuls accords économiques et politiques des gouvernements ne saurait entraîner l'adhésion unanime, durable et sincère des peuples et que, par conséquent,cette paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l'humanité.... Pour ces motifs (ils) décident de déveiopperet de multiplier les relations entre leurs peuples en vue de se mieux comprendre et d'acquérir une connaissance plus précise de leurs coutumes

respectives... ; EXTRAIT DU PRÉAMBULE DE LA CONVENTION CRÉANT L'UNESCO, LONDRES, LE 16 NOVEMBRE 1945

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Le troglodyte, cet inconnu

par J acek Rewerski

L'habitat rupestre est un patrimoine

méconnu de l'architecture universelle.

L'extraordinaire diversité de ses formes

témoigne de la capacité des hommes à

s'adapter à tous les environnements.

Qu'est-ce, au sens strict, qu'un troglo-

dyte ? L'habitant d'une cavité creusée par

l'homme. L'histoire des troglodytes com-

mence à l'époque néolithique, lorsque les

sociétés passent du stade de la chasse à celui de

l'agriculture et de l'élevage. Contrairement à

leurs ancêtres des temps paléolithiques, chas-

seurs qui utilisaient des cavités naturelles sur-

tout pour s'y protéger épisodiquement des

intempéries ou des agressions, les troglodytes

(du grec troglë, trou, et dunein, pénétrer) pro-

fitent d'un milieu géologique favorable (une

roche tendre mais non friable) pour créer des

espaces qui peuvent servir aussi bien à l'habitat

qu'à d'autres activités sociales : cultuelle, funé-

raire, défensive, économique.

Creuser sa maison dans la roche est plus

simple que d'en construire une, mais cette

démarche exige une grande intelligence de

l'environnement, suppose une remarquable

capacité d'adaptation au milieu naturel. La

maison souterraine, contrairement à l'idée

reçue, n'est pas un forme régressive d'archi-

tecture : c'est une manière plus économique

d'habiter. Surtout dans les régions où les

matériaux de construction, le bois en parti-

culier, sont rares. D'où une plus grande den-

sité d'habitations troglodytiques dans les

régions arides. Là, en outre, les fortes diffé-

rences de température entre le jour et la nuit,

comme les vents de sable fréquents, incitent à

chercher une protection efficace.

La maison vivante

La maison souterraine, mieux encore que la

grotte naturelle, est à la dimension de

l'homme et à la mesure de ses besoins. Les

qualités économiques et écologiques de cet

habitat ancestral, en particulier sa stabilité

thermique, intéressent d'ailleurs les archi-

tectes modernes, qui y voient de riches pos-

sibilités pour le présent et pour l'avenir.

C'est à Beersheba (Israël) qu'on a mis au

jour dans les années cinquante le plus vieux

site troglodytique actuellement connu. Datant

du quatrième millénaire, une trentaine de mai-

sons souterraines, qui pouvaient abriter de 200

à 300 personnes, s'échelonnent sur deux kilo-

mètres sur les rives d'un cours d'eau. En

Chine, le site néolithique de Banpo, dans le

Shaanxi, recèle de nombreux vestiges d'habi-

tations creusées en poche, préfigurant les

habitats qui apparaîtront ultérieurement dans

A gauche, paysanne dans le

Shanxi (tchine),

Ci-dessous, le Temple d'Or de

Dambulla (Sri Lanka).

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Vallée de Bamyan

(Afghanistan). Au fond, statue

dite du Petit Bouddha (38

mètres de haut) sculptée dans

la paroi (4"-S"siècle). Les

falaises sont criblées de

cellules monastiques,

Ci-contre, vue en coupe du

monastère et de l'église de

Gheghrard (Arménie).

ce pays. En France, le site préhistorique de la

Madeleine, en Périgord, qui a donné son nom

à une des principales cultures du Paléolithique

supérieur, est intéressant à double titre. D'une

part, il illustre les débuts du troglodytisme : un

abri sous roche utilisé initialement par les

chasseurs fut ensuite aménagé par creuse-

ment ; d'autre part, il témoigne d'une extraor-

dinaire permanence de l'occupation humaine,

qui a duré, avec des interruptions, du Magda-

lénien (10 000 ans avant J.-C.) au 16e siècle !

Tradition millénaire et universelle, le tro-

glodytisme reste un phénomène toujours

vivant. La Chine compte actuellement plus

de quarante millions de troglodytes. En

Tunisie, d'anciennes habitations creusées à la

verticale accueillent de séduisantes struc-

tures hôtelières. En Europe, l'Espagne,

l'Italie, la France offrent de remarquables

exemples de troglodytisme au quotidien.

Dans la région française du Saumurois, près

de la Loire, de nombreux troglodytes

vivaient et vivent encore avec autant de

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Page 6: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

confort que les habitants de la surface. Mais

combien de sites, abandonnés, se dégradent

irrémédiablement ou ont déjà disparu, même

si certains commencent à revivre grâce au

tourisme ? Le troglodytisme n'est-il qu'une

survivance d'un autre temps appelé à

s'effacer de la mémoire des hommes ?

Mode de vie et d'architecture original, le

troglodytisme fait pleinement partie de la

diversité culturelle du globe. Mais les sys-

tèmes traditionnels dans lesquels il s'inscrit,

et qui ont fonctionné pendant des milliers

d'années, semblent périmés. Ils sont peu à

peu éliminés par une standardisation qui se

répand dans toutes les sociétés. Aussi, que ce

s. oit sous ses formes anciennes ou modernes,

ce patrimoine est-il en péril. Le troglodytisme

souffre d'une méconnaissance, voire d'une

méfiance, qui s'alimente, pour une part non

négligeable, à l'image ambiguë du monde sou-

terrain, perçu dans maintes cultures comme

le séjour des morts mais aussi l'espace du

renouveau, comme tombeau et comme

Aménagements par

creusement et construction

combinés en Dordogne

(France).

V illage de Monsanto

aménagé dans un chaos

granitique (Portugal).

matrice. Le monde souterrain continue

d'attirer, mais aussi de faire peur.

Sanctuaires et refuges

L'une des formes les plus spectaculaires que

revêt cette tradition architecturale est le tro-

glodytisme sacré. Temples, monastères, hypo-

gées, catacombes, le vaste patrimoine creusé à

fonction cultuelle ou funéraire atteste que le

roc est perçu dans l'imaginaire comme un abri

invulnérable. Y déposer ses morts est aussi

pour. un groupe une manière d'affirmer à

jamais sa présence sur un territoire.

