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Le Brexit : quelles conséquences sur les économies britannique et de l’Union européenne ? Marine Charlotte André * et Meixing Dai # Le Brexit est un évènement qui marquera l’histoire de l’Union européenne (UE). Il a des conséquences économiques et politiques importantes et immédiates pour le Royaume-Uni et l’UE. A moyen et long terme, l’issue du Brexit est déterminante pour la performance écono- mique du Royaume-Uni et la stabilité du processus d’intégration économique européenne. Le Brexit a débuté lors du dépouillement du référendum du 23 juin 2016. Avec 51,9 % des voix, le camp du « Leave » l’a emporté le jour du scrutin. La participation à l’élection a été supérieure à 72 %, constituant un record pour le pays. Il s’ensuit un long processus de négociation qui aboutit à un accord entre le Royaume-Uni et l’UE-27, qui prévoit une sortie avec un filet de sécurité ( backstop) sous forme d’union douanière si aucune autre alternative n’a été trouvée avant la fin de la période transitoire prévue pour fin 2020. Cet accord a été rejeté par le parlement britannique. Ainsi, L’issue du Brexit reste donc toujours très incertaine. Le Brexit peut potentiellement affecter de nombreux secteurs de l’économie britannique mais également européenne. Cet article a pour but de recenser et d’analyser les effets économiques majeurs du Brexit essentiellement sur l’économie britannique et conséquemment, sur celle de l’UE. L’analyse soulignera les conséquences d’un « no deal » et celles du scénario négocié par Theresa May, correspondant à une union douanière au minimum, et avancera certaines conséquences prévisibles qui auront lieu à plus ou moins long terme. Motivations économiques du Brexit Les arguments des Brexiteurs (ou personnes favorables au Brexit) sont essentiellement véhiculés par le Parti conservateur britannique, les Tories, ainsi que le parti souverainiste Ukip (United Kingdom Independence Party). Les problématiques des Brexiteurs sont pour la plupart reliées à la perte de souveraineté qu’a engendrée l’adhésion à l’UE. On recense ici les six arguments les plus importants en faveur du Brexit. Le premier argument avance que le contrôle de l’immigration serait facilité par une sortie de l’UE. En effet, la liberté de circulation au sein de l’UE empêche le Royaume-Uni d’agir sur les flux humains, notamment en provenance des Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO), qui sont les plus importants vers le Royaume- Uni. Toutefois, la peur de l’immigration et de ses effets négatifs sur les salaires et emplois des travailleurs locaux au Royaume-Uni ne semble pas être justifiée par les études (Arnorsson et Zoega 2018). Ceux qui avancent cet argument négligent le fait que le Brexit va réduire la mobilité du facteur travail vers le Royaume-Uni, pouvant ainsi entraîner une pénurie de main d’œuvre qualifiée et donc une perte de compétitivité du facteur travail reflétée par une hausse des salaires, pénalisant ainsi la croissance. Sur le long terme, la recherche britannique pourrait aussi souffrir d’un manque de talents, ce qui est susceptible de ralentir l’innovation et donc de réduire le potentiel de croissance. Soulignons qu’actuellement la compétitivité du facteur travail est en baisse au Royaume-Uni, un Brexit effectif ne ferait que renforcer la tendance 1 . Le second argument porte sur la question de la souveraineté nationale en termes législatifs. Une partie des acteurs politiques et des citoyens estiment que les décisions de la Commission européenne ne sont pas démocratiques car émanant d’une institution où les exécutifs ne sont pas élus. Ainsi ces acteurs politiques 1 Richard Partington, « UK worker productivity growth falls to two-year low on back of Brexit concerns », The Guardian, 9/01/2019, dernier accès le 25/05/2019. * Banco de México, Dirección General de Investigación Económica. The views and conclusions presented in this paper are exclusively the responsibility of the authors and do not necessarily reflect those of Banco de Mexico . # Université de Strasbourg, CNRS, BETA UMR7522, F-67000 Strasbourg, France. 11

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Le Brexit : quelles conséquences sur les économies britannique et de l’Union européenne ? Marine Charlotte André* et Meixing Dai#

Le Brexit est un évènement qui marquera l’histoire de l’Union européenne (UE). Il a desconséquences économiques et politiques importantes et immédiates pour le Royaume-Uni etl’UE. A moyen et long terme, l’issue du Brexit est déterminante pour la performance écono-mique du Royaume-Uni et la stabilité du processus d’intégration économique européenne.

Le Brexit a débuté lors du dépouillement duréférendum du 23 juin 2016. Avec 51,9 % desvoix, le camp du « Leave » l’a emporté le jourdu scrutin. La participation à l’élection a étésupérieure à 72 %, constituant un record pour lepays. Il s’ensuit un long processus denégociation qui aboutit à un accord entre leRoyaume-Uni et l’UE-27, qui prévoit une sortieavec un filet de sécurité (backstop) sous formed’union douanière si aucune autre alternative n’aété trouvée avant la fin de la période transitoireprévue pour fin 2020. Cet accord a été rejeté parle parlement britannique. Ainsi, L’issue duBrexit reste donc toujours très incertaine.

