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MEMOIRE DE RECHERCHE CONFIDENTIEL « Understanding Online Word-of-Mouth » Le bouche-à-oreille aux secours des labels indépendants Sous la direction de Kristine De Valck, Professeur au groupe HEC Soutenu le xx/xx/2009 MALLET Christophe Majeure CEMS 1

Le bouche-à-oreille aux secours des labels indépendants (2009)

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Memoire de recherche publié dans le cadre de mes études à HEC.Porblématique :“Comment fonctionne le bouche à oreille sur Internet dans le domainede la musique et comment, dans le contexte de crise de l’industrie du disque et derévolution digitale, peut-il être utilisé comme outil promotionnel par les labelsindépendants ?”

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MEMOIRE DE RECHERCHE

CONFIDENTIEL

« Understanding Online Word-of-Mouth »

Le bouche-à-oreille aux secours des labels indépendants

Sous la direction de Kristine De Valck,

Professeur au groupe HEC

Soutenu le xx/xx/2009

MALLET Christophe Majeure CEMS

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“What is called the music business today, however, is not the business of producing music. At

some point it became the business of selling CDs in plastic cases, and that business will soon

be over. “

David Byrne, history-changing musician

“Breaking an act and sustaining their career requires more varied expertise than ever

before.”

John Reid, CEO, Warner Music UK & Europe

“We don’t sell records any more, we act wherever people experience music.”

Elio Leoni Sceti, chief executive of EMI Music

“I would like to thank the internet.”

Win Butler, Arcade Fire's lead singer after Funeral's release

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Sommaire

I.Organisation de la Recherche........................................................................5

A.Problèmatique......................................................................................................................5

B.Hypothèses...........................................................................................................................5

C.Démarche de Recherche......................................................................................................7

D.Plan.......................................................................................................................................7

II.Introduction..................................................................................................7

III.Comprendre le fonctionnement du Bouche à Oreille concernant la musique sur Internet du point de vue de l’individu consommateur-acteur....................7

A.Les particularités du bouche à oreille sur Internet..............................................................7

1.Les différentes formes de bouche-à-oreille : définition et comparaison......................................7

2.Distribution des rôles dans le bouche à oreille sur internet........................................................7

3.Le bouche à oreille sur Internet comme modèle de diffusion.....................................................7

B.Les particularités de la musique comme objet de Bouche à Oreille....................................7

1.Les spécificités du « produit musical » comme objet du bouche à oreille ...................................7

2.Les particularités des membres de la Communauté Musicale comme acteurs du DWOM..........7

3.De l'écoute à l'achat : la diffusion du MDWOM et le modèle de prise de décision.....................7

IV.Description et Analyse du système de Bouche à Oreille concernant la musique sur internet du point de vue de l’industrie musicale ..........................7

A.Fonctionnement, nouveaux usages et cartographie du Bouche à Oreille musical sur Internet....................................................................................................................................7

1.La révolution Web 2.0 : Les nouveaux modes de consommation musicale.................................7

2.Les nouveaux usages du MDWOM : la Liberté et le Chaos..........................................................7

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3.Une cartographie fonctionnelle du MDWOM : comprendre les enjeux liés aux différents canaux de diffusion.....................................................................................................................................7

B.Les enjeux du bouche-à-oreille et la possibilité d’un nouveau modèle promotionnel pour les labels indépendants...........................................................................................................7

1.Comprendre la crise de l'Industrie Musicale et les enjeux de la nouvelle donne digitale............8

2.Les vrais impacts économiques du MDWOM : Distribution, Écoute et Ventes ...........................8

3.L’importance du Bouche-à-oreille dans le nouveau modèle promotionnel des labels indépendants..................................................................................................................................8

V.Utiliser le bouche-à-oreille sur internet comme principal nouvel outil marketing des labels indépendants.................................................................8

A.Enjeux, Risques et Opportunités du Buzz-Marketing musical sur internet pour les labels indépendants...........................................................................................................................8

1.Enjeux : Digitaliser la chaîne de création de valeur .....................................................................8

2.Risques : Respecter les frontières légales et les barrières sociologiques propres à la communauté musicale sur internet................................................................................................8

3.Opportunités : L'interactivité au cœur d'une nouvelle proximité artistes-consommateurs et la révolution du cycle Marketing-Distribution....................................................................................8

B.Une proposition de stratégie de buzz-marketing pour les labels indépendants................8

1.MDWOM : les règles d'Or............................................................................................................8

2.Bien préparer le MDWOM et réussir son lancement...................................................................8

3.Intégrer le MDWOM dans une stratégie digitale globale ............................................................8

VI.Conclusion...................................................................................................8

VII.Bibliographie..............................................................................................8

A.Ouvrages spécialisés............................................................................................................8

B.Articles et revues spécialisées..............................................................................................8

C.Études-Thèses......................................................................................................................8

VIII.Remerciements.........................................................................................8

IX.Annexes.......................................................................................................8

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I. Organisation de la Recherche

A. Problématique

L'industrie musicale connaît depuis 2000 une crise sans précédent. La contraction des revenus semble devoir se poursuivre à moyen terme. Le support CD est appelé à disparaître rapidement mais les ventes digitales peinent à compenser le manque à gagner observé sur le marché physique. En effet, le téléchargement illégal et les différentes plate-formes de diffusion gratuite de musique empiètent sur le marché digital et révèlent des modes de consommations nouveaux que le modèle du téléchargement-paiement ne semble pas satisfaire de façon optimale. Devant la réduction des revenus, les acteurs de l'Industrie cherchent également à diminuer leurs coûts. Depuis 2003, de nombreux artistes ont pu émerger aux yeux du grand public sans l'appui préalable de campagne marketing d'envergure. A l'origine de leur succès : une popularité phénoménale sur internet, directement auprès des auditeurs, et sans intervention du label. Ce phénomène de diffusion extrêmement rapide d'un nouvel artiste ou d'un nouvel album via internet et ses utilisateurs individuels est souvent associé au bouche-à-oreille. Mais pour la plupart des acteurs de l'industrie, le bouche-à-oreille demeure un phénomène incontrôlable et absolument aléatoire. Et bien qu'un bouche-à-oreille puissant constitue une forme de promotion peu coûteuse et extrêmement efficace, il semble difficile de systématiser une méthode promotionnelle apparemment si hasardeuse. La problématique de ce document peut donc être définie comme suit : “Comment fonctionne le bouche à oreille sur Internet dans le domaine

de la musique et comment, dans le contexte de crise de l’industrie du disque et de

révolution digitale, peut-il être utilisé comme outil promotionnel par les labels

indépendants ?”

B. Hypothèses

H1: le bouche-à-oreille en ligne procède de déterminants sociologiques précis et relève d'un mode de diffusion systématique.5

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H2: La musique est un produit aux caractéristiques uniques et le bouche à oreille concernant la musique témoigne de fondations sociologiques similaires mais prend des formes et des usages différents de ceux concernant le bouche à oreille sur internet de produits « classiques »H3: Les labels indépendants peuvent systématiser l'usage du bouche-à-oreille comme outil de marketing promotionnel efficace et bon marché.C. Démarche de Recherche

Si l'Industrie Musicale traverse une crise structurelle d'envergure, la consommation de musique, qu'il s'agisse de spectacle vivant ou de musique enregistrée, n'a jamais été aussi forte, tant en termes de volume que de variété. Constatant cet écart, la majorité des acteurs de l'Industrie ainsi que de nombreux chercheurs s'échinent à trouver le modèle de distribution idéal, celui qui réconciliera le public avec la musique payante et permettra de rétablir le niveau des revenus d'antan. Plutôt que de m'engager dans cette voie, j'ai choisi de prendre le point de vue des labels indépendants. Ils n'ont qu'un impact faible sur l'évolution des canaux de distribution et s'appuient sur un catalogue limité d'artistes pour survivre. Le nerf de la guerre pour un label indépendant, outre de savoir repérer les artistes talentueux, est donc la promotion de ces artistes. Et cette promotion est fortement limitée par les contraintes budgétaires qui pèsent sur de telles structures. D'autre part, la plupart des artistes ayant émergés grâce à internet appartiennent au catalogue de labels indépendants. Ainsi, réussir à utiliser les nouvelles technologies pour étendre et rapprocher l'artiste et ses fans et se servir du bouche-à-oreille comme véhicule promotionnel pourrait permettre de réduire les coûts liés à la promotion tout en atteignant plus rapidement une population plus large d'auditeurs et potentiellement intéressés par l'artiste ou son œuvre.Ainsi, avant de concevoir une stratégie promotionnelle s'appuyant sur le bouche-à-oreille, il convient d'abord d'en appréhender les déterminants et les procédés de diffusion. Dans un second temps , il faut prendre la mesure des changements qu'implique la révolution digitale pour le métier des labels et identifier les opportunités qu'elle présente dans une optique de promotion. Ma démarche de recherche découle donc de l'identification de ces deux besoins. J'ai d'abord collecté articles et documents 6

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académiques s'attachant à expliquer les déterminants et les mécanismes du bouche-à-oreille avant d'affiner ces modèles, toujours avec l'appui de sources documentaires, pour les adapter aux caractéristiques uniques de la musique comme produit. Concernant la crise de l'industrie et la révolution digitale, ma recherche s'est orientée dans deux directions. La première, théorique, consistait à mettre à profit les nombreux travaux et articles décrivant les mécanismes qui ont engendré la crise. Deuxièmement, les différents entretiens que j'ai pu avoir avec des acteurs de l'industrie musicale m'ont permis d'identifier plus précisément la révolution en cours pour les modèles d'affaires des labels ainsi que les réelles opportunités offertes par le bouche-à-oreille. Ce document s'inspire de l'ensemble des idées et réflexions développées lors de ces entretiens. L'objectif d'une telle démarche était de disposer d'une base théorique solide et d'une compréhension optimale des enjeux de la crise actuelle afin d'envisager un guide d'utilisation du bouche-à-oreille qui supporte la confrontation théorique et soit profondément ancré dans les préoccupations actuelles des labels indépendants.D. Plan

Mon plan découle autant de la problématique que je me suis fixé que de la démarche de recherche adoptée. Je m'attache donc à expliciter les mécanismes du bouche-à-oreille en ligne et ses particularités concernant la musique en adoptant le point de vue théorique de l'individu consommateur. (III). Dans un second temps, j'adopterais le point de vue de l'industrie musicale pour décrire le fonctionnement concret du bouche-à-oreille sur internet et les opportunités qu'apporte la révolution digitale (IV). Enfin, je m'attache dans une dernière partie à expliquer quel usage peut-être fait du bouche-à-oreille dans le cadre des stratégies promotionnelles des labels indépendants et sur quels critères et selon quelles règles doivent s'élaborer de telles stratégies.(V) Après une courte conclusion (VI), le lecteur pourra trouver la bibliographie(VII), les remerciements (VIII) ainsi que les annexes (IX).

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II. Introduction

Durant les semaines précédant sa sortie, Funeral, le premier album du groupe canadien Arcade Fire, bénéficie d'un soutien sans précédent des blogs les plus influents (PitchforkMedia et Stereogum en tête, mais aussi le blog de David Bowie). La rumeur prend racine sur quelques blogs et forums spécialisés puis grandit, prodigieusement, et les commentaires enthousiastes ou dithyrambiques enflent et se multiplient, des milliers de MP3 sont postés, copiés, transférés, indexés, commentés, des courtes vidéos live sont visionnées par des milliers d'internautes et on trouve déjà des reprises sur Youtube. Quelque jours avant sa sortie, Funeral devient le premier album d'un artiste indépendant le plus attendu de l'histoire. Funeral sort le 14 septembre 2004 sur le label Merge, petite structure indépendante de Caroline du Nord. Sans aucune publicité de la part du label, l'album s'installe en bonne position des ventes Europe dès la deuxième semaine et deviendra rapidement le meilleur résultat de tous les temps du label. Quelques jours plus tard, le groupe fera la Une de Télérama et du Time, il sera plébiscité en fin d'année par l'ensemble de la presse culturelle des principaux marché occidentaux (Les Inrocks, Mojo, NME...). Quelques mois plus tard, les succès aussi rapides, et plus ou moins éphémères, d'artistes tels que les Arctic Monkeys, Yelle ou Lykke Li confirment la tendance. Internet est devenu un tremplin pour les artistes. Et les internautes sont bien souvent précurseurs, en avance sur l'industrie elle-même. Se faire connaître par des milliers de gens ne coûte rien, la promotion est assurée malgré eux par les internautes. La diffusion du nom du groupe, le volume de commentaires et d'extraits échangés et l'attente suscitée sont bien au-delà des résultats que l'on escompterait d'une campagne de marketing classique. Si Arcade Fire était né quelques années plus tôt, avant le mp3, avant les communautés en ligne, avant les blogs et Myspace, le groupe serait très certainement devenu culte, encensé par une frange de la presse spécialisée et écouté religieusement par une poignée d'amateurs de pop éclairés, mais sont succés n'aurait vraisemblablement jamais connu l'envergure de celui auquel le bouche-à-oreille a donné naissance. Le bouche-à-oreille, puisque c'est de cela qu'il s'agit, semble présenter 8

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l'alternative ultime aux budgets promotionnels limités des labels indépendants. Comme s'il mettait sur un pied d'égalité tous les artistes du monde, débarrassés du matraquage promotionnel, nus devant la foule pure des internautes. Mais le bouche-à-oreille apparaît aussi profondément aléatoire et incontrôlable, comme une sorte de justice divine pour les groupes qui le mériteraient, comme un bon virus.Dans ce document, nous nous attacherons à identifier et à expliciter, s'ils existent, les déterminants, les mécanismes et le modèle de diffusion du bouche-à-oreille. Nous analyserons la révolution digitale pour tenter de découvrir ce qu'elle peut offrir aux labels indépendants et enfin comment et dans quelle mesure le bouche-à-oreille peut être intégré systématiquement dans les stratégies promotionnelles.

III.Comprendre le fonctionnement du Bouche à Oreille concernant la musique sur Internet du point de vue de l’individu consommateur-acteur

L'objectif de cette première partie est d'identifier et d'expliciter le modèle de diffusion du MDWOM (music-related digital Word of Mouth) afin d'en intégrer les caractéristiques fondamentales dans la définition d'une stratégie marketing de promotion des artistes et de leur œuvres à l'usage des labels indépendants. Dans cette perspective, il convient dans une première section, de définir ce qu'est le WOM (Word of Mouth) et de préciser les points communs et différences cruciales entre le bouche à oreille classique (WOM) et son évolution digitale (DWOM pour digital WOM). Nous définirons le modèle de diffusion du DWOM, tant concernant les déterminants sociologiques du partage, que la division des rôles ou encore les formes que prennent la mise à disposition et la transmission du message. Dans un second temps, il conviendra de décrire les spécificités du produit musical comme objet de DWOM et de rendre l'impact de ces spécificités dans un modèle de diffusion applicable au MDWOM. 9

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A. Les particularités du bouche à oreille sur Internet

1. Les différentes formes de bouche-à-oreille : définition et comparaison

Le WOM, au sens large, désigne simplement une manière de transmettre une information d'un individu à un autre ; de bouche-à-oreille. C' est donc la plus ancienne méthode de propagation de l'information, avant même l'écrit, et bien évidemment avant les formes de communication moderne. Dans le cadre de ce travail, nous parlerons de WOM, de DWOM ou plus loin de MDWOM uniquement quand le type d'information transmis concerne un produit (tangible ou non) pouvant faire l'objet d'une transaction financière. Ainsi, nous considérerons toujours que l'information transmise par le WOM apporte des précisions sur le produit en question, qu'il s'agisse de caractéristiques techniques, d'un avis favorable ou défavorable voire même du produit lui-même (dans le cas particulier du MDWOM). Ce point de vue est celui de la Théorie de la Décision qui ne considère comme information que ce qui est propre « à entraîner ou à modifier une décision ». L'information est considérée comme « réductrice d'incertitude » sur le produit en question et devra aider son destinataire à prendre une décision d'achat (par souci de simplicité, nous considérerons le téléchargement illégal comme « une décision d'achat avec refus de payer »). A ce titre, la publicité, et toute forme de communication de masse émanant d'une organisation commerciale est une information au sens de la théorie de la décision mais ne constitue pas une forme de WOM. En effet, le WOM ne se définit pas uniquement par le contenu du message mais également par la nature de la relation unissant émetteur et récepteur : il s'agit d'une communication interpersonnelle et informelle. Le WOM, comme toute information, est reproductible et transmissible à l'infini, transformant tout récepteur en émetteur potentiel. Il devient donc difficile avec les technologies du Web de distinguer clairement un WOM d'une communication marchande puisque le lien unissant l'émetteur et le récepteur est plus distendu, puis que le « face-à-face » qu'implique un « bouche-à-oreille » littéral a disparu. Finalement, l'authenticité d'un WOM tient donc également aux intentions de l'émetteur, sa motivation doit être de partager une information et non pas de vendre pour son profit le produit que 10

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l'information mentionne. Nous définirons donc un WOM comme « un message informel