Les temples-tombeaux de Pétra en Jor-

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Habitat de plaine de

Matmata (Tunisie).

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danie ; les monastères et les temples boud-

dhiques d'Ajanta et d'Ellora en Inde ; les

hypogées de Lycie ou les églises rupestres et

les ermitages de Cappadoce en Turquie sont

d'admirables exemples de sanctuaires troglo-

dytiques dont certains, telles les églises de

Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés

par les fidèles. Cette architecture sacrée

creusée dans le roc apparaît comme l'expres-

sion monumentale d'un art consommé. Sa

réalisation, qui se fait dans la masse comme en

sculpture, n'admet pas d'erreur.

Par définition invisible et inaccessible-il

s'agit de se cacher pour se défendre-le tro-

glodytisme défensif, aussi bien à l'échelle indi-

L'Hé ! ice Terrestre, ci-dessus,

espace d'art contemporain de

Jacques Warminski (Anjou,

France). L'intérieur des salles

a été creusé dans le tuffeau à

l'aide d'une truelle et d'une

cuiller à café, Sa partie

supérieure et aérienne est

moulée en béton (à droite).

viduelle que collective, a également connu un

grand développement sur tous les continents.

De nombreux villages dogons établis le long

des falaises de grès abruptes de Bandiagara au

Mali disposent dans les anfractuosités de la

paroi de refuges contre d'éventuels agres-

seurs. On trouve dans l'Ouest nord-améri-

cain, parmi une multitude de greniers et de

réserves alimentaires creusés dans le roc, des

villages fortifiés. Les habitants de ces villages

accrochés à flanc de falaise dans des canyons

pouvaient s'isoler en retirant les échelles

d'accès. En Cappadoce, les étonnantes cités

troglodytiques de Kaymakli, de Derinkuyu,

pouvaient accueillir plusieurs milliers d'habi-

tants avec des réserves de nourriture et des

troupeaux d'animaux.

Les fortifications souterraines, civiles ou

militaires, sont foule en Europe, depuis les

souterrains-refuges romains et médiévaux

jusqu'aux parties enterrées de systèmes

défensifs du 2que siècle comme la célèbre ligne

Maginot. La Pologne, en particulier, pays de

plaines qui a connu de nombreuses invasions,

offre une abondance de constructions forti-

fiées dont les aménagements troglodytiques

constituent souvent l'élément majeur.

D'anciens champs de bataille recèlent égale-

ment des ensembles de grand intérêt. Pen-

dant la Première Guerre mondiale, l'armée

allemande aménagea sur le front de Cham-

pagne, au Chemin des Dames, d'anciennes

carrières, les reliant entre elles par des tunnels

et des voies ferrées. Ces installations enfouies

dans le sol, équipées de l'électricité et du télé-

phone, comprenaient chambrées, réfectoires,

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HADES ET LE

TROGLODYTISMETROGLODYDSME

Groupe d'étude et de promotion du

patrimoine souterrain creusé, HADES

(Histoire Architecture DécouverteEtude Sauvegarde) est un comité

scientifique international associé à

l'ICOMOS (Conseil international des

monuments et des sites).

Nous recherchons la collabora-

tion des spécialistes et des connais-

seurs du patrimoine souterrain et

rupestre. Nous souhaitons à la fois

connaître les travaux entrepris de par

le monde et découvrir de nouveaux

sites. Nous souhaitons aussi ras-

sembler ia plus large documentation,

afin de constituer une banque de

données accessible sur le plan inter-

national.

HADES lance un appel aux éven-

tuels collaborateurs et à toute per-

sonne, institution ou entreprise qui

souhaiterait associer ses moyens à

une action inédite pour un patrimoine

envoûtant et peu connu.

Jacek Rewerski, Président de HADES

Ci-dessous, Las Cuevas

(les Grottes) de Guadix, en

Andalousie (Espagne),

A droite, monastère Ostrog,

dans le Monténégro

(Ex-République de Yougoslavie).

hôpitaux, chapelles. Dans les souterrains de la

plupart des champs de bataille, la présence

prolongée des hommes sous terre a donné

naissance à un véritable art des tranchées-

grafnti, sculptures, poèmes gravés sur les

parois-qui ne saurait être négligé.

Habitat de demain

En dépit de sa richesse, de sa diversité et de sa

beauté, le patrimoine creusé ne jouit pas du

même prestige que celui construit en surface.

Sa réhabilitation n'est donc pas tâche facile.

Etudier les pratiques troglodytiques, c'est étu-

dier des groupes humains, leur histoire, leur

vie particulière. La conservation des habitats

dits « naturels » constitue une démarche nou-

velle. Il s'agit, à la fois, de comprendre les

formes d'intégration à l'environnement qu'ils

représentent et de les préserver de l'érosion- accrue par les déséquilibres dus au creuse-

ment, au principe même de cette architecture

« soustractive ». Travailler sur un édifice

rupestre n'a rien de commun avec la conser-

vation d'un bâtiment construit avec la pierre

« morte »-désolidarisée de son environne-

ment. Un monument rupestre fait corps avec

la terre ; il vit, évolue et vieillit avec elle.

Ce patrimoine aux multiples facettes-

monumentale, archéologique, ethnogra-

phique, urbaine, rurale, industrielle-repré-

sente une intégration exemplaire de l'homme

et de son habitat à l'environnement. Il s'inscrit

parfaitement dans la politique du Patrimoine

mondial de l'UNESCO, qui prend en compte

la dimension à la fois culturelle et naturelle des

sites. Certains sites majeurs, inscrits sur la

Liste du patrimoine mondial de l'Organisa-

tion (on en trouvera une description dans ce

numéro), font désormais l'objet d'une « pro-

tection rapprochée ». Mais beaucoup d'autres

attendent encore une reconnaissance, natio-

nale et internationale, indispensable à leur sau-

vegarde. Il faut les sauver non seulement de la

ruine, mais de l'oubli.

La percée de l'écologie montre une ten-

dance au retour vers la terre. La pression

démographique croissante dans les villes

amène de plus en plus d'hommes à enterrer

les infrastructures et, par là, à redécouvrir le

troglodytisme.

Certains de nos enfants seront-ils les tro-

glodytes de demain ? N

Galerie de cellules à

munitions de la ligne Maginot

(1940, France).