Le Brexit peut potentiellement affecter denombreux secteurs de l’économie britanniquemais également européenne. Cet article a pourbut de recenser et d’analyser les effetséconomiques majeurs du Brexit essentiellementsur l’économie britannique et conséquemment,sur celle de l’UE. L’analyse soulignera lesconséquences d’un « no deal » et celles duscénario négocié par Theresa May,correspondant à une union douanière auminimum, et avancera certaines conséquencesprévisibles qui auront lieu à plus ou moins longterme.

Motivations économiques du Brexit

Les arguments des Brexiteurs (ou personnesfavorables au Brexit) sont essentiellementvéhiculés par le Parti conservateur britannique,les Tories, ainsi que le parti souverainiste Ukip(United Kingdom Independence Party). Lesproblématiques des Brexiteurs sont pour laplupart reliées à la perte de souveraineté qu’aengendrée l’adhésion à l’UE. On recense ici les

six arguments les plus importants en faveur duBrexit.

Le premier argument avance que le contrôle del’immigration serait facilité par une sortie del’UE. En effet, la liberté de circulation au seinde l’UE empêche le Royaume-Uni d’agir sur lesflux humains, notamment en provenance desPays d’Europe Centrale et Orientale (PECO),qui sont les plus importants vers le Royaume-Uni. Toutefois, la peur de l’immigration et deses effets négatifs sur les salaires et emplois destravailleurs locaux au Royaume-Uni ne semblepas être justifiée par les études (Arnorsson etZoega 2018). Ceux qui avancent cet argumentnégligent le fait que le Brexit va réduire lamobilité du facteur travail vers le Royaume-Uni,pouvant ainsi entraîner une pénurie de maind’œuvre qualifiée et donc une perte decompétitivité du facteur travail reflétée par unehausse des salaires, pénalisant ainsi lacroissance. Sur le long terme, la recherchebritannique pourrait aussi souffrir d’un manquede talents, ce qui est susceptible de ralentirl’innovation et donc de réduire le potentiel decroissance. Soulignons qu’actuellement lacompétitivité du facteur travail est en baisse auRoyaume-Uni, un Brexit effectif ne ferait querenforcer la tendance1.

Le second argument porte sur la question de lasouveraineté nationale en termes législatifs. Unepartie des acteurs politiques et des citoyensestiment que les décisions de la Commissioneuropéenne ne sont pas démocratiques carémanant d’une institution où les exécutifs nesont pas élus. Ainsi ces acteurs politiques

1 Richard Partington, « UK worker productivity growthfalls to two-year low on back of Brexit concerns », TheGuardian, 9/01/2019, dernier accès le 25/05/2019.

* Banco de México, Dirección General de Investigación Económica. The views and conclusions presented in this paperare exclusively the responsibility of the authors and do not necessarily reflect those of Banco de Mexico . # Université deStrasbourg, CNRS, BETA UMR7522, F-67000 Strasbourg, France.

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préféreraient redonner la toute-puissance auparlement de Westminster pour légiférer. Parailleurs, ces critiques très eurosceptiques nesouhaitent pas non plus que le Royaume-Uni aità rendre des comptes à un gouvernement fédéraleuropéen démocratiquement élu. Elles ignorentaussi le fait qu’à moins de se contenter desrègles de l’Organisation mondiale du commerce(OMC), toute forme d’intégration économiquerelativement avancée exige des transferts desouveraineté à des organismes communs.

Le troisième argument consiste à souligner lefait que le projet de l’UE est à la dérive et queles récentes crises financières et économiquessubies par certains pays membres de la zoneeuro confortent certains acteurs politiques etcitoyens dans leur désir de se détacher du carcaneuropéen pensant ainsi subir le moins possiblel’effet de contagion des crises. Il convient denoter que le Royaume-Uni n’est pas dans la zoneeuro et a subi la contagion des crises bancaireset de la dette souveraine en 2010-2012 du fait deses fortes connexions commerciales,économiques et financières avec les paysmembres de la zone euro en crise. Il n’est pascertain qu’en réduisant ces connexions,l’économie du Royaume-Uni sortira gagnante.

Le quatrième argument rejoint quelque peu lesdeux derniers et porte sur les contraintesréglementaires européennes. Certains avancentque des normes et des régulations trèscontraignantes imposées par l’UE empêchent lespetites et moyennes entreprises de pouvoirlibrement entreprendre et au final freinent lacroissance économique. En contrepartie, cesentreprises profitent beaucoup moins du grandmarché de l’UE que les grandes entreprises.D’autres critiquent la politique de quotas pour lapêche qui freinerait l’activité des pêcheurs, ladirective du temps de travail des 48 heureshebdomadaires vilipendée notamment par denombreuses professions libérales, ainsi que lesnormes financières européennes qui limiteraienttrop fortement les bonus des banquiers.

