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LITTÉRATURE 26 L’édito de Daniel Kabuto Au nom des nôtres ! L ’écriture a toujours été une aventure au service d’une idée, d’une idéologie, d’une passion, d’une quête ou d’un rêve. Pour nos nations longtemps éprouvées par des régimes sangui- naires, le traumatisme doit être exorcisé comme un démon. L’écriture devient alors une thé- rapie. Par devoir de mémoire par contre, on se retrouve à écrire contre la mort et contre l’oubli. Au nom des êtres qui nous étaient chers. Dans la rubrique « Découverte », nous sommes heureux de vous présenter « Notre Dame du Nil » de la Française d’origine rwandaise, Mme Scholastique Mukansonga. Un énième livre sur le génocide rwandais tel que présenté par Kigali. Affectée profondément par les tueries innommables de 1994, l’auteure décide d’écrire. Une quête de thérapie personnelle et communautaire ? Mukansonga écrit au nom des siens. Elle dénonce, s’indigne et jette à la face du monde l’apartheid qui a été le lot de biens des familles tutsis du Rwanda avant l’apocalypse de 1994. Mais il y a un autre son de cloche avec Madeleine Raffin, dans son livre, « Rwanda, un autre regard : trois décennies à son service ».Un témoignage poignant. Aloys Misago vient de commettre son opus, «Descente aux enfers ». Nous lui consacrons quelques lignes dans notre rubrique « Les mots pour le dire ». Et ce n’est que justice, du moins de l’équité! Parce que les morts qu’il pleure n’étaient ni des traîtres ni des criminels ! Ils sont morts pour que l’amour triomphe de la haine. Au demeurant, au nom des nôtres, un devoir de mémoire reste de rigueur car les morts vivent dans les cœurs et les souvenirs des vivants. Ce mois, le français est à l’honneur ! En prélude au XIVème Sommet de la Francophonie qui aura lieu à Kinshasa, il s’est tenu à l’Université de Lubumbashi (Chef-lieu de la province du Katanga), un Congrès International des Ecrivains Francophones du 24 au 26 septembre 2012. Le Professeur Juvénal Ngorwanubusa nous fera découvrir les riches réflexions de ces « chevaliers de la plume » appelés à “être la conscience du monde et à défendre les valeurs partagées par l’humanité tout entière à l’instar de Rousseau, Voltaire et toute la galaxie de penseurs des Lumières.” A Lubumbashi, c’était aussi l’occasion de mettre le doigt sur les nombreuses difficultés que connaissent les écrivains (mai- sons d’éditions, problématique de la littérature face à la télévision et à Internet,…). L’ensemble de toutes ces préoccupations a fait l’objet de recommandations à adresser aux Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Francophonie. g Daniel KABUTO DECOUVERTE Par Christine Sitchet L e roman « Notre-Dame du Nil » de Scholastique Mukasonga (Gal- limard, coll. Continents Noirs, 240 p.) est paru cette année chez Gallimard, dans le sillage d’une trilogie initiée en 2006. Scholastique Mukasonga y ex- hume le spectre d’une mémoire ensan- glantée, maniant avec habileté la force caustique. Elle est venue à l’écriture avec le génocide rwandais de 1994. Alors exilée en France, elle apprendra que vingt-sept membres de sa famille ont été massacrés. Parmi eux, sa mère. Elle a usé de sa plume pour «survivre» à l’ombre portée de ce drame collectif, «faire le deuil», témoigner. Rwanda. Crête Congo-Nil. Début des années 1970. Plongée dans un micro- cosme étouffant : un lycée imaginaire du nom de Notre-Dame du Nil (ndlr : qui rappelle étrangement le Lycée Notre Dame de Cîteaux à Kigali), pensionnat catholique pour filles appliquant un quota «ethnique» limitant à 10 % les élèves tutsi. Construit au lendemain de l’indépen- dance (1962), l’établissement est situé non loin de l’une des sources du Nil, près de laquelle se trouve une statue représen- tant une vierge noire. «C’est Mgr le Vicaire apostolique qui a décidé d’ériger la statue. L’élite du pays - ministres, mili- taires haut gradés, hommes d’affaires… - y envoie ses filles dans l’idée de leur offrir une éducation prestigieuse, d’en faire l’avant-garde de la pro- motion féminine, et de s’assu- rer de leur virginité jusqu’au mariage grâce à l’éloignement des tentations de la capitale, Kigali. En octobre, à l’occasion de la rentrée scolaire, un spectacle haut en couleur attire les regards : le défilé des voitures avec chauffeur conduisant les élèves au lycée - Mercedes, Range Rover, grosses jeeps militaires…Dans ce pensionnat fréquenté essentiellement par des jeunes filles hutu, les élèves tutsi sont Scholastique Mukasonga, auteure du roman « Notre-Dame du Nil »