JACEK REWERSKI,

de France, est enseignant-

chercheur attaché au Centre

national de la recherche

scientifique (CNRS). Consultant

auprès de l'UNESCO, il préside le

comité scientifique HADES

(Histoire Architecture Découverte

Etude Sauvegarde) associé au

Conseil internationl des

monuments et des sites

(ICOMOS).

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Chine : Maisons de loess

par Jean Paul Loubes

Solution originale

apportée aux rigueurs

du climat semi-

désertique, les villages

rupestres du fleuve

Jaune présentent tous

les avantages de

l'habitat

communautaire

construit.

Eu Chine, plus de quarante millions de

personnels vivent encore quotidienne-

ment sous terre. C'est dans le bassin du

Huang He ( « fleuve Jaunes) au centre du

pays, dans le Gansu, le Henan, le Shaanxi et le

Shanxi, que l'on trouve la plus grande densité

d'habitations troglodytiques.

Trois facteurs y ont favorisé l'essor de ce

type d'architecture : le climat, la géographie et

la géologie. Avec son faible régime de pluie,

son caractère semi-désertique quand on pro-

gresse vers le nord-ouest, le climat de ces

régions continentales connaît de grands écarts

de température entre le jour et la nuit, entre

l'été et l'hiver. Le travail du fleuve et de ses

affluents a fortement marqué la géographie.

Jeune troglodyte

de Pinglu

(Province de Shanxi).

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Vrillage de Shang Hong Chi,

Province de Shanxi.

JEAN PAUL LOUBES,

de France, est professeur à l'Ecole

d'architecture de Bordeaux. Parmi

ses publications : Maisons

creusées du fleuve Jaune,

l'Architecture troglodytique en

Chine du Nord (Paris, Créaphis,

1989).

Long de 4 800 kilomètres, ce géant a constitué

au cours des âges, avec les matériaux arrachés

aux terres de son cours supérieur, une zone

de dépôts dans son bassin inférieur, dépôts

que les déplacements capricieux de son cours

ont ensuite sculptés.

Sur le plan géologique, enfin, le bassin

moyen du Huang He forme la plus impor-

tante région de loess du monde. Le loess est

un limon fait d'une accumulation de pous-

sières transportées par le vent pendant les

périodes glaciaires. D'une bonne cohérence,

ce sol peut être facilement creusé ; il permet

l'irrigation des cultures, car il ne retient pas

l'eau, et se révèle alors très fertile.

Autant de conditions favorables à l'éta-

blissement de zones de peuplement humain

et, de fait, les régions du loess sont le berceau

de la très ancienne civilisation chinoise. Le

troglodytisme déploie ici toute sa diversité,

toute sa richesse, confirmant qu'il s'agit bien

d'une forme évoluée d'architecture qui s'est

développée parallèlement à l'architecture

construite. On y trouve rassemblées les dif-

férentes configurations troglodytiques pos-

sibles, aussi bien verticales qu'horizontales.

Puits du ciel

En terrain plat, des villages entiers sont com-

posés d'habitations en puits. Le plan de ces

maisons suit une organisation rigoureuse. Un

puits carré ou rectangulaire est creusé verti-

calement dans le sol et constitue une cour

d'environ 15 mètres sur 15. Cet espace d'acti-

vité essentiel autour duquel s'organise la dis-

tribution des différentes pièces correspond à

la cour centrale, appelée « puits du ciel », de la

maison traditionnelle chinoise du Nord. La

profondeur du creusement est en général de

6 mètres, ce qui explique les qualités de stabi-

lité thermique de cet habitat et l'isolement

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Page 11: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

phonique d'un puits à un autre. Les pièces

sont creusées latéralement dans les parois

regardant le sud, l'est et l'ouest. Chaque paroi

en compte deux ou trois voûtées en plein

cintre ou en ogive. La face nord du puits est

occupée par les accès et parfois par un

magasin.

La façade exposée au sud reçoit les pièces

principales-chambres, pièces de l'autel des

ancêtres et de réception-dotées chacune,

comme dans la maison traditionnelle chi-

noise, d'un foyer de cuisson associé à un

poêle sous un lit de terre battue (kang). Le

yinghi, mur écran de la maison troglodytique,

est un autre élément qui la rattache au modèle

des maisons construites. Cet écran, disposé

dans la cour face à l'entrée, a pour fonction

principale d'empêcher que les esprits mau-

vais, qui se déplacent en ligne droite, ne

s'introduisent dans la maison. Haut de deux

mètres environ, en pisé, en adobe ou en

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Habitation en puits

creusée dans le læss,

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Le lit-poêle (kang)

de terre crue d'un intérieur

troglodytique,

Province de Shaanxi.

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H abitations désaffectées

dans le village de Gao Gun

(Province de Shaanxi). Une

grotte dure en moyenne trois

générations.

Université troglodytique

de Yanan,

Province de Shaanxi.

briques cuites, il est recouvert de tuiles et

percé en son centre d'une petite niche.

L'accès à la maison se fait par un plan

incliné en terre battue, qui peut comporter

un escalier bordé de bandes de roulement.

Lorsque le dénivelé est important, la rampe

d'accès prend la forme d'un tunnel dans

lequel on trouve souvent les premières

annexes : magasin à grains, remise à outils,

parfois un puits d'eau. Dans certains cas,

l'habitation est signalée en surface par une

entrée construite qui marque le départ du

plan incliné ; cette entrée reprend le vocabu-

laire technique et architectural de la maison

traditionnelle.

Les villages creusés constituent l'exemple

le plus saisissant d'un urbanisme enterré qui a

réussi à conjuguer les avantages thermiques

liés au climat souterrain, avec l'ouverture au

climat extérieur. Le puits central structure

très fortement cet habitat, d'une part parce

qu'il organise et distribue les pièces d'habita-

tion, d'autre part parce qu'il assure la pénétra-

tion de l'ensoleillement, vecteur de lumière

et de chaleur. La terre trouve un double

usage, avec les habitations en sous-sol et les

champs au rez-de-chaussée.

L'espace privé et l'espace collectif, dans

ces villages, sont répartis sur deux nappes

superposées et distantes de quelques mètres

seulement. Ainsi, en tout point de ce « tissu

urbain », les deux niveaux communiquent.

Cette conception originale conjugue deux

qualités qui dans l'organisation traditionnelle

sont habituellement dissociées : l'isolement

maximal de l'habitation en même temps que

la proximité immédiate de l'espace public et

donc de la vie sociale.

Le creusé et le construit

Le troglodytisme latéral est particulièrement

bien adapté aux reliefs accidentés du Henan,

du Gansu ou du Shanxi. Il exploite la topogra-

phie avec une intelligence du site et des res-

sources propre aux cultures populaires.