En théorie, la réduction des coûts de laréglementation pourrait libérer des ressources àdes fins plus productives, augmentant ainsi laproduction et la productivité globales. Mais cetargument n’est pas convaincant car d’une partces gains pourraient se faire au prix d’uneréduction des protections offertes, par exemple,aux travailleurs et à l’environnement, ce quesoulignent les travaillistes (Labour Party), etd’autre part la réglementation européenne estgénéralement adaptable par chaque pays.

De plus, les enquêtes internationales suggèrentque les marchés des produits et du travail auRoyaume-Uni sont déjà parmi les moinsréglementés au niveau international, ce quilaisse supposer une marge de manœuvre limitéepour une déréglementation plus poussée2. Enoutre, il pourrait être politiquement difficile pourle gouvernement britannique d’assouplir bonnombre de règles et règlements actuels. LeRoyaume-Uni est allé plus loin dans denombreux domaines que ce qui était strictementnécessaire pour se conformer aux règles del’UE, et il resterait signataire de nombreusesconventions internationales qui sont à la base decertaines de ces règles.

Le cinquième argument fait valoir que le Brexitpermettrait d’éviter d’avoir à payer lacontribution annuelle nette au budget européen,soit une économie de 10,84 milliards de livressterling3, qui serait reversée en théorie au budgetdu système de santé britannique (le NHS,National Health Service) d’après les partispolitiques favorables au Brexit. Ici, lesBrexiteurs ont beau jeu de mettre en avant lescoûts financiers d’appartenir à l’UE sans mettredans la balance les avantages procurés parl’adhésion qui sont indirects et difficilementchiffrables. En effet, les contributions nettesbritanniques servent à financer lefonctionnement des institutions communes auniveau de l’UE et des politiques communescomme la politique agricole commune et lapolitique régionale parmi d’autres. Cespolitiques coûtent aux britanniques maisassurent la sécurité alimentaire ou la cohésion del’UE, ce qui renforce l’UE à moyen et longterme. Des effets positifs qui en résultent (unmarché européen plus grand, un développementplus équilibré, un pouvoir de négociationrenforcé pour l’UE au sein des organisationsinternationales, etc.) ne sont ni directs nitoujours pécuniaires mais peuvent profiter auRoyaume-Uni. Diverses études démontrent les

2 Voir les séries temporelles OCDE sur la protection del’emploi.3 Il s’agit de la moyenne des contributions nettesbritanniques prévues du secteur public sur la période2018-2023 au budget de l’UE. Voir le Tableau 3.D. dudocument « European Union Finances 2018: statementon the 2018 EU Budget and measures to counter fraudand financial mismanagement » présenté en juin 2019par le secrétaire en chef du Trésor au Parlementbritannique, page 14. La contribution nette n’est pas unemesure exacte de ce que le Royaume-Uni paye aubudget de l’UE car elle n’inclut pas les paiements directsde l’UE au secteur privé britannique.

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pertes élevées du Brexit (Tetlow et Stojanovic2018, Mathieu et Sterdyniak 2019), ce quiimplique au final le grand risque que le budgetdu NHS baisse significativement après leBrexit4. On note par ailleurs que l’Agenceeuropéen des médicaments (EMA) a déjà quittéle Royaume-Uni pour les Pays-Bas en raison duBrexit.

Enfin, le dernier argument met en avantl’avantage pour le Royaume-Uni de pouvoirredéfinir librement après le Brexit les traités delibre-échange avec le reste du monde, sans avoirà passer par les traités négociés par l’UE. Celapermettrait de reprendre des relations pluspoussées avec les membres du Commonwealthnotamment.

En cas de Brexit sans accords, le Royaume Unicontinuera nécessairement de respecter lesrègles de l’OMC, qui sont très proches de cellesde l’UE. Le Royaume-Uni peut aussi choisir derester dans le marché unique européen. Dans lesdeux cas, la liberté que le Royaume-Uni gagnedans ses relations commerciales extérieures esttrès limitée.

Il convient de noter que le Brexit sans accordspeut inciter les multinationales à délocaliser. Eneffet, le fait d’appartenir au marché unique del’UE faisait du Royaume-Uni une plate-formed’exportation attrayante pour lesmultinationales. Elles peuvent tirer parti del’environnement commercial relativementattractif du Royaume-Uni, tout en bénéficiantd’un commerce sans friction avec le reste del’UE. De plus, opérer à partir d’un pays de l’UEest particulièrement intéressant pour les grandesmultinationales qui disposent de chaînesd’approvisionnement complexes ou de réseauxde filiales dans différents pays de l’Union. Lemarché unique de l’UE implique desréglementations communes et la possibilité defaire circuler librement le personnel d’un pays àl’autre, ce qui permet une organisation plusefficace de la production et réduit les coûts decoordination pour ce type d’entreprises.