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Littérature

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L’édito de Daniel Kabuto

Au nom des nôtres !

L’écriture a toujours été une aventure au service d’une idée, d’une idéologie, d’une passion, d’une quête ou d’un rêve. Pour nos nations longtemps éprouvées par des régimes sangui-naires, le traumatisme doit être exorcisé comme un démon. L’écriture devient alors une thé-

rapie. Par devoir de mémoire par contre, on se retrouve à écrire contre la mort et contre l’oubli. Au nom des êtres qui nous étaient chers.

Dans la rubrique « Découverte », nous sommes heureux de vous présenter « Notre Dame du Nil » de la Française d’origine rwandaise, Mme Scholastique Mukansonga. Un énième livre sur le génocide rwandais tel que présenté par Kigali.

Affectée profondément par les tueries innommables de 1994, l’auteure décide d’écrire. Une quête de thérapie personnelle et communautaire ? Mukansonga écrit au nom des siens.

Elle dénonce, s’indigne et jette à la face du monde l’apartheid qui a été le lot de biens des familles tutsis du Rwanda avant l’apocalypse de 1994.

Mais il y a un autre son de cloche avec Madeleine Raffin, dans son livre, « Rwanda, un autre regard : trois décennies à son service ».Un témoignage poignant.

Aloys Misago vient de commettre son opus, «Descente aux enfers ». Nous lui consacrons quelques lignes dans notre rubrique « Les mots pour le dire ». Et ce n’est que justice, du moins de l’équité! Parce que les morts qu’il pleure n’étaient ni des traîtres ni des criminels ! Ils sont morts pour que l’amour triomphe de la haine.

Au demeurant, au nom des nôtres, un devoir de mémoire reste de rigueur car les morts vivent dans les cœurs et les souvenirs des vivants.

Ce mois, le français est à l’honneur ! En prélude au XIVème Sommet de la Francophonie qui aura lieu à Kinshasa, il s’est tenu à l’Université de Lubumbashi (Chef-lieu de la province du Katanga), un Congrès International des Ecrivains Francophones du 24 au 26 septembre 2012.

Le Professeur Juvénal Ngorwanubusa nous fera découvrir les riches réflexions de ces « chevaliers de la plume » appelés à “être la conscience du monde et à défendre les valeurs partagées par l’humanité tout entière à l’instar de Rousseau, Voltaire et toute la galaxie de penseurs des Lumières.”

A Lubumbashi, c’était aussi l’occasion de mettre le doigt sur les nombreuses difficultés que connaissent les écrivains (mai-sons d’éditions, problématique de la littérature face à la télévision et à Internet,…). L’ensemble de toutes ces préoccupations a fait l’objet de recommandations à adresser aux Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Francophonie. g

Daniel KABUTO

DECOUVERTEPar Christine Sitchet

Le roman « Notre-Dame du Nil » de Scholastique Mukasonga (Gal-limard, coll. Continents Noirs, 240

p.) est paru cette année chez Gallimard, dans le sillage d’une trilogie initiée en 2006. Scholastique Mukasonga y ex-hume le spectre d’une mémoire ensan-glantée, maniant avec habileté la force caustique. Elle est venue à l’écriture avec le génocide rwandais de 1994. Alors exilée en France, elle apprendra que vingt-sept membres de sa famille ont été massacrés. Parmi eux, sa mère. Elle a usé de sa plume pour «survivre» à l’ombre portée de ce drame collectif, «faire le deuil», témoigner.

