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Paola Puccini Avant-propos. Pour une cartographie de lautotraduction Abstract Lautotraduction est un phénomène global qui connaît une diffusion importante ; ses contours ne cessent dêtre explorés par les cartographes de lautotraduction qui, surtout depuis une vingtaine dannées, sappliquent à en dresser les cartes. Le phénomène a une ampleur historique, géographique, littéraire et socioculturelle très significative. Les approches, découlant de différentes disciplines tracent une sorte de carte didentité, avec ses lignes fondamentales. Ce numéro, présente des questions théoriques et définitoires, des études de cas et des réflexions métalinguistiques de la part des écrivains autotraducteurs ; lobjectif est de participer à une mise au point de la carte identitaire de ce voyage dans l altérité quest lautotraduction, aventure qui ne cesse de passionner. Mots-clés Autotraduction littéraire ; Francophonie ; Canada Francophone ; Maghreb ; Europe Pour citer cet article Paola Puccini, « Avant-propos. Pour une cartographie de lautotraduction », dans Interfrancophonies, n° 6, « Regards croisés autour de lautotraduction », (Paola Puccini, éd.), 2015, p. i-xii, <www.interfrancophonies.org>. n° 6, 2015 « Regards croisés autour de l’autotraduction », PAOLA PUCCINI (éd.) www.interfrancophonies.org

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  • Paola Puccini

    Avant-propos. Pour une cartographie de lautotraduction

    Abstract Lautotraduction est un phnomne global qui connat une diffusion importante ; ses contours ne cessent dtre explors par les cartographes de lautotraduction qui, surtout depuis une vingtaine dannes, sappliquent en dresser les cartes. Le phnomne a une ampleur historique, gographique, littraire et socioculturelle trs significative. Les approches, dcoulant de diffrentes disciplines tracent une sorte de carte didentit, avec ses lignes fondamentales. Ce numro, prsente des questions thoriques et dfinitoires, des tudes de cas et des rflexions mtalinguistiques de la part des crivains autotraducteurs ; lobjectif est de participer une mise au point de la carte identitaire de ce voyage dans laltrit quest lautotraduction, aventure qui ne cesse de passionner.

    Mots-cls Autotraduction littraire ; Francophonie ; Canada Francophone ; Maghreb ; Europe

    Pour citer cet article Paola Puccini, Avant-propos. Pour une cartographie de lautotraduction , dans Interfrancophonies, n 6, Regards croiss autour de lautotraduction , (Paola Puccini, d.), 2015, p. i-xii, .

    n 6, 2015 Regards croiss autour de lautotraduction , PAOLA PUCCINI (d.) www.interfrancophonies.org

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    I

    PAOLA PUCCINI

    AVANT-PROPOS POUR UNE CARTOGRAPHIE DE L AUTOTRADUCTION

    1. A PROPOS DES CARTES DE LAUTOTRADUCTION

    N CARTOGRAMME DU PHENOMENE DE LAUTOTRADUCTION contient des informations dont les symboles se placent au premier plan ; elles se dtachent du paysage de fond o se localisent des problmatiques telles que le bilinguisme, le plurilinguisme, la traduction (littraire et scientifique) et linterculturalit. Ces questionnements, constituant le dcor du phnomne autotraductif,

    expliquent que lapproche au problme est forcment de nature multidisciplinaire ; en effet elle fait appel des disciplines littraires, linguistiques, philologiques, historiques, mais aussi sociales et culturelles.

    Les cartographes de lautotraduction sappliquent, surtout depuis une vingtaine dannes, dresser et dessiner des cartes de lautotraduction qui donnent au phnomne une ampleur historique, gographique, littraire et socioculturelle trs significative1.

    1 Cest sur lextension gographique, historique et sur lampleur interdisciplinaire du phnomne que le projet de recherche, intitul Gographie et histoire de lautotraduction. Une approche interdisciplinaire , est n en 2012 sous la coordination scientifique du philologue de lUniversit de Padoue, Furio Brugnolo. Le projet sarticulait en quatre units opratives dont les responsables taient : la philologue de lUniversit Ecampus, Lucia Bertolini, larchitecte Francesco Paolo di Teodoro du Polytechnique de Turin, le littraire et linguiste Johann Drumbl de la Libera Universit de Bolzano et nous-mme pour lUniversit de Bologne. Le projet jouissait dune grande extension gographique grce aussi aux collgues du Dpartement de langue, Littrature et Culture moderne de lUniversit de Bologne o lon enseigne quinze langues diffrentes. Le projet prvoyait lanalyse dtudes de cas provenant des littratures des pays francophones, anglophones, lusophones, hispanophones, arabophones et slavophones.

