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L'Autre. Études réunies pour Alfred Grosserby Bertrand Badie; Marc Sadoun

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L'Autre. Études réunies pour Alfred Grosser by Bertrand Badie; Marc SadounReview by: Régine AzriaArchives de sciences sociales des religions, 44e Année, No. 108 (Oct. - Dec., 1999), pp. 35-37Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30127442 .

Accessed: 16/06/2014 09:18

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

anglais, puis sont traduits dans les principales langues de l'Inde) que nombre d'enfants des classes moyennes ont d6sormais accas a l'his- toire comme aux traditions religieuses de leur pays, I'image qui en est donn6e 6tant toujours de nature t plaire au plus grand nombre et a ne heurter aucune conviction. L'6diteur de la sdrie entend bien, de fait, donner a celle-ci un r81e 6ducatif int6grateur, contribuant a l'avbne- ment d'une Inde multiculturelle unie - oj, tou- tefois, comme le note l'auteur de l'6tude, on ne peut gubre << disentangle indianness from hinduism >. La communication de S.S.W., a The Saints Subdued: Domestic Virtue and National Integration in Amar Chitra Katha >, d6crit bien (avec des illustrations a l'appui) la mfme sorte d'6dulcoration de l'image des saints de l'Inde a des fins aussi bien oecum&- niques que commerciales (cf. Arch., no 104.43).

D'autres contributions m6riteraient d'atre ci- t6es. Pour rester bref, on ne fera que noter, dans la section << Audio Recordings >>, une 6tude sur les qawwali du Pakistan et une autre sur la v6ritable explosion r6cente de la diffu- sion des cassettes enregistr6es d'hymnes et de chants d6votionnels divers qui, formant un fond sonore omnipr6sent, contribuent a la cr6a- tion d'une culture musicale et religieuse de base malant formes classiques, musique < fil- my >> et chants populaires. La cassette enregis- tree tend aussi, souvent, a remplacer la parole (et la pr6sence) vivante du maitre spirituel: a on cassette rather than live >, selon la for- mule de S. L. Marcus. D'oi un rapport diff6- rent a la parole religieuse (et mame rituelle), qui peut d6sormais atre partout et n'importe quand pr6sente. Mais, si l'effet, 1, est unifica- teur, le cofit minime des cassettes permet aussi de les utiliser pour conserver, diffuser, des thb- mes r6gionaux, des ballades populaires, et done de renforcer des identit6s locales (au dd- triment toutefois des bardes et chanteurs itin6- rants, traditionnels porteurs de ces cultures).

Enfin, dans la section a Visual Medias >>, on touche au r61e que peut avoir le cindma indien dans la creation d'une a film religious cul- ture > acceptable par tous - et d'abord par la censure, toujours trbs vigilante. Le r81e le plus important y serait moins celui des films my- thologiques, sp6cialiti indienne bien connue, que celui de l'imbrication, dans presque tous les films, d'dl6ments religieux et quotidiens. Le cin6ma aurait ainsi un r81e plus conserva- teur qu'innovateur - mame si un film a pu, il y a quelques ann6es, contribuer a la naissance du culte d'une nouvelle forme de la d6esse, Santoshi Ma. La t6l6vision a, 1l aussi, un im- pact important, qu'6tudie Ph. Lutgendorf a pro-

pos de la diffusion par la t61lvision d'Etat, a la fin des ann6es 1980, d'une adaptation de l'dpop6e du Ramayana, en une centaine d'dmissions, dont le succas fut ph6nominal. Or ces 6missions 6taient reques bien souvent dans un esprit v6ritablement religieux : << for most Indian viewers, the Ramayan serial was not simply a program to 'see', it was something to do - an event to participate in a. C'est 6gale- ment devant un poste de tl6vision religieuse- ment orn6 de guirlandes de fleurs que se rassemblent d6votement (dans le monde entier) les membres du mouvement Swadhyaya pour recevoir les messages, diffus6s en vid6ocasset- tes, du sage Athavale: int6ressant exemple d'un mouvement religieux oii la participation en groupe a la parole et a la pr6sence du maitre peut se produire n'importe oil, hors de sa pr&- sence physique.