Le creusement, ici, se fait en attaquant de

front la falaise de lcrss. C'est la démarche la

plus répandue parce que la plus immédiate

devant une paroi bien exposée au sud ou au

sud-ouest. Creuser à partir du niveau d'accès

facilite l'évacuation des déblais ; la plupart du

temps, ils sont utilisés pour aménager devant

l'entrée de l'habitation une plate-forme qui

deviendra la cour. Le loess consolidé, maté-

riau homogène, permet d'obtenir des voûtes

au dessin régulier-ogive, plein cintre, ou

autre-en accord avec une conception de

l'espace fondée sur la symétrie.

L'ample patrimoine creusé chinois va de

l'habitation la plus simple-une seule pièce

de 4 mètres sur 6-à des ensembles d'une

complexité impressionnante. Outre les pièces

creusées latéralement, la cour peut recevoir

des maisons construites-le troglodytisme

s'ouvrant souvent aux autres savoir-faire col-

lectifs. On trouve également des demeures

au plan très élaboré, qui combinent plusieurs

terrasses étagées autour desquelles se déve-

loppent un troglodytisme latéral, des parties

construites-ou même des grottes artifi-

cielles. Ces grottes reprennent les formes de

la voûte creusée, mais en maçonnerie de

pierre. Entièrement édifiées par l'homme,

elles reproduisent ainsi les avantages des

grottes naturelles, en particulier leur confort

thermique. Leurs murs très épais, le massif de

terre qui compose leur toiture, leur confèrent

une température plus clémente et plus stable.

Le creusé et le construit : un mariage

caractéristique de la culture architecturale

chinoise. N

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Italie : Une architecture de l'eau

des vents et de la lumière

,

La ville rupestre de

Matera et ses

habitants ont survécu

à toutes les vagues

d'envahisseurs. Au 20c

siècle, l'urbanisation

mal gérée et la

surpopulation ont

bien failli en avoir

raison.

Ci-dessus, la chapellede Santa Lucia aile salve

(Matera).

Creusets dans les hauts plateaux desmurage, en Italie méridionale, sur les

pentes d'une gorge profonde, la Gravìna, les

Sassi de Matera constituent un complexe

d'habitations troglodytiques plusieurs fois

millénaires. Une présence humaine y est

attestée dès l'époque paléolithique.

Mais ce n'est qu'à partir du néolithique

que l'emplacement de la ville actuelle de

Matera est occupé par des tribus semi-

nomades qui trouvaient dans les « gravines »

(reliefs calcaires traversés par de profondes

crevasses) des lieux d'étape privilégiés au

cours de leurs déplacements saisonniers en

quête de pâturages.

Les hommes, la pierre et le temps

A l'âge des métaux, la diffusion des outils va

faciliter les travaux de creusement de la roche

calcaire tendre, le tuf. De cette époque datent

les tombes de la Murgia Timone, avec leurs

chambres rituelles souterraines aux piliers

centraux obtenus par évidage. Les premières

habitations, éparpillées, s'organisent autour

des réserves d'eau-laquelle devient un

objet de culte. L'eau, en effet, est rare dans

l'ancienne Lucanie : entre les étés torrides et

les hivers froids, la moyenne annuelle des

précipitations ne dépasse pas 500 millimètres.

Au cours des temps, les premiers établis-

sements humains se regroupent en centres

urbains.

La géographie rude de la région, faite de

rochers inaccessibles et de vallons cachés,

permettra aux Lucaniens de survivre aux

nombreuses vagues d'envahisseurs qui se

succéderont au cours des âges : les Grecs

(8e siècle avant J.-C.), d'abord, puis les

Romains (4e-3e siècles), les Byzantins (5e

siècle après J.-C.), les Lombards (6e-7e

siècles), les Sarrasins (9e siècle), les Nor-

mands (ils siècle), les Slaves et les Hongrois

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par Pietro Laureano

Page 14: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

(lise siècle), les Aragonais (sise siècle). L'ari-

dité du paysage contribue alors au renforce-

ment de l'esprit d'indépendance de ses habi-

tants. Les anciennes traditions se perpétuent

tout en étant rénovées et vivifiées par les

nouveaux apports.

Plus tard, le monachisme médiéval trouve

un terrain fertile dans la culture agro-pasto-

rale antique de la région. Grottes et cavernes

deviennent des ermitages, des refuges pour

les communautés utopiques autochtones ou

étrangères. Matera voit se creuser des cen-

taines d'églises, de chapelles, de cryptes et de

cathédrales rupestres aux murs ornés de

fresques. Plus que de simples monastères, il

s'agit de véritables expériences de sociétés

idéales qui, fondées sur une pratique reli-

gieuse, soutiennent et encouragent l'agri-

culture et l'économie locales.

Sur les hauts plateaux, riches en essences

aromatiques, on cueille les plantes officinales.

Les grottes, où l'on recueille le salpêtre, les

lichens et les moisissures, sont aménagées en

caves et laboratoires pour la production

d'élixirs prodigieux. Selon un chroniqueur du

16e siècle, une terre de Matera, le balsa (une

argile ocreuse formée par la dissolution du

calcaire), fut même qualifiés de « terre sacrée »

à la cour des Médicis, où l'on avait constaté

qu'elle avait la propriété de soigner les bles-

sures et de protéger contre les poisons.

Une leçon de gestion

environnementale

La rareté des ressources, la nécessité d'en

faire un usage collectif approprié, l'économie

de la terre et de l'eau, la connaissance des lois

de la mécanique et des fluides, ont de tout

temps guidé l'organisation des Sassi ( « pierres »

ou « rochers » en italien).

Parfaitement intégrée au cadre naturel, la

ville de Matera s'étire verticalement sur les

flancs abrupts de la Gravita. La localisation

et la répartition des habitations est fonction

des couches rocheuses mises à nu par le

canyon. Les deux amphithéâtres naturels des

Sassi, formés de deux fissures appelées grabi-

gliani (petites crevasses), ont fait l'objet d'un

intense travail de creusement et de terrasse-

ment. La fragmentation et le collectage des

Les habitations de Matera

se fondent dans la paroi

rocheuse.

Vue en coupe

verticale de l'habitat

troglodytique.

Les terrasses en

étages et la

stratification de

l'habitat permettent

une exploitation

habile des eaux.