    U

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    II

    Julio Csar Santoyo2 a t le premier tracer la carte historique de lautotraduction en dmontrant que cette forme particulire de traduction est atteste depuis le moyen-ge jusqu lpoque contemporaine. Les autotraductions scientifiques permettaient la circulation en Europe des traits de mdecine, de mathmatiques, dastronomie et de musique ; Robert Grosseteste, linitiateur de la traduction scientifique, sautotraduisait en passant par ses trois langues : le latin, le franais et langlais ; lautotraduction littraire saffirme surtout partir des XVIe et XVIIe sicles. Les projets politiques aidant, ce fut surtout entre le latin et les idiomes nationaux que les textes ont t translats par leurs auteurs. Au XXe sicle le phnomne connat une closion tonnante. Cela sexplique par le fait que la pratique autotraductive sinsre dans des problmatiques qui traversent le sicle et pour des vnements historiques majeurs comme la dcolonisation, la fuite des rgimes totalitaires et les migrations. Dans la traverse des ralits linguistiques et culturelles diffrentes, sactive souvent une qute identitaire qui est lorigine du parcours de lautotraducteur.

    La carte gographique de lautotraduction est aussi trs vaste, mais elle est loin dtre explore en entier. Le phnomne sinsre dans des contextes dimmigration et de diglossie laisss par lpoque coloniale ou bien gnrs par le statut linguistique dune nation. Elle finit par montrer la dynamique complexe entre langues dominantes et langues domines, entre langues conqurantes et langues soumises. Dans des pays comme la France, lItalie, le Canada, lEspagne, le Portugal, la Pologne, la Russie, le Canada, lAmrique latine, les tats-Unis, pour nen citer que quelques-uns, on enregistre de nombreux cas dautotraduction. De Samuel Beckett Nancy Huston, de Julien Green Vladimir Nabokov, de Raymond Federman Giuseppe Ungaretti, le phnomne se montre global et universel. Les tout rcents travaux sur le sujet font merger des cas en Afrique3, en Inde4, en Chine5, au

    2 Julio Csar Santoyo, Traducciones de autor : una mirada retrspectiva , dans Quimera, n 210, p.27-32 ; Id., Autotraducciones : una perspectiva histrica , dans Meta, n 50-3, 2002, p.858-867. 3 Nathalie Carr, Between mother tongue and ceremonial tongue : Boubacar Boris Diop and the self-translation of Doomi Golo , dans International Journal of Francophone Studies, n 18/1, 2015, p. 101114 ; Nicodme Niyongabo, The politics of self-translation: Multilingualism in Ngg wa Thiongos Wizard of the Crow and Devil on the Cross , Poster presentation given at the international conference Transfiction 3, Concordia University, 2729.05.2015. 4 Chitra Panikkar, Self-translation as Self-Righting. O.V. Vijayans The Legends of Khasak , dans Mini Chandran, Suchitra Mathur (eds.), Textual Travels: Theory and Practice of Translation in India, Routledge, S., 2015, p. 2134. 5 Li Changbao, Huang Jinzhu, A Comparative Study Between Self-Translation and Conventional Translation of Eileen Changs Gui Hua Zheng Ah Xiao Bei Qiu From the Perspective of Translators Subjectivity , dans Studies in Literature and Language, n 10/4, 2015, p. 1523.

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    III

    Japon6, tout en poursuivant ltude du phnomne dans les grandes communauts autonomes7.

    Dune poque lautre, comme dun bout lautre de la terre, les crivains, les artistes et les scientifiques, partagent, en dpit de leurs particularits distinctes, des circonstances et des expriences de vie et dcriture. Ce qui ressort de lanalyse de cas particuliers cest bien la prsence des constantes, de thmatiques qui reviennent au-del des diffrences temporelles et gographiques. Lautotraduction littraire, qui nous intresse ici, est un phnomne qui se nourrit de rflexions qui viennent de plusieurs disciplines. Cependant lautotraduction permet de questionner diffremment certains thmes appartenant la fois au domaine de la traductologie, de la critique littraire, de la philologie et de la sociolinguistique. Un cartogramme de lautotraduction qui peut ainsi recueillir les questionnements autour desquels les cartographes du phnomne se penchent avec profit et tracer le portrait de lautotraduction. Cela peut conduire tudier les motivations des crivains traduire leurs propres textes, analyser les typologies textuelles touches par la pratique autotraductive et tudier les mcanismes linguistiques et culturels la base de lopration translative. Limpact dune uvre qui se double et qui se prsente sur la scne des deux systmes culturels distincts et le concept de langue maternelle sont aussi des thmes sur lesquels les spcialistes sinterrogent partir de la nouvelle perspective de lautotraduction. Dans ltude du phnomne, dautres questions surgissent : quelles sont les traces laisses dans le texte par le laps de temps qui scoule entre les deux versions ? Lautotraduction est-elle simultane ou dcale ? Quelles sont les variations dune version lautre ? Quel est le rapport entre autotraduction et rcriture ? Quelle est la direction entre les langues ? Est-elle toujours la mme ? Et en quoi cette direction est-elle rvlatrice ? Touche-t-elle un niveau profond qui a trait aux choix linguistiques oprs par lautotraducteur ? Ce dernier a-t-il conscience de la libert dont il jouit par rapport au traducteur allographe ? Et encore, quel est le rapport entre lautotraduction et la traduction crative ?

