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Georges THUOT ptre LE CATÉCHISME EN ANECDOTES CANADIENNES 25 est, rue Saint-Jacques MONTREAL

Le catéchisme en anecdotes canadiennessur la glace mouvante qui les environnait ; puis le bateau a sombré avec toute sa cargaison et la malle, dans une profondeur de trente pieds

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Georges THUOT ptre

LE CATÉCHISMEEN

ANECDOTESC AN AD I E NN E S

25 est, rue Saint-Jacques M O N T R E A L

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I l C A T É C H I S M EEN

A N E C D O T E S C A N A D I E N N E S

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DU MÊME AUTEURCatéchisme abrégé â* Action catholique, 1934 (épuisé).Les Amicales Féminines Catholiques, 1934 (épuisé).Aux Origines de Montréal, 1942.Le Christ, notre roi, Fides, Montréal, 1945 (2e édition).

FIDES à l’étrangerRua Formosa 91, Sao Paulo, Brésil.5, rue de Mésières, Paris VIe, France.32, Route de Mons, Marchienne-au-Pont, Belgique. 110 East La Salle Ave, South Bend, Ind., U.S.A.

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Nibil obstat. Montréal, le 30 octobre 1945.Gérard YELLE, p.s.s., censeur délégué.

Imprimatur, Montréal, le 30 octobre 1945.Joseph CHARBONNEAU, archevêque de Montréal.

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RIEN QU’UN MOT

Il ne serait pas excessif d}avancer que Vhistoire du Canada est, dans Vensemble, une des plus religieuses du monde, si fortement imprégnée paraît-elle d/un catholicisme ardent, profond et invincible.

Pourquoi, alors, ne pas la faire servir à renseignement de la religion f

Les enfants, et même les adultes se plaisent aux anec­dotes qui, en les reposant à bon escient, ne laissent pas que de graver les idées dans leur esprit et dans leur vie.

Lorsque, au surplus, les faits présentés ont eu les nôtres pour acteurs ou pour scène noire pays, ne sont-ils pas, tout en s>avérant plus faciles à saisir, captés avec une sympathie particulière qu’il serait superflu d’expliquer ?

Il demeure entendu que les écrivains cités dans cet ouvrage retiennent leur responsabilité respective et que, pour notre part, au sujet de la qualité des personnages comme des faits, nous nous abstenons soigneusement d’anticiper les décisions de la sainte Eglise.

Nul besoin d’ajouter que c’est l’espoir d’être utile aux catéchistes — prêtres, parents, professeurs — et, par rico­chet, aux très nombreux enfants de chez nous, qui a soutenu, tout le long de ses recherches, le compilateur de ce trop modeste recueil.

Et il ne croit point devoir offrir d’autre excuse à ceux qui liront ces pages...

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LE PREMIER CATÉCHISME CANADIEN

Le premier catéchisme canadien fut composé par le successeur de Mgr de Laval. En 1691, l’é\ êque de Québec recommande aux curés « de faire le catéchisme, tous les dimanches, aux enfants, par demandes et par réponses, et de se servir, à cet effet, de son catéchisme. » Ils n’en avaient, sans doute, que des copies manuscrites, car ce n’est qu’en 1702, que fut imprimé, en France, le Caté­chisme du diocèse de Québec, par Mgr VIllustrissime et Rêvêrendissime Jean de la Croix de Saint-Voilier, évêque de Québec. Ce manuel resta en usage jusqu’à la Conquête. Mgr Briand fit publier, en 1777, le premier Petit catéchisme du diocèse de Québec. Celui-ci, à cause de ses imperfections et de ses lacunes, fut supplanté, à son tour, par un autre, imprimé en 1815, sur l’ordre de Mgr Plessis.

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CHAPITRE I

LA FIN DE L’HOMME

1. — L'homme est composé d'un corps et d'une âme.

Un sauvage, du nom de René, souvent de jour va dans la chapelle et y demeure en oraison des heures en­tières, sans avoir eu aucune distraction d’esprit. Un soir qu’il faisait un froid excessif, un de nos Pères l’en voyant sortir tout tremblant, longtemps après qu’il y était entré, n’ayant pour tout vêtement qu’une peau d’ours qui ne lui couvrait que la moitié du corps, le tança tout douce­ment d’être demeuré si longtemps en son oraison, vu la rigueur du froid. Je suis entré tout nu, n’ayant qu’une petite prière à faire, répondit simplement ce bonhomme, âgé de moins de soixante ans ; mais ayant commencé, dit- il, je ne me suis pas aperçu que j ’y fusse longtemps, et je ne songeais pas que j ’y avais grand froid. Souvent choses semblables lui arrivent, il les fait exprès pour mériter davantage et se punir soi-même. Pourquoi, dit-il, ne ferais-je pas souffrir quelque chose à mon corps ? je lui rends ce qu’il fait souffrir à mon âme : il m’a troublé l’esprit durant que je priais, et faisait que mon âme

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s’ennuyait parlant à Dieu, peu s’en est fallu que je n’aye tout quitté là : si cela demeurait impuni, il me ferait toujours le même.

Un autre sauvage chrétien, nommé Charles, disait : « Avant que d'être baptisé, mon corps et mon âme trem­blaient dans les dangers ; maintenant mon âme est en lieu d'assurance, quoique mon corps redoute le péril. » Relation des Jésuites de la Nouvelle-France (1642).

2. - Notre âme est douée d’une intelligence et d’une volontélibre.

Louis Hébert mourut le 25 janvier 1627. Avant de rendre le dernier soupir, il dit à sa femme et à ses enfants : « Je meurs content, puisqu’il a plu à Notre-Seigneur de me faire la grâce de voir mourir avant moi des sauvages convertis. J ’ai passé les mers pour les venir secourir, plutôt que pour aucun intérêt particulier, et je mourrais volontiers pour leur conversion si tel était le bon plaisir de Dieu. Je vous supplie de les aimer comme je les ai aimés, et de les assister selon votre pouvoir. Dieu vous en saura gré et vous en récompensera en Paradis. Ce sont des créatures raisonnables comme nous, et elles peuvent aimer un même Dieu que nous, si elles en avaient la con­naissance, à laquelle je vous supplie de les aider par vos exemples et vos prières... Cette vie est de courte durée, et celle à venir est pour l'éternité ; je suis près d’aller devant mon Dieu, qui est mon juge, auquel je dois rendre compte de toute ma vie passée, priez-le pour moi, afin que je puisse trouver grâce devant sa face, et que je sois un jour du nombre de ses élus. » Cité par l’abbé A. Couillard-Després dans Louis Hébert et sa famille.

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LA FIN L E L ?HOMME 11

3 , — Pourquoi Dieu nous a créés.Des premiers Montréalais, le P. Vimont a écrit :

« Il y a environ cinquante-cinq personnes de divers pays, de différentes humeurs, de diverses conditions, et tous d’un même cœur et dans un même dessein de servir Dieu. Chacun s’est si bien acquitté de son devoir envers Dieu et les hommes, qu’on n’a trouvé aucun sujet de se plaindre, l’espace de dix mois entiers... » Relation, 1643.

« Croiriez-vous bien que plusieurs des ouvriers qui travaillèrent ici, dès le départ de France ne se sont pro­posé d’autre motif que celui de la gloire de Dieu et de leur salut en un lieu retiré des occasions de mal faire ? La seule pensée qu'ils contribuent autant qu’ils peuvent au salut des âmes, les fait travailler de si bon courage, qu’il ne leur arrive jamais de se plaindre. )> Ibid.

4. — Il faut 'prendre plus de soin de notre âme que de notrecorps.Cbamplain a écrit : « Nos rois ont arboré l’étendard

de la Croix dans ces lieux, pour y planter la foi chrétienne. » Puis il ajoute : « Les lauriers les plus illustres que les princes et les rois peuvent acquérir dans ce monde, sont ceux qui leur méritent des couronnes au ciel, lorsque, par leur travail et leur piété, ils attirent à la profession de la religion catholique, apostolique et romaine, un grand nombre d’âmes qui vivaient sans foi, sans loi, sans con­naissance du vrai Dieu. Car la prise des forteresses, ni le gain des batailles, ni la conquête des pays ne sont rien en comparaison du salut des âmes et de la gloire de Dieu ; et la conversion d’un (seul) infidèle vaut mieux que la conquête d’un royaume. » Faillon, Histoire de la Colonie Française en Canada.

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5. — Le prix de l’âme.

Les missionnaires qui s’enfoncent dans les pays loin­tains pour y évangéliser les païens doivent affronter une multitude de dangers. En plus du froid et de la faim, in­convénients ordinaires des missionnaires du nord, s’ajoute le danger de l’écrasement des vaisseaux par la glace. Un incident du genre nous est raconté par le Père Gendreau,o.m.i., s’adressant à scn évêque, Mgr Langevin : « Les froids nous ont pris cette année quinze jours plus tôt que l’année dernière. Le steamer (Stratton) descendait paisi­blement le Yukon, au milieu des glaçons flottants, lou­voyant avec difficulté à travers les banquises, lorsque, le 24 octobre dernier, à minuit, il s’est trouvé pris dans les glaces, pressé, écrasé. Il a fini par disparaître sous la glace avec un bruit effrayant causé par l’explosion de la chaudière et les craquements de la coque écrasée par les banquises. Les passagers ont eu juste le temps de sauter sur la glace mouvante qui les environnait ; puis le bateau a sombré avec toute sa cargaison et la malle, dans une profondeur de trente pieds d’eau. C’est un vrai miracle qu’il n’y ait pas eu de perte de vie. Le P. Desmarais vient d’arriver, après avoir marché cent quarante milles, souf­frant de la faim, du froid et de la fatigue. Il a perdu tout ce qu’il avait, même sa soutane et son bréviaire. » Nos Ephémêrides, Le Devoir.

6. — Ce qu’il faut faire pour se sauver.

A la rivière, qu’il avait baptisée Sainte-Croix et où il devait hiverner, Jacques Cartier s’entretint plusieurs fois avec les sauvages sur la nécessité de la foi chrétienne. Il se sert comme interprètes de sauvages qui avaient été

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LA F IN DE L'HOM M E 13

conduits en France. Il tâche de les retirer de leurs erreurs ; il leur parle d’un Dieu unique ; de Jésus-Christ, de sa doctrine, de sa morale et de la nécessité pour tous les hommes de croire en lui et de recevoir le baptême sous peine de damnation. Faillon, Histoire de la Colonie Fran­çaise en Canada.

7. — C’est l’Eglise catholique qvi nous enseigne ce qu’il fautcroire et pratiquer.

J ’examinais un jour la main d’un vieillard, privée de son pouce, raconte Mgr Taché. S’étant aperçu de mon attention, il me dit d’un ton de conviction qui me toucha : « J ’étais un jour, à la chasse, en hiver, loin de ma loge. Il faisait froid. Je marchais. Tout à coup, j ’aperçois des caribous (rennes). Je les approche ; je les tire ; mon fusil crève et m’emporte le pouce. Déjà beaucoup de mon sang n’était plus. En vain je m’efforçai d’en tarir la source. Impossible. Alors j ’eus peur de mourir. Mais me souvenant de Celui que tu nommes Dieu, et que je ne connaissais pas bien, je lui dis : (( Mon Grand Père (Lett- sie), on dit que tu peux tout ; regarde-moi, et, puisque tu es le Puissant, soulage-moi. » Tout à coup, plus de sang, ce qui me permit de mettre ma mitaine. Je regagnai ma loge, où je m’écrasai de faiblesse, en entrant. Je compris alors qu’elle est la force du Puissant. Depuis ce moment, j’ai toujours désiré de le connaître. C’est pour­quoi, ayant appris que tu étais ici, je suis venu de bien loin, pour que tu m’enseignes à servir Celui qui m’a sauvé, et qui, seul, nous fait vivre tous. » R. P. Duchaus- sois, Aux Glaces polaires.

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14 LE CATÉCHISM E E N ANECDOTES

8. — Ce que V Eglise nous enseigne.

Le P. Paul LeJeune écrit pour l’année 1633 : « J ’étais l’an passé maître de deux écoliers, je suis devenu riche, j ’en ai maintenant plus de vingt. ...Je leur fais dire le Pater, Ave et Credo en leur langue. Je leur explique gros­sièrement le mystère de la Sainte Trinité, et de l’Incar­nation... Je les interroge par après s’il y a plusieurs Dieux, et laquelle des trois personnes s’est faite homme... Mes écoliers me viennent trouver d’une demi-lieue loin... Il y en a déjà quelques-uns qui savent fort bien qu’il n’y a qu’un Dieu, que Dieu a tout fait, qu’il s’est fait homme pour nous, qu’il lui faut obéir, et que ceux qui ne croiront pas en lui iront dans les feux, et ceux qui lui obéiront iront dans le ciel... » Relation, 1633.

9. — Le symbole des Apôtres : abrégé de la foi catholique.

En 1603, à Tadoussac, Champlain, ayant questionné les barbares, reconnut, comme l'avait déjà fait Jacques Cartier, qu’ils avaient de Dieu les idées les plus tristes et les plus ridicules ; et, à l’exemple de ce navigateur, il prit de là l’occasion de leur exposer, en abrégé, la foi catholique, sans omettre le culte des saints, l’un des points que com­battaient alors les huguenots. Faillon, Histoire de la Colonie Française en Canada.

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CHAPITRE II

LES PERFECTIONS DE DIEU

LA SAINTE TRINITE

10. — Dieu est partout

Au cours de son deuxième ou de son troisième voyage outre-mer, Marguerite Bourgeoys entendit le capitaine lui dire : « Ma sœur Bourgeoys, nous sommes perdus ! Mettez-vous en prière avec toutes vos filles. » Celles-ci lui dirent à leur tour : « Ma sœur, nous allons être prises ; qu'allons-nous devenir ?» La sœur, sans être émue, leur dit d'un air riant : « Si nous sommes prises, nous irons en Angleterre ou en Hollande, et là nous trouverons Dieu comme partout ailleurs. » En fait, au bout de quelques heures, on perdit de vue les navires anglais. (Faillon, Vie de la Sœur Bourgeoys.)

11. — Dieu nous voit

Un jeune païen, ayant eu souvent le refus d'une fille chrétienne, épia l'occasion de la trouver seule à l'écart, lorsqu'elle allait quérir du bois dans la forêt voisine. « Pas un maintenant ne te voit, lui dit-il, pourquoi rougirais-tu

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de pécher avec moi ?» — « Massacre-moi au milieu de ces bois, lui répond la fille chrétienne, pas un maintenant ne te voit, pourquoi aurais-tu horreur de ton crime ? Pour moi, je souffrirai plus volontiers la mort que de com­mettre le péché dont tu me sollicites. » Ce fripon n’y est pas retourné. « Maudite race de Chrétiens, disait-il’ en se retirant, ils sont partout inexorables. » Relation, 1644.

12. — Dieu veille sur nous.

Le Frère Georges Martineau, aspirant au sacerdoce, mort prématurément à Rome, en 1922, à l’âge de 24 ans, ne douta jamais qu’il avait été l'objet des attentions les plus délicates de la Providence. Il écrivait un jour : « ...Depuis ma petite enfance, sa main bénie veille sur moi et me protège. A l’âge de quatre ans, je fus miracu­leusement préservé, lorsque ma petite voiture roula sous un cheval qui passait au galop. Je n’eus pas la moindre blessure. Quelques temps après, je faillis trouver la mort en tombant sur une fournaise brûlante. Je m’en tirai prestement. Tout le monde fut étonné de me voir sans aucun mal. A l’âge de sept ans, à la suite d’une chute sur l’escalier en pierre de l'égli3e Notre-Dame-de-Lourdes de Fall-River, je contractai un abcès de nature maligne, qui me conduisit peu à peu aux portes de la mort. Deux mois de souffrances m’avaient épuisé. Jésus voulait me conserver. Par sa permission, le médecin arriva juste à temps pour ouvrir l’abcès, qui, quelques minutes de plus, eût abouti à l’intérieur, provoquant l’empoisonnement du sang. Je.me rétablis promptement. En 1918, j’échappai au danger de la grippe espagnole qui fit tant de victimes au Canada. Je faisais alors les commissions des religieuses du Précieux-Sang ; j ’allais dans les maisons contaminées

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par le fléau, et cependant je m’en tirai sans un jour de fièvre. A l’époque de la conscription militaire, j ’étais menacé ; mon titre de sujet américain me sauvegarda d’un enrôlement qui eût compromis mes études. En 1920, nouveau grand danger, nouvelle protection du ciel. Je quittais New-Bedford pour les Trois-Rivières. Le chef de gare voulait absolument que je prisse un billet de la Compagnie du Grand-Tronc, m’affirmant que tout y allait mieux qu’ailleurs. Poussé par je ne sais quel pres­sentiment, je refusai et j ’achetai un billet du Pacifique Canadien. Or, cette nuit-là même, le train du Grand- Tronc, qu’on avait voulu me faire prendre, entra en collision avec un autre train, entraînant plusieurs pertes de vie. Que serais-je devenu dans cette mêlée ? Voilà quelques-unes des protections de Jésus à mon égard. N’est-il pas juste que je sois tout à lui ? » Jean du Cé­nacle, Histoire d’une Vocation, Le Frère Georges Marti- neau, Religieux scolastique de la Fraternité Sacerdotale.

13.— Dieu est tout-puissant.

Les fondatrices du premier Carmel du Canada vin­rent de France à Montréal. L’une d’elles raconte : « Le surlendemain de notre embarquement, un formidable ouragan se déchaîna... La mer devint si furieuse que les

agues s’élevaient comme des montagnes ; elles attei­gnaient, par moment, la cime du grand mât... Que ces flots mugissants, qui se battaient l’un l’autre, en écumant de fureur, célébraient bien, à leur façon, la puissance et la grandeur de Dieu... La tourmente dura trois jours. Après quelques heures de calme relatif, un nouvel oura­gan... Les secousses étaient si fortes et si continuelles qu’à tout moment on s’attendait à sombrer. Tout à coup notre

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gros navire est soulevé, lancé en l'air par une vague énorme qui le tient suspendu pendant quelques instants... nous avons fait notre acte de contrition... Après quelques se­condes, un fracas épouvantable accompagné d'une se­cousse, qui fit tout craquer autour de nous... C'était le steamer qui se débarrassait des vagues et retombait lour­dement dans l'océan... Le capitaine ne comprenait pas comment l'équipage n'avait pas péri. Pour comble, le contre-coup de la commotion fit ouvrir toutes les armoires, la vaisselle en dégringola, se brisa avec un vacarme qui avait quelque chose de sinistre... Les matelots allaient, ve­naient, munissant chaque cabine de matelas de sauvetage. Le capitaine avoua que depuis trente-cinq ans qu'il par­courait les mers, il n'avait jamais rien vu de pareil... Quand la première aurore du beau mois de Marie parut, la mer était d'un calme parfait. » Histoire de la Révérende Mère Marie-Séraphine-du-Divin-Cœur-de-Jésus} fondatrice et prieure du premier Carmel au Canada.

14. —■ Les trois Personnes de la Sainte Trinité.

Le lundi de la Pentecôte, écrit Mère Marie de l'In­carnation, « entendant la messe dans la chapelle des Révérends Pères Feuillants... en un instant mes yeux furent fermés et mon esprit élevé et absorbé en la vue de la très sainte et auguste Trinité, en une façon que je ne puis exprimer. En ce moment toutes les puissances de mon âme furent arrêtées et souffrant l'impression qui leur était donnée de ce sacré mystère... Elle me faisait connaître que mon âme était dans la vérité ; et cette vérité me faisait voir dans un moment le divin commerce qu'ont ensemble les trois divines Personnes : l'amour du Père, lequel se contemplant soi-même, engendre son Fils, ce

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qui a été de toute éternité et sera éternellement. Mon âme... ensuite... entendait l’amour mutuel du Père et du Fils produisant le Saint-Esprit, ce qui se faisait par u n réciproque plongement d’amour, sans mélange d’au­cune confusion... Voyant les distinctions, je connaissais aussi l’unité d’essence entre les trois divines Personnes... Mon âme... comme elle recevait cette illumination, en­semble elle entendait et expérimentait comme elle était créée à l’image de Dieu : que la mémoire avait rapport au Père Éternel, l’entendement au Fils et la volonté au Saint- Esprit, et que tout ainsi que la très sainte Trinité était trine en Personnes et une seule et divine Essence, aussi l’âme était trine en ses puissances et une en sa substance. » Marie de V Incarnation, par une Religieuse Ursuline de Québec.

15. — Les trois Personnes divines ne font qu’un seul etmême Dieu.

Mère Marie de l’Iacarnation raconte un de ses ravis­sements : « ...J’étais à genoux en ma place devant le très Saint Sacrement... Je me seatis toute changée dans l’in­térieur. Il me fallut m’asseoir, parce que mes sens se reti­raient peu à peu et je ne me pouvais plus soutenir à .genoux. Lors, un soudain attrait ravit mon âme. En un moment, mon entendement fut illustré de la vue des trois Personnes de la sainte Trinité... Toutes les trois Personnes de la très sainte Trinité m’absorbèrent en elles, de sorte que je ne me voyais point dans l’une que je ne me visse dans les autres. Pour mieux dire, je me voyais dans l’Unité et dans la Trinité tout ensemble .. E t comme les trois divines Personnes me possédaient, je les possédais aussi

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dans l’amplitude et la participation des trésors de la magnificence divine... » Ibid.

16. — Un mystère.

Un sauvage du nom de René disait : « Souvent je me réveille au milieu de la nuit, je songe à Dieu... » ...Une nuit, ce bonhomme après s’être longtemps entretenu sur les grandeurs de Dieu, s’y trouva sans y penser, engagé dans la profondeur d’un mystère dont il ne trouvait point d’issue. « Mais comment, disait-il, se peut-il faire qu’un Père et un Fils soient de même, sans être le même ? Si Dieu le Père est vraiment Père, se produit-il soi-même, puisqu’il ne produit pas un autre Dieu ? » C’étaient des ténèbres pour lui, plus obscures que celles de la nuit. Le jour étant venu, il vint chercher lumière sur sor. doute. (( Mais, lui dit-on, quelle pensée as-tu eue là-dessus ? Qu’eussé-je pensé autre chose, répondit-il, sinon que Dieu n’est pas un homme comme moi ? Si un chien, disais- je en moi-même, voulait songer quelles sont les pensées des hommes, que devrait-il dire autre chose, sinon que l’homme n’est pas tout de même qu’un chien. Dieu ne serait pas tout-puissant et ce qu’il est, si je pouvais comprendre ce qu’il est. » Relation, 16*42.

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CHAPITRE n i

LA CREATION—LES ANGES NOS PREMIERS PARENTS

17. — Dieu créateur.

Mère Sérapbine-du-Divin-Cœur-de-Jésus reprit un jour une de ses religieuses carmélites qui avait jeté des fleurs fraîches cueillies, sous prétexte qu’elles n’étaient pas belles. « Tout ce que le bon Dieu fait est beau, mon enfant, si vous aviez examiné ces fleurs dédaignées, vous y auriez découvert des merveilles. Si vous vous étiez sou­venue que ces fleurettes étaient un cadeau du bon Dieu, vous ne les auriez pas jetées... Si le Saint-Père vous les avait envoyées... vous ne les auriez pas trouvées laides. Vous les auriez conservées avec soin... Après tout, le Saint-Père est un homme. Tirez la conclusion. Les saints ne faisaient pas comme ça. Une fleurette des bois, un brin d’herbe les transportaient d’admiration, les élevaient à Dieu, les excitaient à le louer... »

Elle aimait à considérer, à travers une loupe, les moucherons, les papillons, le duvet des oiseaux, voire même de simples feuilles d’arbres, dans le but d’admirer, et de faire admirer à ses filles, la magnificence et la puis­sance du bon Dieu dans ces infimes créatures. Histoire de la Révérende Mère Marie-Séraphine-du-Divin-Cœur-de- Jésus**w

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22 LES CATÉCHISMES ESN ANECDOTES

18. — Dieu a tout créé par sa toute-puissance.

Une novice racontait qu'un jour elle gaspillait l'eau, la laissant couler à plaisir en se lavant les mains. Mère Séraphine lui dit : « Ne faites pas cela, mon enfant, ce n'est pas bien. » — <( Ma Mère, reprit la novice,... je croyais qu'on ne manque pas à la sainte pauvreté, en dépensant inutilement de l'eau qui ne coûte rien. » (L'eau venait d'un aqueduc qui était sur notre propriété du coteau, par conséquent elle arrivait gratis au cloître.) — « Soit, mon enfant, mais là n'est pas la question. Je vous ai avertie parce que je désire que vous traitiez avec plus de révérence les bienfaits du bon Dieu. Si vous aviez pensé qu'il n 'a fallu rien moins q\ie sa Toute-Puissance, pour créer cette eau dont vous mésusiez, et que celle dont vous aviez besoin avait été créée expressément pour vous, par respect, autant que par délicatesse et par recon­naissance, vous n ’auriez employé que celle qu'il vous fallait raisonnablement, en bénissant la Providence. )) Ibid,

19. — Tout doit tourner à la gloire de Dieu.

Le cardinal de Fleury offrait à l'abbé de Pontbriand un siège épiscopal en France ou au Canada. Il répondit que, tout indigne qu'il se reconnaissait de l'épiscopat, si on lui laissait le choix parmi les évêchés de France, il donnerait volontiers la préférence à celui de Québec, parce qu'il pensait y avoir plus à travailler pour la gloire de Dieu. Il s'exprima dans les mêmes termes à l'un de ses frères : « Quand je serais sûr, dit-il en le quittant, de trouver des millions en arrivant à Québec, rien ne serait capable de me faire embarquer, tant est grande la répu­gnance que j'ai pour la mer ; mais il est question de la

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LA CRÉATION — LES ANGES 23

gloire de Dieu et du salut des âmes, rien ne me retardera. )) Mgr H. Têtu, Les Évêques de Québec.

20. — Les anges servent Dieu.

Saint Charles Garnier avait un recours particulier aux anges et en ressentait des secours très puissants. Des sau­vages qu’il allait assister à l’heure de la mort, l’ont vu accompagné d’un jeune homme, disaient-ils, d’une rare beauté et d’un éclat majestueux, qui se tenait à son côté, et qui les amenait à obéir aux instructions du Père. Ces bonnes gens n’en pouvaient dire davantage, et deman­daient quel était ce compagnon qui ravissait ainsi leur cœur. Ils ne savaient pas que les anges font plus que nous dans la conversion des pécheurs, quoique pour l’ordinaire leür opération ne soit pas si visible. Relation, 1650.

21. — Les anges s’occupent de nous.

La dévotion de Jeanne LeBer « envers les bons anges était aussi ardente que généreuse. La pensée de ces esprits bienheureux qui sont sans cesse en la présence de Dieu, l’affectait de telle manière qu’elle ne pouvait se souvenir d’eux sans éprouver dans son cœur de grands sentiments de confiance et d’amour. )> (Eloge funèbre par M. de Bel- mont, p.s.s.) Un jour, elle dit à une sœur de la Congré­gation, qui voulait obtenir une grande faveur : « Les anges vous aideront, si vous les priez bien. Us ne me refusent jamais rien. » Marie Beaupré, Jeanne LeBer.

22. — Devoir d’invoquer son ange gardien.

Dans l’Ouest, l'ennemi des campements dans les bois, est le cyclone, qui saisit tout à coup la forêt, la disloque,

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arrache les vieux troncs à leurs racines vermoulues, et les fracasse contre le sol. Un missionnaire célèbre, Mgr Clut, « l’évêque de peine )>, campait ainsi avec le Frère Rousset, son compagnon. « Après le souper, raconte-t-il, nous commençâmes une petite causerie que la tourmente vint bientôt interrompre. Le vent et les tourbillons de neige nous avertirent qu’il était temps de nous glisser sous nos couvertures et de nous y tenir enveloppés de notre mieux. Le vent devint si furieux que les arbres craquaient autour de nous, et menaçaient de nous écraser dans leur chute. J ’eus l’idée toute la nuit que le cinquante- deuxième anniversaire de ma naissance pourrait biea être le dernier. Changer1 de place, il n’y avait pas à y penser par le temps qu’il faisait. Ma ressource était de me confier à mon a âge gardien. Je lui adressai bien souvent la prière Angele Dei. » R. P. Duchaussois, o.m.i., Aux Glaces polaires,

23. — Le déwon.

« En ce temps-là, écrit Marie de l’Incarnation, qui pouvait avoir alors vingt-cinq ans, les tentations ne me manquèrent pas, tant de la part du diable, que du monde et de mon amour-propre... Le diable me représentait une troupe de singeries. Pour ce qui était de mon corps, il nu mettait en l’esprit que j ’étais bien folle de le faire tant souffrir ; qu’il y avait plusieurs personnes dans le christia­nisme qui gardaient les commandements de Dieu et qui seraient sauvées sans tant de peines ; e t à quoi bon cet assujettissement à un directeur ! que c’était- une chose par trop rude, et qu’il n’y avait rien de mal à suivre sa propre volonté... Je fus attaquée aussi de plusieurs pensées de bonne estime de moi-même, et sollicitée par cette ten-

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LA CRÉATION — LES ANGES 25

tation de m’approprier plusieurs choses, tant pour l’inté­rieur que pour l’extérieur, comme si elles m’eussent appar­tenu. » Marie de VIncarnation, par une Religieuse Ursu- line de Québec.

24. — Nous descendons tous d’Adam et d’Eve.

En 1875, eut lieu à Nancy l’Assemblée internationale des savants « américanistes » de l’univers. Le baron de Rosny, professeur de langue japonaise, fit une conférence pour prouver que les Peaux-Rouges n’avaient pu émigrer d’un autre continent. Us étaient doac autochtones. « S’ils sont autochtones, la révélation de l’unité de notre espèce est un mensonge, et la Bible s’écroule ainsi tout entière sur les ruines de sa première page. » C’est à cette conclu­sion qu’en viendrait le congrès. Mais le Père Petitot, qui se trouvait dans l’assemblée avec le P. Grouard, se lève, invoque son titre de missionnaire des Dénés et des Esqui­maux du Cercle polaire, parmi lesquels il vient de passer quinze années, et demande modestement qu’on veuille bien suspendre jusqu’au lendemain la conclusion du débat. Les deux jours suivants le Père poursuivit sa thèse. E t on dut enregistrer cette proposition : « Il est établi, par la communauté de leurs croyances, de leurs usages, de leurs coutumes, de leurs langues, de leurs armes, avec les races asiatiques et océaniennes ; par leurs souvenirs d’autres terres, dont ils décrivent les animaux inconnus aux leurs, que les Esquimaux, les Dénés et les autres Peaux-Rouges sont incontestablement d’origine asiatique. )) Ce fut pour la libre pensée, un échec sensible. Car ils ne pourraient plus invoquer le cas des Indiens pour attaquer l’unité de l’espèce humaine qui remonte à Adam et Ève. R. P. Du- chaussois, Aux Glaces polaires.

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CHAPITRE IV

LES ESPECES DE PÈCHES

25. — Crainte du péché.

L’abbé Messier, (( ce bon prêtre, pieux et instruit, directeur d’âmes très éclairé », disait d’un grand évêque missionnaire de l’Ouest : « Je tiens pour certain que Mgr Faraud a emporté au ciel l’innocence de son bap­tême. » E t cela nous rappelait une parole de l’évêque, rencontrée dans l’une de ses lettres à son supérieur géné­ral : (( Je suis ainsi fait que je ne crains rien que le péché. » R. P. Duchaussois. Ibid.

26. — Péché véniel.

De saint Jean de Brébeuf, martyrisé en 1649, on a pu écrire : « La pureté de sa conscience était comme la prunelle de l’œil qui ne peut souffrir la moindre petite poussière, ni un seul grain de sable. Dès l’année 1630, il écrit qu’il ne sentait en soi-même aucune attache à aucun péché véniel, ni le moindre plaisir du monde ; que sa volonté en était éloignée comme de son plus grand ennemi, et qu’il choisirait plutôt toutes les peines des enfers, que le moindre péché. » Relation, 1649.

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2 7 . — Le péché mortel mérite Venfer.

Un jour, quelques infidèles, voyant Charles Tsondat- saa inflexible à toutes leurs prières, lorsqu'il s'agissait de quelque offense contre Dieu, et n'ayant jamais pu tirer de lui d’autre réponse, sinon qu'il redoutait moins le feu que le péché, prirent dessein d'éprouver son courage... Us l'invitèrent d'entrer dans un bain « de vapeur... » Ce bon chrétien qui ne sait rien de leur dessein, prend cela comme une faveur ordinaire à ces peuples... Il entre dans ce bain, mais il sent dès son abord une chaleur si excessive, qu'il les prie de lui permettre d'en sortir. Camarade, îui répond celui qui l'avait invité, j'ai songé cette nuit qu'il fallait que tu dises trois mots en l'honneur de mon démon familier, autrement quelque malheur m'arrivera : je te prie, oblige ton ami, et si tu désires sortir ne me refuse pas trois paroles. Charles voit bien qu'on le veut obliger par force à ce que la douceur n'avait jamais pu emporter de lui. Camarade, lui réplique-t-il, le feu d'enfer est plus chaud que celui-ci, pour éviter l'un je serais fou de me jeter dans l'autre : tu pourras bien me faire ici mourir si tu veux, mais non pas tirer de ma bouche aucun mot qui souille mon cœur. Tu sauras que je n'ai point de langue lorsqu'il faut commettre un péché... Cependant la chaleur redouble, il se voit au milieu d'un amas de pierres toutes rouges de feu et de charbons qui s'enflamment de plus en plus, et ne peut pas se remuer s’il ne veut marcher sur les braises. Mes camarades, leur dit-il, le cœur me manque, mais non pas le courage, j'étouffe ici et ne puis respirer, mais sachez que quelque violence qu'on m’apporte, jamais je ne plierai à vos désirs. Là-dessus, celui qui l'avait invi­té... vomit mille blasphèmes... ; mais plus il entre en rage, plus il voit qu'un courage vraiment chrétien n'a de

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28 LE CATÉCHISM E EN ANECDOTES

crainte que pour le péché. Enfin les autres infidèles... prennent la cause de l’innocent, tancent cet insolent d’en venir à ces extrémités, et lui-même est confus lorsqu’ayant découvert l’hypocauste, il voit ce bon chrétien qui n’avait plus quasi ni de pouls ni de force, et qui étant sorti et revenu à soi n’eut point d’autres paroles pour se venger de toutes ces injures, sinon que le regardant d’un œil aussi ami qu’à l’ordinaire : « Mon camarade, lui dit-il, tu m’as tué, mais cela me console que je n’aie pas offensé Dieu... » Relations} 1644.

28, — Horreur du péché.

Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, reine de France et donc aussi de la Nouvelle-France, pleurait, un jour, « une faute légère dans laquelle elle était tombée. Ses dames d’honneur voulaient la consoler. Elles lui disaient que cette faute n’était que vénielle. <( N’importe, répondit la noble reine, en fondant en larmes, Dieu est offensé : elle est mcrtelle pour mon cœur. » Abbé R. Turcan, Le Directeur des Catéchismes...

« Elle a dit souvent, dans cette bienheureuse simplicité qui lui était commune avec tous les saints, qu’elle ne comprenait pas comment on pouvait commettre volontairement un seul péché, pour petit qu’il fût. Elle ne disait donc pas : Il est véniel ; elle disait : Il est péché ; et son cœur innocent se soulevait. Mais, comme il échappe toujours quelque péché à la fragilité humaine, elle ne disait pas : Il est léger ; encore une fois, il est péché, disait-elle. » Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse dJ Autriche.

Pendant la retraite préparatoire à sa profession reli­gieuse, le P. Alfred Pampalon écrivit : « ...Je dois avoir

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ESPÈ C E S DE PÉC H É 29

la plus vive horreur pour le péché qui déshonore Dieu et contriste l’Esprit-Saint : Nolîte contristare SpiritumSanctum. Ce qui attriste l’Esprit-Saint ce n’est pas seule­ment le péché mortel, c’est encore le péché véniel. Je dois donc penser que si, par négligence, je n’observe pas les Règles, même les plus petites, je vais attrister l’Esprit- Saint et mériter ses reproches : <( Celui qui est négligent dans les petites choses, se négligera dans les grandes )). Il est donc de mon plus grand intérêt d’observer les plus petites règles comme les plus importantes. Ne vaut-il pas mieux servir Dieu avec ferveur et s’assurer par là l’amitié du Seigneur et le bonheur éternel que de le servir avec tiédeur, de s’attirer par là la colère de Dieu, et de mettre don salut en danger ? » Une Fleur Canadienne... R. P. Alfred Pampalon, c.ss.r.

29. — Uhumilitê opposée à Vorgueil.

Mère Marie-Anne fonda la communauté des Sœurs de Sainte-Anne en 1850. En 1856, Mgr Bourget lui dit : cc Vous allez vous déposer de bon cœur, ma bonne mère. )) Jusqu’en 1890, date de sa mort, Mère Marie-Anne vécut presque toujours dans l’obscurité. A une jeune novice qui s’étonnait de la voir, elle, fondatrice, confondue avec les autres religieuses, Mère Marie-Anne dit doucement : « Ma chère petite sœur, ne savez-vous pas qu’un arbre est d’autant plus vigoureux que ses racines s’enfoncent plus profondément dans la terre ? » Marie-Claire Daveluy, Dix Fondatrices canadiennes.

30. — Détachement des biens de la terre opposé à Vavarice.

Quelques jours avant de mourir, Mgr Charlebois dit à son coadjuteur, Mgr Lajeunesse : «O h ! je n’ai rien.

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Tout appartient à la corporation épiscopale. Pour les fu­nérailles, c'est facile à régler. Je suis né pauvre ; j'ai quêté toute ma vie de missionnaire ; je ne veux pas mourir en millionnaire. Comme cercueil, je veux quelque chose de pauvre. Combien coûtent ceux que le Gouver­nement fournit aux Indiens ? » — <( De quarante à cin­quante dollars. )) — « Alors, c'est cela que je veux. E t puis je ne veux pas être enterré dans la cathédrale. On serait obligé de faire une voûte en ciment, et ça coûterait trop cher. Vous me mettrez dans le cimetière. ))

Dans le testament de l'évêque, en lisait : « Je dé­clare de plus, que je ne possède rien en propre, et que je ne lègue absolument rien à mes héritiers naturels. » J.-M., Pénard, o.m.i. Mgr Charlebois.

,31. — Chasteté opposée à Vimpuretê.