à caractère informatif sur un produit échangé entre individus-consommateurs, à

travers lequel l'émetteur aide le ou les récepteurs à orienter leur décision

d'achat ».A ce stade, nous devons distinguer les deux formes principales de WOM afin de pointer leur différences fondamentales. L'objet de notre étude est le Bouche-à-oreille sur Internet (DWOM) qu'on oppose souvent aux autres formes de WOM (offline WOM). Le WOM offline englobe toute les formes de communication orale interpersonnelles en temps réel, à savoir les faces-à-faces, le téléphone... Le DWOM désigne simplement un WOM dont le médium est internet, qu'il s'agisse d'un blog, d'un forum, de chats, d'e-mails personnels, d'un site de réseau social ou de toute forme de communication interpersonnelle qui pourrait être développée à travers internet. Les récepteurs d'un WOM sont en nombre limité (en effet un discours ou une présentation ne peuvent être considérés comme informels ou interpersonnels) et l'information n'existe pas en dehors de ses émetteurs-récepteurs (réalisés ou non), c'est à dire ceux à qui le message est parvenu à travers la chaîne émetteur-récepteur-émetteur émanant du récepteur originel. Contrairement au WOM, l'information, une fois émise par un moyen de DWOM, existe en dehors de son émetteur. Plus simplement, lorsque que je conseille un album à un ami au téléphone, je n'émets un WOM que le temps que dure notre conversation mais si je poste un commentaire sur un blog (DWOM), je continue à émettre la même information longtemps après m'être déconnecté d'internet. On parlera pour qualifier ce phénomène de « persistance de l'information » De plus, Internet a aboli toute forme de distance (ce que ne fait le téléphone qu'à un coût élevé) et permet de multiplier le nombre de récepteurs potentiels sans altérer la qualité de l'information. C'est à dire que la recommandation que j'ai posté sur un blog possède la même valeur informative quelque soit le nombre de lecteurs que je parviens à atteindre. Mon opinion est mise à la disposition gratuite et aisée de l'ensemble de la communauté mondiale des usagers d'internet. Et ces lecteurs pouvant à leur tour transmettre l'information, le coefficient multiplicateur de diffusion de l'information, et donc la vitesse de sa diffusion et la puissance potentielle de son impact sont bien plus puissants que dans le cas du WOM classique. Bien évidemment, le lien de confiance que j'entretiens avec mon ami est bien plus élevé que celui que je pourrais avoir avec chacun des lecteurs d'un blog. Ainsi, même si, du point de vue de l'émetteur, l'information émise à la même valeur, celle-ci est 11

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bien moindre si l'on prend le point de vue du récepteur. La décision d'achat doit être fondée sur la crédibilité de l'information et celle d'un DWOM n'approchera jamais celle d'un WOM offline. Considérant toutes ces caractéristiques, tentons d'examiner comment se distribue les rôles lors de la diffusion d'un DWOM afin d'affiner la distinction simpliste émetteur/récepteur. Qui sont les acteurs du DWOM ? Pourquoi émettent t'-ils? Pourquoi cherchent t'-ils des informations? Et enfin, comment se diffuse le DWOM au travers de ces acteurs? 2. Distribution des rôles dans le bouche à oreille sur internet

Rappelons que nous attacherons ici à décrire le profil des acteurs du DWOM et leurs rôles dans son mécanisme de diffusion de façon générale et non pas uniquement dans le cadre de la musique. A ce titre, il faut donc garder en tête que pour l'immense majorité des produits concernés par le DWOM, les systèmes de notation en ligne sur les sites marchands, les forums de consommateurs et les sites communautaires sont nettement plus significatifs comme transmetteurs d'information que les blogs individuels.Nous nous appuierons significativement dans cette partie sur le modèle développé par T. Sun, S. Youn, G. Wu et M. Kuntaraporn pour leur étude « Online Word-of-Mouth: A Study of its Antecedents and Consequences ». Les auteurs distinguent a

priori deux profils d'acteurs concernant le DWOM : les leaders d'opinion et les chercheurs

d'information. De son côté, Luc Dupont du Département de Communication de l'université d'Ottawa se place du point de vue du produit et distingue trois types de réactions : les Promoteurs (favorables au produit), les Indifférents et les Détracteurs (défavorables au produit). En synthétisant ces deux classifications, on obtient les profils suivants :– Les Leaders d'Opinion Promoteurs– Les Leaders d'Opinion Détracteurs

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– les Indifférents– Les Chercheurs d'Information, potentiellement promoteurs ou détracteursOn notera que cette classification se simplifiera lorsque l'on étudiera le modèle de diffusion du WOM puisque l'on considère que la diffusion de l'information véhiculée par les Promoteurs ou par les Détracteurs suit les mêmes modalités.La première étude s'attache à déterminer pourquoi un individu s'engage dans une activité de DWOM et quel usage il en fera selon ses caractéristiques sociologiques individuelles. Il importe de noter que le DWOM ne se transmet pas de manière aléatoire à travers une constellation éclatée d'individus indépendants les uns des autres. Dans les mécanismes de transmission du DWOM, l'existence d'une « Communauté d'internautes », elle-même subdivisée en une myriade de sous-communautés plus ou moins liées est fondamentale. Ridings et Geffen (2004) ont identifié l'échange d'informations, la défense d'intérêts communs, la recherche de support social ou plus simplement d'une activité récréative comme les raisons principales qui poussent les internautes à rejoindre des communautés en ligne. Ces communautés peuvent être définies comme des « entités sociales en ligne regroupant des individus communiquant entre eux à propos de sujets ou d'intérêts communs de manière continue et sans interaction physique » (Dennis, Pootheri, & Natarajan, 1998). Le DWOM est donc l'outil indispensable pour faciliter la diffusion d'information au sein de ces communautés. Les acteurs du DWOM se distinguent de ceux de WOM traditionnel en cela qu'ils présentent moins d'inhibitions, de stress lié à l'interaction sociale. Il sont également plus enclins à partager des informations personnelles, à présenter leurs points de vue de manière plus honnête, directe et informelle. Un leader d'opinion peut se définir simplement comme quelqu'un qui émet les informations que les chercheurs d'informations recherchent. Le DWOM permet une diffusion aisée de ces informations autant qu'il en facilite la recherche. Évidemment, à cause de leur intérêt prononcé pour un sujet particulier, les leaders d'opinion sont également demandeurs d'informations. Le contraire ne s'applique pas automatiquement

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et les chercheurs d'informations se satisferont bien souvent de les avoir obtenues sans manifester le désir de les diffuser à leur tour. La recherche d'information reste toutefois une dimension fondamentale du DWOM en cela qu'elle en facilite la diffusion et que seul l'interaction entre leaders d'opinions et demandeurs d'information permet l'existence d'une communication interpersonnelle et donc ultimement du WOM. Leaders d'opinions et chercheurs d'informations sont inter-dépendants et « l'offre d'information » n'est ainsi réalisée que quand elle rencontre une « demande d'informations » correspondante.Lorsqu'il s'agit de définir les attributs sociologiques caractéristiques des leaders d'opinion, les recherches académiques sur le sujet (Foxall, 1988; Katz & Lazarsfeld, 1955; Richins & Root-Shaffer, 1988; Rogers, 1995) ont démontré les résultats suivants : les leaders d'opinion disposent d'une plus grande capacité à innover, d'un réseau social plus étendu, d'une confiance en eux supérieure à la moyenne, de talents de rédaction plus élevés, d'un engagement fort dans le sujet examiné et d'un statut social respecté. La capacité à innover est également positivement corrélée à la recherche d'informations. De même, le degré d'implication et de connaissance de l'individu du sujet ou du produit qui fait l'objet du DWOM est corrélé positivement à sa propension à diffuser ou à rechercher des informations le concernant. Bien que semblant évident, cet argument souligne l'incapacité du DWOM à séduire la population des « Indifférents » à laquelle seule la communication de masse peut révéler l'existence du produit, le DWOM n'atteint que ceux qui recherchent le type d'information qu'il véhicule. Ainsi, l'utilisation du DWOM pour augmenter la visibilité d'un produit s'arrête à la frontière du groupe constitué de ceux qui se savent consciemment potentiellement intéressés par ledit produit. Bien évidemment, la capacité à utiliser les outils de communication en ligne pour diffuser et/ou rechercher les informations caractérise l'ensemble des acteurs du DWOM. Cela paraît trivial mais il est important de garder à l'esprit que seule une frange limitée de la population bénéficie d'un « accès » au DWOM. De plus en plus, cette population se confond avec celle, toutefois plus large et en moyenne plus âgée, de l'ensemble des internautes.

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3. Le bouche à oreille sur Internet comme modèle de diffusion

Ce paragraphe a pour objectif d'établir un modèle de diffusion du DWOM, c'est à dire d'examiner la distribution et l'évolution du flot d'informations au sein du système social constitué par les acteurs du DWOM (voir I.A.2).De nombreuses études ont démontré l'importance du WOM lors du processus de diffusion d'une innovation (Brown & Reingen, 1987; Childers, 1986; Herr, Kardes, & Kim, 1991). A ce titre, il peut-être intéressant de considérer l'achat du produit sujet du WOM comme étant le signe de l'adoption d'une innovation et de caractériser la diffusion du commentaire qui lui est attaché comme une forme de diffusion de ladite innovation. L'étude de Sun, Youn et Wu s'attache à mesurer l'importance des déterminants sociologiques précédemment cités dans la définition d'un profil d'acteur du DWOM et de leur conséquences sur la manière dont ces acteurs se comporteront dans leur activité de recherche/diffusion du DWOM (à travers la mesure du « forwarding » (transfert de liens) et du « chatting » (discussion en temps réel ou par forum interposé)). L'objectif ultime est de vérifier l'applicabilité du modèle de diffusion des innovations à celui du DWOM. L'étude conclue que les deux dimensions , diffusion et recherche d'informations, sont positivement corrélées aux facteurs sociologiques précédemment mentionnés (capacité à innover, connaissance du produit, étendu du réseau social,maîtrise des outils de communication en ligne). La théorie des innovations précise qu'il existe différents types de réactions à l'innovation, différents groupes de personnes dont la propension à adopter une innovation est plus ou moins forte et rapide (dans l'ordre de rapidité d'adoption : les « Innovateurs », les « Adeptes Précoces », les « Majorités Précoce et Tardive » et les « Réfractaires »). Au regard de cette étude, et en reprenant la liste des profils types établis plus tôt (en I.2.A) il est possible de faire préciser ces profils jusqu'à les faire correspondre aux « groupes d'innovateurs » définis par la théorie de diffusion des Innovations:– Ainsi, les Leaders d'Opinion influents (Promoteurs ou Détracteurs) correspondront aux « Innovateurs ».– Les Chercheurs d'Informations aux caractéristiques sociologiques proches de celles des Innovateurs, correspondent au groupe des Adeptes Précoces et deviennent également Leaders d'Opinion pour le groupe suivant.

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– Les Chercheurs d'Informations présentant une faible connaissance du produit et une capacité à innover limitée correspondent aux groupes « Majorité Précoce et Tardive »– Enfin, les Indifférents sont reversés dans le groupe des « Réfractaires ». De nombreux travaux s'intéressant au DWOM ont montré l'importance des leaders d'opinions (ou innovateurs), tant pour la rapidité de la diffusion de l'information que pour l'impact de l'information diffusée sur les lecteurs. Comme il existe différentes populations d'innovateurs , il existe différents types de leaders d'opinion à l'influence plus ou moins puissante. Et l'efficacité du DWOM (et donc sa traduction en nombre de ventes) concernant un artiste ou une œuvre est positivement corrélée à l'influence du leader d'opinion qui en est à l'origine. Nous pouvons donc considérer le modèle de diffusions des Innovations comme un modèle explicatif satisfaisant de celui du DWOM à condition d'y intégrer les caractéristiques spécifiques propres au profil des utilisateurs du DWOM.Nous avons pu, au cours de cette première section, définir clairement ce qu'était le DWOM, décrire le profil des acteurs qui l'utilisent ainsi que les composantes sociologiques définissant ces différents profils. Enfin, nous avons pu intégrer ces profils dans un modèle de diffusion simple et compréhensible. Toutefois, avant d'en tirer les conclusions qui pourront servir à la définition d'un modèle efficace de MDWOM, il nous faut étudier les spécificités de la musique comme objet de DWOM et étudier les variations sensibles que pourrait induire la musique comme objet de conversation concernant les profils des acteurs du DWOM. Enfin, il s'agira d'adapter le modèle de diffusion au contexte particulier du MDWOM.

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B. Les particularités de la musique comme objet de Bouche à Oreille

Quelle peuvent être les différences entre le MDWOM et le DWOM ? Qu'est ce qui fondamentalement différencie un grille-pain d'un album des Rolling Stones, un commentaire sur un forum de consommateurs d'un blog musical ? La population des acteurs du MDWOM présente t' elle les mêmes caractéristiques que celle du DWOM ? Enfin, comment ces singularités liées à la musique comme objet de DWOM transforment t' elle le modèle de diffusion précédemment établi et en dernier lieu la décision d'achat ? Les réponses que j'apporterais à ces questions s'appuient sur deux axes principaux. Le premier consiste à expliciter en quoi la musique est un objet de DWOM aux caractéristiques uniques. Le second démontre l'importance de la « communauté musicale » pour la compréhension des usages du MDWOM. Enfin, je m'attacherais à décrire le modèle de diffusion et le processus de décision d'achat lié au MDWOM.1. Les spécificités du « produit musical » comme objet du bouche à oreille

Un produit peut-être défini comme le résultat tangible ou intangible d'un acte de production nécessitant une somme de travail et/ou de capital. De ce point de vue, la musique, quelque soit le support (tangible, intangible ou même live) est un produit. Dans une perspective marketing, tout ce qui peut-être offert sur un marché pour satisfaire un désir ou un besoin est un produit. Une fois de plus, la musique peut-être considérée comme un produit. Et nous sommes donc en droit de parler de WOM pour la musique.Mais qu'est ce qui constitue réellement le produit musical ? S'agit t'-il du format (CD, cassette, vinyle, mp3) ou du contenu (proprement intangible) ? Avec l'essor du mp3 et de l'ensemble des formats digitaux (et donc intangibles) pouvant supporter un contenu musical, il semble évident que la valeur ajoutée du produit réside dans le contenu qu'il supporte et donc finalement dans l'effort apporté par les musiciens pour son élaboration. On pourrait pousser le raisonnement jusqu'à dire que le support s'apparente désormais plus à un canal de distribution qu'au produit lui-même.17

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Les formats tangibles (CD et vinyles) voient leur part de marché relative diminuer face aux formats dématérialisés (MP3, FLAC, wma...) et nous nous attacherons donc à expliciter les spécificités du produit musical tant qu'il est distribué sous forme de mp3, non seulement son format d'avenir mais également le plus essentiellement compatible avec l'environnement du DWOM, internet. Un mp3 est reproductible à l'infini gratuitement. En termes économiques, le coût marginal de production d'un mp3 est virtuellement nul. La distribution de mp3 ne connaît également pas de problèmes de stockage physique et l'offre s'adapte en temps réel à la demande puisque le « temps de production » d'un mp3 supplémentaire d'un même morceau est nul. Le nombre de produits disponibles, c'est à dire le catalogue global de toute la musique enregistrée, est immense et s'étend perpétuellement (près de 3 millions de morceaux sur itunes). Ainsi, si la plupart des produits sont aisément disponibles, la visibilité de chacun d'entre eux est a priori extrêmement limitée sans l'appui d'une campagne marketing, médiatique ou du bouche à oreille. Il est également important de noter que la « consommation » de musique n'est pas liée à l'achat (ou à une forme de location). Consommer de la musique, c'est simplement en écouter et l'achat n'est qu'un acte d'appropriation légale, une forme plus pratique de consommation. Je n'ai jusqu'ici parlé que de la musique comme produit sans mentionner ses spécificités comme objet de DWOM. Cela tient à la caractéristique principale de la musique comme objet de DWOM : le MDWOM ne transmet pas simplement des informations sur le produit musical (critique d'albums, biographie du groupe, interviews...), il transmet le produit lui-même (sous forme de liens permettant d'écouter le morceau entier ou un extrait en MP3) ! Les blogs musicaux sont la forme la plus commune de MDWOM et ,contrairement au cas classique de DWOM, le message est transmis avec le produit, quand bien même le message n'est pas seulement le produit lui-même, comme dans l'exemple des playlists. Contrairement au WOM traditionnel, il ne s'agit pas pour le Chercheur d'Information d'obtenir un avis sur un produit qu'il ne peut pas lui-même tester, d'en savoir plus sur ses caractéristiques intrinsèques par rapport à celles des produits concurrents. Le produit, à savoir le morceau de musique encodé sous forme de MP3, est de plus en plus souvent disponible à l'écoute. Ce qui est transmis sur

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un blog, c'est le produit lui même, accompagné d'un avis, d'une opinion de l'émetteur, d'une discussion entre fans, de l'orientation éditoriale et de la crédibilité du blogueur ou du site... D'un point de vue théorique, c'est comme si le DWOM classique (discussion informelle et interpersonnelle sur tel ou tel produit) s'accompagnait d'une réplique parfaite du produit librement testable. Par ailleurs, il existe évidemment des formes plus « classiques » de MDWOM : discussions sur un album à venir, critique de concerts, hommages ou article de fond sur tel phénomène ou tel genre mais c'est à travers les blogs musicaux, et donc la possibilité d'écouter (il suffit d'un lien), que se prendra la décision d'achat. Enfin, et c'est l'un des aspects les plus différenciant de la musique comme objet du DWOM : la musique n'a pas de qualités objectives; de solidité, de durée de vie, de garantie, d'air climatisé ou de fonctionnalités novatrices. Un morceau ou un album sonnent différemment à l'oreille de chaque individu. La musique s'inscrit uniquement dans le domaine du « perçu » et de l'affectif. Il n'y a pas de « meilleur morceau » mais simplement autant de hiérarchies de « morceaux préférés » que d'auditeurs de musique. Et si un Leader d'Opinion du DWOM classique ne peut en aucun cas modifier les qualités objectives du produit dont il parle, il est beaucoup plus aisé pour un agent du MDWOM d'influencer la perception d'un morceau de musique, et donc le système de préférences de l'auditeur.La musique comme objet de DWOM présente donc des caractéristiques uniques qui impliquent un certain nombre de variables (visibilité, crédibilité, subjectivité, propriété...) qui devront être intégrées dans le modèle de diffusion du MDWOM et dans le processus de prise de décision d'achat qui sera élaboré en fin de partie.