    6 Emanuela Costa, A tale of two tongues : self-translation in Sekiguchi Rykos poetry , dans Contemporary Japan, n 27/2, 2015, p. 111130 (version enligne : . 7 Xos Manuel Dasilva, Helena Tanqueiro, Aproximaciones a la autotraduccin, Vigo, Academia del Hispanismo, 2011 ; Montserrat Doucet, A Esmorga y La Parranda de Eduardo Blanco Amor : dos lenguas, dos identidades, dos versiones de una novela Madrygal , dans Revista de Estudios Gallegos, n 18, 2015, p. 191200 ; Xos Manuel Dasilva, Los horizontes lingsticos del autotraductor. Una visin a partir del contexto de Galicia , dans Glottopol, n 25, 2015, p. 5970 (version enligne : ) ; Maria Dasca, Les autotraduccions al castell de la novellstica de Xavier Benguerel , dans Quaderns. Revista de traducci, n 22, 2015, p. 193204 (version enligne : ).

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    IV

    De nombreuses tudes se sont penches sur ces questionnements contribuant ainsi dessiner la carte didentit de lautotraduction qui nest plus dsormais une terra incognita. Ainsi ne rappelons-nous ici que les premiers travaux sur lautotraduction d Alexandru Niculescu8, de Brian Fitch9 et de Rainier Grutman10, qui a donn en 1998 dans la Routledge Encycolpedia of Translation Studies11 la premire dfinition de Auto-translation . De nombreuses revues scientifiques ont consacr des numros monographiques au sujet ; (Quimera12, 2002 ; In Other Words13, 2005 ; Testo a fronte14, 2006 ; Atelier de Traduction15, 2007 ; Traduao16, 2014 ; Glottopol17, 2015) auxquels sajoute ce numro dInterfrancophonies. Ces numros tmoignent que la littrature critique sur le sujet ne cesse daugmenter au fil des annes. La bibliographie sur le sujet senrichit continuellement de nouvelles rflexions qui touchent la thorie de lautotraduction autant qu lanalyse dtudes de cas18. Eva Gentes19, de lUniversit de Dsseldorf, cartographe des tudes sur lautotraduction, dresse et dessine une carte bibliographique disponible sur la toile (www.self-translation.com) o elle enregistre les volumes dits, les thses

    8 Alexandru Niculescu, Lautotraduzione: Un tipo particolare di traduzione , dans Bertil Malmberg et al. (eds.), La traduzione: Saggi e studi, Trieste, Edizioni Lint, 1973, p. 305318. 9 Brian T. Fitch, Beckett and Babel. An investigation into the Status of the Bilingual Work, Toronto-Buffalo-London, University of Toronto Press, 1988. 10 Rainier Grutman, Honor Beaugrand, traducteur de luimme , dans Ellipse, n 51, 1994, p. 4553. 11 Rainier Grutman, AutoTranslation , dans Mona Baker (d.), Routledge Encyclopedia of Translation Studies, London & New York, Routledge, 1998, p. 1720 ; Id., Selftranslation , dans Mona Baker, Gabriela Saldanha (ds.), Routledge Encyclopedia of Translation Studies, London & New York, Routledge, 2009, p. 257260 ; Id., Lautotraduction: Dilemme social et entredeux textuel , dans Atelier de traduction, n 7, LAutotraduction [Suceava], 2007, p. 219229 ; Id., La autotraduccin en la galaxia de las lenguas , dans Quaderns: Revista de Traducci [Bellaterra, Barcelona], n 16, 2009, p. 123134. 12 Quimera: Revista de literatura [Barcelona], n 210, Autotraduccin , 2002, . 13 In Other Words : The Journal of Literary Translators [Norwich], n 25, Self-translation , 2005. 14 Testo a fronte [Milano, Marcos y Marcos], Per il centenario di Samuel Beckett, (Andrea Inglese, Chiara Montini eds.), 2006. 15 Atelier de traduction, Autotraduction, 2007. 16 Traduo em revista [Rio de Janeiro], n 16, Autotraduo / Self-translation, (Maria Alice Antunes, Rainier Grutman, ds.), 2014. 17 Glottopol [Rouen], n 25, L'autotraduction : une perspective sociolinguistique , (Christian Lagarde, d.), 2015. 18 Parmi les tous rcents travaux sur le sujet nous rappelons le volume dit par Rainier Grutman et Alessandra Ferraro qui va paratre avec le titre : Lautotraduction littraire : perspectives thoriques chez Classiques Garnier. 19 Elle vient de publier avec Trish Van Bolderen une toute rcente bibliographie qui porte le titre de Self-Translation , dans Oxford Bibliographies in Latino Studies (Eva Gentes, Trish Van Bolderen, Self-Translation , dans Oxford Bibliographies in Latino Studies, 30 Septembre 2015, version enligne : http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780199913701/obo-9780199913701-0104.xml)