4 Par ailleurs, McHale (2018) montre que le système desanté britannique peut être négativement affecténotamment en raison de la réduction (voire disparition)des fonds alloués à la recherche par l’UE, de la mise enplace d’institutions nationales de régulation dumédicament et de produits médicaux (tels que lespacemakers, prothèses de hanches etc.), des délaissupplémentaires de livraison de certains produitspharmaceutiques (par exemple, insuline) non produitspar le Royaume-Uni, du risque de devenir un marchésecondaire pour le lancement de nouveaux médicaments,etc.

Un Brexit difficile

L’UE ainsi que les opposants au Brexit craignentque le Royaume-Uni n’assouplisse lesréglementations et les normes (telles que cellesconcernant l’impact sur l’environnement et lesnormes du travail) qui sont conçues pourgarantir que les entreprises de toute l’UE soientconcurrentielles sur un pied d’égalité. Dans sonprojet de directives de négociation soumis à laCommission européenne en avril 20175, MichelBarnier, négociateur du Brexit, a déclaré que desengagements contraignants seraient nécessairespour parvenir à un accord. Depuis, legouvernement britannique de Theresa May s’estefforcé de confirmer à l’UE qu’il ne poursuivrapas la déréglementation, et qu’il respecte de telsengagements contraignants.

Après 17 mois de pourparlers, le gouvernementbritannique annonce finalement le 13 novembre2018 qu’un accord général sur la sortie duRoyaume-Uni de l’UE a été trouvé à Bruxelles6.

Entériné par les Vingt-Huit à l’occasion d’unsommet extraordinaire le 25 novembre 2018, cecompromis pour éviter le « no-deal » et undivorce brutal doit toutefois encore être ratifiépar les parlements britannique et européen.

Les négociations menées par Theresa May pourélaborer un accord de sortie ont été largementrejetées par la Chambre des députés7,notamment en raison de la fameuse clause du« filet de sécurité ».

En effet, pour éviter le rétablissement d’unefrontière physique entre l’Irlande du Nord et laRépublique d’Irlande, l’accord général du 13nombre 2018 stipule une clause de sauvegarde(le backstop ou « filet de sécurité ») quis’applique si aucun accord sur la future relationentre le Royaume-Uni et l’UE n’était concluavant la fin de la période de transition qui setermine fin 2020 mais peut être prolongée de 2

5 Commission européenne (2017), « Directives denégociation d’un accord avec le Royaume-Uni deGrande-Bretagne et d’Irlande du Nord fixant lesmodalités du retrait de celui-ci de l’Union européenne ».Bruxelles, le 3.5.2017 COM(2017) 218 final ANNEX 1.6 « Brexit : les 8 points clés de l’accord de sortiemassivement rejeté par les Britanniques » publié parlatribune.fr le 21 janvier 2019 pour un aperçu de cetaccord de 585 pages.7 Pour plus de précisions sur les évènements,https://www.touteleurope.eu/actualite/brexit-tous-les-evenements-depuis-le-referendum.html.

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ans : le Royaume-Uni restera membre d’uneunion douanière formée avec l’UE pendant unepériode indéfinie jusqu’à la conclusion d’unautre accord. Cette union douanière couvriraittous les biens, sauf les produits de la pêche (etde l’aquaculture). Le Royaume-Uni n’aura pasle droit d’appliquer une politique commercialedifférente de celle de l’Union. Les produitsbritanniques entreront librement dans le marchéunique, mais le Royaume-Uni s’alignera sur lesdispositions européennes en matière d’aidespubliques, de concurrence, de droit du travail, deprotection sociale, d’environnement, dechangement climatique et de fiscalité. De plusl’Irlande du Nord continuerait de s’aligner surles règles du marché unique en matière de TVA,de droits d’accise, de règles sanitaires… Descontrôles pourront être mis en place sur lesproduits entrant en Irlande du Nord enprovenance du reste du Royaume-Uni (enparticulier pour les produits agricoles), mais cescontrôles seront réalisés par les autoritésbritanniques.

Les solutions alternatives impliquent aussi unefrontière économique entre l’Irlande du Nord etle reste du Royaume-Uni, ce que legouvernement de Mme May refuse. Par ailleurs,l’accord prévoit que ce sont les britanniques quiseront amenés à vérifier si les produits quirentrent dans l’UE par leur territoire sontconformes à la réglementation de l’UE. Cettedisposition est inquiétante pour les pays quirestent dans l’UE puisque les britanniquesn’auront aucune raison de le faire sérieusement.Autrement dit, le Royaume-Uni pourrait devenirune porte d’entrée incontrôlée dans l’UE.