2. Les particularités des membres de la Communauté Musicale comme acteurs du DWOM

Comme il a été précisé lors de la section A de cette première partie, les acteurs du MDWOM ne sont pas des individus isolés mais appartiennent à une constellation de réseaux sociaux de tailles variables regroupant des amateurs de musique ayant des goûts proches. Cette constellation hétéroclite de réseaux, qui n'a pour liant que le goût partagé par tous ses membres pour une forme de musique, peut-être définie comme la 19

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Communauté Musicale. Il n'existe pas d'appartenance formelle à la communauté musicale (comme une inscription par exemple). Le simple fait de consommer de la musique sur Internet vous désigne comme membre de ladite communauté. Nous cherchons maintenant à identifier les singularités que pourrait présenter la communauté musicale par rapport aux autres communautés d'internautes actrices du WOM. Premièrement, la communauté musicale est « persistante ». Lorsque le WOM sert à déterminer l'achat d'un produit de grande consommation, les Chercheurs d'Information n'intègrent la communauté liée au produit que le temps de l'achat. Ainsi posséder une télévision HD ne fait pas de vous un membre de la communauté WOM s'attachant aux télévisions. A contrario, la consommation de musique en ligne est de manière générale continue et l'appartenance à la communauté musicale est par essence moins éphémère.Deuxièmement, le catalogue de la musique existante est virtuellement infini (au sens qu'il est impossible pour un individu d'en écouter la totalité) contrairement au catalogue de la plupart des autres produit susceptibles d'engendrer un WOM (il n'existe qu'un nombre limité de références de voitures, de machines à laver ou de contrats d'assurance). Ainsi, si la communauté musicale est plus vaste, elle est également plus hétérogène. Aucun MDWOM ne pourra atteindre l'ensemble de la communauté. Par exemple, lors du lancement d'un album de folk indépendant, les communautés « metal hardcore » et « musique religieuse », bien qu'étant inclues dans la Communauté Musicale, constituent clairement des Indifférents au sens de Luc Dupont. Au regard des destinataires ultimes de ce document_les labels indépendants_ il est intéressant de rappeler que la population concernée par le MDWOM diffère très sensiblement de celle qui écoute de la musique « mainstream ». Nous entendons par musique « mainstream » l'ensemble des artistes à vocation grand public, bénéficiant d'une bonne couverture médiatique (TV, radio, presse) et de l'appui marketing puissant de leur label et de leur distributeur. En effet, l'amateur de musique « mainstream » dispose de multiples sources d'informations sur ses artistes favoris : les chaînes musicales grand public (MTV, RTL...), les critiques presse et radios. Il a également accès à de nombreuses sources lui permettant de consulter l'avis d'autres consommateurs, comme par exemple les systèmes de notations des sites de vente en ligne (Amazon, 20

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Fnac). A contrario, les amateurs d'autres musiques, genres plus obscurs ou plus spécialisés, ou simplement d'artistes moins renommés, ont peu de chances de trouver l'information suffisante à la prise de décision d'achat sur ces canaux « mainstream », ou même simplement de pouvoir écouter les artistes qui potentiellement les intéressent. En reprenant la classification développée par Chris Anderson, nous opposerons donc au « mainstream » cette musique « Long Tail ». Les blogs, comme forme dominante de MDWOM, constituent donc la source d'information principale pour les auditeurs « Long Tail », en mettant à la fois l'artiste en libre écoute et en proposant des critiques. Il faut donc garder à l'esprit que ces deux populations, « mainstream » et «Long Tail», sont impactées différemment par le bouche-à-oreille. Enfin, il existe une composante psychologique inhérente au MDWOM et qui devra être prise en compte dans le modèle de diffusion. Les goûts musicaux sont souvent considérés comme constitutifs de l'identité d'un individu. Ainsi, le lien d'un leader

d'opinion avec la musique qu'il met en ligne se teinte bien souvent d'affectif et l'objet d'un blog est ainsi bien souvent de « défendre » , c'est à dire de promouvoir sans objectif marchand, un artiste ou une œuvre. De la même manière, un chercheur d'informations cherche également à conforter sa propre identité musicale et s'identifiera donc autant au blogueur ou au site qui l'héberge qu'au morceau lui-même. Ainsi, un blogueur influent ne fait pas que déterrer un titre et le mettre à disposition d'auditeurs en décrivant objectivement (si l'on considère que cela est possible) les qualités dudit morceau, il le déclare « bon », « excellent » ou « indispensable », attributs que seule la crédibilité du blogueur peut conférer au morceau en question. Le morceau sera ensuite propagé sur la chaîne du MDWOM auréolé de l'adoubement originel du blogueur influent, il s'agit du fameux « si vous aimez x, il faut écouter ça ». Ce mécanisme, qui reflète les relations d'influence et de pouvoir au sein d'une communauté, est le moteur du phénomène de « buzz », le Graal de toute stratégie de marketing s'appuyant sur le MDWOM. Ainsi, non seulement les membres de la Communauté Musicale appartiennent chacun à des sous-communautés différentes mais chacune de ces communautés présente une structure hiérarchisée en termes d'influence et de crédibilité. Comprendre ces structures, en identifier les acteurs et les sites clés, c'est s'assurer que le MDWOM profitera des relais les plus puissants (en termes de Chercheurs d'Information à leur tour Leaders d'Opinion ) et les plus rapides.21

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La Communauté Musicale est donc vaste, hétéroclite mais hiérarchisée, et confrontée à la surabondance perpétuelle de produits. Ainsi, dans le WOM traditionnel, les Leaders d'Opinion disposent d'informations supplémentaires plus ou moins crédibles permettant au consommateur de se décider entre un nombre limité de références qu'il n'a pas l'opportunité de tester. Dans le MDWOM, le leader d'opinion est un Guide, éclairant l'Ignorant dans l'obscurité infinie de la production musicale, et qui n'a pour lui que son goût et ses capacités de conviction. Un morceau n'a pas de qualités objectives mais le blogueur pourra le couvrir de toute sa subjectivité, de ses connaissances et de son enthousiasme. Ainsi l'influence et la crédibilité sont les deux mesures qui placent l'individu dans la hiérarchie de sa communauté musicale.3. De l'écoute à l'achat : la diffusion du MDWOM et le modèle de prise de

décision

Nous avons jusqu'à présent identifié les spécificités de la musique comme objet de DWOM ainsi que les particularités de la Communauté Musicale comme agent de diffusion du MDWOM. Il s'agit désormais d'amender le modèle de diffusion défini lors de la Section A et d'y intégrer les variables spécifiques qui permettront de décrire un modèle de prise de décision d'achat s'appliquant au MDWOM. La compréhension de ces variables et des modèle de diffusion et de prise de décision devront permettre aux labels indépendants d'imaginer plus efficacement un outil marketing de promotion de leurs artistes s'appuyant sur le MDWOM.Comme pour le modèle de diffusion classique, on distingue deux types d'acteurs : les leaders d'opinion et les chercheurs d'informations. Comme dans le modèle précédemment décrit, nous avons établi une hiérarchie parmi les Leaders d'Opinion (hiérarchie d'influence et de crédibilité de chacune des sous-communautés musicales) et la chaîne d'adoption de l'innovation s'étirant des Innovateurs (blogueurs influents) aux Indifférents (membres de sous-communautés musicales non concernées par le genre musical en question) s'applique toujours. Ainsi, les fondamentaux du mécanisme de diffusion du MDWOM, qu'il s'agisse de la classification des acteurs ou du sens de la chaîne de diffusion, sont les mêmes.22

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Pourtant, il faut intégrer au modèle plusieurs différences majeures. Premièrement, le produit, ou un échantillon du produit (extrait d'un morceau ou d'un album) fait partie intégrante du MDWOM. Cela implique la résolution du problème de la crédibilité du message. Un DWOM peut diffuser de fausses informations sur le produit qui en est l'objet alors que le MDWOM ne peut qu'émettre un commentaire sur l'objet qui l'accompagne. Mais la musique est un produit dont les qualités sont subjectives au sujet duquel l'agent émetteur du MDWOM ne peut qu'émettre une opinion. Cette opinion influera sur la perception qu'aura le Chercheur d'Information du morceau ou de l'artiste en question. Ainsi, l'Influence se substitue à la Crédibilité comme la variable essentielle de l'impact sur l'individu récepteur du MDWOM. On pourrait ajouter que le DWOM classique (pour un téléviseur ou une voiture par exemple) s'apparente à la diffusion d'informations prétendument objectives concernant un produit appartenant à un catalogue limité. Le MDWOM quant à lui, consiste en la diffusion d'un sous-catalogue de produit (une poignée de morceaux parmi des millions) agrémenté d'opinions ouvertement subjectives. Le DWOM est le commentaire d'une sélection de produits quand le MDWOM est une pré-sélection commentée. Nous avons également établi que le MDWOM constituait souvent l'unique source d'information pour la musique « Long Tail ». Conséquemment, les artistes qui ne parviendront pas à intégrer l'une de ces pré-sélections, et ne bénéficient pas d'une exposition médiatique suffisante, sont voués à l'échec commercial. Aussi le MDWOM n'est pas autant que le DWOM voué à encourager directement la prise de décision d'achat puisque la consommation de musique n'est plus forcément liée à une transaction commerciale. Le MDWOM est avant tout un moteur puissant permettant de donner de la visibilité à un artiste ou à une œuvre, visibilité dont on supposera qu'elle est ultimement positivement corrélée au volume des ventes. En quelques mots, l'impact du MDWOM est fonction de l'Influence des blogueurs au départ de la chaîne (produit de la crédibilité éditoriale et de la taille de l'audience), de la taille de la sous-communauté musicale intéressée et de la qualité de l'œuvre ( soit le produit de l'œuvre elle-même et des attributs subjectifs que lui donne le blogueur). A ce stade, il devient évident que l'objectif premier d'un label est de favoriser la visibilité de ses artistes et de leur œuvres sur les différents canaux de MDWOM en identifiant tant les bons canaux (lieux d'interaction des sous-communautés musicales potentiellement intéressées) que les bons agents émetteurs (les Innovateurs). Mais l'objectif ultime reste de traduire cette visibilité du produit en ventes. A ce titre, il est essentiel de comprendre 23

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les déterminants de la décision d'achat, les processus qui vont conduire l'internaute de la première écoute à l'acquisition (légale de préférence) du titre ou de l'œuvre en question.Nous considérons que la décision d'achat est corrélée proportionnellement à la décision de consommation. C'est à dire que nous considérons qu'une certaine proportion des internautes écoutant plusieurs fois un morceau transmis par le MDWOM décident de l'acquérir. La problématique de l'augmentation de cette proportion est cruciale pour l'industrie de la musique mais n'est pas liée directement à l'étude du MDWOM. Ainsi, dans le cadre de notre modèle, consommation et achat sont confondus sous le terme « Mise en Place ». Tentons donc d'appliquer le modèle de diffusion des innovations de Rogers (2003) à la prise de décision d'achat par le consommateur. Le modèle suggère 5 étapes successives : Connaissance (quand l'individu prend connaissance de l'existence de l'innovation), Opinion (quand l'individu se forge une opinion, favorable ou défavorable, sur l'innovation en question), Décision ( quand l'individu décide d'accepter ou de rejeter l'innovation), Mise en place (quand l'individu décide d'utiliser l'innovation) et Confirmation (quand l'individu cherche un soutien extérieur pour la diffusion de l'innovation). Le MDWOM, comme une campagne marketing classique, influe sur les deux premières étapes mais de manière autrement plus efficace. En effet, une campagne de marketing classique (publicité dans les magazines, artistes en écoute sur le site du label...) permet au consommateur de prendre connaissance de l'existence de l'artiste et de son œuvre tandis que le poids de la campagne (nombre de médias, fréquence de la publicité...) influera positivement sur l'opinion que se fait le consommateur de l'artiste en question. Il s'agit là de la stratégie des majors qui consiste à occuper à grands frais l'espace médiatique afin de rendre « indispensable » l'artiste en question. Le MDWOM influe quant à lui plus subtilement sur la « Connaissance » en ce sens qu'il met à disposition l'œuvre sur des canaux (blogs, forums..etc) potentiellement plus spécialisés et divers (genre musical précis, blogueur influents, playlists « tendance »..) sur lesquels les visiteurs sont naturellement plus concernés par le produit en question, puisque la première étape de recherche du canal en question élimine d'office les Indifférents. Naturellement , le fait que les blogueurs mettent à disposition des œuvres non pas pour le profit mais par goût renforce grandement la légitimité du MDWOM en question. En dehors de tout commentaire adjoint au fichier mp3 , sa présence même sur tel ou tel blog signale l'appui de l'auteur. 24

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Comme explicité précédemment, le caractère subjectif de la perception musicale et l'influence d'un blogueur permettent à celui-ci d'avoir un impact sur l'étape « Opinion » beaucoup plus important, puisqu'il ajoute à la « Connaissance » un jugement de valeur (le plus souvent positif) légitime. Dans le cas d'un DWOM classique, concernant un produit tangible, le problème principal est celui de la crédibilité que l'on peut attribuer à l'auteur du message et la décision d'achat dépendra grandement dudit niveau de crédibilité. Dans le cas du DWOM, le « produit » lui-même est à disposition et la décision d'achat se limite pour le consommateur à évaluer son désir de « posséder » le morceau rapporté au plaisir qu'il a pris à l'écouter.Le WOM est souvent associé à l'adjectif « viral » ce qui sous-entend que sa diffusion est désordonnée et incontrôlable. On présente également souvent le WOM comme un moyen pour le produit de « se vendre tout seul » nonobstant les problèmes de visibilité et les mécanismes de diffusion. A l'opposé de ces deux idées reçues, nous avons établis que DWOM répond à des déterminants sociologiques précis qui impactent un modèle de diffusion systématique. Plus avant, nous avons identifié les caractéristiques spécifiques de la musique comme objet de DWOM et celles des membres de la Communauté Musicale pour dépeindre un modèle de diffusion et de consommation uniques. La compréhension des enjeux que le MDWOM présente à l'industrie musicale, du fonctionnement des labels indépendants et des mécanismes régissant les différents canaux de diffusion du MDWOM devront permettre aux labels de définir une stratégie efficace d'utilisation du MDWOM pour promouvoir leur artistes et survivre à la crise structurelle de l'industrie musicale.

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IV. Description et Analyse du système de Bouche à Oreille concernant la musique sur internet du point de vue de l’industrie musicale

L'essor d'internet, la dématérialisation du support musical et l'émergence des plates-formes de partage en ligne ont profondément bouleversé le paysage de l'industrie musicale. Pour certains, obnubilés par le piratage, il s'agit simplement du torpillage d'une industrie et du plus grand pillage de biens de consommation (et donc également des artistes) jamais organisé. Pour d'autres, Internet et le MDWOM sont synonymes de révolution des modèles de distribution et de l'ouverture d'un nouveau monde de possibilités Marketing. Enfin, les plus optimistes parlent d'un Eldorado pour les amateurs de musique: l'Offre est infinie, le partage est au cœur du système, et les œuvres sont librement accessibles et gratuites pour qui le veux. L'objet de ce document n'est en aucun cas d'apporter un jugement définitif sur la crise ou d'apporter une hypothétique solution au magma problématique constitué du piratage, des droits, des modèles de paiement, des modes de consommation...Cette seconde partie s'attachera à expliciter dans un premier temps les impacts de la révolution digitale sur les modes de consommation de la musique et sur les formes concrètes que prend le MDWOM ainsi que les implications marketing des différents canaux identifiés et leur impact économique réel. Il s'agira ensuite de comprendre le fonctionnement des labels indépendants, l'impact de la crise et les opportunités que leur présente la révolution digitale. A. Fonctionnement, nouveaux usages et cartographie du Bouche à

Oreille musical sur Internet

Lors de la première partie de ce document, nous avons décrit le mode de diffusion du MDWOM et les déterminants sociologiques de ses agents en adoptant un point de vue théorique général centré sur l'individu consommateur de musique. Mais pour l'industrie musicale, il faut également prendre la mesure les changements d'habitudes de consommation qu'implique la révolution digitale et cartographier les différents canaux du MDWOM et leur caractéristiques uniques afin d'affiner la définition d'une stratégie marketing s'appuyant sur les mécanismes du bouche-à-oreille.26

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1. La révolution Web 2.0 : Les nouveaux modes de consommation musicale

Bien souvent, la crise d'une industrie est le signe d'une révolution profonde de ses fondamentaux. L'industrie musicale n'échappe pas à la règle. Malgré la baisse des coûts de production et l'essor des musiques électroniques grand public à partir du milieu des années 90, le produit musical a peu changé et l'on s'en remettra (heureusement) toujours aux artistes et à leur talent pour créer de la musique. La révolution donc, est ailleurs et multiple même si elle semble dériver d'un évènement unique: l'arrivée massive d'internet haut débit dans les foyers.La première révolution est celle du support. Alors que depuis le début de l'histoire de la musique enregistrée se succédaient les supports tangibles de plus en plus pratiques ou élaborés (vinyles, cassettes audio, CD), Internet a favorisé le développement et la propagation de supports intangibles de musique, qu'il s'agisse en premier lieu du format MP3, de ses évolutions techniques (MP4 ou FLAC) ou encore des sonneries téléphoniques et des contenus périphériques tels que les vidéos. La musique devient dès lors facilement reproductible et échangeable pour un coût nul. Cette révolution n'a trouvé toute l'expression de sa puissance que grâce au développement de l'électronique grand public et plus précisément à travers l'essor des lecteurs portables de fichiers mp3, remplaçant plus efficacement (taille, poids, capacité de stockage) les lecteurs cassette, CD ou même MD. La seconde révolution est souvent associée au Web 2.0, c'est à dire à l'essor d'outils communautaires permettant aux internautes d'échanger et de partager tout type d'informations, qu'il s'agisse d'avis et d'opinions, de photos, ou bien de fichiers vidéos ou musicaux. Cela signifie fondamentalement deux choses. Premièrement la fin du monopole des médias (et de l'impact limité du bouche-à-oreille traditionnel) concernant la critique musicale. Les avis et les critiques circulent désormais directement entre fans. La crédibilité mais aussi l'amplitude des critiques est nettement améliorée. Il existe désormais deux circuits parallèles offerts aux consommateurs pour s'informer. Celui du MDWOM, plus crédible, est également plus vaste et infiniment plus spécialisé quand il n'est pas également précurseur. Évidemment, le circuit du MDWOM sert encore

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davantage les amateurs de musique « Long Tail » (cf. Partie I.B.2), c'est à dire les produits servis par les labels indépendants.Le produit musical sur support digital, de par ses spécificités techniques, est donc désormais librement échangeable et reproductible et supporté par une infinité de plate-formes qui le mettent directement entre les mains des consommateurs potentiels. Ainsi, si quelques artistes majeurs continuent à écraser les ventes internationales, bénéficiant d'un support médiatique aussi impressionnant qu'onéreux ; Internet permet à l'ensemble des artistes de mettre leur produit à disposition de leurs fans potentiels, qu'il s'agisse d'une simple écoute ou de téléchargement légal. Ainsi, le volume de l'offre a considérablement augmenté. Plus précisément, la « Long Tail » s'est allongée, c'est à dire qu'il est apparu des milliers d'artistes de « niche », peu renommés, débutants ou ultra-spécialisés, et qui ne pouvaient espérer bénéficier d'une visibilité quelconque sur le circuit « mainstream ». Un autre aspect fondamental découle de cette double-révolution : le changement du rapport à la « propriété ». Dans l'ancien modèle, la consommation de musique consistait soit en « l'écoute gratuite et subie », c'est à dire la radio, les films ou le DJ local, soit en l'achat. L'achat permettait de disposer de sa musique à sa guise alors que « l'écoute gratuite et subie » ne permettait ni de choisir le « Quoi » (quel artiste, quel titre) ni le « Quand ». Dans le nouveau modèle, même si « l'écoute gratuite et subie « existe toujours, Internet propose « l'écoute gratuite et choisie ». En effet, sous forme de streaming (diffusion d'un titre sans possibilité de téléchargement), l'internaute peut choisir ce qu'il veut écouter (« Quoi »), quand il le désire (« Quand ») mais également avec l'essor de l'internet mobile « Ou » il l'entend. L'écoute est mieux informée, plus individualisée (et donc potentiellement plus spécialisée) et la consommation de musique infiniment plus pratique. Par ailleurs, les plate-formes de téléchargement (bien qu'illégales) proposent le téléchargement gratuit de la majorité du catalogue universel. Non seulement est t'-il désormais possible de consommer confortablement de la musique sans en être propriétaire (i.e sans l'acheter) mais même l'appropriation est potentiellement gratuite.