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    V

    publies dans les universits et les confrences prsentes par les spcialistes au sein de colloques20.

    Si lautotraduction a suscit un vif intrt auprs des critiques, elle devient de plus en plus le sujet dune rflexion mtalinguistique de la part des crivains qui pratiquent cette forme particulire de traduction. Souvent sollicits par les spcialistes, ils apportent sur le phnomne un autre regard, qui, de lintrieur du processus, claire cette ouverture du texte l autre langue. Leurs rflexions mtalinguistiques, qui se trouvent pour la plupart dans le paratexte de leurs uvres (Prfaces, Notes sur la traduction, Notes sur le langage) et dans les entretiens, donnent voir quel point la ngociation continuelle entre les langues et les cultures travaille contre une opposition irrductible la recherche dun espace de rencontre qui soit un espace de comprhension de l autre , dans une dimension collective, et de l autre en tant que soi , dans une dimension individuelle. En sinterrogeant, par exemple, sur la libert dont ils jouissent en tant que traducteurs deux-mmes, sur le rapport paradoxal qui lie leur texte dorigine la traduction et sur lautotraduction en tant que dmarche rvisionnelle, les crivains semblent formuler cest le cas illustr ici par Nancy Huston et par Madeleine Blais-Dahlem un mme dsir de se livrer un mlange didiomes, croisement qui dpasserait, de fait, la phase autotraductive de leur parcours littraire.

    20 Ces derniers se sont multiplis surtout partir des annes 2010 en produisant une riche bibliographie ; nous rappelons ici le tout premier qui sest droul en Italie et qui a t organis par Lucia Bertolini lUniversit de Pescara (2010) avec le titre Autotraduzione. Teoria e Studi tra Italia e Spagna (e oltre) suivi du colloque organis par Andrea Ceccherelli au Dpartement de Langues, Littratures et cultures modernes de lUniversit de Bologne (2011) avec le titre Autotraduzione, testi e contesti . La mme anne en France, Christian Lagarde lUniversit de Perpignan organisait le colloque Autotraduction : frontires de la langue et de la culture qui voyait la participation du groupe de recherche Autotrad actif lUniversit de Barcelone depuis 2002. En 2012 sest droul lUniversit de Udine un sminaire International organis par Alessandra Ferraro et intitul Lautotraduction littraire : perspectives thoriques , suivi par celui organis au Dpartement de Langues, Littratures et cultures modernes de lUniversit de Bologne en 2014 par nous-mmes et intitul : Autour de lautotraduction : un regard francophone . Au cours de lanne 2015 se sont drouls deux importants colloques au Canada qui ont consacr au sujet une place importante : il sagit de Transfiction 3. Les fictions de la traduction , organis par Judith Woodworth lUniversit Concordia de Montral et de La traduction littraire et le Canada , titre du XXVIIIe Congrs de lAssociation Canadienne de Traductologie (ACT) et organis par Madeleine Stratford, Nicole Cot et Danile Marcoux lUniversit dOttawa.

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    2. UN REGARD FRANCOPHONE SUR LAUTOTRADUCTION

    Comme le phnomne de lautotraduction peut se dire global, ce numro se focalise sur les aires gographiques dlimites par la prsence des langues franaises.

    En premier lieu le Canada francophone avec des auteurs comme Marius Barbeau, Marc Prescott, Madeleine Blais-Dahlem, Nancy Huston, Licia Canton et Gianna Patriarca. Leurs langues sont les grandes langues officielles : langlais et le franais, mais aussi les petites langues qui forment les constellations langagires de certains de ces auteurs ; comme, par exemple, le dialecte ciociaro de la rgion du Lazio, en Italie, ou bien le dialecte cavarzeran de la province de Venise. De l lautotraduction finit par dessiner une pratique qui donne voir des relations diffrentes et complexes entre les ralits globales et locales. Ltude sur Jalila Bacar montre que le franais laiss par le colonisateur peut devenir aussi une langue intime travers laquelle rechercher son identit. Enfin, la France de Vassilis Alexakis, mais aussi de DAnnunzio et de Samuel Beckett met en vidence quel point le franais est une langue dcliner au pluriel. Dans cette multiplication la langue de Racine se fait accueillante et senrichit de possibilits, de dons que le regard de lautre est le seul pouvoir apporter.