Dans une tribu huronne où Monsieur de Champlain s'arrêta plus longtemps, au voyage qu'il fit ici, il y a en­viron 22 ans..., sa réputation vit encore dans l'esprit de ces peuples barbares, qui honorent, même après tant d'années, plusieurs belles vertus qu'ils admiraient en lui, et particulièrement sa chasteté, et continence... Plût à Dieu que tous les Français, qui les. premiers sont venus en ces contrées, lui eussent été semblables : nous n'en rougirions pas si souvent auprès de nos Sauvages qui nous objectent les impudicités et les1 débauches de plusieurs, comme si c'était une marque infaillible que ce dont nous les menaçons de l'enfer ne soit rien que des fables, puisque ces premiers Français qu'ils ont connus n'en avaient point de crainte. Relation, 1610.

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ESPÈ C ES DE PÉCH É 31

3 2 , — Acte de justice opposé à Venvie.

M. Joseph Planté, membre du parlement, inspecteur du domaine du Roi et greffier du Papier Terrier fut des­titué (par un acte de rigueur de l'oligarchie). Frappé de cette injustice, ce grand et loyal patriote plaida si bien sa cause auprès du gouverneur Craig que celui-ci reconnut s o n innocence, ajoutant, néanmoins, qu'il était trop tard ; qu'il avait nommé M. Olivier Perrault pour le remplacer ; que si, cependant, ce qui n'était guère probable, le nouveau greffier consentait à envoyer sa démission, il serait prêt à le réintégrer dans sa place.

Perrault se rendit auprès du gouverneur, après une entrevue avec M. Planté : (( Excellence, dit-il, j'ai accepté avec reconnaissance la place dont vous m'avez gratifié, mais il me répugne de profiter du malheur d'autrui, et je prie Votre Excellence de vouloir bien accepter ma dé­mission. »

Sir James Craig, touché d'un acte de générosité qui lui permettait de réparer une injustice, dcnna à M. Perrault les louanges qu'il méritait et lui promit de l'en récompenser aussitôt que l'occasion s'en présenterait. E t M. Perrault, qui était avocat, fut nommé juge de la Cour du Banc du Roi. P.-A. de Gaspé, Mémoires.

33. — Frugalité opposé à la gourmandise.

Les anciens Canadiens étaient d'une frugalité exem­plaire. Les viandes ne paraissaient presque sur la table que durant le temps des fêtes ou aux jours des grandes réjouissances. Le reste de l'année on se contentait de lait, d'œufs, de poissons, de soupe aux pois, de bouillie de maïs pilé, de crêpes, de pain grossier, de fruits, de légumes. Ce

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régime quasi végétarien ne les empêchait pas d'acquérir une santé et une vigueur admirables. Ecoutez ce que disait Mère Marie de l'Incarnation : « Un pauvre homme aura huit enfants et plus, qui l'hiver vont nu-pieds etnu-tête, avec une petite camisole sur le dos, qui ne vivent que d'anguilles et un peu de pain, et avec tout cela, ils sont gros et gras. » E.-Z. Massicotte, Athlètes canadiens- français.

34. — L* ivrognerie.

Voici ce qu'écrivait Mère Marie de l'Incarnation sur le commerce de l'eau-de-vie qui causa de si grands ravages dans la colonie, et que Mgr de Laval ne cessa de com­battre : « Il y a dans ce pays des Français si misérables et sans crainte de Dieu, qu'ils perdent tous nos nouveaux chrétiens, leur donnant des boissons très violentes, comme de vin et d'eau-de-vie... ces boissons perdent tous ces pauvres gens, les hommes, les femmes, les garçons et les filles mêmes... Us sont pris tout aussitôt et deviennent comme furieux. Us courent avec des épées et d'autres armes, et font fuir tout le monde, soit de jour, soit de nuit... Il s'ensuit de là des meurtres, des brutalités mons­trueuses et inouïes... Mgr, notre prélat, a fait tout ce qui se peut imaginer pour en arrêter le cours comme une chose qui ne tend à rien moins qu'à la destruction de la foi et de la religion dans ces contrées. Il a employé toute sa douceur pour détourner les Français de ce commerce si contraire à la gloire de Dieu et au salut des sauvages. Us ont méprisé ses remontrances, parce qu'ils sont main­tenus par une puissance séculière qui a la main forte... Mais enfin, le zèle de la gloire de Dieu a emporté notre prélat et l'a obligé d'excommunier ceux qui exerçaient ce

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trafic. Ce coup de foudre ne les a pas plus étonnés que le reste ; ils n'en ont tenu compte disant que l’Église n'a pas de pouvoir sur les affaires de cette nature... Il a pensé mcurir de douleur à ce sujet, et on le voit sécher sur pied. »

35. — Péchés causés par V ivrognerie.

Au retour des Français à Québec, en 1632, le P. LeJeune écrit : « Depuis que je suis ici je n'ai vu que des sauvages ivres ; on les entend crier et tempêter jour et nuit, ils se battent et se blessent les uns les autres, ils tuent le bestial de Madame Hébert, et quand ils sont retournés à leur bon sens, ils vous disent : Ce n'est pas nous qui avons fait cela, mais toi qui nous donnes cette boisson. Ont-ils cuvé leur vin, ils sont entre eux aussi grands amis qu'auparavant ; se disant l'un l'autre : Tu es mon frère, je t'aime, ce n'est pas moi qui t'ai blessé, mais la boisson qui s'est servi de mon bras. J'en ai vu de tout meurtris par la face ; les femmes mêmes s'enivrent et crient comme des enragées... Passé huit heures du matin il ne fait pas bon les aller voir sans armes, quand ils ont du vin. Quelques-uns de nos gens y étant allés après le dîner, un Sauvage les voulut assommer à coup de hache ; mais d'autres Sauvages, qui n'étaient pas ivres vinrent au secours. Quand l'un d'eux est bien ivre, les autres le lient par les i ieds et par les bras, s'ils le peu­vent attraper. Quelques-uns de leurs capitaines sont venus prier les Français de ne plus traiter d'eau-de-vie, ni de vin, disant qu'ils seraient cause de la mort de leurs gens. C'est bien le pis quand ils en voient devant eux d'autres autant ivres qu'ils sauraient être. » Relation, 1632.

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34 LE CATÉCHISM E E N ANECDOTES

Après la mort de Champlain, M. de Chateaufort avait fait afficher à un poteau, devant l'église, le 29 décembre 1635, des défenses, sous certaines peines, de blasphémer, de s'enivrer, et de manquer volontairement d'assister à la sainte messe et au service divin les jours de dimanches et de fêtes. On attacha même un carcan à ce poteau, et on plaça tout auprès un cheval de bois pour y exposer les coupables, afin de contenir les autres dans le devoir par la crainte et l'infamie. E t comme les meil­leures lois ne servent de rien si on les ne fait observer, nous voyons que le 6 janvier 1636, on mit sur le cheval de bois un homme convaincu d'ivrognerie et de blasphème. Faillon, Histoire de la Colonie Française.

Le Père Fievez, rédemptoriste, racontait le trait sui­vant : « Une bonne vieille Irlandaise avait un fils ivro­gne... ivrogne achevé, consommé. Mais les mauvais trai­tements du fils n'avaient point altéré la tendresse de la mère ; malgré les larmes amères qu'il lui faisait verser, elle l'aimait toujours. Un jour, plus affligée que d'ordi­naire, elle résolut d'aller à Sainte-Anne demander la con­version de ce cher misérable. Longue et fervente fut sa prière aux pieds de la bonne sainte. La pèlerine était infir­me, elle ne pouvait marcher qu’à l'aide d'une béquille. Bien péniblement, elle se rendit à la balustrade pour vé­nérer la sainte relique. Comme elle la baisait, elle sentit la vie revenir dans sa jambe inerte : « 0 bonne sainte Anne, dit-elle naïvement, vous vous trompez : c'est la conver­sion de mon fils que je suis venue vous demander. Non, je ne vous ai point priée de me guérir. Laissez-moi mon infirmité... laissez-moi mes souffrances... De grand cœur, je les porterai jusqu'à la mort, mais ayez pitié de mon malheureux enfant. Sauvez ce cher infortuné. Éclairez-le

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ESPÈC ES DE PÉCH É 35

sur son état, donnez-lui la force... le courage. » Longtemps elle pleura, supplia. Mais quand elle se releva, il lui fallut bien constater qu'elle était parfaitement guérie, qu'elle marchait aussi facilement, aussi légèrement qu'en ses jeunes années. Elle s'en retourna triste et inquiète en son cœur. En débarquant du bateau, elle aperçut son fils qui l'attendait. L'Irlandais enleva sa vieille mère dans ses bras et, fondant en larmes, lui demanda mille pardons. Il avait reçu une de ces grâces victorieuses qui transfor­ment pour jamais. L'ivrogne a été depuis un modèle de sobriété.)) Laure Conan, dans La Voix du Précieux-Sang.

36. — Ne pas se venger.

Alors que Sir Joseph Dubuc était juge, un protestant de Winnipeg lui fit un tort considérable. L'occasion de se venger s'offrit à lui, à quelque temps de là, très belle et très facile. Il s'en garda bien, au su de l'autre. Quelques jours après, il quittait le palais de justice pour passer à Saint-Boniface. C'était le soir. Arrivé au pont, il aperçoit un individu, seul, qui évidemment l'attendait. C'était son homme. Que voulait-il ? Le remercier d'avoir été si bon pour lui : il exprimait en même temps son admiration pour une telle conduite. « Mais, Monsieur, repartit le magistrat, je n'ai fait que ce que ma religion nous demande. » Le îuge ajoutait : <( Ce brave homme se serait jeté à mes genoux, si les protestants n'avaient pas les genoux si raides ! » R. P. E. Lecompte, s.j., Sir Joseph Dubuc.

S7. — La colère.

Quelques années avant sa première communion, Her­mine Frémont avait entendu lire le trait de la vie de sainte Monique, qui promettait à une femme emportée et que-

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relieuse qu'elle se corrigerait, si elle avait soin de se remplir la bouche d'eau et de l'y garder tant que durerait l'émotion. L'enfant résolut de profiter du conseil de la sainte. Elle était portée à de grandes vivacités, et se que­rellait quelquefois avec ses jeunes frères. Elle avait donc un flacon rempli d'eau sucrée, qu'elle portait toujours sur elle, et lorsqu'elle se sentait émue et prête à faire des reproches, elle remplissait sa bouche d'eau et l'y conser­vait jusqu'à ce que l'émotion fût calmée. A. Braun, s.j., Une Fleur du Carmel. — La Première Carmélite Cana­dienne.

38. — Travail.

Les paysans du Canada... vivaient largement de leurs récoltes ; ils se suffisaient en presque tout à eux-mêmes, ils étaient habiles à façonner le bois pour leurs outils, et ils fabriquaient leurs vêtements. Un des soins de Colbert avait été de faire passer au Canada des femmes sachant filer et tisser la laine ; les sœurs de la Congrégation de Madame Bourgeois, auxquelles le Canada doit tant de choses utiles, répandirent et popularisèrent cet appren­tissage, et pendant le long hiver on fabriquait à la maison toutes les étoffes de la famille. E. Rameau de Saint-Père, La France aux Colonies.

Les Canadiens sont économes et épargnants ; vu la rareté du numéraire, ils se sont toujours appliqués à ache­ter le moins possible et à fabriquer tout ce dont ils peuvent avoir besoin... Les habitants cultivateurs connaissent à peu près tous les métiers ; mais, surtout, ils sont habiles charpentiers et menuisiers. Extrait d'un récit de voyage par l'abbé Massé, en 1804, cité par l'abbé Benjamin Deniers dans La paroisse de SirR&muald d’Etchemin.

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Le métier à tisser jouait jadis un grand rôle dans la yje domestique ; il servait également à l'industrie de la laine et du lin. Chaque année, nos mères faisaient deux pièces, au moins, d’étoffes de toile. <( On n'encourageaitpas les jeunes gens à se marier, à moins que la jeune fille ne pût tisser une paire de draps et que le jeune homme ne pût faire une paire de roues. )> Abbé A.-C. Dugas, Histoire de la paroisse de Saint-Liguori.

39. — La prière, préservatif contre les tentations.

Mère Marie de l'Incarnation écrivait le 29 septembre 1642 : « Un jeune homme de ceux que nous vîmes bap­tiser ne voulut jamais partir qu'il ne fût lavé des eaux du saint baptême. Je l'interrogeai assez longtemps sur les mystères de notre sainte religion et j'étais ravie de l'en­tendre, et de voir qu'il en avait plus de connaissance que des milliers de chrétiens qui font les savants; ce fut pour cela qu'on le nomma Augustin. Durant son séjour à la chasse, il fut contraint de demeurer avec des païens de sa nation, qui est des plus libertines. Us lui donnèrent de grands sujets d'exercer sa foi et sa patience ; mais quoi­qu'ils lui pussent dire, ils ne l'ébranlèrent jamais, et il ne quitta point sa prière, qui est le point sur lequel on le combattait. Étant de retour pour la fête de Pâques : « Ah 1 me dit-il, le diable m'a grandement tenté. — Et que faisais-tu pour le chasser ? — Je tenais, répondit-il, en main le chapelet que tu m'as donné, et faisais le signe de Jésus (c'est le signe de la croix), puis je disais : fi Aie pitié de moi, Jésus, car j'espère en toi, c'est toi qui me détermines, chasse le diable afin qu'il ne me trompe point. » Ainsi ce bon néophyte demeura victorieux de ses ennemis visibles et invisibles. »

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CHAPITRE V

L’INCARNATION

40. — Le Rédempteur.

Le 24 juillet 1534, Jacques Cartier fit élever une croix haute de trente pieds, en présence de plusieurs sau­vages... ; ils la considérèrent beaucoup... <( L'ayant levée en haut, rapporte Jacques Cartier, nous nous agenouil­lâmes tous, ayant les mains jointes, l'adorant à la vue de ces sauvages ; et nous leur faisions signe, en regardant et en leur montrant le ciel, que d'elle dépendait notre rédemption : ce qui les émerveillait beaucoup, se tour­nant entre eux (les uns vers les autres), puis regardant cette croix. )) Faillon, Ibid.

41. — U Incarnation.

Avant de mourir, Marie de l'Incarnation s'applique à répandre la dévotion au saint Enfant-Jésus, Verbe in­carné... A cet effet, elle disposa une petite chapelle près de l'avant-chœur ; rien n'y manquait : tableau, fleurs, parements, chandeliers, Enfant-Jésus en cire pour la Noël, statue de bois doré au temps ordinaire ; le tout offert par quelques bienfaiteurs, et du meilleur goût. On choisit le 25 novembre 1671 pour en faire la bénédiction...

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l ' i n c a r n a t i o n 39

Le vénérable Père Lalemant prit la parole et... prophé­tisa I « Aussi longtemps que subsistera ce monastère, le Sacré Verbe Incarné y sera honoré dans l'humble état de divine enfance. )> Depuis lors, au soir du 25 de chaque mois, les religieuses Ursulines viennent se prosterner aux pieds de l'Enfant-Dieu pour lui renouveler leurs homma­ges, et lui rappeler qu'elles sont les vraies filles de Marie de l'Incarnation, la privilégiée de son Cœur et la fidèle épouse du Verbe Incarné. Marie de VIncarnation, op. cit.

42. — Le péché rend esclave.

Il y a eu des esclaves au Canada, mais peu nombreux. A la première session du parlement de la province de Québec (1792), M.-L. Panet demanda l'abolition de l'es­clavage, mais sans l'obtenir. La France en ce moment abolissait cette ancienne institution chez elle et dans ses colonies... M. Fred A. McCord nous dit que le dernier nègre vendu à Montréal, le fut en 1797 par acte du notaire Gray... La question de l'esclavage fut reprise à la chambre d'assemblée de Québec, en 1799, sur requête des citoyens de Montréal, présentée par Joseph Papineau, mais sans amener l'abolition du système... La législation du Québec, régla enfin par une loi la situation des esclaves. C'était en 1833. A partir de cette date, personne ne fut considéré comme esclave dans la province du Bas-Canada. Le par­lement de Londres imita sa colonie et, le 1er août 1834, l'esclavage était aboli dans toute l'étendue de l'Empire britannique. Les esclaves qui existaient encore dans le Haut-Canada se trouvaient libres. Benjamin Suite, dans la Revue Canadienne, 1911.

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43. — U Annonciation.

Le P. Taché, futur archevêque de S.-Boniface, partit, en raquettes au printemps de 1847, pour le lac Caribou, à 160 kilomètres. Il arriva parmi les Montagnais de ce poste, le 25 mars, jour de l'Annonciation. Le bonheur qu'il éprouvait à comparer sa mission de premier messager de la Bonne Nouvelle chez ces païens, avec celle de la divine Marie, lui fit oublier sa fatigue. H. P. Duchaussois, ibid.

44. — Le jour de Noël.

Chez les Ursulines de Québec, on était à distribuer les rôles pour une représentation. Il était question de faire remplir par différents personnages l'adoration des pasteurs à la crèche de Jésus-Enfant. Jeanne LeBer, la future recluse de Montréal, était alors parmi les élèves de l'insti­tution. On lui demanda, comme aux autres, qui elle vou­lait représenter dans cette pastorale. (( C'est l'Enfant- Jésus », répondit-elle aussitôt. (( Vous ne choisissez pas mal, Mademoiselle », répondit-on ; mais nous serait-il permis de savoir la raison de ce choix ? » <c C'est, répondit l'enfant sans hésiter, que le petit Jésus ne dit mot et ne se remue point, et que je voudrais l'imiter en toutes choses. » Marie Beaupré, Jeanne LeBer.

45. — Uêtable de Bethléem.

En visite pastorale, Mgr de Saint-Vallier se rendait des Trois-Rivières à Montréal. Il n'avait fait que fort peu de chemin, écrit l'annaliste, lorsqu'un orage violent l'obligea de chercher un refuge sous le premier toit qu'il lui fut possible d'atteindre. C'était une chaumière isolée ; y étant tout pénétré de pluie, il y trouva... une pauvre

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veuve, chargée de cinq enfants en bas âge, et dans la der­nière pauvreté, sans pain, ni feu... A cette vue, le cœur si tendre du bon prélat est ému de compassion... Il fait à la mère une aumône proportionnée aux besoins de sa famille, il la console et lui donne des instructions sur la manière de rendre ses croix méritoires pour le ciel. Quel­que reconnaissance qu'eût cette pauvre femme pour son bienfaiteur, elle ne put la lui témoigner autrement qu'en lui offrant, ainsi qu'aux ecclésiastiques de sa suite, un peu de paille pour s'y reposer pendant la nuit. Ils accep­tèrent avec satisfaction, surtout monseigneur. Le Prélat aimait à répéter dans la suite que cette chaumière avait eu des charmes pour lui, à cause de sa ressemblance avec l'étable de Bethléem. Mgr Auguste Gosselin, L ’Eglise au Canada. . . .

« Quatre ans après mon arrivée, écrit la sœur Bour­geoys, M. de Maisonneuve voulut me donner une étable de pierre pour en faire une maison, et y loger celles qui feraient l'école. Cette étable avait servi de colombier et de loge peur les bêtes à cornes... J 'y entrai le jour de la Sainte-Catherine )> (25 novembre 1657). C'était là qu'elle devait former sa communauté... On eût dit que... Dieu voulût qu'en entrant dans l'exercice des fonctions de sa vocation, elle n'eût à Ville-Marie d'autre logement que celui que Marie avait trouvé à Bethléem ; et que ce lieu, qui rappelait si bien l'étable où son divin Fils avait voulu naître dans le monde, fût aussi le berceau de cette nou­velle société. Fai lion, Vie de la Sœur Bourgeoys.

46. — Evocations évangéliques.

Voici la réédition d'une scène évangélique. A la fin de sa vie, le frère André, souffrant d'une violente maladie

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de cœur, a coutume, pour obéir au médecin, de visiter seulement les malades qui habitent au rez-de-chaussée. Ceux qui demeurent aux étages supérieurs sont amenés à la voiture qui le conduit. Un jour, dans la rue de Bien- ville, à Montréal, une malade est ainsi apportée. Mais voilà que de partout aux alentours on amène des enfants, des femmes, des hommes malades, au point que la rue en est remplie. Le religieux se dépense avec bonté auprès de tous. A grand'peine l'auto parvient à se frayer une route, après un long stationnement. E t l'ami qui conduit le bon frère de dire : « Je suis émerveillé, c'est comme au temps de Notre-Seigneur, tout le monde accourt deman­der des faveurs et des guérisons »... Que de fois cette aventure s'est répétée : « Souvent nous devions demander du secours pour pouvoir dégager de la foule notre véhi­cule, » diront ses amis.

Un homme se présente au bureau du frère (André) avec son épouse gravement malade. Ils se retirent le soir dans un petit hôtel, près de l'Oratoire. Pendant la nuit survient chez la malade, une hémorragie mortelle. Le médecin appelé d'urgence ne lui donne que quelques ins­tants à vivre. Une pâleur de cire, un souffle imperceptible, elle semble déjà morte. Le praticien s'en va, sans laisser l'ombre d'un espoir. Dans un acte de foi, le mari quitte la mourante et vient, au pas de course, frapper à la fenêtre du frère André : « Ma femme est mourante, sauvez-la. » Echo des supplications de l'Évangile : « Ma petite fille est malade à mourir, sauvez-la »... <( Dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » Le frère s'habille à la hâte, ouvre à ce visiteur nocturne et l'amène prier dans la crypte, au pied de l'autel dominé par la statue de saint Joseph... (( Retournez auprès de votre femme, lui

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dit-il, soyez sans crainte, elle ne mourra pas. » L'homme retrouve son épouse ranimée, elle est sauvée. Le lende­main matin, il téléphone au médecin : « Mon épouse va mieux )) — « Vous vous moquez de moi, elle est morte, )) réplique l'autre, tant il est convaincu de l'impossibilité d'un retour à la santé.

Mandé au chevet d'une mère de famille mourante, le frère André se rend à l'appel. <( Trop tard, hélas ! » lui dit-on à son arrivée. Le médecin a déjà remis le certi­ficat du décès, car il a jugé que la malade n'a que quelques instants à vivre. Les parents, qui la croient morte, ont relevé le drap sur le visage. Le frère André s'agenouille, découvre la figure de la prétendue défunte, la touche légè­rement. Celle-ci ouvre les yeux : « J'ai faim », murmure- t-elle bientôt, parfaitement ranimée. Le bon vieillard se met en devoir de lui faire manger un morceau d'orange. Comment ne pas établir ici un rapprochement avec la scène si touchante de l'Evangile où le Maître dit à Jaïre, en rendant sa fille à la vie : « Donnez-lui à manger ». H.-P. Bergeron, c.s.c., Le Frère Andrê} c.s.c.

Citons une scène qui ressemble à la guérison de la belle-mère de saint Pierre, le soir où Jésus, venant souper, trouva cette femme malade de la fièvre, incapable de servir à table. Une après-midi, le frère André arrive à l'improviste chez un médecin de ses amis. La femme de ce dernier souffre de paralysie à un bras depuis quelques semaines. Le frère dit simplement à la malade : « A l'heure qu'il est, le bras ne vous fait plus mal. » E t la malade est toute heureuse de pouvoir détendre son bras, de le mouvoir aisément. Le premier moment de surprise passé, elle sert elle-même la table, au souper. Ibid.

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47. — Evangile.

Lorsque Jacques Cartier aborde à Montréal en 1535, on lui amène le chef de la tribu d/Hoclielaga et d'autres sauvages malades ou infirmes comme lui. Le grand homme se mit à réciter le commencement de l'Evangile selon saint Jean : In principio erat Verbum. Il fit ensuite le signe de la croix sur tous les malades « priant Dieu, ajoute-t-il, qu'il leur donnât connaissance de notre sainte foi et de la Passion de notre Sauveur, et leur accordât la grâce d'embrasser le christianisme et de recevoir le baptême. »

D'un sauvage converti, Mère Marie de l'Incarnation, écrit le 4 septembre 1640 : « Notre bon Joseph a fait l'office d'Apôtre cette année, après s'y être disposé par les exercices spirituels : il a été hardiment et sans craindre la mort de bourg en bourg prêcher l'Évangile avec une éloquence du paradis. Ses compatriotes qui savaient qu'il ne pouvait avoir cette science naturellement, étaient comme en extase en l'entendant parler. »

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CHAPITRE VI

LA REDEMPTION

48. — La Passion de Notre-Seigneur.

De plus, ayant pris un livre de prières, Jacques Cartier lut à haute voix tout le récit de la passion de N.-S. « Pendant cette lecture, tout ce pauvre peuple, dit-il, fit un grand silence, et ils furent merveilleusement bien atten­tifs, regardant le ciel, et faisant eux-mêmes des cérémonies pareilles à celles qu'ils nous voyaient faire. »

49. — Jêsus-Christ mort en croix.

L'année qui suivit la classe de Belles-Lettres, Alfred Pampalon contracta une pneumonie qui de nouveau mit ses jours dans le plus grand danger. Ses parents alarmés multipliaient leurs efforts pour enrayer les progrès du mal. Pour lui, indifférent à la vie et à la mort, il s'abandonnait sans regret à la divine volonté.Quelle crainte pouvait lui inspirer une mort qui aurait été le fidèle écho de sa sainte vie ? La pensée des souffrances de Notre-Seigneur faisait sa consolation au milieu des atroces douleurs qui tortu­raient son pauvre corps. On s'étonnait de le voir calme et paisible au milieu de si cruels tourments. Au médecin,

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qui lui demandait pourquoi il fixait toujours les yeux vers le même endroit de sa chambre, il répondit : « Ne voyez- vous pas là mon crucifix ? voilà ma consolation et mon espérance ! » Une Fleur Canadienne. Le R. P. Alfred Pampalon, c.ss.r.,

50. — Le Calvaire et V amour des âmes.

Après 47 ans d'apostolat dans l'Athabaska-Macken- zie, le P. Laity, o.m.i., pouvait dire : « J'ai bien marché à la raquette... U m'arriva de courir trente-huit heures sans répit, sous la menace de mourir de faim. Un jour, j'arrivai à Athabaska, exténué... J'avais une entorse au genou ; ma jambe était toute bleue ; j'étais si mal en pomt que Mgr Faraud, me voyant tomber sur le plancher de la maison, eut peur et me crut perdu. J'ai connu le mal de raquette, autant que personne, je crois... Mais tout cela je l'ai enduré, je le pouvais, j'étais fort, et de bonne volonté. Ce à quoi je n'ai pu me faire, ça été la soif. Oui, la soif... Ah ! que j'ai donc souffert, durant ces heures où l'on ne pouvait s'arrêter pour faire fondre un peu de neige, et où il était impossible de casser une glace trop épaisse ! Que j'ai donc envié le sort des chiens, happant la neige pour se désaltérer !... Il a fallu bien aimer le bon Dieu et les pauvres âmes, allez, je le vois bien maintenant, pour supporter cela ! La soif, la soif dans les courses de l'hiver, ce fut le vrai sacrifice de ma vie de missionnaire, le seul. Les autres ne comptent pas... Puisse le bon Dieu qui va me juger bientôt, l'avoir eu pour agréable ! Je le lui ai offert tant de fois, en union avec le (( sitio » du Cal­vaire, pour la conversion et pour la persévérance des sauvages, mes chers enfants. » R. P. Duchaussois, o.m.i., Aux Glaces Polaires.

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LA RÉDEM PTION 47

51. — Jésus-Christ est mort crucifié.

Le sauvage Aurionaé mourut sous le gouvernement de Frontenac. A cause de sa valeur et de sa fidélité aux Français, on lui fit des obsèques accompagnées des céré­monies que Ton accordait d’ordinaire aux officiers. Comme on lui parlait, alors qu’il se mourait, de Jésus-Christ, que les Juifs avaient crucifié, il s’écria : « Que n’étais-je là, j'aurais vengé sa mort, et je leur aurais enlevé la cheve­lure ! » La Potherie, Histoire de VAmérique septentrionale.

52. — Jésus est mort pour tous les hommes.

« Je meurs content, ô Jésus, maintenant que j’ai vu votre étendard élevé jusqu’aux extrémités de la terre ! »

Paroles du Père Grollier, expirant, à la mission de Notre-Dame de Bonne-Espérance, Fort Good-Hope, Cercle Polaire, le 29 mai 1864. R. P. Duchaussois, Aux Glaces Polaires.

53. — Jêsus-Christ nous a rachetés par sa mort.

Songeant au commerce des fourrures, Mgr Grandin, évêque de St-Albert, écrivait dans ses notes intimes : « Oh ! douleur ! dans l’immense pays qui m’est confié il ne se perd pas une peau de bête ; et des âmes qui ont coûté le sang de Jésus-Christ se perdent tous les jours ! E t j ’hésiterais à me sacrifier, moi ? Absit! » Ibidem.

54. — Les souffrances et la mort de Jésus-Christ nous ap­prennent la nécessité de satisfaire pour nos péchés.

Le frère Houssart écrit, au sujet de Mgr de Laval, qu’il s’était offert <( en sacrifice », six jours avant sa

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mort (( pour porter la peine de tous les péchés du sémi­naire )) ; qu'il avait prié Dieu « de détruire entièrement le péché de sa sainte maison et d’y maintenir jusques à la fin des siècles le très saint amour et le véritable culte de Dieu... )) ; qu’il avait été exaucé «par le redoublement de ses douleurs, qui furent excessives depuis ce jour-là jusqu'à sa mort... » Ce qui m'a toujours tenu dans l'admi­ration a été de voir un homme, cassé et rompu de vieillesse, defatigues et d'infirmités, jusques à l'âge de quatre -vingt- cinq ans, être aussi exact que l'était Sa Grandeur à se mortifier en toutes choses. De coucher sur un très chétif matelas sur les planches... Sa Grandeur cherchait tous les jours les moyens qu'Elle pouvait s'imaginer pour se procurer des douleurs et des souffrances, comme soit par exemple de porter presque tous les jours le cilice, et de le quitter tous les soirs en cachette, de peur que je ne le visse en pansant le cautère qu'Elle avait au bras et, sur ces dernières années, qu'Elle ne pouvait presque plus agir, le porter jour et nuit, et avoir un très grand soin et faire en sorte que je ne le vcie point en pansant ledit cautère... De dire assidûment la sainte messe, nonobstant des ouver­tures et des plaies très considérables et très sensibles qu'Elle avait aux jambes et aux pieds, et que nos messieurs et même M. le médecin lui représentassent le tort qu'Elle faisait à sa santé, en se gênant et souffrant, comme Elle faisait, pour dire la sainte messe...

« La mortification au boire et au manger n'est point la moindre de ses vertus ; ...je puis dire sans exagération que toute la vie de Sa Grandeur n'était qu'un jeûne con­tinuel, car Elle ne déjeunait point, et ne prenait tous les soirs que la valeur d'une légère collation... Un autre point de mortification et d'humilité fort extraordinaire, en une

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LA RÉDEM PTION 49

personne du rang, de la dignité, de l'âge et des infirmités de Monseigneur, est que Sa Grandeur ne m'a jamais per­mis, pendant toutes les \ ingt années que j'ai eu l'honneur d'être à son service, de faire quoi que ce soit pour son service, qu'Elle ne l'ait pu faire elle-même, si bien qu'il fallait que je demeurasse les bras croisés... pendant que Sa Grandeur faisait son feu, balayait, desservait sa table, lavait son petit meuble de table, faisait son lit, etc., etc... » Mgr Henri Têtu, Les Evêques de Québec.

55. — Jêsus-Ckrist, mort en croix.

Le jour de l'Épiphanie 1643, selon sa promesse, et pour remercier la Providence qui avait empêché les eaux de la petite rivière de ruiner la première habitation de Ville-Marie, Maisonneuve, fait « premier soldat de la Croix » avec toutes les cérémonies de l 'Église : il la charge sur son épaule, quoique très pesante, marche une lieue entière, chargé de ce fardeau, suivant la Procession, et la plante sur la cime de la montagne... Le Père du Perron y dit la messe et Madame de la Peltrie y communie la première... On adore la Croix et de belles reliques qu'on avait enchâssées dedans... Depuis ce temps-là, ce lieu fut fréquenté par divers pèlerinages... Relation, 1643.

56. — Jêsus-Christ dans le tombeau.

M. Charles Lecoq, supérieur provincial de St-Sulpice, avait, vers la fin de sa vie, «rassemblé ses ferveurs, ses, adorations, ses amours sur la personne de J.-C. dans le tombeau... » Ceci commence « vers 1915. Les grandes douleurs ont commencé alors. Il ne dit plus la messe qu'avec les plus pénibles difficultés. Il l'omet parfois. Il

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en a le cœur brisé. Dans cette impuissance qui grandit, dans cette inaction qui augmente sans cesse, il se sent porté à considérer N.-S. dans le tombeau. Le Maître de la vie y est immobile, silencieux, dépouillé, aveugle, mort. Ce n’est plus l’heure des foules enthousiastes, l’heure des miracles... C’est l’heure des ténèbres, de l’impuissance, de l’humiliation... » Il gît, comme ne le font que les morts... (( Mon Dieu, mort dans votre sépulcre, faites-moi imiter votre silence. )> Henri Gauthier, Charles Lecoqi p.s.s.

57. — Pâques.

Le 29 septembre 1642, Mère Marie de l’Incarnation écrit : « Comme le grand fleuve de Saint-Laurent a été cette année tout plein de glace, il a servi de pont à nos sauvages et ils marchaient comme sur une belle plaine. Nous eûmes toute la satisfaction possible, la veille et le matin du saint jour de Pâques, de les voir accourir à perte d’haleine pour se confesser et communier. Comme nous sommes logées sur le bord de l’eau, ils aperçurent quelques- unes de nous et s’écrièrent : « Dites-nous si c’est aujour­d’hui le jour de Pâques, auquel Jésus est ressuscité ? Avons-nous bien compris notre Massinahigan ? » C’est un papier où on leur marque les jours et les lunes. « Oui, dîmes-nous, mais il est tard et vous êtes en danger de ne point entendre la messe. )) A ces mots, ils commencèrent à courir au haut de la montagne et arrivèrent à l’église, où ils eurent encore le temps de faire leurs dévotions. Ils étaient altérés comme des cerfs du désir d’entendre la messe et de recevoir le saint Sacrement après en avoir été privés près de quatre mois. » Nos Êphêmêrides, Le Devoir.

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CHAPITRE VII

LA GRÂCE — LES VERTUS THEOLOGALES

58. — Le péché mortel fait perdre la grâce sanctifiante.

Mgr Grouard, vicaire apostolique d’Athabaska (Ca­nada), raconte le trait que voici :

« J ’avais prêché en faveur de nos missions dans une église de Lowel (ville en grande partie franco-américaine). Après le sermon, je suis accosté par un jeune homme tenant un petit enfant sur les bras et accompagné de sa femme. « Monseigneur, me dit-il modestement, je désirais vous faire une petite offrande et vous demander en retour une faveur. » Ce disant, il me donne sa montre ; sa femme me présente un billet de cinq piastres. J ’étais ému, ne sachant comment exprimer ma reconnaissance ; mais mon émotion devint plus grande quand j ’entendis le jeune homme prononcer ces paroles : « Monseigneur, je vous demande de vouloir bien prier le bon Dieu pour mon enfant, afin qu’il vive sans péché mortel. )) E t sa femme de se joindre à lui pour s’assurer le concours de mes prières, afin d’obtenir cette seule grâce pour son fils. Quels sentiments admirables ! Estimons la grâce sancti­fiante. Conservons-la avec soin. M.-M. Arami, Vivre.

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59. —■ Résistance à la grâce.

En 1871, « l'évêque de peine », Mgr Clut au bout d'un voyage de 260 kilomètres dans les glaces, après avoir dé­pensé ses forces à instruire un camp de la tribu des Es­claves et à les préparer, les uns à leur première commu­nion, tous à la confirmation, il les vit lever soudain leurs tentes et, sourds à ses prières, s'éloigner de lui, la veille même de la cérémonie, à la folle nouvelle jetée par un Indien, qu'à deux jours de marche de là l'on croyait avoir vu rôder un certain gibier. « J'espère, observe Mgr Clut, que le boa Dieu tiendra compte aux missionnaires qui se dévouent dans ce pays, de tous leurs sacrifices, de leurs privations sans nombre et de toutes leurs peines de cœur, en présence de l'ingratitude de leurs ouailles. Notre joie et notre récompense assurément ne sont pas de ce monde. Nous les espérons dans l'autre! » R. P. Duchaussois, o.m.i., Ibid.

60. — La foi.

L'âme des vertus de Mgr Laflèche, évêque des Trois- Rivières, fut la conviction absolue, née d'une science pro­fonde, et surtout d'une foi qu'il avait puisée au pays des neiges, dans le Nord-Ouest, comme à la source voisine de l'intuition divine, parmi les petits, les simples ignorants, auxquels Dieu se plaît à révéler des clartés qu'il dérobe aux sages de ce monde... Il tomba à l'âge de 80 ans, le 14 juillet 1898 au cours d'une tournée pastorale, les armes à la main, comme il lui convenait. Regardant son éternité en face, ainsi qu'il avait regardé les hommes, il s'écria : « Quel bonheur de croire en face de la mort ! » Ibid.

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GRACE E T VERTUS THÉOLOGALES 53

01. — Uespêrance.

Marguerite Bourgeoys, comme beaucoup de saints, souffrit de grandes peines intérieures. Pendant plusieurs 'années, elle se crut marquée du signe de réprobation et pensait qu’elle serait damnée. Elle éciit, cependant : « Quoique je ne refuse pas de voir mon malheur, je n’ai pourtant jamais douté de la miséricorde de Dieu, et j’espé­rerai en lui, quand je me verrais un pied dans les enfers. »

Lucien Delorme mourut à 21 ans. La veille de sa mort, il eut une épreuve : « ...Le diable prétendait que je m’en allais en enfer ; que tout, prières, sacrifices, souf­frances, tout cela ne servait à rien. Mais ça n’a pas été long ! — Qui donc vous a délivré ? — La Sainte Vierge. Et j ’ai eu une grande consolation... » ...La dernière nuit fut très agitée. Il ne dormit point... Il baisait souvent son crucifix. Quand il n’eut plus la force de le porter à ses lèvres, il demanda qu’on lui rendît ce dernier service. Il avait écrit dans une des dernières pages de son journal : « C’est sur mon crucifix que je place mon espérance pour mourir ». Antonio Dragon, s.j., Toujours plus haut! Lucien Delorme (1905-1926).

62. — Amour du prochain.

