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Fruits - Vol. 17, no 6,1962 LebananierauxîlesCanaries IV LESNÉMATODESPARASITESDUBANANIER par G .DEGUIRAN (*) etA .VILARDEBO (**) O .R .S .T .0 .ICI. I .F .A .C . C'estàdesdateséchelonnées,maistoutesrelativementrécentes,quel'importanceéconomiquedesnématodesenculture bananièreaétémiseenévidencedansdifférentspays . AuxCanaries,c'esten1957,dansunebananeraieoùtouteslesconditionsd'unebonneculturesemblaientréunies,que lesattaquesdenématodesfurentconsidéréescommeprobablementresponsablesdumauvaisétatvégétatifconstaté .Après untraitementnématicide,l'améliorationfutrapideetspectaculaire .Parlasuite,lesapplicationsdenématicidessegénéra- lisèrentmaisnefurentpastoujourssuiviesdel'augmentationdeproductionespérée .Lesattaquesn'étaientdoncpasiden- tiquesdanstoutesleszonesdeproduction . Aumoisd'avril1960,leLaboratoiredeNématologiedel'I .D .E.R .T .àAdiopodoumérecevait,enprovenancedesîles Canaries,deuxlotsd'échantillonsderacinesdebananier,lesquellesprésentaienttoutesdeslésionsduesàplusieursnéma- todes (Pralylenchuscofjeae,Helicotylenchusenultici.tiacius,111eloidogyne sp .) . ConcernantlesconnaissancessurlesnématodesparasitesdubananierauxCanaries,laseuleréférenceconnue(JONES, 1959)signalaitsimplementlaprésencede Pealylenchusgoodeyi . Uneétudeplusapprofondiedecesujets'avéraitdoncnéces- saire,cequimotivalamissiondontl'ORSTOMchargeal'un .desauteurs(G .DEGUIRAN) .Du6au17décembre1960ce dernierparcourutprincipalementl'îledeTénériffes'attachantàyétudierlesespècesdenématodesparasitesprésentsdans lesdifférenteszonesdecultureetenpremierlieudanscellesdubananier,principaleproductionvégétalecanarienne . Répondantàl'invitationdesEx-11CabildoInsulardeGranCanariaetdeTénériffe,leseconddesauteurs(A .VILARDEBO) serendaitàsontourdanscesîles(15maiau6juin1961)pouryétudierl'aspectagronomiqueduproblèmeetsonimpor- tanceéconomiquedanslesdifférentesrégions . Lesdegrésd'infestationconstatésétaientsuffisammentélevéspournécessiterdestraitementsdontlesmeilleurescondi- tionsd'efficacitéetderentabilitéfurentalorsexaminéesenfonctiondesparticularitésagronomiques,climatiquesetécono- miquesdesîlesCanaries . Cestravauxetprospectionsn'ontpuêtremenésàbonnefinquegrâceàl'obligeancedepersonnalitésagricolesdesdeux îles .Lesauteursadressent,pourl'aideapportéeetletempsquileurfutconsacré,touteleurreconnaissanceetleursremer- ciementsàM .l'IngénieurDonRafaelRomeroRODRIGUEZ,directeurdelaStationExpérimentaleAgricoledel'Exnlo CabildoInsulardeGranCanaria,auDrEnriqueFernandezCALDAS,directeurduLaboratoired'ÉdaphologieduConsejo SuperiordeInvestigacionesCientificasàTénériffe,auxchefsdesServicesdel'AgricultureDonJorgeMENENDEZ(Ténériffe) etDonFranciscoGUERRA(GranCanaria)àM .l'ingénieurDonLeopoldoMASSIEU,chefdesServicesdeProtectiondes Végétaux(GranCanaria),àDonGabrielAGUIARMARQUEZetDonManuelQUINTANAMARQUEZdel'«Insecticidas Canarios»qui,parleurobligeance,ontpermisauxauteursd'effectuercertainstravauxdansleurslaboratoires,àtousles producteursquifortgracieusementontbienvoulurépondreauxdemandesd'information,àtouspourletrèschaleureux accueiltoujoursréservéauxauteurs . (*)ChargédeRechercheO .R .S .T .O .M .,LaboratoiredeNématologieI .D.F.R.T .,Adiopodoumé,Abidjan,Rép .deCôted'Ivoire . ( *)IngénieurAgronome,InstitutFrançaisdeRecherchesfruitièresOutre-Mer(I .F . A .C .) . - 2 6 3

Le bananier aux îles Canaries - Cirad

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Page 1: Le bananier aux îles Canaries - Cirad

Fruits - Vol. 17, no 6, 1962

Le bananier aux îles CanariesIV

LES NÉMATODES PARASITES DU BANANIER

par

G. DE GUIRAN (*) et A. VILARDEBO (**)O . R . S . T . 0 . ICI.

I. F. A . C .

C'est à des dates échelonnées, mais toutes relativement récentes, que l'importance économique des nématodes en culturebananière a été mise en évidence dans différents pays .

Aux Canaries, c'est en 1957, dans une bananeraie où toutes les conditions d'une bonne culture semblaient réunies, queles attaques de nématodes furent considérées comme probablement responsables du mauvais état végétatif constaté . Aprèsun traitement nématicide, l'amélioration fut rapide et spectaculaire . Par la suite, les applications de nématicides se généra-lisèrent mais ne furent pas toujours suivies de l'augmentation de production espérée . Les attaques n'étaient donc pas iden-tiques dans toutes les zones de production .

Au mois d'avril 1960, le Laboratoire de Nématologie de l'I . D. E. R. T. à Adiopodoumé recevait, en provenance des îlesCanaries, deux lots d'échantillons de racines de bananier, lesquelles présentaient toutes des lésions dues à plusieurs néma-todes (Pralylenchus cofjeae, Helicotylenchus enultici.tiacius, 111eloidogyne sp .) .

Concernant les connaissances sur les nématodes parasites du bananier aux Canaries, la seule référence connue (JONES,1959) signalait simplement la présence de Pealylenchus goodeyi . Une étude plus approfondie de ce sujet s'avérait donc néces-saire, ce qui motiva la mission dont l'ORSTOM chargea l'un .des auteurs (G . DE GUIRAN) . Du 6 au 17 décembre 1960 cedernier parcourut principalement l'île de Ténériffe s'attachant à y étudier les espèces de nématodes parasites présents dansles différentes zones de culture et en premier lieu dans celles du bananier, principale production végétale canarienne .

Répondant à l'invitation des Ex-11 Cabildo Insular de Gran Canaria et de Ténériffe, le second des auteurs (A . VILARDEBO)se rendait à son tour dans ces îles (15 mai au 6 juin 1961) pour y étudier l'aspect agronomique du problème et son impor-tance économique dans les différentes régions .

Les degrés d'infestation constatés étaient suffisamment élevés pour nécessiter des traitements dont les meilleures condi-tions d'efficacité et de rentabilité furent alors examinées en fonction des particularités agronomiques, climatiques et écono-miques des îles Canaries .

Ces travaux et prospections n'ont pu être menés à bonne fin que grâce à l'obligeance de personnalités agricoles des deuxîles. Les auteurs adressent, pour l'aide apportée et le temps qui leur fut consacré, toute leur reconnaissance et leurs remer-ciements à M. l'Ingénieur Don Rafael Romero RODRIGUEZ, directeur de la Station Expérimentale Agricole de l'ExnloCabildo Insular de Gran Canaria, au Dr Enrique Fernandez CALDAS, directeur du Laboratoire d'Édaphologie du ConsejoSuperior de Investigaciones Cientificas à Ténériffe, aux chefs des Services de l'Agriculture Don Jorge MENENDEZ (Ténériffe)et Don Francisco GUERRA (Gran Canaria) à M. l'ingénieur Don Leopoldo MASSIEU, chef des Services de Protection desVégétaux (Gran Canaria), à Don Gabriel AGUIAR MARQUEZ et Don Manuel QUINTANA MARQUEZ de l'« InsecticidasCanarios » qui, par leur obligeance, ont permis aux auteurs d'effectuer certains travaux dans leurs laboratoires, à tous lesproducteurs qui fort gracieusement ont bien voulu répondre aux demandes d'information, à tous pour le très chaleureuxaccueil toujours réservé aux auteurs .

(*) Chargé de Recherche O . R . S . T . O . M ., Laboratoire de Nématologie I . D . F . R . T ., Adiopodoumé, Abidjan, Rép . de Côte d'Ivoire .( *) Ingénieur Agronome, Institut Français de Recherches fruitières Outre-Mer (I . F . A .C .) .

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SYMPTÔMES DES ATTAQUES PAR LES NÉMATODES

Des symptômes visibles sur les parties aériennes desbananiers n'apparaissent que lorsque l'attaque parles nématodes recouvre un cas d'exceptionnelle gra-vité . Les bananiers présentent alors un aspect chétif .Il arrive que les feuilles extérieures jaunissent ou sedessèchent ; les plants peuvent demeurer au stadevégétatif pendant fort longtemps . Ils ne produisentpas de régime mais donnent seulement des rejets .Jusqu'à 50 °o des bananiers d'une plantation peuventainsi demeurer hors d'état de produire .