    Le numro souvre avec la contribution de Rainier Grutman ( Francophonie et autotraduction ) dans laquelle lauteur, en rflchissant au phnomne autotraductif en relation lespace francophone, montre la logique foncirement centripte de lautotraduction. Le critique observe que la direction privilgie par les crivains francophones est celle qui va de la priphrie (de la langue maternelle) vers le franais. Rainier Grutman sinterroge ainsi sur le choix des auteurs francophones en observant que, dans de nombreux cas, le franais sest ajout leur langue maternelle. Lautotraduction suit donc la direction de lapprentissage des langues plutt que celle de la traduction. Les conditions sociales, personnelles et politiques entrent en jeu dans ce choix, au point que lauteur de cet essai trace une distinction entre autotraducteurs migrateurs et autotraducteurs sdentaires . Le lexique emprunt lornithologie sert distinguer deux sortes dexpriences et de trajectoires des crivains autotraducteurs. Si les premiers ont ajout leur rpertoire linguistique une langue nouvelle, externe leur communaut dorigine, les deuximes se sont depuis toujours confronts lexposition simultane de deux langues qui forment la configuration sociolinguistique de leur communaut. Lautotraduction montre alors un projet diffrent pouvant rpondre une exigence et une exprience personnelle ou une option dj prvue par la configuration sociolinguistique de la communaut de lcrivain. Dans le premier cas de figure, Rainier Grutman range des crivains comme Nancy Huston et Samuel Beckett pour qui le dplacement vers un autre pays a comport une adaptation linguistique et culturelle ; il voque

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    ensuite des crivains comme Vassilis Alexakis, Anne Weber et Raymond Federman pour qui lexprience de lautotraduction a constitu une tape dans leur parcours individuel. Dans le deuxime cas de figure nous trouvons voqus des crivains belges, alsaciens, maghrbins, malgaches, hatiens, martiniquais, rwandais, maliens, camerounais et canadiens.

    Marius Barbeau appartient la catgorie de figure grutmanienne des autotraducteurs sdentaires. Auteur et ethnologue canadien-franais, il fait paratre dabord en anglais son tude sur la tribu amrindienne des Gitksan, peuple de la rivire Skeena en Colombie-Britannique, avec le titre de The Downfall of Temlaham (1928) et ensuite en franais (Le rve de Kamalmouk de 1948). Patricia Godbout ( Marius Barbeau et lautotraduction : le cas du Rve de Kamalmouk ), qui dcouvre ce cas dautotraduction, sintresse ce rcit semi-historique et son passage de ldition anglaise ldition franaise travers une traduction allographe de Marguerite Dor FranKel sous le traductionyme dHenri Auguste. Cette traduction, sorte de texte intermdiaire entre loriginal et son autotraduction, montre la gense du dsir de Barbeau de reprendre le rcit, paru en 1928, pour en faire une version franaise. Patricia Godbout analyse la correspondance entre la traductrice et lcrivain canadien-franais en montrant la position privilgie de lautotraducteur qui, seul, a accs lavant-texte et tout ce qui prside lcriture. Lcriture-rcriture de lhistoire de Kamalmouk a lintrt pour le critique de mettre en contact lauteur avec sa langue et son identit premires. Tout en revenant sur lui-mme lcrivain comble la distance entre les deux textes, distance perue parfois comme perte irrmdiable, par un glissement de lhistoire la littrature. La comparaison entre les deux textes donne voir une certaine inscription du rcit dans le systme culturel et linguistique daccueil, le Canada franais. Ltude des lettres que lauteur change avec sa traductrice autant que lanalyse dautres types de correspondances et des recensions de lautotraduction, montrent quel point ltude du paratexte reprsente pour lautotraduction un terrain fertile pour le chercheur qui a ainsi la possibilit dtudier le rapport entre les diffrents contextes et lopration translative. Dans le cas analys, le passage interlinguistique ne comporte pas de dplacement dans lespace mais un positionnement lintrieur dun paysage linguistique et culturel dont la configuration sociolinguistique est trs complexe.