Ainsi, pris au piège de la frontière irlandaise, lespartisans d’un Brexit dur jugent que le filet desécurité constitue une ingérence européennedans la politique britannique : impossibilité designer de nouveaux traités de libre-échange surles biens ou encore marge de manœuvre réduitesur un abaissement des normes sanitaires. Deplus, l’accord prévoit que la fin de ce filet desécurité ne pourrait arriver qu’avec l’accordunanime des Vingt-Sept, sur initiativebritannique, ce qui constitue pour lesparlementaires la preuve ultime que le divorceavec l’UE ne serait jamais vraiment consommé.

Actuellement, aucune alternative ne semble êtreprivilégiée et différents scénarios de sortiedemeurent possibles. Le refus d’imposer unefrontière de quelconque nature entre les deuxIrlandes tant par l’UE-27 que par le Royaume-Uni est la raison principale de cette situation.

Le processus du Brexit aurait dû s’achever le 29mars 2019 après activation deux ans plus tôt del’article 50 du Traité de l’UE. Le processus desortie du Royaume-Uni a d’abord été prolongéune première fois jusqu’au 12 avril 2019, etfinalement une deuxième fois jusqu’au 31octobre 2019 après deux ans de longuesnégociations.

Trois scénarios se dégagent à l’heure actuelle8.Tout d’abord, le « no deal » reste probable, cequi signifierait la sortie sans accord de l’UEavec notamment un retour à une relation decommerce bilatérale entre le Royaume Uni etl’UE gérée par l’OMC. Ce scenario implique leretour d’une frontière en Irlande et un risque deguerre civile en Irlande du Nord. Une autrepossibilité reste celle de converger vers l’accordnégocié par Theresa May prévoyant une uniondouanière permanente si aucune solutionalternative n’a été trouvée avant la fin de périodede transition9. Enfin, reste l’alternatived’organiser un nouveau référendum pourconsulter les citoyens sur la direction politique àadopter.

Les effets macroéconomiques du Brexit

Les effets induits par le vote en faveur du Brexitsur la valeur de la livre sterling, l’inflation et lacroissance sont transitoires. Une fois le Brexit

8 Voir Sampson (2017) pour une discussion détaillée desscenarios possibles, qui incluent notamment desvariantes de zone de libre-échange, dont la version« marché unique » ou « Espace économique européen(EEE) » adoptée par la Norvège, l’Islande et leLiechtenstein. Ce type de marché unique, assez prochede l’union économique en termes de liberté decirculation des biens, des services, des capitaux et despersonnes, est basée sur les principes de la zone de libre-échange et donc sans les contraintes de l’uniondouanière en matières de tarifs et de quotas externes.9 En effet, la perpétuation du filet de sécurité (backstop)n’est pas dans l’intérêt de l’UE-27 car cela implique quele Royaume-Uni devient une porte d’entrée hors decontrôle dans le marché unique. Étant donné qu’unebonne partie du commerce vers l’UE arrive par leRoyaume-Uni, la perception et la répartition des taxesdouanières pour le compte du budget de l’UE peuventposer de sérieux problèmes. Le Royaume-Uni pourraitvoir ses intérêts mal défendus lorsque l’UE négocie desaccords de libre-échange avec d’autres pays. L’EEE estune des alternatives possibles. A ce stade, l’option d’uneadhésion à l’EEE défendue notamment par lestravaillistes est rejetée par les uns parce que l’EEE esttrop proche de l’union économique et par les autresparce qu’elle implique trop de contraintes financières etréglementaires sans les droits de participer à la prise dedécisions correspondants.

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devient effectif, les effets dépendent desscénarios de sortie et leur estimation peut varierénormément selon les hypothèses adoptées.

Les effets d’annonce du Brexit

La valeur de la monnaie britannique par rapportaux monnaies d’autres pays, bien qu’elle soitaffectée par de nombreux autres facteurs, est unemesure de la force et de la stabilité del’économie du pays. Depuis l’annonce duréférendum sur le Brexit le 20 février 2016, lavaleur d’une livre sterling est passée de 1,2845 €à 1,1325 € le 27 mai 2019 en passant par unpoint bas de 1,0771 € atteint le 29 août 2017.

La dépréciation substantielle de la livre sterlingpar rapport aux autres monnaies depuis le votedu Brexit indique, dans une certaine mesure, quele vote a donné aux participants des marchésfinanciers une vision plus négative et incertainede la force économique du Royaume-Uni. End’autres termes, l’évolution du taux de changede la livre sterling reflète directement l’opinionmajoritaire des économistes selon laquelle leBrexit peut réduire la croissance économique duRoyaume-Uni plus que celle de la zone euro etd’autres pays membres de l’UE.

Une livre sterling plus faible augmentemécaniquement le prix des importations, ce quise traduit par des prix plus élevés pour lesconsommateurs — en particulier pour lesproduits (tels que ceux du secteuragroalimentaire) qui proviennent de l’étranger,et que les entreprises britanniques auraient dumal à produire. Ainsi l’augmentation des prixdes importations a pour conséquence directed’introduire de l’inflation importée, pouvantmalmener à terme la cible d’inflation de 2 %fixée par la Banque d’Angleterre.