En fait ces cas ne se rencontrent que dans les bana-neraies où l'effet des attaques par les nématodes secumule avec celui de mauvaises conditions de culture,principalement lorsque les facteurs climatiques sontun tant soit peu défavorables . Plus généralement,ainsi que les auteurs ont pu le voir, les parcelles nontraitées contre les nématodes présentent un aspectgénéral peu florissant ; les plants sont peu vigoureuxet les régimes, de petite taille, mettent plus longtempsà sortir .

Mais c'est l'examen du système radiculaire qui faitapparaître les symptômes les plus typiques de l'in-fection par les nématodes . Dans toutes les plantationsvisitées, à l'exception de quelques-unes, ces symptômessont présents .

Ces symptômes sont différents d'aspect selon l'es-pèce de nématodes responsable .

Les attaques de Pratylenchus goodeyi se présententà leur début sous l'apparence de lésions brun-rouge,de 2 à 3 mm de long sur un demi-millimètre de large .Ces lésions, d'abord superficielles, gagnent en profon-deur en même temps qu'elles s'étendent en superficieau fur et à mesure du développement de la populationde nématodes. Ces nécroses peuvent intéresser plu-sieurs dizaines de centimètres de longueur de racineet cela sur tout leur pourtour (photo a) . La gravitéde ces attaques est évidente puisque toute la partie

PnoTo a. - Coupe longitudinale d'une racine de bananier mon-trant les nécroses profondes dues aux attaques de Pratylenchus sp .

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corticale de la racine est détruite . A ce stade le cy-lindre central n'est phis protégé et devient alors laproie des agents de pourriture secondaire (bactérieset champignons) . A son tour il cesse d'être fonc-tionnel. Il suffit d'une telle attaque en un seul point, àproximité de la souche, pour que toute la partie ter-minale de la racine disparaisse. Dans les conditionscanariennes, l'évolution des attaques est assez lente .Elle ne semble pas être intensément activée par l'ac-tion d'organismes saprophytes secondaires . Aussiobserve-t-on fréquemment des racines dont les né-croses n'atteignent le cylindre central qu'en des pointsindividualisés, laissant saine par ailleurs la coucheprofonde de la zone corticale, ce qui ne se rencontrepratiquement pas dans les bananeraies de l'Ouestafricain attaquées par Radopholus similis, espèce dontla biologie est semblable à celle de Pralylenchus goo-deyi, où les nécroses atteignent en très peu de tempsle cylindre central, entraînant très rapidement la des-truction de la racine (Luc et VILARDEBO, zg61) .

Il n'est pas rare de voir tout le système radiculaired'un bananier présenter ces symptômes au point quetoutes les racines soient détruites, à l'exception desplus jeunes, lesquelles portent les lésions caractéris-tiques d'un début d'attaque .

Les symptômes des infestations récentes par Heli-cotylenchus se présentent également sous la forme detirets brun-rouge, mais ceux-ci sont plus courts etsurtout beaucoup plus fins . En général ils sont aussibeaucoup plus nombreux .

Avec le développement de l'attaque ils deviennentcoalescents et donnent alors une teinte brune uni-forme à la racine . Au départ ces nécroses sont trèssuperficielles. Elles n'intéressent souvent que deux outrois couches cellulaires, mais au fur et à mesure dudéveloppement des attaques, ces nécroses vont gagneren épaisseur jusqu'à atteindre i à 1,5 mm réguliè-rement autour de la racine, laissant saines les couches

PnoTo b . - Symptômes d'attaques de racines de bananier parHelicotylench:us sp .

(Photos A . Vilardebo, I .F .A .C .) .

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profondes de la zone corticale et le cylindre central(photo b) . Il arrive que les nécroses gagnent le cy-lindre central mais cela ne s'observe que dans le casde très fortes attaques et sur des bananiers en fin decycle .

Une distinction doit être faite selon qu'il s'agit d'at-taques par Helicotylenchus inulticinctus ou par Heli-cotylenchus afyicanus et H. cf . dihystera . En effet lesobservations biologiques, ainsi que les données four-nies par des comptages dans la terre et les racines,indiquent que H. multicinctus se rencontre dans lesracines en nombre beaucoup plus élevé que les autresespèces qui se trouvent souvent presque uniquement

Comme presque toujours parmi les espèces ren-contrées dans les racines d'une plante ou dans sa rhi-zosphère, il en est quelques-unes, quelquefois en faiblenombre, dont le rôle économique est certain tandisque d'autres n'ont qu'une importance réduite, leurparasitisme n'étant pas dangereux, ou leur nombreétant constamment trop faible pour que les dégâtsprovoqués soient pris en considération .

Pratylenchus goodeyi et Helicotylenchus afyicanussont les deux espèces les plus largement répanduesaussi bien à Ténériffe que dans l'île de Grande Canarie .A quelques exceptions près elles ont été rencontréesdans tous les échantillons examinés . Helicotylenchusmulticinctus est beaucoup moins répandu mais cetteespèce a été observée en grand nombre dans certainesbananeraies de Las Palmas, aussi doit-on l'ajouteraux deux précédentes et considérer ces trois espècescomme étant les nématodes les plus dangereux pourla culture bananière aux Canaries .

D'autres espèces de moindre importance, déjàcitées par l'un des auteurs (DE GUIRAN, ig61) ont ététrouvées associées au bananier . Elles seront sommai-rement examinées plus loin .

Les Pratylenchus .

Les nématodes du genre Pratylenchus sont aisémentreconnaissables dans les populations extraites du solet des racines, par leurs caractères morphologiques :le corps est subrectiligne quand les animaux sonttués lentement par la chaleur ; le stylet est court etfort ; la tête, large, présente un profil antérieur géné-ralement plan et, à sa base, une sclérotisation biendéveloppée . La partie basale de l'cesophage recouvre

LES ESPÉCES DE NÉMATODES PRÉSENTES

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dans la terre . H. multicinctus est donc beaucoup plusdestructeur que H. afyicanus et H. cf . dihystera etdoit être considéré comme beaucoup plus dangereuxpour le bananier que les deux autres .

Enfin il est parfois constaté sur les racines de bana-niers la présence de renflements dus aux attaques deMeloidogyne . En fait ces nodosités ne sont bien indi-vidualisées que sur les radicelles tandis que sur lesracines principales l'hyperplasie des tissus au pointde fixation du nématode n'est pas suffisante pour pro-voquer un renflement caractéristique et produit sim-plement une déformation de la racine qui perd saforme cylindrique pour devenir noueuse .

ventralement l'intestin. Chez la femelle, qui ne pos-sède qu'une gonade (antérieure), la vulve est situéeà environ 8o % de la longueur du corps à partir del'avant ; la queue est conique, de forme variable àson extrémité selon les espèces . Chez le mâle, les spi-cules sont situés assez près de l'extrémité postérieure,avec une bursa s'étendant jusqu'à la pointe de laqueue .

Ce genre est représenté, dans les bananeraies cana-riennes, par deux espèces : Pratylenchus cofj`eae et Pra-tylenchus goodeyi . Une troisième espèce, Pratylenchusthornei, a été trouvée dans le sol d'une plantation deTénériffe .

Pratylenchus co f eae (Zimmermann, 1896) Filipjev etStekhoven, 1941 .Ce nématode est un grave parasite du bananier

auquel il cause de sérieux dégâts dans les régionsd'Amérique centrale et méridionale où cette planteest cultivée . Il y avait d'ailleurs été décrit par COBBen 1819 sous le nom de Pratylenchus musicola qui alongtemps servi à le désigner .

Le principal caractère permettant de distinguerP . co'eae des autres espèces de Pratylenchus trouvéesjusqu'ici aux Canaries est la présence de deux anneauxsur les lèvres dont le contour est arrondi (fig . i : A) . Laforme de l'extrémité caudale est très variable chezcette espèce : elle peut être tronquée, indentée ougrossièrement arrondie (LooF, 1g6o) . Mais chez lesspécimens récoltés sur bananier aux Canaries, lapartie terminale de la queue est toujours réguliè-rement arrondie et non annelée (cf . fig . 1 : B) .P. cofeae a été extrait en grand nombre (g 50o indi-

vidus pour 7o cm de racine) du premier échantillon3

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de racines de bananier envoyé des . Canaries à Adio-podoumé en avril 1960 . Par contre dans les 2o échan-tillons de bananiers de la première mission qui pro-venaient presque exclusivement de Ténériffe, il n'a pasété retrouvé, pas plus que dans 6 échantillons envoyésde Grande Canarie par l'auteur de la deuxième mis-sion à Adiopodoumé pour détermination .