    Autotraducteur sdentaire, Marc Prescott, auteur de thtre dorigine franco-manitobaine, change avec Louise Ladouceur ( Lautotraduction selon Marc Prescott : entre la fidlit soi et la cohrence de luvre dans lautre langue ) des propos concernant son criture et sa pratique autotraductive. Le critique souligne dans son introduction quel point lautotraduction de Prescott se prsente comme une forme de rcriture qui prolonge loriginal. Celle-ci se sert de lautotraduction pour une reconfiguration nouvelle qui vise une

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    cohrence propre la nouvelle version de la pice. Tout en recrant luvre dans lautre langue, Marc Prescott modifie les prmisses du texte source la recherche de la cohrence entre le propos de la pice et le public vis. Cet entretien montre quel point la question du public cible est fondamentale dans la pratique autotraductive autant que dans la pratique traductive tout court. Comme dj le soulignait Rainier Grutman, le passage lautre langue montre un dsir dinsertion dans le contexte daccueil. Le texte finit par obir une logique diffrente dans chaque langue ; chez Marc Prescott la version autotraduite finit par conserver les traces de la langue source qui est souvent invisible dans le contexte de la socit manitobaine. De lentretien mergent des thmes fondants de la pratique autotraductive, comme celui de lcart temporel dune version lautre, cart qui oblige lauteur revenir en arrire au moment o la premire version a t crite afin de rcuprer ltat desprit qui a dict sa composition. Ce retour la source et la gense de luvre premire peut tre loccasion de corriger des erreurs, mais aussi de se percevoir comme l autre avec qui instaurer un dialogue. Le processus, souvent dcrit par les autotraducteurs comme un parcours solitaire et pnible, devient, dans le contexte thtral, une uvre collective. Dans ce cas, lautotraduction se cre et se recre et les concepts doriginal et de traduction tombent au profit dune seule temporalit, qui est celle de la scne. Il ny a alors quune version qui a t crite avant lautre ; la deuxime version ne fait que prolonger la premire pour montrer que celle-ci est toujours inacheve.

    Un mme prolongement peut tre observ partir de louvrage La Macule/sTain de Madeleine Blais-Dahlem, dramaturge francophone de la Saskatchewan. Ce texte bicphale, contenant dans son dition la version franaise ct de la version autotraduite en anglais, montre que lautotraduction peut entrer dans le projet de cration ; cest bien dans le passage interlinguistique que se trouve le message de lauteur. Nous nous attachons ici ( Lautotraduction comme malheureuse ncessit : le cas de La Macule/sTain de Madeleine Blais-Dahlem ) dcrire ce projet en montrant le parcours que la dramaturge semble vouloir indiquer son lecteur. Chaque texte, qui met en scne un univers linguistique distinct, renvoie une situation de marginalisation, de sparation et de domination ; la distance entre lunivers francophone et anglophone parait irrductible. Cest dans le passage interlinguistique quun rapprochement entre deux ralits qui apparemment ne communiquent pas peut tre observ. En observant les stratgies traductives adoptes et illustres par lauteure mme, nous pouvons observer dun nouvel espace que lautotraduction finit par dessiner et qui semble parler de lespoir de lauteure de pouvoir redessiner les rapports de forces que les deux langues entretiennent dans la province canadienne de la Saskatchewan. Cest travers ltude comparative entre loriginal, son autotraduction et ltude des mtadiscours contenus dans la Prface et

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    IX

    la Note on Language and Translation contenues dans louvrage, quelle parvient conduire son analyse.

    En demeurant dans le contexte francophone du Canada, Valeria Sperti ( Vassilis Alexakis et Nancy Huston au miroir de lautotraduction ) compare la pratique autotraductive de Nancy Huston celle de Vassilis Alexakis. Exemple dautotraducteurs migrateurs, bilingues tardifs, sont deux exemples dune autotraduction atypique, bidirectionnelle et contemporaine lcriture de loriginal. Ces cas de figure montrent quel point la question de la motivation est capitale dans la pratique autotraductive ; souvent cest une exprience personnelle, comme lexil, qui pousse lcrivain traduire ses propres textes. En parlant de pulsion lautotraduction , Valeria Sperti entrevoit un mme dsir de contrle sur le texte chez les deux crivains quelle tudie en parallle. Un autre trait qui lie Nancy Huston et Vassilis Alexakis est la recherche dune position par rapport au systme culturel daccueil. Pour les deux auteurs, enfin, la travers autotraductive finit par crer deux originaux ns du passage interlinguistique. Le rapport entre lcriture et lautotraduction est tudi surtout dans luvre de lcrivain dorigine grecque, tandis quen se penchant sur la production de Nancy Huston larticle montre quel point, travers la lecture des diffrences entre les titres anglais et franais, lcrivaine canadienne donne voir un dsquilibre significatif entre ses langues et ses cultures qui, gnratrices de fiction, salternent et se rivalisent.