Rwanda. Crête Congo-Nil. Début des années 1970. Plongée dans un micro-cosme étouffant : un lycée imaginaire du nom de Notre-Dame du Nil (ndlr : qui rappelle étrangement le Lycée Notre Dame de Cîteaux à Kigali), pensionnat catholique pour filles appliquant un

quota «ethnique» limitant à 10 % les élèves tutsi. Construit au lendemain de l’indépen-dance (1962), l’établissement est situé non loin de l’une des sources du Nil, près de laquelle se trouve une statue représen-tant une vierge noire. «C’est Mgr le Vicaire apostolique qui a décidé d’ériger la statue.

L’élite du pays - ministres, mili-taires haut gradés, hommes d’affaires… - y envoie ses filles dans l’idée de leur offrir une éducation prestigieuse, d’en faire l’avant-garde de la pro-motion féminine, et de s’assu-rer de leur virginité jusqu’au mariage grâce à l’éloignement des tentations de la capitale, Kigali.

En octobre, à l’occasion de la rentrée scolaire, un spectacle haut en couleur

attire les regards : le défilé des voitures avec chauffeur conduisant les élèves au lycée - Mercedes, Range Rover, grosses jeeps militaires…Dans ce pensionnat fréquenté essentiellement par des jeunes filles hutu, les élèves tutsi sont

Scholastique Mukasonga, auteure du roman « Notre-Dame du Nil »

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soumises à un régime d’exclusion et d’oppression sournois, occasion d’une sorte d’»exil intérieur».

Ce nez d’une vierge noire qu’une lycéenne ne saurait voir…

Gloriosa, orgueilleuse lycéenne hutu fille de ministre, participe à l’oppression. Elle se lan-cera dans une série de sinistres projets, dont un tragicomique : la destruc-tion du nez de la statue de la vierge noire. Argument avancé pour justifier cet acte : «C’est un petit nez tout droit, le nez des Tut-si. [...] moi, je ne veux pas d’une Sainte Vierge avec un nez de Tutsi».

Plan d’action développé par Gloriosa : «on casse le nez de la statue et on lui

colle un nouveau nez [...] j’en parlerai à mon père [...] D’ail-leurs il m’a dit qu’on allait détutsiser les écoles et l’adminis-tration. Nous, on va d’abord détutsiser la Sainte Vierge». Acte militant que cette lycéenne mettra en œuvre et parviendra à glorifier grâce à un stratagème machiavélique.

Plus tard, cette farouche activiste anti-tutsi soutiendra acti-vement l’intervention violente des JMR (Jeunesse militante rwandaise) dans le lycée. Scholastique Mukasonga livre une série de charges critiques sur la duplicité et l’hypocrisie du personnel religieux en charge du pensionnat et sa complicité avec des pratiques d’exclusion discriminatoire. L’aumônier, le père Herménegilde, se «distinguera» entre tous. Il fera notamment devant les lycéennes l’éloge du Manifeste des Bahutu de 1957, sinistre document ayant joué un rôle dans l’exacerbation de l’opposition Hutu/Tutsi…

M. de Fontenaille, un «vieux Blanc» résidant non loin du pen-sionnat, se sent quant à lui l’allié du peuple opprimé. Il s’est inventé une mission : retrouver la «mémoire perdue» des Tutsi. Ancien planteur de café - il avait espéré faire fortune avec cette denrée - reconverti en peintre-chercheur quelque peu mystique, il projette sur le Rwanda ses fantasmes foison-nants. Les murs de sa maison sont ornés de cornes d’anti-lopes, défenses d’éléphants, reproductions de fresques re-présentant des pharaons noirs sur leur trône, des dieux à tête de crocodile…

Tentant de retracer les liens entre le peuple tutsi et une Égypte de pharaons noirs, M. de Fontenaille s’évertue à dres-ser les portraits de lycéennes tutsi dont les traits lui rap-pellent ceux de la déesse Isis, à qui il a dédié dans son jardin un temple d’inspiration égyptienne. «Lui, ce qu’il veut, c’est mettre en scène sa folie. »

L’histoire mise en scène dans Notre-Dame du Nil prend la forme d’un drame en devenir. L’ouvrage s’inscrit dans l’ordre d’une tragédie. Il se profile une sorte de préambule au géno-cide de 1994.Notre-Dame du Nil est servi par une écriture raf-finée et sans pathos. Scholastique Mukasonga y manie avec habileté la force caustique.