S'il est donc certain que P. cot/eae est présent auxCanaries sur bananier, on peut considérer qu'il n'y estpas abondant ; mais là où il se trouve, il provoque cer-tainement de sérieux dégâts et toutes les remarquesqui vont suivre à propos de la biologie et de la patho-génicité de P . goodeyi seront valables pour P. co f feae .

Pratylenchus goodeyi Sher et Allen, 1953 .En 1928, T . GOODEY identifia à Pratylenchus musi-

cola des individus de racines de bananiers poussantdans une serre du jardin botanique de KEW (Grande-Bretagne) . Il fut reconnu plus tard (SHER et ALLENT,1953) que ces individus appartenaient à une espècedistincte que les auteurs nommèrent, en l'honneurde T . GOODEY, P. goodeyi Sher et Allen, 1953 . Dans lemême travail ii fut établi que P. musicola était iden-tique à P . coffeae et que ce dernier nom, antérieur,devait seul être conservé .

P}IOTO C .Sperniathèquede Pratylea-chus goodeyi .

PhotoG. de GuiranO.R .S .T .O.M .

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En 1953 également, H . GOFFART isolait de racinesde bananiers Cavendish poussant en serre au jardinbotanique de Munster un Pratylenchus qu'il identi-fiait à P . musicola en comparant ses caractères à ladescription de T . Goonxv (1928) . L'hypothèse a étéémise qu'il s'agirait 13 de P. goodeyi . Mais les dimen-sions et la description données par H . GOFFART per-mettent difficilement d'identifier cette espèce àP. goodeyi plutôt qu'à P. cofleae .

Alors que P. cofeae est très répandu dans le monde,P. goodeyi, mis à part peut-être le cas que nous venonsde citer, ne fut signalé nulle part ailleurs qu'à Kewjusqu'au jour où le Dr CALDAS envoya pour examen àRothanisted un lot de terre de bananeraie canariennedans lequel J. B . GOODEY, fils du précédent, retrouvaP. goodeyi .

Un vieux producteur canarien raconte qu'un com-merçant anglais, Henry WOLFSON, importa, en pro-venance de Kew, une souche de bananier . A-t-il in-troduit à ce moment P . goodeyi ? On est d'autant plustenté de le penser que cette espèce n'a été précisémentsignalée qu'à Kew et aux Canaries .

Les femelles de Pratylenchus goodeyi récoltées surbananier aux Canaries, lorsqu'elles sont tuées len-tement à la chaleur, sont légèrement courbées ven-tralement. Leur longueur est comprise entre 430 et580 t. Le corps est davantage aminci vers l'arrièreque vers l'avant avec une partie post-vulvaire coniqueallongée, la vulve étant située à 71-78 °o de la lon-gueur du corps . La tête est haute et large ; le stylet,massif, est long de 16 à 18 µ . Mais les trois caractèresessentiels qui permettent de reconnaître les femellesde P . goodeyi et de les distinguer des autres Praty-lenchus notamment de P. cof eae, sont les suivantsdes lèvres hautes ornées de quatre anneaux (fig . 1C), une spermathèque volumineuse remplie de trèsgros spermatozoïdes (photo no C), et une queue pré-sentant un décrochement dorsal qui en rend l'extré-mité relativement pointue par rapport à celle deP. eolleae (fig . 1 : D) .

Le mâle ne présente pas de caractère morphologiqueoriginal, mis à part la présence des quatre anneauxsur les lèvres . Sa longueur totale est comprise entre460 et 56o µ ; son stylet est long, 15 à 17 la .

Les mensurations données ici ne correspondent pasexactement à celles de la description originale, sur-tout en ce qui concerne la longueur totale des femelles ;mais une comparaison d'individus récoltés aux Cana-ries avec les spécimens ayant servi à la descriptionoriginale, obligeamment prêtés par le Dr J . B. GOODET,n'a pas montré de différences appréciables et permetd'affirmer qu'il s'agit bien de Pratylenchus goodeyi .

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P. goodeyi, comme tous les autres Pratylenchus, estun endoparasite migrateur . Il pénètre dans le paren-chyme cortical des racines et y creuse des cavités endétruisant les cellules et en se nourrissant de leurcontenu. Le parenchyme cortical peut ainsi être dé-truit sur toute son épaisseur avec l'aide d'agents depourriture secondaire, tandis que le cylindre centralreste indemne . Ces lésions se traduisent, à la surfacede la racine, par les plages nécrotiques brunes décritesplus haut (photo a) . A l'intérieur de ces cavités lesfemelles pondent des neufs qui éclosent, les larves senourrissent également aux dépens de la racine para-sitée pendant qu'elles complètent leur cycle . Les lé-sions s'agrandissent ainsi à mesure que se reproduisentles parasites . Quand la racine, suffisamment lésée,n'est plus capable de les nourrir, les nématodes laquittent et migrent dans le sol à la recherche d'uneautre racine . P . goodeyi étant mobile pendant toutson cycle évolutif, cette migration peut se faire à tousles stades qui sont donc tous des stades infestants .P . goodeyi peut donc être rencontré en plus ou moins

grand nombre dans le sol avoisinant les racines où ilest capable de subsister un certain temps, mais ilne peut se reproduire qu'à l'intérieur d'une plante-hôte. Le nombre de P . goodeyi contenu dans un litrede sol pourra donner, selon la période de l'année, uneidée du degré d'infestation de la bananeraie mais nerenseignera pas sur celui des bananiers qui devra êtreévalué par l'examen et l'analyse quantitative de leursracines. A plus forte raison l'absence de P. goodeyidans le sol ne devra pas faire conclure à son absencede la bananeraie. C'est ainsi que dans deux planta-tions situées respectivement à `'aile Guerra et à Gua-rachico (Ténériffe) l'analyse de sol n'a pas révélé laprésence de P . goodeyi alors que les racines en conte-naient un nombre parfois appréciable. Dans une plan-tation de Telde (Grande Canarie) le sol d'une parcellecontenait moins de P . goodeyi que la parcelle voisine,mais le contraire se produisait quant au degré d'in-festation des racines . Inversement il peut arriver,comme cela a été plusieurs fois constaté à Ténériffe,que P . goodeyi soit absent de certaines racines tout enétant présent dans la parcelle, et l'échantillonnaged'une parcelle pour la recherche de ce parasite devrase faire sur un assez grand nombre de racines de plu-sieurs pieds de cette parcelle .

A Ténériffe, P . goodeyi a été rencontré dans toutesles zones de culture du bananier, sauf dans certainesplantations du sud de l'île (régions de Guimar etAdeje), encore cela ne signifie-t-il pas qu'il y soit réel-lement absent .

En Grande Canarie, les analyses de sol et de racines

A C

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FIG . i . - Pratylench.us cofleae . A : tête ; B : queue . - Pratylen-chus goodeyi . C : tête ; D : queue . - Pratylenchus thornei . E

tête ; F : queue .

de bananiers ont montré que les nématodes du genrePratylenchus étaient présents dans pratiquement tou-tes les régions de culture . Huit échantillons provenantde six zones distinctes de l'île ont pu être déterminésspécifiquement . Dans ces huit cas l'espèce présenteétait P . goodeyi . Si donc la répartition de cette espèceen Grande Canarie ne peut être aussi bien préciséequ'à Ténériffe, il semble néanmoins qu'elle y soit l'es-pèce prédominante par rapport à P . co#eae .

Les chiffres les plus élevés de populations deP. goodeyi donnés par les analyses ont été de 6 000à 7 00o par litre de sol, mais tous les niveaux ontété rencontrés .

Les populations extraites de racines émises avantl'hiver, soit quelque huit mois avant leur prélèvement,étaient également très variables, allant de quelquesdizaines de nématodes à go ooo pour zoo g de racine .P. goodeyi a été trouvé au voisinage des racines de

plusieurs autres plantes cultivées aux Canaries :Citrus, Kenaf (Hibiscus cannabinus L.) et Tomate(de Guiran 1962) . Sa présence dans les racines n'ayantpas été vérifiée, il n'est pas possible d'affirmer aveccertitude son parasitisme envers ces plantes, mais ilest probable qu'il soit en relation avec elles, les par-

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celles échantillonnées étant indemnes de toute planteadventice .

Pratylenchus thornei Sher et Allen, 1853 a été ren-contré en faible nombre associé avec P. goodeyi, dansle sol avoisinant des plants de bananier à Buena-vista (Ténériffe) . Cette espèce se distingue facilementdes deux espèces de Pratylenchus précédemment citéespar les caractères suivants : les lèvres marquées detrois anneaux, l'extension postérieure des plaquessclérotisées situées à la base des lèvres, l'absence despermathèque et la queue tronquée à son extrémité(fig . 1-F-F) . Les mâles sont extrêmement rares chezcette espèce alors qu'ils sont communs chez P. co f eaeet P. goodeyi .P. thornei n'ayant été trouvé que dans le sol, son

parasitisme envers le bananier n'est pas certain . Ilse peut qu'il attaque cette culture mais que la pré-sence prépondérante de P . co,eae ou de P . goodeyi lemaintienne à un niveau de population très bas . Il sepeut aussi qu'il subsiste dans le sol des bananeraiesen parasitant les racines de plantes adventices .

