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Différences et Fraternité n ° 25 Métier Et ailleurs ? Église et Foi Société Vie culturelle Vie de l’association ISSN 1969-2137 Octobre-Novembre-Décembre 2014 10 €

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Différences et Fraternitén°25Métier

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Site de CdEP : www.cdep-asso.org

Éditorial (M. Nicault) ................................................. p 3“Fraternité”, un concept à remettre à la mode(M.-I. Silicani) ............................................................. p 4

MétierDifférences et fraternité : Entre élèves .................... p 67

En salle des prof (C. R.) .. p 7Répartitions de classes (B. Lepage) ........................ p 6-7Dans la vie des classes (P. L.) .................................. p 8L’École inclusive (S. Feuilladieu, A. Gombert) ......... p 9

Église et FoiIl viendra, le Jour (P. Emmanuel) .............................. p 13Célébration œcuménique (B. & G. Forhan) ............. p 14La Franc-Maçonnerie en France (P. Pistre) .............. p 16Le déni (recension par C. Guilbaud) ........................ p 17 Laissons libres nos enfants (M. et A. Martin) .......... p 18

SociétéDe l’humanité en HLM (S. Cahen) ........................... p 19Fraternités numériques (I. Tellier) ............................ p 20Le tchat ...................................................................... p 21La laïcité, espace pour vivre ensemble,espace de diversité (J.-L. Gourdain) ......................... p 22

Relecture BibliqueLa pédagogie du Christ dans son entretienavec la Samaritaine (H. Renard) .............................. p 24

Et ailleurs ?Donner sens à la solidarité (A. Pinto) ...................... p 26Quand les muets parlent etles sourds entendent... (P. Eluard) ........................... p 29Sur le chemin de l’école (S. Paquet) ........................ p 30

Vie culturelleLivres, musique ......................................................... p 31Livres d’enfants (C. Guilbaud et C. Réalini) ............. p 34

Vie de l’associationFin des travaux (C. Antoine) ...................................... p 35Enseignants de quatre continents (S. C. et P. M.) ... p 36Art, spiritualité et éducation, à Kranj (C. Le Coz).... . p 37Moulins : changer de regard (M. Lesquoy) ............... p 38Saint-Étienne : faire mémoire ! (H. L. et J. X.)........... p 39Ristolas : “La guérison du monde” (A.-M. Baffi)....... p 40Rencontre nationale - SIESC-FEEC............................ p 41L’école de la République (recension de S. Paquet) . p 41

IconographieSi tous les enfants du monde… (A. Gobenceaux) ... p 42

Sommaire

2 Lignes de crêtes 2014 - 25

Lignes de crêtesest la revue de Chrétiens dans l’En-

seignement Public, résultat de la fu-sion des Équipes Enseignantes et dela Paroisse Universitaire.

Elle s’adresse à ceux qui se sententconcernés par l’école et les questionsd’éducation, qui ont le souci de nourrirleur foi pour faire vivre leurs engage-ments et éclairer leur regard sur lemonde.

Directeur de publication : Anne-Marie Marty - Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse n° 0217 G 81752 du 7 juin 2012Imprimerie Chauveau-Indica, 2 rue 19 Mars 1962 - 28630 Le COUDRAY

Prochain numéro La Bienveillance Souffler / Respirer. Ressourcement spirituel Violence de la société / Violence institutionnelle Souffrance des enseignants

Abonnement à Lignes de crêtesnormal

(non-cotisants)36 €

réduit (cotisants,aumôniers)

25 €

soutien à partir de 40 €

étranger 40 €

Cotisation à Chrétiens dansl’Enseignement Public

Merci de libeller votre chèque à l’ordre

de Chrétiens dans l’EnseignementPublic et de l’envoyer à :

Chrétiens dans l’Enseignement Public

67 rue du Faubourg-Saint-Denis

75010 Paris - tél : 01 43 35 28 50

traitement mensuel cotisation

1000-1500 € 80 €

1500-2000 € 120 €

+ de 2000 € 160 € ou plus

Cotisation minimale annuelle de 40 €Cependant, nous vous proposons de dé-terminer le montant de votre cotisationen fonction de vos possibilités. Vous trou-verez ci-dessous un tableau donnant desindications de montant.

Page 1 de couverture : Marie-Aimée La FayPage 4 de couverture : Suzanne Cahen

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Où est passée la fraternité ?Dans un sondage encore récent,l’attachement des Français aux va-leurs de leur devise républicaine serépartissait ainsi : 47% pour la li-berté, 36% pour l’égalité, 14% pourla fraternité. Un autre présentaitcomme préférence “liberté/éga-lité/justice”. Pourquoi un tel effa-cement ?

Dans le titre de ce dossier pour-tant, les Différences précèdent laFraternité. “Bien entendu que noussommes tous les mêmes puisquenous sommes tous humains, maisnous ne cessons de différer les unsdes autres”, disait un artiste il y apeu. Plutôt que d’abord brandir unprincipe, nous avons choisi de partirde réalités qui nous nourrissent maisaussi sur lesquelles nous butons.

La Genèse place au début del’aventure humaine la question dufrère, à la fois force et soutien, et ri-valité première. Se reconnaîtred’une même famille, accepter quel’autre soit mon alter ego n’est pastoujours facile. À une époque oùl’individu prime, où les grands ras-semblements sont soumis auxsoupçons de manipulation, la fra-ternité est un test pour le vivre-en-semble parce qu’elle concerne“chers voisins” et collègues de tra-vail, mais aussi concitoyens etétrangers, non choisis voire impo-sés, proches ou lointains. Parcequ’on n’est pas “frères en CDD”,qu’elle dépasse les simples coupsde gueule ou de cœur, la fraternitéest une gageure tout sauf libérale,à l’opposé du “j’aime” de publicitéset réseaux sociaux. La construiredemande un vrai travail faisantappel à des valeurs qui transcen-dent nos choix personnels.

Mais elle peut aussi se vivredans la fête d’une course réunis-sant tous les niveaux, handicapéset pros, déguisés ou sérieux. Elle serencontre et conforte dans l’action,régulière ou ponctuelle, pour unbut commun, dans les balades etrepas partagés. On ne peut pas

dire que notre humanité ne lacherche pas. Par sa mobilité, notresociété nous permet égalementd’élargir nos familles de cœur oud’esprit ; par le virtuel, elle démul-tiplie les possibles. Ouverture fruc-tueuse, avec le risque cependantde déprécier l’espace proche alorsque la proximité réelle est parfoisplus difficile.

George Sand aurait dit-on pré-féré le mot solidarité au terme fra-ternité, trop chrétien, pas assezlaïque à son goût. Mais parfois onbute sur une inversion des valeursattendues : grande solidarité entreriches, ou fractures entre pré-caires… “On assiste à la naissanced’un monde urbain à plusieurs vi-tesses, avec des lieux d’enferme-ment, des ghettos qui autour d’euxirradient de la peur, des régionsriches qui vivent de la société duloisir, et des zones intermédiairesou anciens pays industriels plus oumoins en déséquilibre. Quand l’en-tre-soi, la ghettoïsation des richescomme des pauvres l’emportentsur la mixité”1, comment redonnerle goût de la fraternité ? La loi seulene suffit pas à moraliser, elle a be-soin d’un soutien social. Commentne pas rentrer dans le jeu de miseen opposition de l’arène média-tique ? Quel “rapport anxieux auxautres” pousse par exemple les“classes moyennes d’aujourd’hui àsurinvestir pour continuer à ‘fairela différence‘, alors que 50% d’en-tre elles ont des parents d’originemodeste ?”2. Quels arguments peu-vent justifier un vivre-ensemble ?Est-ce légitime de proposer, ou secontenter d’un vivre-ensemble li-mité ? Questions qu’on ne peutévacuer, confrontées au vécuconcret de chacun.

Les “enfants de Jules Ferry” sontégalement interrogés : l’Éducationnationale a ses décrocheurs.Même si la société marchandecherche à capitaliser sur la nostal-gie, l’école n’a “plus rien à voir avecce qu’elle était dans les années

1950. Elle n’est plus réservée àune élite et toutes les catégoriessociales ont bénéficié de l’éléva-tion du niveau d’éducation des an-nées 1950 à la fin des années1980. Et pourtant, la France est undes pays où le milieu social in-fluence le plus le niveau scolaire.Les programmes scolaires valori-sent la culture des catégories so-cialement favorisées”3. Projeterdes populations dans l’humiliation,c’est créer des graines de violence.“On oublie que l’incivilité est unprocessus interactif. Un systèmeéducatif ne peut fonctionner avecdes héros qui gèrent les problèmesdans leur coin. Les formations autravail en équipe sont plus ur-gentes et indispensables que lesformations de gestion de crise”4.Une équipière CdEP donnait sensainsi à la notion de prochain :l’élève, mais aussi le collègue, leparent, le surveillant, l’homme deménage… La prise en compte glo-bale par notre ministère des “qua-torze métiers de l’éducation”sera-t-elle une des réponses ?

Protéger le mouvement plutôtque les positions acquises, garderle sens d’une société pour tous,non contre certains, n’est pas fa-cile. Par son accueil de la dé-maî-trise, son refus de la condes-cendance, la fraternité peut aussiêtre un pansement sur nos fragili-tés personnelles et collectives, unchemin de transfiguration.

Mireille NicaultNovembre 2014

1/ Tiré de propos des sociologues Oli-vier Mongin, membre de la rédactiond’Esprit et du réseau Métropolitaines,et Jean Viard, Nouveau portrait de laFrance.2/ Eric Morin, Les nouvelles classesmoyennes.3/ La France aux deux visages, Rap-port 2014 de l’Observatoire des inéga-lités pour Emmaüs.4/ Eric Debarbieux, Observatoire Inter-national de la Violence à l’École.

3Lignes de crêtes 2014 - 25

Éditorial

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constitué, comme un fossile em-prisonné dans un morceau d’am-bre. C’est leur combinaison quidonne la valeur à l’ensemble. Tou-tefois, aucune coopération, aucunéchange ne se font entre les deuxconstituants.

Transposée dans la vraie vie,cette belle image renvoie à tous lesdispositifs visant à faire vivre en-semble des gens très différents,en les juxtaposant, et en les inci-tant à être plus fraternels. L’inten-tion est louable. Est-elle réaliste ?

votre originalité”, de l’autre, onvous serine que la solution à tousles problèmes de société tientdans la mise en œuvre du “Vivreensemble”. Il faut donc vivre en-semble en étant différents. C’estce qu’on appelle “l’inclusion”,principe qui définit aujourd’hui lestatut des enfants handicapés àl’école. Dit autrement, c’est uncorps étranger dans un groupe

Dans ma ville, des programmesde rénovation urbaine (les PRU)sont en train de transformer radi-calement le paysage et la vie deshabitants. Ils font suite aux en-quêtes qui ont révélé une fâ-cheuse tendance à la ghettoïsationdes quartiers, chaudron de toutesles précarités. Cette situation n’estévidemment pas le fruit du hasard.C’est le résultat de la politique deslogeurs qui ont délibérément ras-semblé en un même lieu toutes les

populations en difficulté. Avecles résultats que l’on sait.

Aujourd’hui, les PRU font lepari que la mixité sociale vaapaiser les cités. Certes, lesconditions de logement sesont améliorées. Apparte-ments neufs, maisonnettes, ontpoussé sur les décombres desanciennes barres. Mais les attri-butions de logements ne se fontpas dans la transparence, d’oùdes tensions entre les habitants,les anciens, les nouveaux et ceuxqui sont en transit.

À bien y regarder, les reloge-ments tendent à recréer les si-tuations précédentes. Quandelles le peuvent, les personneschoisissent leur nouveau loge-ment en fonction des voisinsqu’elles souhaitent avoir ou pas.Et on retrouve les habitants detelle entrée, dans telle partie duquartier. Les liens qui ont été éta-blis précédemment, se poursuiventpar delà les déménagements. Lesnouveaux arrivants sont perçuscomme des étrangers et il leur estbien difficile de trouver leur placedans les structures existantes.D’ailleurs, les informations neleur parviennent pas. On resteentre soi.

“Fraternité”,un concept à remettre à la mode

4 Lignes de crêtes 2014 - 25

frontières. Quelques années plustard, la tendance s’inverse. C’estla mixité qui doit être promue par-tout et à tout prix : mixité sociale,mixité intergénérationnelle, mixitéfille/garçon, mixité homme/femme, mixité culturelle...

Mais paradoxalement, il nes’agit pas de gommer les indivi-dualités, car la richesse d’ungroupe tient aux individus qui lecomposent.

D’un côté, l’on vous dit : “Culti-vez votre différence, développez

Au début des années 2010, oncraignait de voir la société devenirune juxtaposition de cases ayantchacune des conditions d’accèsparticulières. En effet, l’idée quiprévalait, c’était qu’il fallait mettreensemble ce qui était semblableet surtout empêcher que des élé-ments étrangers ne viennent trou-bler l’ensemble, d’où l’élévationde murs et le renforcement des

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Pour retisser le tissu social, ondemande aux associations pré-sentes sur les territoires d’élabo-rer des projets pertinents. Dessubventions y sont attachées.

L’intergénérationnel est à lamode. C’est ainsi qu’à Sedan, despartenariats se nouent entre leshabitants d’une résidence pourpersonnes âgées et des jeunessuivis dans le cadre du PRE (Pro-gramme de Réussite Éducative).Idée fort louable. Les deuxgroupes se rencontrent autour dejeux de société. Un autre projet au-tour d’un échange de chansonsles amène à participer à un spec-tacle musical. Un des centres so-ciaux a monté une choraleintergénérationnelle.

Là aussi la situation est para-doxale. D’un côté l’on dit qu’il fautcréer des liens de solidarité entreles générations ; mais de l’autre,on légifère sur la fin de vie, la find’une vie dans la dignité ! Serait-ce à dire que la solidarité n’estpossible qu’avec les bien-por-tants, ceux qui marchent, jouent,chantent ? Ceux-là sont, commeles enfants handicapés à l’école,des perles dans la société. Pourles autres, dès lors que leurs fa-cultés diminuent, que leur santédécline, il ne reste que “la fin dansla dignité”. Drôle de Vivre Ensem-ble, drôle de fraternité !

Notre monde estainsi fait de

bonnes idéesfaussées

Vivre ensemble, c’est être en re-lation. C’est un poncif que de direque notre Terre est devenue un vil-lage où tout le monde peut com-muniquer avec tout le monde. Êtreen lien est donc essentiel. Der-rière leur ordinateur, i-Phone, i-Pad, les jeunes sont en relation.

De chaque côté de leur console,tout en gardant leur individualité,ils font partie de groupes, de ré-seaux. Pour autant vivent-ils en-semble ? Développent-ils unefraternité entre eux ?

C’est un leurre de plus, presqueun mensonge. Ces relations vir-tuelles n’ont rien à voir avec leVivre ensemble. La preuve : lessites de rencontres. La plupart dutemps, les contacts via internet seconcrétisent dans un rendez-vousen vrai. Cela montre bien qu’on nepeut se satisfaire de ces relationsen ligne, qu’un échange véritablenécessite, à un moment ou àautre, une présence réelle. C’estainsi que la solidarité avec des po-pulations éprouvées peut être mo-bilisée par les témoignages devictimes.

Nous vivons dans un monde defaux-semblants et d’intentionsprétendues bonnes. Noussommes bombardés d’injonctionscontradictoires, paradoxales ;celles qui rendent un peu fouquand on veut les tenir ensemble.

La fraternité est un beau motqu’il faudrait remettre à la mode.Et si nous reparlions de solidaritédans les cités, dans les entre-prises, dans les communes et lesrégions ? Bel exemple que la réor-ganisation régionale ! Projet lancépour rétablir des équilibres, pourêtre plus fort face au reste dumonde, il se traduit par des refusde s’allier avec la Champagne Ar-dennes, par exemple, parcequ’elle est pauvre ! Et certains dé-partements le sont plus encoreque d’autres !

On ne peut pas décréter la soli-darité, encore moins la fraternitéqui demande à voir dans l’Autre,son frère. Même les épreuves par-tagées ne sont pas un ciment in-destructible. Croyez-vous que nosconcitoyens soient solidaires deceux qui sont venus d’Afrique ou

d’ailleurs pour aider notre payspendant les guerres ? En paroles,peut-être ou pour ceux qui les ontvécues.

La crise aujourd’hui ne nousrend pas plus solidaires les unsdes autres. Les délégués syndi-caux le déplorent : il n’y a plus desolidarité entre les travailleurs.Chacun se préoccupe d’abord desa propre situation. C’est cela quiexplique l’apathie de l’ensemble.

Alors ? Il n’y a pasd’espoir ?

Les grandes manifestations ré-centes montrent qu’il n’en estrien. Si la résistance à la crise éco-nomique est si faible, c’est que lasituation paraît incontrôlable etsans solution pour le commun desmortels. Chacun se sent impuis-sant face à la finance et dans l’in-compréhension la plus totale.Comment concevoir le niveau dela dette publique de la France ?Plus de 2 000 milliards d’euros.Elle croît de 4 640 euros à chaqueseconde, et représentera 98% duPIB en 2015. Cela pose sur la têtede chaque habitant une dette de30 385 euros ! (données tirées dePlanetoscope : statistiques mon-diales en temps réel). On rêve...

Mais quand il s’agit des valeursfondamentales de notre société,alors on assiste à un réveil desconsciences. Les questions dumariage pour tous, de la procréa-tion médicale assistée, de la ges-tation pour autrui, de l’euthanasie,ont révélé qu’une action collectiveétait possible.

Le chacun pour soi peut être dé-passé. Encore faut-il croire quenous avons prise sur nos vies.

Marie-Inès Silicani6 novembre 2014

Charleville-Mézières

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On pourrait croire que laisser aux équipes pédago-giques d’une même discipline la liberté de se répar-tir les classes va de soi et constitue une marque deconfiance et de responsabilité. Mon expérience mon-tre le contraire. Non que les équipes auxquelles j’aiappartenu ne soient pas capables dans leur majoritéd’établir cette répartition sans confrontation, mais onse heurte fréquemment à un ou deux collègues quitrouvent toujours le moyen de contourner les prin-cipes et s’arrogent ainsi des sortes de prés carrésqu’il est difficile de déconstruire. Il existe d’abord unesorte d’inégalité des classes devant les collègues. Ily a celles qu’on désire en lettres, la première et la ter-minale littéraires, par prestige ; celles dont on ne veutpas, à cause des options défavorables, ou de sériesmoins appréciées. Il faut remarquer que les horairesjouent beaucoup : la première L, à six heures, permet

à un certifié (18 heures) d’avoir moins de classes,tandis qu’une première STMG à trois heures ajouteparadoxalement plutôt des heures supplémentaires àun service. Il y a aussi les classes dont on ne veut pasen raison d’un programme qui déplaît, ou qui exigebeaucoup d’investissement.