Ce recueil est tout a fait intiressant tant par les cas d6crits que par les problbmes qu'il pose - qui mariteraient d'ailleurs de faire mainte- nant l'objet d'une nouvelle 6tude, une douzaine d'ann6es apras la p6riode envisag6e ici.

Andr6 Padoux.

108.8 BADIE (Bertrand), SADOUN (Marc), 6ds.

L'Autre. Etudes r~unies pour Alfred Gros- ser. Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1996, 318 p. (bibliogr.).

La r6flexion sur l'altirit6 est partie prenante d'une analyse des identit6s et de leur mode de construction. C'est ce qu'affirment, a juste ti- tre, dans leur introduction, les maitres d'oeuvre et, partant, le biais par lequel procade cet ou- vrage en hommage a Alfred Grosser. Politistes avant tout et observant le monde avec les lunettes du politiste, ils affirment que l'Etat- Nation a marque l'6tape essentielle et d6cisive dans la dramatisation de l'altiritd : au sein de la socidtd nationale et de l'espace public, I'in- dividu est citoyen avant d'atre l'Autre, porteur de diff6rences priv6es devenues secondaires; mais hors de cette communaut6 nationale, l'Autre devient brutalement un 6tranger, une personne fondamentalement diff6rente, irr&- ductible au droit commun. Ils concadent cepen- dant que l'altarita n'est pas seulement une invention politique. El6ment d'action et d'af- firmation de l'individu, elle trouve sa place et sa raison d'atre partout, y compris dans les tra- ditions religieuses (analys6es par R. Drai pour le judaisme et H. Madelin pour le christia- nisme), y compris dans l'approche historienne (R. R6mond) et la r6flexion philosophique,

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

pour laquelle l'Autre est une cat6gorie philo- sophique (T. Leterre). Parachevant le tour d'ho- rizon des domaines d'opdrationnalisation de la notion d'altdrit6, Jean Leca pose la question de la neutralit6 axiologique dans la d6marche scientifique en analysant la distinction entre l'autre propre A la a nature physique a et I'au- tre propre A la a nature sociale >, tandis que J.-M. Donigani et M. Sadoun proposent une analyse du libdralisme en posant l'altirit6 (s6- paration des individus, des instances, des pou- voirs et des sphbres) au centre de son principe de fonctionnement des relations politiques et sociales.

Dans une seconde sdrie d'articles, l'Autre est saisi par la nation, le droit, les m6dias. A. Chebel d'Appollonia aborde la question des identit6s nationales en prenant pour angle d'ap- proche les morales de l'Autre : la pluralitd des d6finitions de l'Autre a pour corollaire la pluralit6 des morales, la diversit6 des valeurs de r6f6rence, des prdfirences, des hierarchies de sentiment ou d'all6geance. Pour rendre ac- ceptable l'in6vitable coexistence avec l'Autre, il faut se r6fdrer A un nous privil6gi6, dit-elle, mais non exclusif, un nous qui A la fois oppose et inthgre les morales de l'Autre. Ainsi, les id6es de nation et d'identit6 nationale sont-el- les devenues les lieux par excellence de l'alt&- rit6, l'Autre 6tant consid6rd non seulement comme diff6rent mais comme de moindre m6- rite ou valeur. Les esprits les plus universalis- tes du XVIIIP sibcle eux-mfmes n'ont pas r6sist6 A la tentation d'invoquer 1'<< esprit des nations >, attribuant A chacune des caractbres propres et collectifs, faisant ainsi converger la nation 6tatique et la nation culturelle, sans pr$- ter attention au fait que l'homog6nditd interne A la nation n'est qu'une illusion. C'est des cons6quences et des difficultds de cohabitation crides par cet aveuglement et ces malentendus que traitent respectivement C. Wihtol de Wenden et P. Perrineau. La premiere dvoque l'Autre au quotidien. Cet Autre, 6tant l'Arabe, le musulman, le clandestin, I'exclu, I'immigr6, A la fois proche et lointain; le second, les r&- ponses, A savoir le nationalisme comme refus de l'Autre, aux incertitudes identitaires provo- quies par la perte des rephres due aux distruc- turations sociales. Quant A J.-L. Quermone, il confronte l'identitd r6publicaine au pluralisme et au f6ddralisme, montrant ainsi les diff6rentes rdponses apportdes A la question de l'alt6rit6 en d6mocratie. D. Lochak fait entrer l'Autre dans la r6flexion du droit et met le doigt sur le paradoxe suivant: l'impossible ddn6gation de l'alt6rite et l'ambigui't de la reconnaissance de l'alt6rit6 au regard du droit.