Les Helicotylenchus .

Ces nématodes tirent leur nom de la forme spiraléequ'ils affectent, chez la plupart des espèces, aprèsavoir été tués lentement par la chaleur .

Les espèces de ce genre se distinguent par la partieavant du corps légèrement conique, prolongée par deslèvres hautes et soudées au corps, et par le stylet net-tement plus long et élancé que chez les Pratylenchus,mesurant environ une fois et demie la largeur du corpsau niveau des boutons basaux. Chez la femelle lavulve est située entre la moitié et les deux tiers de lalongueur du corps ; l'anus est situé très près de l'ex-trémité postérieure dont la forme, variable d'uneespèce à l'autre, sert de critère de détermination . Chezle mâle la queue est courte et pointue, entièrementenveloppée par la bursa .

Trois espèces d'Helicotylenchus ont été rencontréesassociées au bananier aux Canaries : H. africanus,H. multicinctus et H. cf . dihystera .

Helicotylenchus africanus (Micoletzky, igi6), Andrassy,1958 .Cette espèce n'a été rencontrée jusqu'ici qu'en trois

endroits et toujours en très faible quantité : parMICOLETZKY (1816) près des chutes « Victoria » surles bords du Zambèze, par SCHUUR TANS-STEKHOVENet TENVISSEN (1938) à Kibga (Congo belge) et, plusrécemment, par GADEA (1g6o) dans un autre milieuinsulaire de l'Atlantique proche de la Côte d'Afrique :

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l'île d'Annobon, dans le golfe de Guinée . GADEAestime d'ailleurs qu'il s'agit là d'une variété nou-velle (annobonensis) de H. africanus .

C'est la première fois que H. africanus est rencontréen très grande quantité parasitant une culture .

Les femelles rencontrées aux Canaries s'enroulentventralement en une spirale lâche après avoir ététuées lentement à la chaleur . Leur longueur totale estcomprise entre 44o et 595 ~L, avec une vulve situéeentre 62 et 67 0 . Le stylet est long de 21 à 24 µ .

La forme de la queue est caractéristique de l'espèceet permet de la distinguer facilement lors des comp-tages : elle est conique, avec le côté ventral en prolon-gement avec l'axe du corps, et porte à son extrémitéune longue pointe elle-même ornée, chez la plupartdes individus, d'un fin mucron . L'ornementation cuti-culaire s'arrête environ aux deux tiers de la distanceentre l'anus et l'extrême pointe de la queue (fig . 2 : A) .

Les mâles sont difficilement distinguables de ceuxd'H . multicinctus, les deux espèces étant souvent enmélange . Toutefois, dans un échantillon dont H . afri-canus seul avait été extrait, il a été possible d'observerque les mâles mesuraient 405 à 438 ~L de longueur avecun stylet long de 1g à 2o u .H . africanus provoque sur les racines de bananier

les petits tirets rougeâtres décrits plus haut (photo b) .Nous avons vu que ces lésions s'étendent peu en pro-fondeur dans les tissus . H . africanus n'est pas en effet,comme Pratylenchus co f eae et P. goodeyi, une espècestrictement endoparasite . Il peut arriver que les indivi-dus pénètrent plus ou moins profondément dans lestissus mais jamais au point d'y creuser de larges ca-vités comme les Pratylenchus et, quoique la présenced'un hôte soit nécessaire à la prolifération de l'espèce,la multiplication des individus n'est pas subordonnéeà leur présence dans les tissus de cet hôte .

Il en résulte que H. africanus sera susceptible d'êtrerencontré en plus grand nombre dans le sol que lesPratylenchus, avec pourtant des variations au cours del'année . C'est ainsi que des comptages faits en dé-cembre aux Canaries ont donné comme maximum6 00o à 7 000 H. africanus au litre de sol . Fin mai,début juin, les chiffres n'atteignaient que 1500 à 2 000

individus. Mais des échantillons reçus à Abidjan aumois de janvier contenaient des populations beau-coup plus importantes : de 16 00o à 44 000 individusau litre de sol .

Les analyses pratiquées sur des racines d'au moinshuit mois d'âge ont donné des résultats assez faibles4 000 à 5 ooo individus pour ioo g de racine . Mais ceschiffres doivent être notablement plus élevés à d'au-tres moments de l'année .

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Fruits - Vol. 17, no 6, 1962

H. alricanus a été rencontré dans toutes les zonesde culture bananière de Ténériffe et de Grande Canarie' .Certaines régions sont peu infestées, comme celle d'Ar-gueneguin (Grande Canarie) ; dans d'autres, par exem-ple aux environs de Guarachico (Ténériffe), les infes-tations étaient très variables selon les plantations, lespopulations allant de 120 à 5 36o individus au litrede sol, et il n'est pas possible de parler d'aires de répar-tition préférentielles de H. alricanus aux Canaries nide donner des précisions sur l'éventail des hôtes de ceparasite qui n'a pas été rencontré sur les autres cul-tures examinées .

Helicotylenchus multicinctus (Cobb, 1893), Golden,1956 .Cette espèce est un parasite commun du bananier

dans de nombreuses régions du globe, notammentl'Ouest africain où son parasitisme a fait l'objet d'uneétude (Luc et VILARDEBO, 1961) à laquelle nous ren-voyons le lecteur pour plus de détails .

Les individus des deux sexes, après fixation, sontcourbés ventralement en C ouvert. Les femelles, lon-gues de 50o à 65o µ, ont une vulve assez postérieurepour le genre (64 à 72 %) . La forme de la queue permetde différencier facilement cette espèce de H. alricanus :elle est ici courte et nettement arrondie à son extré-mité, l'ornementation se continuant sur tout son pour-tour (fig . 2 : B) . Le mâle n'a pas de caractère morpho-logique particulier .H. multicinctus cause aux racines de bananier les

mêmes lésions qu'H . alricanus mais nous avons vu plushaut qu'il était rencontré en plusg rand nombre dansles racines et peut devenir beaucoup plus dangereuxpour le bananier .Dans l'Ouest africain les populations d'H . multi-

cinctus atteignent des niveaux très élevés : 50 000 à100 ooo, parfois jusqu'à 16o 00o individus pour Zoo gde racine et 20 000 à 25 00o au litre de soi . Les dégâtscausés au bananier sont alors considérés comme graves .Aux Canaries, cette espèce ne semble pas atteindreune telle prolifération et est beaucoup moins répanduequ' H. alricanus . On la trouve surtout dans le sud desdeux îles . Toutefois elle a été rencontrée sporadi-quement sur la côte nord de Ténériffe et de fortes infes-tations ont été constatées à Telde (Grande Canarie) .Une troisième espèce d'Helicotylenchus a été ren-

contrée en grand nombre dans des racines de bana-niers de la région de Guarachico (Ténériffe) . Elle se rap-proche beaucoup de Helicotylenchus dihystera (Cobb,1893) Sher, 1961 (= H. nannus Steiner, 1945) en cequ'elle possède une très courte pointe caudale diffé-renciée, ce caractère permettant de la différencier

facilement de H. alricanus et H. multicinctus (fig . 2 :C) . Toutefois une espèce, très voisine également deH. dihystera, qui parasite le bananier et de nombreuxautres végétaux dans l'Ouest africain est considéréecomme nouvelle par S . A . SHER qui révise actuel-lement la famille des Hoplolaiminae et n'a donné jus-qu'ici que la liste nominative des espèces de chaquegenre. Il faudra donc attendre la description de cettenouvelle espèce et les différences qu'en donnera S . A .SHER d'avec H. dihystera pour nous prononcer surl'identité de ce troisième Helicotylenchus .

A B

2o,u

- 269

C

FIG . 2 . - Forme de la queue chez A : Helicotylenchus alricanus ;B : Helicotylenchus multicinctus ; C : Helicotylench.us cf . dihystera .

Les Meloidogyne .

Les nématodes galligènes (Meloidogyne spp .) comp-tent parmi les rares nématodes dont le parasitisme en-vers les plantes se traduit par des symptômes carac-téristiques et facilement perceptibles, même par unobservateur non exercé . Ils sont en effet respon-sables des renflements que l'on rencontre parfois surles racines de bananier et de nombreuses autres plan-tes. Ces déformations sont bien connues aux Cana-ries, sous le nom de batatilla, où elles affectent égale-ment la tomate, plante cultivée en grande quantitédans les îles .