    Pour lcrivaine montralaise Licia Canton, Se traduire au quotidien , est possible dans une ville comme Montral, ville de traduction, comme nous le rappelle Sherry Simon dans ses rflexions sur le rapport entre la ville qubcoise et ses langues. Licia Canton traverse sa galaxie linguistique en passant du vnitien de lenfance litalien de la communaut dorigine et du franais du Qubec langlais parl Montral. Cest la ngociation continue au quotidien entre ces langues et les cultures dont elles sont porteuses qui se retrouve dans ses textes cratifs. Pour elle, passer dune langue lautre cest proche de la rcration de ces textes ; en passant par des dtours, elle finit par sadapter sa langue de traduction. Mais parfois le sujet du pome dicte sa langue et ne permet aucune traduction, comme dans le cas du pome en italien Chi non viene crit en italien et en franais, mais qui rsiste langlais.

    Pour Gianna Patriarca ( La langue lintrieur de mes langues ) le franais nest quune langue du dcor dans lequel elle a grandi aprs avoir migr de lItalie. Cest cette exprience qui est lorigine pour lauteure dune dfinition problmatique de langue maternelle et de langue dadoption . De son point de vue lautotraduction est une exprience intressante, mais problmatique. Ses pomes, qui naissent dans la sonorit spcifique dune langue, difficilement trouvent un quivalent dans la mlodie dune autre langue. Lautotraduction est donc pour elle question de volont ;

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    X

    trouver le mot exact, lexpression et la mtaphore les plus appropries pour se traduire dune langue lautre, demande de se mettre lcoute des sonorits des langues. Chacune delles est porteuse dune personnalit spcifique laquelle la potesse prte sa voix. Le pome nait donc aussi, selon Gianna Patriarca, de la rencontre entre la diffrence de statut de ses langues. De laccessibilit du dialecte ciociaro de la rgion du Lazio, qui na aucune prtention potique, litalien standard, la langue cultive des princes, la traduction joue sur la libert de faire communiquer des univers diffrents, mais qui sont l pour exprimer, pour danser et chanter en maintes langues le fantasme du son qui habite le pome.

    Chiara Lusetti ( Junun de Jalila Baccar : le personnage de Nun et lexpression du Moi entre arabe et franais ) prsente un cas dautotraduction au Maghreb entre larabe et le franais en proposant ltude de Junun, uvre de lauteur tunisien Jalila Baccar. Cette pice thtrale a t crite en arabe dabord et ensuite autotraduite en franais. Le personnage principal de la pice donne voir une dcomposition de son Moi intrieur. Cest cette expression intime, qui, tout en donnant vie des rsultats diffrents, parle dune mme alination. Dabord, le critique se penche sur la traduction franaise du pronom personnel qui en arabe indique le sujet, ensuite elle compare les pronoms personnels sujet employs dans les deux langues pour exprimer le conflit intrieur du protagoniste. Le cas de Jalila Baccar donne aussi voir quel point le passage dune langue lautre est conditionn par le genre littraire dans lequel lauteur choisit de sexprimer. Lautotraduction thtrale comporte en effet une attention accrue au systme culturel o se trouve plac le destinataire de la pice. Cela fait en sorte que souvent les deux textes sloignent significativement. Les exigences de la scne portent invitablement des variations significatives. Enfin, comme dj pour Gianna Patriarca, chez lauteur tunisien aussi, cest la musicalit diffrente des deux langues qui finit par faire diverger les deux textes.

    Le numro se clt sur quatre contributions qui analysent lautotraduction chez des auteurs europens. Fabio Regattin ( Quand les prfixes se cumulent : la pseudo-auto-traduction ) sattache dcrire le cas de I Shall Spit on your Graves, la version anglaise de Jirai cracher sur vos tombes passe lhistoire comme lautotraduction de Boris Vian. Le critique se penche aussi sur luvre de Gabriele DAnnunzio qui, le long de sa carrire, crit plusieurs pices en franais et qui affirme avoir autotraduit quelques uvres de thtre. En interrogeant le concept dautotraduction la lumire de ces deux tudes de cas, Fabio Regattin sinterroge sur le mcanisme qui porte juger des traductions qui sont de fait des traductions allographes, comme sil sagissait dautotraductions. Cest en passant par une possible dfinition de pseudo-autotraductcion que lauteur de larticle cherche le rapport entre celle-ci et la pseudo-traduction. Il arrive conclure que la pseudo-autotraduction nest pas

  • Avant-propos.

    Pour une cartographie de l autotraduction

    Intefrancophonies, n 6 | Regards croiss autour de lautotraduction , Paola Puccini, d., 2015, www.interfrancophonies

    XI

    un leurre et quelle affecte plusieurs catgories dcrivains quils soient auteurs, biographes ou critiques.