Les stratégies mises en place pour s’arroger lesclasses peuvent venir de la déconsidération impli-cite d’un collègue : imaginez le “blanc” et le malaisequi s’installent lorsque celui qu’on “n’attendait pas”réclame une classe que les autres ne souhaitentpas lui attribuer (et je vous passe les réflexions quitentent de justifier l’inacceptable). Il serait bon d’ail-leurs que certains collègues arrogants voient un peucomment, à l’examen, se trouvent jugés leur travail,et leur descriptif d’oral. Cela les ramènerait à plus

Répartitions de classes

Métier

6 Lignes de crêtes 2014 - 25

Différences et fraternité :Entre élèves

Par le plus grand des hasards, ilse trouve que nous avons cetteannée deux élèves affectés dusyndrome d’Asperger (dit “autismede haut niveau”) en 1ère, classe oùles élèves doivent travailler en-semble, par petites équipes de 2à 4, pour les TPE (travaux person-nels encadrés). Appelons-les Éliseet Baptiste. Dans l’une desclasses, la réaction première etspontanée des élèves a été deprendre en compte la “différence”d’Élise, qui en a parlé en coursdès le début de l’année, en pré-sentant son “cas”, non sans hu-mour d’ailleurs ; et en TPE, descamarades se sont tout de suiteportés volontaires pour l’intégrer àleur équipe. Ce qui est un mouve-ment généreux, mais n’est ensuitepas facile à gérer au jour le jour...Dans une autre classe d’une autresérie, au contraire, le recul et laméfiance ont été d’emblée mani-

festes : “Mais c’est une épreuvede Bac, la note compte, elle estimportante ; si l’on a Baptistedans notre groupe de TPE, ça vafaire baisser notre note !” etcomme par hasard, toutes leséquipes de TPE se sont consti-tuées... laissant Baptiste de côté.Lequel, parce qu’il a des difficul-tés de socialisation, ne se voyaitpas travailler avec d’autres, et en-visageait très bien de mener sesrecherches de son côté. Cela sa-tisfaisait apparemment tout lemonde ; mais ce n’est pas du toutl’esprit des TPE !

Il revient à mes collègues ensei-gnants, encadrant ces TPE, d’ac-compagner tous ces élèves, sansles juger, dans leur parcours. Ilfaudra aux adultes souplesse etfermeté, vigilance et doigté, pourfaire évoluer Baptiste et sa classe,et les mener vers un vrai travaild’équipe ; et pour soutenir

l’équipe d’Élise quand elle trou-vera son choix difficile à assu-mer... C’est là qu’on retrouve toutela grandeur et la technicité du mé-tier d’instit’ ou de prof (j’emploieces deux mots, si galvaudés, ex-près) : comme le disait Montaigne,parlant du précepteur idéal : “Jevoudrais que [...] selon la capacitéde l’esprit dont il a la charge, ilcommence à mettre celui-ci sur lapiste [...] parfois lui ouvrant le che-min, parfois le lui laissant ouvrir.[...] Il est bon qu’il le fasse trotterdevant lui, pour juger de son al-lure, et voir jusqu’à quel point ildoit descendre pour s’adapter àses possibilités”. Guider nosélèves sur les chemins de la fra-ternité, malgré et avec leurs diffé-rences, quelle haute et bellemission !

C. R.Île-de-France

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Métier

7Lignes de crêtes 2014 - 25

S’il est un moment toujours dé-licat entre collègues, c’est leConseil d’Enseignement au coursduquel doit se décider, plus oumoins à l’amiable, la répartitiondes classes pour l’année scolairesuivante. Charge ensuite au Provi-seur de valider ou de réorganisercette répartition établie par les en-seignants. Quand je suis passéede collège en lycée, n’ayant évi-demment pas participé au C.E. delettres de juin au lycée, je me suisvu attribuer quatre classes et qua-tre niveaux : une 2nde, une 1ère gé-nérale, une 1ère techno, et lesBTS... deuxième année, ceux del’examen ! Pas très cool pour unedébutante en lycée. Je me suisjuré que cela ne se reproduiraitpas pour les suivant-e-s (TZR, rem-plaçants, ou titulaires fraîchementnommés).

Mais c’est plus facile à dire qu’àfaire ! Parmi les collègues, il y a eubeaucoup de renouvellement, jesuis aujourd’hui l’une des plus an-ciennes, et heureusement, en let-tres plus personne ne défend son“pré carré”, “sa” classe de ceci ou“sa” série cela. Les classes tour-nent davantage entre nous. Cu-rieusement d’ailleurs, ce n’est pastant pour “avoir” telle ou telleclasse que les discussions s’ani-ment, que pour “ne pas avoir” declasses estimées “difficiles”, soità cause de l’effectif (toutes les2nde à 35 ou 36 élèves cette annéeencore ! ce qui me fait bouillir :pour les “faibles”, c’est un massa-cre !), soit à cause du faible niveaude motivation et de travail desélèves en français, donc du “pu-blic difficile” (par ex., les techno,les BTS 1 et 2...). Comme mes sixcollègues de lettres, j’ai aussi dumal à faire totalement abstraction

Différences et fraternité :en salle des profs

de mon intérêt personnel (avoirtelle classe à faible effectif ; outelle autre qui a plus d’heuresdans ma matière) pour penser “in-térêt commun”, et surtout intérêtde celui ou celle qui n’est pas au-tour de la table, qui va arriver à laprochaine rentrée, et à qui on a unpeu tendance à “laisser” ce dontpersonne ne veut vraiment... Cen’est pas aisé non plus de vivre lafraternité et la solidarité, avec dessituations différentes (l’une dé-bute dans le métier, et parfois enlycée ; l’autre a de jeunes enfants ;une autre des parents âgés, ma-lades, éloignés...). Il faut se battrecontre sa tendance naturelle àl’égoïsme ; néanmoins, je sensbien plus le souci de l’autre et detoutes qu’il y a 14 ans, quand jesuis arrivée : c’est déjà ça.

C. R.Île-de-France

d’humilité. Mais surtout, le fin du fin, c’est de met-tre en place chaque année l’indéboulonnable projetpédagogique concocté avec un collègue qui officiedans le même type de classe et qui, au sein dulycée, devient une véritable institution. Tout béné-fice : on passe pour travailler (ce qui n’est pas for-cément faux), on contribue au prestige del’établissement...

Le rôle du proviseur serait de veiller à faire tournerles classes (après tout l’organisation des services estde son ressort), mais on voit le “scandale” que celaprovoquerait dans les habitudes prises ainsi outra-gées. Notez bien que cela pourrait être la menace ef-ficace d’un coordonnateur soucieux d’être juste, etlassé de voir les mêmes s’attribuer les mêmesclasses. La fonction de justice du coordonnateurn’est-elle pas essentielle ? C’est dans l’harmonie quechacun développe ses talents, et les équipes ont be-soin de cette harmonie à laquelle nuit une répartition

injuste : néanmoins l’idéal des principes est bien sou-vent rejeté, confronté à la pratique et à la logiqueconcrète des répartitions. Que faire, quand le rappeldes principes s’avère inefficace ? Peut-être commeJésus, se faire des amis des amis de l’argent. Ruserpour instaurer le juste : c’est ce que les quelques an-nées que je viens de passer comme coordonnateurm’ont appris. Par exemple proposer un projet péda-gogique autre pour bloquer une classe de L, rappelerle principe d’une conservation des classes sur deuxans pour réserver la seconde L et associer au projetdéjà existant un autre collègue. Évidemment le dan-ger reste que le collègue à qui l’on retire “son privi-lège” ne s’insurge ou, mystère des renversementsd’alliance, ne soit à son tour rejeté. Faire régner lacohésion d’un groupe et la justice, voilà qui n’est passimple, et une tâche de plus pour certains profs !

Bernard LepageMaine-et-Loire

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Métier

8 Lignes de crêtes 2014 - 25

Que j’aimerais apporter une pe-tite pierre dans l’éducation demes élèves à la fraternité ! Oui,mais comment ? Les discours àtendance moralisatrice, qu’ilssoient préparés ou improvisés,parfois sous le coup de l’émotion,ont-ils quelque vertu ? À proposd’une moquerie, d’une insulte,d’un geste déplacé, voire d’un vol ;pour déplorer l’absence de priseen charge d’informations et de do-cuments à destination d’un élèveabsent ; pour opposer la faussesolidarité qui triche au contrôle àla vraie sollicitude qui le prépareavec un plus faible ; à l’occasionde l’élection des délégués declasse où l’on brosse le profil dubon samaritain pour éviter que lescrutin ne plébiscite un bonimen-teur ou un caïd… quelle portéeréelle ont ces sermons laïques enl’absence de texte fondateur par-tagé et commenté ? Force est dereconnaître qu’ils sont en généralreligieusement écoutés, à condi-tion sans doute qu’ils ne se bana-lisent pas. Et que certainesévolutions individuelles ou collec-tives laissent parfois penser quecertains points ont été entendus.Bref, que tout n’a pas été vain.

Mais les manifestations les plusspectaculaires surgissent souventd’espaces de liberté laissés auxélèves. Les séances de travaux engroupes révèlent ainsi non seule-ment des talents pédagogiqueschez certains d’entre eux (allantjusqu’à regrouper leurs équipiersautour du tableau pour donnerplus de poids à leurs explications),mais aussi des élans de fraternitéd’autant plus touchante qu’elle estspontanée et gratuite. Que de tré-sors de patience, d’imagination,

d’énergie, de tendresse même !Ces heures filent d’ailleurs telle-ment vite que nous regrettons tousqu’elles prennent fin. Certes, toutn’est pas parfait, loin de là : dubruit, du mouvement, avec tou-jours le risque et la tentation de ladispersion ; mais ce sont aussi desmoments où les plus fragiles trou-vent une place d’autant plus faci-lement que d’autres les prennenten charge d’égal à égal, côte àcôte, dans une relation deconfiance qui permet une disponi-bilité et une écoute fructueuses.

Je me souviens aussi de laséance finale d’un cycle d’acrosportà laquelle mon collègue d’EPSm’avait invité. Par groupes de qua-tre à six, les élèves d’une classe deSeconde avaient préparé des en-chaînements collectifs à caractèreà la fois gymnique et chorégra-phique, sur une durée imposéemais avec une totale liberté demouvements (dans un corpus enpartie prédéfini), de musique ac-compagnatrice et de costumes.Tous y avaient trouvé une vraieplace, quels que fussent leurs phy-siques et leurs aptitudes sportives,

dans une égale dignité, et dans unsouci bien visible de travailler en-semble, pour mettre en commun lemeilleur de chacun au service dubeau et de l’émotion esthétiquecréés par le groupe. Pas facile pour-tant pour des adolescents de s’ex-primer chacun avec son corps, etsurtout de faire corps avec celui desautres. Mais cette fois-là, l’alchimieavait eu lieu (ce n’est pas toujoursle cas ; les réticences vont parfoisjusqu’au refus d’enlever ses chaus-settes pour ne pas laisser voir sespieds nus) et tous les groupes sem-blaient touchés par une grâce d’au-tant plus émouvante qu’on la savaitpassagère. Oubliés les désaccordsde la phase de conception, les com-bats pour vaincre les difficultéstechniques, les heures de répétitionpour mémoriser les enchaînementset atteindre à la fluidité requise !Sans esprit de compétition, dans leseul but d’offrir aux autres groupeset aux enseignants spectateurs unmoment de contemplation et dejoie, chaque équipe s’était surpas-sée, dans un formidable élan decommunion fraternelle.

P. L.Île-de-France

Différences et fraternité dans la viedes classes

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Survol historique etdescriptif

Comment ont évolué les repré-sentations et pratiques dansl’école inclusive ? Selon le regardqu’on a sur les personnes, on agitou pas : comment former au plusvite et au mieux les enseignants ?Il y a le poids des représentations.Une loi peut-elle faire évoluer versun paradigme inclusif ?

La loi de 2005 correspond à unvéritable choix de société : côtoyertout le monde ou ne pas croisercertains.

La société française a connu unephase ségrégative jusque dans lesannées 70 ; puis phase intégrativede 1975 à 2005 ; et enfin unephase inclusive depuis 2005.

Un survol historiquerapide

Phase 1 : dans l’Antiquité, onabandonnait les bébés malformés,au Moyen Âge, l’infirmité était vuecomme l’incarnation du mal, maisen même temps, on com-mençait à accueillir ceuxqui en souffraient dans leshospices religieux.

Au XVIIIe, l’importancedes sciences et de la philo-sophie renforce l’accentmis sur les soins et l’édu-cation. Il ne faut pas ou-blier qu’aux XIXe et XXe,eugénisme et exclusion or-ganisés apparaissent enparallèle.

Phase 2 (1975) : l’éducation detous devient une obligation natio-nale, se concrétisant par une poli-tique d’intégration scolaire, desprojets, partenariats, commis-sions... En 1989, la loi de l’éduca-tion, prend en compte l’hété-rogénéité, donc le handicap. Lesannées 90 voient la création desCLIS et ULIS1.

Phase 3 : l’école tend à être in-clusive depuis la loi de 2005.Cette loi a été rédigée en lien avecl’international et l’Europe : laFrance s’est accordée avec les di-rectives internationales dontcelles de l’Unesco, et celle del’OMS de 2001.

Vocabulaire etreprésentations

Le handicap n’est pas unique-ment la déficience, mais aussi lalimitation d’activités et la limita-tion de rôle social.

Le handicap est avant tout unproblème de santé pour un indi-vidu, mais il dépend aussi de fac-

teurs liés au contexte. Il a donctrois dimensions : les déficiencescorporelles, la limitation des acti-vités quotidiennes, la restrictionde la participation dans des rôlessociaux.

En effet la question de l’accès àla vie sociale fait qu’on peut êtreplus ou moins handicapé selonune même déficience. La définitiondu handicap est donc médicalemais aussi sociale. C’est pourquoi,plutôt que de handicap, on parle de“situation de handicap”.

En développant deux filières dis-tinctes la Belgique a fait un choixde société autre, mais les deux fi-lières ne se côtoient pas. À l’in-verse, l’Italie a une politiqueinclusive depuis 1975.

Ségrégation signifie séparationdes individus d’un groupe seloncertains critères.

Exclusion signifie non seule-ment qu’on sépare des individusmais aussi qu’il y a affaiblisse-ment ou rupture du lien social (ex :Belgique, IME en France). L’indi-

vidu est mis à part de la so-ciété.

Inclusion signifie accepta-tion d’un individu dans ungroupe (on case un enfantdans une classe mais c’esttout).

Intégration signifie inclusiond’un individu dans un groupemais aussi faire exister un liensocial entre les membres dugroupe : appartenance et liensont tous les deux positifs.

L’École inclusiveQu’est-ce que c’est ?

Quel impact sur les pratiques des enseignants ?

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9Lignes de crêtes 2014 - 25

Voici un compte rendu de l’intervention à la fois dynamisante et éclairante d’Anne Gombert et SylvianeFeuilladieu à la session d’été des actifs. Merci à elles d’avoir relu nos notes.

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Que dit la loi du 11février 2005 ?

Le droit à l’accessibilité aux ins-titutions est ouvert à l’ensemblede la population ; la société ac-corde en outre le droit à la com-pensation des conséquences duhandicap.

Faire société ensemble et faireécole ensemble font désormaispartie du domaine du droit, sontdésormais cas de jurisprudencepour permettre l’accessibilité dusavoir à tous : c’est-à-dire, pournous enseignants, obligation del’apport pédagogique à tous.

En France, le principe de l’uni-versalité hérité de la Révolution,aboutit au principe d’égalité. Pourl’adapter, on fait de la discrimina-tion au sens neutre. Pour inclure, ilfaut faire varier les contextes d’ap-prentissage : c’est le principed’équité. Donc le souci d’égalitéest ici combiné à la mise en placede moyens relevant du principed’équité. Avant 2005, on deman-dait aux élèves de s’adapter à lanorme, au système, pour rejoindreune classe ordinaire. Maintenant,on demande au système et auxenseignants de s’adapter.

Les représentationssociales autour duhandicap

La société inclusive soulève desquestions éminemment sociolo-giques et humaines. La représen-tation sociale, c’est le regard quenous portons sur ce que nous neconnaissons pas, selon les idéesreçues traînant dans notre so-ciété. C’est un cadre de référencefort et commun, très ancré, diffi-cile à modifier.

Quelques exemples :

Pour 14 % des Français, l’ac-cessibilité est trop chère (son-dage de 2006).

L’opinion publique est pluscompréhensive face au handicapmoteur qu’au handicap mental.

Un Français sur deux penseque c’est une affaire de profes-sionnels spécialisés. Les besoinssont définis comme des moyenshumains et de la formation ou in-formation avant tout.

Certains opposent l’altéritéphysique (l’autre est différent demoi, je vois l’autre comme diffé-rent) et l’altérité sociale. La défi-cience mentale est assimilée àl’incapacité de sociabilité, por-teuse de danger pour la société.

Selon une étude (le livre datede 2005 mais relate une étudeconduite à la fin des années 70,devenue un classique de la psy-chologie sociale) faite en milieurural des représentations de lafolie vont avec une vision ma-gique, l’évitement du matériel,une symbolique proche des fi-gures médiévales de l’intoucha-ble et de l’inconnu.

L’altérité du malade est por-teuse de danger, avec crainte decontamination par le contact, dé-térioration par le mélange. Legroupe se place contre, en posi-tion défensive.

Tout cela renvoie aussi aux re-présentations sociales du métierd’enseignant. Il faut une réflexionsur “c’est quoi enseigner ?”. Lesreprésentations orientent les pra-tiques, mais la pratique influeaussi sur les représentations.N’oublions pas que les nouvellesgénérations d’enseignants ont pucroiser des enfants en situation dehandicap à l’école.

Les politiques scolaires ac-tuelles, dans l’objectif d’une Écoleinclusive pour tous, élargissentl’inclusion au champ des BEP (=Besoins Éducatifs Particuliers). Lalogique est donc, quand on mettous les enfants d’une classe

d’âge ensemble, de définir tousles besoins éducatifs particuliersprésents dans la classe, tels que :

élèves en grande difficulté scolaire

enfants de gens du voyage

enfants non francophones

enfants en situation de handicap

élèves décrocheurs

Quelles pratiques avecles élèves à besoinséducatifs particuliers ?

Dans le cadre de l’école inclu-sive, il y a une logique à trouver etdes dilemmes professionnels à ré-soudre. Par rapport à la questiondu début : “Existe-t-il une pédago-gie spécialisée qu’on peut trans-férer dans la classe ordinaire ?”,aujourd’hui, on a beaucoupavancé. Il n’y a pas de “méthode”toute faite, mais il y a une logiqueprofessionnelle à trouver, et à ap-pliquer au service de méthodes etd’outils.

Depuis deux ans, la frontières’est ouverte du milieu spécialisévers le milieu ordinaire : IME, hôpi-tal de jour, SESSAD2 (spécialisés)sont amenés, sous le regard directde l’Éducation Nationale, à fairesortir davantage les élèves deleurs structures pour leur permet-tre d’aller dans le milieu ordinaire.