Les différentes espèces de ce genre étaient autrefoisgroupées sous le vocable commun d'Heterodera ma-rioni Cornu, 1872 = H. radicicola (Greef, 1872) Muller,1884, scindé par CHITw00D (1949) en six espèces etvariétés placées sous le terme générique réhabilité deMeloidogyne Goeldi, 1887, d'autres espèces et variétésdécrites depuis, étant venues s'y ajouter .

Les larves de Meloidogyne, longues de 300 à 400 I,,à la queue effilée, viv nt libres dans le sol . Elles sontattirées par les racines en voie d'allongement et pé-nètrent, généralement au niveau de la zone sous-api-cale, dans le parenchyme cortical pour venir se fixerprès du cylindre central . Trois mues successives lesconduisent alors au stade adulte pour donner soit des

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mâles, filiformes, qui sont capables de quitter leurhôte et de se mouvoir dans le sol, soit des femelles glo-buleuses, de 6oo µ, de diamètre environ, définitive-ment fixées . Les mâles, beaucoup plus rares que lesfemelles, sont longs de i à 1,6 mm et sont reconnais-sables à leur queue arrondie, dépourvue de bursa,dont les spicules occupent l'extrémité .

Peu de temps après la pénétration, les cellules si-tuées autour de la partie antérieure de la larve se mul-tiplient et forment des « cellules géantes» par dispa-rition des membranes entre plusieurs cellules et coa-lescence de leur cytoplasme, phénomène qui se tra-duit par la formation d'une galle sur la racine .

Les femelles pondent une grande quantité d'œufsdans une matière gélatineuse qui les maintient enmasse. Ces neufs, libérés dans le sol directement oùà la faveur de craquelures qui se produisent à la sur-face de la racine, éclosent en donnant des larves quivont à leur tour infester d'autres racines et répètentle cycle .

Parmi les espèces de Meloidogyne, quatre ont étéjusqu'ici signalées comme parasites du bananier ; cesont : M. arenaria (Neal, 1889), Chitwood, 1 949, M.incognita (Kofoid White, 1919) Chitwood, 1949, M.incognita acrita Chitwood, 1949 et M. javanica (Treub,1885) Chitwood, 1949 . Cette dernière espèce est pré-sente aux Canaries où elle a été relevée sur tomate(DE GUIRAN, 1962) .

Aux Canaries, les larves de Meloidogyne sont pré-sentes en nombre variable dans le sol d'à peu prèstoutes les bananeraies . Il semble pourtant que les ré-gions sud soient plus infestées, peut-être à cause destempératures moyennes plus élevées qui y règnent .Mais il est rarement constaté de symptômes visiblesde l'infestation, c'est-à-dire de galles sur les racines .

Quand elles se produisent, les attaques de Meloi-dogyne n'entraînent pas la pourriture des racines maisuniquement leur déformation qui se répercute sur lescanaux vasculaires . Tout en ayant perdu de sa vita-lité, le système radiculaire reste fonctionnel . Le para-sitisme des Meloidogyne, envers le bananier, mêmequand il devient fréquent, reste donc d'une faibleimportance et sans grandes conséquences économiques .

Une théorie récente de MAC BETH donnerait uneexplication de la faible fréquence des galles sur lesracines de bananier, alors même que les larves sontabondantes dans le sol . Cette théorie suppose que lesfortes attaques de nématodes endoparasites migrateurs(Radopholus similis, Pratylenchus co 'eae, Pratylen-chus goodeyi) provoquant une mort prématurée desracines, empêchent l'arrivée à maturité des femelleset limitent l'extension des Meloidogyne . Les galles n'ap-

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paraîtraient que lorsque les traitements ont diminué lavirulence des endoparasites migrateurs . Il faut sup-poser également, pour expliquer la persistance deslarves dans le sol des bananeraies, que les nématodesgalligènes peuvent alors se reproduire en parasitantles racines de plantes adventices .

***

Les espèces mentionnées jusqu'ici, à l'exception deHelicotylenchus cf . dihystera qui ne fut rencontré qu'unefois et de Pratylenchus thornei, peu fréquent égalementet dont le parasitisme envers le bananier n'est pasprouvé, constituent les cortège habituel de nématodesparasitant le bananier aux îles Canaries .

D'autres espèces furent rencontrées ; ce sontAphelenchoides sp .Criconemoides muta bile Taylor, 1936 .Criconemoides sp .Tylenchorhynchus acti Hopper, 1959 .Tylenchorhynchus brevidens Allen, 1955 .Tylenchorhynchus n . sp . N .Tylenchus sp .

Les Criconemoides sont des nématodes au corps géné-ralement massif, orné d'anneaux cuticulaires trèsmarqués, et au stylet très long .

Criconemoides sp . n'a été rencontré que sous laforme d'un individu juvénile dont la cuticule portaitune ornementation denticulée . Mais l'ornementationdes larves de Criconemoides disparaît fréquemmentau stade adulte et il n'est pas possible de déterminerl'espèce sur ce seul caractère .

Criconemoides muta bile serait, par contre, assezfréquent à Ténériffe . Les individus juvéniles de cetteespèce sont différents de ceux cités plus haut . Deuxespèces distinctes de Criconemoides sont donc pré-sentes sur bananier aux Canaries .

Les trois espèces de Tylenchorhynchus étaient trèspeu abondantes dans les échantillons, de l'ordre de 5à 20 par litre de sol, de même que Tylenchus sp .

Alors que dans les bananeraies de l'Ouest africain onrencontre jusqu'à 18 00o Hemicycliophora oosten-brinki par litre de sol, il n'existe pas de fortes popu-lations de nématodes ectoparasites migrateurs auxCanaries .

** *

Du point de vue agricole, le genre Pratylenchus estcelui qui revêt la plus grande importance aux Cana-ries . P. co'eae et P. goodeyi, en effet, par leur type deparasitisme, entraînent le dépérissement total et ra-pide de la racine . Les Pratylenchus doivent donc être

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tenus pour responsables de la plus grande part desdommages causés aux bananiers par les nématodes .Les espèces du genre Helicotylenchus peuvent,

lorsque leurs populations atteignent des niveauxélevés, prendre localement une réelle importance .Nous avons vu que, dans ce cas, les lésions qu'ellesprovoquent peuvent gagner toute la surface de laracine tout en s'étendant peu en profondeur . D'autrepart H . multicinctus, lorsqu'il est très abondant, peut,par son parasitisme plus virulent affecter gravementle bananier .Quant aux autres genres, dont Meloidogyne, on

peut ne pas en tenir compte dans une vue économiquedu problème . En effet, ou les populations rencontréessont très faibles, ou leur type de parasitisme n'est pasdangereux .

Les dégâts causés aux bananiers par les néma-todes .

Les lésions que nous avons décrites précédemmentet qui aboutissent à la destruction de presque toutesles racines, causent un affaiblissement considérabledu système radiculaire du bananier . De cet affaiblis-sement découlent plusieurs conséquences- la plante subit un grave déficit d'alimentation

en éléments nutritifs. La croissance du bananier estralentie et les réserves ne s'accumulent que lentementdans la souche. Le régime tarde donc à sortir et lecycle végétatif s'allonge . De plus, les régimes sont depetite taille .Les planteurs qui ne soupçonnent pas l'action né-

faste des nématodes cherchent à corriger ce manquede production par des soins culturaux plus pousséset par un très fort apport d'engrais . On arrive alorsà accumuler dans le sol des éléments qui, à trop forteconcentration, peuvent devenir néfastes . Ainsi lessols canariens ont souvent été trop chargés en potasse,alors qu'ils sont naturellement riches en cet élémentqui s'accumule et provoque, chez les fruits verts, la«pulpe jaune » .

Ce déficit d'alimentation provoque donc une im-portante baisse de rendement, sans compter les dé-penses occasionnées par les soins culturaux plus pous-sés et le plus fort apport d'engrais .L'alimentation en eau de la plante se fait mal . La

plus grande majorité du système radiculaire d'un ba-nanier fortement attaqué par les nématodes restesuperficielle et la plante ne peut aller chercher dansles couches profondes du sol l'eau dont elle a besoin .Dans l'Ouest africain, une saison sèche trop prononcée

comme celle de 1958 peut provoquer le dessèchementde nombreux plants dans des plantations où un sys-tème d'irrigation n'est pas installé . Aux îles Canaries,toutes les plantations sont pourvues d'un systèmed'irrigation très perfectionné qui peut compenser toutepériode de sécheresse . Mais l'eau est vendue très cherpar des organisations privées spécialisées (2 pesetas lemètre cube et parfois jusqu'à 5 pesetas) et le planteur atout intérêt à s'en faire délivrer le moins possible .Toutefois, dans certaines régions, notamment en GrandeCanarie, l'eau est très chargée en sels (i g/litre) ; l'ir-rigation se faisant à raison de 17 000 m3/hectare/an,l'apport annuel en sels se monte à 17 tonnes/hectare .Il est donc nécessaire qu'il y ait un drainage pour éli-miner ce sel et il faudra veiller à ne pas trop diminuerle taux d'irrigation ( 1 ) .- Ces bananiers ont une mauvaise assise dans le

sol. Or les régions de culture bananière des Iles Cana-ries sont très ventées et les planteurs sont obligés deprotéger leurs plantations par des pare-vent en ci-ment et un système d'étayage en fil de fer qui revien-nent très cher .

