L’échelle ADBB: intérêt en recherche et en clinique de l ... · PDF filebébé de deux à trois mois à l’altération de la relation qui se produit lors de l’ex-périence

Embed Size (px)

Citation preview

  • Mdecine& enfance

    CARENCE DE SOINSMATERNELS, SPARATION,RETRAIT RELATIONNELET DPRESSION CHEZLE BB : HISTORIQUE,CONFUSIONS, DIFFICULTSCONCEPTUELLES

    Malgr un usage devenu frquent de-puis une vingtaine dannes et bien quilsagisse dune notion clef en matiredvaluation clinique, la dpression dubb reste un concept mal dfini, sanscritres ni outils fiables dvaluation de-puis la description initiale par RenSpitz de la dpression anaclitique [1]. Defait, la dpression prcoce est difficile reconnatre, dans sa smiologie tout encreux , comme le disait Lon Kreisler[2], de mme quelle est difficile imagi-ner et supporter pour les parents com-me pour lobservateur. Le retrait et la

    dpression prcoces donnent voir unbb tout seul et renvoient lobservateur une situation angoissante et difficile-ment reprsentable. Cette difficult envisager la dpression prcoce est mettre en relation avec sa situation sin-gulire dans le champ de la psychopa-thologie. En effet, la dpression prcocea fond le champ de la pdopsychiatrie,avec galement la mise en vidence delautisme infantile, peu prs au mmemoment, tant par Kanner [3] aux Etats-Unis que par Asperger en Autriche etpeut-tre auparavant par des cliniciensrusses. Juste avant et aprs la DeuximeGuerre mondiale, laccent est mis sur leseffets de la carence de soins maternelledans les pouponnires pour enfantsabandonns, puis aprs la guerre sur leseffets des sparations prcoces prolon-ges. Cest donc une clinique de la ca-rence de la sparation et du retrait quiinaugure le champ spcifique de la psy-chopathologie prcoce et qui prfigurelimportance qui sera donne ensuite

    la dimension du lien, de la relation dob-jet, de lattachement et des interactionsprcoces parents-enfants. Parallle-ment, de grands systmes de pense sedgagent en psychanalyse, la suite deluvre fondatrice de Freud, qui vonttous reposer sur une conception spci-fique du dveloppement prcoce et durle de la sparation dans lapparitiondu dveloppement psychique propre delenfant. Mlanie Klein [4] propose unsystme dans lequel la position dpressi-ve fonde le rapport lobjet total ,cest--dire la personne, lautre consi-dr comme un tout. A sa suite, Winni-cott [5] fit jouer un rle essentiel la no-tion de vitalit, celle dempitementsur le dveloppement et la dpressionmaternelle comme cause de distorsiondu dveloppement de la personnalit( faux self ). Sans aller plus loin dansla description des diffrents systmesexplicatifs du dveloppement psychiqueprcoce, quil sagisse de Spitz [1] et deses organisateurs du dveloppement

    La notion de dpression chez le bb a pris une place importante en cli-nique depuis une vingtaine dannes, avec la reconnaissance croissantede la place et de limpact des interactions prcoces, et de la possibilitde souffrance relationnelle. Cependant, cette notion reste confuse ; il estdifficile daffirmer quand commence la dpression prcoce et quel estson devenir, et il nexiste pas de critres de diagnostic valids avanttrois ans, ni doutils de dpistage. Le retrait relationnel est une notionqui existe depuis longtemps dans la littrature (Spitz, Fraiberg, Bowlby),et il semble important de le dpister tt. En effet, le retrait relationnelest en soi un risque pour le dveloppement, en plus de la gravit pos-sible de la cause du retrait, qui peut tre dorigine relationnelle, doriginesensorielle ou organique, ou tre lie lassociation de ces deux typesde facteurs. Le retrait nest pas facile dpister tt. En collaborationavec la PMI du 14e arrondissement de Paris, nous avons labor un ins-trument dvaluation et de dpistage du retrait relationnel au cours delexamen pdiatrique : lchelle ADBB (alarme dtresse bb ), dont luti-lisation et la validation sont prsentes ici.

    Lchelle ADBB: intrt en recherche et en clinique de lvaluation du comportementde retrait relationnel du jeune enfant

    A. Gudeney, service de pdopsychiatrie, hpital Bichat-Claude Bernard, Paris ([email protected])M. Vermillard, puricultrice, service de PMI de lInstitut de puriculture de Paris