L’inclusion est quelque chose detrès nouveau qui bouscule la pro-fessionnalité des enseignants. Ilexiste un guide pour la scolarisa-tion sur www.eduscol avec des ou-tils pour aider à rendre accessibleles locaux, pour l’inscription àl’école de quartier, mais aussipour rendre accessibles les sa-voirs grâce aux adaptations de sapédagogie. L’égalité entre tous lesélèves est l’objectif à avoir à l’arri-vée… Le souci d’équité est au dé-part : il s’agit de compenser les

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L’adaptation va un peuplus loin : elle part des besoinsparticuliers d’un élève particulier(= le cousu main). On réfléchit surla difficulté des tâches, les cri-tères d’évaluation, les objectifs àatteindre, et on les adapte à cetélève particulier, on les modifie,peu ou prou.

Pour répondre à l’objection deMeirieu : “Il ne faut pas tout indi-vidualiser parce qu’on fait dans cecas des groupes à part”, il existeune hiérarchie des adaptationspossibles :

1/ L’accommodement : on a lemême objectif pédagogique, onadapte juste le(s) support(s) ;c’est par exemple la relectured’une consigne pour l’élève auxbesoins spéciaux, ou l’utilisationde caractères Arial 14 pour plusde visibilité…

différences. Aujourd’hui, “nul en-fant ne peut pas ne pas prétendreà son statut d’élève”.

Comment passer de la simpledifférenciation à l’adaptation pé-dagogique ?

La différenciation, qui existe de-puis Meirieu, c’est le constat quetous les élèves n’apprennent pasde la même manière.

2/ L’ajustement conceptuel : ona le même objectif, mais on al-lège la charge cognitive pour cetélève ; par exemple, il travaillesur les mêmes règles de gram-maire que les autres, mais on luidonne un texte plus court.

Pour les deux notions suivantesla frontière est ténue :

Il faut toujours veiller à faire uneanalyse a priori sur l’exercice dé-cidé : “Quel est mon objectif ?”,puis une analyse a posteriori :“Est-ce que mon adaptation n’apas dénaturé mon objectif d’en-seignement ?”.

Car l’adaptation peut conduire àmodifier “l’objet savoir”, c’est unrisque. La logique de l’adaptationrequiert un haut degré de délibé-

ration chez les enseignants,et donc connaître permet deminimiser ce risque. Ceci estprouvé aussi dans l’enseigne-ment spécialisé. Des études

montrent qu’en milieu ordinaire,un enfant apprend généralementplus qu’en milieu spécialisé,parce que l’enseignant du milieuordinaire a toujours tendance àmettre la barre un peu plus haut ;et l’élève peut toujours rester enlien avec les autres.

Ce modèle d’adaptation, quivient du Canada, conduit à uneclarification des attentes pédago-giques : il faut indiquer précisé-ment ce qui a été fait ou vu, oupas, ce que cet élève maîtrise oupas. Car il ne faut leurrer ni l’élèveni les parents. Dans les paysanglo-saxons, il y a beaucoup demanuels de “bonnes pratiques” orce n’est pas la “recette” idéale quicompte.

Travailler “l’accessibilité péda-gogique et didactique”, c’est neplus regarder uniquement la défi-cience, mais se focaliser sur lasingularité de l’élève, son fonc-tionnement devant l’apprentis-sage, ses BEP (= BesoinsÉducatifs Particuliers)… On doitanalyser finement le fonctionne-ment cognitif de l’élève à BEP de-vant la tâche qu’on lui donne. Ducoup, on devient un “ingénieur pé-dagogique” et pas seulementquelqu’un faisant de la transmis-sion de savoirs. Ce qui peut enri-chir notre pratique pour les autres

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11Lignes de crêtes 2014 - 25

3/ L’enseignement parallèle :c’est changer le contenu des sa-voirs ; par exemple remplacerune dictée complète par une dic-tée à trous, ou proposer la des-cription d’une situation d’argu-mentation, d’un dialogue plutôtque la rédaction de l’argumenta-tion elle-même. Le danger est dedonner à l’élève l’illusion qu’il faitla même chose.

4/ L’enseignement coïncidant :c’est une participation socialeaux travaux du groupe, alors quel’élève fait tout autre chose ; parexemple l’élève colorie une frisehistorique alors que les autresfont de la recherche ou du clas-sement d’événements avec cettefrise. C’est proposer son pro-gramme à part à un enfant engrande difficulté dans la classeavec un effort pour garder l’in-sertion sociale.

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Pistes évoquées aprèsl’intervention

Il y a de fait des moments pour l’en-fant où il est mieux en milieu protégéquand c’est source d’angoisse ou de souf-france pour lui. Ceci étant, il faut bien sa-voir à un moment si une adaptation deces enfants au milieu ordinaire est totale-ment impossible, et donc l’expérimenterd’abord.

Il existe beaucoup de Bandes Dessi-nées utiles sur les troubles du comporte-ment faites par les associations deparents, qu’il ne faut pas craindre d’utili-ser pour mieux comprendre. Car le chan-gement de regard change aussi lecomportement de l’enfant autiste. Dansdes établissements scolaires du Canada,les enfants autistes, perturbants, ont deslieux à part dans l’école, où ils peuvent seretirer à tout moment, de leur proprechoix.

Par rapport au problème du secret mé-dical, ou dans les rapports avec les parents,la meilleure façon de s’en sortir est de nepas parler en termes de déficience médi-cale, de troubles, mais de parler en termesde fonctionnement d’apprentissage.

À propos du poids des représentationssociales : il a été constaté que des ensei-gnants de milieu ordinaire signalaient auRASED un enfant en difficulté trois foisplus tard pour un milieu social défavoriséque pour un milieu favorisé.

On sait bien que le sentiment d’injus-tice mène au retrait scolaire et à la vio-lence scolaire. Nous avons une “écolepour tous” qui n’a jamais forgé autantd’enfants différents que depuis une di-zaine d’années. C’est un constat d’échec,on reproduit les inégalités. Le rapport ausavoir est en train de changer mais com-ment en prendre conscience ? À force deformation, les enseignants sont capablesde faire cette mue. La réforme des cyclesa quand même changé leur regard : ils onteu moins peur par exemple, de ne pasfinir le programme.

élèves de la classe(les “faibles” par ex.).Bien sûr, pour pou-voir se demander. “Àqui vais-je proposercet exercice adapté :seulement à l’élève ?À tous ? À certainsd’entre eux ?”, l’en-seignant a besoin deconnaissances enpsychologie et surles mécanismesd’apprentissage : as-pects cognitifs, as-pects affectifs (c’estimportant pour lestroubles du compor-tement). Cette aideaux enseignants de-vrait être proposéedans le cadre duPAF3… Une autrequestion-guide est :“Quand je lui faisfaire cet exercice enclasse, est-ce quej’évite la stigmatisa-tion de mon élève ouest-ce que je la ren-force ?”.

Sylviane FeuilladieuMaître de conférences en sociologie

ESPE4 Aix-Marseille UniversitéUMR ADEF P3 (AMU)

Anne GombertMaître de conférences en psychologie

ESPE Aix-Marseille UniversitéPSYCLE EA3273 (AMU)

Mots clés : difficultés scolaires, scolarisation, inclusion,pratiques enseignantes.

1/ CLIS : CLasse pour l’Inclusion ScolaireULIS : Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ex. UPI)2/ SESSAD : Service d’Éducation Spécialisée et de Soins À Do-micile3/ PAF : Programme Académique de Formation4/ ESPE : Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation

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Il viendra, le Jour

Le monde est un seul champ, une vigneDans notre regard. Ce soir, il y aura place pour tousÀ la table du Père.Quelqu’un mêlé tout le jourAux autres ouvriers de la vigneRendra grâces pour tous et chacunEn rompant le pain.

Alors vous ne penserez plus à vous-mêmesNi à votre surplus de désirAlors, non séparés, célébrantÀ plusieurs voix une seule louangeDistincts, nous serons Un.

Pierre EmmanuelExtrait du Grand Œuvre. Cosmogonie,publié au Seuil en septembre 1984avec l’aimable autorisation de Madame Catherine Emmanuel Carlier

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Lignes de crêtes 2014 - 2514

Église et Foi

Célébration œcuméniqueà Pantin, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais

l’Église protestante unie de Pantin,5 décembre locaux de l’Égliseévangélique du Pré-Saint-Gervais,10 janvier salle paroissiale del’église orthodoxe. Nous avons pré-paré ce temps de prière en utili-sant le canevas proposé par larevue Unité chrétienne.

Les représentants des diffé-rentes paroisses sont intervenuspour rendre la célébration sim-ple, vivante et adaptée à notresecteur. Les chants ont été choi-sis et Bernadette s’est engagéeà les animer ; les temps de pa-role ont été distribués et répartisen fonction des personnes pré-sentes et en cherchant à ce quechaque paroisse ait une parole àdire. Une bonne entente frater-nelle a toujours régné dans cegroupe et nous avons souvent

Chaque année nous essayons,non seulement de préparer la Se-maine de prière pour l’unité deschrétiens, mais aussi d’organiserd’autres rencontres fraternellespour mieux nous connaître ; celapeut aller d’un rallye entre leslieux de culte à des rencontrespour parler de la charte œcumé-nique de 2001 ou de temps deprière communs lors de la se-maine pascale…

Pour la première année, legroupe œcuménique au complet apréparé la célébration du 19 jan-vier 2014 en l’église Saint-Ger-main-l’Auxerrois de Pantin. Celanous a demandé trois réunionspour organiser ce temps œcumé-nique. Ces réunions se sont dé-roulées dans des lieux différents :7 novembre salle commune de

Depuis 1997, à l’initiative dugroupe ACAT (Action des Chrétienspour l’Abolition de la Torture, quiest une association œcuménique)de Pantin, un groupe se réunitpour préparer une célébrationœcuménique lors de la Semainede prière pour l’unité des chré-tiens (18-25 janvier). Cette célé-bration a lieu chaque année dansun lieu de culte différent suivantles paroisses (Temple réformé dePantin, chapelle Notre-Dame desApôtres, église Saint-Germain dePantin, église de la Sainte-Familledu Pré-Saint-Gervais, église Notre-Dame du Rosaire aux Lilas). Leposte de l’Armée du Salut nous arejoints en 2000, suivi en 2002des orthodoxes de l’ex-Macédoinepuis de l’Église évangélique duPré-Saint-Gervais en 2012.

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Lignes de crêtes 2014 - 25 15

Église et Foi

prière. Ces femmes se sont distri-bué les rôles et les temps de pa-role en suivant la liturgiepréparée par les femmes chré-tiennes d’Égypte. Comme d’habi-tude, la soirée s’est prolongéeautour de plats préparés par lesunes et les autres à partir de re-cettes suggérées dans le livret depréparation. La collecte effectuéeà cette occasion est allée grossirles offrandes de partout desti-nées à faire vivre des projets ini-tiés par ces chrétienneségyptiennes et soutenus par l’or-ganisation de la JMP.

En 2015, ce sont les femmesdes Bahamas qui prépareront laliturgie de la prochaine JMP.

Malheureusement, cette année,nous n’avons pas réussi à organi-ser un temps de prière communlors des fêtes de Pâques 2014,date commune à nos trois familleschrétiennes, comme nous avionspu le faire 2010 et 2011.

Notre groupe se réunira à nou-veau le 12 novembre 2014 pourpréparer l’année 2014-2015

Bernadette et Gilles Forhan

* Voir commentaire p. 24

Cette année, nous avons renoué(grâce aux femmes des diffé-rentes paroisses et à l’aide de lamajor du poste de l’Armée duSalut) avec la JMP (Journée Mon-diale de Prière) du 1er vendredi demars. Les femmes du secteur sesont réunies pour préparer cetemps particulier qui s’est tenu levendredi 7 mars au temple del’Église protestante unie de Pantin.

Nous avons redécouvertl’évangile de la Samaritaine* bienvivant, car joué par deux salu-tistes au cours de ce temps de

réussi à exprimer nos différencesdans ce qui nous est commun. Àchaque réunion, il y a un momentde prière autour de la Parole, etlorsque le temps le permet, nouspartageons aussi notre compré-hension de cette Parole. Nos réu-nions se terminent toujours par unNotre Père dit en commun.

Nous sommes très attachés àcette célébration commune aucours de cette semaine spécialetournée vers l’unité de tous ceuxqui se reconnaissent disciples duChrist. C’est l’occasion de bellesrencontres, c’est le temps par-tagé dans des lieux de culte quine nous sont pas toujours fami-liers : quel bonheur de célébrerun temps d’unité devant l’iconos-tase de nos frères macédoniensou dans la salle des rencontresdu poste de l’Armée du Salut.

Chaque célébration se termineautour d’un pot qui, pour le coup,porte bien son nom de “pot del‘amitié” et le montant de la col-lecte est envoyé à l’association quenotre groupe a choisi de soutenir :en 2014, c’est l’Action Philippinesdu SEL (Service d’Entraide et deLiaison de l’Association protestantede solidarité internationale) qui ena bénéficié.

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Lignes de crêtes 2014 - 25Lignes de crêtes 2014 - 25

Présenter la Franc-Maçonnerie à un pu-blic enseignant n’est pas chose aisée ; enquelques lignes, c’est encore plus risqué.

Tout d’abord, la Franc-Maçonnerie aune histoire. Sous sa forme moderne,née en Angleterre en 1717, elle s’est ins-tallée en France et y a joué un rôle poli-tique et sociétal considérable, mais malrépercuté. L’École, laïcisée sous le frèreJules Ferry, l’État, laïcisé lui aussi grâceau frère Émile Combes, (et à bien d’au-tres), les gouvernements successifsavec de nombreux ministres initiés, au-tant de chapitres liés aux frères quenotre École – qui, pourtant, leur doittant ! – est bien ingrate en taisant leurrôle, à tous niveaux.

Mais l’essentiel demeure la situationactuelle. Il est nécessaire de rappelerque, en 2014, la France connaît un nom-bre record de loges (4000) et de ma-çons, hommes et femmes (175 000),divisés en obédiences multiples, entoutes régions et outremer. Ce seulfait souligne, par rapport aux pertesdes partis politiques, syndicats, reli-gions, l’attrait réel de cette famille depensée.

Entrer dans une loge, après l’initiation,qui est une vraie cérémonie riche desens, c’est partager une réelle fraternité.Dans ce microcosme, de 20 à 100 mem-bres inscrits, chacun d’âge et de profes-sion différents, se retrouvent dans letemple – lieu sacré. Les réunions ou te-nues, se déroulent en soirée, tous lesquinze jours. Un vénérable et une dizained’officiers l’animent, réélus de temps àautre. L’entraide est fréquente, grâce à lamultiplicité des formations profession-nelles. Fraternité vécue, un seul détail :chaque tenue se termine par desagapes. Imaginez ce que serait une com-munauté paroissiale si l’office dominicalse terminait par un repas partagé.

Cette société communautaire offre, àchaque tenue, un exposé ou planche,présenté par un des membres sur unthème qu’il a travaillé. Chacun écoute, ycompris le nouvel initié, apprenti, qui ap-prend à écouter – qualité précieuse etrare aujourd’hui. Ensuite le débat – trèsordonné – permet à chacun d’intervenir.Savoir écouter, apprendre à prendre laparole, réaliser soi-même une planche,la loge est une excellente école de for-mation d’adultes. On ne s’étonnera pasque, après quelques années, les ma-çons formés par ce vivier remarquablesoient nombreux dans les partis, syndi-cats et mouvements associatifs.

Le maçon, cultivé, réfléchi, se veut un“cherchant”, en quête de vérité, et d’unemanière personnelle, hors de toutdogme imposé. Il n’existe aucune philo-sophie maçonnique unique. À chacunde se déterminer librement. Si, à une

époque ancienne, l’engagement ma-çonnique se retrouvait dans le radi-cal-socialisme, aujourd’hui, lessensibilités sont multiples, dans

presque toutes les formations poli-tiques, sauf les extrêmes (trotskystes,

Front National).

Ici, sans doute, il faut parler des divi-sions, nombreuses, entre les structuresnationales que sont les obédiences. Pre-mière distinction, le sexe. Beaucoup sontmasculines, comme la Grande Loge deFrance (GLDF) ou la Grande Loge Natio-nale de France (GLNF). Quelques-unessont mixtes (Droit Humain, DH), une est fé-minine, la GLFF. Depuis peu, le GrandOrient (GO) s’est ouvert aux femmes. Pourrésumer, deux grands courants existent.L’un, avec le GO et le DH, privilégie les as-pects sociétaux et politiques avec des po-sitions plus rationalistes, alors que l’autre(GLDF et GLNF), le courant écossais, in-siste sur la formation de l’individu et lesouvertures spirituelles.

La Franc-Maçonnerie en Franceaujourd’hui

Photo : Langladure

Tabatière Collections du Muséede la Franc-maçonneriePhoto : G.Garitan

Montre gousset. Collections duMusée de la Franc-maçonneriePhoto : G. Garitan

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Église et Foi

Lignes de crêtes 2014 - 25Lignes de crêtes 2014 - 25

MAUD AMANDIER ET ALICE CHABLIS : LE DÉNI

Bayard Jeunesse, coll. Essais, 392 p., 18 €

J’ai lu et beaucoup aimé :

Le déni “Ils sont au pouvoir, elles sont au service”

Cette enquête sur l’Église et l’égalité des sexes est, selonle père Joseph Moingt qui l’a préfacée, un événement.

Menée sans concession à travers les textes, l’his-toire et les représentations symboliques, elle dé-construit le modèle patriarcal défendu par l’Église,profondément intériorisé et encore très actif sociale-ment.

Cette enquête nous montre combien ce système re-produit l’iniquité de la domination du sexe masculinsur le féminin, mais aussi combien il repose sur denombreux dénis dont celui de la sexualité, cause descandales au sein même de l’institution.

Ce livre nous appelle à une prise de conscience :ce système patriarcal, infériorisant pour les femmes,entrave les progrès de l’égalité et de la justice entreles personnes.

“Le récit biblique, qui fonde et théorise pour toute ladurée des temps le rapport homme-femme, est le purreflet de la société archaïque, patriarcale et machiste :il assigne à l’un et à l’autre des postures de fonction dé-terminées uniquement par la biologie, il les déperson-nalise, il ignore leur caractère relationnel, il trace leurdestinée d’avance au mépris de leur liberté et de leurs

choix d’avenir, il réserve au mâle les attributs du pouvoiren raison de sa puissance génitale et à la femme, enraison de sa vocation naturelle à la maternité, le rôled’assistante, d’aide et de soutien de l’homme, les ser-vices domestiques et le soin des enfants. Il les fige à ja-mais dans un rapport réciproque de domination et deservitude. Le récit biblique n’a rien changé à la struc-ture primitive, il l’a seulement sacralisée grâce au mythedu précepte divin”…

“Aussi, l’intérêt majeur que je trouve à ce livre est deprésenter aux pasteurs et aux dirigeants de l’Église untableau saisissant du trouble de nombreux fidèleslaïcs d’aujourd’hui : formés aux modes de penser (pen-sée ?) et aux méthodes d’investigations de la moder-nité, initiés à l’étude des Écritures et des dogmes, etavertis des problèmes critiques qui se posent à leurpropos, ces derniers mettent en question la vérité dela révélation telle qu’elle leur a été enseignée, notam-ment la légitimité des conditions de vie assignées auxfemmes, aux couples et aux prêtres au nom de laseule autorité du magistère et à l’encontre de ce quepensent la plupart des citoyens des sociétés séculari-sées. Ces laïcs qui restent encore dans l’Église alorsque tant d’autres l’ont quittée, veulent une réponse àleurs questions et à leurs objections et une prise encompte de leur pensée et de leur expérience”.