Souffrant de la famine dans leur pays, beaucoup d’irlandais cherchèrent refuge au Canada, en 1847. « Sur toutes les grèves couvertes de ces affamés, on vit se préci­piter le clergé canadien et les religieuses hospitalières. Rien ne fut mesuré, ni l’argent, ni les vivres, ni les remèdes. Lorsque le typhus et le choléra, apportés par les émigrants, se déclarèrent, le zèle des sauveurs se multiplia davantage. Evêques, prêtres séculiers et réguliers, Sœurs Grises,

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54 LE CATÉCHISM E EN ANECDOTES

Sœurs de la Providence, Sœurs de l’Hôtel-Dieu allaient et venaient, jour et nuit, sur cette arène de désolation. Beaucoup y contractèrent le typhus, comme Mgr Bourget, Mgr Prince, plusieurs prêtres, des Oblats et presque toutes les religieuses, dont un grand nombre succombèrent. Mais le fléau fut enrayé et, grâce à tant de sacrifices, les tristes restes de la colonie irlandaise purent reverdir et s’étendre... » au Canada. R. P. Duchaussois, o.m.i., Rose du Canada.

63. — Même nos ennemis doivent être considérés commenotre prochain.

Louis Riel monta sur l’échafaud en 1885. Le Père Alexis André, o.m.i., qui l’assistait, raconte : « Arrivés en face de l’échafaud, nous nous mîmes à genoux conti­nuant à réciter le chapelet... Le chapelet fini, l’assistant- shérif s’adressant à Riel, lui demanda s’il avait quelque chose à dire avant que le « warrant )) qui ordonnait de l’exécuter eût son effet. Il se tourne de mon côté me de­mandant s’il devait parler. « Faites à Dieu, avec le sacri­fice de votre vie, celui de ne pas parler et continuez à demeurer dans la paix et le recueillement pour aller ren­contrer le Seigneur. )> M’approchant alors de lui pendant qu’il était encore à genoux, je lui demandai s’il faisait de bonne volonté à Dieu le sacrifice de sa vie. (( De tout mon cœur, mon Père )), répondit-il. — Quittez-vous la vie avec regret ? — Non. Je remercie le Seigneur de m’avoir donné les dispositions de bien mourir. Je suis sur le seuil de l’éternité et je ne voudrais pas retourner en arrière. — Pardonnez-vous pour l’amour du Seigneur à tous vos en­nemis, à ceux qui ont désiré votre mort et qui y ont travaillé ? — Je leur pardonne de tout mon cœur comme

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GRÂCE E T VERTUS THÉOLOGALES 55

je demande que Dieu me pardonne. — N'avez-vous rien sur le cœur contre quelqu'un et votre conscience est-elle en paix ? — Je meurs en paix avec Dieu et les hommes et je remercie tous ceux qui m'ont aidé dans mes malheurs et aussi les officiers et les gardes qui m'ont traité a\ec respect et compassion. » ...Il marcha à la potence d'un pas ferme et sans manifester la moindre émotion ni exci­tation... Il m'appela une dernière fois auprès de lui pour me demander ma bénédiction... En invoquant les saints noms de Jésus, de Marie et de Joseph, il fut lancé dans gon éternité... » Jules Le Chevalier, o.m.i., Batoche.

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CHAPITRE VHI

L’ÉGLISE

64. — L ’Eglise catholique.

Déjà dans sa jeunesse, Mère Marie de l'Inc°rnation était assidue aux offices de l'Église... Elle écrit : (( La sainteté et la majesté des cérémonies de l'Église m 'atta­chaient aussi à Notre-Seigneur d'une manière tout extra­ordinaire. Je m'épanchais en actions de grâces de ce qu'il lui avait plu de me faire naître de parents chrétiens et catholiques, et de ce qu'il m'avait appelée à la vocation de fille de l'Église. » Marie de VIncarnation, par une religieuse Ursuline de Québec.

65. — Le chef visible de l’Eglise.

Le Pape agonise ! telle était la nouvelle qui courait le monde, voici cinq mois. E t la catholicité tombait en prières. Un monceau de dépêches, de lettres, de billets arrivaient au Vatican de toutes les parties du monde. Parmi ce fantastique courrier, une carte allongée, timbrée du Canada, écrite en français par une main d'enfant, naïve et fervente, adressée à « Monsieur le Saint-Père, Pape )) simplement et que déchiffra avec un sourire trem­blant Pie XI : « Je suis sûre que vous guérirez bien vite,

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car je l’ai demandé au Bon Dieu. » Pie X I envoya sa bénédiction à la fillette et il guérit. Il guérit pour ertre- prendre la plus vigoureuse des propagandes en faveur de la Paix, contre toutes les formes de la guerre et de la ty­rannie. Encyclique contre le communisme, encyclique contre le national-socialisme, même bataille. Il semble que Dieu n’ait écouté la prière de l’enfant canadienne que pour que son représentant sur cette terre pût assurer la vie paisible de toutes ses petites sœurs, de tous ses petits frères, de tous les petits enfants du monde. Si seulement est entendue la parole venue de Rome... Geo. London et Charles Pichon, Miracle du Vatican.

66, — Le pape, évêque de Rome.

Les États pontificaux étaient menacés par les gari­baldiens. Des quatre coins du monde, de généreux catho­liques volèrent au secours de l’immortel Pie IX. Les Ca­nadiens français firent leur part. En 1860, ils envoyèrent à Rome une énergique protestation contre les iniques spoliations du roi du Piémont. Huit ans plus tard, 350 jeunes gens se groupèrent au pied de l’autel, dans l’église Notre-Dame de Montréal pour une cérémonie de départ. Ils allaient défendre le Pape. On remit à cette élite-un drapeau bénit portant cette inscription : « Aime Dieu et va ton chemin ! » Le lendemain, 19 février 1868, ils partaient. Leur entrée à Rome fut un triomphe... Ils furent reçus au cri de <( Vive le Canada ! » Sous l’intrépide de Charette, ils accomplirent des prodiges de valeur. Mais refoulés dans Rome, sur l’ordre de Pie IX, ils déposèrent les armes. A leur retour, 50,000 personnes leur souhai­taient la bienvenue, aux cris de (( Vive Pie IX ! Vivent les zouaves ! » Neuf manquaient à l’appel. Ils avaient eu

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l'honneur de verser leur sang pour la plus sainte des causes. Êlie de Salvail, 366 Anniversaires Canadiens.

6 7 . — Une sevle Eglise fondée par Jèsus-Christ.

Mgr Hubert, évêque de Québec, écrivait au pape, en 1794 : « Le diocèse comprend environ cent soixante mille catholiques... Il n'y a pas cinq catholiques qui soient devenus protestants depuis la conquête... Dans le même espace de temps, deux à trois cents protestants cnt abjuré leurs erreurs et sont entrés dans le sein de l'Église. On estime le nombre des protestants établis au Canada à environ vingt mille âmes, dont dix mille dans le Haut- Canada. )) Mgr Henri Têtu, Les Évêques de Québec.

68. — J èsus-Christ a fondé son Eglise pour gouverner tousles hommes.

Vers cette époque (1783), M. Martel, curé de Sorel, voit le cimetière profané par les ordres du major Nairne, commandant au fort. Le colonel MacKensie du 31e ré­giment étant décédé, le major demande la permission d'en­terrer sa dépouille dans le cimetière catholique. Le curé s'y refuse poliment, ajoutant « qu'il est mortifié de dé­plaire au major en ce point, que le cimetière appartient aux catholiques et qu'il est de son devoir de oe pas acquiescer à son désir, mais il ajoute qu'il est possible de déposer le corps du colonel décemment, en dehors du cimetière, en entourant sa tombe de pieux de cèdres et il s'engage à faire exécuter ce travail par ses paroissiens s'il y a la moindre difficulté. )) Le major ne « s'est pas contenté de mes raisons, écrit le curé, dans une lettre à son évêque, il a fait enfoncer la porte du cimetière et y a enterré le co­lonel, Cette voie de faits m'a extraordinairement sur­

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pris... » M. de Montgolfier, alors Grand-Vicaire du dio­cèse, dans sa réponse, conseille au curé de bénir de nou­veau ce champ des morts ainsi pollué. Abbé A. Couillard- Després, Histoire de Sorel.

69. — UEglise catholique ̂ la seule véritable Eglise.

« Au nom du Père, du Fils et du St-Esprit. Amen.« En la présence de mon Dieu, Je, Jeanne Mance, fille,

jouissant de mes droits, étant en la charge de l'adminis­tration de l'hôpital de St-Joseph de Montréal et demeurant au dit lieu, connaissant la certitude de la mort et l'incer­titude de l'heure d'icelle, de mon propre mouvement et volonté, je fais cette déclaration de mes dernières volontés, par ce présent testament que je veux être effectué après ma mort.

« Je proteste de vivre et de mourir dans la vraie foi et religion de la sainte Église catholique, apostolique et romaine, que je tiens et reconnais pour la seule vraie Église hors de laquelle il n'y a point de salut. Je crois tout ce qu'elle croit et j'approuve tout ce qu'elle approuve et je renonce de tout mon cœur à tout ce qu'elle désapprouve.

« Je la révère, je l'honore et la reconnais pour ma seule et vraie Mère, vouant une entière et parfaite obéis­sance comme sa vraie fille pour toute ma vie et pour l'éternité, quoique j'en sois très indigne... )> Extrait du testament de Jeanne Mance, cité par Marie-Claiie Daveluy, Jeanne Mance.

70. — Vautorité est un des attributs de VEglise catholique.

Le P. Menet, s.j., missionnaire au Sault-Ste-Marie, raconte dans une lettre datée de 1847, un combat entre

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douze ministres de couleurs diverses, qui, évidemment, n'étaient pas les douze apôtres. La scène se passe sur un vaisseau. Bible au poing, chacun discutait âprement : « Un d'entre eux, ce devait être le méthodiste, saisi tout à coup d'un bel enthousiasme, embouche au milieu de tout ce monde de la trompette du prêcheur. On écoute avec attention le préambule, on admire même jusqu'à un cer­tain point son air inspiré. Tout est bien jusqu'ici ; mais arrivent bientôt les principes de la secte. Plusieurs com­mencent à secouer la tête, et particulièrement les ministres d'autres sectes : on murmure quelques objections, puis on les formule à haute voix, et voilà la guerre allumée. Chacun avec sa bible se croit fort, se regarde invincible.« C'est cela. — Vous avez tort de l'interpréter de la sorte. — Vous n'y entendez rien. — Vous êtes un ignorant. — E t vous, un grossier... » Bref, le combat du lutrin fut renouvelé. Heureux celui dont le bras avait plus de vi­gueur ! Non moins heureux cet autre, adroit à parer les coups ! Plus heureux et plus sages ceux qui, dès le com­mencement de la bataille, lâchèrent pied et se mirent par la fuite à couvert des bibles volant dans les airs ! Jugez de l'édification des spectateurs qui avaient eu la précaution de se tenir à une distance respectueuse.

«Une fois les esprits un peu calmés, on prie le prêtre catholique de vouloir bien émettre son opinion sur le sujet du débat. « Je n'ai point d'opinion à émettre, mais une décision à apporter : l'Église que Jésus-Christ a établie sur un fondement inébranlable et à qui il a confié le dépôt et l'interprétation de nos saints livres, a prononcé il y a longtemps. Sur ce point, il n'y a plus et il ne peut y avoir de discussion entre les catholiques. Comme ces messieurs

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ü’admettent pas l'autorité de F Église, et que chacun d'eux enseigne comme bon lui semble, je craindrais un nouveau scandale. Ainsi, ayez la bonté d'excuser mon silence. » Ces paroles furent approuvées. » R. P. Lorenzo Cadieux, dans le Messager du Sacré-Cœur, Montréal, février, 1944.

71- — Vautorité de VEglise.

L'Angleterre, dès Foccupation définitive du Canada... refuse systématiquement de reconnaître la suprématie pontificale sur F Église canadienne. <( Vous ne devez ad­mettre aucune juridiction ecclésiastique émanant du siège de Rome... )) écrit le roi à Murray. En conséquence de cette mesure le Canada reste six ans sans évêque. Abbé Êmile Dubois, Le Feu de la Rivière du Chêne.

72. — La religion catholique.

Parmi les employés de son beau-frère, qu'elle devait surveiller, il y en avait un « qui était huguenot... et se fit catholique ; il se soumettait à moi pour recevoir les ins­tructions nécessaires, et quand il fut suffisamment dis­posé, je le menai à Monsieur l'Official pour lui faire ab­jurer son hérésie, et depuis, il a toujours été bon catho­lique. )) Marie de VIncarnation, par une Religieuse Ursu- line de Québec.

73. — Unité de VEglise.

Préconisé évêque-coadjuteur de Saint-Boniface, Mgr Alexandre Taché se rendit à Rome pour la première fois. Il fut reçu en audience par le pape Pie IX « Qu'il y a

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de grandeur, dit-il, dans la noble simplicité avec laquelle on est accueilli par ce souverain couronné d'un triple dia­dème ! » Après avo;r visité tous les lieux de pèlerinage de la Ville éternelle, le jeune évêque de 28 ans déclare : « Il y a loin de la sombre solennité de nos forêts à la brillante majesté des églises de Rome ; mais quand le pauvre mis­sionnaire, enveloppé de l'écrasante splendeur de la basi­lique sainte, dit la messe, tout comme il la disait sous la modeste tente de voyageur, il comprend, pour ainsi dire, mieux que tout autre, la divine unité de la religion sainte dont il est l'apôtre. » Il quitta Rome le 12 janvier 1852. Nos Ephémcrides, Le Devoir.

74. — L’Eglise est sainte.

L'influence sanctificatrice de l'Égfise catholique est tellement grande qu'elle s'exerce sur les âmes de bonne volonté, même lorsqu'elles ne peuvent pas jouir fréquem­ment de la prédication e+ des sacrements. Mgr de Saint- Vallier visita tout le diocèse de Québec en 1685 et 1686. On lit dans son rapport : « Le peuple, communément parlant, est aussi dévot que le clergé m'a paru saint. On y remarque je ne sais quoi des dispositions qu'on ad­mirait autrefois dans les chrétiens des premiers siècles ; la simplicité, la dévotion et la charité s’y montrent avec éclat. On aide avec plaisir ceux qui commencent à s‘éta­blir, chacun leur donne ou leur prête quelque chose, et tout le monde les console ou les encourage dans leurs peines... Il y a quelque chose de surprenant dans les habitations qui sont les plus éloignées des paroisses, et qui ont même été longtemps sans voir de pasteur. Les

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Français s’y sont conservés dans la pratique du bien, et lorsque le missionnaire qui a soin d’eux fait sa ronde pour aller administrer les sacrements, d’habitation en ha­bitation, ils le reçoivent avec une joie qui ne se peut ex­primer ; ils font tous leurs dévotions, et on serait surpris si quelqu’un ne les faisait pas ; ils s’empressent à écouter la parole de Dieu, ils la goûtent avec respect, ils en pro­fitent avec une sainte émulation ; celui qui donne sa maison pour y célébrer les divins mystères s’estime infini­ment heureux et honoré ; il donne ce jour-là à manger aux autres ; le repas qu’il fait est une espèce d’agape où, sans craindre aucun excès, on se réjouit au Seigneur... La conversation qui suit le dîner est une instruction fami­lière, où les plus âgés n’ont point honte de répondre aux questions que fait le missionnaire. On l'informe ensuite des petits démêlés qui peuvent être entre les familles ; et s’il se trouve quelque différend, ce qui est rare, il l’ac­commode sans que les parties résistent. Chaque maison est une petite communauté bien réglée, où l’on fait les prières en commun, soir et matin, où l’on récite le chapelet, où h on a la pratique des examens particuliers avant le repos, où les pères et les mères de famille suppléent au défaut des prêtres en ce qui regarde la conduite de leurs enfants et de leurs valets. Tout le monde est ennemi de l’oisiveté, on y travaille toujours à quelque chose... » Etat présent de VEgrise et de la colonie française dans la N ouvelle-France,

75. — L'Eglise catholique est universelle.

On raconte qu’un esprit fort, décidé à bannir de sa vie l’idée de Dieu, voulut fuir tout ce qui pouvait la lui rappeler, et par conséquent le monde civilisé avec ses

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cathédrales, ses chapelles et leur clergé. Il partit pour le Mackenzie. Mais n'allait-il pas de désappointement en désappointement, à mesure que, de la barge de la Com­pagnie de la Baie d'Hudson, après de longues solitudes sauvages, il voyait de poste en poste des églises et des églises, des prêtres et des prêtres. Passé Norman, entrant dans la région du soleil de minuit, il crut se réfugier là, dans le désert enfin. Mais tout à coup, une cloche retentit de nouveau, qui saluait le bateau bienvenu. Puis le clocher parut. Puis des Oblats, Pères et Frères, attendant sur la grève.

Encore une église, encore une cloche, encore des prêtres ! s'écria-t-il. Il y en a donc jusqu'au bout du monde ?... Pour le coup, c'est trop fort. Je crois en cette religion, je crois en ce Dieu qu'elle prêche si loin et tou­jours de même. Je me convertis,

C'était une fois de plus, mais dans l'accent du repen­tir, le (( Tu as vaincu, Galiléen ».

Ce descendant de la vieille noblesse française — il en portait le nom — alla droit au Père Séguin, le mission­naire, se confessa et se constitua, pour jusqu'à sa mort, son humble serviteur. R. P. Duchaussois, o.m.i., ApôtresInconnus.

76. — L f Eglise est apostolique} parce que gouvernée par les évêques, successeurs des Apôtres.

Le premier Canadien à porter ostensiblement le titre d'archevêque fut Mgr Signay, jusqu'alors évêque de Québec. Au cours d'une brillante cérémonie dans la cathé­drale de Montréal, le 24 novembre 1844, le pallium lui fut solennellement remis. Une bulle du pape avait précé­

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demment érigé le territoire canadien en province ecclé­siastique. Les suffragaats de Québec, la métropole, furentMontréal, Kingston, Toronto C’est Mgr Plessis quiavait obtenu en 1819 la division de son trop vaste dio­cèse, mais pour ne pas froisser les susceptibilités britan­niques, il s’était abstenu de faire usage de son titre d’ar­chevêque. Nos Ephemérides, Le Devoir.

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CHAPITRE IX

LES SACREMENTS — LE BAPTÊME

77. — Les sacrements.

Les premiers actes du ministère de Mgr de Laval à Québec s'exercèrent en faveur de la nation sauvage... A un enfant huron, il conféra le premier des sacrements, et peu après il administrait les derniers à un adulte de la même tribu. Apprenant « la maladie de ce der­nier, Mgr de Laval voulut, dit la Mère de lTncarna- tion, lui consacrer ses premiers soins et ses premiers travaux, donnant un bel exemple à nos sauvages, qui le virent avec admiration prosterné près d'un pauvre mori­bond, qui sentait déjà le cadavre, et auquel il nettoyait de ses pauvres mains les endroits du corps où l'on devait faire les onctions sacrées. » Mgr Henri Têtu, Les Evêques de Québec.

Après avoir rencontré en France, Mgr Grandin, Louis Veuillot écrivit le fameux article intitulé : U Evêque pouilleux. Dans cette page, le publiciste prêtait au saint évêque de l'ouest, les paroles suivantes : <( ...Votre hos­pitalité m'est très douce. Toutefois je voudrais être loin, je voudrais être là-bas, dans mon désert de glace, sous mes couvertures de neige, à jeûn depuis la veille, couché

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entre mes chiens et mes sauvages pouilleux. C’est que je n’ignore pas à quoi ma vie de là-bas est bonne. Dans cette nuit, je porte la lumière ; dans ces glaces, je porte l’amour ; dans cette mort, je porte la vie. J ’arrive parmi eux les mains pleines de présents du roi Christ. J ’apporte le baptême, la pénitence, le mariage, j’apporte l’Eucha­ristie, j ’apporte le saint courage de la vie et la sainte grâce de la mort ; j ’apporte la bénédiction sur le berceau et la prière sur la mort ; j ’apporte la vérité, la charité, la consolation, l’espérance, l’honneur.

« Ce sauvage, cette bête moins estimée du trafiquant européen que la bête qu’il lui faut tuer pour en avoir la peau, cette chair vile et cette âme avilie, je les dessouille, et j ’en fais des vases d’honneur où je verse Dieu. Oui, je fais cela, j ’ai ce bonheur tous les jours ! De ma main en­core tachée des boues de la route, je rouvre à ces exclus les rangs de la famille humaine ; je prends ces morts, je les restitue à la vie éternelle, je leur rends le service et la gloire qui sont dus aux enfants de Dieu. Si l’un d’eux m’appelle à deux ou trois journées de chemin, j ’y cours, j’entre en rampant sous sa hutte, je m’agenouille à son chevet de terre, je sacre avec l’huile sainte pour la résur­rection ses membres que la mort va roidir, je dis : « Sors de ce monde, âme chrétienne ! » et je bénis avec ivresse mon grand Dieu de miséricorde et de bonté qui a daigné me faire venir de si loin, afin que ce pauvre sauvage pût mourir en paix et mourir pour la résurrection. »

On commença l’an 1635, d ’y dresser (à l’île de Miskou) une habitation ; les Pères Charles Turgis et Charles du Marché, y furent envoyés pour administrer les sacrements à vingt-trois Français qui en devaient jeter les fondements, et pour remarquer les espérances qu’on pourrait avoir de

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la conversion des Sauvages. Les souffrances furent quasi l’unique occupation de tous ces pauvres gens ; la maladie les terrassa, et la mort en enleva une grande partie. Le Père du Marché fut contraint de repasser en France ; le Père Turgis résista quelque temps, consolant son petit bercail, écoutant les uns de confession, fortifiant les autres par les sacrements de l’Eucharistie et de l’Extrême- Onction, enterrant ceux que la mort égorgeait. Mais enfin le travail et le mauvais air qu’il prenait auprès de ces pauvres languissants, le jeta par terre aussi bien que les autres ; si fallût-il combattre jusqu’au dernier soupir, il se fait porter vers les malades et auprès des mourants, il les anime et les fortifie, il les encourage, et après avoir enterré le capitaine, le commis et le chirurgien, en un mot tous les officiers et 8 ou 9 autres personnes de travail, il y mourut lui-même, ne laissant plus qu'un malade à la mort, qu’il disposa saintement à ce passage devant que de rendre l’esprit. Relation, 1647.

78. — Les sacrements bien reçus donnent toujours la grâce.

« La divine Majesté..., écrit Mère Marie de l’Incar­nation, me donna une grande inclination à la fréquentation des sacrements. J ’avais pour lors environ dix-huit ans. Cette fréquente approche me donnait un grand courage et une grande suavité en l’âme, une foi très vive qui éta­blissait en moi une ferme créance des divins mystères. Je n’avais plus de cœur ni d’esprit que pour le bien ; tant plus j ’approchais des sacrements, plus j ’avais désir de m’en approcher, parce que j ’expérimentais que dedans eux je trouvais ma vie et tout mon bien. » Elle parlera donc d’expérience, plus tard, lorsque, dans sa correspon­dance, elle exprimera cette pensée : « Il ne faut qu’une

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communion bien faite pour rendre une âme sainte ». Marie de V Incarnation, op. cit.

79. — Le baptême.

En 1642, eut lieu le premier baptême à Montréal. « Le vingt-huitième de juillet, une petite escouade d'Al- gonquins passant en ce quartier-là, s'y arrêtèrent quelques jours : un capitaine présenta au baptême, son fils âgé d'environ quatre ans : le Père Joseph Poncet le fit chré­tien, et le sieur de Maisonneuve et Mademoiselle Mance le nommèrent Joseph, au nom de Messieurs et de Mes­dames de Notre-Dame de Montréal. Voilà le premier fruit que cette île a porté pour le paradis, ce ne sera pas le dernier. Crescat in mille Milita. » Relation, 1642.

80. — Le baptême efface aussi les péchés actuels.

En 1672, le P. Albanel, s.j., se rendit jusqu'à la Baie d'Hudson. Le 4 juillet, il baptisa un vieillard qui reçut le nom d'Ignace. Celui-ci ayant réuni son monde, leur dit : « Vous savez tous le bonheur qui m'est arrivé ce matin, j'ai été baptisé. Je prie Dieu maintenant, je suis chrétien, une forte pensée de vouloir éviter les peines éternelles et de jouir un jour des délices du ciel, m'a touché tout de bon ; je ne suis pas ce que j'ai été autrefois, je désavoue tout le mal que j'ai fait, j'aime de tout mon cœur celui qui a tout fait, c'est en lui seul que je veux croire, c'est en lui seul que je veux espérer... )) Relation, 1672.

81. — Ne pas retarder le baptême nécessaire au salut

En Lisant les registres (de la Rivière-Ouelle) de cette époque (au dix-septième siècle), on est surpris de voir le

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retard que mettaient les parents à apporter leurs enfants au baptême, même après qu’il y eut un curé résidant ; ce retard se prolongeait pon seulement de plusieurs jours, mais parfois de plusieurs mois. Cette habitude avait sans doute été contractée par suite de l’isolement où les colons avaient été des missionnaires, qui, dans les commence­ments, ne les visitaient qu’une couple de fois par année. La rude vigilance de Mgr de Saint-Yallier ne tarda pas à remédier à ce désordre ; il enjoignit aux parents, sous des peines très sévères, d’apporter leurs enfants au bap­tême sous le plus bref délai. On peut lire le règlement qu’il fit à ce sujet, dans le magnifique rituel à l’usage du diocèse de Québec, qu’il imprima à Paris en 1703... L’abbé H.-R. Casgrain, Une Paroisse canadienne au X V I P siècle.

82. — Qui peut administrer le baptême.

JeanGuerin, domestique des Jésuites pendant plus de vingt ans et compagnon d’apostolat du Père René Mé- nard, était un laïque extrêmement pieux et zélé pour le salut des âmes. Après la mort du missionnaire, en 1661, dans les forêts du Wisconsin, il confère le baptême à plus de deux cents enfants. Relation, 1663.

83. — Comment se donne le baptême.

Des sauvages, un bon homme âgé de soixante ans, sa femme et deux de leurs enfants, tous chrétiens, ayant appris que l’une de leurs parentes se mourait au milieu des bois, et qu’un petit enfant encore à la mamelle ne pouvait survivre à sa mère, furent touchés de charité et du désir de sauver et la mère et l’enfant au moins pour le ciel. Ils se font tous instruire de la formule du baptême, partent de compagnie dans un temps bien fâcheux, sur la

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fin de l’hiver, font trois journées entières de chemin sur des neiges profondes, et la plupart sur les glaces d’un lac, qui étant percées çà et là, étaient remplies d’autant de précipices. A peine faisaient-ils cent pas sur ce lac, qu’ils ne se vissent en danger de mort, et même quelques-uns enfoncèrent bien avant dans l’eau. Enfin, après bien des travaux et bien des craintes, ils trouvent cette pauvre femme malade, baptisent son enfant, secourent et l’un et l’autre des rafraîchissements qu’ils ont portés... Main­tenant, et la mère et l’enfant sont pleins de vie, et cette famille chrétienne va s’avançant de jour en jour dans les sentiments de la foi. Relation, 1644.

84. — Baptême mal administré.

Le P. Petitot, o.m,i., raconte en ces termes le baptême d’un jeune couple de la tribu des Loucheux, dans le Nord canadien, par le révérend Mac’Donald (ex-brasseur de bière à Saint-Boniface), ministre à la Rivière Peel. « Celui-ci réunit le personnel anglais du fort dans la salle principale, puis s’adressant au cuisinier : « Anderson, avez-vous de l’eau à la cuisine ? — Non, monsieur. — En ce cas, donnez-moi de la neige dans une tasse ». La tasse apportée, il verse sur la neige du contenu d’une théière qui attendait le déjeûner au coin du feu ; et cette neige détrempée de thé et non encore fondue, il la jette à la face des deux catéchumènes qui se secouent comme des canards, et il dit en même temps : « William, Mar- garet, Amen. )) C’est là toute sa formule de baptême, et là aussi se borne cette auguste cérémonie qui excite l’hi­larité de toute l’assistance. )) Missions des O.M.I.

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85. — Le baptême d’eau.Mlle Debbie Barlow, ancienne élève de la Congré­

gation de Notre-Dame, à Montréal, écrit après sa con­version au catholicisme, en 1855 : « Grâces soient rendues à Dieu ! Mes vœux sont enfin accomplis, j'ai été reçue dans le sein de l'Église de Jésus-Christ... L'heure de mon baptême ! puis-je l'oublier ?... les sentiments dont mon cœur fut pénétré au moment où les eaux régénératrices coulèrent sur mon front ne peuvent pas passer... Dieu... a été si miséricordieux pour moi en m'ouvrant les portes de l'Église qui seule peut me conduire au salut ! Quelle ne serait pas mon ingratitude si j'allais abuser de cette miséricorde, mépriser ces grâces ! Notre Père céleste... a entendu ma prière... et, m'arrachant au danger qui me menaçait, il a placé mes pieds sur la pierre ferme. Il m 'a ouvert les portes de son Église... Il m'a donné accès à ses sacrements, et m 'a conféré le titre d'enfant de Dieu... J'ai pris au baptême le nom de Marie-Agnès... » Les Jeunes Converties (traduit de l'anglais).

86. — Validité du baptême d’eau.

Le P. Henri Nouvel écrivait en 1672 : « Je fis di­verses courses sur les glaces pour chercher la brebis éga­rée : J'y trouvai à donner le baptême à cinq enfants et à un jeune homme malade, pour le salut duquel la Provi­dence a eu les yeux plus ouverts que moi, parce que l'ayant baptisé par mégarde, non pas avec de l'eau naturelle, mais avec une certaine liqueur qui coule des arbres vers la fin de l'hiver, qu'on appelle eau d'érable, que je prenais pour de l'eau naturelle, je reconnus mon erreur lorsque voulant donner à ce malade quelque prise de Thénaque, je deman­de de l'eau d'érable, qui étant naturellement sucrée est

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plus propre à cet effet, on me présenta de la même liqueur dont je m’étais servi pour le baptême, ce qui m’obligea à réparer cette faute heureusement peu auparavant sa mort. » RélatioUj 1671-1672.

87. — Baptême de désir.

C’était au Manitoba. Une indienne, très jeune enfant, avait entendu un missionnaire parler du baptême néces­saire au salut. Mais il était mort avant de pouvoir la bap­tiser. Depuis, elle avait toujours rêvé de se faire catho­lique. Mariée, elle a maintenant un garçon de huit ans et un autre encore incapable de marcher. Un jour, celui-ci tombe malade et les vieilles femmes de la tribu disent à la mère qu’il mourra avant cinq jours. « Mourir ! mon enfant ! et il ne sera pas l’enfant de Dieu ! » s’écrie-t-elle. Alors elle l’attache sur son dos, prend l’aîné par la main et se met en route pour une mission catholique. Le qua­trième jour de cette marche forcée, (( le petit Miantony se traînait, les larmes coulaient de ses yeux, mais il ne se plaignait pas. La mère s’arrêta ; s’asseyant à l’ombre d’un peuplier, elle donna au dernier-né qui respirait encore, quelques gouttes de son lait, à Miantony, le reste des pro­visions emportées, et elle lui dit : (( Tu te souviendras toujours, dis, toujours, que j ’ai exposé ta vie, mon fils, pour sauver ton âme et celle de ton petit frère ? —, Oui, mère, je m’en souviendrai toujours ! — Peux-tu repartir ? — Oui, oui. — L’enfant avait encore du courage, mais il n’avait plus de forces, et il tomba sur la grande route rocailleuse. La mère le releva et, levant les yeux vers le ciel : « Grand Maître tout-puissant, cria-t-elle, nous te voulons, nous te cherchons, viens à nous ! Prenant l’aîné

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de ses enfants dans ses bras, elle marcha encore jusqu’au moment où elle s’affaissa, évanouie...

Elle essaya de se relever ; une main vint soutenir la sienne ; un étranger, un passant l’aida à s’asseoir, et lui demanda la cause de son épuisement. Elle expliqua son désir, le but de son voyage : la mission Sainte-Marie. — «Pauvrefemme ! dit l’étranger, reprenez courage, la Mis­sion est encore à quelques milles, mais je suis le mission­naire que vous cherchez. Rentrant de visiter mes malades, j’ai été témoin de votre chute et suis venu vous secou­rir. )) — « Mon Père, mon Père ! vous allez baptiser mes enfants, vous allez me baptiser, et nous serons tous enfants de Dieu !» — « Vous l’êtes déjà, ma fille, car un seul bap­tême suffit pour être sauvé, et n’avez-vous pas le baptême de désir qui purifie devant Dieu ? N’avez-vous pas le bap­tême du martyre, car vous vous êtes exposés à la mort, vous et vos enfants ? Oh ! soyez bénis tous les trois ! » Avec l’eau du ruisseau qui coulait à leurs pieds, le mission­naire les baptisa. Après quelque repos à la Mission, la famille heureuse prit congé. Le dernier-né ne mourut pas. Le Missionnaire promit d’aller visiter la tribu. L’Ermite, L ’Ami des Catéchismes.

88. — Renonciation au démon. Parrain et marraine.

En 1627, eut lieu à Québec le baptême d’un petit sauvage. Le Frère Sagard nous apprend que depuis long­temps il était tourmenté par le démon. Ses crises étaient affreuses. Mme Louis Hébert et les Récollets l’avaient préparé pour lui faire recevoir le saint Baptême. Au sortir d’une attaque plus forte que les précédentes, les Pères résolurent de le baptiser... Le P. Lallemant, s.j., célébra la sainte Messe, durant laquelle le P. Joseph LeCaron,

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LES SACREM ENTS — LE BAPTÊM E 75

Récollet, donna le sermon. Après la messe, le néophyte, tout de blanc habillé, se présenta à la porte de l'église. En présence de tout le monde, il répondit avec assurance aux questions exigées par le Rituel Romain. Comme il persévérait dans la résolution de recevoir le baptême, il fut introduit dans l'église, et le Père le baptisa. M. de Champlain fut parrain, Mme Hébert fut tout heureuse d'être marraine. Abbé A. Couillard-Després, Louis Hébert et sa famille.

89. — Nom d’un saint patron au baptême,

Le 25 août 1632, le P. Paul LeJeune baptise un petit sauvage. <( ...Monsieur Emery de Caën est son parrain, Madame Couillard, fille de Madame Hébert, est sa mar­raine. Il a nom Louis, aussi a-t-il été baptisé le jour de saint Louis. )>Relation des Jesuites, 1632.

90. — Parrain au baptême.

Autrefois, un seigneur devait accepter d'être le par­rain au moins une fois dans chaque famille de ses censi­taires. Les registres de Boucherville font mention au moins une quarantaine de fois du sieur Pierre Boucher, parrain. L'auteur des Anciens Canadiens parle d'un seigneur qui reçut, le premier jour de l'an, <( après l'office du matin, la visite d'une centaine de ses filleuls », Or, dans ce temps- là, on ne jouissait pas impunément de cet honneur. « Le parrain fournissait toute la boisson qui se buvait’ au‘festin ccmpérage, ainsi que celle que buvait la mère de l'enfant nouveau-né pendant sa maladie. » Ajoutez les étrennes, les présents traditionnels, l'entretien même, dans plusieurs cas, des nombreux filleuls. Une vieille seigneurie, Boucher- ville.

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CHAPITRE X

91. — L ’Esprit-Saint fu t envoyé aux Apôtres pour les for­tifier.

Le gouverneur Craig voulait faire céder Mgr Plessis sur des points que l'Église catholique ne peut accorder. Il lui promet un traitement matériel accru. « Quelque maigre et précaire que ma situation semble à Votre Ex­cellence, répond l 'évêque de Québec, j'aime mieux m'en contenter. J'aimerais mieux qu'elle fût encore plus maigre que de donner lieu à mes diocésains de dire que j'ai vendu mon épiscopat... »

Les menaces n'avaient pas meilleur effet que les promesses de faveurs royales. La religion catholique, prétendait Craig, n'était que tolérée ; l'évêque pouvait être déporté... <( Qu'à cela ne tienne, répondait le prélat courageux et tenace. Il ne me coûterait pas d'être, comme celui de La Havane (ce dernier venait d'être déporté en Floride pour avoir nommé des curés malgré la défense du gouverneur anglais) mis à bord d’un vaisseau de guerre, plutôt que de trahir ma conscience ! » Jean Bruchési, Histoire du Canada pour Tous, T. II.

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92. — Les langues de feu .

De 1632 à 1672, tous les missionnaires ont constaté de leurs yeux que l’ignorance ou la connaissance impar­faite des langues était un des grands obstacles au progrès de la foi et au salut des âmes... Dans la conquête de ce premier et de cet indispensable moyen d’apostolat, les missionnaires ont généreusement et héroïquement accom­pli leur devoir... De tous les Jésuites qui ont missionné au Canada de 1632 à 1672, seuls le P. de Noue et saint Noël Chabanel n’avaient aucune disposition pour cette étude. Les autres avaient des talents qui dépassaient la moyenne. Entre tant d’autres savants dans les langues barbares, il faut signaler le P. Chaumonot, le P. de Corbeil, saint Jean de Brébeuf, saint Antoine Daniel. De tous, on peut dire qu’ils regardaient cette étude comme le plus sacré de leurs devoirs. Travail que Dieu s’est plu à récompenser comme aux premiers temps de l’Église. Racontant les persécutions violentes que souffrent les missionnaires de la Huronnie, en 1640, le P. Jérôme Lalemant écrit : « Au reste, il a plu à Dieu d’assister les ouvriers qu’il em­ployait de faveurs extraordinaires, soit par un don pas­sager de la langue, que plusieurs ont expérimenté aux occasions, parlant et entendant au delà de leur portée... » Léon Pouliot, s.j., Etude sur les Relations des Jésuites de la Nmvelle-France...

93. — Le Saint-Esprit se communique à nous par la grâce.

Le dix-septième de May de la présente année 1642, Monsieur le Gouverneur mit le sieur de Maisonneuve en possession de cette Isle, pour y commencer les premiers bastimens ; le R. P. Vimont fit chanter le Veni Creator, dit la saincte Messe, exposa le Saint-Sacrement, pour

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impétrer du ciel un heureux commencement à cet ou­vrage... Relation, 1642.

Ainsi naquit Montréal par un hymne au Saint- Esprit et Poblation eucharistique.

94. — La confirmation.

En 1659, Mgr de Laval (( en passant dans les limites de notre Acadie du côté de Gaspé, a donné le sacrement de confirmation à 140 personnes... » Relation, 1659.

En 1660, il confirme à Montréal. « Parmi les confir- mands, on voit le nom de Paul de Chomedey, l'illustre fondateur de Ville-Marie. )) Êlie de Salvail, 800 Anniver­saires Canadiens.