Portrait

Pendant presque trente ans, j’ai vécu dans le pays

« des mille collines », partageant avec les Rwandais des mo-ments de convivialité inoubliables, mais aus-si les pires heures de leur terrible Histoire. Cet ouvrage est d’abord le témoignage d’un engagement quotidien, l’histoire « d’une vie au service du Rwanda » et un hommage aux gens

Madeleine RAFFIN fut directrice de la Caritas Gi-kongoro (1993-1997) au plus fort des événements qui ont endeuillé le Rwanda. Elle avait débarqué au Rwanda en 1968. Professeur certifiée de Mathématiques au Ly-cée de Mazamet, elle quitta son poste pour aller ensei-gner au Petit Séminaire de Kansi-Butare (1968-1986) et occupa le poste de préfète des études au Groupe scolaire Marie-Merci à Kibeho (1986-1993). Elle a été nommée Chevalier de l’Ordre National du Mérite (1973) et des Palmes Académiques (1985).

qui m’ont ouvert leur culture et qui ont partagé cette même volonté de faire avancer le pays, jour après jour.

J’ai été présente au Rwanda tout au long de cette année tragique de 1994, et je n’ai cessé de circuler, sans véritable protection. J’ai franchi ces terribles bar-rières, j’ai secouru des blessés, évacué des personnes. J’aurais pu me faire tuer des dizaines de fois, pourtant je suis encore là, presque étonnée d’avoir survécu, quand tant d’amis ont péri.

Ce livre est aussi le témoignage de toutes les solida-rités que j’ai pu rencontrer, y compris celle des mili-taires français de l’Opération Turquoise. Pourtant, le 7 mars 1997, soit trois ans après l’arrivée au pouvoir du FPR de Paul Kagame, je recevais un avis d’expulsion m’obligeant à quitter le pays dans les 24 heures.

Aujourd’hui dans ma maison familiale de Saint-Lieux les Lavaur, petite commune du Tarn, je suis à mon tour une « réfugiée », d’une certaine manière. Certes pas inactive, ceux qui me connaissent savent que j’en se-rais bien incapable...

Ecrire sur le Rwanda aujourd’hui n’est pas anodin. Face à la propagande du régime rwandais, l’incompé-tence ou la malhonnêteté de certains journalistes et le cynisme de quelques-uns de nos dirigeants, il est im-portant de témoigner... parce qu’il faut que le Rwanda se tourne vers son avenir, et qu’on ne construit pas le futur sur le mensonge.

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Littérature

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Par Daniel KABUTO

On a lu

Note sur l’auteur :

La descente aux enfers, un roman historique

Le livre de Misago Aloys est sorti en mai dernier en Bel-

gique. Il a été présenté au public de Bujumbura en juin 2012 au Restaurant Chez André. Dans la pré-face, Marc Quaghebeur, concède : « Si l’histoire est souvent lente à trouver les formes de sa mémoire intégrée ou à être parta-gée collectivement, et si le passage de la mémoire orale à la tradition écrite constitue un processus tout aussi complexe, il n’en reste pas moins que le passage (au légendaire ou au fictionnel) finit toujours par advenir ; et que le roman, par la liberté de ses formes, est de ceux qui aident à plonger au plus intime du tragique de l’histoire. »

L’auteur qualifie son œuvre de « roman historique » ! Oui, car le livre part du vécu des Burundais suite au génocide, à la guerre et aux massacres. De l’avis de Quaghebeur : « Les pages d’Aloys Misago sont de celles qui ne s’oublient pas. Elles restituent. Mais elles tracent également un avenir, au-delà de l’horreur et de la souffrance, qui ne concerne pas le seul hé-ros.» Et sur la couverture du livre, nous lisons déjà : « Le livre d’Aloys Misago change la donne et fait entrer son lecteur dans une restitution profonde et émouvante des années de sang à travers la destruction d’une famille entière et l’histoire du très jeune Ndayi. La lente et difficile assomption de ce dernier vers une attitude capable de défendre la vengeance donne son prix à cette fiction dont on pressent qu’elle plonge dans la mémoire hantée des morts de son auteur. » A la fin du livre, l’auteur qui lance un défi à cette « descente aux enfers » en prô-nant l’amour, le pardon et la tolérance s’exprime ainsi dans la bouche du personnage principal : « Le Dieu de l’Histoire que Ndayi venait de découvrir dans la Bible dont lui avait fait cadeau le missionnaire se rappellerait à jamais ce sacrifice et bénirait cette terre chérie et meurtrie, ces âmes blessées et déchirées, ce peuple troublé et désorienté. »