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Un autre aspect important est celui de la proximité accrue que permet Internet entre les artistes et leur base de fans, notamment au travers de sites attitrés ou de la mise en ligne régulières de contenus dédiés, qu'il s'agisse de newsletters, de blogs personnels,de titres inédits, de versions alternatives ou encore de contenus vidéos. Les artistes n'ont jamais été aussi proches de leur audience. Par conséquent, la musique est de plus en plus perçue comme un produit gratuit et la consommation de musique, au sens du nombre d'heures d'écoute individuelles de musique, n'a jamais été aussi forte et variée alors que les revenus de la vente de musique ne cessent de s'affaiblir. C'est la crise de l'Industrie musicale et non pas celle de la musique.2. Les nouveaux usages du MDWOM : la Liberté et le Chaos

Lorsque l'on compare le système du MDWOM et le modèle traditionnel de communication de masse décrit plus haut, l'avantage fondamental d'internet comme outil de communication est sa bidirectionnalité. A travers Internet, non seulement les organisations peuvent atteindre des audiences larges à coût réduits mais, pour la première fois dans l'Histoire, les consommateurs peuvent également mettre leur réactions, opinions et pensées à disposition de la communauté globale des internautes. L'amateur de musique sur Internet n'est plus seulement consommateur, pour la première fois il est également prescripteur. La combinaison des deux rôles, ceux de Leaders d'Opinion et de Chercheurs d'Information font d'Internet un espace immense de liberté d'expression musicale, pour les productions musicales elle-mêmes mais surtout pour l'ensemble du discours sur la musique. L'offre s'élargit, la Communauté musicale se subdivise indéfiniment. La musique est de loin le sujet le plus discuté sur Internet et chaque acteur est libre de produire, d'écouter, de partager, de transférer, de diffuser, de compiler et de commenter. Mais la Liberté sans organisation, la diffusion permanente d'une quantité immense d'informations engendre le chaos. Non pas dans un sens politique de désordre violent mais plutôt dans celui d'un désordre communicatif monstrueux au sein duquel l'information se perd tant qu'elle n'est pas classée. Et au sens du MDWOM, une information (et bien souvent le produit qui l'accompagne) perdent d'autant en puissance que la difficulté de les trouver pour l'audience intéressée augmente. L'augmentation exponentielle de l'Offre de musique et du MDWOM dont ses produits 29

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sont le sujet, ce chaos informatif, est au cœur des mécanismes du MDWOM ; il s'agit d'offrir une visibilité suffisante aux artistes qui le méritent, de défricher la jungle des nouvelles sorties, oldies, rééditions et autres remixes. Les Chercheurs d'Informations, tels que définis dans la première partie, ne cherchent bien souvent plus d'informations sur un produit précis (i.e un artiste) mais plus simplement « un nouveau produit », un artiste susceptible de leur plaire, c'est à dire finalement une source capable de trier, un ou plusieurs influenceurs aux goûts qu'il savent proches des siens. A ce titre, les Leaders d'Opinion agissent comme des guides. Ce sont eux qui « filtrent » l'Offre selon leurs critères subjectifs mais également qui, en contrepartie, offrent de la visibilité à ces artistes sur les canaux sur lesquels il trouveront une base d'amateurs potentiellement intéressés. Nous pourrions filer la métaphore en disant qu'avant la Révolution Internet, nous ne comptions que sur quelques « Leaders d'Opinion» parmi nos proches qui nous guidaient dans le petit bois des nouvelles sorties. Désormais, le cercle des « Leaders d'Opinion » s'est considérablement élargi , tout comme cette forêt musicale est devenue une inextricable jungle. Comme leurs déterminants sociologiques le prédisent, les Leaders d'Opinion cherchent à étendre leur influence et les Chercheurs d'informations à trouver celles qui leur correspondent plus simplement et rapidement. Celui qui émet une information n'existe que si celle-ci trouve son destinataire et celui qui en cherche est l'ennemi absolu du chaos. Le MDWOM continue perpétuellement de s'organiser, de se ramifier, de s'intégrer et de s'étendre conformément à ces deux tendances fondamentales. Avant de tenter, dans la prochaine sous-partie, une cartographie fonctionnelle à jour du MDWOM, il me semble important de préciser ces tendances de fond qui régissent l'évolution du système. Ces deux tendances peuvent sembler contradictoires mais traduisent en fait deux ressorts psychologiques différents du Chercheur d'Informations, et plus précisément du type de produit qu'il recherche à un instant précis. La première tendance est celle qui consiste pour l'amateur de musique à creuser un genre musical, un label ou un artiste qu'il apprécie, c'est ce que j'ai appelé, conformément à l'article « The Long Tail : Why the Future of Business is less of more » de Chris Anderson, « l'allongement de la Long Tail ». Internet permet, par l'intermédiaire du blogging, aux amateurs de musique de s'exprimer sur le sujet de leur choix, sans les contraintes de rentabilité financière qui pèsent sur la presse, et proposent bien souvent en téléchargement gratuits des titres rares, transgenres et disparus. On trouvera en quelques secondes de la new-wave 30

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suédoise, du funk thaïlandais ou des bandes originales de films de genre. Cette première tendance est donc celle de la super-spécialisation. C'est elle qui étend la communauté musicale, l'Offre de produits et d'informations, et qui sert de matière première à la tendance suivante. La seconde tendance répond au désir qu'à bien souvent l'amateur de musique de découvrir les nouveautés qui valent le coup, ou simplement des artistes ou œuvres proches de ses goût sans ce spécialiser plus avant dans ce qu'il connaît déjà. Le Chercheur d'Informations ne se bornera pas toujours aux frontières d'une poignée de blogs individuels aux audiences réduites mais cherchera au contraire à fouiller un catalogue plus vaste dans lequel il sera guidé par ses préférences personnelles et celles des autres membres de sa communauté musicale grâce aux nouvelles technologies de l'information. On est dans l'optique d'une « découverte guidée » J'ai baptisé cette tendance « l'Agrégation Personnalisée ». Ainsi, les succès fulgurants de Lastfm, Hypemachine, Deezer, ou encore WeAreHunted témoignent de l'essor du « playlisting personnalisé ». Illustrons cette tendance avec Hypemachine. Le site fonctionne comme un agrégateur de blogs, c'est à dire que le contenu de l'ensemble des milliers de blogs référencés sur Hypem est accessible directement à l'internaute sur la plate-forme. L'internaute peut naviguer librement au hasard parmi les dernières parutions (onglet Latest), consulter la tendance (onglet Popular), suivre des recommandations selon ses goûts (onglet Radios ou User's Playlist) puis constituer simplement sa propre Playlist, conserver en favori celles d'autres utilisateurs avant d'être à son tour le favori de quelqu'un. Il pourra par ailleurs conserver une liste, mise à jour en temps réel, des blogs individuels qu'il souhaite surveiller.Ces deux tendances, l'ultra-segmentation et l'agrégation personnalisée permettent au Leader d'Opinion comme au Chercheur d'Information de mieux apprivoiser le chaos et de se rencontrer plus naturellement. Au fur et à mesure que les outils communautaires progressent et s'adaptent aux désirs de la communauté musicale, le MDWOM est fluidifié, plus rapide et donc potentiellement beaucoup plus puissant.

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3. Une cartographie fonctionnelle du MDWOM : comprendre les enjeux liés aux différents canaux de diffusion

Afin d'établir une cartographie simple, il peut-être utile de reprendre la distinction opérée par David Jennings dans son article « Word of Mouth Marketing and Playlisting» entre la « Recommandation » et le « Sampling », c'est à dire entre le produit lui-même, sous forme d'extrait ou de morceau entier, et toute forme de discussion qui en parle. Avant l'apparition d'internet, l'un et l'autre allaient rarement de paire. En effet, on pouvait lire une critique avant d'entendre l'album ou écouter l'artiste à la radio, chez un ami ou dans un bar avant d'en entendre une critique ou uniquement l'un ou l'autre. Cette indépendance et ce délai entre l'intérêt initial, l'écoute, et ultimement la consommation (achat ou téléchargement illégal) rend le MDWOM particulièrement imprévisible. A ce titre, il est intéressant de constater comment sur internet , le MDWOM intègre parfois ces trois phases, se rapprochant ainsi du modèle de diffusion « pur » décrit en partie I. Le morceau est accompagné d'une recommandation explicite (critique, article) ou implicite (sa présence même sur tel blog ou dans telle playlist). Les formes que prend le MDWOM et les modalités des sites sur lesquels ils se diffusent sont complexes et mouvantes. Toutefois, il est utile de présenter les différentes canaux du MDWOM et les enjeux marketing qu'ils impliquent, qu'il s'agisse d'un blog personnel, d'une plate forme communautaire, d'un site de vente en ligne...Chaque site est différent et il n'existe pas de canal de diffusion du MDWOM parfaitement homogène. C'est la raison pour laquelle nous prendrons à chaque fois un exemple. Les formes que prendra le MDWOM à moyen-terme ne seront que l'adaptation, l'intégration ou l'approfondissement de ces différents modèles et la connaissance de leurs implications en termes de possibilités Marketing doit permettre aux labels indépendants d'être plus efficace aujourd'hui et plus réactif face à leur développements futurs.– eMusic fait par exemple partie de ces DMSs (plate-formes de téléchargement légal telles qu'iTunes, Amazon ou Rhapsody) qui se multiplient sur internet et qui représentent évidemment le canal de distribution du futur (puisque les ventes physiques diminuent). Comme le veut la tendance, eMusic s'appuie sur les outils Web 2.0 en permettant à ses membres d'écouter un titre avant l'achat. Le site propose un catalogue vaste, plus de deux millions de titres, mais uniquement issu des catalogues des labels indépendants. De plus en plus

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les DMS permettent également le partage de playlists ou abritent des podcasts. Il s'agit de maximiser le temps passé sur le site et les interactions entre membres tout en facilitant l'achat. Certains DMS sont musicalement très spécialisés même s'il semble que l'objectif ultime soit de présenter un catalogue universel. Toutefois, les mécanismes de propagation du MDWOM restent limités sur les sites commerciaux.– MySpace est le site communautaire par excellence. 120 millions de membres pour plusieurs millions de groupes (stars mondiales ou inconnus complets) qui partagent leur musique, leur goûts et toutes sortes d'informations avec leur réseau d'amis et l'ensemble de la communauté, essentiellement musicale. Myspace a représenté un tremplin pour de nombreux groupes, plébiscité par les membres du site puis par l'industrie. Ainsi l'objectif de Myspace Records, entité intégrée à l'entreprise Myspace, est d'intégrer ces talentueux groupes inconnus dans le circuit musical, tandis que le projet Myspace Music permettra à chaque groupe de vendre sa musique via Myspace. Dans cet exemple, le site communautaire intègre la fonction de label et celle de plate-forme de téléchargement légal. L'effet du MDWOM est puissant sur Myspace mais tient bien souvent exclusivement au produit, aux nombre d'écoutes de tels titres, et rarement aux commentaires des utilisateurs. Ainsi Myspace permet d'assurer une certaine visibilité à la musique en multipliant les « amis », mais la propagation d'un buzz est rarissime et sa vitesse est inférieure à celle que pourrait lui conférer l'appui quelques blogueurs influents.– Les blogs musicaux et les podcasts comme Didyouseethewords sont la forme traditionnelle, la plus pure au sens de la définition que nous avons prise, du MDWOM. Ils s'agit pour des individus ou des petites communautés de partager et commenter la musique qu'ils aiment. La taille, le degré de spécialisation et l'influence des blogs sont variables mais ils présentent l'avantage immense de s'adresser à une audience déjà informée. Le blog est le point de départ du MDWOM, qui bien souvent présentera un lien vers Myspace ou un site communautaire plus grand hébergeant la musique faisant l'objet du MDWOM.

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– Les sites tels que WeareHunted ou Hypemachine sont des agrégateurs de

contenu musical supportés par les derniers outils communautaires qui proposent à l'internaute un parcours de découverte personnalisé (voir Partie II.A.2). L'objectif d'une campagne de MDWOM sera d'apparaître dans les classements de ces sites là, qui permettront au « buzz » de prendre une dimension supérieure même s'il n'en seront par définition jamais le point de départ.– Enfin, les plate-formes de téléchargement illégales telles que Limewire ou

Soulseek représentent une part importante de la consommation musicale mais restent, de manière générale, relativement anonymes, sans systèmes de recommandations et ne sont à ce titre qu'une alternative illégale à l'étape terminale de l'achat sans véritablement faire partie intégrante du modèle de diffusion du MDWOM.– Le système des « recommandations indirectes» est une autre forme de MDWOM implicite. On parlera de recommandation indirecte quand un service, tel qu' Amazon ou LastFM, analyse le comportement des utilisateurs pour publier des recommandations, webradios, playlists...Même si l'on peut discuter de la pertinence de mentionner de tels services concernant le MDWOM puisqu'il sont automatisés et se passent de mots, il est intéressant de signaler que de nombreux sites associent ces technologies à des outils communautaires pour guider plus efficacement leur utilisateurs vers la musique qu'ils apprécient.

Cette liste n'est évidemment pas exhaustive mais s'efforce de présenter l'intégralité du spectre des services s'appuyant sur ou diffusant le MDWOM, qu'il s'agisse de modèles explicites (blogs et podcast), implicites (Amazon ou LastFM) ou bien encore mixtes (Hypemachine). Il incombera donc aux labels indépendants de garder en tête les différentes possibilités Marketing et marges de liberté qu'offrent chaque type de modèle et de mettre en place un parcours de diffusion du MDWOM s'appuyant sur ces spécificités. Enfin, dans la perspective de David Jennings, il est important de noter que l'interaction entre ces différents modèles progresse au sens d'une plus grande 34

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intégration du produit, de la recommandation et de la possibilité d'achat. Ainsi, les blogs proposent souvent un lien vers un DMS et les agrégateurs de contenu des liens vers les blogs, une playlist vers le site d'un artiste..etc. Cette intégration et cette différentiation des services doit permettre de faciliter tant la découverte, que la prise de décision et le processus d'achat lui-même et donc accélérer et renforcer l'impact du MDWOM. B. Les enjeux du bouche-à-oreille et la possibilité d’un nouveau

modèle promotionnel pour les labels indépendants

Lors de cette seconde sous-partie, nous nous attacherons à mettre en parallèle la crise de l'Industrie Musicale et l'impact économique réel que peut avoir le MDWOM en termes de ventes afin d'envisager dans un dernier temps les enjeux que la compréhension et l'utilisation efficace du MDWOM présentent pour le nouveau modèle économique des labels indépendants.1. Comprendre la crise de l'Industrie Musicale et les enjeux de la nouvelle

donne digitale

A titre d'illustration, rappelons les derniers chiffres. La crise débute en 2000, concomitante de l'essor de l'internet grand public, de la numérisation des supports de musique et de l'apparition des plate-formes de téléchargement illégales. En 2008, pour la huitième année consécutive, l'industrie du disque a vu son chiffre d'affaire reculer de 8,3%. Si les majors sont fortement touchées (UMG a du se séparer de près de 20% de ses effectifs et EMI connaît d'inquiétantes difficultés de trésorerie), les labels indépendants et leurs distributeurs n'échappent pas à la crise. Le distributeur indépendant anglais Pinnacle, par exemple, a fait faillite, conduisant une part non négligeable des 400 labels qu'il abritait à la banqueroute. Les fermetures de labels indépendants faute de ventes suffisantes sont également innombrables.Mais il convient de rappeler la distinction entre la crise de l'industrie musicale et une éventuelle crise de la consommation de musique. En effet, la santé d'une industrie se mesure à l'évolution de son chiffre d'affaires, qui, dans une économie pure et intègre, 35