    juin 2004page 367

  • prcoce (le sourire, langoisse de ltran-ger, le non et le oui), de Bowlby [6] et durle majeur de la sparation et de latta-chement, de Lacan [7] avec lide du sta-de du miroir comme fondant laconscience de soi, de Stern [8] et du d-veloppement du sens de soi avec lautreou de bien dautres encore, la questionest de savoir ce qui existe au dbut dufonctionnement mental. La notion dedpression prcoce est alors essentielle,ainsi que ses relations langoisse de s-paration prcoce et l angoisse deltranger, car elle peut contribuer clairer la question des origines de lapense en clairant sur ses prrequis.Cependant, chacun de ces auteurs r-pond la question des dbuts de la viepsychique avec ses prsupposspropres, et cela amne diverses dfini-tions de la dpression. Do une certai-ne confusion, qui nuit la rechercheempirique sur la question. Il peut yavoir identit entre les modes de rac-tion du bb et ceux de ladulte ou dugrand enfant, sans que les mcanismespsychopathologiques soient pour autantles mmes. Il sagit de savoir si lon pri-vilgie la recherche des points com-muns et celle dune continuit dpressi-ve possible entre le bb et ladulte, ense basant sur le retrait et sur le ralentis-sement psychomoteur, ou si lon secentre plutt sur les diffrences, sur leversant du dveloppement psychique etsur la prsence dune relation suffisam-ment labore lobjet. Finalement, ladpression et langoisse de sparationprcoces opposent dans leur compr-hension les tenants dun systme dem-ble organis et conflictuel ceux quien tiennent pour un modle construitsur la base des relations interperson-nelles, et opposent ceux qui considrentla pulsion comme lment dynamique ceux qui en font lconomie, au profitde la notion de programme, commeBowlby [6] ou Widlcher [9].Pour Bowlby [6], la dpression prcocenest pas directement leffet de la spara-tion mais celui de la conviction de soncaractre irrmdiable, avec le rle cen-tral de la perte despoir et du sentimentdimpuissance. Avec Roberston [10], il

    met en vidence la squence essentiellede la protestation, de la dpression et dudtachement, face linterruption pro-longe du lien dattachement, comme lefilm John la pouponnire en tmoignede faon si pathtique. La clinique ac-tuelle montre et la persistance du ta-bleau de la dpression anaclitique, et lapossibilit de carences intrafamiliales ouinstitutionnelles, quand lenfant ne peutrecevoir suffisamment dattention sen-sible dans un lien dattachement fiable,que ce soit du fait de lorganisation tropparcellise des soins dans une poupon-nire, du fait de la multiplicit des inter-venants autour dun jeune enfant, ou dufait dune pathologie de la relation pa-rent-enfant. Les relations parent-enfantpeuvent tre altres en raison dvne-ments traumatiques, en particulier dedeuils, du fait dune pathologie mentaledes parents, en particulier de la dpres-sion maternelle, mais aussi, comme cefut prcocement not, du fait dune pos-sible atteinte organique du bb gnantses possibilits de rsilience face la s-paration ou la carence. De nombreuxtravaux rcents se sont attachs prci-ser les effets de la dpression maternellesur le dveloppement prcoce [11-14].Lexprience dite du visage immobile( still face ) [13, 14] montre bien leffetde figement chez le bb de trois mois,qui proteste devant linterruption et laviolation de ses attentes dans linterac-tion, se fige et se dsorganise. Les tudeslongitudinales actuellement menescherchent tablir si la dpression ma-ternelle peut accrotre le risque dpres-sif chez les enfants, en plus des effets surle dveloppement cognitif. Enfin, les ta-bleaux de malnutrition protino-calo-rique du type du kwashiorkor [15] ou, enOccident, de certains cas de retard decroissance sont trs vocateurs de d-pression, que celle-ci soit la cause ou laconsquence des troubles nutritionnels.Les tudes rcentes insistent sur les rap-ports entre troubles nutritionnels ettroubles de lattachement, surtout sur lemode dit dsorganis [16].Cette diversit clinique et thorique au-tour de la dpression prcoce expliquela raret de sa prise en compte dans les

    systmes actuels de classification dia-gnostique, du fait de labsence de cri-tres valids et doutil dvaluationfiable [17]. Cela a conduit sintresserau concept de raction de retrait rela-tionnel durable chez le jeune enfant,comme concept la fois plus large quecelui de dpression prcoce, et plus op-rationnel, et qui peut apparatre commele prcurseur de la dpression prcoce.

    LE CONCEPT DE RETRAITRELATIONNEL PRCOCE

    La premire description clinique ducomportement de retrait durable chez lejeune enfant en dehors de lautisme ap-partient Engel et Reischman [18], en1956, avec le cas clbre de Monica,ge de dix-huit mois. Atteinte dune fis-tule sophagienne et nourrie par sondeen attendant le rtablissement de lacontinuit digestive, Monica souffre derelations trs perturbes avec sa mre.Celle-ci est trs gne par la sonde, et el-le est aussi trs dprime, isole et mal-traite par son mari. Monica est hospita-lise dans un tat svre de retrait etdanorexie, avec un retard staturo-pon-dral et dveloppemental important. El-le prsente une angoisse nette devantles trangers et un tat que lon dcriraitmaintenant comme un attachementdsorganis [16]. Cependant, elle dve-loppe un attachement de plus en plusnet vis--vis de son mdecin, et son vo-lution ultrieure, favorise par celle desa mre et de leur relation, sera pluttpositive et sera suivie par Engel pendantvingt-cinq ans. Engel et Schmale [19]proposent que la raction de conserva-tion/dpression retrait de lnergie soitun processus dfensif de base pourconserver lnergie dans les situationscritiques. Fraiberg [20] avait dcrit unmcanisme de dfense analogue, le fige-ment, observ ds lge de trois moischez des enfants soumis des situationsrelationnelles trs pathologiques. Mena-hem [21] dcrit deux cas de retrait inten-se chez des enfants avec un retard decroissance svre. On a vu que le retraitest un lment majeur de la rponse