Les mots pour le dire

RDC-Lubumbashi

Mettre l’écrivain devant ses responsabilités

Par Pr. Juvénal NGORWANUBUSA

En prélude au XIVème Sommet de la Fran-cophonie qui aura

lieu à Kinshasa (RDC) du 12 au 14 octobre 2012, s’est tenu à l’Université de Lubumbashi (Chef-lieu de la Province du Katanga), sous la présidence du Pro-fesseur Yoka Lye assisté de M.Boniface Sprimont, délé-gué de Wallonie-Bruxelles International, un Congrès International des Ecrivains Francophones du 24 au 26 septembre 2012.

Cet événement avait regroupé divers acteurs de l’espace francophone comme les écrivains, penseurs et critiques sur le thème « Littérature, sociétés et renouvellement des ima-ginaires », avec une place particulière accordée aux Associa-tions d’écrivains comme l’Association des écrivains du Fleuve Congo (AEFC) et la Plateforme des Ecrivains des Grands Lacs Africains Sembura, cette dernière ayant été représen-tée par sa coordinatrice Ana Tognola et le Professeur Juvé-nal Ngorwanubusa en provenance du Burundi, et rejoints à Lubumbashi par leurs collègues de Bukavu.

Le Congrès avait tenu à associer à ses travaux l’ONG belge Coo-pération pour l’Education et la Culture (CEC) qui, à Bruxelles s’attache à faire connaître et à diffuser la production littéraire africaine, ainsi que de jeunes créateurs en herbe comme ceux de l’Association Libr’-Ecrire, qui n’est pas sans quelque res-semblance avec le Café-Samandari de Bujumbura.

Dès les cérémonies d’ouverture, le Recteur de l’Université de Lubumbashi, qui a, à juste titre, vanté l’apport de son Insti-tution comme le creuset du savoir et de la culture, ayant pro-duit toute une génération d’écrivains comme Mudimbe, Ngal, Ngandu Nkashama, Clémentine Nzuji etc., a exhorté ceux qu’il nomme les « favoris des Muses » ou les « chevaliers de

Aloys Misago est né en 1958 dans l’actuelle province de Makamba. Les troubles que le pays a connus en 1972 l’ont profondément marqué. Il a perdu son père cette année-là et sa mère s’en est allée en 1997 suite à la crise déclenchée en 1993 derrière l’assassinat du président Melchior Nda-daye. Misago a fait des études de philosophie, de théolo-gie, d’anthropologie et de sociologie en Allemagne avant d’aller travailler à un programme d’aide aux réfugiés en Tanzanie (de 1999 à 2006). Puis il est rentré au Burundi où il travaille dans un établissement para-public.

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Pêle-mêle

Le talent c’est la lutte contre l’oubli. Andrew O’Hagan, journaliste et romancier écossais

La culture est ce qui subsiste quand on a oublié tout ce qu’on a appris. Selma Lagerlöf

L’oubli est un puissant instrument d’adaptation à la réalité parce qu’il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle. Marcel Proust, À la Recherche du Temps Perdu

Quand le poisson est pris, on oublie la nasse. Quand l’idée est transmise, peu importent les mots qui ont servi à la convoyer. Zhuangzi alias Tchouang Tseu

Epargne-toi du moins le tourment de la haine ; à défaut du pardon, laisse venir l’oubli. Alfred de Musset, La Nuit d’Octobre

On pardonne tant que l’on aime. La Rochefoucauld, Maximes

Les amours meurent par le dégoût, et l’oubli les enterre. Jean de la Bruyère

L’oubli de ses propres fautes et la plus sûre des absolutions. Konrad Adenauer

Celui qui pense que chez les grands personnages, les nouveaux bienfaits font oublier les vieilles injures, se trompe. Nicolas Machiavel

Oublier est le grand secret des existences fortes et créatrices. Honoré de Balzac

Il faut laisser le passé dans l’oubli et l’avenir à la Providence. Jacques Bénigne Bossuet

la plume » à être la conscience du monde et à défendre en français l’humanisme et toutes les valeurs partagées par l’humanité tout entière à l’instar de Rousseau, Voltaire et toute la galaxie de penseurs des Lumières.