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doit représenter l'équivalent de la consommation des produits offerts par l'industrie. La réponse la plus immédiate à cette assertion consisterait à stipuler que la consommation de musique a elle-même diminuée, corrélativement à celle de la vente de musique. Au contraire de cette vision simpliste, la demande du bien culturel musical dans toutes ses formes se porte bien, l'industrie du spectacle vivant est florissante au point d'atteindre son record historique en 2008. Tant en termes de nombre absolu de nouvelles sorties, d'heures d'écoute individuelle que de variété de la demande, les chiffres sont en hausse...comme en témoigne notamment les ventes toujours croissantes de baladeur numériques. Plus encore, selon les mesures du NPD, l'audimat de la musique enregistrée (support tangible, streaming et téléchargement, radios, jeux vidéos et autres) a augmenté depuis 2002. Ainsi, comme nous l'avons précédemment souligné, ce sont les modes de consommation de la musique qui ont changés, et qui économiquement se traduisent par la baisse des ventes physiques et plus récemment par l'échec relatif du modèle paiement-téléchargement. Le second raisonnement consiste à blâmer le piratage. Selon l'IFPI, 95% des titres téléchargés en 2008 (soit 40 milliard de titres) l'ont été illégalement. Pour récupérer ces parts de marchés « volées » l'industrie à adopté entre 2000 et 2005 une posture défensive (absence d'innovations s'adaptant aux nouveaux modes de consommation) et répressive (en tentant vainement de s'appuyer sur des sanctions légales pour mettre fin au téléchargement). Progressivement, le piratage est apparu comme n'étant plus uniquement la cause de la crise mais également comme le reflet de l'inadaptation de l'industrie face à la révolution Internet, à la numérisation des contenus, aux progrès de l'électronique grand public et aux nouveaux désirs de consommation qui en découlent. Tentons de résumer les erreurs commises par l'industrie du disque et les opportunités qu'offre la révolution numérique. La première erreur est celle de l'Offre. Alors qu'Internet commence dès 2000 à proposer un catalogue extrêmement large d'anciens (fond de catalogue non-réédités) et de nouveaux (artistes auto-produits ou sorties indépendantes mal distribuées) produits, l'Industrie Musicale, cadenassée par les 4 majors qui contrôlent 75% du marché, réduit ses effectifs, concentre ses efforts marketing sur une poignée de sorties « mainstream » et ultimement limite sévèrement l'étendue des catalogues édités, des nouvelles sorties et donc de l'Offre. Face à la concurrence pure et parfaite au sens néo-classique que propose Internet, l'Industrie fait figure de « modèle oligopolistique à franges concurrentielles » selon les mots de 36

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Phillippe Le Guern, c'est à dire d'un marché écrasé par un nombre restreint d'acteurs dominants (les majors) et d'une marge de multiples petites entités (les labels indépendants). Limiter l'Offre alors que la demande s'hétérogénéise est la première erreur, celle de la promotion au détriment de la création. La seconde erreur est l'obstination à vendre des CD et non pas de la musique, c'est à dire à considérer le support (le CD) comme étant le produit (la musique comme bien culturel). Cette erreur simple est l'une des causes du retard qu'à pris l'industrie lors de l'apparition du fichier MP3 et des lecteurs de musique portable. Les majors n'étaient pas prêtes à gérer un support intangible, échangeable et reproductible et qui créait un chaos juridique et commercial sans précédent. Elles ont donc choisi de lutter contre et entre 2000 et 2003, l'unique plate-forme de téléchargement existante sur Internet de MP3 était illégale(Napster). L'Industrie Musicale, effrayée à l'idée de cannibaliser son marché principal, n'a proposé aucune alternative aux consommateurs de musique digitale, qu'il s'agisse de s'allier avec Napster ou de créer une ou plusieurs plate-formes légales. La troisième erreur, peut-être la plus dommageable, est celle de n'avoir pas su lire les nouveaux modes de consommation qu'offraient la révolution numérique telle que définie lors de la sous-partie précédente. Ce nouveau type de consommation, rapide, pratique, mobile et fondé sur l'échange et le partage ne trouvait jusqu'à récemment comme seul Eldorado, que les sites de téléchargement illégaux. Même après son ouverture au marché digital, l'Industrie, en protégeant les contenus vendus sur les plate-formes de téléchargement légales(DRM), en proposant des catalogues tronqués, a cherché à vendre un produit ayant intrinsèquement moins de valeur que ce que les plate-formes illégales (pas de DRM, catalogue plus vaste) proposaient....gratuitement. Comme l'analyse Simon Wright, PDG de Virgin Entertainment Group, l'industrie n'a fait qu'empirer la situation en adoptant une attitude défensive. A ce titre, l'exemple de Napster, le premier et unique monopole historique de partage en ligne, est flagrant : « Ils ont jeté des milliards de dollars par la fenêtre en attaquant Napster, alors qu'il y avait alors une opportunité incroyable. Tout le monde utilisait le même service . »La liste des stratégies inadaptées et autres erreurs des dernières années pourraient être allongée indéfiniment, notamment en abordant les problèmes de survalorisation du produit musical et de gestion des droits numériques. Mais l'objectif 37

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de ce document n'est pas de dresser le bilan stratégique de l'industrie musicale des années 00. Tâchons de résumer les enjeux que la révolution à l'œuvre présente. Une chaîne de valeur très simplifiée du produit musical pourrait se présenter comme suit : production-promotion-distribution. Pour ce qui est de la production, les coûts ont baissés et de nombreux artistes s' auto-produisent, certains modèles proposent mêmes aux internautes d'investir dans la production d'une œuvre. Mais les fondamentaux de l'étape de production n'ont pas changés. La distribution représente le défi majeur pour l'Industrie du disque : il s'agit de faire payer la consommation de musique (sous forme d'écoutes ou de téléchargements) que la révolution numérique a rendu gratuite. Les questions de formats, de licences, de propriété et de gestion des droits sont au cœur du système et de nouvelles tentatives de solution apparaissent chaque jour. Mais ce document n'a ni la prétention, ni l'objectif de résoudre le problème majeur de l'industrie du disque. Enfin, Internet a profondément métamorphosé les modèles de promotion de la musique (cf Partie II.A.2), notamment en cela que le consommateur de musique (payant ou non) est également devenu promoteur direct ou indirect de musique par l'intermédiaire des mécanismes du MDWOM. Les labels indépendants, comme les majors, sont concernés par les problèmes de distribution mais doivent en plus composer avec des moyens financiers extrêmement limités pour promouvoir leurs artistes. Mais le MDWOM, particulièrement destiné aux populations « Long Tail », présente l'opportunité fantastique d'une promotion crédible, rapide, peu onéreuse et intimement lié au consommateur et à sa décision d'achat.2. Les vrais impacts économiques du MDWOM : Distribution, Écoute et Ventes

Avant d'établir le rôle que pourra jouer l'utilisation du MDWOM dans les modèles de promotion utilisés par les labels indépendants et les modalités qu'il prendra, il apparaît important d'analyser l'impact économique réel que le MDWOM en tant qu'outil promotionnel peut avoir sur la visibilité, la distribution et ultimement les ventes de musique.Comme nous l'avons indiqué précédemment, le MDWOM impacte différemment les populations « Mainstream » et « Long Tail ». Avant de détailler ces différences, 38

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revenons plus précisément sur le concept de Long Tail tel qu'il a été développé en 2006 par Chris Anderson. « Aujourd’hui, nous avons vendu plus de CD que nous n’avons pas vendu hier, que de CD que nous avons aussi vendu hier ». Voilà la manière dont un employé d’Amazon décrit la longue queue (The Long Tail). Il s’agit de l’illustration de l’idée suivante : dans l’hypothèse de canaux de distribution permettant d’offrir le catalogue de produits le plus large possible, l’ensemble des produits ayant une demande faible peut représenter plus, en terme de volume de vente, que les best-sellers. Autrement dit, les marchés de niches peuvent collectivement représenter plus que celui des mass-médias. Nous utiliserons dans cette partie les résultats de l'étude « Impact of Blogging on Music Sales » (S.Dewan, J. Ramaprasad 2008). Il faudra préalablement garder en tête que le MDWOM est extrêmement volatile, qu'il n'y a pas de recette Marketing qui permette de transformer systématiquement un MDWOM en buzz puis un buzz en ventes. Le succès d'une œuvre dépendra avant toutes choses du talent des musiciens et de la capacité du label à mettre le produit en vue et à disposition de l'audience à laquelle il doit s'adresser. Il ne faut donc pas espérer obtenir un ratio comparant le nombre totale d'écoute d'un titre ou la note donné à l'album sur tel ou tel blog, sa présence dans x playlists... et le nombre de ventes. Nous pouvons simplement, comme les auteurs de l'étude, constater la force des relations entre le blogging, la mise à disposition des produits à l'écoute (sampling ) et les ventes en soulignant les différences entre les produits/consommateurs « mainstream » et « Long Tail ». Cette étude quantitative mesure l'impact du WOM (nombre d'écoutes en streaming et de mentions de l'artiste sur l'ensemble de la blogosphère) et le niveau des ventes. Les auteurs concluent que si les blogueurs et leurs lecteurs sont globalement moins « mainstream » que la moyenne des consommateurs de musique, ils développent également une propension supérieure à écouter de la musique proposé en streaming sur les blogs, et ce d'autant plus que le blog est influent. L'impact du MDWOM par l'intermédiaire des blogs influence plus la consommation musicale des amateurs de musique « Long Tail » que « mainstream ». Proportionnellement, il y a plus de membres de blogs chez les amateurs de musique « Long Tail » ce qui ne fait que souligner l'importance de l'aspect communautaire pour la propagation d'un MDWOM concernant des produits obscurs ou peu visible en dehors de la blogosphère... Quel que soit le type de musique, le volume des ventes est positivement associé à ceux des recommandations et du sampling, c'est à dire qu'il n'existe que peu de MDWOM négatif. 39

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Toutefois, cette relation entre volume du MDWOM et volume des ventes est plus forte concernant la musique « Mainstream ». La Long Tail se rallonge mais ne s'épaissit pas, c'est à dire que le nombre totale d'artistes/albums différents vendus augmente avec le MDWOM mais que les volumes individuels de ventes de chaque artiste de la « Long Tail » stagnent.

3. L’importance du Bouche-à-oreille dans le nouveau modèle promotionnel des labels indépendants

Le MDWOM influence donc bien les goûts des amateurs de musique en plus d'être un outil important permettant de favoriser la visibilité de l'artiste. Il est également, et c'est fondamental, positivement corrélé au volume des ventes. Le MDWOM ne joue jamais négativement. Plus encore, il convient particulièrement à la musique « Long Tail » et à ses amateurs, aux artistes peu renommés ou débutants, aux genres pointus et aux œuvres obscures, c'est à dire directement aux produits proposés par les labels indépendants. Après avoir explicité la crise de l'industrie musicale et démontré les impacts économiques positifs du MDWOM, il s'agit d'analyser les modèles marketing de la musique et leur évolution et de souligner l'opportunité fondamentale que représente le MDWOM comme outil promotionnel.Dans sa définition la plus large, un label indépendant est simplement une maison de disque dont le fonctionnement, qu'il s'agisse de la production, de la promotion ou de la distribution ne dépend pas des quatre « majors » : Sony, Universal, Warner et EMI. Mais l'étiquette « label indépendant » recouvre une réalité extrêmement contrastée. Il peut s'agir de vastes entreprises internationales extrêmement profitables comme de micro-labels uni-personnels dans lesquels le directeur est aussi bien souvent l'artiste, le producteur, le fabricant et le distributeur et le proriétaire de la cave qui abrite le label... . Qui plus est, les accords de distribution ou les opérations de promotion peuvent être menées conjointement par les labels indépendants et les majors. Certaines majors possèdent intégralement ou partiellement des labels indépendants, et qui n'ont dès lors d'indépendant plus que le contenu qu'ils proposent. Les contrats de licence troublent encore un peu plus les frontières entre majors et indépendants. Pour cette sous-partie et pour la suite du document, nous entendrons par « indépendant » tout label qui ne 40

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dispose pas de moyens comparables aux majors pour promouvoir ses artistes et dont la majorité du catalogue est composé de produits « Long Tail ». Il s'agit donc de voir comment, sous la contrainte de moyens financiers et humains limités, un label indépendant peut intégrer dans son modèle économique le MDWOM comme outil promotionnel.Nous n'avons pas précisément décrit la multitude de modèles de distribution qui s'offrent aux labels et nous nous concentrerons sur la phase promotionnelle de la chaîne de valeur en rappelant que la promotion est au cœur des prérogatives des labels. Une fois le produit fini, c'est à dire l'album enregistré, et en prenant l'hypothèse (optimiste) d'un réseau de distribution performant, ce n'est plus qu'à la réussite de l'étape promotionnelle que tient le succès de l'artiste. Notons tout de même qu'une stratégie de distribution agressive dans un temps limité peut faire partie de l'arsenal promotionnel d'un label. Toutefois, il est important de rappeler ce qu'implique la révolution numérique pour les fondamentaux des modèles d'affaires des labels indépendants. La transformation des canaux de distribution a eu un impact non négligeable sur ceux du Marketing. Les plate-formes généralistes de téléchargement légal (Emusic, iTunes,

Amazon...) sont l'un des facteurs déterminants de l'allongement de la Long Tail. La

caractéristique principale de ces canaux est la faiblesse des coûts de distribution et de

stockage. En limitant ces coûts, il devient rentable de vendre des produits peu demandés

puisque le seuil à partir duquel la vente du produit génère des bénéfices est extrêmement bas.

Le monde de la distribution digitale de contenus, aux coûts de distribution et de stockage

quasiment nuls, permet donc aux labels indépendants de rentabiliser leur activité en vendant

une multitude de produits faiblement demandés là ou les majors continuent de dépendre de la

vente de leur best-sellers. Il s'agit donc avant tout pour les labels de donner de la visibilité à

leurs produits sur les canaux correspondant aux niches musicales concernées, c'est à dire de

transformer le MDWOM en moteur des ventes.

Mais la révolution numérique a également modifié les modèles de promotion. Internet

constitue simplement la plus grande plate-forme permettant de mettre en relation les

consommateurs et le produit musical. Revenons sur la transformation des modèles de

promotion. Dans le modèle classique, c'est à dire celui utilisé depuis la naissance de la

musique enregistrée jusqu'à l'avènement d'internet, la promotion des artistes est un procédé coûteux et sélectif consistant à augmenter la visibilité des artistes. Traditionnellement, il 41

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s'agissait de publicité radios et magazines (et éventuellement télévision), de passages radio, de la réalisation de vidéos clips, de promotion en magasin et de l'envoi de l'œuvre et d'un dossier de presse à l'ensemble des journaux et magazines susceptibles de publier une critique.Le modèle néo-classique est le brouillon de l'adaptation des labels à l'essor d'internet. Ce modèle n'a fait que prolonger le modèle précédent sur Internet. Ainsi, au modèle classique se sont donc ajoutés les sites internet d'artistes ou de labels orientés vers les fans, les téléchargements promotionnels, la mise en ligne d'informations utiles (dates de concert, biographie), de vidéos clips...Ces procédés restent coûteux et relativement ignorants concernant l'aspect communautaire du Web, et bien loin de prendre en compte les opportunités offertes par le MDWOM.Le nouveau modèle, qui reste au moins partiellement à définir, est né avec l'essor du Web 2.0, c'est à dire avec l'avènement des communautés d'internautes et la naissance du DWOM. Fondamentalement, Internet , au travers du WOM, est en train de transférer la fonction Marketing des mains de l'entreprise vers celles des consommateurs. Le tissu des internautes/consommateurs constitue un réseau dense de DWOM, dont la portée, la rapidité, et plus encore la légitimité, surpassent largement celle d'une campagne orchestrée par une entreprise. Les labels indépendants disposent de moyens trop limités pour envisager une campagne classique ou néo-classique de grande envergure. D'un point de vue économique, la force du MDWOM réside dans le fait qu'il se diffuse gratuitement, qu'il véhicule un message positif et légitime à propos de l'artiste ou de l'œuvre sans l'intervention continue du label. Il permet surtout au consommateur de « tester » le produit, qu'il s'agisse simplement d'extraits ou du morceau intégral. Son défaut principal est qu'il est difficilement contrôlable, qu'il appartient aux consommateurs de le transmettre ou de l'abandonner et que le label est impuissant. Nous l'avons vu, le MDWOM s'adresse particulièrement au public visé par les labels indépendants et influence positivement les ventes. Un MDWOM réussi, c'est à dire transmis rapidement à un nombre maximum de membres de la communauté musicale intéressée, est donc la garantie de réaliser pleinement le potentiel commercial d'une œuvre pour un coût promotionnel quasiment nul. Si un label indépendant parvient à appréhender correctement les mécanismes du MDWOM, à identifier les interlocuteurs pertinents (influenceurs et sous-communautés musicales intéressés), et bien 42

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évidemment à proposer de la musique de qualité, alors le MDWOM doit représenter le modèle ultime de promotion. Dans un contexte de crise et donc de renouvellement des modèles d'affaires, il devient crucial pour les labels indépendants de limiter leur coûts et de profiter des opportunités offertes par la révolution numérique. Un MDWOM bien adressé, est, malgré la multiplicité des facettes qu'il prend, un vecteur puissant, rapide et bon marché de visibilité de l'œuvre et donc ultimement de ventes. Il s'agira donc maintenant de décrire comment, concrètement, les labels indépendants peuvent diffuser et maximiser l'effet d'un MDWOM.

V. Utiliser le bouche-à-oreille sur internet comme principal nouvel outil marketing des labels indépendants

Nous en arrivons donc à la question ultime de ce document. Question dont les réponses, non contentes de rester simples et pratiques, devront se nourrir des connaissances acquises lors des deux premières parties : Comment l'industrie

musicale, et plus particulièrement les labels indépendants, peuvent agir au sein, et

travailler en coopération avec les communautés musicales, en utilisant les

ressorts particuliers du MDWOM, pour promouvoir plus efficacement et à coûts

réduits, leur artistes ? Je ne proposerai pas ici de méthode ultime, ni de guide « sites par sites » qui serait de toute façon obsolète d'ici quelques mois mais un ensemble de règles à observer pour toujours pouvoir s'appuyer du les développements des outils de MDWOM.