Chantal Guilbaud

Les rapports entre Église romaine et Franc-Maçonnerie sont l'un de ces conflits sécu-laires, question complexe, selon les États et lesépoques.

Comme l’écrit un maçon, on est passé “dela guerre ouverte à une situation pacifiée”.Mais des deux côtés, le poids des situationshistoriques est lourd, en France, dans les payslatins, surtout en Italie. Ne pas oublier quedans le dernier acte de l’unité italienne, la ville éter-nelle appartenant depuis quinze siècles au pape, estdevenue capitale grâce à Garibaldi, Grand Maître duGrand Orient d’Italie.

Pour l’instant, le maçon n’est plus excommunié, de-puis 1983. Mais, selon le cardinal Ratzinger, alorspréfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi,le maçon est en état de péché grave, donc privé decommunion. Officiellement, la rupture persiste.

Le problème est lourd pour les maçons qui s’affir-ment catholiques, de plus en plus nombreux, et en

toutes obédiences. Si certains vivent serei-nement cette double appartenance, la plu-part sont gênés.

Mais çà et là des contacts existent, plus oumoins discrets. Des rencontres se sont pro-duites, notamment par deux fois, à l’InstitutCatholique de Toulouse. Des articles, des li-vres, des revues sont publiés. Il faut multiplierces initiatives. Mais l’ensemble du monde ca-

tholique - comme d’ailleurs la société française – pré-fère s’en tenir aux vieux préjugés.

À une époque où notre Église s’honore – très jus-tement – de dialoguer avec réformés, orthodoxes,juifs, musulmans, voire athées, pourquoi ne pas re-chercher semblable ouverture avec cette autre fa-mille de pensée ?

Paul PistreAuteur de Catholiques et Francs-Maçons :

éternels adversaires ? Éd. Privat, 2011Animateur de la Lettre aux Catholiques

amis des Francs-Maçons

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Église et Foi

Laissons libres nos enfants

Nous vivonsconcrètementet douloureu-sement, dansl'un de nos dio-cèses, cetteforme de religio-sité prosélyte,

activiste même, qui cherche àmettre l'Église au centre de la so-ciété afin de guider ses choix. Lesappels à manifester contre “le ma-riage pour tous” étaient diffusésdepuis l'archevêché dans les pa-roisses. Les participations de l'ar-chevêque étaient soulignées etinscrites à son agenda.

Concernant directement l'école,l'hystérie contre les ABCD de l'éga-lité et la supposée théorie dugenre ont complété le tableau dece que peuvent provoquer, au-jourd'hui, ces forces coalisées quimêlent conservatisme social,réaction politique et fondamenta-lisme religieux. Des peurs irration-nelles ont été manipulées par cesgroupes en associant égalité et in-différenciation sexuelle.

Impossible, avec ça, de fairedans la nuance ; nous reviendronsplus tard sur les questions quenous pose l'homosexualité de nosenfants. Nous avons une annéepour cela, entre les deux temps dusynode sur la famille, quelquesmois voulus par notre pape Fran-çois pour permettre aux évêquesd'ouvrir leurs yeux et leur cœuraux réalités de notre temps. Il yaura de la résistance !

Maïté et Antoine MartinVaucluse

Dans notreéquipe CdEP in-terdépartemen-tale (Bouches duRhône, Vaucluse,Hautes- A lpes)une part significa-tive de nos rencontres consiste ànous dire ce qui fait concrètementnos vies et à approfondir l'une dessituations évoquées en fonction del'importance, de l'urgence ou del'intérêt. Il nous a fallu bien dutemps pour parler directementd'une situation que nous sommestrois à partager, l'homosexualité del'un – ou l'une – de nos enfants.Ces situations ne datent pas d'hier,puisque le couple le plus ancien re-monte aux années 1990 ! Nousavons eu quelques difficultés à par-ler sereinement de l'homosexualitéde nos enfants.

La 31e proposition du candidatHollande “J'ouvrirai le droit au ma-riage et à l'adoption aux coupleshomosexuels” a provoqué pas malde discussions dans notre équipe,tournant autour des deux pointscentraux :

• mariage ou PACS amélioré(union civile) ?

• quelles réponses au désir d'en-fant ?

Il faut dire que nous n'étions pasfanatisés pour une cause (pro ouanti mariage pour tous), mais trèshostiles à toute forme d'homopho-bie, toujours trop banalisée danscertains milieux, et de façon sour-noise dans les milieux catholiques.

La polarisation des positionsdes forces politiques entre ladroite et la gauche ne nous a passurpris ni émus : il en est si sou-

vent ainsi ! Mais ce sont des pra-tiques qui ne facilitent pas l'exa-men approfondi et dénué (ouplutôt dénoué...) d'a priori politi-ciens de l'ensemble des dimen-sions prises en compte et régiespar le texte législatif proposé. Letravail parlementaire n'a pas étéexemplaire, mais il a permis, audelà des bruyantes manifestationsde clivages, que s'expriment lesnuances des positions à contre-emploi et que s'amende le texte.Amendements portant non sur leprincipe central du mariage pourles personnes de même sexe,mais sur l'étendue des droitsconnexes.

Nous avons en tous cas ressentique chacun de nous, dans notreéquipe, n'était pas dénué d'apriori, de représentations, deconvictions ou d'éprouvantes com-plexités face à cette question.

Mais catholiques, nous avonssurtout mal vécu la mobilisationde la rue catholique pendant toutecette période et jusqu'à mainte-nant. Une rue catholique identi-taire, fière de ses convictions et desa visibilité bruyamment expo-sées, excitée à l'idée de faire trem-bler le pouvoir républicain, sûre desa mission salvatrice d'un mondeégaré, et de fait en connivenceavec les droites extrêmes. Nousavons vite vu que nous n'en vou-lions pas, que nous ne pouvions àaucun prix être de ce bord ni êtresuspectés de la cautionner.

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Je suis gardienne d’immeubledans une cité HLM où j’ai encharge 180 logements. J’ai tra-vaillé dans plusieurs secteurs,mais dès que je vois mes tours enarrivant au travail, je me sensbien. Je fais le tour de mon sec-teur pour voir les gens et savoir cequ’ils ont à me dire. Les gens ontplaisir à parler avec moi.

C’est un métier positif, même sije suis fatiguée parfois. Les gar-diens sont les premiers interlocu-teurs, et s’il y a des problèmes, lesgens déversent leurs ressenti-ments, comme par exemplequand il y a une augmentation desloyers ou les régulations descharges.

J’ai aussi des astreintes à fairedeux à trois fois par trimestre. Ondoit être disponible de jour commede nuit. Quand une personne ap-pelle, il faut discerner si c’est ur-gent ou non, et prendre desprécautions avant de se déplacer.

En plus des tâches ménagèresdans les halls, du balayage desparkings et du ramassage des pa-piers et autres dans les espacesverts, il me faut contrôler s’il y ades dégradations. Pour l’en-caissement des loyers, les gensviennent à l’espace d’accueillocataire (ancienne loge), cequi me donne l’occasion deparler avec eux ; et pour les per-sonnes invalides ou âgées, jeme déplace chez elles : ellesm’offrent le café. En tant quegardienne, je mets du lien so-cial car je suis à l’aise avec leslocataires.

Dans mon secteur, les per-sonnes sont d’origines très va-riées, elles viennent de tous lescontinents. Les plus âgéessont des “Gaulois” qui habitent

là depuis la construction des cités.La plupart sont des femmesveuves qui ont gardé leur apparte-ment après le départ de leurs en-fants ou la mort de leur mari. Pourmoi, elles sont la mémoire vivantedu secteur, elles ont vu passertous les locataires.

Dans ce grand ensemble, jetrouve positif le fait que les genscommuniquent facilement entreeux. Il y a de l’humanité dans cettecité, contrairement à d’autresquartiers de la ville. On y vit beau-coup mieux, même s’il y a desconflits de voisinage entre les ha-bitants. Il n’y a pas de racisme oude conflits dus aux différences so-ciales. Je n’entends pas de préju-gés de la part de la plupart desgens. Les jeunes qui se regrou-pent dans les halls ne sont pasagressifs. Ils disent bonjour.

En bas des immeubles je vou-lais mettre des jardinières avecdes plantes aromatiques, mais iln’y a pas de place suffisante de-puis la résidentialisation : installa-tion de grilles autour des groupesd’immeubles, fermeture des par-kings, et les enfants peuvent joueren bas des escaliers.

Avec d’autres, nous essayons demettre en place des jardins parta-gés. Ces jardins seraient situés aucœur des quartiers. Il y a desconflits entre les cités, les guerresde territoire ont toujours lieu, en-traînant des bagarres allantjusqu’à la mort. Ces jardins per-mettraient des échanges entregroupes. Tous ceux qui voudraienty travailler pourraient le faire. Parexemple, un adhérent peut vouloirplanter des pommes de terre dansson enclos. Il en parle aux autreset après accord, il plante sespommes de terre. À la récolte, ilpartagera avec eux, et il bénéfi-ciera des récoltes des plantationsdes autres. Dans les jardins ou-vriers ou les jardins familiaux, lespersonnes plantent ce qu’ellesveulent et récoltent ce qu’elles ontsemé. Au contraire, l’idée de jar-dins partagés implique qu’on par-tage les récoltes.

Beaucoup de personnes desHLM pensent que tout vientcomme par magie. Elles achètentau supermarché sans se rendrecompte du travail que cela a de-mandé. Les locataires sont habi-tués à ce qu’on leur donne tout. Ils

n’ont plus le plaisir de faire leschoses par eux-mêmes. Ilsn’apprécient plus la valeur dutravail. Le jardin potager estune école de la patience, il fautsavoir attendre que les lé-gumes poussent pour les sa-vourer. C’est une joie que derécolter ce qu’on a semé ! Cesjardins permettraient aussid’échanger les savoirs entreles personnes, et donc de tis-ser des liens entre les gens.

Propos recueillis parSuzanne Cahen

Val-de-Marne

De l’humanité en HLMSociété

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Il est de bon ton de railler lesjeunes générations, “accros àleurs écrans”, et les amitiés illu-soires des réseaux sociaux qu’ilsfréquentent sur Internet.

Il vaudrait mieux, sans doute,voir là des nouveaux modes de re-lation qui s’ajoutent à ceux déjàexistants sans s’y substituer. Demême que le mail - auquel il fau-drait ajouter les SMS - n’a pasremplacé le téléphone, les “amisnumériques” occupent une placeinédite dans la palette des rela-tions sociales dans lesquelles lesjeunes évoluent, bien plus com-plexes que celles de leurs aînés.

J’ai pu constater, au moins danscertains cas, une porosité entreces divers modes de relation. J’aiainsi un neveu qui a vécu jusqu’àses 20 ans à La Réunion, et estdésormais installé en métropole.Grâce à Internet, il s’est constituéun riche réseau de “Réunionnaisen métropole”. Le premier cercleest constitué d’amis connuspendant son adolescence,mais il s’est très vite enrichi“d’amis d’amis” aux ramifica-tions multiples. Partout où ilvoyage, il en profite pour allerà la rencontre des membresde ce réseau et faire connais-sance avec eux “dans la vraie vie”(IRL pour in real life, comme on ditsur les forums de discussion). Il sefait héberger partout, et n’a ja-mais besoin d’aller à l’hôtel...

Des sites Web se sont d’ailleursspécialisés dans ce genred’échanges. On peut ainsi prati-quer à l’échelle du monde (oude son pays, ou de saville...) le couchsurfing(“surf sur canapé”), quiconsiste à loger pour detrès courtes périodes sur lecanapé de quelqu’un qui s’est

déclaré volontaire pour cela. Letroc, le co-voiturage, le partage demachine à laver, l’échange de mai-sons ou d’appartements... sontautant de services qui, aupara-vant, devaient passer par des as-sociations, des organismes plusou moins marchands, desagences de voyages, et qui main-tenant deviennent accessibles àtous, sans intermédiaires.

Ce principe de partage, de miseen commun des biens et des ser-vices, s’investit aussi "hors ligne"dans des lieux appelés "Fab Lab",nés aux États Unis et qui diffusentmaintenant en France. Dans cesateliers de bricolage bénévolesd’un nouveau genre, chacun estinvité à monter/démonter, réparer"bidouiller" ou ré-inventer tous lesdispositifs techniques qui nous en-vironnent. Ce sont des lieux qui pro-meuvent la débrouille, l’échange deconnaissances et de compétences,

Fraternités numériquesSociété

20 Lignes de crêtes 2014 - 25

la ré-appropriation des objets et deleurs usages. Les "imprimantes3D", qui permettent à tout un cha-cun de produire des petits objets(en résine) à partir de "plans numé-riques" (programmes) partagea-bles, ont naturellement trouvé leurplace dans ces environnements.

Par sa nature de mise en rela-tion horizontale, “entre pairs”,c’est-à-dire entre égaux qui nesont pas en relation hiérarchique,on peut dire qu’Internet est poten-tiellement un fantastique supportde fraternité. C’est en tout casl’utopie qui a porté ses fonda-teurs, même si des entreprisescommerciales ont, depuis, tentéde l’accaparer. Il ne tient qu’à sesutilisateurs de rester fidèles à sonesprit initial.

Isabelle TellierParis

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S.O.S Amitiédiffuse, chaqueannée sousforme d’un “Ob-servatoire desSouffrances Psy-

chiques” ses statistiquesd’écoute. L’écoute est une desformes majeures de prévention dusuicide. Les dernières donnéessont particulièrement détailléesen 2013* sur les “appels suici-daires” selon le genre, lestranches d’âge et les motivations,notamment en relation avec le sui-cide. Les bénévoles de S.O.S Ami-tié constatent une progression desappels sur le tchat et plus particu-lièrement de la part des jeunes.

Les faitsmarquants del’année 2013

Les deux raisons principalesd’appel sont la souffrance psy-chique, citée dans 41,9% des ap-pels, et la solitude, évoquée dans38,4% des appels. Pour ces deuxcauses, la répartition femme/homme est quasiment à l’identique.

Dans le détail des appels quiévoquent le suicide, la premièrecause conduisant aux penséessuicidaires est, sans surprise, lasouffrance psychique (presque unappel sur deux). Elle est un peuplus ressentie par les femmes(48,7%) que par les hommes(41,6%).

Dans l’analyse par tranche d’âgede ces mêmes appels, on s’aper-çoit que les trois premières raisonsd’appel évoquées par les moins de16 ans sont, de loin, les problèmesrelationnels, puis la souffrancepsychique, et la violence.

Par ailleurs, les statistiquesmontrent clairement que dans lesappels qui évoquent le suicide, lesentiment de solitude est ressentide façon croissante avec l’âge.

Dans ces mêmes appels, on re-marque également que les pro-blèmes relationnels chez les moinsde 16 ans sont beaucoup plus im-portants (presque 30%), (montrantainsi que les relations conflic-tuelles avec les autres conduisenten premier lieu aux pensées suici-daires), que dans toutes les autresclasses d’âge (moins de 10%), avecun écart notable fille/garçon(31,8% pour les filles versus 21,1%pour les garçons).

Et de façon surprenante, sur undes thèmes évoqués : rupture sen-timentale/deuil, on note que les gar-çons de moins de 16 ans sontnettement plus concernés (21,7%versus 7,5% pour les filles) et pourla violence, ce sont, au contraire, lesfilles qui l’évoquent le plus (19,6%versus 5,3% pour les garçons).

Suicide et appelstchat** enparticulier

• 44% des appelants tchat ontmoins de 25 ans.

• 20% des appels tchat évo-quent le suicide contre 1,9% partéléphone.

Les jeunes s’expriment plus fa-cilement par le tchat que par le té-léphone, en particulier quand ilsont des pensées suicidaires.

* Avec quelques indications sur le pre-mier semestre 2014 :Temps moyen d’un appel : 14 minutes13 secondes versus 13mn 23s en2012.Ainsi le nombre d’appels a légère-ment diminué, mais le nombred’écoutants et d’heures d’écoute aprogressé. Ces chiffres s’expliquentdonc par une hausse de la duréemoyenne des appels. L’angoisse estsans doute aujourd’hui plus difficile àdesserrer.Sur le 1er semestre 2014, on note unehausse des appels de 1% versus2013 et une progression de l’évoca-tion du suicide de 0.3 point (2.2% ver-sus 1.9%).

** Nombre d’appels tchat en 2013 :3 688 versus 3 108 en 2012 (+19%)malgré une ouverture limitée à 4heures par jour par manque d’écou-tants (écoute 24 h sur 24 au télé-phone).

Extrait du Communiqué dePresse de Septembre 2014

Le tchat, réel outil de prévention dusuicide pour les jeunes !

Société

21Lignes de crêtes 2014 - 25

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À l’invitation de l’associationChrétiens dans l’EnseignementPublic et de l’Église ProtestanteUnie de Rouen, en lien avec leCentre Théologique Universitaire,Jean Baubérot, historien et socio-logue, spécialiste internationale-ment reconnu de l’histoire et de lasociologie de la laïcité, est venufaire une conférence sur ce sujetà Rouen, au Centre diocésain, lemercredi 1er octobre, devant150 personnes environ.

Après une brève in-troduction, le conféren-cier a donné la parole àla salle pour une sériede questions à partirdesquelles il a bâti sonexposé. Ce mode deprésentation, s’il a puen surprendre certains,a permis de délimiterune matière - autre-ment trop vaste - et derépondre spécifique-ment aux préoccupa-tions de l’auditoire.L’extraordinaire maî-trise de son sujet parl’orateur et l’exception-nelle richesse de ce quia été développé, avecforce anecdotes à l’ap-pui, ont suscité l’admi-ration unanime. Je m’efforceraisimplement, sans vouloir faire uncompte rendu exhaustif, de re-prendre quelques points de laconférence.

Tout le monde en France a sonidée de la laïcité et le rôle del’historien et du sociologue estde prendre une distance critiquepar rapport à ces représenta-tions immédiates et de dénoncerles stéréotypes :

On entend souvent dire qu’enFrance l’école est gratuite, laïqueet obligatoire. Or c’est l’enseigne-ment qui est obligatoire, et l’Étatn’en a jamais eu le monopole.