En 1670, il baptise et confirme à Québec, Garakontié, chef des cinq Nations iroquoises. Relation, 1670.

95. — Un prêtre peut confirmer avec la permission du Pape.

Par un document du 11 septembre 1923, Sa Sainteté Pie X I accordait, sur la demande de Mgr Georges Gau­thier, archevêque-coadjuteur de Montréal, la permission de confirmer à Mgr E.-A. Deschamps, vicaire général, mais pas encore évêque à cette époque.

96. — Administration de la confirmation.

Mgr Ovide Charlebois arriva à Meadow-Lake, le 24 mai 1911. Aucun évêque n'avait encore visité ce poste « de l'extrême Nord », de sorte que plusieurs des habi­tants n'en avaient jamais vu et presque aucun n'avait assisté à une messe pontificale... Le lendemain... il y eut 61 confirmations ; l'âge des confirmés allait de huit ans à soixante-quinze. J.-M. Pénard, o.m.L, Mgr Charlebois.

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97. — Pratiquer ouvertement sa foi.

L'honorable Aram-J. Pothier avec les six colonels de son état-major a figuré dans la procession du Congrès Eucharistique de Montréal en 1910. C'est la première fois, dans nos annales religieuses, que le gouverneur d'un état américain a participé officiellement dans une démons­tration du culte catholique, en Canada. E.-Z. Massicotte.

98. — Etre prêt à mourir pour Vamour de Jésus-Christ.

Mgr Briand, évêque de Québec, nommait aux cures en dépit des prétentions des ennemis de l 'Église, qui voulaient que toutes les nominations relevassent du gou­vernement. L'évêque ne l'entendait pas ainsi, et un jour, il sut dire au général Murray : « Ma tête tombera avant que je vous accorde la permission de nommer à une seule cure. » Mgr Henri Têtu, Les Evêques de Québec.

99. — Le soufflet de Vévêque rappelle au confirmé qu’il doitêtre prêt à souffrir pour Jésus-Christ.

Une jeune Juive, Blanche Elkan, se convertit, pen­dant un séjour au couvent de Bellevue, à Québec. Elle fut confirmée par le cardinal Taschereau, le 30 avril 1891. De retour dans sa famille, elle se voit refuser l'autorisation de pratiquer sa religion. (( Père, je ne puis endurer plus longtemps cette vie qu'on me fait ici... Je t'aime et t'aime­rai toujours, mais le Dieu qui m ’a donnée à toi me récla­me... je suis à Lui d'abord... je partirai... » Son père tente de la retenir. Il emploie d'abord la douceur et l'exhorte à renoncer « à cette religion étrangère, que sa race mé­prise ». Mais « rien sinon la pleine et entière liberté de pratiquer sa religion, ne la décidera à rester un jour de

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plus au foyer paternel ». Le père entre alors en fureur : « Je te renie... je te déshérite... Ne reparais jamais devant moi... Pars !... Demain tu mendieras... demain tu n’auras à manger que le pain de la charité... Car tu n’apporteras rien d’ici... rien, tu entends... ? Pas même un mouchoir pour essuyer tes larmes... E t ne reviens jamais... Je te verrais mourir de faim à ma porte que je te refuserais le morceau de pain que l’on donne au chien... » E t la jeune fille riche partit en effet dans la grande pauvreté. Elle revint au Canada. Au bout de quelques mois, elle devint religieuse au Bon-Pasteur à Montréal. Elle y mourut en 1896. Un Lis fleurit entre les Epines, par une Sœur de la Congrégation de Notre-Dame.

100. — Importance de la confirmation.

A l’automne de 1873, six familles loucheuses fran­chirent plusieurs centaines de milles pour venir recevoir à Good-Hope (Extrême-Nord canadien) la confirmation, des mains de Mgr Clut. Malgré la famine qui sévissait dans leurs rangs et les décharnait, ces braves chrétiens persistaient à camper près de la mission jusqu’à la Noël. Au Père Séguin qui leur conseillait de s’éloigner pour sauver leur vie, ils répondaient : « Si nous allons loin, nous ne pourrons plus entendre la messe. C’est vrai que nous faisons pitié, mais nous avons si fréquemment péché ! C’est pour le paiement. » Missions des O.M.I.

101. — Sagesse chrétienne.

Dans la Relation de 1638, le P. LeJeune parle d’un sauvage devenu catéchumène, donc pas encore baptisé, qui aimait tellement la parole de Dieu qu’ <( il alla bien jusque dans cet excès, qu’ayant consommé toutes ses

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provisions, il s'abstenait d'aller à la pêche ou à la chasse, de peur d'être privé de nous venir voir, pour parler de Dieu et de notre créance, passant quelquefois quasi les deux jours sans manger. Nous en étant aperçus, nous le reprîmes de cette ardeur déréglée, le secourant selon notre pouvoir. Je sais bien qu'à peine me croira-t-on, mais je ne saurais cacher les merveilles de Dieu. »

102. — Le don d’intelligence.

Alors que Marie de l'Incarnation était novice, g l'Esprit-Saint lui découvrait le sens des paroles latines qu'elle prononçait des lèvres, et son esprit s'en pénétrait avec une telle onction que souvent elle transpirait au dehors. Parfois ses compagnes, en récréation, cherchaient à lui ravir quelque chose du secret du Roi : « Allons, sœur Marie, lui disaient-elles, prêchez-nous un peu » ; puis elles lui soumettaient quelque passage de l'Écriture sainte. Sœur Marie de l'Incarnation s'y prêtait en toute simplicité. Marie de VIncarnation... par une Religieuse Ursuline de Québec.

103. — Le don de force.

Un femme, mère d'une nombreuse famille, vivait depuis plusieurs mois dans l'attente douloureuse de la mort de son fils aîné, un aimable garçon qui venait de terminer ses études. Un prêtre, un excellent homme, fut chargé de lui annoncer qu'un autre de ses fils venait de se noyer... Il se rendit auprès de cette pauvre mère et maîtrisant avec peine son émotion, il lui dit qu'il venait lui annoncer une triste nouvelle. Elle crut d'abord qu'il venait lui annoncer la mort de son fils malade, mais le bon prêtre lui ayant dit qu'il s'agissait d'un autre membre

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de sa famille, elle se jeta à genoux et lui dit : « Mon père, bénissez-moi avant de m'annoncer la fatale nouvelle que vous m'apportez afin que j'aie la force de la suppor­ter. » Le prêtre, fortement ému, la bénit, et elle lui dit : <c Maintenant parlez, mon père. Il parla et lorsqu'il eut fini, elle lui dit en faisant un effort héroïque pour contenir sa douleur : <c C'est terrible, mais que la volonté de Dieu soit faite ! )> Le bon et cher enfant avait communié le matin pour obtenir la guérison de son frère mourant. E t lorsque le pauvre malade lui-même apprit la mort de son jeune frère, il déploya le même sang-froid que sa mère, la même résignation et se consola comme elle par la pensée que son frère avait communié le matin. L.-O. David.

104. — Le don de conseil fait découvrir la volonté de Dieu.

Depuis un an environ, saint Isaac Jogues était prison­nier des Iroquois, ou plutôt leur esclave et chaque jour un martyr. Le directeur de la colonie hollandaise Van Corlear lui offre de s'évader. « Monsieur, répond le Père Jogues, l'affaire me semble de telle importance, que je ne puis répondre sur le champ ; donnez-moi, s'il vous plaît, la nuit pour y penser, je la recommanderai à Notre-Seigneur, j'examinerai les raisons de part et d'autre, et demain matin je vous dirai ma dernière résolution. )> M'ayant accordé ma demande avec étonnement, je passai la nuit en prières, suppliant beaucoup Notre-Seigneur, qu'il ne me laissât point prendre de conclusion de moi-même, qu'il me don­nât lumière pour connaître sa très sainte volonté, qu'en tout et partout je la voulais suivre, jusques à être brûlé à petit feu... Ayant balancé devant Dieu, avec tout le dégagement qui m'était possible, les raisons qui me por­taient à rester parmi ces Barbares ou à les quitter, j'ai

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cru que N.-S. aurait plus agréable, que je prisse l’occasion de me sauver. Le jour étant venu, j ’allai saluer Monsieur le Gouverneur Hollandais, et lui déclarai les pensées que j’avais prises devant Dieu... » Relation, 1643.

105. Le dm de piété.

Monsieur Dupuy, seigneur de l’Ile-aux-Oies, était très pieux. Son manoir offrait l’image d’un cloître bien réglé. Outre les prières du matin et du soir que l’on faisait en commun, les heures de travail étaient partagées par de saintes lectures et d’autres exercices auxquels M. Dupuy présidait lui-même. Il consacrait en outre plusieurs heures du jour à l’oraison. Cette vie édifiante avait fait une profonde et salutaire influence sur les familles qu’il avait groupées autour de lui... En l’absence des mission­naires qui ne visitaient que rarement ces parages, M. Dupuy' réunissait dans son manoir, les jours de dimanches et fêtes, tous ses domestiques et les habitants de l’île et leur faisait des exhortations avec un esprit de foi, une éloquence et une onction qui rappelaient les meilleurs prédicateurs, et qui, disent les mémoires du temps, arra­chaient souvent des larmes à ses auditeurs...

Les charges qu’il occupa ne changèrent rien à ses habitudes de piété et de vie exemplaire. Son assiduité aux offices divins et sa grande dévotion à la Sainte Vierge, dont il était un des plus fervents congréganistes, étaient un sujet d’édification générale. Chacun lu respectait et l’aimait comme un saint. De plus « sa haute piété ne lui avait rien fait perdre de l’enjouement et des manières aimables du gentilhomme. Sa conversation était aussi attrayante qu’instructive. » L’abbé H.-R. Casgrain, Histoire de VHôielr-Dieu de Québec.

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CHAPITRE XI

LA PÉNITENCE

106. — Le bie?ifait du sacrement de pénitence.

Mlle Debbie Barlow, ex-élève des Daines de la Con­grégation, à Montréal, écrit, peu de temps après sa con­version du protestantisme : « Depuis mon baptême, j’ai eu de si bons directeurs, que la confession devient pour moi un bienfait inappréciable. Combien de fois j ’ai formé le vœu qu’il fût donné aux protestants d’aller à confesse seulement une fois ! L’horreur qu’ils ont pour le sacrement de pénitence disparaîtrait, j ’en suis certaine, pour tou­jours. )) Les Jeunes Converties.

107. — Le sacrement de pénitence nous purifie de nos péchés et nous rend Vamitié de Dieu.

On avait enseigné à un sauvage chrétien que les péchés étant une fois effacés, jamais ne retournaient, mais que la grâce perdue par le péché, nous est rendue quand nous nous confessons. Cherchant en son esprit la cause de cette différence, voici le raisonnement qu’il faisait : La grâce, disait-il, est comme une belle robe de castor, dont Dieu notre père va revêtant l’âme de ses bons enfants. Quand un de nos enfants nous a fâchés,

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nous lui ôtons sa belle robe... ; mais nous ne jetons pas la robe dans le feu, c'est une chose trop précieuse, nous la réservons quelque part, pour lui rendre, quand il voudra nous obéir. De même Dieu, quand nous avons péché, dépouille notre âme de sa grâce, mais il ne veut pas que cette grâce soit perdue, elle lui est trop précieuse, il la conserve chèrement dedans ses trésors, tout prêt de nous la rendre quand nous lui demandons pardon. Mais le péché est une chose si difforme, que Dieu en a horreur, quand nous nous confessons, il l'anéantit tout à fait : voudrait-il mettre dans ses trésors un monstre si hideux ? ce n’est donc pas merveille, que jamais il ne retourne dans notre âme, en étant une fois effacé. Si ce raisonnement n’est pas reçu dans l’Êcole, on doit excuser un Barbare, qui jamais n’a lu saint Thomas. Relation, 1642.

108. — Vabsolution du prêtre confère le sacrement de péni­tence!.

Le R. P. Paquette, o.m.i., avait instruit et élevé un enfant sauvage qui rendait de précieux services à la mission... « Il avait, dit le Père, une foi à transporter les montagnes. )) Durant sa maladie, quelques jours avant sa mort, Alexis — c’était son nom — prenait la croix du missionnaire, la baisait d’un bout à l’autre, en s’écriant : « Mon Dieu, que je vous aime !» — « Je n’ai jamais vu de ma vie, raconte le Père, un mourant faire de tels actes d’amour de Dieu. » Le pieux malade disait au prêtre : (( Mon Père, je sais que tu as les pouvoirs de Dieu ; par- doDne-moi mes péchés. — Oh ! oui, répond le mission­naire tout ému, je te pardonne tes péchés. — Pardonne encore une fois, reprend Alexis, et pardonne toujours, car je veux être bien certain d’aller au ciel pour y voir le bon

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Dieu et la Sainte Vierge. » Un peu avant de mourir, le malade tourne son regard vers le missionnaire pour de­mander une nouvelle absolution. « A peine avais-je fini de prononcer la formule sacrée, ajoute le Père, que mon Alexis tant aimé, rendait son âme à Dieu sans agonie et sans efforts, en prononçant les saints noms de Jésus, Marie, Joseph. » O.M.I., Petites histoires.

109. — U absolution.

« Mère Marie de l’Incarnation... parle... d’un capi­taine huron nommé Jean-Baptiste. Prêt à partir pour la chasse, il revient sur ses pas confier à la Mère catéchiste qu’il a eu le malheur de se fâcher. Comme il n’a pu trouver son confesseur et « ne voulant point embarquer son péché avec soi », il la charge de raconter la chose au Père et de lui dire qu’il en est bien marri ! Après deux lieues de chemin, Jean-Baptiste apprend que le Père est de retour. Qu’à cela ne tienne... et dans le désir de rentrer en grâce avec Dieu, il refait la route de Québec. Ses comptes réglés, il rejoindra son monde avec la satisfaction d’une bonne conscience, bien qu’il place maintenant au-dessus du plaisir de la chasse. Voilà les merveilles que la foi opérait dans ces braves cœurs. » Marie de VIncarnation... par une Religieuse Ursuline de Québec.

110. — Comment bien recevoir le sacrement de pénitence.

Un Français avait volé une robe de castor, propriété d’un Sauvage de St-Joseph de Sillery. Or comme ce vol était récent, et que le Français qui l’avait commis se

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voyait en grand danger d’être découvert, touché d’ailleurs d’un remords d’avoir offensé Dieu, il porta cette robe à son confesseur, le suppliant de la restituer ; en sorte qu’il ne fût point connu. On reporte la robe aux Sauvages, et parce qu’ils savent que Monsieur le Gouverneur du pays fait punir publiquement les crimes, on leur dit, que celui qui était tombé dans cette offense, s’était venu con­fesser, qu’il avait demandé pardon à Dieu, qu’il avait rendu la robe, qu’on lui avait donné ixne bonne pénitence. On leur ajoute qu’ils savaient bien, que ce qui ce passait dans le sacrement de Pénitence était un secret de Dieu, à qui on déclarait ses péchés, et qu’on n’en parlait jamais aux hommes, que personne ne connaissait le criminel. Ces bonnes gens furent ravis, voyant dans la pratique ce qu’on leur avait prêché du secret de la confession, admi­rant ce tribunal et cette justice, si favorables à ceux qui reconnaissent et qui détestent leurs offenses. Jamais ils ne demandèrent et jamais ils ne parurent conjecturer qui pourrait être le coupable, afin de s’en défier, s’ima­ginant qu’un homme qui confesse son péché ne le doit jamais plus commettre, notamment s’il est tant soit peu notable. Relation, 1652.

111, — Examen de conscience. Confession et contrition.

Catherine Tekakouitha consacrait, le samedi, un long temps à la discussion de sa conscience, pour saisir les moindres actes qui auraient pu offenser Dieu. Elle allait ensuite au bois, dit son confesseur, « se déchirer les épaules $vec de grands osiers, d’où elle venait à l’église et y passait un long espace de temps à pleurer ses péchés ; elle les confessait de la même sorte, entrecoupant ses paroles de soupirs et de sanglots et se croyant la plus grande

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pécheresse du monde, quoiqu’elle fût d’une innocence angélique. E. Lecompte, s.j., Catherine Tekakouitha.

112. — L’examen de conscience.

En mission chez les Atté-Kamegues, le P. Jacques Buteux raconte, à propos des confessions : <( Pour se ressouvenir de leurs péchés, ils apportaient diverses mar­ques, qui leur tenaient lieu d’écriture : les uns avaient de petits bâtons de diverses longueurs, selon le nombre et la grièveté des péchés ; les autres les marquaient sur de l’éccrce avec des lignes plus longues ou plus courtes, selon qu’üs les jugeaient plus grands ou plus petits ; les autres sur quelque peau blanche et bien passée d’orignal ou de caribou, comme ils auraient fait sur le papier ; les autres se servaient des grains de leurs chapelets ; mais ceux qui avaient marqué leurs péchés chaque jour sur leur calen­drier, et qui se confessaient le parcourant ainsi depuis un an me donnèrent beaucoup d’étonnement. » Relation^ 1651#

113. — Ce qu’est la contrition.

Vers le milieu du siècle dernier, l’abbé Thibault con­vertit un métis resté célèbre dans l’ouest. On l'appelait le vieux Beaulieu ou le patriarche Beaulieu. Sa conversion fut complète. Le reste de sa vie (il mourut, probablement centenaire, en 1872) fut consacré à une pénitence et à un apostolat ininterrompus. Il se constitua le protecteur, le serviteur et souvent le pourvoyeur des missionnaires... Beaulieu vénérait spécialement Mgr Grandin, et Mgr Grandin vénérait Beaulieu. Le prélat lui bénit, en 1861, une grande croix, sur un cap de la grève. A cette croix, Beaulieu fit son pèlerinage quotidien jusqu’à sa mort.

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Par les froids les plus rigoureux, on l'y voyait agenouillé, tête nue, récitant son chapelet pour les morts de la tribu, pour sa famille, pour tous ceux surtout auxquels il avait fait du mal. Il pleurait tous les jours sur ses fautes passées. Mgr Faraud disait qu'il avait reçu avec sa conversion le don des larmes, qui fut le privilège de plusieurs saints. « Ah ! que n'ai-je connu plus tôt le bon Dieu ! répétait-il. Comme je l'aurais aimé ! Pardon, mon Dieu, pour mes péchés... » Sur ses derniers jours, il se fit transporter dans les lieux témoins de ses anciens désordres, afin de faire apologie, comme il disait, pour ses scandales. R. P. Du- chaussois, Aux Glaces polaires.

114. — La douleur du péché doit être intérieure.Un sauvage, nouveau chrétien, ayant commis quelque

offense, aborde un père avec ces paroles : je suis triste, j'ai fâché Dieu ; si je savais ce qu'il faut faire pour l'apai­ser, je l'apaiserais : dites-le moi, mon Père, car je suis triste. La douleur dont son cœur était oppressé paraissait sur son visage. U fallait, lui dit le Père, te mettre à genoux aussitôt que tu as reconnu ton péché, et prier Dieu qu'il te le pardonnât pour l'amour qu'il porte à son fils, qui est mort pour toi. J'ai fait cela, repart ce bon néophyte, mais hélas ! c'est peu de chose pour apaiser le grand Capitaine que j'ai fâché. En disant ces paroles, les grosses larmes lui tombèrent des yeux, les soupirs et les sanglots sortant de sa bouche lui ôtèrent la parole, et lui firent différer sa con­fession au lendemain. Il ne pouvait proférer que ces trois motsf j'ai fâché Dieu. Relation, 1642.

115. — Contrition universelle.Les tantes de Tekakwitha... exercèrent une telle

pression sur l'enfant, qu'elle se laissa faire et porta un

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temps les livrées de la vanité. Elle se ressaisit vite toutefois et regretta d’avoir cédé. Le remords ne la quitta plus. Vingt ans après, elle pleurait, encore ce qu’elle considérait comme un de ses plus graves égarements. N’est-ce pas merveilleux de voir cette jeune païenne faire exactement ce qu’avait fait, un siècle plus tôt, un saint Louis de Gon- zague, pleurant les pincées de poudre que tout enfant il avait dérobées aux soldats de son père. E. Lecompte, s.j., Catherine Tekakwitha.

116. — En danger de mort, faute de prêtre, faire un acte de contrition parfaite et avoir le ferme propos de se confesser.

Au cours d’une épidémie, le R. P. Bonald, mission­naire dans les régions glacées de l’Amérique du Nord, fut appelé d’urgence auprès d ’un groupe d’indiens. Mais lorsqu’il arrn a auprès d’eux, la mort avait passé. « Je trouvai onze cadavres, raconte-t-il, ils étaient sur leui's nattes, rigides, glacés par la mort et par un froid de 40 degrés-. Je m’approchais de leur dépouille pour prier, quand je m’aperçus avec étonnement que chaque cadavre tenait dans la main un petit paquet : c’était une feuille d’écorce de bouleau pliée en deux. L’écorce de bouleau est le pa­pyrus du pôle... Je voulus voir : je pris la feuille, elle portait quelques mots écrits. Je lus : (( Notre Père doit seul lire les lignes qui suivent. )) C’était leur confession. Ces pauvres gens, sentant venir la mort et ne pouvant confesser leurs péchés, les avaient écrits sur cette feuille légère. Comment avaient-ils fait ? Se sentant mourir, avaient-ils tracé ces caractères de leur main défaillante, ou bien avaient-ils employé un confident ? Je ne sais. Devant ce témoignage de foi naïve... les larmes tombèrent

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de mes yeux... Chers grands enfants ! Ils m’avaient enten­du dire qu’à défaut du prêtre, la contrition parfaite, jointe au désir de recevoir le sacrement, opère la rémission des péchés, et ils avaient voulu donner acte à Dieu, à leur conscience et au Père qu’ils étaient morts dans ces dispo­sitions. Toutes ces feuilles portaient au bas une mention à peu près identique : <( Je te demande, mon Père, de dire une fois la sainte messe pour le repos de mon âme. Je laisse pour toi, en reconnaissance de ce service, une peau de castor... une peau de martre. )) Un autre avait mis : « Ma belle hache... )) L’abbé Millot, Trésor d’his­toires.

117. — Le ferrfte propos.

Passé les fêtes de Noël, la chasse commençait pour les Iroquois de la mission (du Sault)... Ces courses loin­taines, cette vie errante pendant des trois et quatre mois, n’étaient pas sans danger pour le caractère inconstant et la vertu encore neuve des néophytes. Us n’y trouvaient plus les secours de la vie réglée du village, la présence des missionnaires, les messes, les catéchismes, les réunions à la chapelle. Les Pères y pourvoyaient de leur mieux. Avant le départ pour la chasse, ils faisaient leurs recomman­dations ; ils traçaient sur une écorce de bouleau une sorte de calendrier, où les dimanches et les fêtes, les jeûnes et les abstinences étaient marqués avec soin ; d’autres écorces portaient en signes convenus les prières de chaque jour... Pour un bon nombre ces précautions suffisaient ample­ment ; ils revenaient au village avec une conscience, disait un Père qui ne trouvait pas matière à absolution.E. Lecompte, s.j., Catherine Tekakwitha.

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Faisant allusion à certaine mission de son vicariat, Mgr Charlebois dit que la confession de la plupart des convertis devient celle-ci : <( Mon Père, je n'ai pas de péché à te dire. Depuis que je prie, je ne crois pas avoir offensé Dieu une seule fois. » On a beau leur faire des questions, c'est inutile ; on ne trouve aucun péché : « Oh ! oui, mon Père, quand je ne priais pas, j'ai fait bien des fautes ; mais alors seulement, pas depuis ce temps-là. » E t quelquefois, il y a de dix à quinze ans qu'ils se sont convertis. R. P. Duchaussois, Aux Glaces Polaires.

118. — Confession.

Monsieur Daniel, p.s.s., était à Notre-Dame depuis 1847. Il devait y demeurer jusqu'à sa mort en 1908. Un jour, vers 1905, un prêtre attaché à Notre-Dame, remar­que dans l'église un petit vieux dont les yeux inquiets, portés de côté et d'autre, semblent chercher quelqu'un ou quelque chose. U le prend en pitié et lui demande ce qu'il désire. U veut Monsieur Daniel. Mais M. Daniel ne vien­dra que plus tard. Regrets manifestes du vieillard. Mais pourquoi voir M. Daniel ? Pour se confesser. Pour se confesser ! Voyez, des prêtres entendent déjà les con­fessions. Vous avez le choix. (( Oui, sans doute, toutefois je vais à confesse à M. Daniel depuis cinquante-sept ans et je ne voudrais pas maintenant changer de confesseur. » Rare exemple de fidélité. Henri Gauthier, Charles Lecoq, p.s.s.

119. — Péchés qu’il faut dire ou qu’il est bon de confesser.

Lettre écrite, sur de l'écorce, au Père Le Moine, par « un jeune enfant » en captivité : « Mon R. Père, Le jour

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que vous partîtes des Trois-Rivières, je fus pris sur les trois heures du soir, par quatre Iroquois d’en bas : la cause pour laquelle je ne me fis pas tuer, mon malheur, c'est que je craignais de n'être pas en bon état. Mon Père, si je pouvais avoir le bonheur de me confesser, si vous veniez ici, je crois que l'on ne vous ferait aucun mal ; et je crois que je m'en retournerais quand et vous, si vous pouviez venir ici. Je vous prie d'avoir pitié de ma pauvre Mère, bien affligée : vous savez, mon Père, l'amour qu'elle a pour moi... Nous sommes trois Français, qui avons ici la vie : je me recommande à vos bonnes prières, particu­lièrement au saint Sacrifice de la Messe. Je vous prie, mon Père, de dire une Messe pour moi. Je vous prie de faire mes baise-mains à ma pauvre Mère, et la consoler, s'il vous plaît. »

E t plus bas :(( Mon Père, je vous prie de bénir la main qui vous

écrit, et qui a un doigt brûlé dans un Calumet, pour amende honorable à la Majesté de Dieu, que j'ai offensé ; l'autre a un pouce coupé. Mais ne le dites pas à ma pauvre Mère...

« Votre très humble et très obéissant serviteur,« François Hertel. »

Relatiorij 1661.

120. — Qualités d’une bonne confession.

Une des compagnes de Sœur Bourgeoys, Sœur Marie Barbier, avait été nommé supérieure de la Providence de Québec où l'on recevait de grandes filles pauvres pour leur apprendre à travailler et à vivre chrétiennement... Par ses manières simples et engageantes, non moins que

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par ses instructions et ses discours, elle les portait toutes à la pratique de la plus haute perfection. Une sorte d’ins­tinct lui découvrait souvent leurs besoins spirituels ; et toujours elle en procurait le remède, soit en leur donnant des avis..., soit en les adressant au confesseur de la mai­son... Plusieurs de ces filles avaient plus de facilité à lui découvrir leurs dispositions intérieures, qu’elles n’en éprouvaient à l’égard de leur propre confesseur. Elle se servait de ces ouvertures pour les porter à faire des con­fessions humbles, entières et sincères, et à ne point rougir des aveux les plus humiliants. Aussi avait-on lieu d’ad­mirer les fruits merveilleux que les sacrements produi­saient dans toutes ces filles. Faillon, Vie de la Sœur B o u t- geoys.

121. — Confession humble.

Hélène Boullé, la veuve de Champlain, fonda un monastère d’Ursulines, à Meaux et y fit profession le 4 août 1648... Pour se préparer à cette action, elle avait ob­tenu à force d’importunité, la permission d’écrire ses fautes et de les lire publiquement en communauté. Elle fit cet acte à genoux, nu-pieds, la corde au cou et un cierge allumé à la main, et on ajoute que sa profonde hu­milité lui fit même étrangement aggraver cette accusa­tion. Faillon, Histoire de la Colonie Française...

122. — Péché mortel caché en confession.

Le P. Giroux, o.m.i., missionnaire dans l’Extrême- Nord canadien, raconte ce qui suit d’une Loucheuse... Liane, ayant hiverné ici, partait après Pâques... ; mais elle partait bien triste. C’était une excellente chrétienne, craignant Dieu et sévère à elle-même, mais tourmentée

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beaucoup par le démon. Elle eut la faiblesse de consentir à un mauvais désir qu’elle ne mit cependant pas à exécu­tion ; mais elle, qui s’était toujours si bien gardée, eut une telle honte de cette faiblesse qu’elle n’osa pas la con­fesser et partait avec une communion sacrilège. Alors ce ne fut pas une vie pour cette pauvre âme. (( Qu’ai-je fait ? » pensait-elle, et elle ne se sentait pas la force d’a­vouer sa faute.

Ses compagnons la virent dépérir à vue d’œil, car elle ne mangeait plus ni ne dormait. N’y tenant plus, elle s’en alla à l’écart dans le bois, enleva ses habits et se coucha dans la neige pour mourir. Alors Dieu eut pitié de cette âme, et la neige provoquant chez elle une forte réaction, elle se dit : (( Je suis bien bête, pourquoi ne pas avouer mon péché ? C’en est assez, je le confesserai. ))

Elle était sincère ; elle se lève toute changée, n’ayant plus qu’une pensée : voir le Père. La glace est à peine partie qu’elle se fait amener à la mission. Elle n’a que la peau et les os. En arrivant, elle ne touche la main à per­sonne et monte comme une flèche à la mission ; il est dix heures du soir. Elle ne me touche pas la main, selon l’habitude, mais me dit simplement : ((Je veux me con­fesser » ; puis elle entre au confessionnal. Elle avoue sa faute, et après on la voit inondée de la joie d’une âme en paix. Mais la secousse a été trop forte. La grippe alors apparaît ; au deuxième jour de la maladie, elle ne semble nullement en danger, et cependant son enfant vient m’avertir que sa mère, que je viens de voir peu d’instants auparavant, semble mal. J ’y cours ; elle rend le dernier soupir et reçoit une dernière absolution. Que Dieu a été bon pour cette sainte âme ! Cité par Eugène Nadeau, o.m.i., Ceux qu’il aima.

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123. — Il favt mentionner le laps de temps écoulé depuis la dernière confession.

« Pour vous, monsieur ? demande le frère André. — J'ai le bras droit paralysé depuis longtemps, je ne peux pas le remuer. — Vous irez vous confesser et vous com­mencerez une neuvaine. — Pardon, vous avez dit ? — Je vous ai dit d'aller vous confesser et de commencer une neuvaine. — Il y a vingt-cinq ans que je me suis con­fessé. — Vainement la jeune fille qui accompagne cet homme le tire par la manche en disant : Papa, papa, fais attention, les gens t'entendent. — Si j'ai eu le cœur de passer vingt-cinq ans sans aller à confesse, je dois bien avoir le courage de le dire. Le frère André l'inter­rompt.— Prenez votre chapeau de votre main droite et mettez-le sur votre tête. L'homme obéit, un peu hébété par la surprise de ne plus sentir de mal. Le religieux con­tinue : Ce soir vous viendrez coucher au-dessus de la chapelle et demain vous irez communier. Le miraculé s'en va et un témoin demande au frère : Vous l'avez laissé partir, savez-vous s'il reviendra ? — Oui, j'en suis certain. Il revient en effet, se confesse, communie le lendemain, et le frère se plaira à décrire la joie exubérante de ce con­verti. » H.-P. Bergeron, c.s.c., Le Frère André} c.s.c.

124. — Renouveler Vaccusation de certaines fautes.

En 1666, le jour de la Saint-Joseph, M. de Cour- celle, gouverneur de la Nouvelle-France « fit ses dévotions et se confessa à son confesseur ordinaire... » ; et le marquis de Tracy, lieutenant général du roi pour les possessions françaises d'Amérique, « fit sa confession générale de toute sa vie, communia aux Ursulines... » Journal des J ésuites.

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125. — Imposition d’une pénitence après la confession.

Un sauvage très pieux, nommé É tienne, était un jour dans une cabane de sauvages, où Ton parlait de ce que les Pères avaient enseigné touchant le sacrement de Confession ; il se mit à leur faire une question à tous, les uns après les autres, savoir : si pour les péchés qu'ils avaient commis, on leur donnait pour pénitence de se jeter du haut du grand sault de Montmorency en bas..., le feraient-ils ? Ils répondirent tous qu'oui pourvu qu'on leur enjoignît. « E t moi aussi, dit-il, qui suis le plus grand pécheur de tous ; je redoute l'enfer, et crains fort que mes péchés ne m'y attirent : je me soucie peu que mon corps soit englouti dans l'eau, mais je souhaite ardem­ment que mon âme aille au ciel. )) Relation, 1643.

126. — Satisfaction pour nos péchés.

Le P. Buteux raconte d'un sauvage : Il (( m'attendit à genoux une grosse demi-heure après ma Messe, et voyant que je voulais sortir, il m'arrête : J'ai fâché Dieu, je veux me confesser. Il me paraissait tout transporté de douleur : M 'étant souvenu la nuit de mon péché, disait-il, je me suis levé, j'ai entré dans les bois, et coupant des scions d'arbres, je me suis si longtemps battu et fustigé que je n'en pouvais plus ; quand je me serai confessé, j'ai bien envie d'en faire davantage, tu me diras ce qu'il faut faire pour payer Dieu et pour l'apaiser. Je l'entends de confession, dit le Père, il était touché jusques aux larmes, je lui donnai une pénitence trois fois plus rude que je n'aurais fait à un Français pour^une même offense. Est-ce là, me fit-il, tout ce que tu m'ordonnes pour un si grand péché ? Fais-moi porter quelque chose qui me déchire le corps, commande-moi de jeûner ; je ne crains

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point, je t'obéirai, j'ai fâché Dieu, je le veux apaiser. Le Père lui repart : je ne veux pas que tu jeûnes aujour­d'hui ni demain : ce sont des jours de réjouissances, on fera festin dans vos cabanes pour l'arrivée du Père Le- Jeune que Dieu nous a rendu. C'est pour cela, dit ce bon­homme, qu'il faut que je jeûne, afin que je souffre davan­tage : j'ai fâché Dieu, il ne faut pas que je me réjouisse avec les autres, je m’absenterai bien aisément de ces festins, et si je m'y dois trouver, je ferai bien semblant de manger sans que personne s'en aperçoive. Ce bon pénitent pouvait bien dire : Dolor meus in conspectu meo semper, mes yeux envisageant mon offense ne voient que des objets de douleur. » Relation, 1642.

Voici un prône datant de plus de cent ans, retrouvé dans un vieux cahier d'une paroisse du Nouveau-Bruns- wick. Il y est question d'un certain endroit... <( C'est une maison qu'aucune personne honnête doit fréquenter, jeunes ou vieux ; je vous le défends. Pour ce qui est des jeunes gens qui ont fréquenté cette maison cet hiver, qui ont découché de chez leurs pères, qui ont veillé dans la dite maison et ailleurs, je les mets dehors pour un mois. Leur pénitence serait plus dure et plus longue si nous n'é­tions pas dans un temps de miséricorde où Dieu pardonne tout et où nous devons pardonner nous-même. S'ils veu­lent se réconcilier avec l'Église et avec Dieu, d'ici à un mois, c'est-à-dire pendant quatre dimanches, ils se tien­dront à genoux à la porte de l'Église depuis le Credo jusqu'après la Communion ; alors ils pourront entrer dans l'église mais dans l'allée du banc d'œuvre, à genoux le plus qu'ils pourront, pour fléchir la colère de Dieu et montrer par leur pénitence qu'ils sont repentants et

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qu’ils veulent mieux faire... » Le Messager Canadien du Sacré-Cœur, octobre 1944.

127. — Peine temporelle comme satisfaction pour les péchés.

Un sauvage, capitaine chrétien des plus considé­rables du bourg de S.-Jean-Baptiste, ayant parlé publique­ment en faveur d’un songe..., en fut incontinent touché au cœur. « J ’ai fâché Dieu, dit-il au Père, mon péché mérite punition ; et comme il a été public, ne crains point de m’ordonner une pénitence publique, parle et je t ’obéi­rai. » Le Père lui ordonne d’être huit jours sans se trouver à aucun festin. C’était le condamner à un jeûne plus étroit qu’au pain et à l’eau, et l’obliger plus que dix fois par jour de répondre à tous les infidèles, qu’il faisait péni­tence de son péché. Quelquefois il était plus de trois heures après-midi avant qu’il eût rompu son jeûne... Le Père s’en étant aperçu voulut lui relâcher sa pénitence, « Mon père, repartit ce capitaine, tu n’as pas assez de courage, tu te défies trop de nous autres ; non, non, ne mollis point. Je prends plaisir à me punir de mon péché, il faut achever jusqu’au bout I quiconque offense Dieu est trop heureux d’en être quitte à si bon marché. » Relation, 1644.

Un sauvage, ancien bourreau, se fait un jour couper un doigt, sans anesthésique, bien entendu, en présence du- P. Frémin qui le console, et qui l’entend répliquer : « J ’ai mérité le feu de l’enfer pour l’éternité... Je suis bien aise de pouvoir offrir à Dieu cette petite douleur en satis­faction de mes péchés... » E t il endure tout « sans témoi­gner plus de sentiment que si on ne le lui eût coupé qu’un cheveu, répétant souvent ces paroles : <( Qu’on me mette en pièces, qu’on me brûle tout vif en cette vie, pourvu que mon Dieu me pardonne dans l’éternité ! »

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128. — Oeuvre de miséricorde temporelle.

Autrefois et encore de nos jours dans les campagnes, on s'entr'aide dans le malheur par exemple lorsqu'un in­cendie a éprouvé un paroissien. Alors en organise une corvée. On donnait le nom de « corvée )) à tout travail volontaire qu'on allait faire en commun pour assister un paroissien, soit pour l'érection d'une charpente de maison, de hangar, de grange, dont il avait préparé de longue main les matériaux, soit pour une boucherie d'automne, ou pour toute entreprise qui requérait pour un jour un nombre de bras exercés. Raphaël Eellemare, dans Y Al­liance Nationale, 1908.

129. — Hospitalité.

L'hospitalité du Canadien français marche de pair avec sa courtoisie. De fait, ces deux qualités ne surgissent- elles pas de la même source ? Que sont-elles, sinon les fruits divers greffés sur le même arbre ? Si pauvre qu'il puisse être, le Canadien français est toujours prêt à par­tager son dernier verre de vin, son dernier morceau de pain avec son prochain, surtout si celui-ci est encore plus pauvre que lui-même. Byron Nicholson,

130. — Donner à manger à ceux qui ont faim.

L'honorable Barthélmy Joliette, fondateur de la ville de ce nom, avait épousé Marie-Charlotte de Lanaudière, héritière de la seigneurie de Lavaltrie.