On estime que la dépréciation de la livre sterlingdepuis le vote en faveur du Brexit a faitaugmenter l’inflation de 1,7 point depourcentage de juin 2016 à fin 2017 (Tetlow etStojanovic 2018).

En effet, le taux d’inflation est de 2,7 % en 2017et de 2,4 % en 2018, dépassant significativementla cible moyenne de 2 %. Malgré des prévisionsd’une stabilisation de l’inflation autour de 2 %pour la période 2019-2023, qui n’excluent pasles risques d’inflation au-dessus de 3 % ou dedéflation, les taux d’intérêt directeurs de court-terme de la Banque d’Angleterre vont augmenterpour atteindre 1,5 % à la fin 2020, marquant unepolitique monétaire davantage restrictive

(Hantzsche et Young 2019). En comparaison, laBanque centrale européenne ne prévoit pasd’augmenter les taux car le taux d’inflation estfaible dans la zone euro et laisse même entendrequ’elle va assouplir davantage sa politiquemonétaire.

Du côté de la demande, la dépréciation de lalivre sterling, laissant présager une inflation plusélevée dans le futur, a stimulé la consommationet a induit ainsi une hausse des crédits à laconsommation. En effet, les ménages ont préféréconsommer tout de suite plutôt que d’attendre lamontée générale des prix. Ce phénomène deconsommation anticipée a eu tendance dans unpremier temps à amoindrir les effets négatifs del’annonce du Brexit sur la croissance. Cet effetn’est que temporaire puisqu’un an plus tard labaisse de la consommation est finalementapparue10.

Du côté de l’offre, la dépréciation de la livresterling augmentera le coût de tout intrantimporté dans le processus de production etfacturé dans une monnaie étrangère (comme lesnombreuses pièces automobiles provenant de lazone euro utilisées pour assembler une Bentley àl’usine Volkswagen de Crewe, ou encore lepétrole dont le prix est fixé en dollars). Celaaugmentera les coûts de production pour lesentreprises concernées par ce type d’intrant.L’augmentation des coûts de production a doncune répercussion directe sur le prix de vente desbiens et services fournis par ces entreprises.

La dépréciation de la livre sterling depuisl’annonce du Brexit a déjà amputésignificativement le pouvoir d’achat desménages britanniques.

A moyen terme et toutes choses égales parailleurs, la dépréciation de la livre sterling peutdonner un coup de pouce aux entreprisesbritanniques qui vendent leurs produits àl’étranger et qui jouent sur la compétitivité-prix.C’est parce qu’un bien ou un service produit auRoyaume-Uni deviendra moins cher pour lesacheteurs étrangers.

Toutefois, bien que la dépréciation de la livresterling au début des années 1990 (lorsque legouvernement britannique a cessé de défendrel’ancrage de la livre sterling au deutschemark)ait donné un coup de fouet significatif àl’économie britannique, l’expérience plusrécente donne à penser que les dépréciations de

10 Entretien vidéo de Patrick Artus, « Enjeux etperspectives du Brexit – Patrick Artus livre son analyse», juin 2017, Natixis.

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la monnaie nationale n’ont guère aidé lessecteurs exportateurs de façon durable.

Les effets en cas de sortie effective de l’UE

Les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’UE seront influencés par le Brexit viatrois canaux principaux : 1) les effets sur leséchanges commerciaux suite à une instaurationdes tarifs douaniers ; 2) les changementsimmédiats dans les barrières non-tarifaires ; 3)l’exclusion de l’intégration future des marchésdans l’UE.

Si le Royaume-Uni ne trouve pas d’accord avecl’UE quant à sa sortie de l’union économique, lepays devra commercer avec l’UE commen’importe quel pays appartenant à l’OMC et nebénéficiant pas des accords de libre-échangebilatéraux. L’instauration des droits de douanesur les biens et services échangés entre leRoyaume-Uni et l’UE-27 pénalise leurséchanges commerciaux.

Diverses barrières non tarifaires (aussi appeléesmesures non tarifaires) peuvent augmenter lecoût des biens et services britanniques achetés àl’étranger, et vice versa. Ces barrières couvrentpratiquement tout ce qui crée un obstacle aucommerce mais qui n’est pas un tarif. Il s’agitnotamment de la mise en place de normessanitaires et de sécurité, ou encore desqualifications professionnelles particulières queles personnes doivent posséder pour être enmesure de fournir un service. Certains de cesobstacles peuvent être liés à la politiquegouvernementale et à une pratique anti-dumpingvoire protectionniste. Ces barrières non-tarifaires présentent également une autredifficulté, celle de quantifier le coûtsupplémentaire s’appliquant aux biens etservices exportés et importés si le Royaume-Unisort sans accord.

Avec l’amélioration de l’intégration des marchésdans l’UE-27, les coûts d’échangescommerciaux entre les pays membres de l’UEdevraient baisser plus fortement que ceux induitspar les échanges avec le Royaume-Uni.