La France serait “une et indivi-sible”, mais seule la constitutionde 1793 le proclame ; les consti-tutions de 1946 et 1958 ont en-levé l’adjectif “une”, ouvrantainsi à une articulation entre di-versité et indivisibilité.

La séparation des Églises et del’État en 1905 serait une innova-tion française, mais le Mexique yavait procédé dès 1859 !

Ce travail de rectification unefois accompli, il importe de définircorrectement la laïcité, en distin-guant clairement ses objectifs etses moyens. La finalité de la laï-cité, c’est la liberté de consciencede tous, reconnue comme une li-berté publique, c’est le refus detoute discrimination pour des rai-

sons religieuses ou deconvictions philoso-phiques (athéisme, ag-nosticisme). Le moyenpour y parvenir, c’est laneutralité de l’État etdes institutions liées àl’État. Et il a fallu dutemps et bien des dé-bats pour parvenir à laséparation, votée en1905 : certains eneffet, dans le camplaïque, refusaient la sé-paration pour maintenirun contrôle de l’État surl’Église catholique, la-quelle s’est aperçue aposteriori que la sépa-ration lui conférait unegrande liberté : l’Égliseperd certes son in-

fluence structurelle sur le pouvoir,mais elle devient une grande ins-titution de la société civile. La loide 1905 stipule que l’État ne sub-ventionne et ne salarie aucunculte, mais elle prévoit aussi uneexception pour les aumôneries(dans les lycées, les hôpitaux, lesprisons…) afin d’assurer précisé-ment la liberté religieuse, intro-duisant ainsi une certainesouplesse.

La laïcité, espace pour vivreensemble, espace de diversité

Société

22 Lignes de crêtes 2014 - 25

La France aurait eu un rôle pré-curseur dans l’établissement dusuffrage universel, mais c’est ou-blier que les femmes n’ont eu ledroit de vote qu’en 1944-45,bien après d’autres pays. La vé-rité est qu’on a longtemps invo-qué la laïcité pour leur refuser cedroit : elles auraient été insuffi-samment éduquées, trop sou-mises à leur mari ou, pireencore, au curé !

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Dans la société française actuelle, l’inquiétude grandità propos du communautarisme. Or la laïcité ne supprimepas les communautés (on peut toujours vivre entre ca-tholiques par exemple), elle les pacifie. Mais ce ne sontpas les lois qui peuvent obliger à vivre ensemble et le vir-tuel crée de nouvelles formes de l’entre-soi tandis quemonte dans les différentes communautés un ressenti vic-timaire : les catholiques se sentent maltraités, les pro-testants ignorés, les juifs victimes d’un regaind’antisémitisme et les musulmans de l’islamophobiegrandissante, quant aux athées ils trouvent qu’on ne s’in-téresse qu’aux religions ! Ce sont là des symptômes defragmentation sociale et toujours la déstructuration sauteaux yeux, alors que ce qui émerge n’apparaît qu’a poste-riori. Au lieu de nous plaindre, il vaudrait mieux essayer dediscerner les facteurs de restructuration !

Le mariage homosexuel a déchaîné les passions et dé-clenché de grandes manifestations pour ou contre. C’estque la laïcisation des mœurs a toujours été conflictuelle,que ce soit à propos du divorce en 1884, de l’IVG en1975, du mariage pour tous en 2013. Il faut rappeler quele droit de manifester son opposition est incontestable,mais aussi qu’une loi votée et ratifiée par le Conseilconstitutionnel ne peut être qualifiée d’illégitime. Dansces circonstances où se heurtent différentes cultures, ilfaut rechercher un certain équilibre des frustrationspuisque personne ne sera entièrement satisfait : l’IVG aété autorisée mais les médecins ont droit à l’objection deconscience, et on peut regretter que celle-ci n’ait pas étéaccordée aux maires concernant le mariage homosexuel.

Attention enfin à ce que la laïcité, cadre du vivre-en-semble, ne soit pas dénaturée jusqu’à devenir un facteurde conflits. Par rapport à l’islam on voudrait imposer à desindividus une neutralité qui ne peut être que celle del’État. La laïcité, sous peine de perdre toute signification,ne peut devenir identitaire, elle ne saurait se réduire à uneculture spécifiquement française qui rejette les autres !

Jean-Louis GourdainSeine Maritime

Pour aller plus loin, on lira avec profit ces ouvrages de Jean Bau-bérot :Histoire de la laïcité en France, PUF “Que sais-je ?“, 6e édit.,2013.La laïcité falsifiée (La découverte-Poche), 2e édit., 2014.Les laïcités dans le monde, PUF “Que sais-je ?“, 4e édit., 2014.

On n’a pas attendu Internet ni Facebook pour communiquer, échanger, lieramitié, voire s’aimer malgré les dis-tances et pour les franchir sans TGV niAirbus, ni voitures automobiles. Qu’onsonge aux voyages à pied de Jean-Jacques Rousseau, de Hölderlin, auxéchanges économiques et culturelsentre les Flandres et l’Italie au XVe siè-cle, aux correspondances d’Erasme, deVoltaire et Frédéric II... Mais Balzac a faitmieux : amoureux d’une adoratrice,Mme Hanska, comtesse russe d’originepolonaise, qui la première lui écrivit etavec laquelle il entama une correspon-dance à partir de janvier 1833 ; il la re-trouva certes à diverses reprises enSuisse, en Saxe, en Russie, et, après lamort de son mari, entreprit par tous lesmoyens de l’épouser ; chaque jour il luiécrivit non pas des SMS mal orthogra-phiés au contenu dérisoire mais devraies lettres, peut-être quelquefois desimples “billets”, j’en conviens; maissurtout après bien des années de tracasadministratifs, huit ans de séparation,obtenant enfin son séjour en France, ill’épouse et, rentré à Paris avec elle, il netrouve rien de mieux à faire que d’ymourir au bout de quelques semaines...Quoi, courir à travers l’Europe, user tantde papiers et d’encre, épuiser tantd’énergie pour surmonter la bureaucra-tie russe et en arriver là : quelle étrangedestinée ! L’éloignement attisa-t-il ledésir (car bien des pages de la littératuredémentent le proverbe “loin des yeuxloin du cœur” et suggèrent qu’on aimemieux et plus intensément éloigné del’être chéri et que le désir est inverse-ment proportionnel à la présence : est-ce pour autant plus glorieux ?) ? Aprèstout, ce qui fonde l’histoire des peuplesn’est-ce pas bien souvent une sempiter-nelle bougeotte, une incessante migra-tion vers un ailleurs prometteur, unecuriosité sans frein ? Reste à savoir ceque l’on fait de l’être humain rencontrépar delà les limites franchies. Et là, ilvaut mieux songer à Balzac et MadameHanska ou Voltaire et Frédéric II...

B. L.

Société

23Lignes de crêtes 2014 - 25

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même registre : son projet est delui permettre d’avoir une soif devie en plénitude “jaillissant en vieéternelle”. Mais, la femme est in-capable de sortir de son projet ini-tial : “donne-moi de cette eau pourque je n’aie plus soif et que jen’aie plus à venir puiser ici”. Cettepremière phase de l’échange ap-paraît donc comme un échec.

Le Christ reconnucomme Messie

Jésus modifie alors son projet. Ilva passer de la transmission d’unmessage à la connaissance réci-proque qui lui permettra d’être re-connu comme Messie, comme ill'avait laissé entendre dès le dé-part : “Si tu savais qui te parle !”Pour cela il commence à mettre lafemme en difficulté en lui disant :“Va, appelle ton mari et reviens ici”.

24 Lignes de crêtes 2014 - 25

La pédagogie du Christ dans son e nRelecture Biblique

La situation initialeJésus arrive à Sychar en Sama-

rie. Il est en terrain hostile car lesJuifs considèrent les Samaritainscomme des hérétiques. Il estaussi en situation de fragilité : seul(ses disciples étant partis acheterde quoi manger) fatigué, et assis,donc pas en situation dominante.En revanche la femme est appa-remment en terrain favorable :chez elle, pour une occupation ha-bituelle, au bon endroit pour pren-dre de l’eau, à la source de Jacob.La suite révèlera qu’elle aussi estdans une situation délicate, maiscela n’apparaît pas au départ.

Jésus est demandeur. Il a soifmais n’a rien pour puiser de l’eauet dit à la femme : “donne-moi àboire”. Celle-ci lui répond en met-tant en évidence tout ce qui lesoppose : “les Juifs ne veulent rienavoir de commun avec les Sama-ritains”. Elle pointe non seulementl’hostilité entre leurs deux peu-ples, mais aussi combien sa de-mande est contraire à l’ordrehabituel des choses : lui, unhomme, adresse une demande àune femme ! Remarquons d’ail-leurs que dans la suite du récit lesdisciples s’étonneront aussi “queJésus parle avec une femme”.

L’eau vive don de DieuJésus, tout en restant dans sa

situation de demandeur - “donne-moi à boire” -, lui fait comprendrequ’elle le méconnaît et lui laissepressentir d’où il vient : “Si tu sa-vais le don de Dieu”. Il précisequ’elle a intérêt non seulement àrecevoir sa demande, mais aussià être en demande : il peut luidonner une “eau vive” qui la com-blera bien au delà de ce qu’ellepeut lui procurer. Pour qu’elle

puisse accueillir cette Bonne Nou-velle et s’ouvrir progressivement àl’Évangile, Jésus conduitl’échange à partir de leurs préoc-cupations initiales : avoir l’eaudont l’un et l’autre ont besoin.

Intéressée par cette proposition,la femme évolue positivement.Elle, qui le prenait de haut, l’ap-pelle désormais “Seigneur” et àplusieurs reprises. Mais elle de-meure dans sa préoccupation ma-térielle : puiser de l’eau si possiblesans peine. Toutefois, elle entendque Jésus lui propose un bien su-périeur à son attente et elle de-vient curieuse : “Serais-tu plusgrand que notre père Jacob ?”.Comment vas-tu t’y prendre ? Pourl'aider à dépasser sa préoccupa-tion première qui l’enferme dansune demande répétitive, Jésus luiindique qu’il n’est pas dans le

Jésus arrive à une ville de Samarie, appelée Sychar, près du ter-

rain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits

de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la

source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de

Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : “Donne-moi à

boire”. En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter

des provisions. La Samaritaine lui dit : “Comment ! Toi, un Juif, tu

me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ?” En effet, les Juifs

ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus lui répondit : “Si tu savais

le don de Dieu et qui est celui qui te dit : 'Donne-moi à boire', c’est

toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive”. Elle

lui dit : “Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond.

D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père

Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses

fils et ses bêtes ?” Jésus lui répondit : “Quiconque boit de cette eau

aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui

donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai de-

viendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle”.

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comme prophète, lui proposealors plusieurs dépassements :

accepter son ignorance : “Vousadorez ce que vous ne connais-sez pas” ;

se départir d’un comportementsectaire : “Ce n’est ni sur cettemontagne, ni à Jérusalem quevous adorerez le Père” ;

entrer dans “son heure”, cequ’on appelle le “kairos” c’est-à-dire le temps favorable, pourfaire partie des “vrais adorateursen esprit et en vérité”.

Derrière cette apparence si lé-gère, cette femme est en attentedu Messie et de tout ce qu’il a àannoncer : “Je sais qu’un Messiedoit venir, celui qu’on appelleChrist. Lorsqu’il viendra, il nous

annoncera toutes choses”. LeChrist peut alors se révéler : “Je lesuis, moi qui te parle”. C’est laseule fois dans les évangiles oùJésus révèle lui-même qui il est etc’est à cette femme qu’il le fait.

Passer de latransmission d’uncontenu à lareconnaissance

Le comportement du Christ ap-paraît paradoxal : lui le “maître etSeigneur” se fait dépendant d’unefemme étrangère et hérétique :“donne-moi à boire” ; et lui, quiconnaît toutes choses, estcontesté. Il part pourtant des be-soins élémentaires communs àtous : boire, puiser de l’eau, et meten œuvre une pédagogie de l’inté-rêt avec l’intention d’élever ledésir de celle qu’il rencontre. Maisil connaît l’échec de la transmis-sion parce que celle qu’il rencon-tre n’est pas disposée à lerecevoir.

On connaît l’expression : on nepeut pas donner à boire àquelqu’un qui n’a pas soif ; c’estpourquoi Jésus est passé de laproposition de la transmissiond’un contenu à celle d’une miseen relation, d’une rencontre par laconnaissance progressive de l’au-tre et cela conduit à sa reconnais-sance. Parce qu’il lui montre qu’illa connaît en profondeur elle va lereconnaître : d’abord comme pro-phète puis comme Christ. Parcequ’il lui a permis de le reconnaîtrecomme “maître et Seigneur” il apu lui révéler tout ce qu’il est.

Hubert RenardPas-de-Calais

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e ntretien avec la Samaritaine(Jean 4, 5-26)

Relecture Biblique

La femme dit alors une part devérité : “Je n’ai pas de mari”. Luimontrant alors qu’il sait qui elleest, Jésus, loin de l’accabler, luidit : “Tu dis bien, tu dis vrai”. Im-pressionnée par cette connais-sance que Jésus a d’elle enprofondeur, par deux fois elle sou-ligne : “Il m’a dit tout ce que j’aifait” (versets 29 et 39). C'estparce qu’elle découvre ce qu’elleest pour lui qu'elle est progressi-vement en capacité de le recon-naître : “Seigneur, je vois que tu esun prophète”.

Cette femme cantonnée auxtâches matérielles se révèle alorsêtre une curieuse de Dieu : “Nospères ont adoré sur cette mon-tagne et vous, vous affirmez qu’àJérusalem se trouve le lieu où ilfaut adorer”. Jésus, reconnu

La femme lui dit : “Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie

plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser”. Jésus lui dit :

“Va, appelle ton mari, et reviens”. La femme répliqua : “Je n’ai pas

de mari”. Jésus reprit : “Tu as raison de dire que tu n’as pas de

mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant

n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai”. La femme lui dit : “Seigneur, je

vois que tu es un prophète !... Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la

montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il

faut adorer est à Jérusalem”.

Jésus lui dit : “Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus

ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous,

vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce

que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient

– et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en

esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu

est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doi-

vent l’adorer”. La femme lui dit : “Je sais qu’il vient, le Messie, celui

qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera

connaître toutes choses”. Jésus lui dit : “Je le suis, moi qui te parle”.

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“Une classe opprimée... ne par-viendra jamais à protester effica-cement si elle ne construit pas lasolidarité” (H.G. Wells).

ContexteLes temps sont difficiles pour la

petite communauté de 2% dechrétiens de l’État du Karnataka,au sud de l’Inde. Pour la premièrefois dans l’histoire de cet État, unparti de droite, déterminé à trans-former l’État laïc en un État théo-cratique, y a pris le pouvoir. Aucœur de l’idéologie de ce parti setrouve une opposition radicale àl’encontre des minorités et com-munautés subalternes. Pour arri-ver à ses fins, ce parti fait appel àdes sentiments de haine, à la pro-pagande mensongère, et à toutessortes de mythes à propos deschrétiens et musulmans. Dans lebut d’unifier les fragments d’unecommunauté hindoue divisée parcastes, le parti a d’abord eu re-cours à une série d’attaquescontre les chrétiens qui, bien quefaible minorité, sont le groupe leplus visible du fait de ses institu-tions scolaires de qualité et de sescentres sociaux. Il y a eu des at-taques contre les églises et le per-sonnel religieux de diversescommunautés, des plaintes fabri-quées de toutes pièces ont été dé-posées contre certainespersonnes, et on a cherché à sai-sir des propriétés appartenant àdes communautés religieuses.

Tout en menant ces attaques,l’État s’est engagé dans une in-tense campagne de propagandemensongère contre la commu-nauté chrétienne. Il a fait passerune loi contre les conversions, quipermet d’accuser les chrétiens de

conversions forcées. Nous savonsqu’en Inde la vache est un animalsacré pour le petit nombre desmembres de la caste hindoue laplus élevée, et que toutes les au-tres communautés, qui représen-tent 80% de la population,mangent du bœuf. Mais l’État deKarnataka a promulgué une loi quiinterdit l’abattage des vaches. Lapopulation vit dans un climat deterreur. En plus du yoga, les écolesse sont vues obligées d’enseignerle texte hindou de la BhagavadGita comme partie intégrante dessciences morales, et l’éducation ya pris un caractère communauta-riste. Notre communauté ne saitpas ce que ce parti a encore en ré-serve à son égard au cours desdeux années de pouvoir qui lui res-tent. Les musulmans ont, de leurcôté, été qualifiés de terroristes.

Réponse auxprojets du

gouvernementDifférents groupes ont organisé

des protestations de masse aprèsles premières attaques contre deséglises dans la ville de Mangalore.Chaque fois que les églises pro-testaient, d’autres groupes leur si-gnifiaient leur solidarité sousforme de rassemble-ments et manifesta-tions. Mais chaquegroupe le faisait isolé-ment. Il s’agissait desyndicats, de groupesde Dalits, de groupe-ments de femmes, etd’autres encore, irritéspar le comportementdes fondamentalistes, etqui tenaient à exprimerleur solidarité. Tant que

ces manifestations avaient lieuisolément, le gouvernement n’yprenait pas garde : chaque grouperassemblait à peine un millier demanifestants, même si de fait, ilexprimait un souci et un soutienpour l’ensemble des opprimés. Cen’est que lorsque les diversgroupes, organisations et associa-tions se sont retrouvés ensemble,avec leurs différentes stratégies etprojets, que l’État y a finalementprêté attention.

C’est “l’Initiative Citoyenne duBangalore” (Bangalore Citizens’Initiative) qui a permis de rassem-bler tous ces groupes épars enune seule organisation. Il est ex-traordinaire de voir combien cesgroupes avaient le désir de se ras-sembler, sans pourtant savoircomment le faire. Quand le col-lège a envoyé une invitation à tousles groupes – petits et grands –qui existaient dans les différentescastes et communautés, fois et re-ligions, métiers et professions,pour lutter contre les projets fas-cistes du gouvernement en place,même ceux qui n’avaient pas étéinvités se sont présentés. Nousétions plus d’une centaine, repré-sentant toutes sortes d’associa-tions. Il y avait des responsablesde la société civile, de syndicats,de groupes sociaux progressistes,

d’associations d’étudiantset d’universitaires, degroupes de Dalits, d’asso-ciations professionnelles etd’écrivains. Nous noussommes ainsi retrouvés plu-sieurs jours, après nos jour-nées de travail, dans leslocaux du collège, pour ana-lyser la conspiration traméepar le gouvernement et voircomment y répondre.

Donner sens à la solidaritéEt ailleurs ?