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A. Enjeux, Risques et Opportunités du Buzz-Marketing musical sur internet pour les labels indépendants

Avant d'aborder les modalités concrètes de mise en place d'une campagne marketing s'appuyant sur le MDWOM, il importe de comprendre comment la révolution digitale a transformé le métier des labels et notamment la chaîne de valeur. Il faut également mettre en perspective le pouvoir du MDWOM avec les limites qu'il impose, c'est à dire comprendre qu'un certains nombre de règles implicites limitent la liberté d'intervention du label dans les processus de diffusion du MDWOM. Ayant intégré à la fois le modèle d'affaire digital des labels et les règles à respecter au sein de la constellation internet des communautés musicales, nous expliquerons comment le MDWOM doit permettre de rapprocher le consommateur de l'œuvre et de l'artiste, d'améliorer tant la visibilité du produit que l'expérience de sa découverte pour le consommateur et enfin de raccourcir et renforcer le lien la promotion à la vente. 1. Enjeux : Digitaliser la chaîne de création de valeur

La baisse des coûts de production , la mort annoncée du CD, le terrain vague de la distribution via Internet, l'essor des communautés musicales et du bouche-à-oreille en ligne sont autant de symptômes de ce que nous avons appelé la révolution digitale. Cette révolution impacte en profondeur la chaîne de valeur et donc les modèles d'affaires des labels indépendants. Identifions d'abord cette nouvelle chaîne de valeur digitale avant d'observer la nouvelle structure de coûts et les opportunités qu'elle implique.La chaîne de valeur analogique s'étire du procédé de l'écriture de l'œuvre jusqu'à l'arrivée du CD en magasin. Chaque intermédiaire touche un pourcentage. Dans ce modèle classique, les artistes touchent environ 10% du prix de vente en magasin, soit moins de 2 € sur un album vendu 16 €. On pourra modéliser cette chaîne pré-révolution digitale comme suit (chiffres : IDATE, 2001) :– Artiste : Droits d'auteur – environ 10% du prix de vente.

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– Enregistrement : processus interne pour les majors et plus souvent externalisé pour les labels indépendants – coûts variables– Fabrication : il s'agit de la fabrication physique d'un CD – 14%– Marketing : publicité, événements promotionnels, relations presse..- 19%– Distribution : packaging, acheminement vers les magasins – 21%– Détaillant : marge du distributeur – variableÉvidemment, la chaîne digitale diffère fondamentalement de la chaîne analogique, qu'il s'agisse de la nature même des différentes étapes et des coûts qu'elles impliquent. Reprenons dans un premier temps chaque étape classique en y appliquant les changement de l'ère digitale. – Enregistrement : le développement de nouvelles technologies de production permet de gagner du temps et de réduire les coûts de production. Cela s'applique particulièrement à la musique « Long Tail ».– Fabrication : l'étape disparaît. Le coût marginal de fabrication d'un Mp3 est quasiment nul.– Marketing : l'ensemble des canaux du MDWOM et les plates-formes de téléchargement permettent de présenter le produit sur le marché pour un coût quasiment nul. Pour les labels indépendants, l'utilisation du MDWOM et l'appui sur les technologies 2.0 (filtres, playlists...) remplace efficacement et à moindres frais une campagne presse/radio classique et le placement du produit en magasin. Les coûts marketing d'une campagne uniquement digitale sont comparativement quasi-nuls par rapport à une campagne analogique. Même dans un scénario de campagne mixte, les coûts marketing sont très fortement réduits.– Distribution : la distribution digitale permet aux labels indépendants d'atteindre à coûts réduits l'ensemble des consommateurs intéressés puisque

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le réseau de distribution physique de musique « Long Tail » était pour le moins poreux. – Détaillant : la marge est appelée à diminuer puisqu'elle n'est plus justifiée par autant de coûts physiques (location du magasin, électricité, salaires des vendeurs, impôts locaux...)– Étapes supplémentaires : le modèle digital appelle notamment une gestion des droits digitaux ainsi qu'un service (interne ou externe) de digitalisation du catalogue existant et à venir à destination des plate-formes de téléchargement légales. Toutefois, les coûts de ces deux étapes sont limités.Au regard de cette nouvelle chaîne de valeur, il semble que la structure de coût d'un label diminue fortement. Les coûts de marketing et de distribution sont, à minima, divisés par deux. Il devient donc moins risqué de mettre une œuvre sur le marché. Donc potentiellement, à coûts égaux, un label peut élargir largement son catalogue. Un marketing plus efficace et orienté, des canaux de distribution plus vastes, bon marché et rapides, et des modes de consommation libérés de la dictature des supports (Tout ce que l'on veut, Ou l'on veut, Quand on le veut) doivent encourager la consommation de musique, tant en quantité qu'en qualité. C'est l'ensemble de ces modifications impactant la chaîne de valeur qui sont à l'origine de l'allongement de la Long Tail. Cela revient à dire que vendre peu d'un catalogue plus large de produits devient rentable quand le seuil minimal des ventes à atteindre pour être profitable diminue. Les opportunités de distribution qu'offre la révolution digitale aux labels indépendants ne doivent cependant pas masquer les problèmes de visibilité de l'œuvre. Nous l'avons vu, le MDWOM est un filtre avant d'être un tremplin pour les ventes. Si un label ne parvient pas à mettre en relation l'œuvre et son public, les ventes ne décollerons pas, quelque soit l'efficacité des plate-formes de distribution. Ainsi, il est crucial de comprendre comment, et jusqu'à quel point, un label peut intervenir pour assurer une diffusion optimale du MDWOM.

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2. Risques : Respecter les frontières légales et les barrières sociologiques propres à la communauté musicale sur internet

Le WOM ne transforme pas miraculeusement un album médiocre en une œuvre historique, la qualité de l'œuvre reste le facteur le plus important pour prédire l'impact d'un WOM. Qui plus est, le MDWOM apparaît comme fortement volatile et ne se transmet que d'un consommateur à l'autre. La confiance et l'influence étant au cœur de la nature du MDWOM, intervenir directement en tant qu'entreprise ou plus précisément label dans son processus de diffusion est perçu comme une intrusion de la part des agents du buzz. Nous avions défini le WOM comme étant : « un message informel à caractère informatif sur un produit échangé entre individus-consommateurs, à travers lequel l'émetteur aide le ou les récepteurs à orienter leur décision d'achat ».Cette définition semble interdire l'intervention d'un agent n'étant pas un individu-consommateur. De la même manière, la publicité, même déguisée, ne s'apparente pas à un message véritablement « informel ». Ainsi, si les enjeux de proximité entre l'œuvre, les artistes et les consommateurs et de visibilité sont cruciaux, il existe un certain nombres de règles à respecter pour qu'un MDWOM « propre » puisse bénéficier de toute la crédibilité dont il a besoin pour son éventuel succès. La tendance générale de l'industrie devrait être de progressivement se réorienter de la distribution vers la diffusion, se séparer progressivement de l'achat comme objectif ultime pour s'intéresser de plus en plus à l'écoute. Il est donc fondamental de comprendre les règles de diffusion du MDWOM car c'est lui, particulièrement dans le cas des labels indépendants, qui déterminera le nombres d'écoutes. Ci-dessous figure une liste des 3 erreurs principales à ne pas commettre lorsque l'on interagit avec la Communauté Musicale.

– Tricher. Premièrement, le MDWOM s'appuie sur les Communautés Musicales, c'est à dire sur le désir de communiquer librement d'individus intéressés par un sujet commun, ici un genre, une tendance ou un artiste. Le moteur communiquant du MDWOM est donc la confiance. Il existe donc une barrière naturelle à l'intervention d'un agent extérieur prétendant appartenir à la communauté en question, mais mû uniquement par des objectifs 47

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commerciaux. La première règle à respecter pour un label est de ne pas tricher, de ne jamais se faire passer pour un agent naturel du MDWOM, blogueur, consommateur ou autre. Un label, même masqué, n'aura de toute façon jamais la crédibilité d'un blogueur influent. Le poids en nombre de la communauté des blogueurs est également trop élevé pour espéré influencer les « classements », « playlists » et autres outils d'agrégation des opinions des internautes. Toutefois, un label doit pouvoir mettre à disposition de la Communauté Musicale des contenus, qu'il s'agisse du morceau, de vidéos, d'extraits live, d'interview du groupe...Pour pousser des contenus, il est crucial d'adopter l'étiquette et les procédures de marketing « normales », c'est à dire de signaler clairement la provenance des contenus, qui seront ainsi acceptés, et éventuellement relayés, par la Communauté Musicale. Par ailleurs, ces pratiques « masquées » sont considérées comme illégales. Au Royaume-Uni, les campagnes utilisant le buzz-marketing sont légiférées par le Consumer

Protection from Unfair Trading Regulation qui interdit notamment « à une entreprise de diffuser un message positif sur une marque ou un produit sans signaler clairement son identité ».– Se Protéger L'une des premières décisions qu'un label doit prendre est de choisir l'étendue des contenus qu'il soumet à la communauté musicale. Doit t'-il s'agir simplement d'extraits, de morceaux entiers en streaming ou téléchargeables. Bien souvent, les labels rechignent à mettre en ligne des morceaux entiers de peur que le téléchargement illégal de ces morceaux ne cannibalise le marché du téléchargement payant. Ce raisonnement doit maintenant paraître aux lecteurs de ce document comme une erreur considérable. Le MDWOM effectue un tri sélectif avant de diffuser le titre à la Communauté Musicale. Un simple extrait d'une trentaine de secondes ne pourra jamais (tout du moins dans le cadre d'un artiste peu reconnu ou débutant) passer ce filtre, puisque l'expérience de découverte est tronquée. L'objectif premier du marketing, particulièrement à travers le MDWOM, n'est pas de vendre de la musique, mais d'assurer à moindre coût la visibilité des artistes et de leur œuvres. Il s'agit de maximiser le nombre d'écoutes. De plus, depuis l'abolition des DRM, notamment par iTunes, l'ensemble des catalogues disponibles sur les sites de téléchargement payants est également disponible

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sur les plate-formes illégales. Ainsi, limiter l'offre de contenus proposés gratuitement lors de la phase de « recherche de visibilité » à la Communauté Musicale est un grave facteur de réduction de la visibilité de l'artiste tandis qu'il ne protège en aucun cas du téléchargement illégal.– S'adresser à tous. Comme nous l'avons souligné lors de la première partie, la Communauté Musicale est aussi diverse que la musique elle-même. Elle se compose d'une multitude de sous-communautés plus ou moins intégrées et aux usages, influences et canaux différents. L'héritage du modèle classique de promotion voudrait qu'un label utilise également le MDWOM pour s'adresser à un maximum de consommateurs, en proposant à tous le même contenu, peu importe la sous-communauté en question et qui « pourra toujours s'avérer être intéressée ». Nous l'avons vu lors de l'étude du modèle de diffusion du MDWOM, il incombe au label d'identifier les innovateurs et les adeptes précoces, c'est à dire non seulement la ou les sous-communautés musicales intéressées mais également les agents influents au sein de ces sous-communautés. Il importe de comprendre que créer de la visibilité pour un artiste en utilisant le MDWOM ne consiste pas à atteindre tout le monde mais à proposer une expérience de découverte la plus agréable et complète possible aux agents qui seront les plus susceptibles d'adopter rapidement le produit.Les trois erreurs présentées ci-dessus sont des tentations héritées des modèles classiques qui conduisent à un buzz-marketing potentiellement catastrophique quand il n'est pas également illégal. Fondamentalement, l'usage du MDWOM revient à transférer la fonction Marketing des mains du label vers celles des consommateurs. Ce sont eux, et uniquement eux, qui seront les agents de la visibilité de l'artiste. Il incombe donc de bien connaître la Communauté Musicale et ses règles implicites ainsi que les modalités de diffusion du MDWOM.

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3. Opportunités : L'interactivité au cœur d'une nouvelle proximité artistes-consommateurs et la révolution du cycle Marketing-Distribution

Nous cernons mieux maintenant les opportunités que la nouvelle chaîne de valeur digitale présente aux labels indépendants. Nous somme également conscients des écueils principaux à éviter lorsque l'on décide de faire appel au MDWOM. Il s'agit maintenant de comprendre comment, en intégrant ces règles et ces opportunités, un label peut favoriser la proximité entre les artistes et leur audiences (au delà de la simple amélioration de la visibilité) et raccourcir considérablement le temps séparant l'étape promotionnelle de la distribution. En améliorant l'expérience de découverte, en intégrant les fans à l'étape promotionnelle, un label peut à la fois accélérer la diffusion du MDWOM et réduire le temps nécessaire à la prise de décision d'achat.Les technologies du Web 2.0, les plates-formes communautaires, le réseaux sociaux offrent autant d'alternatives inédites pour mettre en contact les artistes et leurs fans. Qu'il s'agisse d'un site dédié, d'un Myspace, d'une page Facebook, d'un compte Twitter ou encore d'une application pour iPhone (Nine Inch Nails ou Moby), il est primordial, lors de la définition d'une stratégie promotionnelle, de chercher en premier lieu à faciliter le partage et l'expérience. Ainsi, construire la fan base est vital pour un groupe. Il ne faut plus réfléchir à l'album mais en exercice annuel, l'image d'un groupe doit se construire en continu. Nous avons identifié plus tôt l'implication psychologique que crée souvent l'amour de la musique. Renforcer la proximité entre l'artiste et ses fans, c'est augmenter d'autant ce sentiment d'implication. Et ce sentiment est l'un des moteurs de la diffusion d'un MDWOM. La connivence entre un consommateur et le produit qu'il favorise est infiniment plus forte et profonde lorsqu'il s'agit de musique que pour tout autre produit de grande consommation. Au point que les fans souhaitent le succès de leur groupe, et donc désirent en parler, partager les morceaux, en un mot diffuser le MDWOM. Les fans constituent donc une base gratuite d'agents de PR dédiés à la promotion d'un artiste. La différence la plus fondamentale avec une équipe PR classique est que ces consommateurs bénéficient de la crédibilité « fan » qui leur autorise l'entrée dans le monde du MDWOM. Il s'agit d'une « force de vente » plus nombreuse, insidieuse et puissante mais sur laquelle l'entreprise, et dans notre cas le label, n'a aucun pouvoir de contrôle. A l'ère digitale, l'image du groupe appartient en définitive aux fans. A ce titre, l'exemple de M80 est éclairant. M80 est une compagnie qui 50

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propose aux entreprises (pas nécessairement liées à la musique) d'assister leur campagne promotionnelle en ciblant les fans déjà conquis par le produit, simplement car ils constituent de réels influenceurs. Dans le modèle d'avant la révolution digitale, les artistes ne pouvaient communiquer avec leurs fans que grâce à leurs concerts (c'est à dire à une audience limitée dans le court-terme) ou au travers d'interviews dans la presse spécialisée (ce que seul un certain nombre d'artistes pouvaient faire, obligeant ainsi également les fans à débourser de l'argent). La révolution digitale permet de communiquer et de diffuser du contenu à l'ensemble des fans de l'artiste en un temps extrêmement limité et pour un coût faible. Les fans constitueront donc la première force agente du MDWOM, la première à chercher puis à diffuser le nouveau contenu. Il importe donc de communiquer en permanence pour s'assurer que le MDWOM se diffusera rapidement à l'ensemble des fans lorsqu'il sera lancé. Il ne faut pas se protéger (cf. III.A.2) et donc diffuser un maximum de contenu interactif: des extraits entiers, des interviews et des vidéos, autoriser les remixes (à but non lucratif)...Lorsque l'on intègre le consommateur à l'étape promotionnelle, on ne le détourne pas pour autant de l'achat. Le processus psychologique menant de la découverte du contenu à la décision d'achat est raccourci par le supplément de proximité ainsi créé. Les premiers achats, qui sont souvent le fait des fans, s'intensifient donc sur une période plus courte. Il en va de même des écoutes, ce qui permet un lancement ciblé mais puissant du MDWOM. En réunissant une base de fans suffisante, en communiquant efficacement pour intensifier la consultation à très court-terme du nouveau contenu, le label peut espérer figurer dans les classements des agrégateurs de blogs et de bouche-à-oreille (Hypem, Wearehunted,LastFm...) et ainsi atteindre rapidement une visibilité bien supérieure à celle que le label pouvait espérer avec une campagne classique ou digitale se passant des fans. Par ailleurs, les chercheurs

d'informations ne se contentent rarement d'une unique source d'information. Il y a par exemple plus de 3500 membres du groupe Hypemachine sur Lastfm, les utilisateurs de Hypem ont une playlist librement consultable et pouvant être suivie par plusieurs autres utilisateurs, qui eux même peuvent avoir un blog ou une playlist...L'effet multiplicateur d'une campagne s'appuyant sur une base de fan ne peut pas être négligé. Il favorise grandement le MDWOM et raccourcit le parcours menant à la décision d'achat.51

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B. Une proposition de stratégie de buzz-marketing pour les labels indépendants

Comme nous l'avons vu, le volume de MDWOM (écoutes et recommandations) impacte positivement le volume des ventes. Il existe bien, même s'il diffère évidemment selon les genres musicaux, les artistes, les canaux du MDWOM, un taux de transformation des écoutes en ventes. Alors que l'industrie cherche à augmenter ce ratio (arsenal répressif, nouvelles politiques de prix, nouvelles fonctionnalités des plates-formes) nous donnerons ici les éléments qui permettront à un label de maximiser le nombre d'écoutes.Cette ultime section a vocation à être un guide d'utilisation du MDWOM. Il s'agit de tirer les enseignements des deux premières parties pour mettre à disposition des labels un outil utilisable lors de la définition d'une stratégie promotionnelle s'appuyant sur le MDWOM. Dans un premier temps, j'établirais les règles d'or du MDWOM, ce que nous avons découvert qu'il était ou n'étais pas et ce qui en découle en termes d'implications marketing. Ensuite, je listerais les éléments indispensables à prendre en compte lors de la préparation d'une campagne s'appuyant sur le MDWOM et lors de son lancement. Enfin, je montrerais comment l'utilisation du MDWOM peut et doit s'intégrer à une stratégie digitale plus globale pour les labels.1. MDWOM : les règles d'Or.