Un jour, en l'absence de son mari, Mme Joliette, assiégée par un certain nombre de mendiants, n'avait pu résister à l'entraînement de son bon cœur : d'une au­mône à l'autre elle avait donné jusqu'à quatorze minots

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de blé I A la fin de la journée, réfléchissant qu'elle avait peut-être plus consulté sa générosité que sa discrétion, elle craignait de recevoir des reproches à cause d'une pareille prodigalité. Son inquiétude était assez vive. Mais loin de la réprimander, son mari la félicita de sa bonne action, en ajoutant : <( Fais à l'avenir, selon ce que te conseillera ton cœur généreux. »

Dans une autre circonstance, Mme Joliette, dont l'œil vigilant surveillait tout, s'était transportée auprès du vaste four, d'où l'on retirait en ce moment le pain destiné à ses nombreux serviteurs. Sur ses pas, comme d'habitude, les pauvres étaient accourus demandant l'aumône. Émue jusqu'aux larmes de leur misère, la sei- gneuresse leur distribua toute la fournée de pains. Puis, souriante, elle donna des ordres pour une nouvelle fournée. Abbé Joseph Bonin, Biographies de Vhonorable Barthêlmy Joliette et M. le Grand Vicaire A . Manseau.

131. — Visiter les captifs.

En 1838, Mme Gamelin, future fondatrice de l'Ins­titu t de la Providence, sollicita et obtint la permission de visiter les prisonniers politiques à Montréal. Elle visitait chaque jour les captifs, dans l'espoir de les mettre en communication avec leurs familles et de les aider à souffrir chrétiennement. Afin de rendre plus efficaces ses exhorta­tions, elle avait maintes industries que lui inspirait sa dévotion à la passion de N.-S. et aux douleurs de sa sainte Mère. Elle distribuait aux malheureux patriotes, devenus ses protégés, des images pieuses et divers autres objets de piété. Dans l'après-midi, avant de se retirer et quand les circonstances le permettaient, elle récitait avec eux la prière du soir... Elle leur portait elle-même ou leur faisait

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porter des paniers remplis de provisions que lui procu­raient ses amis. De leur côté, ces braves gens l’accueillaient avec bonheur lui faisaient part de leurs secrets et la char­geaient de missives. Les familles des prisonniers s’adres­saient aussi à Mme Gamelin pour être mises en relation avec les leurs. L 9Institut de la Providence, vol. I.

132. — Indulgence plénière.

Dans une lettre adressée par les associés de Montréal au pape Urbain VIII, nous relevons ce passage : « Que Votre Sainteté daigne enrichir par le trésor de l’Église qui lui est confié, notre Société ; tant dans l’Ancienne que dans la Nouvelle-France, en accordant l’indulgence plé­nière et la rémission de tous leurs péchés, les jours de fêtes de la Purification et de l’Assomption à tous ceux qui, étant en France... pareillement dans la Nouvelle- France, visiteront... la chapelle de la Mère de Dieu dans l’île de Montréal... tant les Français que les sauvages chrétiens, en faisant des prières pour Votre Sainteté, pour la propagation de l’Église, la paix entre les Princes chrétiens, et recevront la Sainte Eucharistie après s’être approchés du sacrement de Pénitence... »

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CHAPITRE XII

LA SAINTE EUCHARISTIE PRESENCE REELLE

133. — Présence réelle de Notre-Seigneur dans VEucha­ristie.

L'année 1650, le jour même de l'Assomption de Marie, fête principale de la congrégation externe, le Très Saint Sacrement étant exposé selon l'usage, Marguerite Bour- geoys fut désignée pour rester en adoration en sa pré­sence... Après avoir demeuré quelque temps humblement prosternée devant Notre-Seigneur, plus encore de cœur et d'esprit que de corps, elle se sentit portée à lever les yeux vers la sainte Hostie ; et dans ce moment elle aper­çut... Notre-Seigneur dans la sainte Eucharistie, sous la forme d'un enfant, comme de l'âge de trois ans et d'une beauté incomparable... Faillon, Vie de la Sœur Bourgeoys.

134. — Le Jeudi-Saint.

Nous savons que, dans la disposition de son logement (il s'agit de la cellule de Jeanne LeBer), elle avait voulu que le chevet de son lit fût le plus près qu'il se pourrait du Très Saint Sacrement ; et il n'en était, en effet, distant

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que de quatre pouces. En sorte que, toutes les nuits, elle jouissait du privilège accordé au Disciple bien-aimé qui, la nuit de la passion, reposa sur la poitrine du Sauveur.

Elle se levait toutes les nuits..., et faisait une heure d'oraison, à genoux, au pied de l'église qu'elle a fait bâtir... Le froid si rude du Canada, qui assiégeait si cruellement son corps, naturellement faible et délicat, étrangement desséché et amaigri par les pénitences, ne l'a jamais dis­pensée de cet exercice de charité et de religion pendant vingt ans... Eloge funèbre de Jeanne LeBer} par M. de Belmont, p.s.s.

135. — Institution de la Sainte Eucharistie.

Les membres de la société Notre-Dame de Mont­réal, l'étaient aussi de la Compagnie du Saint-Sacrement. Celle-ci, fondée en 1627, <( se compose indifféremment de personnes ecclésiastiques ou laïques... La Compagnie s'assemblera une fois par semaine, le jeudi, jour consacré à honorer le Saint-Sacrement... » Un article spécial déter­mine que la Société se tiendra fort secrète, ne devant avoir fondement qu'en une profonde humilité et charité, imitant le plus qu'il lui sera possible Jésus-Christ au Saint-Sacrement qui est caché... » Marie-Claire Daveluy, Jeanne Mance.

De même aussi, à Montréal, il y a « le salut du Saint-Sacrement le jeudi au soir, au retour de la journée des ouvriers... » Ibid.

136. — Présence eucharistique.

Voici ce que Mgr de Pontbriand voyait au cours de ses visites pastorales, à la fin du régime français : « ...Au centre de la paroisse, le presbytère et l'église, encore isolés,

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ou à peu près : le presbytère, généralement en pierre et blanchi à la chaux, ne différant guère des autres maisons que par la longueur que lui ajoute « la salle des habi­tants )) ; l’église, toujours proprette, entourée du cime­tière, et à l’ombre des beaux arbres, surmontée d’un de ces jolis clochers dont parle René Bazin : « J ’ai aperçu, dit-il, enveloppé d’ormeaux un clocher fin tout blanc, d’où partait l’Angélus du soir, et j ’ai dit : puisque mon Dieu est là présent, les Canadiens sont tout autour ! )) Mgr Auguste Gosselin, L ’Eglise du Canada...

C’était à Québec, vers la mi-février 1661. Le feu éclate à la basse-ville et menace de faire de grands rava­ges. Mgr de Laval, plein de confiance en Dieu, s’en va tranquillement à l’église, prend le Saint-Sacrement et le descend vers le lieu du sinistre. A peine y est-il rendu, que l’incendie s’arrête visiblement. « On remarqua, dit le Journal des Jésuites7 que le feu s’arrêta. » Il ne détruisit que la maison où il avait commencé, et la Basse-Ville fut sauvée. Mgr A. Gcsselin, Le Vén. F.-M . de Laval.

137. — Jêsus-Christ est tout entier sous l’espèce du pain.

Mgr Bourget, le long du jour, est si occupé qu’il usurpe une large frange de la nuit pour son travail et sa prière... Quand tout repose autour de lui, il gagne l’église. Dans le silence obscur, il y parcourt les stations du chemin de la croix. Seule la lampe du sanctuaire donne une faible lumière qu’il utilise parfois.. On le surprend à prier tout près ; il la baisse d’une main et de l’autre il allume la bougie qu’il tient. C’est le temps propice pour rédiger tel mandement urgent ou difficile. Il se met alors à écrire, sans recherche et sans style, ces lettres pastorales où l’on sent la piété, la sincérité, la gravité de l’homme qui a

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longtemps conversé avec Dieu. F. Langevin, s.j., Mgr Ignace Bourget...

138. — Le ciboire.

Mgr de Laval... vit en pauvre... Du peu de vaisselle d'argent qu'il avait eu durant sa vie, il avait presque tout donné, il ne lui restait plus que deux petits objets, une assiette et un gobelet. Le bon prélat s'en dépouilla avec générosité, afin de procurer au Père Gravier, missionnaire aux Illinois, le moyen de faire fondre un ciboire conve­nable pour son église. Mgr Auguste Gosselin, Le Vên.F.-M. de Laval.

139. — Pour le culte eucharistique.

En 1645, les associés de Notre-Dame de Montréal envoyaient quantité d'objets destinés à l'Hôtel-Dieu, par exemple : « un calice et un soleil d'argent, des chande­liers, une croix, une lampe, trois ornements d'autel avec tous les linges, une tapisserie de Bergame, deux tapis et d'autres objets destinés au culte... » Faillon, Vie de Jeanne Mance.

140. — Après la transsubstantiation.

Aurélie Caouette, fondatrice de la congrégation du Précieux-Sang, naquit à St-Hyacinthe, le 11 juillet 1833. Quand elle « allait communier, sa langue se couvrait d'un sang limpide et vermeil, et de son front suintait également du sang, et cela pendant plus de vingt ans ». Êlie de Sal- vail, 366 Anniversaires Canadiens.

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LA SAINTE EU C H A R ISTIE 107

141. — La transsubstantiation s9opère par la toute-puissancede Jésus-Christ.

Le capitaine William-G. Robins demeurait à Drum- mondville. Il fut nommé en 1830 régisseur du comté de Drummond. U mourut en 1847. C'était un homme de haute intelligence et d'une éducation soignée. Homme de conviction, il cherchait la vérité avec ardeur. Souvent il conversait avec le vieux notaire David, de Nicolet, qui était fort en controverse. M. Robins était convaincu de la vérité de la religion catholique, excepté sur un point : la présence réelle de Jésus-Christ au Saint-Sacrement. Il expose son dernier doute à M. David :

« Si ce n'était point ce dernier dogme que l 'Église propose à votre croyance, je serais des vôtres.

Le notaire réfléchit et dit :— Dieu n'est pas tout-puissant ?— Comment, vous blasphémez !— Non, mais c'est vous qui le faites, puisque vous

refusez à Dieu le pouvoir de changer le pain en son corps et le vin en son sang adorable.

— Notaire, vous avez raison ; je n'hésite plus : je suis catholique. »

La conversion de M. Robins fut sincère ; sa vie et sa mort surtout, furent édifiantes. Abbé J.-O. Prince, dans le Bulletin des Recherches historiques, 1901.

142. — Pain changé au corps de Jésus-Christ.

Parmi les arcs de triomphe qui décoraient les rues de Montréal, en 1910, à l'occasion du XXIe Congrès Eucha­ristique international, on en remarqua un orné tout entier de superbes épis de blé, apportés des plaines de l'Ouest

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108 LE CATÉCHISM E EN ANECDOTES

canadien. Après le Congrès, ce blé servit à pétrir du pain qui serait ensuite consacré sur l’autel, pendant la messe.

143. — Les prêtres seuls ont reçu le pouvoir de consacrer.

M. l’abbé Daudin, missionnaire à Port-Royal, raconte un épisode du « Grand Dérangement )> : « Ce n’était pas assez pour les Anglais de harceler les habitants, ils pen­sèrent qu’en enlevant les prêtres, ils disperseraient plus aisément le troupeau. En conséquence, le Conseil donna ordre, le premier août, d’enlever les trois missionnaires qui étaient dans sa province ; et l’on envoya pour cela trois détachements de chacun cinquante hommes. Celui des Mines fut enlevé le 4 août. Celui de la Rivière-aux-Canards se cacha pendant quelques jours pour aller dans les églises consommer les saintes hosties, et se rendit lui-même au fort de Pigiquit, le dix, pendant que son détachement le cherchait encore. Celui de Port-Royal (M. Daudin lui- même) fut pris le 6 août, en disant la messe, qu’on lui laissa achever. Heureusement qu’en entendant tomber les crosses de fusils tout à l’entour de l’église, il se défia de l’aventure, et consomma les saintes hosties... On ras­sembla les trois missionnaires dans une prison commune, et de là on les conduisit à Halifax, avec cent cinquante hommes de troupes. On ne peut exprimer quelle fut la consternation du peuple, lorsqu’il se vit sans prêtres et sans autels. Les missionnaires donnèrent ordre de dépouil­ler les autels, de tendre le drap mortuaire sur la chaire et de mettre dessus le Crucifix ; voulant par là faire enten­dre à leur peuple qu’il n’avait plus que Jésus-Christ pour missionnaire. Cité dans : Un Pèlerinage au pays d’Evan- géline. par Abbé H.-R. Casgrain.

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LA SAINTE E U CH ABISTIE 109

144. — Le vin qui servira au Saint Sacrifice,

La Relation de 1650 raconte que saint Antoine Daniel, martyr canadien, allait <( chercher çà et là dans les bois quelques raisins sauvages, et faire les dix et douze lieues pour en trouver sa charge, et pour en retirer après de longs travaux, à peine ce qu'il faut de vin pour célébrer quelques messes le reste de l'année. »

145. — Adoration du Christ présent dans VEucharistie.

M. Louis-Amédée Derome, fondateur de VAdoration nocturne au Canada, avait un culte <( rayonnant pour la personne adorable de Jésus-Christ ». Maintes fois, je l'ai rencontré, dit l'un, revenant de ses nuits d'adoration ou d'une visite à l'exposition des quarante-heures dans l'une de nos églises. Il racontait ce qui s'était passé avec une émotion visible. Parfois, les larmes coulaient de ses yeux. » Abbé Êlie-J. Auclair, Courte notice... de Louis- Joseph-Amêdêe Derome. . .

146. — Jésus-Christ présent dans VEucharistie.

A la fondation de Ville-Marie, le Très Saint-Sacre­ment fut exposé toute la journée. « On n'avait point de lampes ardentes devant le Saint Sacrement, écrit Dollier de Casson, mais on y avait certaines mouches luisantes qui y brillaient fort agréablement jour et nuit étant sus­pendues par des filets d'une façon admirable et belle, et toute propre à honorer selon la rusticité de ce pays barbare, le plus adorable de nos mystères... » Dollier de Casson, Histoire du Montréal.

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CHAPITRE X m

LA COMMUNION

147. — Jésus-Christ a institué la sainte Eucharistie pournous fortifier.

Au mois d'avril 1660, Dollard des Ormeaux et seize jeunes colons de Montréal décident de se porter à la ren­contre d'une forte armée d'Iroquois qui voulaient anéantir la colonie. Maisonneuve approuve leur projet d'inspirer de l'épouvante au terrible ennemi : « Mais, écrit Faillon, comme l'un des seize s'était désisté de sa promesse, les autres pour n'être empêchés par aucune considération d'aller affronter généreusement la mort, font chacun leur testament, s'approchent religieusement des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, et, en présence des saints autels, s'engagent par un serment solennel à ne demander et à n'accepter aucun quartier, et à combattre jusqu'à leur dernier souffle. »

On sait que, par leur mort, les dix-sept jeunes héros du Long-Sault- sauvèrent la colonie

148. — Communion.

Le Père Duplessis, jésuite, un Canadien, né à Québec en 1694 et mort à Paris en 1771, a été certainement, avec

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LA COMMUNION 1 1 1

le Père Bridaine, le plus grand prédicateur populaire de la France au dix-huitième siècle. Il faudrait des volumes pour raconter en détail toutes les missions de notre grand prédicateur canadien, les prodiges de conversion opérés dans ces missions, l'empressement des foules à accourir de toutes parts pour l'entendre. D'après ses biographes, ses missions « devaient se continuer pendant trente an­nées... Dans une seule mission, cent cinquante confesseurs furent à l'œuvre pendant six semaines. Les villages se rassemblaient de trois ou quatre lieues à la ronde pour l'entendre. »

En 1735, le Père Duplessis prêche à Amiens... A cette mission, dans une seule matinée, vingt mille personnes communièrent. Un autel avait été placé au milieu de la nef, sur lequel reposaient dix-sept grands ciboires, qui furent remplis trois fois chacun. Douze chanoines, accom­pagnés de vingt-quatre ecclésiastiques portant des flam­beaux, furent occupés à donner la communion depuis quatre heures du matin jusqu'à midi. Le sermon de clôture de la retraite fut prononcé sur l'esplanade en présence de quarante mille personnes... Mgr Auguste Gosselin, L ’Eglise au Canada. . .

149. — Communier, c’est recevoir le corps et le sang deJésus-ChristLorsque après sa captivité, saint Isaac Jogues fut

retourné en Europe, on demanda pour lui au pape la permission de célébrer le saint sacrifice de la messe malgré la mutilation de ses mains, opérée par les barbares. Urbain VIII répondit : « Il serait indigne qu'un martyr de Jésus-Christ ne pût pas boire le sang de Jésus-Christ. Indignum esset ChrisU martyrem Christi non bibere san- guinem. )) E t il accorda la permission demandée.

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112 LE CATÉCHISM E EN ANECDOTES

150. — Recueillement pour la communion.

Quand M. Louis-Joseph-Amédée Derome s'appro­chait de la sainte table, les bras croisés, l'air si recueilli, il était parfaitement édifiant. Abbé Êlie-J. Auclair, Courte notice... de Louis-Joseph-Amédée Derome...

151. — Pas même de péché véniel.

Un jour, Mgr Durieu, encore simple Père, fait sa visite périodique dans une petite localité. Il exhorte ses chrétiens à la contrition. A la fin du discours, un vieillard se lève : « Père, tu as dit une chose que je ne comprends pas ; tu as dit d'avoir la contrition de nos péchés ; mais lorsqu'on a une fois reçu Dieu dans sa poitrine, est-ce qu'on peut encore l'offenser ? Nous sommes six familles. Je puis t'assurer que depuis notre communion, je n'ai pas remarqué la faute la plus légère, pas la plus petite médi­sance, pas une parole vive. Je ne connais pas, il est vrai, le fond de leurs cœurs, mais, pour le mien, je puis t'assurer qu'il est bon. »

Mon Dieu, des sauvages à peine convertis qui en sont là ! N'est-ce pas le cas de répéter que les derniers appelés seront les premiers au royaume des cieux ! O.M.I., Petites histoires.

152. — Jeûne eucharistique.

Une sauvagesse vient demander pour elle et ses deux filles, le pain de vie, voulant qu’on les instruise au plus tôt. C'est le dimanche matin, elles espéraient communier ce jour même, le seul Père qui est là n'entend pas leur langue, son confrère ne viendra que dans la soirée, elles sont à jeûn depuis la veille à midi, et cependant elles atten­

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dent qu'il arrive. « Mais pourquoi êtes-vous restées si longtemps ? » Cette question les étonne. (( Mais nous resterions volontiers tout le jour, nous reviendrons sou­vent, nous ne pouvons pas nous ennuyer... Mgr Émard, XXI e Congrès eucharistique international de Montréal.

153. — Communion en viatique.

Le samedi matin, 7 janvier 1888, Mgr Fabre avait une dernière entrevue avec la fondatrice du Carmel de Montréal. Le Pontife revint au monastère après son dîner... Vers 2 heures..., on accourut lui dire que la bonne Mère baissait beaucoup, et qu'elle désirait recevoir encore une fois le saint Viatique. « Je m'en vais le lui donner moi- même », répondit Monseigneur. Quelques minutes après, le paternel archevêque... apportait une dernière fois son Jésus à la sainte mourante. Mère Marie-Séraphine-du Divin-C œur-de-J êsus.

Dans notre jeune âge... presque tous les cultivateurs ne possédaient que des petites charrettes ou cabriolets dont le siège était durement porté sur deux ressorts de bois. C'était avec ces dernières voitures qu'on allait prendre à l9église le prêtre qui apportait le Saint-Viatique aux ma- l'ades. Celui qui conduisait la voiture, par respect pour le lSaint-Sacrement, ne prenait pas place sur le siège, à côté du prêtre, mais s'asseyait misérablement et comme il pouvait sur le devant de cette voiture. Toujours une autre voiture, ou un homme à cheval, précédait, portant un fanal avec lumière et sonnant la cloche, qu'on appelle la cloche des malades, vis-à-vis des maisons habitées, ou à la rencontre de quelque personne. Autrefois dans plusieurs paroisses, on ne portait pas le Saint-Viatique sans voir plusieurs voitures se mettre à la suite de celle où était le

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prêtre. Comme il est beau encore aujourd'hui à la cam­pagne de voir le respect et la piété des populations au passage du prêtre portant le Saint-Sacrement ! Comme il est touchant dans les beaux jours de l'été surtout, le spectacle de ces familles, vraiment chrétiennes, que l'on voit alors sortir de leurs demeures, s'agenouiller et se pros­terner avec respect sur le bord du chemin ; de ces bons cultivateurs, qu'on voit au loin dans leurs champs arrêter leurs charrues ou leurs voitures chargées de grain, laisser leurs instruments aratoires, mettre bas leurs chapeaux et s'agenouiller avec les sentiments de la foi la plus vive pour adorer leur Dieu et lui demander sa bénédiction ! Abbé Charles Trudelle, Paroisse de Charlesbourg.

154. — La communion fréquente fortifie contre le mal.

Le R. P. Lalande raconte qu'un jeune homme d'en­viron 25 ans, étudiant d'université, était revenu à la Bro- querie pour faire une seconde retraite. Après les points de la première méditation, il entre dans la chambre du reli­gieux. Ses yeux étincelaient de joie, et dans toute sa per­sonne rayonnait une fierté pleine de candeur. « Vous souvenez-vous, mon Père, dit-il, quel misérable j'étais, quand je suis venu l'an dernier ? — Je ne me rappelle, mon cher, répond le prêtre, que vos bonnes intentions et les promesses que vous m'avez faites avant de partir. — Eh bien ! Dieu soit béni ! Je les ai tenues. Vous me trouvez, ce soir, dans les mêmes dispositions où j'étais le matin de mon départ. Mais, pour en arriver là, il m'a fallu com­munier tous les jours. — En avez-vous été pour cela moins heureux que les autres ? — Au contraire, l'année que je viens de passer est une des plus heureuses de ma vie, et je l'ai cent fois proclamé publiquement, même devant les

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étudiants anxieux de savoir d’où venait ma joie cons­tante. » J.-P. Archambault, s.j., Les retraites fermées.

155. — Après la communion.Le jeune Lucien Delorme sait qu’il faut « de la pa­

tience pour devenir un saint, car on marche bien lente­ment ». U sait qu’il est faible, mais il sait où prendre la force. Après la communion, il fait cette prière qui n’est pas dans les manuels : « Mon Dieu, donnez-moi la force pour vingt-quatre heures ». Antonio Dragon, s.j., Tou­jours plus H aut..

156. — Action de grâces après la communion.M. J. Joseph Bonnet, célèbre organiste français « vient

de mourir (août 1944) à Ste-Luce de Rimouski, alors qu’il était en villégiature avec son épouse et ses deux jeunes enfants... Depuis l’arrivée de M. Bonnet à Sainte- Luce, rares avaient été les matins où il n’avait pas assisté à la messe et fait la communion, malgré la distance d’un mille qu’il devait parcourir à pied pour se rendre à l’église... Attentif toujours à suivre dans son missel les prières de la messe, il préparait ainsi ses communions... Visiblement ses actions de grâces devenaient des entretiens intérieurs avec son Dieu et elles se prolongeaient au delà de la demi- heure. Rimouskois, Le Devoir, 12 août 1944.

Un jour, le sauvage Matembik, après avoir com­munié, disait au Père Vimont : « Mon cœur est plein de joie, je ne sais ce qu’il dit ; je sais bien qu’il parle, mais je ne l’entends pas ; il va au delà de ma pensée. U me semble que ce que Dieu me fait est admirable ; il me dit dans l’âme qu’il faut que je sois bon ; puisque je crois en lui, je le serai, et il me bénira, car il me le promet et ne souffrira point que je tombe dans le feu étemel. »

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CHAPITRE XIV

LA MESSE

157. — La messe.

En 1632, les Français revinrent à Québec. Le P. Le Jeune écrit à ce sujet : « Nous allâmes célébrer la sainte messe dans la maison la plus ancienne de ce pays-ci, c'est la maison de Mme Hébert, qui s'est habituée près du fort, du v ivant de son mari... Ils cherchaient les moyens de passer en France mais ayant appris que les Français retourneraient à Québec, ils commencèrent à revivre. Quand ils virent arriver ces pavillons blancs sur les mâts de nos vaisseaux ils ne savaient à qui dire leur conten­tement, mais quand ils nous virent, dans leur maison, pour y dire la sainte Messe, qu'ils n'avaient point entendue depuis trois ans, bon Dieu ! quelle joie ! les larmes tom­baient des yeux quasi de tous, de l'extrême contentement qu'ils en avaient. Oh ! que nous chantâmes de bon cœur le Te Deum ! C'était juste le jour de la fête de saint Pierre et de saint Paul. Le Te Deum chanté, j'offris à Dieu le premier sacrifice à Québec. Dieu sait si les Français furent heureux de voir déloger les Anglais, qui ont fait tant de maux à ces misérables contrées, et qui sont cause que les sauvages ne sont point baptisés. » Relation, 1632.

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Un jour, le supérieur général des Oblats, apprenant les souffrances et les misères de ses enfants abandonnés dans le grand Nord-Ouest, s’était décidé à les rappeler tous. Mais eux répondirent : « Très révérend Père, la triste nouvelle que contient votre lettre nous afflige, mais ne nous décourage pas. Nous savons que nos missions vous tiennent à cœur, et nous ne pouvons nous faire à l’idée d’abandonner nos chers néophytes et nos nombreux catéchumènes. Il nous sera toujours possible de nous procurer des pains d’autel et du vin de messe. Avec l’obla- tion quotidienne du Saint Sacrifice, nous n’avons pas besoin d’autre chose que la permission de rester dans nos missions. Les poissons des lacs et des rivières suffiront pour nous nourrir, et les peaux de bêtes pour nous vêtir. » Mgr de Mazenod, touché de la générosité de ses mission­naires, ne put que les encourager et leur promit de les assister autant qu’il le pourrait. R. P. Lacombe, o.m.i., Mémoires et Souvenirs.

158. — Pensant à Vavenir, un enfant dit la messe... à safaçon.

« Georges, écrit sa mère, eut de bonne heure des goûts et bientôt des habitudes de piété. Il était encore tout petit quand je lui demandais : Que feras-tu quand tu seras grand ? — Je veux être Pape ! — Et, comme je lui expliquais que c’était impossible, que le Pape était choisi parmi les cardinaux italiens : — Eh bien ! alors je ferai un archevêque. — Plus tard, il me disait : Maman, n’est-ce pas que je visais un peu trop haut ? Maintenant, que je devienne un bon et saint prêtre, ce sera pour moi le comble du bonheur et la réalisation du plus beau des rêves. — Il se faisait faire des chasubles, des étoles, des

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118 LE CATÉCHISM E EN ANECDOTES

mitres en papier par sa sœur cadette Noëllie. Alors, le petit prêtre, revêtu de ses insignes, se tournait vers nous, étendait les mains et chantait : Dominus vobiscum l Il se plaisait aussi à nous prêcher... Avec quel empresse­ment et quelle assiduité il se livrait au service de l'autel 1 Rien ne le rendait heureux comme d'assister le prêtre à la sainte messe. C'était sa joie de chaque matin. Jamais on ne vit un servant de messe plus régulier... » Jean du Cénacle, Histoire d’une Vocation. Le Fr. Georges Marti- neau, Religieux Scolastique de la Congrégation de la Frater­nité Sacerdotale.

159. — La messe, sacrifice de la croix.

Pendant la famine 1888-1889, deux familles Lou- cheuses, jeûnant depuis des semaines, parvinrent à se traîner jusqu'à la mission Notre-Dame de Bonne-Espé­rance : « Hélas ! pauvres enfants, leur dirent les mission­naires, que venez-vous faire ici ? Vous savez bien que nous n'avons rien pour vous secourir ! — C'est vrai, nous le savions, répliqua celui qui avait encore la force de parler ; mais nous n'avions rien non plus là-bas. Alors nous sommes venus entendre encore une messe. Après cela, nous pourrons mourir ; nous serons contents. » R. P. Duchaussois, Aux Glaces polaires.

160. — Le sacrifice de la messe.

Les premiers Montréalistes vivaient en saints, tous unanimement, et dans une piété et religion envers Dieu tels que sont maintenant les bons religieux. Celui d'entre eux qui n'avait pas entendu la sainte messe un jour de travail, passait parmi les autres quasi pour excommunié à moins qu'il n'eût des raisons et empêchements aussi

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LA MESSE 119

forts qu’on en demande aujourd’hui pour s'exempter de péché mortel, aux jours de fêtes et dimanches. On voyait tous les hommes de travail à la prpmière messe qui se disait avant le jour pendant l’hiver et dans l'été à quatre heures du matin, aussi modestes et recueillis que le pou­vaient être les plus dévots religieux ; et toutes les femmes à une autre qui se disait à huit heures, qui ne cédaient en rien à leurs maris en dévotion et vertu. Sœur Morin, Annales de VHôtel-Dieu de Montréal.

161. — Fins pour lesquelles fu t offert le sacrifice de la croix.

Le 17 mai 1642, à Montréal, on célébra la première messe qui ait jamais été dite dans cette île... On dressa, un autel... Tout le premier jour, on tint le Saint-Sacrement exposé... ; cette journée s'écoula en dévotion, actions de grâces et hymnes de louanges au Créateur. On n'en­tendait de tous côtés que des voix de cantiques, d'hymnes et psaumes... D'après Dollier de Casson et Sœur Morin.

162. — La messe est offerte par le ministère des prêtres.

Tous ces Messieurs et Dames de la Société de Mont­réal s'assemblèrent un jeudi vers la fin du mois de février de cette année 1642, sur les dix heures du matin en l'Église de Notre-Dame de Paris, devant l'autel de la Sainte Vierge, où un prêtre d'entre eux dit la sainte Messe, et communia les associés qui ne portent pas le caractère. Ceux qui le portent célébrèrent aux autels qui sont à l'en- tour de celui de la Sainte Vierge : là tous ensemble ils consacrèrent l'Ile de Montréal à la Sainte Famille de Notre-Seigneur, Jésus, Marie et Joseph, sous la protection particulière de la Sainte Vierge... Relation, 1642.

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120 LE CATÉCHISM E E N ANECDOTES

163. — Ornements et vases liturgiques.

II y a à l’Hôpital-Général de Québec plusieurs objets qui ont appartenu à Mgr de Saint-Vallier, ou ont été donnés par l’évêque de Québec. Un calice d’argent, un ciboire, des burettes avec leur plateau, servent encore tous les jours à la célébration des divins mystères. Nous avons de plus à la sacristie, venant de la même source, un encen­soir d’argent, une ampoule pour les saintes huiles, six chandeliers, un encensoir et un bénitier de cuivre argenté ; une boîte à hosties, brodée en fil d’argent, un prie-Dieu, des fauteuils, trois chasubles de différentes couleurs (vert, violet, noir) avec les étoles et les manipules, et l’aube magnifiqxie que le prélat reçut en cadeau de madame de Maintenon, un pnotifical et un missel romains ; sur le porte-missel se trouve sculpté l’écusson des Saint- Vallier ; on peut voir les mêmes armes dans l’église, sur la chaire et sur le gradin du tabernacle. Mgr de Sainte Voilier et VHôpital-Général de Québec.

164. — Comment assister à la messe ?

Les sauvages chrétiens de Sillery étaient d’une grande ferveur, au témoignage du P. Jérôme Lalemant. « Leur dévotion à la sainte messe, écrivait-il, est toute aimable et toute particulière. Ils l’entendent tous les jours avec une grande modestie... Ni les montagnes, ni les vallées, ni la longueur du chemin, ni les glaces, ni les neiges, ni le vent n’empêchent les hommes, les femmes et les enfants de venir tous les jours pour cela en notre chapelle. Les Pères nouvellement arrivés nous disent qu’on ne conçoit nullement en France ce qu’ils voient de leurs yeux... »

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LA MESSE 121

165. — M m e mal entendue.Autrefois, soit à cause de la violence des passions,

soit à cause de F ignorance de gens, il survenait parfois des incidents en pleine église, au cours des cérémonies religieuses. Un jour, l'évêque de Québec, passant à Cham- plain, dut avertir le curé de ne pas tolérer que ses parois­siens entendissent la messe coiffés de leur grand chapeau de paille. A Ste-Croix il arriva à deux frères, en état d'ivres­se, de se battre pendant l'office. Le 13 janvier 1780, l'évêque de Québec, Mgr Briand adressa une lettre à ces paroissiens, les exhortant à tenir une meilleure con­duite, les menaçant même de leur enlever leur curé, s'ils ne se comportaient pas mieux. Nos Êphêmêrides, Le Devoir.

166. — Suivre les prières de la messe.

Maisonneuve avait fondé une fraternité de dix mem­bres dont le but était de demander la conversion des sauvages. Ils firent quantité de pèlerinages à la montagne. Or, « il arriva une fois, raconte Marguerite Bourgeoys, dans ses Ecrits autographes, que de quinze ou seize per­sonnes qui étaient là pour entendre la messe, il ne s'en trouva aucune en état de la servir ; en sorte que Mlle Mance, qui était présente, fut obligée de la faire servir par le nommé Pierre Gadois, qui était un petit enfant à qui elle suggérait les réponses et indiquait les cérémonies qu'il avait à faire. » Marie-Claire Daveluy, Jeanne Mance.

167. — La messe, acte d'adoration, ne peut être offerte qu'àDieu seul.A propos du deuxième évêque de Montréal, Mgr

Ignace Bourget. « C'était quand il célébrait la sainte

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messe que les fidèles étaient davantage pénétrés de la sainteté de leur évêque. Le son de sa voix, l'accent pénétré de la foi avec lequel il prononçait les paroles de la sainte liturgie, sa figure illuminée, autant par la force de sonamour que par un profond sentiment de respect et d'ado­ration, avaient un langage qui touchait les cœurs. » R. P. Langevin, Mgr Ignace Bourg et. ..

122 LE CATÉCHISM E E N ANECDOTES

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CHAPITRE XV

L ’EXTREME-ON CTION

168. — Réception de Vextrême-onction.

Mgr Bernard-Claude Panet, archevêque de Québec, retiré à l'Hôtel-Dieu de Québec, « ...et se préparant tous les jours à paraître devant le juge des pasteurs et des brebis... fut le premier à voir l'approche de la mort et demanda avec empressement les secours de l'Église : « Qu’on m'administre sans délai le sacrement des ma­lades, dit-il ; que je ne sois point privé d'une grâce que j'ai dispensée à tant de milliers d'autres. » L'auguste vieillard mourut plein de résignation et d'espérance, le 14 février 1833, à l'âge de 80 ans... Mgr H. Têtu, Les Evêques de Québec.

Voici l'extrait de sépulture de Guillaume Couillard, gendre de Louis Hébert :

« L'an mil six cent soixante-trois, le quatre mars, mourut en sa maison après avoir reçu les sacrements d'eucharistie et d'extrême-onction, monsieur Guillaume Couillard, ancien habitant de ce pays et le lendemain cinquième du même mois, il a été inhumé dans l'église de l'Hôtel-Dieu de ce pays, par le clergé de cette paroisse. » Extrait du registre des baptêmes, mariages et sépultures de la

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paroisse de Notre-Dame de Québec, pour Vannée mil six cent soixante-trois.

169. — Ne pas attendre trop tard pour recevoir Vextrême-onction.

La veille de Noël 1727, Mgr de Saint-Vallier dit au docteur Sarrazin : <( L’arrêt fatal est prononcé, je m’y soumets avec amour. La vie n’est qu’un dépôt ; j ’en fais volontiers le sacrifice à Celui qui a donné la sienne pour moi. »

Il pria ensuite « son confesseur, le P. de la Chasse, d’envoyer en diligence chercher M. de Lotbinière, l’archi­diacre, pour lui administrer les sacrements:... A l’arrivée de M. de Lotbinière : « Je vous attends avec impatien­ce, mon cher archidiacre, lui dit le pieux malade, afin que vous m’administriez les sacrements de l’Église, notre mère. Me voilà près d’arriver au port... J ’espère de l’in­finie miséricorde de mon Dieu qu’il voudra bien m’ou­vrir la porte de la véritable vie... Demandez-lui pour moi cette grâce ». A dix heures, il reçut le saint Viatique avec de grands sentiments de foi et de piété. Il répondait aux prières avec application et une parfaite liberté d’es­prit, M. de Lotbinière, troublé par la vue de son évêque mourant, manquait à quelque cérémonie du rituel : le Prélat lui fit remarquer ce qu’il avait omis... L’évêque mourut le 26 décembre. Mgr Auguste Gosselin, UEglise du Canada. . .

170. — Uextrême-onction rend parfois la santé.

Vers 1647, Mère Marie de l’Incarnation faillit mou­rir. Elle écrit : « Grâce à Notre-Seigneur, je n’avais point encore été infirme jusque-là, et je n’avais pas beau­

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coup d'expérience des maladies. Je me disposai néan­moins pour mourir parce que j'étais abandonnée des mé­decins et je reçus les derniers sacrements. Contrairement à ce qu'on pensait, je revins à la santé. )) Marie de Vin- carnation... par une Religieuse Ursuline de Québec.

« Lors de l'épidémie de grippe espagnole de 1918,... les statistiques ont démontré qu'il était mort moins de catholiques proportionnellement au chiffre des malades et de la population. Comment cela se faisait-il puisque nos gens étaient plus pauvres, moins résistants ? Des médecins de toutes croyances ont fourni la réponse : ils avaient observé que la visite du pasteur catholique produisait chez le malade une accalmie inconnue chez les autres. Le repos des consciences faisait agir le moral sur le physique ; le malade reposait ; la fièvre baissait ; les recouvrances inattendues en résultaient. — Sans compter l'effet normal de l'Extrême-Onction qui <( rend la santé même au corps si Dieu le juge à propos ». Effet moins surprenant pour nous que pour les hérétiques appauvris de ce merveilleux cadeau... » Alexandre Dugré, s. j., dans Le Messager Canadien du Sacré-Cœur, 1944•

171. — U extrême-onction a pour effet de consoler.

Le 3 décembre 1926, Lucien Delorme, âgé de 21 ans, reçut l'Extrême-Onction. Quand le Père Recteur arriva, il était prêt ; on l'avait assis dans le lit et il parais­sait mieux. Le Père le félicita d'avoir demandé ce sacre­ment alors que le danger de mort n'était pas imminent. Il lui donna l'absolution, lui fit renouveler solennelle­ment le sacrifice de sa vie. Le malade répondit à toutes les prières. Il fut très gai tout le reste du jour. Antonio Dra­gon, s. j., Toujours plus Haut...