26 Lignes de crêtes 2014 - 25

Photo : Équipes Enseignantes d’Inde

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Méthodologieutilisée

Au cours des premières ses-sions chacun a pu partager sa ma-nière de percevoir la situation. Lesdivers groupes avaient différentesfaçons de voir les choses mais, aubout du compte, tous ont convenuque le gouvernement avait un pro-gramme d’action caché et que cequi se produisait était à la foiscommunautariste et contraire à lalaïcité, une véritable conspirationcontre l’ensemble des citoyens.Sans aucune exception, les parti-cipants ont conclu qu’ilsdevaient, tout en gar-dant leur identité pro-pre, former une“Initiative Citoyenne duBangalore” pour dénon-cer le parti au pouvoir etbloquer les desseins dugouvernement par unecampagne continued’interventions danstoutes les directions.L’association ainsi crééene s’est pas donné deleaders, le lieu des ren-contres est resté le col-lège et les dates etprogrammes des ren-contres suivantes se dé-cidaient collectivementau cours de la rencontreprécédente. C’était en-thousiasmant, etchaque groupe puisaitsa force dans celle desautres. Chaque rencon-tre comportait une discussion surl’analyse de la situation concrète,et les différentes opinions aidaientl’association à ressaisir les pro-blèmes à partir de différentspoints de vue. On y développaitalors un programme d’action àcourt et à long terme, où chaquegroupe prenait la responsabilitéde diverses tâches à accomplir.

Qu’est-ce que lasolidarité ?

Les journalistes, parmi nous,écrivaient des articles dans lesjournaux. D’autres donnaient desinterviews sur diverses chaines detélévision. Certains préparaientdes documentaires. On distribuaitdes tracts sur la voie publique. Onorganisait des débats au coin desrues, des séminaires dans lessalles des fêtes de quartier ou lesinstitutions scolaires. Nous dispo-sions d’un programme de “mu-sique de résistance” : deux heures

de récital contre les forces fas-cistes. Les étudiants se sont lan-cés dans du théâtre de rue dansles bidonvilles pour conscientiserles gens. L’association a organisédes manifestations qui drainaientdes milliers de participants en pro-venance de toute la ville et vi-saient à conscientiser les citoyenssur ce que nous affrontions et les

conséquences qu’aurait notre si-lence. Pour nous, ces forces s’at-taquaient à la Constitution mêmede l’Inde qui définit l’État fédéra-liste comme multiculturel, et quiassure l’unité du pays, non passur la base de l’uniformité, maisdans sa diversité. C’est là quenous vivions tous la solidarité.

Il s’agissait d’une cause quinous concernait tous. Nous ap-partenions à des religions,groupes ethniques, professions etmétiers différents et tous nousavions différentes langues et cul-tures. Certains d’entre nous

étaient athées,d’autres croyantsou encore agnos-tiques. Nous nousrassemblions pour-tant pour unecause commune –celle de la Constitu-tion indienne, etressentions les at-taques contre leschrétiens commeautant d’attaquescontre tout autre ci-toyen indien. Le faitreligieux n’étaitqu’un élément pourdéfinir notre iden-tité. Quelles quefussent nos diffé-rences, notre com-mune humaniténous liait tous en-semble. C’est celaque nous voulonsdire : lorsque nousparlons de solida-

rité, cela signifie que nous nouspercevons comme membresd’une même communauté hu-maine et que toute attaque ou dis-crimination à l’encontre d’und’entre nous est une attaque àl’encontre de tous. C’est pourquoinous nous sommes rassembléspour rejoindre un combat com-mun, et nous nous sommes levés

Et ailleurs ?

27Lignes de crêtes 2014 - 25

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en compagnie d’hommes et defemmes, semblables ou diffé-rents, mais unis, pour promouvoirla cause du droit à la vie pour tous,et pour toutes les communautés.

L’Unité dans ladiversité

Rassembler des gens pour unecause commune a été une mer-veilleuse expérience. Écouter despoints de vue différents et pour-tant parvenir à un programmed’action commun a été un im-mense défi à surmonter. Il est évi-dent que les gens avaient unemanière différente de saisir ce quise passait dans l’État de Karna-taka. Mais notre forum a travaillédur, individuellement et collective-ment, pour faire échouer les pro-jets communautaristes de l’État etpromouvoir une idéologie laïque.Lorsque l’État a passé une loi in-terdisant l’abattage des vaches,des groupes de Dalits ont, pourdéfier cet édit, collectivement pré-paré un repas avec de la viandede bœuf dans les locaux de l’uni-versité de Bangalore. Notregroupe était alors unanime : ledroit à la nourriture est un droitfondamental pour tous, et aucunÉtat ne peut l’abroger. De la mêmefaçon l’État a voulu obliger lesécoles à enseigner la Gita, là en-core une partie de notre groupe amanifesté pour l’interpeller, etl’administration a dû s’inclinerface à un groupe de pression issude la communauté la plus discri-minée du pays, celle des Dalits,qui avait publiquement condamnécette mesure. C’est cette commu-nauté qui a rappelé que ses mem-bres n’étaient pas hindous etqu’aucun État ne pouvait imposerce genre de texte à des non-hin-dous. Notre plus grand succès asans doute été de parvenir à mo-biliser une foule de plus de sixmille participants pour un meeting

public ouvert à toutes les per-sonnes de bonne volonté au coursduquel se sont exprimés trois lea-ders de premier plan de la sociétécivile nationale.

La solidarité etl’autre

Dans sa signification originelle,la solidarité exprime la double réa-lité de notre être : celle de notreunique individualité et celle denotre nature sociale. La personnehumaine est un être social et l’ob-jectif de l’ordre social n’est passeulement d’assurer le bien leplus élevé possible à chaque indi-vidu mais celui commun à l’en-semble de la société. En tant quetelle, la solidarité est un principeessentiel de l’ordre social. Noussommes tous membres de la so-ciété et nous sommes tous res-ponsables les uns des autres. Lasolidarité ne se restreint pas à unlieu particulier, elle est nationaleet internationale. Dès que nousnous regroupons en une organisa-tion, il nous devient plus facile denous mettre en réseau et de col-laborer avec d’autres groupesexistants. C’est ainsi qu’un certainnombre de personnes engagéesailleurs dans notre pays ont punous rejoindre au cours des ren-contres que nous avions. D’autresont pu, personnellement, nousrencontrer pour échanger desidées. Nous avons aussi déve-loppé des liens de solidarité avecdes groupes de défense de droitshumains en dehors de l’Inde.Nous avons eu le sentiment desortir de nous-mêmes, d’avoir

élargi nos horizons, et d’être de-venus partie prenante de tout unpeuple en lutte pour un avenirmeilleur. C’est ainsi que nousavons organisé, en soutien auxvictimes de Kandhamal dansl’État d’Orissa qui avaient elles-aussi souffert du communauta-risme, une vaste manifestation etun concert qui nous ont permis decollecter plus de cent mille roupiesen leur faveur. Nous avons, de lamême façon, dénoncé les souf-frances des réfugiés du Sri Lankaet du Tibet.

Pour nous, être en solidarité a si-gnifié faire nôtres les problèmes etles luttes de tous ceux qui étaientdevenus objets de la haine d’État.Nous avons décidé de nous leveret de nous emparer de leur cause,et de renforcer ainsi la cause del’humanité. Ce qui a été frappantdans cette unité qui a été la nôtre,c’est que nous nous sommes, lesuns les autres, reconnus tout enmême temps comme personnes –au-delà de notre propre moi. Pourle collège, pour nombre de ses étu-diants, ainsi que pour certainsmembres de son personnel, cela aété une immense découverte des’apercevoir, lorsque nous som-mes entrés dans la lutte, que nousétions finalement tous liés les unsaux autres.

Ambrose Pinto, s.j.Traduction J.-M. Dumortier

Entre-nous n° 71

Ambrose Pinto s.j. est un ancien di-recteur du Collège St Joseph, à Ban-galore, et ancien directeur exécutif del’Institut Social Indien (Indian SocialInstitute) de New Delhi.

Et ailleurs ?

28 Lignes de crêtes 2014 - 25

Photo : Équipes Enseignantes d’Inde

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Philippe Eluard, a vécu pendanthuit ans dans le Nordeste du Bré-sil. Il a travaillé avec des petitsagriculteurs, dans le cadre d’unprogramme de formation. De re-tour en France, en 1985, il a étéassistant de service social avantd’intégrer le CCFD.

Pendant les deux premières an-nées de présence dans une petiterégion du Nordeste brésilien, j’aidécouvert qu’il fallait du tempspour parvenir à la fraternité et pourdépasser les conséquences deplusieurs siècles de relations in-ternationales marquées par la dé-pendance du Sud vis-à-vis duNord. Le savoir-faire, comme lepouvoir économique, semble ap-partenir aux pays européens ounord américains. Les populationsdu Sud ont intégré l’idée qu’ils nepourront améliorer leurs situationsqu’en recevant des techniques etdes subsides. L’énergie de la rela-tion n’est plus alors dans le déve-loppement de ses propres capa-cités pour construire sa propreexistence. Elle est dans la straté-gie à adopter pour recevoir les mo-dèles économiques etsociaux des autres. Il a falludu temps pour que les gensavec qui nous vivions, accep-tent que nous ne soyons pasvenus comme des techni-ciens ou des bailleurs defonds sociaux, mais commedes catalyseurs des énergiesqu’ils avaient en eux. C’estainsi, par exemple, que nousavons été conduits à travail-ler sur la santé des per-sonnes. La connaissance enmatière de plantes desfemmes est impression-

nante. Quand nous les interro-gions pour les aider à construireun catalogue transmissible auxgénérations futures, dans un pre-mier temps, elles avaient honte deleur savoir, surtout quand ellesrencontraient notre amie fran-çaise et médecin. Et pourtant, fi-nalement c’est bien un échangede savoirs que nous avons puconstruire, permettant ainsi à cesfemmes de comprendre la ri-chesse de leur savoir-faire, com-plémentaire de la médecinemoderne.

Du “je” au “nous”Le plus beau cadeau de notre

présence d‘une dizaine d‘annéesauprès des paysans brésiliens duNordeste a été la prise de paroled’un vacher, pendant la réuniond‘un village. Ce dernier, pauvreparmi les pauvres, s’est tout àcoup levé. Il a commencé à parlerde sa vie. Et puis, subitement, ils’est arrêté et s‘est exclamé : “Jeparle”. Ce jour-là, nous avons ététémoins d’un exclu qui parvenait à

dépasser l‘oppression de toute savie pour commencer à accéder àson humanité. Il devenait capablede dire “je”, condition absolumentnécessaire pour dire à l‘autre “tu”,condition nécessaire pour entrerdans un “nous” comme nous y in-vite l’Évangile. Cette scène a, pourma part, été fondatrice de ma pro-pre identité. Au moment où j’étaistémoin de cette naissance au delàde l’oppression, je commençais àm‘approprier mon identité de tra-vailleur social.

De retour en France, après maformation d’assistant social, j’aivite compris que l’enjeu de l‘ac-compagnement social était lemême que celui que j’avais décou-vert au Brésil. La vie avec les pay-sans du Nordeste m’a appris qu‘ilne faut pas confondre les symp-tômes avec la maladie. La pau-vreté, l’illettrisme, l’absence delogements sont les symptômes dela déshumanisation de bon nom-bre de nos concitoyens. En travail-lant ces questions, il ne faut pasoublier que l’essentiel se situe auniveau de l‘ouverture d‘espaces

permettant la construction dela parole de l’autre. C’est ceque j’appelle “entrer en fra-ternité”. Cela suppose, chezle travailleur social ou chez lapersonne du Nord, unegrande conscience de sa pro-pre identité et une grande hu-milité. Ce n’est qu‘à cettecondition que l‘autre pourracommencer à dire sa propreparole.

Philippe EluardVivre le Carême 2009

Avec l’aimable autorisation duCCFD-Terre Solidaire.

Une expérience de fraternité au BrésilQuand les muets parlent et les sourds entendent...

Et ailleurs ?

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J’ai visionné le film “Sur le che-min de l’école”, dont le scénarioest contenu dans le titre : suivresur le chemin de l’école quatregroupes d’enfants dans des par-ties du monde où apprendre estune gageure.

D’un point de vue sociologique,chaque famille pratique la religionde son pays : catholicisme,bouddhisme, islam, et pourla famille indienne, je diraisreligion de l’amour : c’est cequi transparaît très fort dansles relations entre la mamanet ses enfants et entre lestrois enfants eux-mêmes.

Difficile de vous transmet-tre les émotions qui surgis-sent au visionnement de cefilm, mais le message estclair. L’envie d’apprendre, lavolonté d’acquérir le savoiraniment ces enfants soumisà des difficultés énormes, ini-maginables même…

On ne peut que mettre enregard ce qui se passe enFrance : l’éducation est undû, dont on ne s’empare quedu bout des doigts ; trop fa-cile ? C’est une question éduca-tive, de société… Les famillessont-elles seules en jeu ?

Ce n’est pas si simple… Cela in-terroge aussi l’accès au savoir etles principes même d’instructionpublique, devenue en 1932 Édu-cation nationale (sous le gouver-nement d’Édouard Herriot) :savoir, instruction, éducation…,autant de concepts sur lesquelsles enseignants sont invités à ré-fléchir dans leur formation et queles politiques devraient bien consi-dérer avant d’empiler des ré-formes non fondées.

C’est une tradition d’opposerinstruction et éducation, comme sil’une faisait partie de la sphèreprivée et réservée à la famille, etl’autre de la sphère publique, del’école et donc du politique. Aurait-on dépossédé les familles d’unepartie de leur apport et donc dé-responsabilisé les adultes ?

Aujourd’hui, Philippe Meirieu(connu pour ses prises de posi-tions pas toujours politiquementcorrectes), à la lumière des pro-positions de Durkheim, nous ditqu’éduquer c’est élever, fairegrandir dans l’optique de l’acqui-sition de l’autonomie, de la li-berté. Le maître donne deshabitudes par rapport à des si-

tuations sociales, apprendà “vivre ensemble” dans lesens de faire société.

La plupart des ensei-gnants ne savent plus trèsbien dans quelle action ilsse situent. Quelle complé-mentarité avec les famil-les ? Parfois il y a unproblème de valeurs trans-mises. S’interroger sur laphilosophie de l’éducationavant de mettre le nez dansle guidon me paraît plusqu’indispensable pour dejeunes enseignants qui dé-butent. Malheureusementleur formation ne les pré-pare pas à cela. Ils acquiè-rent une trousse d’urgenceet oublient le sens profondde leur action...

Je vous invite vivement à regar-der ce film.

Sylvie PaquetAllier

NB : pour finir, j’ai relevé la pratiquereligieuse de chaque famille, elle posesimplement pour moi le rapport à latranscendance, au sacré… Finale-ment, pour ces enfants, le savoir estsacré et leur chemin presque initia-tique est de l’approcher, se l’appro-prier quelles que soient les difficultés.

Sur le chemin de l’écoleEt ailleurs ?

30 Lignes de crêtes 2014 - 25

Talleyrand, puis Condorcet ontproposé une théorie de l’instruc-tion dont “le but principal est d’ap-prendre aux enfants à devenir unjour des citoyens”, une instructionqui “agrandit la sphère de la li-berté civile”. Il s’agissait àl’époque, de donner l’instructionnécessaire pour se libérer de l’em-prise de l’Église, en apprenant auxenfants “à raisonner juste, à bienanalyser leurs idées”.

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Ce livre ne peut qu’interpellerceux qui ont une mission de trans-mission dans l’ordre de l’ensei-gnement particulièrement, ainsique dans l’animation sociocultu-relle et l’action politique aux diversniveaux municipal et départemen-tal. Gilles Kepel, bien connu, pro-fesseur à Sciences-Politiques etmembre de l’Institut Universitairede France, arabisant, s’est spécia-lisé dans l’étude de la société aufil des évolutions des populationsmusulmanes au sein de la popu-lation française globale. Après Lesbanlieues de l’islam (1987 et1991), après Quatre-vingt-treize(l’islam en Seine-St-Denis, 2012),et suite au “printemps arabe”, G.Kepel a écrit son journal Passionarabe, 2011-2013 (éd. Gallimard,2013). Il complète ici son analysepar Passion française : ces liensqui “passionnent” les personneset les familles issues de la “diver-sité” dans leur rapport à la France.

“Passion”, au double sens dumot, d’attirance profonde, et desouffrances. Le sous-titre “Lesvoix des cités” est aussi polysé-mique : l’expression des opinionssur le devenir social tâtonnant etdes aspirations des jeunes et desgroupes (associations...) dans les“cités”, et, par ailleurs, les voixélectorales dans les cités lors desdernières élections législatives, en2012. Pour la première fois enFrance, aux législatives de 2012,près de quatre cents candidatsissus de la “diversité”, aux “nomsà consonance arabe ou musul-mane” se sont lancés dans ledébat auprès des électeurs, signed’une volonté nouvelle de faire en-tendre la voix des exclus, dessans-travail, des chercheurs

d’écoute ou d’intégration, des ci-toyens musulmans...

Sur mode de présentation géné-rale, puis de “verbatim” composésdans la rencontre directe avec lescandidats, deux villes embléma-tiques, aux extrémités de laFrance, sont particulièrement étu-diées, Marseille et Roubaix. En dé-rision envers son titre de “capitaleeuropéenne de la culture”, Mar-seille est qualifiée ici de “capitalede la rupture”, vu les zones de pré-carité, de marginalité et de frac-ture culturelle (drogue, violencesjusqu’au “supplice du barbe-cue”…). On y voit bien l’action desleaders de partis politiques diffé-rents (Jean-Claude Gaudin, Jean-Noël Guérini...) et des “petitscandidats” en campagne dans“l’arène électorale” dans les cités.Roubaix, la “Mecque du socia-lisme” et “ville la plus musulmanede France”, a vu ses atouts éco-nomiques chuter, et le rayonne-ment du catholicisme social s’estaffaibli (prêtres-ouvriers, actioncatholique...). De Marseille à Rou-baix, les références à l’islam serenforcent et s’explicitent. Dans cecontexte, aux législatives, l’in-fluence des “petits candidats” soi-

gnant la proximité dans les citésest déterminante dans la “chasseaux voix” et vise à peser sur l’élec-tion au second tour. Au cœur de“la République française laïque”,des responsables politiques, ac-compagnés de candidats, se ren-dent parfois à la mosquée. C’estreconnaître que l’islam, en tant quetel, est devenu une composante in-contournable de l’espace publicpolitique. C’est souligner les enjeuxdes candidatures de la “diversité”avec, dans les diverses circons-criptions, l’influence du positionne-ment sociopolitique des imams desmosquées, et l’avancée des candi-dats se référant à l’islam en mêmetemps qu’à la laïcité.

G. Kepel situe plusieurs seuilsde la progression de la questionde l’islam en France : en 1983, la“marche des beurs contre le ra-cisme et pour l’égalité”, de Mar-seille à Paris, avec le P. ChristianDelorme et le pasteur protestantJean Costil, les émeutes dans lesbanlieues en 2005, et les candi-datures aux législatives en 2005.Ces dates jalonnent la progressionde la prise de conscience musul-mane en France.