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Page 15: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

antérieur d'une tour

éclairé par un oculus

(fin du 15-siècle).

ceau a partir de laquelle d importants com-

plexes architectoniques peuvent s'élaborer. La

terrasse primitive y devient la cour collective

avec, au-dessous, la citerne commune où l'on

amène l'eau provenant des toits des habita-

tions, qui ont été savamment organisées à cet

effet. Les lignes latérales d'écoulement des

eaux deviennent les escaliers et les axes de

liaison verticaux du complexe urbain. Le sys-

tème horizontal de drainage, utilisé pour

amener l'eau dans les jardins en terrasse et ali-

menter les citernes au fond des grottes, form e

la trame des chemins d'accès aux vicinati.

Le développement vertical de la ville

médiévale intègre l'architecture urbaine pri-

mitive, et met à profit les lois de la gravité

pour y faciliter la distribution des eaux tout en

la protégeant des vents. Deux quartiers,

appelés Sasso Caveoso et Sasso Barisano,

prennent naissance autour des grabiglioni,

qui fournissent un terrain cultivable riche en

humus. Au centre s'élève la civita, la partie

fortifiée. Les ateliers et les boutiques des arti-

sans sont installés sur les bords du haut

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flux d'eau au moyen d'un réseau de rigoles,

de citernes et de grottes permet de conserver

le terrain en protégeant les pentes contre les

phénomènes destructifs de l'érosion.

Au moment des pluies, les eaux ruissellent

de manière impétueuse sur les surfaces argi-

leuses du haut plateau et créent des zones

lacustres et marécageuses. Durant les

périodes sèches, les argiles se fendillent et les

sources se tarissent. Le plateau et les pentes,

riches en terre rouge et fertile (le boldo), sont

réservés aux bois et aux champs. Les habita-

tions sont construites plus bas, le long des

grabigliani, où elles se fondent dans la paroi

rocheuse et comprennent de profondes'

pièces souterraines. Regroupées en unités

d'habitation, elles ouvrent sur des terrasses et

des jardins suspendus. L'ensemble forme le

vicinata (voisinage), un modèle exemplaire

d'organisation communautaire.

Les formes et les types d'architecture

tirent leur origine de la grotte. La cellule de

base de la construction (le lamione), est consti-

tuée d'une seule pièce avec une voûte en ber-

on.

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Page 16: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

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PIETRO LAUREANO,

d'Italie, architecte et urbaniste,

est l'auteur de Sanara. jafd

méconnu (Paris, Larousse, 1991).

Ci-dessus, intérieur de San

NicoiadeiGreci (12e siècle).

A droite, Vierge à l'Enfant,

fresque du 12"siècle, chapelle

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plateau, où se trouvent les grandes citernes et

les silos rupestres de stockage des céréales.

Un document immémorial

Ce système urbain, complexe et harmonieux,

fondé sur le drainage, le contrôle et la réparti-

tion des eaux, est resté intouché jusqu'au 18e

siècle. Mais, au 19 et, surtout, au 20e siècle, la

capacité de gestion communautaire des res-

sources environnementales disparaît. La ville

moderne s'étend en amont des lignes des

pentes de ruissellement, là où la cité antique ne

s'était jamais aventurée. Le comblement des

cours de drainage, transformés en routes, et la

destruction du réseau capillaire de collectage

hydrique brisent des contraintes millénaires

qui exigeaient le respect d'un équilibre : celui

d'un développement urbain proportionné à la

rareté des ressources naturelles. On assiste ainsi

à la densification du réseau urbain, à la satura-

tion, puis à la promiscuité habitative et, pour

finir, à la dés. organisation accélérée du système..

Les conditions de dégradation de l'hygiène

et de l'environnement seront, dans les années

50, à l'origine d'une décision de transférer dans

les nouveaux quartiers la population de la

vieille ville. Lorsque débuta le projet d'évacua-

tion des Sassi, 15 000 personnes-soit les deux

tiers de la population de Matera à l'époque-

occupaient 2 997 habitations, dont 1 641 défi-

nies comme troglodytiques. Restées depuis

quasiment vides, celles-ci constituent, pour les

visiteurs, le document architectonique d'une

histoire unique : la longue création d'un centre

urbain exceptionnel dans lequel les hommes

ont su gérer leurs ressources naturelles avec

parcimonie et finesse, t

Page 17: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

Ethiopie : La « nouvette Jérusalem

par Kassaye Begashaw

Haut lieu de culte et de pèlerinage, les églises de Lalibela,

taillées dans la pierre il y a huit siècles, résonnent toujours des

tambours et des chants des fidèles.

Ci-dessus, nonne en prière

dans une grotte près de

BietGabriei-Roufaëi.

\. !'. i\ii\\1 Taillées d. ans la masse du tuf volcaniqueHtr rouge qui forme le haut plateau de Lasta,

les églises de Lalibela traduisent à elles seules

toute la vigueur de l'essor de la civilisation

chrétienne en Ethiopie aux 12e et 13e siècles.

Introduit vers 330 dans le royaume

d'Axoum, le christianisme s'y répandit à la fin

du s siècle sous l'impulsion de moines venus

d'Antioche, mais resta dans l'obédience de

l'Eglise copte. Au go siècle, le royaume

d'Axoum s'effrite sous la pression de l'Islam et

des invasions bedjas. Avec le retrait progressif

de l'empire byzantin, l'Ethiopie chrétienne est

de plus en plus isolée. Des désordres qui sui-

virent l'effondrement d'Axoum et le déplace-

ment de son centre politique et religieux vers

le sud émergea, au 12e siècle, la dynastie

Zagoué, qui resserra les liens avec l'Eglise

copte et favorisa l'activité missionnaire.

La nouvelle capitale du royaume s'établit

à flanc de montagne, dans la région du Lasta.

Devenue aujourd'hui un petit bourg perché à

2600 mètres d'altitude, la cité monastique de

Lalibela, nommée d'après le nom du roi

Zagoué qui y fit creuser les églises, se voulait

une nouvelle « ville sainte ».

Un complexe architectural unique

Réparties en deux groupes distincts de part

et d'autre d'un torrent la plupart du temps à

sec-le Yordanos (Jourdain)-, les onze

églises et chapelles médiévales de Lalibela

affleurent à peine au ras du sol. Quatre

d'entre elles sont monolithiques. Les autres,

plus modestes, sont semi-monolithiques ou

hypogées, signalées au fidèle par leur seule

façade sculptée se détachant de la roche.

Chacun des deux groupes constitue un

ensemble organique enclos dans une sorte

d'enceinte, à l'intérieur de laquelle on circule

par un réseau de passages et de tunnels

creusés dans le tuf.