    Martina Della Casa ( Lesthtique dun corpus bilingue : en moi il y a toujours eu deux pitres. criture et auto-traduction chez Beckett ) revient au cas emblme de lautotraduction : Samuel Beckett, en montrant quel point chez lui la libert de lautotraducteur permet lauteur de sengager dans un parcours cratif o toutes les possibilits peuvent tre prises en compte. Les maints changements, qui visent liminer ou bien ajouter des lments du texte, bouleversent la dichotomie entre loriginal et la traduction et donnent voir linachvement du processus de lcriture. Cest en explorant les principes, les modes et les effets du processus autotraductif, que Martina Della Casa arrive proposer une lecture de cette pratique comme une forme extrme dhistrisation de lcriture.

    Tout en restant sur lanalyse de lautotraduction chez Samuel Beckett, Gisela Bergonzoni ( Company/ Compagnie de Samuel Beckett : face un miroir dformant ) analyse le bilinguisme de lauteur en focalisant son attention sur lentre-deux-langues . Dans cet espace dintersection, les deux textes provoquent un curieux effet de transmutation o le franais se teint danglicismes et o on reconnait des gallicismes dans luvre en anglais. En analysant les deux versions de Compagnie, Gisela Bergonzoni montre comment lautotraduction chez Beckett constitue une vritable potique de rcriture. En se servant de limage du miroir dformant, lment prsent dans la version tlvise de la pice Quoi o, elle dmontre comment les souvenirs denfance du personnage de Compagnie subissent une mtamorphose dans le passage dune langue lautre. Cette image se lie la thmatique de la mmoire ; lvocation du pass par lapparition des souvenirs pose lintressante question de lautotraduction comme forme dautobiographie. Miroir rvlateur, la nouvelle version produite dans lautre langue est le fruit dun dtour, dun loignement critique par rapport au Moi. Le bilinguisme beckettien peut donc tre considr comme un dtournement de soi o les rfrences autobiographiques de lauteur subissent une mise distance dans la traverse des langues.

    Vassilis Alexakis, ( Cest un peu lhistoire qui a dcid de moi , propos changs avec Valeria Sperti) auteur dexpression franaise dorigine grecque, sexprime ici sur ses proccupations majeures lies sa pratique autotraductive. Pour lauteur sautotraduire comporte des difficults pratiques qui concernent, par exemple, la traduction dexpressions idiomatiques, de lhumour et de rfrences culturelles en gnral. Lopration autotraductive est pour Vassilis Alexakis loccasion dadresser un message diffrent ses deux publics. La mention traduit par lauteur ne lui sert quune seule fois au moment o il dsire faire savoir au public franais que cest bien le grec sa langue maternelle. Question dauthenticit ? Question dautobiographie ? Le devenir autre semble ne pas lintresser ; ce

  • Paola Puccini

    Intefrancophonies, n 6 | Regards croiss autour de lautotraduction , Paola Puccini, d., 2015, www.interfrancophonies

    XII

    qui lintrigue cest plutt son rapport au pass, lenfance ; temps rvolu que le voyage interlinguistique lui permet sobserver dune certaine distance productrice des nouvelles possibilits.

    Du Canada francophone lEurope, en passant par le Maghreb,

    ce numro a voulu se pencher sur des tudes de cas concernant des crivains qui partagent la langue franaise. Dans ces aires francophones du monde, lautotraduction, quil sagisse dcrivains migrateurs ou sdentaires, dessine souvent des rapports ingaux entre le franais et les autres langues avec lesquelles il entre en contact.

    Dun point de vue historique, cest la priode qui va du dbut du XXe sicle nos jours qui a t la plus explore.

    Quant la carte didentit du phonme autotraductif, la carte qui rassemble tous les questionnements que cette aventure dans laltrit fait surgir, le phnomne observ depuis notre perspective a contribu sinterroger sur des questions dfinitoires dans le but de dessiner les contours thoriques du phnomne en contexte francophone. Les tudes des cas prsentes ont eu le mrite de circonscrire le rapport entre original et traduction et entre lautotraduction et la rcriture.

    Elles ont aussi rflchi lautotraduction comme au moyen qua lcrivain de contourner son propre Moi dans une sorte dautobiographie rebours. Enfin la voix des crivains francophones, que nous avons enregistre ici, confirme que cette forme particulire de traduction parle dune mme histoire de reconnaissance. Comme nous le rvle Vassilis Alexakis, le concept de langue maternelle est revoir ; pour lui, la langue maternelle nest pas forcment celle de la mre mais plutt la langue du pays o lon nat.

    PAOLA PUCCINI (Universit de Bologne)