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Enfin, dans une troisibme partie, P. Hassner oppose A cette figure de l'Autre que sont les rdfugids, dont le nombre ne cesse de croitre et qui sont de plus en plus souvent sans refuge, une figure qui reste A inventer et A faire accep- ter par la communautd internationale, A com- mencer par la communaut6 europdenne, celle du citoyen cosmopolite. B. Badie d6nonce la fagon dont l'Occident a construit l'alt6ritd d'un monde musulman pergu comme l'Autre qu'on n'aime pas, qui fait peur et en mime temps fascine, selon trois modes (altdriti imaginde, stratdgique, m6thodologique). Le paradoxe de I'alt6ritd, dit-il, tient A l'attitude curieuse qui consiste A prater A l'Autre des traits constitu- tifs d'une identit6 pdrenne tout en consid6rant comme 6vidente sa capacit6 d'int6grer des sys- tbmes de sens et des pratiques issus d'une his- toire qui n'est pas la sienne. J.-P. Derriennic montre le difficile 6quilibre A maintenir entre int6gration, assimilation et pr6servation des diffdrences dans le cas du Canada et de sa pro- vince frangaise, le Qu6bec. J.-L. Domenach d6- construit les <<alt6rit6s chinoisesa que la sinologie du milieu des annies soixante avait mises en avant dans sa volont6 de l6gitimer le maoifsme, et montre que le r61e historique des fondateurs de la sinologie actuelle aura 6t6 de r6aliser la rupture radicale avec ce type de glo- rification de l'Autre, en d6montrant, A partir d'itudes documentdes, que la Chine a simple- ment v6cu sous un joug totalitaire. La contri- bution de M.-C1. Smouts nous invite A une r6flexion sur la mondialisation, avant que T. Todorov n'offre en guise de conclusion un plai- doyer pour le module rdpublicain de coexis- tence des cultures au sein d'un m~me Etat; module qu'il oppose au module communautaire ou multiculturel, mettant en garde de ne pas confondre ordre social et ordre 16gal, de ne pas fixer les appartenances ethniques ou culturelles dans un carcan 16gal, de ne pas emprisonner les individus et de ne pas figer les cultures. N6cessit6, dit-il, de distinguer entre identifica- tion affective (ordre social) et contrat de soli- darit6 (ordre 16gal), le cadre social affectif (langue, religion, origine) convenant au besoin d'appartenance, tandis que le cadre 16gal doit &tre rigi par les principes d'6galite et de jus- tice.

Si l'ouvrage est riche et invite A la riflexion, on regrette cependant que d'autres sp6cialistes n'aient pas 6td convi6s eux aussi A la table de ce banquet dress6e en l'honneur d'Alfred Grosser: des sp6cialistes de la littdrature et de l'art en g6n6ral bien stir, qui auraient beaucoup A dire sur la question, mais aussi des ethnolo- gues (qui est l'Autre de ces Autres lointains

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ou proches ?), et pourquoi pas des sociologues, des d6mographes ou des statisticiens, friands de cette catigorie poubelle et/ou r6siduelle pr6- sente au bas des tableaux chiffrds, oii se trou- vent rdunis par n6cessitd et indigence tous ces << Autres > ou < autres a (justiciables ou non de la majuscule), SDF des sondages, marginaux des pourcentages, exclus et laissis pour compte de la cat6gorisation, anonymes sans identitd si- non sans papiers. Suggestion pour un Autre banquet ou, plut6t, pour un resto du coeur de l'altdritd, en pr6vision des froids i venir...

R6gine Azria.

108.9 BADRAN (Margot).

Feminists, Islam and Nation. Gender and the Making of Modern Egypt. Princeton (N.J.), Princeton University Press, 1995, 352 p. (bibliogr., index).

L'objet essentiel de cet ouvrage est de d&- montrer que l'dmergence d'une conscience f6- ministe et l'apparition d'un mouvement f6ministe en Egypte sont des di1ments d6cisifs dans la construction de la nation moderne dgyptienne. Mais en mime temps, I'auteur a voulu souligner le fait que ce mouvement eut une histoire propre. Les points de vue adoptis par M.B. - supportds par une riche documen- tation- permettent de ddvoiler un dcheveau complexe de compr6hension. Nous n'envisage- rons ici que ce qui relbve du rapport i la reli- gion islamique, et plus pr6cisiment d'une refiguration de l'islam comme religion du sta- tut personnel.