Dressées au centre de puits de sept à

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Page 18: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

Ci-dessus, la Maison de saint

Georges (Biet Giyorgis, 11"-13"

siècle) en forme de croix

grecque.

Page de droite, Biet Gabriel-

Roufaëi, façade nord-ouest.

La fuite en Egypte.

Peinture muraie de Biet

Maryam (120. 13- siècle),

douze mètres de profondeur, elles ont été

taillées, en partant du haut (voûtes, plafonds,

arcs, fenêtres supérieures) vers le bas (sol,

portes, socle), à même les blocs de matière

rocheuse, lesquels ont été isolés de la masse

du plateau par des tranchées. Pour que

s'écoulent les pluies diluviennes qui s'abattent

sur la région en été, le sol des espaces ainsi

dégagés est légèrement incliné. On constate

également que les éléments saillants de l'archi-

tecture (toits, gouttières, corniches, linteaux,

base des fenêtres) sont prolongés en fonction

de la direction d'où viennent les pluies.

Le travail d'excavation était, semble-t-il,

divisé en plusieurs étapes, ce qui a permis aux

architectes, ouvriers et artisans d'ceuvrer à

hauteur d'homme sans avoir à élever d'écha-

faudages, les uns dégageant la masse du

monolithe tandis que les autres le taillaient.

On évacuait les déblais par les ouvertures

pratiquées (fenêtres et portes). L'outillage uti-

lisé était simple : pioches, pics et leviers, puis

hachettes et ciseaux pour les détails.

Exception et tradition

Long de 33 mètres, large de 23 et haut de 11,

avec une corniche sculptée soutenue par 34

piliers carrés, Biet Médhane Alem (Maison du

Sauveur du Monde) est sans doute le plus

imposant de ces monuments. C'est la seule

église d'Ethiopie à abriter cinq nefs, tout

comme-selon Francisco Alvarez, chape-

lain d'une ambassade portugaise à la cour salo-

monide au 16e siècle-l'ancienne cathédrale

d'Axoum.

On accède à l'intérieur par trois portes

ouvrant respectivement à l'ouest, au nord et

au sud, comme le prescrit le rituel chrétien.

Le plan au sol est de type basilical, orienté est-

ouest et divisé en huit travées plantées de

vingt-huit piliers s'élevant vers les arcs en

plein cintre du plafond.

Biet Maryam (Maison de Marie), de

dimensions plus réduites, s'élève à neuf

mètres de hauteur. Ses murs, percés de

fenêtres de style axoumite, abritent trois nefs

qui ont la particularité d'être couvertes, du sol

au plafond, de peintures décoratives repré-

sentant divers motifs géométriques (croix

grecques, svastikas, étoiles, rosettes) ou ani-

maux (colombes, phénix, paons, zébus, cha-

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meaux) ainsi que de fresques-pour la plu-

part aujourd'hui disparues-illustrant des

scènes de la vie du Christ et de Marie tirées

des Evangiles. Ces peintures remonteraient,

selon certains experts, au règne du roi Zara

Ya'qob (1434-1465). La porte principale est

surmontée de deux cavaliers sculptés terras-

sant un dragon, bas-relief exceptionnel du fait

de la rareté des sculptures animées dans les

sanctuaires éthiopiens-comme, d'ailleurs,

dans tout l'Orient chrétien.

Quddus Mikaël (Saint Michel), Biet Gol-

gothà (Maison du Golgothà) et Biet Sellassié

(Maison de la Trinité) forment un ensemble

imbriqué. Le plus grand des trois, Quddus

Mikaël est harmonieusement divisé en trois

nefs par des piliers cruciformes. Biet Gol-

gothà, église dédiée à la Passion du Christ, se

distingue par les effigies de sept ecclésias-

tiques sculptés grandeur nature dans les murs

des deux nefs. Elle abrite aussi, au fond d'une

niche, un Christ dans son tombeau.

Il faut traverser Biet Golgothà pour

accéder à la petite chapelle dédiée à la Sainte

Trinité (Biet Sellassié). De plan trapézoïdal, la

salle recèle trois autels monolithes, ornés de

croix et creusés en leur centre d'une cavité où

le prêtre déposait le tabot (l'Arche d'alliance,

en guèze) lors de la messe. Le fond de la

crypte abrite deux personnages mystérieux

aux mains jointes en signe de prière, disposés

de part et d'autre d'une niche vide surmontée

d'une croix encerclée, peut-être une figura-

tion de la Trinité...

Salles souterraines à usage primitivement

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Page 20: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

profane et ultérieurement consacrées, Biet

Marqôrewos et Biet Gabriel-Roufaël (Mai-

sons de Mercure et des archanges Gabriel et

Rafaël) furent probablement d'anciennes rési-

dences royales. Un peu plus loin, Biet Abba

Libanos présente à la fois les caractéristiques

de l'église monolithe et de l'église hypogée :

les quatre côtés ont été isolés de la montagne

par une haute galerie creusée tout autour,

tandis que le toit reste solidaire de la masse

rocheuse supérieure. Basilique à trois nefs,

Biet Amanouel (Maison d'Emmanuel) réunit

quant à elle toutes les caractéristiques du style

axoumite classique.

Sise à l'écart des autres au fond d'un puits

presque carré (22 x 23 mètres), Biet Giyorgis

(Maison de saint Georges) est taillée en forme

de croix grecque. Montée sur un socle très

haut, l'église n'abrite ni peintures ni sculp-

tures susceptibles de distraire le regard de

Outre ses onze églises inscrites sur la liste du

Patrimoine mondial, Lalibela abrite d'autres

monuments secondaires, d'architecture

moins impressionnante, mais dont l'existence

contribue à la signification globale de

l'ensemble et à son unité. Celle-ci témoigne

de la volonté organisatrice du roi Lalibela-

même s'il est matériellement peu probable

que l'ensemble du travail d'excavation se soit

fait sous son seul règne (1190-1225). Quant au

sens de ce site exceptionnel, la topographie et

la toponymie le révèlent amplement. Le tor-

rent qui coupe l'ancienne capitale ne

s'appelle-t-il pas le Jourdain et une croix de

pierre n'y marque-t-elle pas l'endroit où

Jean-Baptiste baptisa le Christ ?