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126 LE CATÉCHISM E EN ANECDOTES

172. — Comment recevoir Vextrême-onction.

François-Xavier, ce bon sauvage vraiment chrétien, se tournant vers moi, me dit : « Nikanis, ne t'attriste point, je meurs fort volontiers, je ne crains point la mort, je m'ennuie sur la terre, j'espère que j'irai au ciel. » Je vous laisse à penser si ces paroles me perçaient le cœur. Le voyant fort oppressé, je prie nos Pères qui étaient pré­sents de lui apporter le Saint Viatique ; pendant qu'on l'allait quérir, je le confessai. Monsieur le Gouverneur, Monsieur le Chevalier de l'Isle, et quantité de nos Fran­çais se trouvèrent présents à cette action : le malade ayant reçu son Créateur, je priai encore qu'on allât quérir les Saintes Huiles pour lui donner l'Extrême-Onction. Pendant ces allées et venues, ce bon Néophyte fit son ac­tion de grâces à Dieu...Enfin nous lui donnâmes l'Extrême- Onction, qu'il reçut avec de grands ressentiments de dou­leur d'avoir offensé Dieu. Relation, 1639.

173. — Ministre de Vextrême-onction.

« Au mois de janvier 1920, Mgr Charlebois, vicaire apostolique du Keewatin, était allé faire une ordination chez les Pères Bénédictins de Munster, Saskatchewan. De là, il s'était rendu à Edmonton, où Mgr Légal, o.m.i., archevêque de cette ville, était bien malade. Au retour de ce long voyage, il était lui-même un peu grippé et bien fatigué. Mais voilà qu'au milieu d'une poudrerie épouvan­table, un sauvage arrive en traîneau à chiens, demandant un prêtre, pour aller à deux jours de marche, administrer un vieil Indien qui depuis de longues années, n'avait pas voulu voir le prêtre. A l'évêché, Monseigneur était le seul prêtre parlant cris. Sans hésiter, il se mit aussitôt

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en devoir de partir avec l’indien. « A ce moment, écrit la sœur Saint-Donat, la poudrerie s’intensifiait avec une telle rage, qu’on eût dit que l’enfer se déchaînait. »« Vous ne pouvez partir dans l’état où vous êtes et par une pareille tempête ; vous risquez de périr en route, » fit-on observer au vaillant prélat. Celui-ci répondit avec un bon sourire : « Vous voyez bien que c’est le vieux Chariot qui fait tous ces embarras pour m’empêcher d’aller lui ravir une proie qu’il convoite. Je pars et bien vite, car le salut d’une âme ne souffre pas de retard. » — E t lorsque trois ou quatre jours après il revint, il était délivré de sa grippe, et avait ouvert au pauvre moribond les portes de l’éternité bienheureuse. » (Lettre de Sœur Saint-Donat à Mgr Lajeunesse.) Combien de traits semblables ne pour­rait-on pas trouver dans la vie de ce vaillant apôtre ! )) R. P. Pénard, o.m.i., Mgr Charlebois.

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CHAPITRE XVI

L'ORDRE

174. — Séminaire.

En annonçant la fondation du Séminaire de Québec, Mgr de Laval écrit, le 26 mars 1663, qu'il désire que cette institution (( serve de clergé à cette nouvelle Église ; on y élèvera et formera les jeunes clercs qui paraîtront propres au service de Dieu... Nous désirons que ce soit une conti­nuelle école de vertu et un lieu de réserve, d'où nous puis­sions tirer des sujets pieux et capables pour les envoyer à toutes les rencontres et au besoin dans les paroisses et tous autres lieux dudit pays, afin d'y faire les fonctions curiales... )) Nos Ephémérides, Le Devoir.

175. — Il faut la science pour recevoir dignement le sacre­ment de Vordre.

Dès 1825, Mgr Lartigue, premier évêque de Montréal, fonda une « École de théologie », dans son palais épisco- pal... Cette école se développe lentement ; en 1840, elle ne comptera encore qu'une quinzaine d'élèves... Le 7 novembre 1840, un Concordat est passé en vertu duquel Mgr Bourget « L'Évêque de Montréal confie au Sémi­naire de Saint-Sulpice de Montréal l'éducation ecclésias-

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tique des aspirants au Sacerdoce de son diocèse pour être dirigée selon les règles de la dite Compagnie. E t cela, pour toujours et irrévocablement. Il sera pourvu aux pen­sions des élèves par les ressources de leur famille, ou par les secours diocésains. Fut signé : Ignace, Evêque de Montréal, et Joseph Quiblier, p.s.s., supérieur. )) Le Sémi­naire, décembre, 1941.

176. — Les prêtres sont les dispensateurs des grâces de Dieu.

« Le prêtre ne t ’aime pas, disait un pasteur protes­tant à un sauvage de Qu'Appelle ; il ne te donne ni tabac, ni habits. — Le Peau-Rouge entr'ouvre sa chemise et répond : — Es-tu capable de lire dans mon cœur ? — Non, répond le ministre étonné. — Eh bien, reprit le sau­vage, c'est dans mon cœur que la Robe-Noire met les présents qu'elle me donne. Quand je me confesse, il lave mon cœur avec le sang de Jésus-Christ. Quand je commu­nie, il met Jésus dans mon cœur. Ton tabac va s'en aller en fumée, tes habits vont s'user ; mais les présents de la Robe-Noire resteront avec moi, et je les emporterai dans le grand ciel du Bon Dieu. » Mgr Langevin, dans Le Monde illustre.

177. — Respect du prêtre.

Dans notre province, on voulut rebâtir une église qui était trop petite, dans une certaine paroisse... Un parois­sien pendant deux ans traita le curé de fou, d'homme qui ne savait pas ce qu'il faisait, etc, etc.

Vingt-trois ans plus tard, un missionnaire fut appelé auprès d'un mourant qui le suppliait d'aller le voir même à la raquette, pour éloigner de son âme le démon du déses­poir. Le missionnaire arrive et pénètre dans un misérable

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réduit ; il vit sur un lit bien pauvre, quoique bien pro­pre, un vieillard mourant, dont le moral paraissait bien torturé ; il entendit l'histoire suivante :

« J'étais riche, j'ai voulu me mesurer avec un curé ; j'ai été tordu comme un écheveau d'étoupe ; j'ai dû laisser ma belle terre et m'en venir dans cette solitude ; pendant deux ans j'ai traité le prêtre de fou ; deux enfants me sont nés pendant ce temps-là ; mon Père regardez dans ce coin ; voyez ces deux idiots de plus de vingt ans ; ils ne savent pas encore qu'ils sont dans le inonde. Main­tenant ce n'est pas tout : mon Père, voyez cet autre en­fant au pied de mon lit, je croyais qu'au moins celui-ci serait ma gloire et ferait mon bonheur »... Ici le vieillard s'arrêta, les sanglots entrecoupaient sa voix ; une agita­tion nerveuse faisait tressaillir tous ses muscles, puis faisant un effort sur lui-même, il prononça ces mots au milieu du râle de l'agonie... (( et il est protestant... et minis­tre protestant... puis, ce qui me fait le plus de peine c'est qu'il vient de me dire que c'est ma faute ; qu'il a perdu la foi l'année où j'ai tant parlé contre le prêtre.» — «Oui, repartit le Suisse, c'est depuis cette année-là que je suis protestant. »

Alors il se passa un spectacle bien navrant ; le vieillard, réunissant ses forces, vint tomber étendu au pied de son fils et lui demanda pardon. Devant cet acte d'humilité repentante, le missionnaire éclata en sanglots. Le Suisse qui n'était plus susceptible de sentiment filial — celui qui a renié son Dieu, n'a plus de cœur — répondit froidement — ses yeux étaient secs : « Relevez-vous, je sais ce que j'ai à faire. » On remit le mourant sur son lit, il regarda le missionnaire, prononça ces paroles en bai­sant le crucifix ; « Jésus ! Jésus ! est-ce possible ? »...

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Une sueur froide couvrit sa figure... puis un long souffie... puis... plus rien ; il était mort...

J'espère que Dieu lui a fait miséricorde, car la péni­tence est la sœur de F innocence ; mais n'avait-il pas raison de craindre le jugement de Celui qui « trouve des taches dans ses anges mêmes ? » Z. Laçasse, o.m.i., Le Prêtre et ses Détracteurs.

178. — Ministre du sacrement de Vordre.

Le 19 septembre 1665, Mgr de Laval ordonna le pre­mier prêtre né au Canada : Germain Morin. D'une fa­mille de douze enfants, il était le frère de Sœur Morin qui fut supérieure et historien de l'Hôtel-Dieu de Montréal. D'abord secrétaire de l'évêché, il occupa ensuite, successi­vement, les cures de Sorel, Pointe-aux-trembles, de Québec, Repentigny, Ste-Anne-de-Beaupré, et St-Michel- de-Bellechasse. Il était chanoine de la cathédrale de Qué­bec, lorsqu'il mourut le 20 août 1705.

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CHAPITRE XVII

LE MARIAGE

179. — Pas d’alliance légitime entre chrétiens sans le sa­crement de mariage.

« Ceux qui arrivaient chaque année, écrit le Père Charlevoix, étaient ou des ouvriers ou des personnes de bonnes familles, qui venaient sur nos rives dans la seule vue d’y vivre plus tranquillement qu’en Europe, et d’y conserver plus sûrement leur religion. La source de presque toutes les familles qui vinrent s’établir au Canada est pure de toute tache que l’opulence et la richesse ont bien de la peine à effacer... Je crains d’autant moins d’être contre­dit sur cet article, que j ’ai vécu avec quelques-uns de ces premiers colons, presque centenaires, de leurs enfants et de leur petits-enfants, tous gens respectables, plus encore par leur probité, leur candeur, leur pureté solide dont ils faisaient profession, que par leurs cheveux blancs et les services qu’ils avaient rendus au Canada. »

180. — Indissolubilité du mariage.

Les mariages à la façon des chrétiens passent pour des miracles chez les infidèles, c’est un joug bien dur et bien fâcheux aux hommes de chair. Les chrétiens s’y

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accommodent petit à petit. Les jeunes gens y ont bien de la peine. Voicî ce qui se passa à Tadoussac. « Un jeune garçon et une veuve étant amenés à l’église pour se ma­rier, les publications étaient faites, il ne fallait plus que leur consentement en présence du curé et des témoins ; comme on le demanda au garçon, il ne voulut jamais répondre. Le Père ferme son livre, déclare tout haut qu’il n’y a rien de fait, qu’ils ne sont point mariés, per­sonne ne s’en étonne, chacun s’en retourne chez soi.

Un capitaine ne garda pas ce profond silence, car comme on lui eût demandé son consentement, et qu’il l’eût donné, sa femme comme plus vergogneuse ne répon­dit pas assez vite, il lui dit : Prenez garde à ce que vous direz, je ne vous dissimule point mes humeurs, je suis un homme prompt et colère, je me fais servir, je veux que ma femme m’obéisse : ne vous engagez pas mal à propos, considérez si vous voulez me prendre avec ces qualités... Cette femme ayant donné son consentement vérifia le proverbe qui dit que qui épouse un mari épouse ses hu­meurs. Au reste cet homme est d’un très bon naturel. Relation 1644.

181. — Un des buts du sacrement de mariage : la bonneéducation des enfants.

M. et Mme Hyacinthe Charlebois eurent 14 enfants. Cinq furent prêtres, dont un évêque et une fille religieuse. La mère, en particulier, s’appliquait surtout à faire de tous ces enfants de bons chrétiens. A peine commençaient- ils à bégayer quelques syllabes, qu’elle leur faisait pronon­cer les noms de Jésus, Marie, Joseph. Elle leur apprenait à faire le signe de la croix et à prononcer de pieuses in­vocations, avant même qu’ils pussent en comprendre la

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signification. A mesure que leur intelligence se développait, elle leur enseignait les vérités de la religion, en tâchant de se mettre à leur portée... E t comme il n'y avait pas d'école à proximité, elle leur enseignait elle-même le catéchisme. Aidée de leur père, elle leur faisait aussi pratiquer les de­voirs du chrétien : prière en commun tous les soirs ; et le matin, personne n'était admis à déjeuner, s'il n'avait pas fait sa prière. R. P. Pénard, o.m.i., Mgr Charlébois.

182. — Mariage mixte.

Les protestants d'Arichat, écrivait Mgr Plessis en 1815, assistent volontiers, les dimanches, à l'office parois­sial. Il y en a même un des plus marquants, qui donne les espérances d'une conversion prochaine. Dieu, qui se sert de tout pour opérer le salut des hommes, a permis que celui-ci ait recherché en mariage une jeune Acadienne, du consentement de laquelle il ne doutait nullement, parce qu'il croyait que sa pauvreté ne tiendrait pas contre l'assurance de se trouver tout à coup très riche en l'épou­sant. Mais il fut extrêmement surpris de recevoir d'elle cette réponse : « Moi, vous épouser, vous, un protestant ! Vous me donneriez votre maison pleine d'or que je ne consentirais pas à déshonnorer ainsi ma religion. Faites- vous catholique, après quoi vous me parlerez de maria­ge, si vous voulez, et je verrai comment vous répondre. »

On imaginerait à peine l'impression singulière qu'a faite sur le gentilhomme cette réponse ferme et édifiante. Il lui en est resté la plus grande estime pour la jeune fille et pour sa religion, de manière qu'il paraît décidé à adopter prochainement l'une pour parvenir à l'autre. L'abbé H.-R. Casgrain, Un pèlerinage au pays d’Evan- gêline.

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LE M ARIAGE 135

183. — Réflexion préparatoire au mariage.

Dans une de leurs longues conversations, Annie (Héüault) apprit à Joseph (Dubuc) que, lors d'un récent voyage à Montréal, elle s'était retirée chez les Sœurs de la Providence, pour faire, sous la direction du pieux prélat Mgr Vinet, une bonne retraite de huit jours. Elle avait voulu ainsi se préparer dans la solitude et la méditation à l'entier accomplissement des devoirs de son nouvel état. Naturellement Joseph approuva fort cette démarche et promit de l'imiter. Il lui restait quelques jours avant le mariage qui avait été fixé au 26 juin. Il en consacra trois, de retour à Montréal, à une petite retraite chez les Pères Jésuites. Il avait pris pour directeur le Père Beaudry, tant aimé des auditoires montréalais. — Si tous les mariages étaient ainsi préparés, on n'en verrait pas tant tourner si mal, Edouard Lecompte, s.j., Sir Joseph Dubuc.

184. — Le mariage doit être célébré en présence d9un prêtreautorisé.

En 1803, à S.-Philippe, petite paroisse de la province de Québec, un jeune homme et une jeune fille pénétrèrent de nuit dans l'église paroissiale et prétendirent contracter mariage devant quelques témoins. Après ce simulacre de mariage, les jeunes gens vécurent ensemble. La population savait bien que ce mariage ne pouvait être valide. L'évê- que de Québec, Mgr Denaut, adressa, le 25 novembre 1803, une lettre aux paroissiens de St-PhjJippe. Il y dé­nonçait vivement cet acte et défendait aux prêtres d'admi­nistrer les sacrements aux deux jeunes coupables de cette grave erreur, de même qu'à leurs témoins. Cette peine devait être maintenue jusqu'à ce que les coupables eussent

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manifesté leur regret, notamment en cessant de cohabiter. Nos Ephêmêrides, Le Devoir.

185. — Messe nuptiale.

Les Canadiens d’origine française se marient toujours à leurs églises paroissiales, et généralement entre huit heures du matin et midi. A Montréal, (et je crois bien qu’il en est de même dans les autres parties de la province) les futurs époux sont accompagnés à la cérémonie par un nombreux cortège d’amis... il n’est pas rare de voir dans ces occasions plus de cinquante voitures réunies. On y observe néanmoins le plus grand ordre. La future et le père du futur ouvrent la marche, suivis des parents de la fiancée et après eux, le futur avec son beau-père qui fer­ment la marche. On arrive à l’église dans cet ordre... E.-A. Talbot, Cinq Années de séjour au Canada. — 1825

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CHAPITRE XVIH

LES SACRAMENTAUX

186. — Les sacramentaux obtiennent la rémission des fautesvénielles.

« Si j ’eusse cru, écrit Marie de l’Incarnation, que mes récréations d’enfant et autres passe-temps que depuis cet âge j’avais pris avec mes compagnes eussent été péchés, je m’en fusse bien vite confessée, mais ne le croyant pas, je ne le faisais pas. Dans les touches, néanmoins, que l’Esprit de Dieu me donnait que c’étaient des fautes, et qu’il n’y avait rien de petit au regard de l’imperfection et des petits péchés, qui aux yeux des créatures n’étaient rien, cela me faisait lui en demander pardon de bon cœur, avec douleur, et je prenais de l’eau bénite, parce qu’on m'avait dit qu’elle effaçait les péchés véaiels. » Marie de VIncarnation . . . par une Religieuse Ursuline de Québec.

187. — Signe de la croix.

M. Hyacinthe Charlebois, père de Mgr Ovide Charle­bois, joignait à la fidélité aux devoirs essentiels, d’autres pratiques, secondaires, mais très utiles pour entretenir l’esprit chrétien dans les familles : pratiques fidèlement

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gardées dans les campagnes de France et du Canada, tant que l'esprit chrétien y a vraiment régné : prières avant et après les repas, signe de croix avant de commencer le travail, bénédiction des enfants, signe de croix fait avecle couteau sur un pain avalnt de l'entamer, etc... R. P. Pénard, o.m.i., Mgr Charlébois.

188. — Comment fait-on le signe de la croix f

« Bonjour, petit Pierre, fit le curé... Sais-tu bien faire le signe de la croix, maintenant ?... — Oui, monsieur le curé. — Fais-le donc, pour voir... » E t petit Pierre, très grave : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. » Mais la croix que sa petite main trace sur lui est démesurée, il la commence « Au nom du Père » presque à la nuque, la fait descendre : « et du Fils )) jusqu'à ses genoux, décrit les deux bras « et du Saint- Esprit )) d'un geste plus large que ses propres épaules.

Le Curé se prend à sourire.« Vous riez, Monsieur le Curé ? C'est le père Jean,

venu sur le pas de la porte. — Je souris, Jean, je souris, parce que je suis content du petit Pierre. Il sait faire le signe de la croix. Il le fait peut-être un peu grand... — Laissez faire, Monsieur le Curé, reprend le père Jean. Voyez-vous le signe de la croix, par le temps qui court, ça refoule toujours assez en vieillissant. )) Adjutor Rivard, Chez nous.

189. — Le signe de la croix montre que nous sommes chré­tiens.

Après leurs ejïroyables tortures, ïe P. Jcgues et René Goupil furent donnés en qualité d'esclaves à deux familles d'Ossernenon. Le maître de ce dernier était un vieillard

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LES SACRAM ENTAUX 139

ennemi enragé de la religion des Robes-Noires. Il surveil­lait Goupil de très près. L'ayant vu un jour tracer sur le front de son petit-fils un signe de croix, il entra dans une colère violente, et il cria à son neveu : « Va et tue ce chien de Français... » Un soir de septembre, les deux Bienheu­reux récitaient ensemble leur chapelet près du village. Deux Iroquois sortent de la palissade. L'un d'eux est le neveu du vieux maître de René. Il s'approche sans que rien puisse faire deviner son dessein meurtrier. Mais, arrivé près de sa victime, il tire brusquement une hache qu'il portait cachée sous son vêtement et il en frappe violem­ment le serviteur de Dieu, à la tête. Goupil tombe comme une masse, en prononçant le nom de Jésus... Alors Jogues... donne une dernière absolution à son fils bien-aimé, dont il reçoit le dernier soupir (29 septembre 1642). « Au prin­temps suivant, il put recueillir de ses ossements. « Je baisai avec respect, écrit-il, ces saintes reliques comme celles d'un martyr de J.-C. Je lui donne ce titre... parti­culièrement parce qu'il fut tué en haine de la prière et du signe de la croix. » R. P. Rouvier, s.j., Les Bienheureux Martyrs de la Compagnie de Jésus, au Canada.

Louis-Hippolyte La Fontaine, l'un des plus grands hommes d'état canadiens partout et toujours se plaisait à rendre hommage à ses croyances, jusque dans les moin­dres détails de la vie privée. C'est ainsi qu'on le voyait, avant de s'asseoir à la table des gouverneurs, dire le Bénédicité, selon la coutume des ancêtres, pendant que le respect humain paralysait la main de bien des convives habitués cependant, en famille, à faire le signe de la croix... Mgr Bourget, en prononçant l'oraison funèbre de La Fontaine, dit : « En se sentant frappé du coup qui allait l'enlever, il s'est armé de ce signe de salut et a invoqué

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le nom de Jésus dont il est dit que quiconque invoque avec conviction ce nom béni sera sauvé. Il ne faut pas s’en étonner, car il se faisait une gloire de faire sur lui ce signe de salut, même à la table des gouverneurs, tout exprès pour qu’on sût qu’il tenait à passer pour catholique. C’est aussi pour cette raison qu’il lui est arrivé de se prosterner en pleine rue, devant le Saint-Sacrement que l’on portait publiquement pour la communion des malades. Alfred-D. DeCelles, La Fontaine et son temps,

M. Zéphirin Paquet, fondateur des grands magasins qui portent son nom à Québec, était un bon chrétien. Sans doute, nul ne songea à le classer parmi les dévots, mais il pratiquait bien sa religion. Comme tout bon Canadien, il assistait régulièrement aux offices de l’Église, se con­fessait et communiait aux principales fêtes de l’année, faisait chaque jour sa prière et récitait le chapelet en famille. Chaque matin, il ne manquait pas en franchissant le seuil de son magasin de tracer sur lui-même un grand signe de croix. Belle tradition ancestrale doüt ses enfants ont été les témoins émus ! Zéphirin Paquetj sa famille, sa vie, son œuvre,

190. — Parmi les sacramentaux, il y a Veau bénite,

« Il y eut en 1720, écrit l’annaliste de l’Hôpital- Général de Québec, une si grande quantité de chenilles, que nous perdîmes toute espérance pour la récolte. Nous avions près de notre maison deux pièces de blé, les insectes y fourmillaient tellement que nous avions peine à voir les épis. Monseigneur « nous permit de faire une procession autour de nos champs, en chantant les litanies des saints ; il y voulut prendre part, et il fit partout l’aspersion avec

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LES SACRAM ENTAUX 141

l'eau bénite. Le lendemain, les chenilles furent trouvées en monceaux dans les fossés. On s'empressa d'en informer Sa Grandeur ; elle répondit que cette délivrance était due à l'invocation des saints et à la vertu de l'eau bénite... » Mgr Auguste Gosselin, L ’Eglise au Canada...

Le P. Dablon, s.j., raconte du Père Marquette, co- découvreur du Mississipi que huit jours avant sa mort, il eut la pensée de faire de l'eau bénite pour lui servir pendant le reste de sa maladie, à son agonie et à sa sépul­ture, et il instruisit ses compagnons comment ils en de­vaient user. De fait, peu d'heures avant sa mort, il leur demanda de l’eau bénite et son reliquaire...

191. — Le chapelet, un des sacramentaux.

Si nos jeunes Canadiens qui partaient pour les pays d'en haut n'étaient pas toujours irréprochables sous le rapport de la moralité, ils avaient tous cependant un grand fonds de religion, et la foi qu'ils avaient puisée au sein de leur famille ne les abandonna jamais, même après qu'ils eurent vécu de longues années, loin de tout secours religieux. Beaucoup d'entre eux conservèrent scrupuleuse­ment des pratiques religieuses qu'ils avaient promis de garder en laissant le toit paternel, en faisant leurs derniers adieux à leur mère. « Un de ces voyageurs, qui avait laissé le Canada à l'âge de 14 ans, a conservé pieusement le chapelet de sa première communion, pendant soixante ans qu'il a vécu dans le Nord-Ouest, il avait été fidèle à le porter sur lui. Ceux qui savaient lire en partant du Ca­nada, et qui avaient apporté avec eux des livres de piété, faisaient le dimanche une lecture qui entretenait dans leur cœur le souvenir des principales vérités chrétiennes qu'ils avaient apprises autrefois... Aussi, quand les mission­

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naires parurent dans ces pays sauvages, s’ils trouvèrent des désordres, ils ne trouvèrent pas d’impiété, et partout ils furent reçus par les familles de nos anciens Canadiens comme des anges de Dieu... M. Dugas, prêtre, Légendes du Nord-Ouest.

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CHAPITRE XIX

LA PRIÈRE

192. — Exactitude à la prière.

(( Ce qui m'a toujours tenu dans la surprise et dans l'admiration a été de voir « Mgr de Laval... être aussi exact que l'était Sa Grandeur à se mortifier en toutes choses... De ne jamais se coucher qu'il n'eût dit et ne se fût acquitté de tous ses offices, prières, lectures, chapelets, etc., quelque tard qu'il fût et quelque affaire qu'eût eue Sa Grandeur, et quoiqu'il se couchât fort tard, ne jamais manquer à se lever, pendant plus de quinze ans, à deux heures du matin (je ne parle que du temps que j'ai servi Sa Grandeur, car, plus de trente ans auparavant, Elle se levait à la même heure), et les cinq dernières années de sa vie sur les trois heures. E t de se lever pendant les dites quinze années et celles d'auparavant tout seul, sans feu, n'ayant point de poêle dans sa chambre, où il gelait très fort toutes les nuits pendant l'hiver..., s'en aller à quatre heures à l'église, la lanterne à la main, en ouvrir les portes, sonner sa messe, qui était la première, de quatre heures et demie, pour les travaillants, et rester à l'église ou à la sacristie qui était froide et incommode pour lors, jusque à sept heures... » Mgr Henri Têtu, Les Evêques de Québec.

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193. — Prière de remerciement.

Trois ans avant sa mort, Sir Joseph Dubuc, confiait à sa sœur religieuse : « Depuis longtemps, j'avais l'habi­tude de remercier Dieu, particulièrement dans mes prières du matin et du soir. Mais maintenant, c'est une exclama­tion qui jaillit de mon âme plusieurs fois par jour. Je dis : « Merci, mon Dieu, merci pour tous vos bienfaits ! » Je suis si pénétré de la chose que cela me fait du bien d'exprimer ainsi avec élan la reconnaissance dont je suis rempli. » E. Lecompte, s.j., Sir Joseph Dubuc.

194. — Prier avec attention et humilité.

A l'église Saint-Saturnin, de Tours, Mère Marie de l'Incarnation, encore toute jeune, apprend à prier entre son père et sa mère... Us le font si bien ! « Je me sentais attirée à traiter de mes petits besoins avec Notre-Seigneur : ce que je faisais avec une très grande simplicité, ne me pouvant imaginer qu'il eût voulu refuser ce qu'on lui demandait humblement. C'était pourquoi, étant à l'église, je regardais ceux qui priaient et leur posture, et lorsque j'en reconnaissais selon cette idée, je disais en moi-même : « Assurément, Dieu exaucera cette personne, car en sa posture et son maintien elle prie avec humilité. )) Cela faisait impression sur mon esprit. Marie de VIncarnation... par une Religieuse Ursuline de Québec.

195. — Aridité dans la prière.

L'excellent sauvage Joseph Chihouatenhoua se plai­gnait d'aridités dans son oraison. « Le Père lui ayant de­mandé comment il s'était comporté en cette occasion : J'ai dit à Dieu, répondit-il, Hélas ! mon Dieu, je ne suis

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LA PHIÈBE 145

rien, est-ce à moi de vous porter quelque parole ? Je viens ici pour vous entendre, parlez donc au fond de mon cœur, et dites-moi, fais cela je le ferai, mon Dieu, quand j'en devrais mourir. Puis j'ai dit à la Vierge, Sainte Marie, mère de mon Sauveur Jésus, me voici en votre maison et dans votre chapelle, qui m'y fera du bien sinon vous ? Ayez pitié de moi : je suis ici venu pour connaître la vo­lonté de Dieu, mais je n'ai point d'esprit, et s'il parle, je ne l'entends point. Je ne suis rien, vous êtes toute-puis­sante, priez pour moi votre fils bien-aimé Jésus. Puis je me suis adressé aux Saints dont les reliques sont ici... ; je leur ai dit : Grands Saints. ., ayez pitié de moi, priez pour moi votre ministre et le irien Jésus. Par après je me suis souvenu des tableaux qui sont en cette chapelle, et ai prié les Saints qui y sont dépeints, particulièrement saint Joseph, dont je porte le nom. » Relation, 1640.

196. — Prier pour ses ennemis.

Un médecin s'est acharné depuis plusieurs années, avec un zèle digne d'une meilleure cause, à combattre le frère André. Il a pris tous les moyens pour lui nuire dans sa réputation et dans son œuvre. Or, voilà que sa femme commence une hémorragie. Tous les soins restent impuis­sants à la soulager. De guerre lasse, son époux a recours à ses plus savants confrères ; rien n'y fait. « J'ai une grande faveur à te demander, murmure faiblement la malade exsangue... Tu le vois, ta science et celle de tes confrères est impuissante à me guérir... Va chercher le frère André. Je t'en supplie, accorde-moi cette faveur. » Le médecin hésite entre son orgueil et la pitié pour sa femme... Enfin, il se décide à s'humilier. A peine le reli­

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gieux a-t-il franchi le seuil de la chambre que l'hémorragie cesse. H.-P. Bergeron, c.s.c., Le Frère André, c.s.c.

197. — Demander d’abord ce qui se rapporte à la gloire deDieu.

Le major Lambert Closse est l'une des plus grandes gloires de Montréal. Il mourut en 1662, dans une rencontre avec les Iroquois, « en brave soldat de Jésus-Christ et notre monarque, après avoir mille fois exposé sa vie fort généreusement, sans craindre de la perdre en de semblables occasions, ce qu'il fit bien voir à quelques-uns qui lui disaient peu avant sa mort : « Qu'il se ferait tuer vu la facilité avec laquelle il s'exposait partout pour le service du pays. )) A quoi il répondit : <( Messieurs, je ne suis venu ici qu'afin d'y mourir pour Dieu en le servant dans la profession des armes, si je n'y croyais pas mourir, je quitterais le pays pour aller servir contre le Turc et n'être pas privé de cette gloire. )) Dollier de Casson, Histoire du Montréal.

198. — Nous pouvons demander à Dieu des biens temporels.

Mme Martin, la future Mère Marie de l'Incarnation, aimait beaucoup les pauvres. Lorsqu'elle avait épuisé les ressources que lui versait largement sa sœur, Marie s'adressait au Maître de tout bien : « Nctre-Seigneur, avoue-t-elle, me pressait sans cesse de lui faire des deman­des. C'est que je lui parlais de tout, et quand je voyais que quelqu'un avait besoin de quelque chose, je lui disais : « Mon Amour, cette personne a besoin de cela ; je vous prie qu'on le lui donne. Il m'exauçait, et je trouvais aussi­

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tôt ce qui faisait besoin à ces pauvres. Un jour je me sentis toute craintive, n’osant lui demander les besoins de quelques personnes : « Demande, demande, ne crains point », me dit-il. Cela m’assura si fort que je le pressai hardiment, et il m’exauça. » Marie de VIncarnation. .. par une Religieuse Ursuline de Québec.

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CHAPITRE XX

LE PATER NOSTER — L’AVE MARIA

199. — Tous enfants d’une même famille.

Saluer les personnes qu’on rencontre est non seule­ment un acte de politesse, mais un acte religieux et frater­nel. Nos ancêtres saluaient même les étrangers, aussi bien que les parents et les amis. Aussi, j ’ai vu souvent des per­sonnes d’un autre pays admirer le salut amical qu’on leur adressait. Dans ces temps encore peu éloignés, la pensée que l’homme est créé à l’image de Dieu, et que son ange gardien l’accompagne partout, poussait à saluer respec­tueusement tous ceux que l’on rencontrait... Nos premiers missionnaires s’étaient appliqués à faire de nos ancêtres le peuple le plus hospitalier. Les anciens habitants de nos campagnes se rappellent encore le cordial accueil que l’on faisait au passant. Il était traité comme un membre de la famille qui faisait cercle autour de lui, pendant qu'il racontait ses voyages, ses aventures, les nouvelles vraies ou fausses qu’il avait recueillies sur la route. C’était une intéressante veillée à laquelle toute la famille prenait part. L’abbé A. Mailloux, Manuel des parents chrétiens.

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200. — Pardonner au prochain.

On a vu, le vendredi saint, des sauvages, à genoux devant la croix, sans prêtre, prier avec ferveur comme l'Église, pour le monde entier, pour leurs ennemis, pour les perfides Iroquois eux-mêmes : « Seigneur, pardonnez à ceux qui nous poursuivent avec tant de fureur, qui nous font mourir avec tant de rage ; ouvrez leurs yeux ! » L'historien protestant Parkman admire ce trait de charité chrétienne et loue les missionnaires d'avoir « réussi à faire adopter à ces natures sauvages », si tenaces dans leurs haines, « une idée qui leur avait toujours été abso­lument étrangère. »

2 0 1 . — Donne&-novs notre pain quotidien...

Le P. Le Jeune enseignait la religion et les prières aux Algonquins venus au fort des Trois-Rivières pour la traite des pelleteries. Un de ses néophytes, qui sans doute avait déjà goûté de la famine, quand la chasse ne donnait pas, appréciait ainsi sa prédication. « Tu nous dis de belles choses, mais cette prière-ci m'a semblé la meilleure, de toutes : Donnez-nous aujourd'hui notre nourriture. Donnez-nous à manger : voilà une excellente oraison ! »

202. — Marie, la plus puissante protectrice.

A la mission de la Nativité chez les Montagnais. Le 18 juin 1908. Incendie de la vieille maison, qui servait de hangar... Une heure après, toute la bâtisse n'était qu'un vaste bûcher. Pour comble d'alarme, la grande maison que nous habitons ne tarda pas à être atteinte et à flamber partout en haut du pignon ouest et du toit ; tout semblait perdu... Au milieu de l'épouvante générale,

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on fit à Notre-Dame-de-Lourdes un vœu... ; et, chose inexplicable, moins de deux minutes plus tard, le feu s'ar­rêtait et, un quart d'heure après, tous les dangers étaient conjurés. Les pertes ont été sans doute assez considé­rables ; malgré cela, elles n'ont été rien en comparaison du désastre qui menaçait notre maison, l'église et le cou­vent. Tout devait y passer. R. P. Duchaussois, Aux Glaces polaires.

203. — L’Ave Maria.

Un décret de Mgr Laflèche, évêque des Trois-Ri- vières, ordonnait la construction d'une nouvelle église au Cap-de-la-Madeleine. On devait démolir le vieux sanc­tuaire pour en utiliser les matériaux dans la nouvelle construction. Mais le vieux curé de la paroisse, M. Luc Désilets, ne pouvant se résoudre à cette dure nécessité, fit vœu à la Reine du Très-S aint-Ros ai r e de la lui dédier en ex-voto, si elle lui obtenait durant l'hiver un pont de glace pour le transport de la pierre que ses paroissiens avaient préparée sur la rive sud du Saint-Laurent. La vieille église, en pierres brutes des champs, de soixante pieds par trente, remonte à 1714... Tous les dimanches, après la messe, on récitait le chapelet pour obtenir le pont de glace. Janvier et février étaient passés et le fleuve demeurait toujours libre. La saison des grands froids étant finie, il semblait que l'on n'avait plus rien à espérer. C'est alors que le pieux curé Désilets renouvela son vœu. A la surprise générale, le 15 mars au matin (1878), l'anse au Cap apparut couverte d'une couche de neige et de petits bancs de glace qu'un grand vent vent avait détaché du rivage. Le lendemain, des paroissiens guidés par M. Duguay, vicaire de la paroisse, confiants dans la Vierge

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du Rosaire, entreprirent de trouver un passage sur le fleuve. La nuit venue, on balise le passage et on arrose la neige qui relie les glaçons. Une quarantaine d’hommes travaillent toute la nuit avec assurance, se répétant les uns aux autres, en regardant la lumière du presbytère : « Il n’y a pas de danger, M. Désilets dit son chapelet ». Les jours suivants, le <( pont des chapelets » parut couvert de voitures chargées de pierre, et il se désagrégea dès que la quantité de pierre requise pour la construction de l’église eût été transportée. Depuis, la modeste chapelle est de­venue un lieu de pèlerinage fréquenté. Élie de Salvail, 366 Anniversaires Canadiens.

En 1882, le général marquis de Charette, en visite au pays, acceptait d’être parrain à la bénédiction des cloches (au Cap-de-la-Madeleine). Le 4 juillet, le héros de Mentana et de Loigny, le défenseur du trône pontifical, venait en compagnie de son épouse, s’agenouiller dans la chapelle du Saint-Rosaire. Il avouait, en cette occasion, se sentir heureux d’honorer la Sainte Vierge et de dire son chapelet tous les jours. P.-E. Breton, o.m.i., Cap-de-la- Madeleine, Cité mystique de Marie.

A Sainte-Anne-des-Plaines, il y a quelque soixante ans vivait un jeune homme nommé Alfred Lemay. Para­lysé de sa dix-huitième à sa trentième année, couché sur le dos sans pouvoir remuer, tout son corps n’étant qu’une plaie purulente et douloureuse, ses membres atrophiés et ankylosés, il subit ce long martyre en odeur de sainteté. Il passa les douze années en prière. Comme ses mains ne pouvaient tenir un chapelet, il en avait fait suspendre un au mur en face de lui, et suivait des yeux les grains des dizaines. Robert Rumilly, Sainte-Anne-de-Beauprê.

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204. — « Pleine de grâce ». L ’Immaculée-Conception.

Dès 1615, le récollet Jean Dolbeaü voit à bâtir la première église construite à Québec et dédiée à l'Imma- culée-Conception. En 1637, le P. Le Jeune, jésuite, men­tionne « la Conception de la sainte Vierge, que nous hono­rons fort en la Nouvelle-France ». C'est le 8 décembre 1658 que le premier évêque du Canada, Mgr de Laval, reçoit la consécration épiscopale. Plus tard, il consacrera sa cathédrale à l'Immaculée-Conception.

205. — Marie, mère de Dieu.