Parce que l'on imagine mal que les gens cessent d'écouter de la musique, parce que le besoin de partager son opinion et son enthousiasme est naturel et instinctif, le MDWOM persistera quelque soit le développement technique des outils communautaires, des plate-formes de distribution, des modes de consommation, des canaux de diffusion...Il est donc important rappeler les caractéristiques véritables du MDWOM.52

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– Le MDWOM n'est ni hasardeux, ni magique, ni incontrôlable.Il obéit à des déterminants sociologiques précis, se transmet sur des canaux identifiés suivant un modèle de diffusion systématique. Il n'existe pas de recette absolue garantissant automatiquement le succès d'un MDWOM. Ultimement, la qualité de la musique proposée importe plus que tout. Mais la connaissance des mécanismes doit permettre de poser les conditions de la réussite d'un MDWOM et d'en fluidifier et d'en accélérer la diffusion.– Le MDWOM est un outil pour faire connaître, pas pour vendre. Le MDWOM n'a pas vocation à influencer directement le nombre des ventes mais à maximiser le nombre d'écoutes. Les écoutes se convertissent proportionnellement en ventes. Il ne s'agit pas avec le MDWOM d'augmenter le taux de transformation entre écoutes et ventes mais de maximiser la visibilité de l'artiste.– Le MDWOM est positif. Les ventes sont toujours positivement corrélées au nombre de recommandations et d'écoutes. Par essence, le diffuseur du MDWOM met en avant des artistes qu'il apprécie. Il ne faut pas chercher à limiter la diffusion de contenus par peur de générer un MDWOM négatif. Cela est rarissime quand il s'agit d'un artiste indépendant, peu ou moyennement renommé.– Le MDWOM est un filtre avant d'être un tremplin. Les consommateurs de musique n'ont pas le temps de tout écouter avant d'acheter et s'appuient sur le MDWOM pour effectuer un tri sélectif correspondant à leur goûts. L'objectif premier d'une campagne de MDWOM est donc d'assurer une plus grande visibilité pour l'artiste. Tout doit être mis en

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place pour maximiser les chances que l'artiste ou l'œuvre a de franchir le filtre mis en place par les agents du MDWOM. – Le MDWOM n'est pas une forme de publicité.Le message émis est informatif et n'a pas pour objectif immédiat la vente. Le MDWOM ne doit pas pouvoir être perçu comme une forme de publicité mais comme une recommandation échangé entre individus-consommateurs.– Le MDWOM n'est pas une forme de communication de masse.Il n'atteindra que les internautes cherchant tel ou tel type de nouvelle musique. Il ne s'agit pas d'élargir l'audience potentielle mais d'atteindre un maximum de membres de l'audience potentielle déjà existante.– Le MDWOM est une forme d'échange interpersonnel et informel.La diffusion du MDWOM doit être laissée libre entre individus. Le label doit seulement lancer ces discussions et favoriser ces échanges en proposant des contenus pouvant aisément être transférés et partagés. Mais le label ne doit jamais intervenir directement dans ces communications. – Le MDWOM est fait pour les labels indépendants. Les visiteurs des différents sites véhiculant le MDWOM sont moins « mainstream » que la moyenne des consommateurs de musique et ont une consommation musicale plus variée et quantitativement plus élevée. Les amateurs de musiques indépendantes sont en règle générale plus facilement influencés par le MDWOM et développent une propension supérieure à en diffuser les contenus et les messages.

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– Le MDWOM change en permanence.Les formes du MDWOM sont mouvantes. Le label doit se préoccuper de surveiller le développement de nouveaux outils communautaires ou de nouvelles plate-formes de diffusion du MDWOM.– Le MDWOM doit s'adapter aux nouveaux modes de consommation. C'est à dire qu'il doit favoriser l'interactivité, le partage et la diffusion entre ses différents agents. Les licences libre (telles que Creative Commons), les contenus non protégés par des DRM, et des formats multiples (morceaux, jeux, vidéos, applications...) doivent être privilégiés.

2. Bien préparer le MDWOM et réussir son lancement.

Comme nous l'avons vu, le MDWOM est un outil promotionnel avec ses propres règles et un mode de fonctionnement unique. La compréhension de ces règles doit permettre aux labels de circonscrire correctement la place que doit prendre l'usage du MDWOM dans une campagne promotionnelle. La préparation et le lancement d'une campagne de MDWOM doivent s'appuyer la prise en compte des mécanismes de diffusion du modèle identifiés plus tôt. Nous venons de rappeler les règles du MDWOM et nous en avons précédemment décrit le modèle de diffusion. Le MDWOM, une fois lancé, ne peut plus être contrôlé. Et même si le label doit être en mesure de suivre et de mesurer l'évolution du buzz, d'y adapter son calendrier promotionnel (presse, concerts, radios..) et éventuellement son planning de distribution, physique et digitale, il ne doit plus intervenir directement dans la propagation dudit buzz. Ainsi, la réussite d'une campagne de MDWOM ne tient qu'aux phases de préparation et de lancement. Voyons maintenant comment, concrètement, le label peut maximiser les chances de réussite de son MDWOM.Tout d'abord, une campagne de MDWOM se définit comme la diffusion de contenus, se rapportant à un artiste ou une œuvre, sur un ensemble soigneusement 55

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présélectionné de canaux, et qui doivent en assurer une diffusion rapide et maximale. De manière chronologique, le label doit d'abord mobiliser une base de fans, puis identifier les interlocuteurs et les canaux pertinents, modeler une offre de contenus adaptée, flexible et créative et enfin lancer le MDWOM selon un timing précis. Nous devons garder à l'esprit que l'objectif lors du lancement est de maximiser les écoutes/vues/téléchargements des contenus proposés parmi les communautés musicales intéressées en un minimum de temps. Une base de fans mobilisable :L'une des erreurs classiques des labels consiste à ne considérer les fans que comme les premiers consommateurs d'un artiste (idée de « ventes garanties ») et comme les destinataires du buzz. Comme nous l'avons précédemment souligné, les fans constituent avant tout une force de diffusion gratuite et librement mobilisable du MDWOM. Plutôt que de choisir quelques blogueurs plus ou moins neutres et influents comme base de départ du WOM, il faut compter sur une base plus large de fans, plus aptes à diffuser le contenu, à emmètre des recommandations et à générer du trafic sur les canaux supportant les contenus du buzz.A l'ère digitale, les artistes ne peuvent se passer des réseaux sociaux qu'il s'agisse de Facebook, Twitter ou Myspace pour les plus connus d'entre eux. Selon une étude menée par Entertainment Media Search, 53% des internautes utilisent les réseaux sociaux pour trouver de la musique et 30% d'entre eux déclarent avoir déjà acheté ou téléchargé de la musique après l'avoir découvert sur de tels sites. Mais il ne s'agit pas seulement d'exister sur ces canaux, d'avoir une page avec quelques morceaux en écoute pour les internautes de passage et un réseau d'« amis » plus ou moins proches et actifs. Il faut pouvoir transformer ces « amis » en fans. Pour cela, la solution optimale consiste à introduire l'artiste lui-même dans le processus promotionnel. Il semble évident que les fans potentiels sont friands d'informations personnelles, de communication directes avec l'artiste. C'est donc à lui qu'incombe la tâche de maintenir une relation avec ses fans. Qu'ils s'agisse de compte-rendus de concerts, d'impressions de studios ou de nouvelles plus personnelles, l'objectif de la communication à travers les réseaux sociaux est de garder une base permanente de fans, et donc rapidement mobilisable pour lancer un buzz. Solidifier le lien entre l'artiste et sa base de fans, c'est également s'assurer d'une

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diffusion maximale à l'ensemble de la communauté des fans lors du lancement du MDWOM.Malgré l'attrait que présente internet, permettant d'atteindre virtuellement n'importe quel internaute de la planète, se concentrer uniquement sur une communication digitale pour créer une base de fans est une erreur grave. Avant d'avoir sur internet une popularité suffisante pour générer un trafic significatif sur une page Myspace, Bebo ou autre, l'artiste doit se constituer un public réel, physique. Les exemples des Horrors, des Arctic Monkeys ou encore des Ting Tings sont souvent cités comme les hérauts de campagne marketing fondées sur le bouche-à-oreille. En vérité, ils soulignent à quel point les concerts, et la popularité d'un groupe sur la scène locale, ne doivent pas être sous-estimés. Comme le souligne Clément Ravouna « Dans le modèle digital (…),il s'agit au travers d'évènements (concerts, soirées..) de lancer le pré-buzz, (…), de revitaliser la fan-base ». Bien évidemment, le succès d'un tel pré-buzz est intimement lié à la qualité des concerts, mais également à leur originalité. Ainsi, faire des concerts impromptus dans des lieux inattendus (par exemple dans le métro londonien pour The Others) ou organiser des soirées de lancements originales (un lieu tenu secret et un nombre très limité d'invités pour Pulled Apart byHorses) permet de lever une première vague d'enthousiasme, de curiosité et d'excitation. L'évènement fera parler de lui autant par un bouche-à-oreille classique (discussion entre amateurs de musique) que par internet (mention sur des blogs, nouveaux messages envoyés à l'artiste). Il ne faut pas oublier de faire, en marge de ces événements, de la promotion classique ; affiches, flyers...Il faut d'abord exister sur une scène locale avant d'espérer parvenir à lancer un buzz d'envergure sur internet. La création d'une base de fans passera donc traditionnellement par une phase de concerts permettant de générer un pré-buzz, ainsi que d'identifier les profils des premiers fans potentiels. Il convient ensuite de convertir ces « spectateurs intéressés » en « contacts » dans le monde digital. Puis, en entretenant une relation continue avec ces premiers fans, en proposant du contenu exclusif, non seulement la base va pouvoir être élargie (jusqu'au cas extrême d'un buzz préalable à l'enregistrement d'un album) mais elle sera également rapidement mobilisable lorsque l'actualité phonographique de l'artiste en aura besoin.

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Des contenus libérés :Nous l'avons vu précédemment, les labels doivent mettre à disposition des blogueurs et des fans, l'intégralité des morceaux et non pas seulement des extraits. Pour un artiste débutant ou de renommée limitée, le blocage de la diffusion de contenus par peur de cannibalisation des ventes par le piratage équivaut à un suicide commercial. Mais il serait dommage de limiter les contenus diffusés à de simples morceaux en écoute. En effet, les outils communautaires permettent de diffuser toutes sortes de contenus ; applications, jeux, musique, vidéos...L'objectif, lors de la préparation d'une campagne de MDWOM est de choisir, produire, et mettre à disposition des internautes l'ensemble des contenus qui permettront d'améliorer l'expérience de découverte de l'artiste par l'internaute. Ainsi, les contenus proposés devront être multi-formats et interactifs. Une vidéo, qu'il s'agisse d'un clip ou d'un concert filmé, permettra à l'auditeur de mettre un visage et un style derrière un nom. Un jeu ou une application (type iPhone) renforce le lien entre l'auditeur et l'artiste. Le label peut également diffuser d'autres versions (acoustique ou live), autoriser et diffuser les reprises et les remixes. Bien évidemment, les contenus sélectionnés doivent tous envoyer un message positif à propos de l'artiste ; les morceaux les plus novateurs/représentatifs doivent être mis en avant, tout comme il peut être sage de conserver les vidéos d'un concert catastrophique. En un mot, non content de maximiser l'exposition du groupe sur différents canaux, le contenu qui sera diffusé lors du lancement du MDWOM doit permettre à l'auditeur intéressé d'améliorer son expérience de découverte, de s'immerger dans l'univers de l'artiste. L'utilisation de multiples médias permet d'élargir la base de fans autant que de collecter des informations sur celle-ci. Nous pouvons ajouter à cela qu'un contenu original, créatif et de qualité sera vraisemblablement diffusé lui aussi par les canaux du MDWOM, maximisant la visibilité de l'artiste bien au delà du simple pouvoir d'une poignée de morceaux en écoute.Des interlocuteurs pertinents :Comme nous l'a montré l'analyse du modèle de diffusion du MDWOM, il est extrêmement important pour le succès du MDWOM, d'identifier les interlocuteurs pertinents, ceux qui ont le plus d'influence, ceux capables de diffuser rapidement à un

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réseaux large d'auditeurs potentiellement intéressés le produit (un ou plusieurs morceaux) et une recommandation positive.Rappelons simplement que les destinataires du MDWOM, c'est à dire les internautes, ne sont pas des individus éclatés. Ils s'intègrent individuellement à une ou plusieurs sous-communautés musicales. Il importe donc d'identifier et de connaître au mieux la ou les communautés musicales auxquelles se rapporte l'artiste. Ces sous-communautés musicales sont elle-mêmes hiérarchisées. Chaque membre possède une influence et une crédibilité différente. Et les internautes présentent des propensions différentes à être influencé et à diffuser le MDWOM. Ainsi après avoir correctement identifié la ou les communautés potentiellement intéressées par l'artiste, il importe de cibler en premier lieu les membres ayant le plus d'influence et de crédibilité. Ceux qui, après avoir intégré tel artiste ou morceau au « «tri sélectif » qu'ils présentent à leur lecteur ou auditeurs, seront les plus susceptibles de réellement provoquer la diffusion du MDWOM. On peut supposer que le label connaît bien l'artiste et son œuvre. Cela doit l'aider dans l'identification des blogueurs influents. Par respect pour les règles implicites régissant la Communauté Musicale, chacun de ces interlocuteurs devra être contacté personnellement. Et la proportion des blogueurs qui écoutent effectivement la musique que les labels leur soumettent est faible. Et la part de ceux qui parleront effectivement de l'artiste sur leur blog est minime. Ainsi, afin de ne pas gaspiller un temps considérable à entretenir des relations avec des blogueurs/sites probablement peu intéressés, il convient d'identifier un nombre limité d'interlocuteurs véritablement pertinents, ceux que nous avons appelés les Innovateurs, et qui auront pour rôle de diffuser le MDWOM à un cercle plus large de prescripteurs initialement plus éloignés de l'artiste. Malgré l'aide des systèmes de recommandations, des annuaires de blogs et des réseaux communautaires, une telle identification (particulièrement dans le cas d'un artiste débutant signé sur un label inconnu) peut paraître fastidieuse dans l'état actuel des technologies. Mais c'est la précision d'une telle identification qui permettra de donner au MDWOM toute l'intensité qu'il nécessite au démarrage pour percer les limites du cercle des fans et des blogueurs spécialisés et atteindre, notamment sur les sites agrégateurs de blogs (hypem, wearehunted) et les super-blogs (pitchforkmedia, stereogum), un public plus vaste.59

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Le timing adéquat :

Les quatre ingrédients nécessaires au lancement d'une campagne de MDWOM efficace sont donc : un artiste talentueux, une base de fan mobilisable, un réseau de blogueur influents et enfin, des contenus permettant une expérience de découverte optimale. Voyons maintenant précisément comment agencer ces différents éléments dans le temps pour maximiser l'effet du MDWOM.Nous parlerons de plate-forme de départ pour désigner l'ensemble des destinataires directs lors du lancement du buzz, c'est à dire la somme des interlocuteurs identifiés pour être les premiers prescripteurs de l'artiste. Dans le cas du MDWOM, la taille de plate-forme de départ importe peu. C'est de la pertinence de la sélection que dépendra la vitesse de propagation. Cette vitesse de propagation, c'est à dire l'intensité du MDWOM lors des premières heures ou jours suivant son lancement, est primordiale. Sans une intensité maximale, le buzz ne prendra pas. Cette intensité maximise également le nombre d'écoutes des morceaux sur une période limitée. Et c'est de ce nombre que dépendra la présence de l'artiste dans les classements des agrégateurs, des playlists personnalisés et sur l'ensemble des canaux s'attachant à découvrir des nouvelles tendances. -L'étape de pré-buzz décrite plus haut ne sert pas qu'à mobiliser une base de fan, elle doit également permettre au nom du groupe de circuler parmi les blogueurs, de créer cette pré-visibilité, qui incitera les prescripteurs identifiés a effectivement prêter une oreille à l'artiste. En cas de succès, cette phase de pré-buzz événementielle et locale peut même aider à l'identification des premiers prescripteurs.-Profitant de ce pré-buzz, le label doit choisir et éditer l'ensemble des contenus qu'il veut rendre disponible aux internautes. Il peut s'agir des meilleurs morceaux à mettre en écoute, de vidéos clips ou de concerts filmés, d'une biographie, de jeux, d'applications, de concours...Il peut être intéressant de séparer ces contenus selon les canaux auxquels ils sont destinés. Par exemple, des contenus exclusifs seront réservés aux membres du site de l'artiste, tandis que les meilleurs morceaux seront envoyés à 60

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l'ensemble des blogs et les vidéos à des plates-formes dédiées. Enfin le label doit s'assurer que ces contenus seront bien liés (le blog vers le myspace, le myspace vers le site de l'artiste...)En parallèle, le label doit identifier l'ensemble des interlocuteurs pertinents et les classer par ordre d'influence selon qu'ils soient véritablement susceptibles ou non de diffuser l'artiste.Juste avant le lancement du MDWOM, le label (par l'intermédiaire de l'artiste) doit mobiliser la base de fans, prévenir de l'imminence d'une annonce, promettre des contenus exclusifs, en profitant de l'ensemble des outils communautaires liant l'artiste à sa fan base. Le label peut également mettre en place une politique de distribution préférentielle à destination des fans. C'est ce qu'à fait le groupe Fanfarlo en proposant son album en téléchargement pour 1$ pendant un mois. Une fois de plus, ces ventes là ne seront qu'un outil promotionnel de plus pour encourager le MDWOM.Enfin, les contenus doivent être envoyés et signalés de la manière la plus simultanée possible à l'ensemble de la base de départ par l'intermédiaire des différents canaux offerts au label (site du label, de l'artiste, myspeed, twitter, facebook...) assortis ou non d'une annonce officielle (nouvel album, tournée nationale...)Le label doit s'assurer que l'écoute du contenu est rapidement disponible et que les liens fonctionnent correctement. Enfin, le label doit suivre l'évolution du MDWOM en utilisant les différents outils de CRM qu'il a à sa disposition (les écoutes myspace, les classements d'écoutes des agrégateurs ,les visites du site de l'artiste, ou des sites mesurant le volume du buzz comme MotiveQuest)...Ainsi conçu le MDWOM maximisera sa vitesse de propagation et donc le potentiel d'audience qu'il pourra toucher. Bien évidemment, le label doit pouvoir envisager, selon ses moyens, de faire une campagne mixte, c'est à dire d'intégrer parallèlement à une campagne décrite ci-dessus des éléments classiques. Il peut s'agir de « street teams » distribuant des flyers et collant des posters, de promotion sur le lieu de vente, d'interviews des artistes pour la presse ou la radio, de concerts gratuits dans les grands magasins de distribution... L'identification préalable d'une base de fans et le suivi du MDWOM doivent permettre au label d'identifier plus précisément les canaux sur lesquels les éléments classiques de leur campagne doivent se concentrer. De manière 61