Le sépulcre du Christ de Biet Golgothà, la

Maison de la Croix (Biet Masqal), la Maison

du Pain Béni (Biet Lehem), la Tombe

d'Adam, et la plate-forme, devant la Maison

des archanges Gabriel et Rafaël, que la popu-

lation locale appelle le « prétoire de PIIate » : ces

lieux divers, rassemblés en un endroit unique,

désignent Lalibela comme une « réplique » de

la Ville sainte, Jérusalem, prise par Saladin en

1187 et vers laquelle la troisième croisade ren-

dait à l'époque tout pèlerinage Impossible, t

Passage reliant deux églises.

M. KASSAYE BEGASHAW,

d'Ethiopie, dirige, au ministère des

Affaires culturelles éthiopien, le

Centre pour l'étude et la

conservation du patrimoine

culturel.

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Cérémonie pascale.

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. Sites et régions troglodytiques

. Sites troglodytiques classés sur la liste du Patrimoine mondial de L'UNESCO

1. Mesa Verde 2. Bandiagara 3. Matera 4, Wieliczka 5. Ivanovo

6. Cappadoce 7. Pétra 8. Abou Simbel 9. Lalibela

10. AjantajEliorajElephanta 11. Mogao

Les premiers aménagements de cet

ensemble de temples rupestres

bouddhiques remontent au 4e siècle

de notre ère. Situé aux confins du

désert de Taklamakan (actuel Gobi),

province de Gansu, sur la Route de la

soie, le site connut une activité

intense jusqu'au 14e siècle. Ses plus

grandes structures, dont une statue

du Bouddha de 33 mètres de haut,

sont d'époque Tang (7e siècle).

Ornées de fresques et de sculptures

par des artistes d'origines diverses,

ces grottes retracent dix siècles

d'histoire de l'Asie centrale. Inscrites

sur la liste du Patrimoine mondial en

1987.

Sites troglodytiques de la liste du Patrimoine mondial

Les anciens Grecs

1 1, 1·

<&lt;merveilles>&gt; dans le monde

qu'ils connaissaient. La liste

du Patrimoine mondial en

compte actuellement 440.

Les sites présentés dans les

pages qui suivent illustrent

de nombreux aspects du

troglodytisme à travers le

monde, à travers les âges.

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Grottes deMogao (Chine)

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1. La falaise de Mogao : 492 grottes, 2415

sculptures, 45 000 m2 de peintures murales.2, Intérieur de la grotte 428, dynastie des Zhou du

Nord (557-581 après J.-C.),

3, Façade construite à l'entrée d'une grotte.

4, Fresque de la grotte 257 (détail) : le roi des

cerfs sauve un ingrat de la noyade, dynastie

des Wei du Nord (386-534 après J,-C,),

Page 22: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

Site archéologique de Pétra (Jordanie)

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Les vestiges de cette ancienne ville

d'Arabie, qui fut la capitale des

Edomites avant de devenir, au 5e

siècle avant J.-C., celle du royaume

nabatéen, s'élèvent dans un cirque

naturel auquel on accède par un

défilé étroit long de 2 km. Temples,

tombeaux et palais, mi-construits mi-

taillés dans les falaises de grès rose,

forment une architecture unique où

se marient les traditions orientales et

le style gréco-romain. Inscrit sur la

liste du Patrimoine mondial en 1985.

1. Théâtre romain,

d'une capacité de

3000â4000

personnes.2, Au fond, ancien lieu

d'accueil des

voyageurs etcaravaniers.3, Les eaux remontent

par capillarité et

rongent la base desmonuments.

4, Tombe collective. La

coloration de la pierre

en rubans multicolores

est due à la

dissolution de certains

minéraux et au

transport des oxydes

pari'eau.5, Depuis plus de

2000 ans, des

hommes occupent des

abris troglodytique,

6, Façade du Khazné

Firaoun (ie'Trêsorde

Pharaon').

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Les églises, chapelles et cellules qui

constituent l'ensemble monastique

d'Ivanovo furent creusées dans le

roc, le long de la rivière Roussenski

Lom, entre la restauration de

l'indépendance de l'Eglise bulgare

(1235) et l'annexion du pays par

l'empire ottoman (1396). Les

fresques qui, à l'origine, couvraient

les murs de presque toutes les églises

et chapelles témoignent du

développement de l'école artistique

de Tarnovo (capitale du Second

royaume bulgare) en particulier, de

l'art bulgare et byzantin en général.

Inscrites sur la liste du Patrimoine

mondial en 1979.

1, Un site naturel et un centre spirituel.

2. Grotte naturelle aménagée,

3, L'atmosphère dramatique et l'expressivité des fresques d'Ivanovo s'écartent

des canons de l'iconographie byzantine et les rattachent à l'art hellénistique,

4, Endommagées au cours des siècles, les fresques d'Ivanovo n'offrent plus

que de rares témoignages de l'art bulgare du Moyen Age.

Militairement conquise vers 1550

avant J.-C., la Nubie, et notamment

la région d'Assouan, devint un point

stratégique essentiel pour l'Egypte

pharaonique. Outre les temples

d'Abou Simbel, creusés dans le roc

sur l'ordre de Ramsès II (14e siècle

avant J.-C.) et un grand sanctuaire

d'Isis de Basse époque, le musée en

plein air de Nubie et d'Assouan

réunit un ensemble de plusieurs

temples datables du 15e siècle avant

J.-C. au 2e siècle de notre ère.

Inscrits sur la liste du Patrimoine

mondial en 1979.

1, Façade du petit temple, consacré à la

déesse Hathor et à Nofretari, épouse de

Ramsès If (détail).

2, Façade du grand tempe. Statues de

Ramsès II.

3, Coupe longitudinale du grand

tempe.4. Sanctuaire du grand tempe.

De gauche à droite : Ptah,

Amon, Ramsès If et Rye-

horakhty,/5, Intérieur du grand

tempe,

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Monuments de Nubie d'Abou Simbel à Philae (Egypte)

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Page 24: Photos de couverture - Cranberry · 2018. 4. 3. · Lalibela en Ethiopie, sont toujours fréquentés par les fidèles. Cette architecture sacrée creusée dans le roc apparaît comme

temples et monastères bouddhiques,

brahmaniques et jaïniques. Les plus

anciens remontent au 7e siècle de

notre ère, tandis que les plus récents

furent probablement aménagés entre

800 et 1000. Inscrites sur la liste du

Patrimoine mondial en 1983.