Un Cris du fort Vermillon répliqua un jour à certain bishop protestant qui ridiculisait la vénération catholique de la Très Sainte Vierge attendu que la Bible, disait-il, n'enseigne qu'à aimer et prier Jésus-Christ. « E t toi priant anglais, voyons, est-ce que tu as eu une mère ? — Si j'ai eu une mère, balbutie le protestant surpris ; mais tous les hommes, comme toi ! — Eh bien, répond l'Indien, tu as dû l'aimer ta mère, comme j'ai aimé la mienne : et tu as bien fait. Et tu voudrais que Jésus n'aimât pas sa mère, Marie ! E t tu me dis qu'il n'est pas content si je parle avec respect à sa mère ! Dans notre religion nous ne séparons pas Jésus de sa mère. Nous prions Jésus d'abord, et Marie ensuite. » R. P. Duchaussois, o.m.i., Aux Glaces Polaires.

206. — Par Z'Ave, nous reconnaissons avoir confiance enla puissance de Marie.

Marguerite Bourgeoys n'était pas sans éprouver quelque crainte de passer à Ville-Marie. Aussi Dieu

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elle était résolue de sacrifier sa vie en allant lui former de fidèles servantes en Canada, l'assurât, de sa propre bou­che, que ce dessein était vraiment son ouvrage, et qu'elle serait elle-même sa gardienne et sa sauvegarde au milieu de tant de périls. Comme la sœur était dans sa chambre, occupée alors de tout autre chose que de son voyage, « un matin, étant bien éveillée, dit-elle, je vois devant moi une grande dame, vêtue d'une robe comme de serge blanche, qui me dit : « Va, je ne t'abandonnerai point )) ; et je connus que c'était la sainte Vierge, quoique je ne visse point son visage ; ce qui me rassura pour ce voyage et me donna beaucoup de courage ; et même je ne trouvai plus rien de difficile, quoique pourtant je craignisse les illusions. » Après cette faveur, la sœur Marguerite se trouva donc toute résolue à partir. » Faillon, Vie de la Sœur Bourgeoys.

Le 8 septembre 1650, les Ursulines de Québec recon­nurent, par un acte officiel, la Ste Vierge, pour leur pre­mière et principale supérieure. Mère Marie de l'Incarna­tion se confia à cette bonne Mère lors des travaux qu'elle eut à entreprendre. (( Je la regardais en ce dessein, écrit- elle, comme ma conduite et mon tout après Dieu. Je n'eus pas plus tôt commencé que je ressentis son assis­tance d'une façon, de manière fort extraordinaire, qui était que je l'avais continuellement présente... Je la sentais sans la voir, auprès de moi, m'accompagnant partout dans les allées et venues qu'il me convenait de faire dans le bâtiment, depuis qu'on eut commencé d'abattre les masures jusqu'à la fin de l'œuvre. En chemin faisant, je m'entretenais avec elle, lui disant : « Allons, ma divine Mère, gardez, s'il vous plaît, nos ouvriers ». E t il est vrai qu'elle les a si bien gardés que, dans la bâtisse et cons-

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traction, pas un n'a été blessé. Ma faiblesse avait besoin de ce secours dans toutes les fatigues qu'il me fallut sup­porter, même avant que de commencer la maçonnerie... )) Nos EphémêrideSj Le Devoir.

207. — Marie est notre mère.

La mère du serviteur de Dieu, le R. P. Alfred Pam- palon, Rédemptoriste, mourut, alors qu'il n'avait que six ans. (( Chers enfants, dit-elle dans ses dernières recom­mandations, le bon Dieu m'appelle à lui. Bientôt vous n'aurez plus de mère sur la terre ; mais levez les yeux au ciel, là vous avez une mère, la plus puissante, la meilleure des mères. C'est à cette Mère, que je vous consacre et vous confie. Aimez-la beaucoup, elle vous aimera et saura vous protéger toujours. Au ciel, je prierai le bon Dieu de vous conserver bons chrétiens. Je lui demanderai de se choisir des prêtres dans ma famille. » Dieu combla ses vœux. Trois de ses enfants reçurent l'onction sacer­dotale. Une Fleur Canadienne... R.P. Alfred Pampalon.

208. — Nous devons célébrer avec piété les fêtes de Marie.

En 1694, Iberville entreprit une campagne à la Baie d'Hudson. « Le Père Gabriel Morest, chapelain de l'ex­pédition, ne tarit pas d'éloges sur la bonne tenue des Ca­nadiens. Le 15 août, fête de l'Assomption de la très sainte Vierge, il y eut messe solennelle sur le « Poli » et un grand nombre de communions... Le 8 septembre, fête de la Nativité de la très sainte Vierge, plus de cinquante Cana­diens communièrent en l'honneur de Marie. » Élie de Salvail, 366 Anniversaires Canadiens.

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209. — Le scapulaire.

En 1665, les compagries LaMothe et Grandfontaine qui faisaient partie du célèbre régiment de Carignan- Salières, prirent « leurs quartiers d’hiver à Québec. D’après les lettres historiques de la Mère Marie de l’Incarnation, la conduite des militaires était fort édifiante ; la plupart récitaient le chapelet tous les jours ; le 30 septembre 1665, cinq cents soldats prirent le scapulaire. » Ibid.

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CHAPITRE XXI

LES COMMANDEMENTS DE DIEU

LE PREMIER COMMANDEMENT DE DIEU

210. — Les commandements de Dieu.

De passage, en France, en 1885, le fameux curé La- belle, de St-Jérôme, disait dans « une improvisation qui fut hachée d'applaudissements : « Nulle part sur la terre, Messieurs, la vie et la propriété ne sont plus en sûreté que chez nous au Canada. Car, voyez-vous, nos hommes de police et nos soldats, ce sont les commandements de Dieu et de l'Église ! » L'abbé Êlie-J. Auclair, Le Curé Làbeïle.

2 1 1 . — Les commandements gui renferment toute la loi.

Le Père Supérieur de aos Missions demandant à quelques femmes chrétiennes si elles pouvaient bien aimer des personnes qu'elles n'ont jamais vues ni connues, par­lant de quelques dames qui les ont secourues, l'une d'elle prit la parole et lui dit : « Pourquoi non, mon Père ? Ces saintes femmes de charité nous aiment bien sans nous voir ? Elles n'ont rien devant leurs yeux qui les porte à nous aimer, et nous voyons leurs présents et leurs aumô-

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nés. Elles nous aiment pour l’amour de Dieu, qui veut qu’on aime ceux qui sont comme lui, c’est-à-dire qui font du bien à tout le monde. Enfin, nous aimons ces saintes femmes de charité sans les voir, comme nous voulons aimer Dieu sans le voir. Nous les verrons dedans le ciel lorsque nous verrons Dieu qui leur donne ces compassions pour nous et qui est notre Pèie, comme elles sont nos mères. » E t le Père concluait par cette parole qui était pour les bienfaiteurs de France une digne récompense : « Voilà la réponse d’une femme sauvage qui n’a rien de sauvage ». R. P. Léon Pouliot, s.j., dans Etudes sur les Relations des Jésuites . . .

2 1 2 . — U amour du prochain, Vun des deux plus grandscommandements.

Les premiers habitants de Montréal vivaient en saints, tous unanimement... Celui qui avait des commo­dités à suffisance en aidait celui qui en avait moins, sans attendre qu’on lui demandât ; se faisant au contraire un fort grand plaisir de le prévenir et lui donner cette marque d’amour et d’estime ; quand l’impatience avait fait parler durement à son voisin ou autre on ne se couchait point sans lui en faire excuse à genoux. Sœur Marie Morin, Annales de VHôtel-Dieu de Montréal.

213. — Foi théorique et pratique.

La première de nos forces nationales c'est la foi... Le peuple canadien-français... est né chrétien et chrétien il est demeuré dans toute la signification catholique et romaine de ce terme. Nous avons visité plusieurs pays. Nous n’en connaissons aucun où l’esprit de foi et les pra­tiques religieuses surpassent ou même égalent ce que nous

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voyons à cet égard parmi nos populations de langue fran­çaise. La masse de notre peuple est croyante. E t cette croyance ne s'arrête pas aux confins théoriques de l'esprit, incapable de mettre d'accord la logique de sa pensée et le gouvernement de ses actes : elle se traduit dans les faits. Mgr L.-A. Pâquet, Etudes et Appréciations.

214. — Superstition.

Tout ce que les Sauvages voyaient entre les mains des missionnaires, et dont ils ne connaissaient pas l'usage, ils le regardaient comme merveilleux ; c'était des instru­ments de maléfices, des sorts destinés à leur causer quelque dommage. On était obligé de cacher jusqu'aux ornements de l'autel, et même il fallut faire disparaître une pendule et une girouette, dont l'une, disaient-ils, « leur apportait la mort, et l'autre leur donnait toujours le mauvais temps. » D. Dainville, Beautés de l’Histoire du Canada.

215. — Sorcelleries.

Flavart de Beaufort, soldat, à Montréal, était un farceur qui n'avait voulu que s'amuser de la crédulité de pauvres gens, mais comme nos pères n'entendaient pas à rire sur les choses saintes, l'affaire tourna au tragique. Le 27 août 1742, le procureur du roi concluait à la preuve des trois chefs d'accusation — sortilège, magie et sacri­lège — pour réparation de quoi il demandait que Charles- François Flavart de Beaufort de l'Advocat fût condamné à faire amende honorable en chemise, la corde au cou, te­nant entre ses mains une torche de cire ardente du poids de deux livres devant la grande porte et la principale entrée de l'église paroissiale de cette ville, au premier jour de marché ; et là, étant nu-tête et à genoux, dire et déclarer

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à haute et intelligible voix que méchamment et mal avisé, il a profané les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ crucifié, ce pour faire le devin... et en outre, qu'il fût con­damné à être battu et fustigé de verges, par les carrefours et lieux accoutumés de cette ville, et qu'il fût banni de l'étendue de cette juridiction pendant trois ans, et tenu à garder son ban. Ces conclusions étaient ratifiées le 30 août par le jugement de la cour de Montréal qui ajoutait de plus : « Flavart de Beaufort sera conduit par l'exé­cuteur de haute justice ayant écrit au par devant et der­rière : « Profanateur des choses saintes »! — Ce fait, l'avons condamné à servir de forçat dans les galères du roi », l'espace de cinq années.

Gaston de Monrepos.

Flavart en appela au conseil supérieur de Québec, lequel confirma la sentence, retranchant toutefois deux ans aux cinq années de galères infligées.., » Faucher de Saint-Maurice ; Choses et autres.

216. — Refus d’apostasie.

Aux prises avec une famine — les famines sont fré­quentes dans les régions polaires — un camp de la tribu des Loucheux se vit réduit par la vilenie des commis- traiteurs à choisir entre la mort et l'apostasie : (( Faites- vous protestants, leur disait-on, et vous aurez des vivres, du plomb, de la poudre, des vêtements.» — « Gardez vos biens, répondirent les Indiens. Nous mourrons de faim, s'il le faut ; mais nous resterons catholiques ! » Pourtant le missionnaire ne résidait pas encore parmi eux à cette époque. R. P. Duchaussois, Aux Glaces Polaires.

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217. — Conversion des infidèles.

Les missions du Nord-Ouest ne furent soutenues, au commencement, que par l'Oeuvre de la Propagation de la Foi, elle-même à ses débuts, encore peu connue des fidèles et ne disposant que de maigres ressources. Lorsque Mgr Taché... se rendit en France, en 1857, les directeurs de l'Oeuvre le prièrent de parcourir les villes de France pour y exposer les besoins de ses missions et de la Propagation de la Foi en général. Mgr Taché, qui s'appelait volontiers le petit évêque sauvage, ne s'y décida qu'avec peine. Ce­pendant, il partit de Marseille le 10 janvier 1857 pour entreprendre cette campagne. Il visita Fréjus, Aix, Lu­mières, Viviers, Vienne, Montpellier, Béziers, Carcas- sonne, Toulouse, Tarbes, Mcntauban, Auch, Ces confé­rences eurent un énorme retentissement. Nos Ephémê- rides, dans Le Devoir.

218. —Profession ouverte de notre foi.

J'aurais été très sensible à la moindre raillerie dirigée contre le catholicisme ; car, même pendant mes années de tiédeur... je n'aurais jamais souffert patiemment une insulte au culte de mes aïeux et à la religion dans laquelle j'avais été élevé ; j'ai toujours respecté les convictions religieuses d'autrui, et j'ai exigé les mêmes égards pour les miennes. Philippe-Aubert de Gaspé, Mémoires.

219. — Ne pas rougir de sa foi.

L'honorable Aram-J. Pothier, né au Canada, fut deux fois gouverneur du Rhode-Island, Ê.-U. Catholique sincère, il n 'a jamais rougi de pratiquer sa religion. Depuis quarante ans, il n 'a pas une seule fois manqué la messe,

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le dimanche. Lors du choix de la convention républicaine qui le désigna une deuxième fois au poste de gouverneur du Rhode-Island, au moment précis où lui fut annoncée la nouvelle de son choix, il se rendit au lieu de la réunion des délégués et, parmi eux, apercevant Mgr Harkin, évêque de Providence, il alla, genou en terre, lui demander sa béné­diction et baiser respectueusement son anneau. Et, dire que ces délégués étaient, par une proportion de quatre à un, des protestants. Cet acte solennel lui mérita les applau­dissements chaleureux non seulement de ses coreligion­naires, mais encore ceux des protestants. Un de ceux-ci alla même jusqu’à agiter son chapeau, en ajoutant : « Le gouverneur Pothier n’a pas honte de sa croyance, il est bien l’honnête citoyen que nous estimons, nous les républicains ! » F.-L. Deslauriers.

2 2 0 . — Contre le désespoir.

Le roi du Canada, Georges VI, dans une allocution radiophonique, le 25 décembre 1939, citait ces belles paroles de Miss Haskins : (( J ’ai dit à la garde qui veille aux portes de l’année : « Donnez-moi une lumière afin que je puisse cheminer sûrement vers l’inconnu ». E t on me répondit : « Va dans la nuit et mets ta main dans celle de Dieu. Ce sera pour toi mieux que la lumière et plus sûr que la route connue. »

221. — Il est permis d’honorer les saints.

Le 12 mars 1672, M. de Maisonneuve, en compagnie de l’abbé Dollier de Casson, supérieur de Saint-Sulpice, traça les premières rues de Montréal : 1 ° rue Notre- Dame, à raison de l’église paroissiale, devant être dédiée à Marie, « Dame de l’île et patronne des habitants » ;

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2° rue Saint-Joseph, aujourd'hui Saint-Sulpice ; 3° rue Saint-Pierre, du nom du patron de Pierre Gadois, premier concessionnaire de terre à Montréal ; 4° rue Saint-Paul, du nom de Paul de Maisonneuve ; 5° rue Saint-Jacques, à cause du patron de M. Olier, fondateur de Saint-Sul­pice ; 6 °rue Saint-François, nom du patron de M. Dollier de Casson J 7° rue Saint-Gabriel, en l'honneur de MM. Gabriel de Quélus et Gabriel Souart ; 8 ° rue Saint-Lam- bert, du nom du héros Lambert Closse... Élie de Salvail, 366 Anniversaires Canadiens.

2 2 2 . — Intercession des saints.

L'abbé Thomas Morel, premier desservant de Ste- Anne-de-Beaupré raconte ; En l'année 1662, Marie- Esther Ramage, âgée de 45 ans, femme d'Êlie Godin, de la paroisse de Sainte-Anne-du-Petit-Cap, était demeu­rée depuis dix-huit mois courbée, en sorte qu'elle ne pou­vait aucunement se redresser, et qu'elle était obligée de se traîner comme elle pouvait avec son bâton ; sans espérance de pouvoir jamais recouvrer par les remèdes humains sa santé. Elle se souvint de ce que son mari lui avait dit, qu'en sa présence Louis Guymond, de la même paroisse, avait été soudainement guéri d'une grande douleur de reins, en mettant par dévotion trois pierres aux fondements de l'église de Sainte-Anne, que l'on com­mençait de bâtir. Alors elle réclama la Sainte, la priant de faire sur elle un miracle comme elle avait fait sur cet homme ; en même temps, s'oubliant de son bâton qui disparut, elle se trouva sur ses pieds toute droite, mar­chant avec autant de facilité qu'elle ait jamais fait ; et tout étonnée d'un changement si subit, elle commence à rendre grâce à sainte Anne, du bienfait qu'elle venait de

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recevoir, et du depuis elle est restée en parfaite santé. Ce miracle a beaucoup servi à confirmer dans la foi toute cette famille qui avait longtemps vécu dans la religion prétendue réformée. Relation, 1667.

223. — Miracles obtenus par Vintercession des saints.

La dévotion des Canadiens à saint François-Xavier, l’apôtre des Indes, remonte au 1er évêque du pays. Le 3 décembre 1667, Mgr de Laval ordonna la célébration de cette fête en la rendant d’obligation. « Ce grand saint, écrivait l’évêque, étant qualifié dans toute l’Église apôtre des Indes, et ce pays passant pour une partie des Indes, nous avons pensé ne pouvoir dispenser cette Église nais­sante de lui rendre ce devoir, à moins que de lui refuser cette qualité, outre que d’ailleurs ce qui nous a obligé à ce dessein est le grand avantage et les grâces extraordi­naires que tout ce christianisme des Français et des Sau­vages a reçus jusqu’à présent et retirera à l’avenir d’un si grand protecteur ; une infinité de merveilles et de mi­racles que Dieu a voulu opérer, dans ce dernier temps, en toutes les parties du monde, par le recours que l’on a eu à son intercession, font assez paraître la grande puissance qu’il a auprès de sa divine Majesté. )> Nos Ephémêrides, Le Devoir.

224. — Les saints, au ciel9 sont unis par les mêmes liensde charité que sur la terre.

Peu avant son martyre, saint Charles Garnier écrivit de l’Ile de Saint-Joseph à ses deux frères, savoir est le R. P. Henry de S.-Joseph de l’Ordre des Carmes, et le R. P. Joseph de Paris, Capucin. Cette lettre fait voir la

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trempe de son cœur et le pressentiment qu'il avait de sa mort. « Ce petit mot, dit-il, est pour nous encourager tous trois à nous hâter d'aimer notre bon Maître ; car je crois qu’il est difficile que quelqu'un de nous trois ne soit bien proche du terme de sa carrière. Redoublons donc nos fer­veurs, hâtons le pas, redoublons nos prières les uns pour les autres, et faisons une nouvelle protestation, que celui que Notre-Seigneur appellera le premier à soi de nous trois, sera l'avocat des deux qui resteront, pour leur ob­tenir de Notre-Seigneur son saint amour et une parfaite union avec lui, et une persévérance finale. Je fais donc le premier cette protestation et prie Notre-Seigneur de tout mon cœur de posséder nos trois cœurs et de n'en faire qu'un avec le sien dès à présent et dans l'éternité. » Relation, 1650.

225. — La communion des saints.

Après sa mort, saint Antoine Daniel apparut au P. Chaumont, qui lui demanda comment Dieu avait pu permettre qu'il ne restât absolument rien de son corps livré aux flammes : « Magnus Dominus et laudabilis nimis, répondit le martyr, oui, Dieu est grand et adorable à tout jamais ; il a jeté les yeux sur les opprobres de ce sien ser­viteur, et afin de les récompenser en Dieu, grand comme il est, il m 'a donné quantité d'âmes qui étaient dans le Purgatoire, lesquelles ont accompagné mon entrée et mon triomphe dans le ciel. »

« Une autre fois », le même saint apparut à une assem­blée que tenaient ses anciens compagnons d'apostolat, « touchant les moyens d'avancer la foi en ces pays, et alors il paraissait nous fortifiant de son courage, nous

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remplissant de ses lumières et de l'esprit de Dieu dont il était tout investi. » Relation, 1649.

226. — Sur terre, les membres vivants de VEglise assistentleurs frères.M. Glandelet, premier biographe de Marguerite

Bourgeoys, raconte : « La première année qu'elle fut arrivée à Montréal, on lui donna pour se coucher une paillasse, un matelas, un lit de plumes, deux couvertures et un oreiller, qu'elle accepta sans doute plus pour pouvoir en accommoder les autres que pour sa propre commodité, comme il est aisé de s'en persuader par le trait suivant. Comme le froid était excessif pour lors, quelques soldats vinrent lui dire : <( Ma Sœur, nous mourons de froid, nous n'avons pas de lit, donnez-nous en un. » Elle prend son lit de plumes et le donne à l'un des soldats. Quelque temps après, il en vint un autre qui se plaignit encore de la rigueur de la saison et qui lui demande un matelas ; elle prend le sien et le lui donne. Un troisième survint, qui lui dit : (( Ma Sœur, je n'ai point de paillasse ; faites- moi la grâce de m'en donner une. )) Elle lui donne sa pail­lasse. Enfin, il en vint deux autres qui lui demandèrent deux couvertures ; elle les leur donna, ne se réservant rien pour elle-même que l'oreiller, qu'on ne s'avisa pas de demander, et avec lequel elle coucha à plate terre. » Le bon M. Glandelet en est-il si sûr ? L'oreiller prit vraisem­blablement le chemin du lit et de sa garniture. Dom Albert Jamet, o.s.b., Marguerite Bourgeoys.

227. — Les reliques des saints.Le Frère Régnant, coadjuteur, recueillit les reliques

des martyrs. « Nous les trouvâmes tous deux, écrit-il,

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mais un peu écartés l’un de l’autre ; on les rapporta à notre cabane et on les exposa sur des écorces de bois où je les considérai à loisir... Je considérai premièrement le corps du P. de Brébeuf, qui faisait pitié à voir, aussi bien que celui du P. Lalemant. Le P. de Brébeuf avait les jam­bes, les cuisses, les bras, tout décharnés jusqu'aux os... J ’ai vu et touché tous les endroits de son corps, qui avait reçu plus de deux cents coups de bâton. J ’ai vu et touché l’ouverture que ces barbares lui firent pour lui arracher le cœur. Enfin, j ’ai vu et touché toutes les plaies de son corps... )) R. P. Rouvier, s.j., Les Bienheureux Martyrs de la Cie de Jésus au Canada.

Je ne puis pas aussi omettre un coup de la grâce, bien merveilleux, en la personne d’un autre hérétique, des plus opiniâtres que nous ayons vus ici. On le sollicita à plusieurs reprises, et avec toutes les instances possibles, pour lui toucher le cœur, et pour lui faire voir son malheu­reux état, mais toujours en vain. E t non seulement il ne voulait pas écouter les saintes et charitables instances qu’on lui faisait, les rebutant avec indignation ; mais même il s’engageait par de nouvelles protestations, à mourir plutôt que de quitter la religion dans laquelle étaient tous ses parents,. Cependant, étant tombé très grièvement malade, ces bonnes religieuses, qui n’ont pas moins de zèle pour le salut de l’âme de leurs malades que d’affection pour la santé de leur corps, faisaient de leur côté tout leur possible pour le gagner. Une d’entre elles, ayant souvent expérimenté la vertu des reliques du feu Père de Brébeuf, brûlé autrefois très cruellement par les Iroquois, dans le pays des Hurons, s’avisa de mêler à son insu, un peu de ces Reliques pulvérisées, dans un breuvage qu’elle lui fit prendre. Chose admirable ! cet homme devint un agneau : il demande à se faire instruire, et il reçoit

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dans son esprit et dans son cœur les impressions de notre foi, et fait publiquement abjuration de l'hérésie, avec tant de ferveur, que lui-même en est étonné ; et pour comble des grâces de Dieu sur lui, il reçoit la santé du corps avec celle de l'âme. Relation, 1665.

228. — Il est permis de faire des images pour nous rappelerles saints.Aux Trois-Rivières, quelques Français et quelques

Hurons ont été tués cet été par des bandes iroquoises. Le secours qui nous est venu cette année de France est abso­lument nécessaire en ce lieu ; car, à vrai dire, il n 'a pu subsister que par miracle. Les habitants attribuent leur conservation au recours extraordinaire qu'ils ont eu à la Sainte Vierge, dont il y avait un petit oratoire en chaque maison : l'un était dédié à Notre-Dame de Lorette, l'autre à Notre-Dame de Liesse, les autres à Notre-Dame des Vertus, de bon Secours, de bonne Nouvelle, de la Victoire, et à quantité d'autres titres sous lesquels on honore la Sainte Vierge en divers lieux de la chrétienté. C'était une dévotion ordinaire à ces pauvres habitants, d'aller visiter ces petits oratoires en divers jours de la semaine, princi­palement les samedis, que le concours y était plus grand, et en chaque maison, matin et soir, tout le monde se rassemblait pour y faire les prières en commun et l'examen de leur conscience, et pour y dire les litanies de la très Sainte Vierge, le chef de la famille étant d'ordinaire celui qui faisait les prières, et auquel tous les autres répon­daient, femmes, enfants et serviteurs. Relation, 1651.

229. — Images saintesIl n'y a dans le monastère (l'Hôpital-Général), pres­

que aucun lieu où l'on ne conserve précieusement quelque

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objet donné par notre illustre fondateur (Mgr de St- Vallier) ou lui ayant appartenu. Ici, c’est un tableau du crucifiement ; là, une antique image de la Mère de Dieu devant laquelle bien des fois, en des temps d’afflictionset d’épreuves, le vénérable prélat a épanché son âme...

Mgr de Saint-Vallier, visitant un jour la prison de Québec, trouva parmi les détenus un homme, qui, placé devant un bloc de bois haut de quatre à cinq pieds, sans autre outil qu’un couteau, s’occupait à sculpter une statue de la Sainte Vierge... Ravi du spectacle et des pieux senti­ments qu’il reconnut dans le pauvre détenu, le prélat convint avec lui que l’image une fois terminée appartien­drait à l’évêque. Bien plus, par son crédit auprès des magis­trats, il obtint l’élargissement du statuaire. Placée d’abord au palais épiscopal, la Madone du Prisonnier ne devint la propriété de nos Mères qu’après la mort de Mgr de Saint-Vallier. Mgr de Saint-Vallier et VHôpital-Général de Québec.

230. — Prières devant les reliques des saints.

Mgr de Saint-Vallier avait apporté de son voyage en France, « une relique insigne de saint Paul... ; et il l’avait confié aux Ursulines pour l’enchâsser convenable­ment... La translation solennelle de cette châsse à la cathédrale fut fixée au 25 janvier 1689, jour anniversaire de son sacre ; mais la veille au soir, le Prélat voulut qu’elle fût transportée de l’église des Ursulines à sa propre de­meure épiscopale, pour de là être ramenée le lendemain à la cathédrale : quatre prêtres furent chargés de cette tâche honorable :

« Après avoir chanté l’hymne de saint Paul, écrit l’Annaligte, nous nous dirigeâmes en procession vers la

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porte conventuelle, suivies des élèves françaises et des séminaristes, chantant le Laudate Dominum ; puis nous nous partageâmes en deux haies pour laisser passer la précieuse relique. Elle fut portée d'abord à l'Hôtel-Dieuet ensuite à l'évêché ; Mgr de Québec passa cette nuit en prières.

« Le lendemain, 25 janvier, tout le clergé de la cathé­drale, avec les Pères jésuites, vêtus en tuniques, dalma- tiques ou chasubles, et rangés chacun selon sa dignité, s'achemina en bel ordre vers la chapelle de l'évêché. Mgr de Laval et Mgr de Saint-Vallier, revêtus de leurs habits pontificaux suivaient la procession. Quatre prêtres por­taient la sainte relique... La procession se mit en marche vers l'église des RR. Pères Jésuites, où se fit la première station, et de là on se rendit à la cathédrale. Tous les corps de la ville suivaient en grande tenue et la piété de notre population se manifesta d'une manière bien con­solante.

« Le pieux Prélat voulant que les pauvres partici­passent d'une manière particulière à la joie de cette fête, ne se contenta pas de leur distribuer d'abondantes aumô­nes, mais de plus, il en réunit treize, qu'il fit dîner à l'évêché, où il les servit de ses propres mains.

« Dans l'après-midi, Monseigneur officia à vêpres ; ensuite il y eut sermon et bénédiction du Saint Sacrement. Ainsi finit cette grande journée qu'on avait passée à hono­rer publiquement l'Apôtre des Nations. » Mgr Auguste

T

Gosselin, UEglise du Canada. . .

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CHAPITRE XXII

LE DEUXIÈME COMMANDEMENT DE DIEU

231. — Refus de prêter un mauvais serment

M. d’Entremont fut le premier député acadien à la Législature de la Nouvelle-Écosse. C’était au temps où existait encore pour siéger dans ce parlement l’obligation de prêter un serment qui répugnait à la conscience catho­lique. On sait de quelle façon l’élection de J. O’Connell aux Communes anglaises disposa d’une obligation pa­reille. O’Connell, grand orateur, maître de la mise en scène, donna à son refus de prêter le serment le maximum d’éclat possible. C’est devant les Communes mêmes que, lisant avec soin et lenteur la formule odieuse, il déclara formellement, en la déchirant, que jamais il ne prêterait pareil serment. Le brave d’Entremont, marin courageux, mais peu rompu aux manœuvres oratoires, se contenta de dire, en rejetant son texte : « Jurer une chose pareille ? Mais j ’aimerais mieux avaler un chien de mer la queue la première... )) Orner Héroux, Le Devoir, décembre 1941.

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232. — Le blasphème.

Un jeune homme partait au printemps pour le flotta­ge du bois. Son vieux curé lui avait dit : « Mon enfant, corrige-toi ; c'est à frémir et à faire pleurer que d'entendre ton langage ! » Le grand garçon tourna le dos en ricanant, et se rendit dans le haut Saint-Maurice. La rivière était couverte des troncs d'arbres coupés pendant l'hiver, le courant les charriait avec rapidité. A la tête d'une chute, un de ces troncs s'échoua à fleur d'eau sur le rocher. Des centaines, des milliers s’échouèrent à leur tour, et s'amon­celèrent jusqu'à former une montagne. Ce fut une bous-- culade de « billots », qui sous la violence du courant, tourbillonnaient et formaient un énorme barrage. « Qui ira décrocher de la roche les billots d'en avant ? » demanda le contremaître avec force jurons. « Moé », dit notre grand garçon, avec forfanterie et en blasphémant à son tour. Il saisit son levier, monte sur l'entassement des billes, saute de l'une à l'autre, aux applaudissements des cama­rades, arrive au nœud de la digue, et soulève le billot qui tient la tête du barrage, en prononçant un horrible blas­phème contre le Christ et le Calvaire. Il n'en avait pas achevé les dernières syllabes, que toute la digue s'était déchaînée en une formidable avalanche. Et comme le misérable se précipitait de ce pont croulant vers la rive, deux pièces de bois bousculées en sens contraires se sou­lèvent et se rencontrent sur la tête du blasphémateur lui faisant voler la cervelle. Hélas ! Il achevait son blasphème dans l'éternité. A. Poulin, s.j., La lutte contre le blasphème.

233. — Faux serment.

Le 2 1 novembre 1763, le roi d'Angleterre nomma le général James Murray gouverneur de la province de

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Québec. Entre autres obligations, il était çhargé d’admi­nistrer le serment du test à tous les fonctionnaires de l’État. Il faut dire à la gloire de nos pères qu’ils furent exclus de l’administration, parce qu’ils refusèrent de prêter ce serment par lequel on déclarait rejeter le dogme de la transsubstantiation et le culte de la Mère de Dieu.

234. — Le vœu.

« Je fais vœu de ne jamais manquer à la grâce du martyre, si dans votre miséricorde vous l’offrez à votre indigne serviteur... » Saint Jean de Brébeuf.

Saint Noël Chabanel éprouvait (( une sorte d’horreur quasiment insurmontable au point de vue naturel, pour la vie qu’il devait mener comme tous les missionnaires parmi les Indiens » pour « leur écœurante puanteur, la saleté repoussante, défiant toute imagination, de leur nauséabonde cuisine, la vermine dont on était dévoré en leur compagnie, leur sans-gêne éhonté et aussi déconcer­tant que leur friponne habitude du vol, passée en seconde nature chez eux. A cela vint s’ajouter, chose étrange chez quelqu’un qui avait enseigné la rhétorique en France, et non sans un certain éclat, une extrême difficulté à s’appro­prier les divers dialectes de ces peuplades. Si bien qu’en 1647, après quatre ans d’efforts, Noël Chabanel pouvait à peine arriver à se faire entendre par ses néophytes, même pour les choses les plus usuelles. » Aussi le démon cherchait à le décourager, et à le convaincre de quitter les missions sous le prétexte qu’il ferait plus de bien en France. Pour résister au tentateur, le saint, qui n’avait alors que 34 ans, fit le vœu héroïque de demeurer jusqu’à sa mort, dans la mission des Hurons. Frédéric Rouvier, s.j., Les Bienheureux Martyrs Canadiens.

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235. — Avant de faire un vœu, il est prudent d’en référer à son confesseur.

Mère Marie-Rose, après entente avec son confesseur, le P. Telmon, o.m.i., avait prononcé, étant encore dans le monde, les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. R. P. Duchaussois, o.m.i., Rose du Canada,

236. — Il est bon de faire des vœux selon Vavis de son con­fesseur,

« Pendant l’octave de Noël de cette année 1645, le Père Jérôme Lallemant, son nouveau directeur, l’autorisa à s’engager par vœu à « faire, souffrir, penser et dire ce qu’elle connaîtrait être le plus parfait et le plus propre à procurer la gloire de Dieu ». C’était le vœu du plus parfait. Marie de VIncarnation. . . par une Religieuse Ursuiine de Québec.

237. — Le second commandement défend les blasphèmes et les malédictions.

Jean Amyot, un pieux interprète, mort en pleine jeu­nesse, était adroit à détourner les mauvais discours, et à répondre avec grâce à ceux qui juraient ou qui se donnaient des imprécations, et par ce moyen empêchait bien du mal et n’offensait personne. Relation} 1648.

238. — Le blasphème illégal.

Le 27 février 1668, Louis XIV fit publier par Talon, dans la Nouvelle-France, un décret contre tous ceux qui se trouveraient convaincus d’avoir juré et blasphémé le nom de Dieu, sa Très Sainte Mère et des saints. Ils seraient

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condamnés, pour une première offense, à une amende pécuniaire selon leurs biens, la grandeur et énormité du serment et blasphème... Pour la deuxième, troisième et quatrième offense, l’amende augmentait en proportion. Pour la cinquième, le coupable serait mis au carcan, le dimanche et les jours de fête, pour y demeurer depuis 8 heures du matin jusqu’à une heure de l’après-midi, sujet à toutes injures et opprobres, et, en outre, condamné à une grosse amende. Pour la sixième offense, les blasphé­mateurs seraient conduits au pilori, et là, auraient la lèvre de dessus coupée d’un fer chaud, et pour la septième auraient la lèvre de dessous coupée. Les récidivistes plus entêtés pouvaient être condamnés à avoir la langue coupée ou à passer un mois au cachot au pain et à l’eau. De plus, ceux qui entendaient les blasphèmes étaient tenus de dénoncer le coupable dans les vingt-quatre heures. Cité dans la Semaine Religieuse de Montréal. Avril, 1938.

239. — Châtiment du blasphème.

Jacques Michel, huguenot, qui amena les Anglais en ce pays-ci, mourut en 1634. Ce misérable, la veille de sa mort, ayant vomi contre Dieu et contre notre saint Père Ignace mille blasphèmes, et s’étant donné cette impré­cation, qu’il voulait être pendu s’il ne donnait une couple de soufflets avant la nuit du jour suivant à un de nos Pères qui était pris par les Anglais, vomissant contre lui des injures fort messéantes, il fut surpris bientôt après d’une maladie qui lui ôta toute connaissance et le fit mourir le lendemain comme une bête. Quatre circons­tances de ce rencontre donnèrent de l’étonnement aux huguenots mêmes : la maladie qui le prit quelques heures après ses blasphèmes ; l’erreur des chirurgiens qui étaient

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en nombre, lesquels donnèrent des remèdes soporifères à un léthargique ; son trépas si soudain et sans connais­sance, expirant sans qu'aucun s'en aperçut, quoiqu'il y eût six hommes auprès de lui ; la fureur des sauvages en­vers son corps, qui le déterrèrent et le pendirent selon son imprécation, puis le jettèrent aux chiens... Nous dirons seulement qu'il ne fait pas bon blasphémer contre Dieu ni contre ses saints, ni de se bouder contre son Roi, trahissant sa patrie... Relation} 1634.

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CHAPITRE XXIH

LE TROISIEME COMMANDEMENT DEDIEU

240. — Le Se commandement de Dieu prescrit V observancedu dimanche.

Au sujet de la tribu des Plats-Côtés-de-Chiens. « Les Indiens observent scrupuleusement le repos dominical ; ils considèrent comme une faute de tirer un coup de fusil, le jour du Seigneur, à moins qu'ils ne se trouvent en extrême nécessité... » Un jeune protestant qui les connut au fort Rae leur rend aussi ce témoignage : « Les services du dimanche étaient des cérémonies très soignées. Une réjouissance les suivait toujours, lorsqu'on était en lieu de campement. En cours de voyage, ces prières étaient faites avant la marche du jour. Ils déployaient une foi surhumaine à rester à genoux dans les neiges des terres stériles (barren ground), pour réciter leurs prières, les dents claquantes de froid, et égrener leurs rosaires de leurs doigts demi-gelés. )> R.P*Duehaussois, Aux Glaces Polaires.

241. — La sanctification du dimanche.

Le 21 avril 1688, par devant J.-B. Migeon de Brans- sat, « bailly, juge civil et criminel » de la seigneurie de

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Montréal, comparaissait Abraham Bouat, sous l'accu­sation d'avoir laissé jouer du billard chez lui, le lundi, lendemain de Pâques, pendant les vêpres. Autrefois, il fallait chômer la fête de Pâques pendant trois jours. De plus, à cette époque, les auberges restaient ouvertes, les dimanches et les fêtes, mais il ne fallait y tolérer aucun jeu, ni y débiter aucune boisson durant les offices religieux. En conséquence le procureur fiscal flétrit les joueurs de billard dont la conduite avait été <( un mépris et dérision formelle aux règlements, une profanation des saints jours de fête et une contravention volontaire et délibérée qui a attiré plusieurs personnes pendant l'Office Divin à les voir jouer ». Abraham Bouat fut condamné à 20 livres d'amende et défense fut faite à l'aubergiste « d'ouvrir la porte de son billard, de fournir et donner les billes ainsi que les billards à qui que ce soit, pendant les Offices Di­vins... à peine de 50 livres d'amende »... Les Cahiers des Dix, 1938.