Un autre danger des nématodes est qu'ils favorisentl'entrée dans les racines d'agents pathogènes . En plusdes agents de pourriture secondaire qui complètentla destruction des tissus amorcée par les Pratylenchus,d'autres organismes peuvent être introduits : bac-téries ou champignons terricoles, virus . En fait, si lephénomène se produit pour plusieurs cultures (wiltfusarien de la tomate et du coton, court-noué de lavigne), le bananier ne semble pas encore concernépar un cas semblable . La seule question qui pourraitse poser à son endroit est celle de l'introduction parles nématodes du champignon Fusarium oxysporuincubense, agent de la Maladie de Panama ; mais lestravaux de Loos (1959) n'ont pas pu établir de corré-lation étroite entre cette maladie et les nématodes .Les variétés du groupe sinensis dont fait partie laPetite-Naine, seule cultivée aux Canaries, sont d'ail-leurs réputées comme hautement résistantes à lamaladie de Panama . WARDLAW (1935) signale pour-tant un foyer de cette maladie dans la vallée de laOrotava (Ténériffe), mais ce foyer a aujourd'hui dis-paru .

Les diminutions de récolte attribuées aux nématodesen culture bananière aux Canaries sont généralementestimées en gros à 25 % mais des cas isolés sont cer-tainement plus graves puisque certaines parcelles de-viennent parfois totalement inproductives .

( 1 ) Communication personnelle de M . DuGAIN .

- 27 1

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Évolution des populations de nématodes au coursde l'année .

Dans les plantations bien cultivées et notammentbien irriguées (pratique indispensable à une bonneproduction) des territoires de l'Ouest africain (Côted'Ivoire et Guinée) les conditions favorables à unebonne croissance du bananier, principalement à l'émis-sion de racines, se rencontrent pratiquement toutel'année grâce à une température élevée permanente .Ce sont là également les conditions qui permettent undéveloppement intense des nématodes destructeursdu système radiculaire . Toute l'année il y a donc desracines qui disparaissent, détruites par ces parasites,remplacées par de nouvelles qui assurent une conti-nuité de l'alimentation de la plante, mais permettentégalement le maintien de fortes populations de néma-todes .

Aux Iles Canaries les populations de Pratylenchus etd'Helicotylenchus varient dans de fortes proportionsau cours de l'année .

Par suite des températures hivernales relativementfraîches, le cycle végétatif du bananier présente unephase de croissance ralentie pendant laquelle la planten'émet pratiquement pas de racines, opposée à laphase estivale de croissance intense .

Ces températures des mois d'hiver agissent éga-lement sur le rythme de développement des popula-tions de nématodes mais ce dernier est également con-ditionné par le cycle évolutif du système radicu-laire .

A la sortie de l'hiver, dès le mois de février dans cer-tains secteurs bien exposés, en mars ou avril seulementdans d'autres, le bananier émet ses premières racinesde l'année. Elles vont être immédiatement infectéespar les nématodes présents à ce moment-là dans lesol. Au cours des mois d'été, ces attaques se dévelop-pent, leur intensité étant fonction de l'infestation ini-tiale . Les premières racines de l'année peuvent alorsêtre complètement détruites, encore fonctionnelles oupresque saines à l'entrée de l'automne .

En septembre-octobre apparaissent les dernièresracines qui devront assurer l'alimentation de la plantependant l'hiver et même le printemps. De l'infestationexistante à l'automne va dépendre leur longévité .Elles peuvent alors être complètement détruites dèsle mois de janvier ou bien continuer à assurer leur fonc-tion nutritive jusqu'en mai .

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Les chiffres de comptages de Pratylenchus dans lesnouvelles racines seront donc faibles au printempsmais iront en s'élevant au cours des mois . Si l'infesta-tion initiale est forte, la racine sera détruite avantl'hiver et la population de Pratylenchus, après êtrepassée par un maximum ira en décroissant jusqu'àdevenir nulle lorsque les tissus seront complètementnécrosés .

Les nématodes passent alors dans le sol et assurentl'infestation du nouveau système radiculaire en coursde développement. Les attaques vont ainsi s'inten-sifiant jusqu'à la fin de l'été .

Selon ce degré d'infestation, les dernières racinesémises peuvent être complètement détruites durantl'hiver en un temps plus ou moins rapide, ou bien êtreencore fonctionnelles au printemps .

De ce qui précède, il est aisé de s'apercevoir qu'unchiffre de comptage de populations de Pratylenchuscontenu dans des racines n'est pas interprétable si onne l'accompagne pas de certaines indications tel quedate, lieu de la plantation et si on ne procède pas àcertaines observations importantes sur le terrain aumoment du prélèvement, notamment la déterminationde l'âge approximatif des racines . Le chiffre d'un comp-tage effectué en mai peut indiquer une faible infes-tation si l'extraction a été faite à partir de racine del'année précédente ou bien une très forte infestationsi les racines sont récentes .

Les résultats des comptages de Pratylenchus dansle sol sont encore plus difficile à interpréter, car cegenre étant constitué d'espèces endoparasites strictes,les populations peuvent être très faibles dans la terreet très élevée dans les racines . Il n'y a que pendantles mois d'hiver que les comptages dans le sol peuventprendre une valeur réelle, car par suite du manquede racines nouvelles, les nématodes restent dans laterre et un équilibre s'établit alors, dépendant dudegré d'infestation des racines .

En ce qui concerne les Helicotylenchus, il semble queles comptages de populations dans le sol soient unebonne indication, car les espèces de ce genre viventpar intermittence dans la racine et dans le sol .

Une étude systématique, dans plusieurs banane-raies, de l'évolution des populations de nématodescontenus dans le sol et les racines, serait indispen-sable pour préciser les informations générales donnéesci-dessus, et notamment pour indiquer l'amplitude desvariations au cours de l'année .

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ESTIMATION DU DEGRÉ D'INFESTATION D'UNE BANANERAIE

L'un des principaux points examinés au cours dela prospection des bananeraies canariennes a été l'éva-luation du degré d'infestation afin de déterminer siles traitements nématicides seraient rentables .

Pour cela, différentes observations étaient effec-tuées sur des plantations de caractères variés situéesdans les diverses zones de culture .

Il était effectué :- un examen d'ensemble de la bananeraie,- un examen du système radiculaire,- un comptage des populations de nématodes con-

tenus dans les racines et le sol .

Examen de la plantation .

Les renseignements recueillis et les observationseffectuées en plein champ sur la plantation elle-mêmesont extrêmement importants . En effet, la connais-sance de l'historique des carrés visités, leur compor-tement au cours de l'année, les soins culturaux ap-portés sont autant de facteurs agissant sur les popu-lations de nématodes . Ils devront être pris en consi-dération au moment de l'interprétation des chiffresde comptage .Ces renseignements permettent notamment de

préciser si les nématodes sont la seule cause du mau-vais état végétatif d'une plantation . Ainsi, par exem-ple, dans un sol présentant une forte carence en oligo-éléments, la croissance du bananier se fera mal, sonsystème radiculaire sera faible. Il ne permettra pasl'établissement d'une forte population de nématodesmais suffisante néanmoins pour entraîner une dimi-nution de la production. Les nématodes ne sont cepen-dant pas la cause principale de l'état déficient de labananeraie .

Par contre dans une plantation très bien entre-tenue, recevant une irrigation abondante, de bonnesdoses d'engrais et de fumier, la production peutatteindre 5o à 6o tonnes/ha (25 000 à 30 00o kg parfanegada) . Apparemment les nématodes ne semblent'pas y faire de dégâts et pourtant l'examen du sys-tème radiculaire peut révéler des attaques sévères,confirmées par les comptages .

Une plantation en bon état végétatif n'est doncpas obligatoirement indemne de nématodes, toutcomme ces parasites ne sont pas forcément la caused'un mauvais développement .