N EtephantaN Les grottes

d'Elephanta, situées sur la petite île

de Gharapuri, au large de Bombay, se

répartissent en deux groupes. Le

principal abrite cinq sanctuaires

hindouistes qui reproduisent, taillés

dans la pierre, tous les détails de

l'architecture traditionnelle. Les

sculptures qui entourent, dans la

grotte principale, la chapelle au linga

(symbole phallique représentant

l'aspect fécondateur de Shiva)

constituent l'un des ensembles les

plus significatifs du culte shivaïque.

Leur datation reste approximative et

se situe quelque part entre le 6e et le

8e siècle après J.-c. Inscrites sur la

liste du Patrimoine mondial en 1987.

N Ajanta M Creusées dans une

falaise surplombant un méandre de

la rivière Waghora (Etat de

Maharashtra), les trente grottes du

site d'Ajanta comprennent cinq

sanctuaires bouddhiques et des

annexes monastiques. Un premier

groupe de grottes fut aménagé dès le

2e siècle avant J.-c. sur un plan de

type basilical séparant la nef

principale des bas-côtés. Un

deuxième fut creusé au cours des 5e-

7e siècles après J.-c. La statuaire et

les peintures murales y abondent,

témoins de l'art indien alors à son

apogée. Inscrites sur la liste du

Patrimoine mondial en 1983.

t EHofaN A la différence de celui

d'Ajanta, l'ensemble ruspestre

d'EIIora. est le produit de trois grandes

religions de l'Inde ancienne.

Creusées sur plus de deux kilomètres

dans la paroi d'une haute falaise

basaltique du Maharashtra, les trente-

quatre grottes d'Ellora abritent

AJANTA

l. Vue générale de la

falaise.

2, Grotte n°l. Période

Vakataka (3e-5e siècle

après J.-C,),, 3, Façade de la grotte Æ

"°19.

ELEPHANTA < : ;

4, Le temple (6e-8e

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5, Shiva tricéphale. : g

ELLORA 5

6, L'entrëed'unedes

grottes (n°10). 7, Sanctuaire de

Visvakarman (grotte

n°10). Les grottes

reçoivent la lumière dusoleil couchant.

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Grottes d'Ajanta-Grottes d'Ellora-Grottes d'Elephanta (Inde)

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5

Recouvrant quelque 400 000

hectares, le site comprend près de

250 villages dogons traditionnels,

dont la plupart se pressent le long de

la falaise. Issus de la fusion, il y a huit

siècles, de populations Keita chassées

du Mandé et des Tellem, qui

occupaient alors les cavernes

naturelles de la falaise, les Dogons

ont conservé un certain nombre de

sanctuaires rupestres de leurs

prédécesseurs. Ils ont par la suite

développé une organisation sociale

qui a trouvé sa traduction dans

l'architecture de leur habitat.

Inscrites sur la liste du Patrimoine

mondial en 1989.

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l. Village dogon

construit sur ! e roc. A

cote des maisons de

plan rectangulaire, les

greniers à grain sontcouverts d'un toit de

chaume conique.

2, Ancien

aménagement d'unecaverne naturelle de la

fadaise.

3, Porte de la demeure

d'un chef religieux,

placée sous la

protection du serpent.4, Les maisons sont

construites en pierres

sèches ou en briques

d'argiiecrue. Les murssont revêtus de

mortier d'argiie.

5, Maisons

traditionnelles

accrochêesâia falaise.

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Alaise due Bandiagara (payes digon) (mali)

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1. Au centre de

l'Anatolie, le site de

Cappadoce est néd'une prodigieuse

coulée de lave du mont

Arguée.2, Cônes volcaniques

avec pigeonniers.

3. Habitation

troglodytique toujoursen usage.

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Sculptés d'abord par l'érosion au

coeur de l'Anatolie, les monuments

du plateau de Cappadoce abritèrent,

au 4e siècle de notre ère, de petites

communautés d'anachorètes

chrétiens. Celles-ci se regroupèrent

par la suite en villages troglodytiques

pour résister aux incursions arabes.

De véritables cités souterraines

furent creusées. C'est vers le milieu

du 9e siècle, après la fin de la querelle

des iconolâtres et des iconoclastes,

que la Cappadoce se creuse d'églises

rupestres richement décorées de

peintures figuratives. Inscrits sur la

liste du Patrimoine mondial en 1985.

4, Palais royal, ville

souterraine d'Ozkonak.

5, Eglise rupestre

byzantine du Pommier,vallée de Göreme,

6, Vallée de Selve.

7. Pyamides rocheuses

de la vallée de Göreme.

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Mesa Verde (Etats-Unis d'Amérique)

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Apparu d'abord (au 6e siècle de notre

ère) sous forme de villages semi-

enterrés creusés à la surface du

plateau des mesas du Colorado,

l'habitat traditionnel des Indiens

Anasazis se développa à partir du 8e

siècle sous la forme de villages

mixtes, troglodytiques et construits.

La partie creusée des chambres

souterraines circulaires appelées

kivas, était destinée à diverses

activités cultuelles. La civilisation des

Anasazis, à laquelle appartiennent les

Indiens Pueblos, connut son apogée

entre le 12e et le 13e siècle. A la fin de

cette période, les villages de surface

furent abandonnés au profit d'un

habitat plus rudimentaire et à

caractère défensif accroché aux

flancs des canyons. Inscrit sur la liste

du Patrimoine mondial en 1978.

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1, A la fin du 12e siècle, les Indiens

Anasazis quittent le plateau des

mesas pour ètablir ieur nouvel

habitat aux flancs des canyons.

2, Maison de l'Epicéa,

3, Palais de la Falaise, construit à

l'aide de pierres arrachées à la

fadaise.

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Mines de sel de Wieliczka (Polo ne)

1.'Grotte des

cristaux..

2, La chapelle de Kinga,

entièrement taiiiee et

sculptée dans le sel.3. Mentionné pour la

première fois en 1669,cet escalier de 162

marches mène du

premier au deuxièmeniveau de la mine et

traverse une cavité de

27 mètres de haut.

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anciennes galeries illustre

parfaitement l'évolution des procédés

d'excavation au cours des siècles, la

mine recèle des ceuvres d'art

sculptées dans le sel : autels, chaires et

statues ornent ainsi de véritables

chapelles souterraines. Inscrites sur la

liste du Patrimoine mondial en 1978.

Gisement de sel gemme exploité

depuis le 13e siècle. Les galeries s'y

développent sur 9 niveaux et

descendent jusqu'à moins 327 mètres.

Puits, couloirs, labyrinthes,

excavations et salles diverses se

succèdent sur près de 300 kilomètres.

Outre que la préservation des

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