Pour les deux premiers canaux, les entreprisesinstallées au Royaume-Uni sont plus pénaliséesque celles installées dans l’UE-27 vu l’asymétrieentre la taille du marché britannique et celle dugrand marché unique pour. Quant au troisièmecanal, les premières sont les seules perdantes.

Les effets du Brexit véhiculés par ces troiscanaux vont affecter négativement les firmes

multinationales implantées au Royaume-Uni, àl’instar d’Airbus, qui cherchent constamment àrationaliser la localisation des unités deproduction. Outre les droits de douane, le tempsperdu à la frontière par les transporteurs et ledécalage des normes peuvent aussi être desfacteurs très négatifs pour l’organisation efficacede la production des multinationales localiséesau Royaume-Uni. Une conséquence probablepeut être la relocalisation de ces usines sur lecontinent et donc au final une perte pourl’économie britannique en termes d’emplois etde recettes fiscales notamment, mais un gainpour les économies de l’UE-27.

Les pertes pour le Royaume-Uni pourraient êtretrès élevées étant donné le degré d’intégrationdéjà élevée entre l’économie britannique etl’UE-27. En effet, les exportations vers l’UEreprésentent 14 % du PIB et 90 % de la valeurajoutée de l’industrie du Royaume-Uni. Lavaleur ajoutée réalisée au Royaume-Unireprésentant 40 % des exportations brutes duRoyaume-Uni vers l’UE (Artus 2019), lesexportations vers l’UE concernent plus du tiersdes emplois dans l’industrie manufacturière, soit925 000 emplois11. Cela dit, les effets négatifssur la croissance des pays membres de l’UE-27ayant des échanges intenses avec le Royaume-Uni pourraient être non-négligeables.

Les études existantes considèrent souventplusieurs scénarios, dont le scénario pessimistepart de l’hypothèse que le Royaume-Uni ne faitplus partie du marché unique européen et lesrègles de l’OMC s’appliquent sur les échangescommerciaux entre ce pays et l’UE-27, et lescénario optimiste prévoit que le Royaume-Uniparvient à négocier un meilleur accord qui luipermet d’entrer dans l’EEE.

En prenant en compte des effets à court terme duBrexit sur les échanges commerciaux, Dhingraet al. (2016) et Dhingra et al. (2017) montrentque les ménages pourraient perdre en moyennedans le cas d’un soft Brexit 1,3 % de leur revenuannuel soit 850 £ par an ou dans le cas d’unhard Brexit (ou sortie sans accord), jusqu’à 2,6% soit 1700 £ par an. La diminution du PIB pourle Royaume-Uni serait de 26 à 55 milliards de £(du scénario le plus optimiste au pluspessimiste), ce qui représente environ deux foisla perte pour l’UE-27 soit une réduction du PIBentre 12 à 28 milliards de £ dans le court terme.

Sur le long terme, l’impact du Brexit doit nonseulement inclure les effets liés aux échanges

11 Artus (2019) et son entretien vidéo de 2017 (op. cit.).

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commerciaux mais aussi les effets dynamiquesliés à la productivité, aux investissements directsétrangers et aux activités d’innovation. Ainsi, lespertes du PIB potentiel pourraient se situer entre6,3 % et 9,5 % du PIB annuel (soit £4,200 à£6,400 par ménage par an) d’après Dhingra et al.(2016) et Dhingra et al. (2017)12. La perte pourl’UE-27 serait beaucoup moins importante. Sil’UE et le Royaume-Uni adoptent par défaut lesrègles de l’OMC, la baisse du PIB de l’UE seraitde 1,5 % à long terme contre 0,8 % en cas deformation d’une zone de libre-échange, voireinsignifiante si le Royaume-Uni entre dansl’EEE (Chen et al. 2018).

Quelques implications du Brexit pour l’intégration européenne

Les résultats des négociations du Brexitmontrent qu’il ne peut se faire sans que leRoyaume-Uni subisse des coûts budgétairesimportants. Le Royaume-Uni doit s’engager àpayer un montant total de 35 à 39 milliards delivres sterling (39-44 milliards d’euros) selon lesrelations commerciales futures pour honorer sesengagements passés. Ces coûts sont néanmoinsnégligeables si on les compare aux coûtséconomiques estimés mentionnés ci-dessus quel’économie du Royaume-Uni doit subir à courtterme et à long terme. Les premiers effetsnégatifs sur le pouvoir d’achat des ménages et lacroissance sont déjà visibles. Par ailleurs, lesdifficultés rencontrées par les politiquesbritanniques pour trouver un consensus sur ladirection à prendre après le Brexit ne peuventque renforcer l’incertitude pour les agentséconomiques, aggravant ainsi la situation