Entre ces deux cas extrêmes existent tous les inter-médiaires. Pour chaque plantation il faut donc juger

4

- 27 3

de l'importance relative de tous ces facteurs avant depouvoir déterminer le degré d'attaques et la rentabi-lité de traitements nématicides .- Examen du système radiculaire . Cette opération

est la plus importante . Les racines de différents bana-niers toujours au même stade sont mises à nu pourexamen de leur aspect externe, et surtout interneaprès coupe longitudinale . Prenant en considérationl'influence des conditions saisonnières, du stade dedéveloppement de la plante, un observateur entraînépeut, dès ce moment-là, estimer de façon assez précisel'importance de l'attaque, mais elle ne sera basée suraucune donnée chiffrée avec tous les inconvénients quecela comporte . C'est la raison pour laquelle en généralces observations sont complétées par des comptages .- Comptages de Populations de nématodes . Ceux-ci

se font dans les racines et dans le sol .Pour interpréter correctement les chiffres obtenus,

il faut posséder un système de références . Le premiertravail à faire sera donc l'étude des populations exis-tantes au cours de l'année dans des plantations con-duites selon les pratiques culturales en usage dans lepays. Dans ces bananeraies, des observations systé-matiques de l'état sanitaire du système radiculairedevront être faites fréquemment pendant une périodeassez longue (minimum de 24 mois), doublées decomptages afin de bien connaître des populations cor-respondantes au cours de l'année .

L'établissement de ces courbes devra être fait pourdes plantations faiblement, moyennement et forte-ment infestées .

Connaissant ces éléments de base, il sera possibleensuite d'interpréter correctement les résultats decomptages de populations présentes dans des échan-tillons de sol en provenance de plantations diverses .Les extractions, faites pendant la durée de la mission,correspondent pour une seule période (fin mai) autravail qu'il y aurait lieu d'accomplir toute une année .

Degré d'infestation des bananeraies canariennes .

Le nombre de plantations visitées dans chaque zonen'a pu être aussi élevé que cela aurait été souhaitable .Il n'est donc pas possible de généraliser à toute larégion les données valables pour ces quelques localitésétudiées . Il est cependant logique d'admettre qu'ellesreflètent la tendance réelle du degré d'infestation dela région qu'une prospection plus complète viendraitconfirmer .

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2 74 -

Bananeraies de Grande Canarie.

Zone nord-ouest .

GALDAR. Llano de Sardinas . C'est incontestablementlà que furent observées les plus faibles attaques . Leschiffres de Pratylenchus par litre de terre sont del'ordre de zoo à 200, parfois moins. Dans certainséchantillons de racines aucun individu de ce genren'a été rencontré . Les populations d'Helicotylenchusn'excédaient pas 2 50o dans le sol .

Le système radiculaire, même âgé, est très sain, biendéveloppé. Dans de telles conditions, la productionatteint des chiffres records .

Cependant sur une plantation de ce secteur il a étéconstaté des attaques graves (3 50o Pratylenchus parlitre de terre et 32 00o pour ioo g de racines), ce quinous empêche d'étendre à toute la région des conclu-sions valables cependant pour la majorité des bana-neraies du secteur .

GUIA . Bananeraies moyennement infestées, der ooo à z 50o Pratylenchus dans le sol et 25 000 à 30 000dans les racines . .Les plants, à la sortie de l'hiver, man-quent de vigueur et la reprise de végétation est lente ;cependant l'ensemble de la culture est assez satis-faisant .

Zone nord .BARRANCO MOLLA . Zone la plus infestée de l'île . De

2 500 à 4 000 Pratylenchus dans le sol (r cas de 5 800)et 50 00o à 6o ooo dans les racines . L'examen du sys-tême radiculaire révélait des attaques profondes etabondantes . Parfois même les racines de l'année pré-cédente étaient totalement détruites par les nématodes .L'état végétatif des parties aériennes était très mé-diocre ; c'est ainsi que beaucoup de bananiers étaienttrès engorgés, leur tronc présentant une strangulationà la base, signe d'une croissance déficiente .

Zone est .ENVIRONS DE LAS PALMAS. Plantations moyen-

nement infestées par Pratylenchus mais assez fortementattaquées par Helicotylenchus .

Zone sud .ARGUENEGUIN . Il n'a pas été trouvé de Pratylenchus

dans les échantillons de terre et de racines . Si cetteespèce n'est pas réellement absente, elle ne s'y trouvequ'en quantité infime. Les populations d'Helicoty-lenchus étaient également très faibles . Aussi, le déve-loppement des bananiers y est-il merveilleux .

Bananeraies de Ténériffe .

Zone nord .De fortes infestations ont pu être constatées dans

toute cette zone, depuis Tejina à l'extrémité est jus-qu'à Buenavista à la pointe ouest . Des plantationsont été visitées à Valle Guerra, la Victoria, Sta Ursula,Orotava, Los Realejos, Guarachico, Buenavista .Les populations de Pratylenchus sont de 3 000 à

4 00o individus par litre de sol parfois de plus de 5 000 .Dans les racines les chiffres oscillent entre 6o 00o etgo ooo .

Dans de telles conditions d'infestation la réponse àtout traitement nématicide a été spectaculaire. Lecas le plus marquant a été vu à Buenavista où la pro-duction moyenne annuelle par pied (production totaledivisée par le nombre de pieds) est passée en un an de

9,50 kg à 22 kg. Ce chiffre sera certainement de 28 à29 dans l'année en cours. Les régimes sur pied au mo-ment de la visite avaient déjà profité de l'action amé-liorante du traitement mais les pseudo-troncs étaientencore malingres, étriqués à la base, tandis que lesrejets présentaient déjà un développement plus im-portant que le pied mère, avec une base bien élargie,signe d'un excellent développement bulbaire, d'unebonne alimentation donc d'un système radiculairesain .

Dans toute cette zone, les producteurs ont assuréavoir eu une amélioration très marquée à la suite detraitements nématicides .

Zone suur.d .ARONA . ADE JE . Faibles infestations mais il faut

prendre en considération que ces bananeraies sont decréation récente et qu'il est en conséquence logique depenser que les infestations n'ont pas atteint leur ni-veau d'équilibre .GUIMAR . En général, les infestations rencontrées

sont très faibles, au point même que Pratylenchus n'ya pas été rencontré, mais dans l'une des plantationsvisitées les attaques étaient très sévères (4300 Pra-tylenchus par litre de sol) .

Comparaison entre les observations faites dansles deux îles .

Exception faite pour les zones sud qui sont encoreactuellement de faible importance, et où les attaquespar les nématodes sont réduites dans les deux îles,les bananeraies de Ténériffe sont nettement plus in-festées que celles de Grande Canarie .

Fruits - Vol. 17, n0 6, 1962

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Les raisons de cet état de fait sont inconnues et ledemeureront sans doute jusqu'à ce que de plus am-ples connaissances soient acquises sur les facteursagissant sur l'écologie des nématodes .

A Ténériffe, les irrigations se font plus fréquemmentqu'en Grande Canarie . La terre y est alors constam-ment humide, condition favorable au développementdes populations de nématodes . Est-ce la raison ?

Depuis deux ou trois ans certains producteurs ca-nariens ont commencé à traiter leurs bananeraies,selon les indications fournies par les services officiels,et par les techniciens de différentes maisons commer-cialisant des nématicides . N'ayant encore que peu dedonnées fondées sur l'expérimentation entreprise dansles conditions locales, les indications fournies aux pro-ducteurs ne sont que des extrapolations de résultatsobtenus ailleurs . Les pratiques actuelles sont doncappelées à être modifiées dans l'avenir . Cependantcertains points, certaines modalités d'application res-teront inchangés . Il est donc intéressant de précisercomment les producteurs canariens effectuent leurstraitements nématicides .

Mode d'application des nématicides .

Le système d'irrigation par inondation de «pozas »utilisé aux Canaries simplifie grandement l'exécutiondes traitements nématicides .

Quelques producteurs ont utilisé le système clas-sique d'application par pal injecteur, cela principa-lement au début lorsque le D . D. était le nématicidetesté, ou encore, avec le D . B . C . P. par ceux qui crai-gnaient que l'application dans l'eau d'irrigation soitinsuffisamment efficace .

Ce dernier système est maintenant le seul utilisé .L'incorporation du produit à l'eau se fait de trois fa-çons différentes- Le produit est mélangé à une certaine quantité

d'eau dans un arrosoir et l'irrigation conduite selon lacoutume . Lorsque la «pozas » est pleine d'eau, le con-tenu de l'arrosoir est réparti rapidement aussi unifor-mément que possible sur toute sa surface et mélangéà l'eau d'irrigation par un moyen mécanique quel-conque. La quantité de nématicide épandue est pro-portionnelle à la superficie de la « pozas », évaluéed'après le nombre de bananiers qu'elle contient .

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Mais ces irrigations plus fréquentes ne sont-elles pasnécessaires au maintien en bonne végétation du bana-nier fortement attaqué par les nématodes ? Cela sepourrait .

Lequel est alors la conséquence de l'autre ? Desobservations en bananeraies traitées permettraientde préciser ce point .

TRAITEMENTS NÉMATICIDES DES BANANERAIES

- Certains producteurs ont simplifié cette méthodeen faisant couler la quantité de nématicide, évaluéecomme précédemment, dans l'eau d'irrigation au mo-ment où celle-ci pénètre dans la « pozas » .- Enfin, la tendance actuelle est de laisser couler

le nématicide dans le canal d'amenée d'eau et de pro-céder à l'irrigation comme de coutume . Le débit dunématicide doit alors être calculé en fonction de celuide l'eau d'irrigation de manière à obtenir la dose hec-tare de produit dans le volume d'eau utilisé pour irri-guer un hectare de bananeraie, soit en général i o0o m 3par irrigation .