On peut diviser l'histoire du mouvement f6- ministe dgyptien en deux moments. Le premier moment, 1880-1920, est celui d'un militan- tisme caritatif, philanthropique, mais aussi d'une volonte de mettre en place un r6seau d'institutions d'enseignement pour les femmes. En un mot, il s'agissait essentiellement - par la rdalisation d'une solidaritd propre et d'une 6ducation partagde - d'acc6der i un espace pu- blique seulement occup6 par les hommes. Les deux figures majeures de ce moment 6taient Hfida Sha'rawi et Nabawiyya Mfisa. La sortie de la sphere du priv6 fut l'acquis essentiel du travail acharnd de quelques femmes militantes issues des classes dominantes; mais ddji une autre tendance se faisait jour pour que, plus prioritairement, ffit red6fini l'espace du priv6.

Le deuxibme moment, entre 1920 et 1940, fut celui de la cohabitation, i la fois n6cessaire et difficile, entre une mouvance politique et une mouvance pragmatique, dirig6e par Na-

bawiyya Mfisa. Les pragmatiques, dans le cadre des associations philanthropiques exis- tantes, se concentrbrent sur l'entraide sociale, d'abord auprbs des femmes pauvres travaillant dans les villes (crkches, accs B la m6decine, etc.), puis dans les campagnes. Les politiques, portdes par les espoirs de la rdvolution de 1919, tentbrent de peser dans la riforme du sta- tut personnel qui s'amorgait alors. Les deman- des des f6ministes visaient i dtablir un age minimal l6gal pour le mariage, restreindre la pratique de la polygamie, crder une loi sur le divorce, ddnoncer le devoir d'ob6issance abso- lue de la femme envers son 6poux, revoir ce qui touchait A la garde, par leur pare, des en- fants, etc. Mais au total, les &checs des politi- ques furent largement aussi nombreux que leurs victoires. Ce qui bougea, ce qui effecti- vement changea, touchait i l'dducation des filles et t l'affirmation de la place de l'6pouse dans la famille large, au d6triment de l'autoritd traditionnelle de la belle-mbre (mbre de I'6poux). Ce qui ne bougea pas, ou ne changea que tris lentement, concernait plut6t la cellule familiale 6troite (hi6rarchie entre les conjoints, autorit6 sur les enfants, etc.).

L'A. analyse ces r6sistances en termes de pesanteur de la tradition. Certes. Mais cette ex- plication globale risque d'oblitdrer certaines sp6cificit6s de revendication et de masquer l'un des traits les plus marquants de la pdriode 1920-1940. C'est que nombre des rbgles que ces revendications dinongaient 6taient scriptu- raires, relevant soit de la coutume prophdtique (sunna) soit du Coran. Or ces anndes 1920, en Egypte (comme en Turquie notamment), furent celles oi~ la discussion fut la plus vive et la tension la plus forte i propos de ce qui cons- tituait la Loi sacr6e. Le ddbat 6tait d6ji ancien, mais jusqu'alors il avait 6t6 confin6 dans la sphere sp6culative; d6sormais, il devenait ju- ridique. L'id6e initiale de ce ddbat avait 6t6 que la rdforme (politique, sociale), dans les pays d'islam, 6tait une ndcessit6, mais que seu- les certaines rbgles ou dispositions 6taient rd- formables, alors que d'autres ne l'6taient pas. L'argument 6tait schimatiquement le suivant: I'islam est A la fois religion (din) et monde (dunyd), il est A la fois culte et r6alisation mon- daine; la prospdrit6 du monde musulman 6tant le garant de cette r6alisation. Mais le constat de d6cadence 6tant 6tabli - un retour a la pros- p6ritd du monde musulman demeurait cepen- dant possible mais il ne pouvait s'engager que par un retour t l'application des lois musulma- nes. La rdforme 6tait ainsi considdrde comme ndcessaire, et elle 6tait conque comme un che- minement vers la puret6 de l'islam. Ainsi, un

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