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générale, l'efficacité des éléments classiques d'une campagne marketing sera d'autant plus forte que l'impact du MDWOM est ou aura été puissant. 3. Intégrer le MDWOM dans une stratégie digitale globale

Pour les labels indépendants, qui disposent de moyens limités, une campagne marketing principalement basée sur le MDWOM semble être la méthode la plus efficace pour accompagner la sortie d'un album ou la carrière d'un nouveau groupe. Mais une campagne marketing n'est qu'un plan promotionnel de court/moyen terme. Il faut pour les labels réfléchir à une stratégie à plus long terme. En effet, les opportunités offertes par la révolution digitale ne doivent pas servir uniquement l'actualité phonographique des artistes mais bien permettre au label de diversifier ses activités et de maximiser ses revenus « hors-sorties ». Comme nous l'avons déjà vu, la digitalisation de la chaîne de valeur et les développements technologiques qui l'accompagnent ont permis de réduire considérablement le coût de mise sur le marché d'une nouvelle œuvre, et donc de réduire les risques pour le label. Mais se contenter d'un allègement des coûts et ne s'appuyer sur les technologies digitales uniquement pour la promotion ponctuelle serait une erreur considérable.En effet, une stratégie digitale devra permettre non seulement de maximiser les revenus des ventes d'albums lors de leurs sorties mais également d'étirer les revenus sur l'ensemble d'une année. Une erreur classique de la part des labels consiste à ne considérer les revenus générés par un artiste que par rapport à leur actualité phonographique. A l'heure du digital, les labels doivent maximiser leurs revenus sur un exercice annuel. L'objectif est de faire du groupe une marque à laquelle les consommateurs s'identifient. Et une marque dont le catalogue de produits ne se limite pas à un nouvel album tout les deux ans. A ce titre, les albums doivent être considérés comme un outil promotionnel de la marque que représente l'artiste, ce sont également ces ventes d'albums (bien aidés il faut l'admettre par le téléchargement illégal) qui influeront sur l'audience des concerts. Aussi, il devient économiquement justifié de réintégrer l'organisation de concerts dans la chaîne de valeurs des labels et de ne plus considérer le live comme un outil promotionnel. Et pour compenser la baisse des 62

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revenus de la distribution « classique » (vente d'album ou de singles analogiques ou digitaux), les labels doivent diversifier leurs sources de revenus qu'il s'agisse du merchandising, de la vente de licences, de sponsoring...Internet permet d'entretenir une relation de proximité permanente avec la base de fans. Si l'on se permet de considérer l'artiste comme une marque, alors la proximité de cette marque avec ses consommateurs est incomparablement plus forte que dans n'importe quelle autre industrie. La communication avec les fans (et les blogueurs) permet à la marque (donc à l'artiste) d'exister dans l'esprit de ses interlocuteurs tout au long de l'année. En plus de favoriser la promotion ponctuelle, de poser les fondations d'une campagne marketing réussie, comme nous l'avons vu dans la partie précédente, cette proximité va permettre de forger une image de marque forte, suffisamment forte pour autoriser le label à vendre des produits autres que le simple album. Pour forger cette image de marque, l'artiste doit imprimer sa personnalité sur tout ce qui peut faire l'image du groupe, qu'il s'agisse du packaging, d'une ligne de vêtements...Ce sont des fans de l'artiste que viendront les revenus « hors-sorties ». Tant que le label parvient à proposer aux fans de nouveaux contenus originaux sur une base régulière, la marque persistera, maximisera ses revenus et la relation avec les fans sera renforcée. Évidemment l'on pense en premier lieu à des contenus exclusifs (remixes, versions alternatives, albums live, DVDs du concert) mais également à du merchandising classique (T-shirts, posters...). On pourrait ajouter à cela tout ce à quoi un fan peut s'identifier, qu'il s'agisse d'une ligne de vêtements, d'équipement musical, de sonneries téléphoniques, de jeux flash, d'applications pour iPhone. Plus encore, la proximité entre les fans et l'artiste peut également profiter au fond de catalogue et à l'ensemble des autres artistes du label. Maîtriser l'organisation des concerts des artistes permettrait de promouvoir un artiste du fond de catalogue à moindre coût en le faisant tourner avec celui qui fait l'actualité. Dans ce cas de figure, le live devient l'outil promotionnel de l'album. L'étape de pré-buzz live d'un nouveau groupe peut donc également être intégrée à la tournée d'un groupe plus reconnu. L'interaction continue entre un artiste, son label et les fans doit pouvoir profiter à l'ensemble des références dudit label.Lorsque l'on passe d'un mode de promotion ponctuel à une relation continue avec les fans, lorsque les revenus ne sont plus simples et saisonniers mais annuels et divers, lorsque la distribution et la promotion se confondent dans le temps et l'espace, on peut 63

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considérer que la chaîne de valeur s'horizontalise. Cela signifie que quand le live, les ventes, le bouche-à-oreille sont autant d'outils promotionnels de la marque, quand ce ne sont plus des blocs successifs de la chaîne de valeurs mais des activités parallèles et interdépendantes, l'objectif d'une stratégie digitale est d'intégrer l'ensemble des acteurs de ces activités dans un bloc plus général afin de développer la marque (l'artiste) et le marché (la base de fans, les blogueurs et le grand public) sur une base annuelle. De nombreux nouveaux modèles d'affaires proposent différents types de solutions et l'objet de ce document n'est pas d'en faire une liste exhaustive. Toutefois, la tendance est de faire collaborer en permanence toutes les forces à l'œuvre pour synthétiser les activités de promotion, de spectacle vivant, de distribution classique et de produits dérivés. Ainsi, la politique de distribution doit correspondre aux canaux de promotions utilisés. L'album doit il bénéficier d'une pré-sortie digitale ? Sur quels canaux? Selon quelles modalités de paiement (prix fixé par l'internaute, à la carte, abonnement, pack « fan » incluant des places de concert)? Quel valeur ajoutée peut présenter le produit analogique (édition deluxe, double album..)? Ou doit il être distribué? La base de fans, l'artiste, les « web teams » et les « street teams », les distributeurs et les marques doivent tous être intégrés dans la mécanique de promotion-distribution. Pour les marques par exemple, être associé à un artiste véhicule un signal positif et certaines marques sont prêtes à investir dans la production d'un album ou à sponsoriser des concerts. De même, de plus en plus de sites internet proposent aux internautes de participer financièrement à la production d'un album (kisskissbankbank, My Major Company...). Ainsi, de la chaîne de valeur « classique » ou chaque activité est réalisée par un acteur dédié qui prend une commission fixe, on est passé à un modèle intégrant l'ensemble des activités réalisées conjointement par des acteurs multiples. La mise en place d'une stratégie digitale cohérente devra permettre aux labels indépendants de minimiser leurs coûts et d'augmenter, d'étaler et de diversifier leur revenus.

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VI.Conclusion

L'industrie musicale traverse une crise structurelle dont personne ne peut prédire la fin. De nombreuses solutions apparaissent régulièrement pour tenter de trouver le modèle de distribution miracle qui la remettra sur pied, sans qu'aucune d'elles n'ait jusqu'à présent réussi à s'imposer. Dans ce contexte de contraction des revenus et donc de réduction des coûts, l'exploration des mécanismes du bouche à oreille permet aux labels indépendants de donner une visibilité maximum à leur artistes et d'espérer survivre encore .Le bouche-à-oreille en ligne procède bien de déterminants sociologiques précis et relève d'un mode de diffusion systématique( Hypothèse 1) et ce modèle peut être affiné pour correspondre aux caractéristiques spécifiques de l'objet musical (Hypothèse 2). Toutefois si il existe bien un ensemble de règles et de procédés à suivre pour maximiser l' efficacité d'une campagne promotionnelle s'appuyant sur le bouche-à-oreille (Hypothèse 3), celui-ci ne présente aucune garantie quant au succès de l'artiste. Non seulement le talent des artistes et les qualités de l'œuvre constitueront toujours le facteur primordial de succès mais la mise ne place du bouche-à-oreille dépend également du genre musical en question et de la puissance des prescripteurs identifiés. Il n'existe pas de recette miracle ni de stratégie unique de bouche-à-oreille et chaque label doit savoir adapter sa stratégie promotionnelle à l'artiste en question. Enfin cette stratégie promotionnelle doit faire partie intégrante d'une stratégie digitale globale des labels. Enfin l'utilisation du bouche à oreille comme outil promotionnel et d'une stratégie digitale efficace n'est pas une solution en soi aux problèmes que rencontrent les labels indépendants. Si certains ont décidés de se recentrer sur les activités de production et de direction artistique et de confier les autres activités de promotion et de distribution à des agences externes, alors que d'autres ont décidés d'intégrer l'ensemble de la chaîne de valeur, l'hécatombe continuera tant que le problème de la monétisation de la consommation musicale ne sera pas résolu. Et il serait dangereux de croire que la musique survivra à la mort de l'industrie musicale.65

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VII. Bibliographie

A. Ouvrages spécialisés

Mode d'Emploi de la Musique en Ligne, B. Sok, 2007The Long Tail : Why The Future of Business is Selling Less of More, C. Anderson, 2006B. Articles et revues spécialisées

5 Rules of Social Media Optimization, P. Dunnay, 28/05/2007Bulding a Buzz, BBC unsigned article, 19/07/2009Consumer Blogging and Music Sampling : Long Tail Effects, The CRITO Review – Unsigned Article, 01/06/09Exploring The World of Buzz, A. Wilson, 26/05/06Is Music A Perishable Product ? , R. Menta, 20/02/2000Is Music Still a Product ? , R. Horning, 05/09/2008L'avenir est à l'application iPhone, S. Perez et G. Galuz, 22/09/09Le Bouche à Oreille et Internet, L. Dupont, 04/05/2009Les modèles d'affaires de l'industrie musicale dans le contexte de la nouvelle économie, B. Montreuil, 2004 Les Nouveaux usages de Consommation de la Musique, unsigned article, 22/06/2009Les Nouvelles Voies de l'industrie Musicale, G. Meignan, 01/02/2009Stricter Regulations on Word of WOM ahead, C. Werle, 04/04/08Windows Into The Future: How lessons from Hollywood Will Shape the Future of Music Industry, G. Krishian Bhatia, R.Gay, W. Ross Honey, 2003

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Word of Mouth Marketing and Playlisting, D. Jennings, 04/06/2006C. Études-Thèses

Consumer Gifts System, M. Giesler, 2005Digital Music Distribution, N. Klym, 2005Digital Value Chain and Use Case Analysis, J. Greenhall, 23/07/03The Effect of Word-of-Mouth on sales: Online Book Reviews, J. Chevalier, D. Mayzlin, 01/09/2005Impact of Blogging on Music Sales : The Long Tail Effect, J. Ramaprasad, S. Dewan, 2008Lesson from Early Adopter of Web Groupware, A. Dennis, S. Pootheri, V. Natarajan, 1998Online Word of Mouth: An exploration of its Antecedents and Consequences, T. Sun, S. Youn, G. Wu, 2006The Digitization of Word of Mouth : Promise and Challenges of Online Feedback Mechanisms, C. Dellarocas, 2003The Internet Music Revolution, L. Collard, 2007Understanding the Impact of Social Influence in an online Music Community, J. Ramaprasad, S. Dewan, 2008Virtual Community Attraction: Why People Hang Out Online, C.M Ridings, D. Gefen, 23/12/2005

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VIII. RemerciementsJe tiens à remercier toutes les personnes grâce aux réflexions, à l'avis et au soutien desquels ce mémoire a pu être réalisé.Merci donc à : Kristine De Valck, Éric Namour, Clément Ravouna, Guillaume Galuz, Sarah Suder, Olivier Mallet, Guillaume Tiret, Romain Cahané et Bertrand de Volontat.IX.Annexes

A. Lexique

Blog : Un blog n'est qu'un site personnel sur lequel le ou les internautes peuvent partager leur passion sous la forme d'articles qui peuvent être accompagnés d'images, de photos ou de fichiers audio ou vidéos. Blogueur : Internaute prenant part à la rédaction d'un blog.Buzz : littéralement «bourdonnement ». On parle de buzz lorsque qu'un contenu (texte, audio ou vidéo) a été lu/écouté/vu par un nombre élevé de personne en un temps très court. L'objet d'un buzz est transféré d'un individu à l'autre en transitant par les canaux du MDWOMCommunauté Musicale : ensemble de sous-communautés plus ou moins intégrées au sein desquels des individus communiquent entre eux à propos de musique de manière continue et sans interaction physique. Un individu peut faire partie de plusieurs sous-communautés musicales.

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DMS : acronyme pour Digital Music Provider. Il s'agit des plate-formes de téléchargement légal de musique telles qu' Itunes ou Emusic.DRM : acronyme pour Digital Rights Management. Il s'agit de l'ensemble des dispositifs techniques s'attachant à contrôler et à protéger l'utilisation qui est faite des œuvres numériques. Les DRM peuvent par exemple empêcher la libre copie d'un morceau.DWOM : signifie digital word-of-mouth. Le DWOM est un WOM qui utilise une technologie digitale comme médium, le plus souvent internet.Label Indépendant : label, le plus souvent juridiquement et financièrement indépendant des majors, et qui ne disposent pas des moyens marketing de celles-ci.Leader d'opinion : émetteur d'un WOM bénéficiant d'une certaine influence ou crédibilité. Parmi les émetteurs de WOM, c'est celui dont le message aura le plus d'impact sur les émetteurs.Majors : Ce sont les quatre grandes maisons de disques : EMI, Warner, Sony BMG et Universal. Elles se partagent plus de 75% du marché.Mainstream (musique) : ensemble des artistes disponibles à vocation grand public, bénéficiant d'une bonne couverture médiatique (TV, radio, presse) et de l'appui marketing puissant de leur label et de leur distributeur.MDWOM : signifie music-related digital word-of-mouth. Le MDWOM est un DWOM dont le sujet est la musique, qui s'agisse d'un genre, d'un artiste ou d'un simple morceau.

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Playlisting : le playlisting est la pratique qui consiste à diffuser une playlist, c'est à dire une sélection de morceaux musicaux, à d'autres utilisateurs du service en question ou à de simples internautes. Le playlisting peut être intégré à un blog.Sampling : mise à disposition des internautes de morceaux ou d'extraits (samples) musicaux, généralement sous forme de streaming.Streaming : diffusion de contenu audio ou vidéo en contenu, c'est à dire au fur et à mesure du téléchargement du fichier. Généralement ce fichier n'est téléchargé que temporairement et ne peut pas être légalement transféré sur l'ordinateur de l'internaute.Web 2.0 : nom donné à l'ensemble des services communautaires et réseaux sociaux en ligne qui permettent le partage de contenus et la collaboration entre les internautes.WOM : acronyme de Word-of-Mouth, synonyme anglais de bouche-à-oreille. Le WOM est un message informel à caractère informatif sur un produit échangé entre individus-consommateurs, à travers lequel l'émetteur aide le ou les récepteurs à orienter leur décision d'achat

B. Interviews

Les trois interviews présentées ci-dessous se sont déroulées sous la forme d'entretiens longs. Les réflexions tirées de ces discussions ont grandement alimentées le contenu du présent document.70

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Eric Namour : Eric est directeur chez Consolidated Independent. Consolidated Independent

est une entreprise de services qui aide les labels indépendants à créer et à gérer leur

catalogue digitale de musique. . Par ailleurs, Eric a aussi une activité d'organisation de

spectacle vivant à travers les festivals de [No Signal] (musique expérimentale) et de

consulting auprès de labels indépendants. Il a également lancé en 2007 Diogenes : une

plate-formes de gestion de catalogue digital et de distribution pour les labels

expérimentaux.

Thèmes abordés: crise de l'industrie musicale, nouveaux modèles d'affaires des labels

indépendants, nouveaux modèles de distribution, politique de mise à disposition des

contenus, envergure et usage du bouche-à-oreille, stratégie digitale des labels, évolution

des modes de consommation..

Guillaume Galuz : Guillaume est Production Assistant chez Deezer. Deezer est le site n°1 en

France de diffusion de musique en streaming. Guillaume est également rédacteur du très

influent blog Didyousseethewords.

Thèmes abordés: déterminants du bouche-à-oreille, nouveaux modèles de distribution,

valorisation de la musique ,stratégie de l'industrie musicale, nouveaux outils

promotionnels, processus de diffusion du bouche-à-oreille, particularités de la

communauté musicale...

Clément Ravouna: Clément est cofondateur de My Tour Manager. My Tour Manager est un

projet en développement dont l'objectif est de présenter aux labels un outil de promotion

de leur artistes s'appuyant à la fois sur le spectacle vivant, sur la base de fans des artistes

et sur l'appui de marques souhaitant associer leur image à celle de l'artiste. Clément est

également manager du groupe d'électro parisien The Penelopes et s'occupe à ce titre de

leur promotion.

Thèmes abordés: évolution de la chaîne de valeur des labels indépendants, nouveaux

revenus musicaux, nouveaux modèles de promotion, mobilisation d'une fanbase, stratégie

digitale des labels, nouveaux modèles de financement de production, options pour la

remonétisation de la consommation musicale...

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