Il en résulte une analyse vrai-ment instructive sur les seuilsd’évolution des mentalités socio-culturelles et politiques, non seu-lement à Marseille et à Roubaix,mais aussi sur les enjeux sociopo-litiques, économiques et culturelsqui se dessinent dans les autreslocalités (les “quartiers”...). Ce re-gard éclaire notre approche sur laréalité des rencontres interreli-gieuses et des dialogues de foi,sur la mission des laïcs dansl’Église et dans la société, sur les

Vie culturelle

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GILLES KEPEL : Passion française. Les voix des cités.

Gallimard, coll. Témoins, 2014, 288 p., 19 €

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Jamais dans l’histoire nousn’avons traversé une période depaix aussi longue !

Depuis plus de 60 ans mainte-nant il n’y a pas eu de grandsconflits armés entre les grandesnations !

Formidable !En 60 ans, il y a bien eu

quelques conflits régionaux maisrien de bien grave, quelques mil-lions de morts tout au plus !

Est-ce à dire que l’horreur a dis-paru et que les marchands d’armessont en faillite, on n’ira pas jusquelà, rassurons-nous ! Il y a des armesdont on nous parle très peu et quisont l’avenir : missiles de croisières,bombes à air et à fuel, les JDAM(bombes guidées par satellites),bombes à fragmentation et bombesà sous-munitions, une seule bombemère lâche 202 bombes ressem-blant à des jouets ou à des bou-teilles de soda, et qui minent lesterrains pour des dizaines d’années.

Mais les plus intéressantes sontdéjà présentes dans les conflitsen cours, en Irak et surtout en Af-ghanistan, ce sont les bombes UA(uranium appauvri). Ces bombessont fabriquées à partir des dé-chets nucléaires des centrales ci-viles du même nom, soit 3 000tonnes d’uranium utilisés là-bas.

On ne savait pas quoi faire deces déchets, voilà donc une appli-cation qui tombe à pic.

Le stock mondial est estimé àun million de tonnes dont la moi-tié est américaine (en 2012). Ellespermettent de transpercer les blin-dages les plus sophistiqués, dedétruire les armes enterrées et lesréserves de fuel. Leur efficacité seprolonge dans le temps pendantdes dizaines, voir des centainesd’années, en infectant les nappesphréatiques et les sols dorénavantcontaminés.

Le docteur Ahmad Ashraf, chi-rurgien neurologue à Grenoble,est afghan et retourne dans sonpays régulièrement pour soignerles populations, et dans son livreLa Dévastation, où il nous dit toutce que l’on ne nous dit pas, il ra-conte les horreurs qu’il rencontre :tumeurs jusque-là inconnues, em-bryons mal formés, sans tête,

sans yeux, sans bras. (On retrouveaussi des tumeurs chez les vété-rans US de retour au pays, et cer-tainement chez les soldatsd’autres pays…). Il essaye de sonmieux de soigner ceux qu’il peutencore sauver, car il y a des ur-gences plus urgentes que d’au-tres, le tout dans une atmosphèrede corruption qui gangrène le paysà tous les niveaux. Là-bas la mé-decine est une affaire commer-ciale, et les médicaments desimples marchandises.

“L’Afghanistan est un eldoradopour des médecins peu scrupuleux”.

Les Américains vont partir d’Af-ghanistan, soit 90 000 hommes, etque va-t-on faire des 113 000hommes mercenaires d’armées pri-vées (eh oui ! les armées privées,ça existe) qui sont sur le terrain ?

Les Afghans connaissent laguerre depuis 30 ans, et plus dela moitié de la population n’aconnu que cette situation, il est àcraindre que ce soit loin d’être fini.L’Afghanistan n’a pas de pétrole,donc pas grand intérêt, si ce n’estqu'il est traversé par des oléoducsvenant du nord.

Ils n’ont vraiment pas de chanceles Afghans…

Jean-Marie de Saint ChartrierHaute-Savoie

Vie culturelle

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AHMAD ASHRAF : La dévastation. Qu’avons-nous fait en Afghanistan ?

Bayard Jeunesse, coll. Essais, 250 p., 17 €

modalités de l’évangélisation...mais aussi sur l’intégration rela-tionnelle et professionnelle des po-pulations, sur l’urgent dévelop-pement de la proposition du Ser-vice civique national aux jeunes de16 à 25 ans (information, accom-pagnement dans des associations

ou des organismes de solidarité...).

À l’heure où l’on s’interrogesur le devenir hésitant de lasociété française en contexteeuropéen et méditerranéen,nous comprenons que ce livrede G. Kepel attire l’attention

des responsables politiques,économiques, socio-culturelset religieux, et de tous ceux quiont une tâche éducative oupastorale.

Pierre Fournier

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33Lignes de crêtes 2014 - 25

Vie culturelle

SCALA DEI : POLYPHONIES EN L’HONNEUR

DE LA VIERGE MARIE

Ensemble Ligeriana, dir. Katia Caré.Jade 699 832

Extrait du célèbre Codex de laChartreuse de la Scala Dei en Tarra-gone, ce disque rassemble deschants liturgiques du XIIIe siécle. Ils il-lustrent bien la pure tradition hispa-nique et romaine dans l’ambiancedu royaume Aragono-Catalan. Cesont de magnifiques motets poly-phoniques en l’honneur de la ViergeMarie, superbement mis en valeurpar les neuf chanteuses de l’ensem-ble Ligeriana.

Un admirable livre d’heures.

Claude Ollivier

ROSSINI : PETITE MESSE SOLENNELLE

Chœur Polyphonique de l’Acadé-mie Sainte-Cécile de Rome.Dir. Renato FasanoJade 699 835

Ni Petite, ni Messe, ni Solen-nelle pour ce testament souriantqui n’est pas sans rayonnementspirituel. Nous retrouvons ici laversion historique “remastérisée”de la prestigieuse AcadémieSainte Cécile de Rome (l’Opéra deRome), dirigée par Renato Fasano,grand spécialiste reconnu de Ros-sini : « Bon Dieu, la voilà terminéecette pauvre petite messe. Est-cebien de la musique sacrée que jeviens de faire ou de la sacrée mu-sique ? J’étais né pour “l’opérabuffa”, tu le sais bien. Peu descience, un peu de cœur, tout estlà. Sois donc béni et accorde-moile Paradis ».

C. O.

MUSIQUEFaire vivre la laïcité

Livre collectif, sous la direc-tion d’Alain Seksig, avant-pro-pos d’Elisabeth Badinter -éditions Le Publieur, 2014,310 p., 22 €

Cet ouvrage de 300 pagesrassemble les conclusions del’avis du Haut Conseil à l’Inté-gration (HCI) du 28 mars2013 sur l’expression reli-gieuse et la laïcité dans lesétablissements publics d’en-seignement supérieur enFrance, et les actes du cyclede conférences sur la laïcitédonnées au Conservatoire Na-tional des Arts et Métiers deParis jusqu’en 2014.

Contrairement à ce que l’onpourrait penser, la lecture deces 300 pages est aisée et dy-namique. Elle recadre la no-tion de laïcité, pilier de notrecohésion sociale, rassemblanttous les membres de la so-ciété - croyants, agnostiqueset athées - garantissant la li-berté de conscience, le res-pect de toutes les croyanceset le libre exercice des cultes.

La mission de réflexion qui atravaillé aux côtés du HCI aéclairé les débats sur le senset les modalités pratiquesd’application du principe delaïcité. La croissante visibilitédu religieux, son instrumenta-lisation politique mettent àmal le “vivre ensemble” dansdes secteurs de plus en plusvariés : petite enfance, hôpi-tal, travail social, entreprises…Face aux réalités de terrain,cet ouvrage provoque “un sur-saut de lucidité et de couragepour faire vivre la laïcité”.

Chantal GuilbaudÎle-de-France

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Flix, de Tomi Ungerer - collectionLutin poche, 5,60 €, éd. L'Écoledes loisirs.

Théo et Alice Lagriffe mènentune existence de chats heureux.Leur bonheur est total lorsqu’Aliceattend un enfant. Le bébé naît,c'est un garçon, les parents sontfous de joie. Mais il faut bien re-connaître que ce bébé est... unchien !!

La nouvelle fait sensation. Mon-sieur Lagriffe raconte que sagrand-mère aurait eu une amou-rette avec un chien de passage...Ces parents-chats élèvent lemieux possible leur enfant-chien,lui apprennent la langue des chatsqu’il parle avec un accent chien…

Surfant sur cette situation peubanale, Tomi Ungerer fait réfléchirsur la différence, sur nos a priori(personne ne veut jouer avec Flix,que l’on doit scolariser à Clébar-ville…). Et ce qui devait arriver ar-rive : Flix s’éprend… d’une jeunecaniche. L’attitude tolérante et af-fectueuse des parents chats gé-nère une paix nouvelle entre lesdeux communautés. Une bienbelle histoire à offrir aux jeuneslecteurs. (À partir de 7 ans).

L’Intrus, de Claude Boujon - collection Lutin poche, 5,60 €, éd. L'Écoledes loisirs.

Un éléphant débarque inopinément devant le terrier des Ratinos.D’abord bouleversés par le gabarit de l’intrus, les Ratinos font face à lasituation mais refusent obstinément de sympathiser avec le pachy-derme. Celui-ci les observe de plus en plus près, essaie de les embras-ser pour montrer sa gentillesse… mais rien n’y fait, il est rejeté du fait desa différence.

Un jour, un danger mortel fait crier "À l’aide" l’équipe de moustachus,et devant cet appel désespéré, l’éléphant se précipite à leur secours.L’histoire finit bien : on a parfois besoin d’un plus gros que soi. (À partirde 3 ans).

Le Chat ne sachant pas chasser, deJohn Yeoman, illustré par Quentin Blake,Gallimard jeunesse, 4,90 €.

Dans cette histoire, il s’agit de montrerque la fraternité animale peut s’exprimerlorsqu’un chat n’a pas l’instinct néces-saire pour chasser les souris. Ce chatmalheureux et maltraité va émouvoir lepeuple des souris, alors que le meuniervoulant débarrasser son moulin des sou-ris apparaît comme dénué des senti-ments dont les animaux sont largementpourvus.

Les dessins de Quentin Blake sont réjouissants et contribuent à don-ner au livre de Yeoman toute sa dimension. (Pour un lecteur confirmé,mais on peut la raconter aux plus petits qui apprécient beaucoup la jus-tice et les sentiments).

Des albums sur “Différences et Fraternité”

Vie culturelle

34 Lignes de crêtes 2014 - 25

Chantal Guilbaud etCatherine Réalini

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Vie de l’association

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Un été riche en rencontres

En juillet, la fin des travaux a permis à certains d’accueillir dans de bonnes conditions les délégués duBureau International des Équipes Enseignantes dans le monde, pendant que d’autres rencontraient desenseignants de toute l’Europe, en Slovénie, ou marchaient au milieu des fleurs du Queyras.

À la fin de l’été, d’autres sessions ont connu un réel succès.

Le 4 octobre dernier, une petitefête de clôture des travaux a étéorganisée dans les nouveaux lo-caux de CdEP, destinée à remer-cier tous ceux qui se sontparticulièrement impliqués dansleur conduite.

Que de chemin parcouru depuisla vente de la maison rue Lacoste !L’association, un moment baséeboulevard du Montparnasse,confrontée aux projets de restruc-turation des Rédemptoristes et auxnouvelles normes pour les établis-sements recevant du public, a dûenvisager la recherche d’un localapproprié, aventure à moult rebon-dissements. Enfin un lieu a ététrouvé dans le 10ème arrondisse-ment, grouillant de diversité, nousappelant à mettre en œuvre l’invi-tation évangélique à accueillir l’au-tre dans sa différence. Mais destravaux d’aménagement étaientnécessaires et devaient obtenirl’aval des autorités.

Ces travaux ont duré long-temps : que celui ou celle qui n’ajamais expérimenté pour son pro-pre compte les retards, les défautsdemandant remède, jette la pre-mière pierre ! Les secrétaires auxpremières loges ont vaillammentsupporté le bruit, la poussière etcalmé les impatiences des autrescopropriétaires. Pendant toutecette période, les décisions à pro-pos du local ont accaparé leConseil d’Administration qui a re-gretté de ne pouvoir consacrerplus de temps à l’avenir de CdEP.

À l’occasion de l’Assemblée Gé-nérale d’avril, une célébrationd’action de grâces a réuni au 67tous ceux qui le pouvaient. Lignesde crêtes s’en est déjà fait l’écho.Il restait encore quelques finitionset aménagements à terminer maisle gros du chantier était terminé.

Au moment du Conseil d’Admi-nistration d’octobre, il ne restaitplus que quelques bricoles à ré-gler et il convenait de rendre hom-mage à tous ceux qui se sontinvestis plus particulièrement,plus concrètement dans cetteaventure, pour choisir et décider,vider les locaux et placer les ar-chives, garder des meubles, sur-veiller les travaux, réaménager. Jen’ose dresser la liste de toutes lespetites abeilles industrieuses depeur d’oublier quelqu’un, mais cespersonnes se reconnaîtront :qu’elles soient très, très chaleu-

reusement remerciées ! Une men-tion spéciale toutefois pour JeanHandtschoewercker qui a arpentéParis guidé par Valérie G, chas-seur immobilier, aidé les uns et lesautres dans les déménagementssuccessifs, assisté à la plupartdes réunions de chantier hebdo-madaires avec les architectes etrépondu présent face à chacundes incidents qui ont jalonné ceparcours.

Il nous reste maintenant à don-ner vie à ces locaux afin qu’ilsconstituent un lieu fructueux pourles membres de CdEP bien sûr,mais un lieu ouvert aussi sur lequartier, aux associations amies,dans la mesure du possible.

Que le Seigneur nous accorde lagrâce d’être imaginatifs et ac-cueillants !

Christine Antoine membre du C.A.

Fin des travaux

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36 Lignes de crêtes 2014 - 25

Vie de l’association

voir sur l'École (normes, pro-grammes, en relation avec un pro-jet économique). La désaffectionsyndicale est due en grande partieau sentiment d'impuissance d'ungrand nombre d'enseignants.

En Afrique, la relative accal-mie politique dans certains payspermet quelques évolutions posi-tives. Cependant, le nombred'élèves dans les classes restepléthorique, le manque de locauxperdure et la formation pédago-gique repose sur quelquesbonnes volontés. Cependant,l'état de guerre dans certainspays (Mali, République centrafri-caine notamment) nuit à la séré-nité de l’enseignement.

En Asie, le problème de l'ap-prentissage dans les langues lo-cales conduit à des discriminations(exemples : en Inde, de nom-breuses écoles privées choisissentde fonder leur enseignement surl'anglais, privilégiant ainsi les en-fants de familles riches. Quant auSri Lanka, le cingalais y est imposé,même aux enfants tamouls). Lesenseignants, bien qu'astreints àdes tâches autres que l'enseigne-ment ont des salaires dérisoires.

Enseignants de quatre continents

Du 17 au 30 juillet le local étaitprêt à accueillir le Bureau Interna-tional des Équipes Enseignantesdans le monde. Après un exil enbanlieue, quelle facilité de se re-trouver dans ce quartier trèsanimé de la capitale, proche desgares du Nord et de l'Est. Tous lesparticipants ont apprécié l'héber-gement, une salle spacieuse etbien éclairée pour les réunions ettoutes les commodités pour facili-ter le travail de chacun.

La géopolitique a ouvert la ses-sion : tour du monde des différentspays dans lesquels les Équipes sontprésentes, en mettant en relief cequi a été particulièrement marquantlors de l'année écoulée.

Nous avons pu repérer dans denombreux pays des phénomènestant négatifs que positifs, déjà notésdans nos rencontres précédentes.

En ce qui concerne l'École, lessituations sont éminemment dif-férentes d'un continent à l'autre,et même d'un pays à l'autre.Quelques traits ont été soulignéspar les participants :

En Amérique Latine, la BanqueMondiale et le FMI ont pris le pou-

En France, la mise en placedes rythmes scolaires a com-mencé, elle doit être généraliséeà la rentrée 2014. Malgré de nom-breuses incitations, peu de candi-dats se présentent à la formationdes enseignants. En ce quiconcerne l'Espagne, l'apport deJuan Carlos nous a éclairés sur lesrelations difficiles entre l'État,l'Église et l'École (nombreuses loistrès discutées sur la présence del'enseignement de la religion dansl'École publique).

Ces réflexions ont conduit à unéchange plus approfondi et tournévers l'avenir, ce qui a amené le Bu-reau International à travailler deuxsujets : L'avenir de la planète etnos engagements de chrétiens àla lumière du texte du pape La Joiede l'Évangile.

Ces deux thèmes seront reprisdans les deux prochains numérosde la revue Entre Nous.

Extraits du compte-rendu deSuzanne Cahen et

Paulette Molinier

Lire le compte rendu complet dans larevue Entre-nous 76 et dans La Lettrede Dialogue et Coopération.

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Comme chaque été nous voiciréunis pour une rencontre euro-péenne, cette année au Nord deLjubljana. Nous sommes unesoixantaine de participants venusde dix pays européens, parmi les-quels un jeune prêtre français quiaccompagne un couple habituédes rencontres, un prêtre gréco-catholique roumain et un jésuiteslovène qui est l’aumônier des en-seignants. Les Français, commetoujours, constituent le contingentle plus important. Le thème estArt, spiritualité et éducation.

Les conférences abordent lamusique, les mosaïques, la littéra-ture avec des expériences de pro-fesseurs dans des établissementsscolaires slovènes. La premièreconférence sur la musique montrel’importance de cet art, et en par-ticulier du chant, dans la cultureslovène et dans le système édu-catif. De nombreuses choralessont présentes dans les établisse-ments. Le groupe de discussionqui suit la conférence montre ladifférence importante qui existeentre les différents pays, et la pau-vreté de l’enseignement musicalet artistique en général dans lesystème scolaire français.

Le deuxième jour de la rencontreest consacré aux mosaïques deMarko Ivan Rupnik, prêtre jésuite slo-vène qui a créé un centre à Rome.Nous avons déjà eu l’occasion devoir une de ses œuvres dans l’églisede Kranj où sont célébrées lesmesses. Un film nous montre la viede la communauté à Rome et, à Lju-bljana, nous allons dans une églisepour découvrir une autre œuvre etécouter la conférence de Marko IvanRupnik qui explique la théologie quisous-tend son œuvre.

Pour la littérature nous rencon-trons le professeur Andrej Capuder,enseignant, poète, écrivain, es-sayiste, traducteur, ancien ambas-sadeur de Slovénie en France et enItalie. Il nous parle de la naissanced’une histoire. Jana Ozimek, pro-fesseure, présente également sesexpériences pédagogiques sur lalittérature avec ses élèves et desateliers d’écriture sont ensuite pro-posés aux participants.

En marge de la rencontre undébat a lieu pour parler des élec-tions européennes. Des représen-tants de cinq pays européensdonnent leur avis sur les résultatsà ces élections, où le taux d’abs-tention a été élevé dans pratique-ment tous les pays. Il nousapparaît que nous devons militerautour de nous pour l’Europe,pour que le projet européen initialpuisse perdurer.