Quelle littérature pour quelle société ?

Le Professeur Yoka Lye est revenu sur l’utopie positive que véhiculent les hommes de rêve, tout en posant ouvertement la question de savoir quelle littérature pour quelle société, avant d’affirmer, à la suite de Dostoievski que « la beauté transfigurera le monde ».

Après avoir remercié tous les amis et complices de l’Organisation Internationale de la Franco-phonie qui ont permis la tenue de ces assises, Madame la Déléguée de Wallonie-Bruxelles n’a pas hésité à qualifier les écrivains de « lobby politique », dans le sens noble du terme avant de plaider en faveur de l’exemption fiscale du livre, tant il représente un marché avec un nombre considérable d’acheteurs potentiels en Francophonie. Enfin, le Directeur de Cabi-net du Gouverneur de la Province du Katanga, parlant en lieu et place du chef de l’exécutif provincial empêché, a solennellement ouvert le Congrès, en insistant à son tour sur le rôle des femmes et des hommes de Lettres dans le développement des Nations.

Amener le lecteur à se penser et penser le monde autrement

Le Professeur Mukala Kadima Nzuji, auquel avait été confié le rôle de prononcer la confé-rence inaugurale à tenu à rappeler les congrès de même objet qui, tant à la Sorbonne en 1956 qu’à Rome en 1959, avaient le même leitmo-tiv, toujours d’actualité, de mettre l’écrivain devant ses responsabilités envers les peuples du monde noir et en particulier dans les socié-tés en crise, car, ajoute-t-il, « la littérature a vocation et mission d’amener le lecteur à se pen-ser et penser le monde autrement ». Il n’a pas manqué de suggérer de mettre la littérature au diapason de tout un chacun, du professeur de l’Université à l‘éboueur, en mettant l’accent sur la littérature de la chanson (Mory Kanté, Yous-sou N’dour), qui invente sa langue à l’intérieur et à travers laquelle le peuple se reconnaît et s’assume. L’affirmation, délibérément provoca-trice qu’il a lancée, se faisant l’écho de Jacques Rabemananjara, selon laquelle ce congrès était le « congrès des voleurs de langue », a suscité par la suite des débats nourris avec des partici-pants qui lui préféraient la notion d’ « emprun-teurs de langue » ou même qui revendiquaient le droit de se l’approprier comme un patri-moine commun à toute la famille francophone, certains autres assumant avec plaisir le statut de « voleur » (voire de « violeur ») de langue dans le but de restituer.

Il ont dit

Le roman « Terroriste noir » de Tierno Monenembo (Éditions du Seuil) a été sélectionné pour le prix Renaudot 2012. Les résultats du

prix Renaudot seront annoncés en novembre.

Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga a reçu le prix Ahmadou Kourouma. Dédié à la mémoire de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003), ce prix récompense un ouvrage

consacré à l’Afrique noire dont l’esprit d’indépendance, de lucidité et de clairvoyance s’inscrit dans le droit-fil de l’héritage légué par cet auteur. Il fait partie des romans sélectionnés pour le Renaudot.

Du 9 au 20 octobre en Belgique : Festival du film de Gand. Unique festival annuel qui est axé sur l’impact de la musique sur le film. Le

festival présente plus de 200 courts et longs métrages. Il organise également des concerts de musique de films ainsi que des expositions liées à certains des films présentés.

Jusqu’au 9 octobre 2012 : Dix photographes du Rwanda, de la RDC et du Cameroun sont partis pour une expédition photographique,

un périple de 13.000 km de Lagos à Lubumbashi. Une exposition viendra couronner le tout dans les villes de Kinshasa et New York.

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