12 Sur les estimations des pertes de long terme, lesanalyses dynamiques divergent très sensiblement. Letableau 6.D du rapport « EU Exit Long-term economicanalysis » présenté par la première ministre britanniqueTheresa May au parlement en novembre 2018 arécapitulé les résultats d’analyses de CPB NL, GED,FMI, OCDE, Rabobank, Rand et Université de Bonn.Excluant les estimations de la Rabobank, les pertes vontde 4,6 % à 8,7 % du PIB en cas de « no deal », de 2 % à5,9 % en cas de formation d’une zone de libre-échange.Les estimations de perte faites par Rabobank sont de 18% et 12,5 % pour ces deux scénarios respectivement.Seule la Rabobank a estimé la perte, qui serait de 10 %,en cas d’entrée du Royaume-Uni dans l’EEE. Tetlow etStojanovic (2018) ont revu un échantillon plus larged’études, qui inclut des études beaucoup plus optimistesdont celle de l’EFT (Economists for Free Trade) quiestime qu’un Brexit associé avec un libre-échangeunilatéral procure un gain annuel de 4 % du PIB dans 15ans. Voir aussi Mathieu et Sterdyniak (2019).

macroéconomique. Il est très probable quel’expérience du Brexit renforce la stabilité del’UE vu les difficultés pour sortir de l’UE et lescoûts immédiats et à long terme pour l’économienationale d’une telle sortie. Notons que dans unmonde où les économies d’échelle et de réseausont de plus en plus importantes, un grandmarché unique présente beaucoup d’avantagespour stimuler l’émergence des grandes firmes etla croissance potentielle.

Signalons aussi deux points qui n’ont guère étéévoqués dans la négociation du Brexit maispeuvent avoir des implications pour l’intégrationeuropéenne dans le futur.

Le partenariat privilégié sous forme de« backstop » ou filet de sécurité pourrait servirde modèle pour les relations avec d’autres paysnon membres. L’UE a signé de nombreuxaccords en vue d’une plus forte intégrationéconomique avec ses voisins, les pays de l’EEE(Norvège, Islande, Lichtenstein), ou encore avecla Suisse, l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie.Cinq pays sont candidats à l’entrée dans l’UE(Albanie, Monténégro, Serbie, Kosovo etMacédoine du Nord). Ne pourrait-on formaliserce type de partenariat privilégié dans untroisième cercle autour de l’UE ?

L’engagement de pratiquer une concurrenceloyale demandée au Royaume-Uni n’impose-t-ilpas une certaine harmonisation fiscale dansl’UE-27, en particulier quant aux taux et auxmodalités de l’impôt sur les sociétés (Mathieu etSterdyniak 2019) ? On voit mal comment l’UE-27 pourrait reprocher au Royaume-Uni depratiquer une concurrence déloyale quand elletolère les pratiques fiscales de l’Irlande, desPays-Bas ou du Luxembourg. De même,l’insistance sur les dispositifs pour empêcher leRoyaume-Uni de pratiquer une concurrencefiscale et sociale déloyale contraste avec lelaxisme de l’UE tant dans ses relations avec despays tiers que dans le contrôle des politiques dedévaluation interne de certains pays membres(Allemagne, par exemple)13.

Conclusion

13 La dévaluation interne consiste à restaurer lacompétitivité de l’économie nationale en réduisant lescoûts de travail incluant les salaires et les coûts indirectspour les employeurs. Elle peut se faire via une hausseplus modérée de ces coûts en termes nominaux parrapport aux autres pays voire même une baisse des coûtsde travail en termes nominaux.

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Trois ans après le vote en faveur du Brexit, lechoix de la voie de sortie reste toujours difficilepour le peuple et les responsables politiques duRoyaume-Uni. Il y a maintenant un fort risqueque le Brexit se fasse sans accord. Cet article, enanalysant les causes du Brexit et ses effetséconomiques à court terme et à long terme,montre que le fondement théorique justifiant lasortie du Royaume-Uni de l’UE est fragile etque ses conséquences économiques sontgénéralement assez négatives dans les scénariosrelativement optimistes et même potentiellementcatastrophiques dans le pire scénario pourl’économie britannique. L’analyse économiquesuggère ainsi que les responsables politiquesbritanniques devraient reconsidérer sérieusementl’option que le référendum britannique du 22juin 2016 a rejeté, à savoir celle de rester unpays membre de l’UE14, ou pencher vers unBrexit adouci consistant à adhérer à l’Espaceéconomique européen qui est proche de l’unionéconomique mais laisse plus de liberté enmatière de politiques économiques etcommerciales.

Références bibliographiques

14 Une organisation britannique nommée « People’sVote » milite, avec de plus en plus de soutiens, pour unnouveau vote pour ou contre le Brexit. Bien qu’unsecond référendum n’a que peu de chance de seproduire, il reste juridiquement possible et légale àcondition que la majorité des députés du Parlementbritannique le votent.

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Tetlow, G., et Stojanovic, A. (2018).Understanding the economic impact of Brexit,Institute for Government.

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