Lors de ces rencontres nous pro-fitons aussi des visites : celle de laville de Kranj, ville du Moyen-Âge,avec son château, ses maisons an-ciennes et les souterrains datant dela seconde guerre mondiale. Noussommes également reçus à la mai-rie de la ville. Nous visitons égale-ment à Ljubljana différentsmonuments de l’architecte slovène

Joe Plečnic. L’excursion facultativenous mène dans la région du Kars(à l’ouest de la Slovénie, vers lafrontière italienne) où nous visitonsdes grottes. Le clou du spectacleest un canyon très profond oùs’écoule une rivière tourbillonnante.Quelle nature impressionnante !

Comme chaque année l’atmo-sphère est conviviale, l’accueil cha-leureux. Cela compense le tempsplutôt pluvieux. Nous retrouvonsdes participants des années pré-cédentes et quelques nouveaux.Nous découvrons l’Église slovène,élément important de la société. Ledimanche pas moins de dix en-fants de chœur sont présents, desgarçons exclusivement, entre cinqet quinze ans ! Une surprise pournous Français ! Un prêtre m’ex-plique très sérieusement qu’il a dità une famille dont le fils n’allaitplus en classe, de faire bénir la

maison, de faire diredes messes pour lesdéfunts de la famille,et de prier pour lejeune. Au bout d’unequinzaine de jours, lejeune est retourné delui-même en classe !Une proposition àsoumettre au Minis-tre de l’ÉducationNationale pour lesélèves décrocheurs ?

Cela semble si simple !

Quand on se quitte pour rentrerchacun dans son pays respectif,on se donne rendez-vous pourl’année prochaine, en juillet2015… à Rome. Déjà de quoirêver !

Catherine Le CozIsère

Art, spiritualité et éducationà Kranj (Slovénie)

Vie de l’association

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Cette fois encore, la session pro-posée par CdEP aux personnels enactivité intitulée École : entre rêveset réalités. Changer de regard a ré-pondu aux attentes des partici-pants qui ont dit en fin derencontre : “Le lieu a été très bienchoisi, la maison Saint-Paul étaittrès accueillante ; ça m’a nourri, çame met en route pour la rentrée”.

humains. Éduquer, c’est être dansune démarche de devenir, c’est don-ner des fondements sur lesquels lesélèves vont s’appuyer. L’Écoleémancipe, éduque en instruisant,en transmettant des valeurs. Àl’École, ce qui se transmet a un rap-port avec l’universel. Il ne faut pasconfondre “se mettre à la portéedes élèves” avec “se mettre à leur

niveau”, les saisircomme capables dechanger, de progres-ser. Elle a beaucoupillustré ses propos encitant de nombreuxextraits de Chagrinsd’école de DanielPennac.

Dans un autre re-gistre, mais de ma-nière tout autant

pédagogique, Olivier Joncour nousa invités à nous tourner vers le re-gard de Jésus-Christ dans les Évan-giles : un regard d’amour, decompassion, un regard qui changela personne qu’il regarde. Il nous ainvités à comprendre le regard quele Christ pose sur nous, à accueillirson regard et à convertir notre pro-pre regard sur les autres, nos pa-rents, nos élèves, nos collègues.

Demandons la grâce que notreregard devienne celui de Jésus.

Pour conclure, il nous a luquelques extraits des regardsposés par une jeune enseignantede lettres en région parisienne etbloggeuse : Zabou the terrible2.

Tout au long de ces journées,nous avons éduqué notre regard,notre sensibilité, grâce à des per-sonnes passionnées : l’amie de Syl-vie qui nous a offert une visiteguidée exceptionnelle du centrehistorique de Moulins, nous a ini-tiés aux pas des danses bourbon-naises et nous a fait découvrir l’artde la dentelle, l’organiste qui, à sonclavier, nous a convaincus des ri-chesses extraordinaires de l’orguede l’abbatiale de Souvigny.

Les moments de méditation oùnous avons essayé parfois d’inno-ver, de célébration nous ont rap-pelé que nous étions rassemblésaussi au nom de notre foi enJésus-Christ !

En définitive, ces journées furenttrès dynamisantes, riches en ren-contres diverses et demandent àêtre renouvelées, avec éventuelle-ment des modalités différentes aux-quelles nous pourrions réfléchir.

Michèle LesquoyMeurthe-et-Moselle

1/ Voir p. 9 à 12.2/ http://www.zabou-the-terrible.fr/

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Vie de l’association

Moulins : changer de regard

Nous y avons rencontré des per-sonnes passionnées parmi les in-tervenants, comme parmi lespersonnes sollicitées pour le volettouristique des journées.

Nous y avons découvert des in-tervenants nouveaux qui nous ontaidés à poursuivre notre réflexionsur l’institution scolaire commesur les missions de l’École.

Sylviane Feuilladieu et Anne Gom-bert nous ont éclairés sur l’impactde l’inclusion (intégration des per-sonnes en situation de handicap)sur les pratiques des enseignants.1

Béatrice Moulin nous a aidés àgarder un regard d’espérance surl’École de la République, en dépitdes difficultés actuelles et des nou-veaux publics auxquels noussommes confrontés.

Elle a rappelé les missions del’École au travers de formules quinous ont fait chaud au cœur.

La démarche éducative doit per-mettre à des élèves qui sont enconstruction de devenir pleinement

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Saint-Étienne : faire mémoire !Vie de l’association

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Point de vue de l’équipe organisatrice...C'était le 21 mars. Nous devions rendre réponse à

Jean Kayser, qui nous avait suggéré de programmerà Saint-Étienne une session de retraités CdEP. L'idéene nous en était jamais venue auparavant, mais celanous a séduits. Donc on y va !

Le lieu ? Pas difficile à trouver, la maison diocé-saine qui ne demande qu'à servir à quelque chose.C'est cela qui déterminera la date.

Le thème ? Ce devra être “vraiment de chez nous”,et sera construit à partir des expériences et engage-ments des uns et des autres. Et voilà comment celas'est bâti. On parlera du souvenir, des rapports entrela mémoire et l'histoire, aussi bien vus par de vraishistoriens que par ceux qui sont confrontés (en cô-toyant les jeunes des aumôneries ou en gérant l’ac-cueil de personnes âgées) à cette absence demémoire.

Et c'est lancé ! Joie devant les inscriptions annonçantque nous retrouverons des anciens amis. Mais je nepeux oublier de parler de Christian Saint Sernin, qui au-rait dû être notre premier intervenant, et de CatherineQuinson, la première ligérienne inscrite, morts tousdeux au mois de mai.

Hélène LaurenceauLoire

... et celui d’une participanteUne quarantaine de personnes, un peu plus ou un peu

moins selon les activités proposées, se sont retrouvéesdans les locaux de la maison diocésaine ou sur le terrain.

Le thème de la session Faire mémoire a été déclinésur différents plans, qui se sont recoupés au coursde ces deux journées, et donc renforcés, bonne dé-marche pédagogique !

Nous nous sommes intéressés à la mémoire ouvrièrede Saint-Étienne, à travers des témoignages de mili-tants, nous avons visité la ville et essayé d'appréhenderle changement d'image en cours, nous avons presque“crapahuté” dans une galerie de mine, en fait une ga-lerie reconstituée pour les besoins du tourisme patri-monial. Nous avons écouté d'autres témoignages, surles lycéens et, à l'autre bout de la vie, sur les personnesen difficulté de mémoire. Nous avons ri à un spectacleen “gaga” (le parler stéphanois) et nous avons terminépar une conférence passionnante sur l'eucharistie, lacélébration venant clôturer notre rencontre.

Et tout cela a tenu en deux journées : une belle den-sité de rencontres, d'échanges, d'amitié.

À quand la prochaine session ?

Jacqueline Xhaard-BourdaisMaine-et-Loire

Site : http://cdepsaintetienne.unblog.fr

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Vie de l’association

Ristolas : “La guérison du monde”

Nous étions une trentaine de participants réunis àRistolas pendant la deuxième quinzaine de juillet.

Le livre La guérison du monde de Frédéric Lenoir aété le fil conducteur d’une grande partie de la ses-sion. Cet éclairage sur les grands enjeux écono-miques, environnementaux et humains de notremonde actuel concernait très concrètement tous lesparticipants et nous a fait réfléchir sur ce que l’au-teur appelle “une sobriété heureuse”. Des lectures,échanges, documents ont complété les propositionsde l’auteur. Une journée d’exposés sur Pascal (le sa-vant et le croyant) a terminé notre réflexion et ravivénos souvenirs.

C’est dans une profusion de fleurs, car le mauvaistemps de juin a retardé la végétation, que nous avonsredécouvert le Queyras avec toujours autant d’émer-veillement et de bonheur. Les six randonnées propo-sées pendant notre séjour, avec des variantes selonl’état des genoux, des hanches ou des cœurs, nousont permis de découvrir ou redécouvrir cette régionencore très préservée et particulièrement belle.

Cette année Ristolas a accueilli de nouveaux parti-cipants, une famille avec de jeunes enfants. Ils sesont très vite intégrés dans l’organisation bien huiléedu groupe “d’habitués”, nous apportant leur enthou-siasme et leur vision du monde.

Après plusieurs années d’absence j’ai retrouvéavec émotion les participants à la session. Des liensprofonds et sincères persistent bien au-delà de laquinzaine vécue en commun. Le partage des joiesmais aussi des peines (Jeanne n’était plus là) se faitdans la fraternité et montre un visage d’Église qui nenous est pas si habituel.

Anne-Marie BaffiIndre-et-Loire

Frédéric Lenoir, La guérison du monde,Poche, coll. Littérature et Documents,2014, 336 p., 7,10 €

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Vie de l’association

41Lignes de crêtes 2014 - 25

L’école de la République

Rencontre NationaleAssemblée Générale de l’Association

Rendez-vous à Issy-les-Moulineauxdu samedi 11 avril, 14 h, au dimanche 12 avril 2015, 16 h 30

Avec la participation d’Éric Ferrand,médiateur de la Ville de Paris

et auteur de Quelle école pour la République ?

SIESC - FEEC

60ème Rencontre

du 23 au 28/29 juillet 2015

à Rome

Éduquer les jeunes à un rapportau travail orienté vers l’avenir

Information : www.siesc.eu/fr/ ouSecrétariat CdEP : tél. 01 43 35 28 50

2À noter dansvos agendas !

Un livre de convictions qui interpelle tousles acteurs de l’Éducation, chacun dansleur rôle : enseignants, État, collectivités,parents, sur le projet éducatif de l’École etses liens avec la république ancrés dans ladimension de laïcité.

Éric Ferrand rappelle que la laïcité est cequi permet à l’enseignant d’exercer sa mis-sion dans un environnement libre de toutepression, quelle qu’elle soit.

Délivrant une vision politique de l’École,une vue optimiste, humaniste du métier deprof (on regrette d’ailleurs le terme d’insti-tuteur, dans ce qu’il portait comme dimension sym-bolique), ce livre peut aider les enseignants à prendrede la hauteur :

en réfléchissant à leurs choix didactiques et leurdémarche dans leur rapport au savoir,

en prenant du recul par rapport à leur pratiquepédagogique,

dans la recherche du sens de leur action au quo-tidien auprès des élèves.Il redonne ses lettres de noblesse à l’Éducation, et

donc revalorise la profession de ceux qui instituentl’enfant dans la société et en font un citoyen.

Cet ouvrage est porteur d’idées sus-ceptibles de redonner une base à uneécole en errance et en souffrance.

Éric Ferrand s’interroge sur l’articulationentre le projet éducatif qui ne peut être quecelui porté par l’institution, sorte de feuillede route de l’Éducation Nationale pour tousles élèves, et le projet d’établissement quise décline en termes de buts et d’objectifs,ainsi que son application sur le terrain.

Un état des lieux sans concessions, maisbienveillant, qui ouvre l’avenir et l’espoir re-trouvé de ceux qui font l’Éducation Nationale.

Un livre pour reconquérir la fierté d’être au servicede l’État dans son institution la plus prestigieuse et laplus exaltante.

Un livre qui expose, dans un panorama historique,l’évolution de l’école et donne une explication à sesdifficultés actuelles.

Un livre enfin, à mettre entre toutes les mains deséquipes démotivées et découragées !!

Sylvie PaquetAllier

Éric Ferrand, Quelle école pour la République ? Chroniquede vie scolaire. L’Harmattan, coll. questions contempo-raines, 2007, 178 p., 16 €

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L’œuvre de Rachid Khimoune1

va nous intéresser particulière-ment et vous allez vite compren-dre pourquoi.

Nous convoquons Naomi l’Afri-caine, Kahina la Kabyle, Eve l’Alle-mande, Jim le New-Yorkais, Dickl’Anglais, Rania l’Arabe, Antonio leBrésilien, Akavak le Canadien, Isisl’Égyptienne, Mu Nan la Chinoise,Marie-Carmen l’Espagnole, Ayakola Japonaise, Mohamed le Maro-cain, Mahatma l’Indien, Le Titi Pa-risien, Felippe le Mexicain, Jeannela poupée Russe, Jean le petitSuisse, Ali le Tunisien, Enzo l’Ita-lien, Jean-Baptiste le Moné-gasque. Il pourrait y en avoir biend’autres encore, c’est un choix quiles représentera tous. Ce sont desenfants, les enfants de la terre. Ilsportent des prénoms qui sententbon la diversité de leurs origines.Ce pourrait être les enfants sansâge d’une classe internationale.

Rachid Khimoune est un artistepeintre et sculpteur né à Decaze-ville (Aveyron) en 1953 de parentsd’origine berbère. Il travaille à Au-bervilliers dans la cosmopolitebanlieue parisienne.

C’est dans les années 80 du siè-cle dernier qu’il commence à ima-giner le projet des Enfants duMonde. À cette époque il glane desempreintes sur les sols et d’autreséléments spécifiques des cultureset de leur diversité, il réhabilite desobjets abandonnés. “Voir ce quel’on ne voit plus, regarder autre-ment, dans la magie et le rêve”dit-il. Personnages, animaux, élé-ments architecturaux… naissent,constitués de tout ce que l’artistea vu, glané, recomposé.

Pour les Enfants du Monde il vavoyager de pays en pays à la re-cherche d’éléments permettantde mettre en mouvement son

imagination créatrice et caractéri-ser chacune de ses créations. Ilfait des relevés en relief des solsdes villes et s’intéresse particuliè-rement aux plaques d’égouts. Il ditencore : “On pourrait croire quetous les bitumes du monde se res-semblent, et pourtant d’une ville àl’autre, les grilles d’arbres, lesplaques d’égouts sont des signesdistinctifs tel un tatouage sur lapeau qui révèle l’identité de laville, voire son histoire”.

Rachid est l’héritier de l’art desPicasso, Dubuffet, César… Il as-semble, il crée avec des élémentstrouvés dans chaque pays ; ilconstruit, il habille, il différenciechacun de ses enfants.

Rachid est un habitant de laterre, ses statues présentent lesenfants d’un monde ouvert qui as-sume ses différences.

Rachid joue à la fois avec le réelet les cultures sans en omettre lesclichés pour développer humour,étrangeté, poésie… Les titres qu’ildonne à ses statues sont les dé-clencheurs de son travail (objetschoisis, matières, couleurs, pos-tures…). Le Parisien ne peut-êtreque Titi, il est habillé d’une plaquetrouvée à l’entrée des artistes del’Opéra Garnier, dessin de l’archi-tecte lui-même. La Russe ne peutêtre qu’une boîte qui contient desboîtes qui contiennent des boîtes,ronde comme on n’imagine pasune fille russe. L’Égyptienne re-monte la nuit bleue des tempsdans un costume au décor designes hiéroglyphiques pour deve-nir Isis masquée de hiéroglyphes.

On pourrait continuer ainsi avecles 21 statues-enfants. 21 commevingt-et-unième siècle. Siècle dontRachid Khimoune est un des ac-teurs de l’embrasement des cul-tures qu’il questionne et met en

perspective avec humour et réa-lisme dans le respect de leurs dif-férences.

Ces enfants représentent legrand héritage, le meilleur des siè-cles d’histoire, mais ils nous rap-pellent aussi le pire — comptez lesmorts des guerres de toujours —14/18 on en parle, et ce n’estqu’un exemple, jusqu’aux conflitsen cours, les centaines, milliers,millions de morts, les intérêts quise disputent les parts du gâteaudepuis cette nuit des temps, pastoujours bleue.

Rachid Khimoune souhaite ins-taller ses Enfants du Monde surtous les continents comme unsymbole de fraternité et de tolé-rance grâce à la générosité de mé-cènes et sponsors. Ils ont déjà étéprésentés dans différents pays etcertains installés définitivement.

C’était cet été, dans la maisonnatale de Rabelais, en Touraine…C’était dans ce lieu que ces en-fants-géants se promenaient (etnous avec eux), ils attendaientl’heure de leur Grand Conseil. Der-rière le Titi, il y avait les champs debataille des guerres Picrocholines.Rabelais savait que les grandsconflits sont souvent à l’image desquerelles locales, des incompré-hensions, des différences non ac-ceptées, des interprétationstendancieuses, des intérêts pas-sagers… Alors, pourquoi ne pasimaginer ce Grand Conseil frater-nel, non pas d’adultes mais d’en-fants-géants, pour débattre,chercher des voies libres, des solu-tions… une nouvelle Thélème, unevolonté générale pour aller vers unmonde vertueux ?

Il faudrait ici parler de “la pré-sence émouvante de la vraie, dela seule Fraternité ; celle quiignore les continents, les races de

Si tous les enfants du monde…

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langages, les confessions ; cellequi ne s’arrête pas aux degrés,aux façades ; et aux bagages so-ciaux” comme l’écrit LucienJacques2. Une énième utopie ouun véritable projet d’artiste capa-ble de secouer la misère de notrepauvre monde ?

Alain GobenceauxNovembre 2014

1/ Pour plus d’informations sur l’artiste et son œuvre voir sur Internet : www.ra-chidkhimoune.com et lesenfantsdumonde.zeblog.com2/ Grand ami de Jean Giono, engagés tous deux dans le pacifisme et l’huma-nisme après l’enfer vécu au front pendant la Grande Guerre. Citation tirée dutexte La fraternelle lumière paru le 17 octobre 1918 dans La Voix des femmes.

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Collaborateurs :

Comité de Rédaction :

Alain Gobenceaux (iconographie)Georges Million et Dominique Thibaudeau (dessins)Claude Ollivier (discographie)Christine Paoletti et Françoise Pontuer (secrétariat)A. Bessières, A. Fabre, P. Molinier, J. Panek (relecture)

Anne-Marie MartyMireille NicaultCatherine RéaliniMarie-Inès SilicaniIsabelle Tellier

Suzanne CahenPierre DarnaudJean-Louis GourdainChantal GuilbaudMonique JudenneBernard Lepage

Chrétiens dans l’Enseignement Public - 67 rue du Faubourg Saint-Denis 75010 ParisTél. : 01 43 35 28 50 - site électronique : http://www.cdep-asso.org/ - courriel : [email protected]

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