Ce dernier procédé est extrêmement simple et pra-tique . On peut lui reprocher de ne pas assurer une dis-tribution très uniforme du produit, car il s'infiltre plusd'eau au début de la « pozas » qu'à l'autre extrémité .Cela n'est qu'un inconvénient de faible importance .

Habituellement, lorsque les nématicides sont incor-porés à l'eau d'irrigation, il est recommandé ensuitede faire une seconde irrigation de faible volume quientraîne en profondeur le produit resté en surface,mais dans la conjoncture canarienne, il est plus avan-tageux de traiter avec une dose légèrement supérieurepour compenser les pertes, que de payer l'eau néces-saire à une irrigation supplémentaire .

Ce système d'épandage dans l'eau d'irrigation a letrès grand avantage de saturer directement le solavec le nématicide dilué, alors qu'une diffusion com-plémentaire dans la terre des gaz émis par le némati-cide est une nécessité absolue dans le cas de trai-tements par injections .

Produits nématicides .

Deux produits sont actuellement en compétition ;le Dibromochloropropane ou D . B. C . P. et le Dibro-mure d'éthylène ou Dibrométhane ou E . D. B . (d'Éthy-lène Di-Bromure) .

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Ces deux produits ont été expérimentés en Afrique .Le D . B. C. P. est toléré par le bananier à de fortes

doses. Il possède une tension de vapeur assez faible,ce qui exige pour sa volatilisation et sa diffusion dansle sol, une température voisine de 24-250 C. Ce sontles conditions rencontrées en Côte d'Ivoire et enGuinée. Aux Canaries les sols sont plus froids surtouten hiver . La volatilisation du produit et la diffusionse ferait mal et l'efficacité serait réduite, si ce némati-cide était appliqué en injection tous les 30 à 40 cm,mais en utilisant le système d'épandage dans l'eaud'irrigation décrit plus haut ces inconvénients dispa-raissent, aucune diffusion n'étant plus nécessaire .Seule le volatilisation va être lente, mais est-ce làréellement un inconvénient ? car de cette manièrele nématicide persiste dans le sol pendant un tempsplus long et sera susceptible d'avoir une efficacité meil-leure .

Le Dibrométhane est plus volatil que le D . B. C . P .et par conséquent s'accommode mieux des tempéra-tures de 15-170 C. auxquelles son efficacité dans le solest élevé, mais sa persistance y sera moins grande quecelle du D . B. C. P .

Il présente en outre un inconvénient majeur, celuid'être nocif pour les végétaux . Sur bananier, cela aété mis en évidence en Afrique (VILARDEBO, 1959)pour des doses plus élevées que celles utilisées auxCanaries, malgré une élimination assez rapide du pro-duit par suite de températures élevées du sol voisinesde 250 .

Certains producteurs utilisant le dibrométhane ontnoté que dans les jours qui suivaient l'application,les cultures intercalaires (maïs, haricots) avaient ma-nifesté des signes de brûlure . Il est logique en consé-quence, malgré l'absence de symptômes externes vi-sibles, d'admettre que les bananiers eux aussi ont subiun choc, et il est à craindre que l'application du dibro-méthane dans les bananeraies canariennes n'entraîne,tout comme en Afrique, un ralentissement momen-tané de la croissance de la plante, se répercutant surla production .

Les deux produits ont une excellente efficacité, maisl'un le D . B . C . P. a fait ses preuves . Il est sans actionsur la croissance du bananier . L'autre, le E . D. B . està tenter et présente une certaine phytotoxicité . Jus-qu'à plus ample connaissance, le D. B. C. P. est doncle nématicide à recommander dans la lutte contre lesnématodes en bananeraie .

Dose d'utilisation .

Toujours par suite du manque de données précises,

Fruits - Vol. 17, no 6, 1962

les doses prescrites sont très variables, dépendant de lasource d'information. Parfois, encore, des doses di-verses sont appliquées par suite d'imprécisions dansl'expression de la teneur en matière active du produitcommercial. Il en résulte une diversité de recomman-dations allant de 15 à 20 litres/ha de matière active .La dose préconisée par les services officiels est de30 litres/ha de matière active et c'est celle la plus cou-ramment appliquée .D'après les connaissances acquises en bananeraies

africaines (Côte d'Ivoire et Guinée) et après examende ce problème aux Canaries, cette dose paraît tropélevée ; 20 à 25 litres seraient suffisants .

Les doses de dibrométhane préconisées sont del'ordre de 40 kg de matière active ce qui est faible encomparaison de celles qui devraient être utilisées enGuinée pour que le traitement soit efficace (plus deZoo kg/ha) . Ce produit a maintenant tendance à êtreabandonné en faveur du D. B . C . P .

Époque de traitement .

Il est possible de traiter à toute époque de l'année,avec de bons résultats principalement lors du premiertraitement en bananeraie très infestée . Mais incon-testablement les applications effectuées à la sortie del'hiver, juste avant la reprise d'activité végétative quidébute par l'émission de nouvelles racines, auront lemaximum d'efficacité .

En effet, à cette époque de l'année, il est vraisem-blable que les vieilles racines ne fournissent plus lesconditions adéquates au maintien et à la reproductiondes nématodes, aussi beaucoup de ceux-ci passent-ils dans le sol . Ils y sont beaucoup plus vulnérableset seront par conséquent tués plus aisément . C'estaussi très probablement le moment où les popula-tions sont les plus faibles, ce qui est toujours un avan-tage .

Les nouvelles racines qui vont se développer dansce sol débarrassé de nématodes, pourront donc assurerpleinement leurs fonctions nutritives pendant unelongue durée . Les traitements effectués à cette époqueauront donc leur efficacité maximum .

Fréquence des traitements .

En Côte d'Ivoire, comme en Guinée, le rythme demultiplication des nématodes est rapide et l'expéri-mentation a révélé que deux applications annuellesétaient nécessaires pour obtenir un bon contrôle deces parasites .

Dans les conditions canariennes, un seul traitement

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annuel sera suffisant, car les températures qui règnentdans ces îles pendant une grande partie de l'annéeconstituent un facteur de ralentissement du tauxd'accroissement des populations .

Il est même possible, principalement en GrandeCanarie, qu'après deux ou trois années de traitementsréguliers, le taux de population soit à un niveau suf-fisamment bas pour permettre de ne traiter qu'uneannée sur deux ou encore régulièrement tous les ansmais avec des doses très réduites . Seule l'expérimen-tation pourra préciser ces points .

Certains planteurs ont effectué des traitements né-maticides dans leurs bananeraies . La plupart d'entreeux sont satisfaits, mais quelques-uns ont déclaré nepas avoir constaté d'amélioration . C'est que toutes lesbananeraies, principalement en Grande Canarie, neprésentent pas d'attaques suffisamment graves pourqu'il y ait baisse réelle de rendement . Les résultatsles plus spectaculaires ont été obtenus à Ténériffe oùles attaques sont nettement les plus fortes .

Il a déjà été mentionné l'amélioration obtenue surune plantation de Buenavista où le poids moyen pro-duit annuellement par pied est passé de 9,5 à 22 kgen une année et s'améliore encore . Dans d'autres plan-tations il a été possible de constater des différencestrès nettes entre carrés traités et non traités, mais iln'a jamais été possible de connaître la valeur chiffréede ces améliorations .

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BIBLIOGRAPHIE

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Il s'est créé ces toutes dernières années dans lesmilieux de production bananière, une psychose dehantise des nématodes . Que ce soit en Afrique (Côted'Ivoire et Guinée) où maintenant les traitementsnématicides sont couramr><Zent utilisés, en Amériquecentrale, en Jamaïque, des études ont été entreprisespour connaître l'importance économique de ces para-sites dans chacun des pays producteurs et les moyensde les combattre . Il en a été de même aux Canaries .Le problème y existe mais avec une acuité très dif-férente d'une île à l'autre et dans la même île selon lesrégions. Dans beaucoup de zones, traiter est une néces-sité, dans d'autres il est recommandé de le faire, tan-dis qu'ailleurs tout traitement nématicide sera su-perflu .

Il serait donc intéressant d'approfondir expérimen-talement l'étude des différents facteurs nécessaires àla réalisation des meilleures conditions de traitement(ces principaux points ont été précisés dans le texte),mais il est dès maintenant possible d'affirmer qu'untraitement :

- effectué à la sortie de l'hiver,- avec le Dibromochloropropane,- à la dose de 20-25 litres de M. A. hectare (dose à

préciser),- épandu dans l'eau d'irrigation,- à la fréquence d'une fois par ansera d'une bonne efficacité .

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