Dans la famille de Mgr Ovide Charlébois, le diman­che, à part les plus petits et un ou deux gardiens, tous de­vaient parcourir les cinq milles qui séparaient la ferme de l'église. Ceux qui avaient fait leur première communion devaient souvent faire le voyage à jeun ; car ils s'appro­chaient assez fréquemment des sacrements. Dans ce cas, ils devaient faire leur action de grâces après la grand'- messe et ne déjeûnaient que vers une heure de l'après- midi, Dans ce temps-là, il n'y avait pas de vêpres à Sainte- Marguerite, mais, dans la famille, on y suppléait par le chemin de la croix, le chapelet, le chant de cantiques et de pieuses lectures faites par la mère de famille. Après cela seulement, on pouvait se livrer à d'innocents amusements. R. P. Pénard, Mgr Charlébois.

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242. — Assistance à la messe, le dimanche.

Lorsque Mgr Bourget se sera retiré au Sault-au- Récollet, les paroissiens apercevront souvent, le dimanche, à l’heure des offices, au milieu de la grande allée, le véné­rable prélat agenouillé à son prie-Dieu, tout près d’eux et priant avec tant de piété, sa tête inclinée en avant, tout son corps conservant l’immobilité d’une statue. F, Lan- gevin, s. j., Mgr Ignace Bourget...

243. — Œuvres serviles.

En 1709, le curé de Saint-Joseph de Lévis, M, Phi­lippe Boucher, se plaint... que ses paroissiens « font mar­cher leur charrois les jours de fête et de dimanche » comme la semaine, et « contreviennent impunément aux comman­dements de Dieu ». Il supplie l’intendant de l’aider à y mettre ordre. M. Raudot rend aussitôt cette belle or­donnance : « Nous faisons défense à tous les habitants de la paroisse de Saint-Joseph, comme aussi à tous ceux des paroisses de ce pays, de faire travailler leurs harnais les dimanches et fêtes sans en avoir la permission de leurs curés, et en cas de contravention, permettons à tous les officiers de milice de saisir tous les effets qui seront chargés sur les dits harnais, lesquels demeureront confis­qués au profit des fabriques des paroisses où demeureront ceux à qui appartiendront les dits effets. E t sera la pré­sente ordonnance lue et publiée aux portes de toutes les églises des paroisses de ce pays, au premier jour de fête ou de dimanche, issue de messe de paroisse, à ce que per­sonne n’en ignore. »Mgr Auguste Gosselin, L ’Eglise du Canada, depuis Mgr de Laval jusqu’à la Conquête.

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CHAPITRE XXIV

244. — Père et mère tu honoreras...

Le Curé Labelle de St-Jérôme, ce (( colosse à la puis­sante stature se faisait petit enfant et câlin pour sa chère » « mouman », comme il disait toujours. Son ancien pa­roissien, qui fut l'un de ses enfants de chœur, M. le pro­tonotaire Joseph Grignon, racontait... comment ses com­pagnons d'enfance et lui s'édifiaient rien qu'à voir le curé donner la sainte communion à sa mère... « On peut dire que trois mères se partagaient le cœur et la vénération du Curé, écrit-il : Marie, la mère de Dieu, l'Église, notre sainte mère, et sa mère selon la nature. C'est dans ce triple amour qu'il retrempait inépuisablement son amour de sa race. Maintes fois, mes camarades et moi, nous fûmes témoins de l'épanchement de cette piété filiale, quasi enfantine, du colossal curé pour sa bonne mère, qui était, elle, une toute petite femme. Cette affection touchante s'exprimait, me semble-t-il, d'une façon particulièrement pathétique la nuit de Noël. C'était comme un bonheur extatique qui rayonnait sur la figure de M. Labelle, quand, en cette auguste nuit, en face de la crèche du petit Jésus, où elle se tenait d'ordinaire, il présentait la sainte hostie à sa chère maman... » L'abbé Elie-J. Auclair, Le Curé Labelle.

LE QUATRIEME COMMANDEMENT DEDIEU

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Lucien Delorme... en vacances, travaille tant qu'il peut ; il veut aider ses parents à payer les frais de sa pension au collège... D ne manque jamais de faire ses sou­haits à ses parents le jour de leur fête. Il les remercie souvent des sacrifices qu'ils font pour lui... Un jour, il a une mauvaise note. La peine qu'il en ressent est d'une âme infiniment délicate. « Je suis bien triste aujourd'hui, écrit-il dans son journal. Adrienne » (sa sœur) <( est venue me voir cette après-midi. Elle m'a parlé de mes mauvaises notes et m'a dit de travailler mieux à l'avenir ; mais ce qui me fait le plus de peine, c'est lorsqu'elle m'a dit que maman avait été surprise... que j'avais une mauvaise note. Que dira maman la prochaine fois que je la verrai ; elle me grondera certainement. 0 mon Dieu, ne permettez pas des choses qui fassent pleurer ma mère ! Envoyez-moi des épreuves, mais pour moi seul ! Car je ferais n'importe quel sacrifice plutôt que de faire de la peine à ma mère... » Antonio Dragon, s. j., Toujours plus haut

245. — Amour des parents.

Mgr Labelle, le grand colonisateur des Laurentides, et alors sous-ministre de l'Agriculture et de la Colonisa­tion, de la Province de Québec, fit un voyage en Europe, au cours de l'année 1890. On le reçut partout avec empres­sement. Et il savait, du reste, conquérir un auditoire. Un journaliste raconte comment, en particulier, cette séduction... se doubla même d'une vive émotion quand on entendit cet hercule taillé au rabot conclure tout sim­plement : (( Vous me faites, messieurs et dames, bien de l'honneur et vous me témoignez plus de considération que je n'en mérite... Je m'en \ ais écrire ça à maman au Canada, elle en sera bien contente. Elle est vieille, vous savez.

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Alors vous comprenez, il ne faut pas perdre une occasion de lui faire plaisir... »

Lorsque Mgr Labelle, alors à Québec, au mois de janvier 1891, fut prévenu par un de ses médecins qu’il n’avait que quelques jours à vivre, il répondit : « Je le sais, et je m’y attendais. Le bon Dieu est plus fort que la science. Tout ce que je regrette, c’est de ne pouvoir pas revoir ma chère maman et lui faire mes adieux. » L’abbé Êlie-J. Auclair, Le Curé Labelle.

246. — Respect de parents.

C’était le premier janvier 1842. L’honorable Augustin- Norbert Morin, alors juge au tribunal de Kamouraska, remontait à Québec avec l’intention d’arriver chez lui le jour de l’an. Les mauvais chemins, cependant, l’ayant trop retardé, il s’arrêta à l’église de sa paroisse natale : St-Michel de Bellechasse. C’était un peu avant l’heure de la grand’messe du jour de l’an. M. Morin se met, aussi­tôt descendu de voiture, à chercher son respectable père parmi la foule, à la porte de l’église. Il le trouve bientôt et là, aux yeux de toute la paroisse, M. le juge Morin ôte sa coiffure, se met à genoux sur la neige et implore la béné­diction paternelle. A. Béchard, L ’hon. A.-N. Morin.

247. — Bons parents.

« La bonne éducation, écrit Mère M. de l’Incarna­tion, que j’avais eue de mes parents, qui étaient bons chré­tiens et fort pieux, avait fait un bon fonds dans mon âme pour toutes les choses du christianisme, et pour les bonnes mœurs ; et, lorsque j ’y fais réflexion, je bénis Dieu des grâces qu’il lui a plu de me faire en ce point, d’autant que c’est une grande disposition pour la vertu, et pour

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être vraiment disposée à la vocation d'une haute piété, que de tomber en des mains qui fassent prendre un bon pli dès les plus tendres années. » Dom Claude Martin, La vie de la Vénérable Mère Marie de V Incarnation. . .

248. — Obéissance aux parents.

La mère du' futur juge Sir Joseph Dubuc tenait à garder son monde autour d'elle. Un soir, un de ses grands garçons, âgé de dix-neuf à vingt ans, venait d'atteler. Il se présente à sa mère. <( Où vas-tu comme ça ? » inter- roge-t-elle, — « Je vais veiller. » — « Non, pas ce soir, va dételer )). E t le fils moitié souriant, moitié penaud : « Mon Dieu, maman, comme vous êtes mauvaise ! )> Mais en même temps il la prend dans ses bras et il l'em­brasse avec effusion. Edouard Lecompte, s. j., Sir Joseph Dubuc.

249. — Prier pour ses parents après leur mort

Pierre Boucher, seigneur et défricheur, père de 15 enfants, écrit à 95 ans, ses dernières volontés, ce testa­ment que, pendant un siècle, ses descendants lisaient chaque année en famille et à genoux. En voici des ex­traits : « Je donne mon âme à Dieu, mon corps à la terre, et le peu de bien que j'ai à mes pauvres enfants auxquels je recommande de prier Dieu pour moi, de payer mes dus, de s'aimer entre eux... « Je ne vous laisse pas grand bien, mais le peu que je laisse est très bien acquis. J'ai fait ce que j'ai pu... Je vous laisse bien des honnêtes gens pour amis, et aucun ennemi, que je sache. Obligez tout le monde et ne désobligez personne. Préfé­rez toujours les gens de bien. Lisez le plus que vous

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pourrez de bons livres, relisez-les, tâchez de les posséder. Adieu donc, mes pauvres enfants, pour un peu de temps, car j'espère que nous nous reverrons dans le paradis, pour louer Dieu sans jamais être séparés... »

250. — Obéissance aux autorités légitimes.

Le 27 juin 1796, l'abbé Octave Plessis, futur évêque de Québec, prononça l'oraison funèbre de Mgr Briand, lequel, dit-il, « vit à peine les armes britanniques sur les portes de nos villes, qu'il conçût en un instant que Dieu avait transféré à l'Angleterre le domaine de ce pays ; qu'avec le changement de possesseurs nos devoirs avaient changé d'objet ; que les liens qui nous avaient jusqu'alors unis à la France étaient rompus, que nos capitulations ainsi que le traité de paix de 1763 étaient autant de nœuds qui nous attachaient à son souverain ;... Mgr Briand avait pour maxime qu'il n'y a de vrais chrétiens, de catho­liques sincères, que les sujets soumis à leurs souverains légitimes. Il avait appris de Jésus-Christ qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César, de saint Paul que toute âme doit être soumise aux autorités établies...» Nos Êphêmêrides, Le Devoir.

251. — Devoirs des parents envers leurs enfants.

Le P. Jérôme Lallemant raconte des sauvages de la chrétienté de Sillery : « Ces bonnes gens viennent de fois à autre pendant le jour visiter le saint Sacrement. Us apportent leurs enfants, ils les présentent à Dieu avec des tendresses vraiment amoureuses. Voici la prière de quelques parents : « Toi qui as tout fait, tu sais tout, tu vois bien tout ce qui arrivera. Regarde mon enfant : si

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tu connais qu’il ne veuille pas avoir d’esprit » (c’est-à-dire ne pas bien se conduire, ne pas agir suivant la raison) « quand il sera grand, s’il ne veut pas croire en toi, prends-le avant qu’il t ’offense : tu me l’as prêté, je te le rends ; mais comme tu es tout-puissant, si tu veux lui donner de l’esprit et me le conserver, tu me feras plaisir. » Relation, 1646.

252. — Devoirs des supérieurs.

Nous avons passé cette année dans une grande paix et dans une très bonne intelligence avec nos Français. La sage conduite et la prudence de Monsieur de Cham- plain, Gouverneur de Québec et du fleuve Saint-Laurent, qui nous honore de sa bienveillance, retenant un chacun dans son devoir, a fait que nos paroles et nos prédications aient été bien reçues, et la chapelle qu’il a fait dresser proche du fort à l’honneur de Notre-Dame, a donné une belle commodité aux Français de fréquenter les sacre­ments de l’Église, ce qu’ils ont fait aux bonnes fêtes de l’année, et plusieurs tous les mois, avec une grande satisfaction de ceux qui les ont assistés. Le fort a paru une académie bien réglée, Monsieur de Champlain fai­sant faire lecture à sa table le matin de quelque bon his­torien, et le soir de la vie des Saints ; le soir se fait l’exa­men de conscience en sa chambre et les prières ensuite qui se récitent à genoux. Il fait sonner la salutation angé­lique au commencement, au milieu et à la fin du jour, sui­vant la coutume de l’Église. En un mot nous avons sujet de nous consoler voyant un chef si zélé pour la gloire de Notre-Seigneur et pour le bien de ces Messieurs. Relation, 1634.

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253. — Les supérieurs doivent veiller sur la conduite de leursinférieurs.Le fondateur des grands magasins Paquet, à Québec,

M. Zéphirin Paquet avait en horreur les blasphèmes et les jurons. Tout commis qui s'oubliait sur ce point, en sa pré­sence, recevait immédiatement une verte leçon. Il se tournait vers le coupable d'un air indigné, et lui disait : « Je ne vous reconnais plus ! » On l'a entendu adresser un petit sermon à quelqu'un qui, dans un moment d'im­patience, n'avait pas respecté le saint nom de Dieu. « Mon garçon, j'ai entendu un grand prédicateur qui disait : « On reconnaît un homme à son langage. S'il parle fran­çais, on dit : c'est un Français, s'il parle anglais, on dit c'est un Anglais )). Eh bien ! moi, je dis que celui, qui, com­me vous, parle le langage de l'enfer, c'est un démon ! » Zéphirin Paquet, set Famille, sa vie, son œuvre.

254. — Obéissance aux supérieurs.

En 1844, Mgr Prince, l'évêque auxiliaire de Montréal, fut chargé par Mgr Bourget de former à la vie religieuse, Mère Gamelin et ses compagnes, du nouvel Institut de la Providence. Mère Gamelin écrit pendant sa retraite : « Méditation profonde !... Que voulez-vous, Seigneur, <îe moi ? ...Encore quelque sacrifice ? ...Il m'est venu à la pensée que j'étais encore attachéee à quelque chose. J'ai fait connaître à Mgr Prince qu'il m'en coûterait beau­coup de me séparer d'une chose que j'aimais à baiser et à considérer : les cheveux de mes chers petits enfants, que je vénère comme des reliques. Il a exigé de moi, après vingt-cinq ans, de m'en séparer et de les mettre dans le caveau où je serai enterrée. Ils seront mis dans mon

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cercueil après ma mort... Oh I que ce sacrifice m'a coûté de larmes en présence de mon Dieu !... Il m'a fallu obéir... Ne sachant que faire pour avoir le courage de descendre dans ce caveau, j'ai prié Sœur Sené de venir avec moi... J'ai considéré la place où je serai enterrée ; j'ai recomman­dé à mes petits bien-aimés d'avoir pitié de leur pauvre mère eux qui, du haut du ciel, voient ses misères. » Marie- Claire Daveluy, Dix Fondatrices Canadiennes.

M. l'abbé Fr.-N. Fortier, son directeur pendant cinq ans, au Collège de Lévis, a dit d'Alfred Pampalon : « Je trouve très intéressante la vie d'un élève de douze à dix-huit ans qui fait la plus grande partie de son cours d'études sans mériter un reproche. C'est ce qu'a fait le Père Alfred. Fidèle à la règle, docile, appliqué à l'étude, à la prière : tel a été l'élève que j'ai connu en lui. Non seulement je n'ai pas eu d'observation à lui faire, mais je n'ai pas souvenance qu'on ait fait quelque plainte au sujet de sa conduite. On m'a dit qu'il était mort en saint. Je n'ai pas de peine à le croire. )) Une Fleur Canadienne, R. P. Alfred Pampalon.

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CHAPITRE XXV

LE CINQUIÈME COMMANDEMENT DEDIEU

255. — Homicide point ne seras...

Le 6 mars 1673, le meurtrier Dessessards fut condam­né à la peine capitale dans les termes suivants : « Charles- Alexis, dit Dessessards, convaincu d'avoir tué de guet- apens le nommé Hernie, son camarade de voyage, et d'avoir volé ses hardes et pelleteries, sera conduit sur la place de cette ville (Québec) par l'exécuteur de la haute justice, un lundi, à trois heures après-midi, et là, sur un échafaud, qui y sera dressé à cet effet, y aura les bras et les jambes rompus de quatre coups qu'il recevra vif ; sera ensuite étranglé et jeté sur une roue pour y demeurer jusqu'à sept heures du soir. Son coprs sera porté sur les fourches patibulaires pour y demeurer jusqu'à parfaite consommation. » Élie de Salvail, 366 Anniversaires Canadiens.

256. — Le cinquième commandement défend le scandale.

En 1637, le P. LeJeune écrivait : « Encore bien que je loue et que j'honore grandement nos Français de la Nouvelle-France, je ne nie pas que nous n'ayons des infir-

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mes et des malades. Je sais qu’il y a des âmes sales, qui par leurs paroles brutales scandalisent les Sauvages. Ces barbares me disent assez souvent : Tu dis qu’il ne faut point dérober et les Français nous ont pris telles choses ; tu dis que les ivrognes iraient en enfer dans les feux, un tel sera donc damné, car il est toujours ivre. Il est certain qu’il vaudrait mieux être attaché à une meule de moulin, et être jeté dans la mer, que de scan­daliser ces pauvres infidèles, et quiconque le fait rendra compte du sang de Jésus-Christ, qu’il empêche d’être appliqué à ces pauvres âmes ; mais ces défauts sont de peu de personnes et de gens de néant. )> Relation, 1637.

257. — Il est défendu de se venger.

Les Sauvages ne sont point vindicatifs entre eux, si bien envers leurs ennemis. Je coucherai ici un exemple capable de confondre plusieurs chrétiens. Dans les pres­sures de notre famine, un jeune Sauvage d’un autre quar­tier nous vint voir ; il était aussi affamé que nous. Le jour qu’il vint fut un jour de jeûne pour lui et pour nous car il n’y avait de quoi manger ; le lendemain, nos chas­seurs ayant pris quelques castors, on fit festin, auquel il fut très bien traité ; on lui dit en outre qu’on avait vu les pistes d’un orignal, et qu’on Tirait chasser le lendemain; on l’invita à demeurer, et qu’il en aurait sa part : lui répondit qu’il ne pouvait être davantage ; s’étant donc enquis du lieu où était la bête, il s’en retourna. Nos chas­seurs ayant trouvé et tué le lendemain cet élan, l’enseve­lirent dans la neige, selon leur coutume, pour l’envoyer quérir au jour suivant. Or pendant la nuit mon jeune sauvage cherche si bien, qu’il trouve la bête morte, et en enlève une bonne partie sans dire mot ; le larcin connu

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par nos gens, ils n'entrèrent point en des furies, ne donnè­rent aucune malédiction au voleur ; toute leur colère fut de se gausser de lui, et cependant c'était presque nous ôter la vie, que de nous dérober nos vivres, car nous n'en pouvions recouvrer. A quelque temps de là, ce voleur nous vint voir ; je lui voulus représenter la laideur de son crime, mon hôte m'imposa silence, et ce pauvre homme rejetant son larcin sur les chiens, non seulement fut excusé, mais encore reçu pour demeurer avec nous dans une même cabane. Il s'en alla quérir sa femme... ; et une jeune parente qui demeure avec lui apporta son petit fils, et tous quatre prirent place en notre petit taudis, sans que jamais on leur ait reproché ce larcin, ainsi au contraire on leur a témoigné très bon visage, et les a-t-on traité comme ceux de la maison. Dites à un Sauva­ge, qu'un autre Sauvage a dit pis que pendre de lui, il baissera la tête, et ne dira mot ; s'ils se rencontrent, par après, tous, ils ne feront non plus de semblant de cela, comme si rien n'avait dit, ils se traiteront comme frères ; ils n'ont point de fiel envers leur nation. Relation, 1634.

258. — Scandale.

En 1911, Mgr Ovide Charlébois, récemment consacré, fit sa première visite pastorale au lac Pélican, dans le Keewatin. « Son Excellence fut édifiée de la piété et des bonnes dispositions des Indiens. Mais il se plaint du scan­dale donné par quelques blancs, employés des compagnies de traite, qui, non contents de mal faire, cherchent à entraîner les Indiens à boire Veau de feu , moyen infail­lible de les corrompre. E t le bon Évêque ajoute : « C'est incroyable le mal que font ces blancs corrompus, parmi

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nos sauvages. C'est une vraie peste. « Malheureusement la peste s'est étendue avec le nombre de blancs, et toutes les missions en sont infestées. Au jugement de Dieu, ce ne sera pas un des moindres crimes de la race blanche...» Mgr Charlebois visita ensuite les Indiens de Paki-tawa- gan, dont il écrit : <( Ce sont certainement les meilleurs chrétiens de tout mon vicariat. Ils se distinguent par leurs bonnes mœurs, leur simplicité et leur grande foi. Ils ai­ment le bon Dieu et le servent fidèlement... La raison de la supériorité de ces Sauvages, c'est qu'ils n'ont pas encore été en contact avec les blancs. » Depuis 1911, les blancs ont fait invasion dans le territoire de Paki-tawagan ; et, comme partout, leur contact a produit des souillures. Néanmoins, c'est encore une des meilleures missions du Nord-Ouest. » R. P. Pénard, o.m.i., Mgr Charlebois.

259. — Réparation des fautes contre le cinquième comman­dement de Dieu.

M. de Mésy avait déjà été fort lié avec Mgr de Laval. Malheureusement certaines questions d'amour-propre et d'intérêt, l'intervention de quelques esprits mécontents et intéressés à lui rendre suspects l'évêque et le clergé, changèrent entièrement les bonnes dispositons du nou­veau gouverneur. Non content de s'opposer à toutes les vues de son supérieur ecclésiastique, il lui refusa encore les devoirs de la plus stricte bienséance. Dépassant toutes les limites, son irritation le poussa même à des excès tellement regrettables envers Mgr de Laval, que la popu­lation entière protesta contre M. de Mésy. « E t il fut révoqué. Sur ces entrefaites il tomba gravement malade. Avant sa mort, qui arriva en 1665, il reconnut ses torts et sollicita le pardon de Mgr de Laval. De plus il fit

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afficher par toute la ville l’acte de rétractation de tout ce qu’il avait dit et écrit contre l’évêque et le clergé de la co­lonie. Son testament contenait les mêmes solennelles répa­rations. C’est dans ces sentiments que le gouverneur ex­pira, pressé dans les bras de l’évêque qui l’avait confessé et réconcilié avec Dieu. Mgr Henri Têtu, Les Evêques de Québec.

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CHAPITRE XXVI

260. — Pudeur.

Nous lisons dans la vie de saint Stanislas Kostka, qu'i ne fallait qu'une parole trop libre pour le faire évanouir' tant était délicate la pudeur de ce saint enfant. Cet acci­dent, raconte le Père Cépari, lui arrivait à table, où il se trouvait quelquefois comme forcé d'entendre de mauvais discours. La chose était tellement frappante que son père prenait un soin particulier de détourner par adresse ou par prière tous les entretiens qui pouvaient blesser l'honnêteté.

Nous retrouvons cette virginale pudeur dans Her­mine Frémont dont saint Stanislas était un des patrons de prédilection. Lui arrivait-il quelquefois de rencontrer dans une lecture ou d'entendre dans une conversation un mot qui blessât tant soit peu cette vertu, la pauvre enfant rougissait aussitôt, et, plusieurs fois, fut sur le point de perdre connaissance. Elle ne savait pas encore ce que c'était que la pureté et la virginité, et cependant elle brûlait déjà du désir d'obtenir l'une et l'autre. Un jour, elle écrivit à Mgr Faraud, lui envoyant une petite au­mône, pour obtenir une grâce bien désirée. Cette grâce

LES SIXIEME ET NEUVIÈME COMMAN­DEMENTS DE DIEU

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n’était autre que celle d ’une pureté sans tache. A. Braun, s.j., Une Fleur du Carmel. La Première Carmélite cana­dienne.

261. — Martyr de la chasteté.

Un nommé Liberté fut pris aux Trois-Rivières l’an passé 1661, et fut donné à des maîtres iroquois qui le conservèrent en vie, et même eurent tan t de bonne vo­lonté pour lui, qu’ils lui cherchèrent parti et songèrent à le marier à la façon iroquoise, c'est-à-dire l’engager dans un concubinage perpétuel : lui, qui en avait horreur, refuse d’abord ; on le sollicite, on le flatte, on le presse, on le menace, on le veut contraindre ; il est constant dans son refus, il a recours à Dieu, lui représentant l’extrémité où il est réduit : plus il prie, plus il se sent fortifié dans son bon dessein jusqu’à ce que ses maîtres, lassés de ses rebuts, se résolurent de lui donner tout net le choix de la mort ou d’une femme ; mais ils n’ébranlèrent pas ce cœur géné­reux avec toutes leurs menaces, de sorte qu’ils s’en défirent sous apparence de lui vouloir donner à manger : car à même temps qu’ils lui présentaient un morceau de pain d’un côté, ils lui déchargèrent de l’autre un coup de hache sur la tête, qu’ils couronnèrent ainsi de la gloire des Mar­tyrs de la Chasteté. Relation, 1662.

262. — Ce que défend le sixième commandement.

Sir Joseph Dubuc (1840-1914) fut juge en chef du Manitoba. Sa jeunesse étudiante, à Montréal, fut très laborieuse et pieuse. Cependant on l’amena un soir, à une « veillée de garçons ». C’en fut assez, quand il vit ces jeunes gens gaspiller leur temps, leur santé, l’argent de

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leur famille dans la ripaille, les chansons grivoises, les propos obscènes, et surtout, les bouteilles une fois vides, se diriger en titubant vers les maisons de désordre. On pouvait croire que Dubuc n'y allât jamais. L'un d'eux voulut un jour se renseigner à bonne enseigne : il lui posa brutalement la question. Très courtoisement et avec le plus grand sérieux du monde, Joseph se mit à lui énu­mérer et développer les huit raisons qui motivaient sa con­duite : pas d'argent, pas de temps, peur des maladies honteuses, crainte de la pol;ce, réputation perdue, sou­venir de sa mère, et sur toutes choses l'offense grave de Dieu. Il avait de plus l'ambition chevaleresque de garder son cœur pur pour celle qu'il unirait à sa destinée, et de pouvoir lui dire en toute vérité : « Ce que j'exige de toi, la pureté virginale, je puis te l'offrir également. Je t'ap­porte les prémices de mon amour, de mon cœur, de ma chair. » Il ne déviera pas un seul instant de cette ligne de conduite. P. Édouard Lecompte, s.j., Sir Joseph Dubuc.

263. — Indécence dans le vêtement.

« Ses mouvements de brusquerie (au Frère André), certaines remarques cinglantes sont souvent inspirés par une angélique pureté, un souci constant du salut des âmes. On aime évoquer les traits décochés aux personnes qui se présentent devant lui dans un costume indécent. Une dame lui désigne sa fille, poupée légère, au visage peint : (( C'est une bonne enfant. — C'est votre fille ? A votre place je ne m'en vanterais pas, » note sèchement le frère. Une autre qui se plaint d'être toujours oppressée entend cette verte réflexion : « Ce n'est toujours pas votre collet qui vous gêne. » — « Vous n'avez pas peur de vous empê­trer dans votre robe?» demande-t-il à une visiteuse court

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vêtue. — « Frottez-vous jusqu'à ce que le linge pousse, dit-il à une personne au col largement ouvert et qui se plaint de la faiblesse de ses poumons. » H.-P. Bergeron, c.s.c., Le Frère André, c.s.c.

264. — Moyens de résister aux mauvaises pensées.

Quelques sauvages s'accusaient un jour d'avoir le cœur rempli de malice ; le Père qui les écoutait leur de­manda si cette malice faisait un long séjour dedans leurs âmes ? Non pas, répondent-ils, mais cependant elle ne laisse pas d'y entrer. Mais encore, poursuit le Père, que faites-vous, quand un si mauvais hôte vous vient visiter ? Pour moi, disait l'un, quand je sens que la colère vient échauffer mon cœur, je dis à mon âme : ceux qui prient et qui croyent ne se mettent point en colère, et aussitôt ce feu s'amortit, et quelquefois il s'éteint tout à coup. Je suis plus méchant, disait son compagnon ; car il me vient des pensées de haine, des pensées sales, qui gâtent tout mon cœur. Mais que fais-tu dans ce rencontre dit le Père ? J'ai peur, répondit-il, et je me mets à prier Dieu, et tout cela s'en va. Relation, 1648.

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CHAPITRE XXVH

265. — Le bien d’autrui ne prendras...

Je ne crois pas qu'il y ait nation sous le ciel plus portée au larcin que la Huronne... On dit qu'ils dérobent des pieds aussi bien que des mains. J'en regardais un chez nous qui avait jeté les yeux sur un des outils de la menui­serie de notre frère ; la pensée me venant qu'il s'en pourrait saisir, je le veillai tant que je peux, mais il fut plus adroit à prendre que moi à regarder. Il cache l'outil si dextrement que je ne lui vis faire aucune action. Voyant néanmoins la place vide, je me doutai de ce qui était, j'en donnai avis au Père Brébeuf qui entend assez bien leur langue : il accoste mon homme qui voulut nier le fait au commencement, mais enfin il confesse la dette, rend son larcin en riant, tant il était contrit de son péché. Le Père de Noue en surprit un autre qui enlevait un petit morceau de fer blanc qui servait d'aiguille à un méchant cadran que j'ai tracé, un autre déroba une lettre par la fenêtre de la chambre du Père Massé : prendre et n'être point découvert était une marque d'esprit parmi eux. Relation, 1633.

LES SEPTIÈME ET DIXIÈME COMMAN­DEMENTS DE DIEU

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266. — Honnêteté.

Au printemps de 1803, un gamin de douze ans venait de faire à pied le trajet entre Saint-Eustache et Mont­réal... Il entrait à l'emploi de M. Robertson, importateur considérable... C'était lui qui balayait le magasin, allumait et entretenait les feux, faisait les commissions et se ren­dait généralement utile dans la maison. Son patron ne tarda pas à découvrir chez l'enfant une intelligence extraor­dinaire. Il était laborieux, et il montrait déjà une aptitude merveilleuse pour les affaires. L'éducation de Joseph (c'était le prénom de l'enfant) était presque nulle, ses connaissances étant bornées à l'alphabet. Au lieu de s'amu­ser avec ses compagnons et de contracter des habitudes de dissipation, il donnait à l'étude le temps dont il pouvait disposer, après ses heures de travail. Il fréquentait assi­dûment les écoles du soir.

A l'âge de quinze ans, Joseph... fut nommé commis. En cette qualité, il fit preuve d'un talent et d'un tact extraordinaires comme vendeur. A vingt ans, il devenait comptable de l'établissement. Plus tard, c'était lui qui faisait les achats en Europe. Un jour, la maison Robertson eut des embarras financiers. Les créanciers d'Angleterre et d'Écosse entrèrent en arrangement avec M. Robertson à condition qu'il prît deux associés. Parmi ces associés était Joseph dont le génie mercantile faisait l'admiration de tous les négociants de Montréal. Joseph se rendit en­suite en Angleterre et paya intégralement tous les créan­ciers. Cet acte d'honnêteté valut à Joseph un éclatant témoignage d'estime de la part des fournisseurs de sa maison... Depuis ce jour, le crédit de la maison canadienne n'eut plus de limites et ses affaires grandirent dans des proportions colossales. Joseph mourut en 1847 laissant

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à ses enfants une fortune de $300,000. Conseiller législatif de 1834 à 1838, il avait acquis la seigneurie de Terrebonne en 1842.

Le héros de cette histoire était l'honorable Joseph Masson, père de l’honorable Rodrigue Masson, qui fut ministre, sénateur et lieutenant-gouverneur de la Province de Québec. Hector Berthelot et E.-Z. Massicotte, Le Bon Vieux Temps.

267. — Punition du vol.

En 1673, aux Trois-Rivières, Louis Martin, serrurier, Jean Hardouin, Louis Brice, Nicolas Barabé et Jean Arcouet entrèrent de nuit, avec de fausses clefs, chez Sévérin Arneau et y dérobèrent du vin, de l'eau-de-vie, du poisson et du tabac. Le 6 février jugement fut rendu. Martin, Hardouin et Brice furent condamnés « à être exposés à la porte de l'église paroissiale des Trois-Rivières, un jour de fête ou de dimanche, à l'issue de la graDd'- messe. » Nu-tête, les mains liées, Martin, fournisseur des fausses clefs, porterait, suspendues au cou, des clefs, et des bouteilles avec, sur la poitrine et sur le dos, cette ins­cription : (( voleur de vin, d'eau-de-\ie, d'anguille et bâilleur de fausses clefs ; Hardouin, tête nue, les mains liées, porterait également des bouteilles et l'écriteau le déclarant : « voleur de vin, d'eau-de-\ie et d'anguille )>. Au cou de Brice on pendit seulement des bouteilles. Nos Ephêmérides, Le Devoir.

En 1830, à Montréal, on pendait celui qui avait volé un cheval, une vache ou un mouton. Celui qui commettait un vol domestique dont l'objet valait plus de deux livres sterling montait sur l'échafaud. Ainsi, il y eut « l'exécution

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d'un jeune homme de dix-huit ans, trouvé coupable d'avoir volé à son maître, une montre d'argent de la valeur de $16. y>

Le supplice du fouet se donnait aux criminels qui s'étaient rendus coupables de petits larcins. Ceux qui devaient subir la flagellation étaient attachés par les mains à un poteau planté près du monument Nelson. Parfois, aussi, le condamné était attaché derrière une cha- rette qui parcourait les rues Saint-Paul et Notre-Dame, et la punition était administrée, par fractions, aux princi­paux carrefours. Le fouet n'était pas administré aussi cruellement que dans l'armée anglaise, car il arrivait rarement qu'il y eut effusion de sang. Le fouet était le châtiment des voleurs, des récidivistes... Hector Berthelot et E.-Z. Massicotte, Le Bon Vieux Temps.

268. — Restitution du bien mal acquis.

En 1752, Mgr de Pontbriand eut le bonheur de con­vertir le marquis de LaJonquière, gouverneur de la Nou- velle-France, et de le réconcilier avec Dieu, Ce brillant officier français avait terni sa réputation par une avarice sordide, et on l'accusait de s'être emparé injustement du commerce autour des lacs et de faire tyranniser les mar­chands par son secrétaire, auquel il avait livré le trafic de l'eau-de-vie... L'Êvêque qui lui administra les sacrements de l'Église, exigea qu'il demandât pardon à son entourage des scandales qu'il avait donnés, et se fit autoriser par le malade à publier son repentir dans la chaire de la cathé­drale... Dans des mémoires écrits en 1758, nous lisons : « L'abbé de LaVallinière... a prêché... contre le crime de voler le roi et l'obligation de la restitution. Cette opinion que de voler le roi est licite est dans la tête de tous les Canadiens, depuis que MM. de LaJonquière et Bigot

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sont en place et en donnent l'exemple pour eux et leurs créatures. M. de LaJonquière, au lit de mort, en fit une espèce d'amende honorable devant l'évêque qui lui portait le Saint-Sacrement, et l'évêque monta le lendemain en chaire pour en faire part au public. » Mgr H. Têtu, Les Evêques de Québec.

269. — Réparer les dommages injustement causés.

En 1850, La Fontaine fit adopter un projet de loi pour indemniser les citoyens du Bas-Canada qui mali­cieusement et sans être rebelles avaient subi des pertes pendant la rébellion de 1837. Plus tôt le gouvernement avait indemnisé ceux du Haut-Canada qui avaient souffert des dommages dans les mêmes circonstances.

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CHAPITRE XXVIH

270. — Faux Témoignage ne diras, . .

Mère Marie-Séraphine-du-Divin-Cœur-de-Jésus fut la fondatrice du premier Carmel du Canada. Au terme de sa longue carrière, elle a pu dire : (( Je n'ai pas souvenance d'avoir fait volontairement un mensonge. )) Dans son enfance, avait-elle commis un mauvais coup, cas que sa pétulance rendait fréquent, alors même qu'elle s'atten­dait à une réprimande, si petite qu'elle fût, non seulement elle n'avait pas l'idée de mentir, mais elle ne prenait même pas de détours pour dissimuler ou atténuer sa ma­ladresse. Prenant en main l'objet qu'elle avait brisé ou détérioré, elle allait tout droit à sa mère en lui disant, avec sa rondeur : « Tiens, regarde maman, ce que j'ai encore fait. — Mais, Adéiine, tu ne prends pas garde, répondait Mme Lucas, d'un ton mécontent. — Je t'assure, maman, que je ne l'ai pas fait exprès. — Si, encore tu l'avais fait exprès... il ne manquerait plus que cela. » Sur ce, la fine

HUITIEME COMMANDEMENT DE DIEU

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petite fille sautait au cou de sa mère, l'embrassait câline- ment. La maman était vaincue, elle sourait... C'était ce sourire qu'Adéline convoitait ; dès qu'elle l'avait obtenu, elle s'en allait en chantant. Histoire de la R. M . Marie- Sêraphine-du-Divin-C œvr-de-Jêsus, Fondatrice et Prievre du premier Car met au Canada.

271. — Mensonge.

Quelques jours avant de lancer son appel aux habi­tants du Canada en 1774, le Congrès américain avait adressé à Londres un message contre l'Église catholique qui subsistait surtout dans la province de Québec. Il y disait : <( Nous ne saurions taire notre étonnement de ce qu'un parlement britannique ait pu consentir à établir dans ce pays une religion qui a inondé votre île de sang et a disséminé l'impiété, le fanatisme, la persécution, le meurtre et la rébellion dans toutes les parties du monde. » On avait caché cette déclaration calomnieuse à la popu­lation canadienne. A celle-ci on disait : « Nous connais­sons trop bien la noblesse de sentiments qui distingue votre nation pour supposer que vous fussiez retenus de former des liaisons d'amitié avec nous par les préjugés que la diversité de religion pourrait faire naître. Vous savez que la liberté est d'une nature si excellente qu'elle rend ceux qui s'attachent à elle supérieure à toutes ces petites fai­blesses. Vous avez une preuve bien convaincante de cette vérité dans l'exemple des cantons suises, lesquels, quoique composés d'États catholiques et protestants, ne laissent pas cependant de vivre ensemble en paix et en bonne intel­ligence. )) Ces deux textes avaient été rédigés à cinq jours d'intervalle. Quelle duplicité ! Nos Ephémérides, Le Devoir.

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272. — Châtiment du parjure et autres crimes.

Les juges condamnaient sans pitié les parjures au pilori... Le pilori était alors en permanence à Québec... Il se passait peu de mois dans mon enfance, pendant ma jeunesse même, que la ville de Québec n'offrît le dégra­dant spectacle... d'un malheureux pendu pour grand lar­cin... ; pour parjure ou autre crime odieux. Le carcan ou planche transversale qui couronnait le poteau patibulaire était situé à environ trois à quatre pieds au-dessus de la plate-forme, qui, elle-même, était élevée à environ huit pieds de terre. Le patient avait la tête et les mains assu­jetties dans ce carcan, ce qui lui laissait peu de chances d'éviter les œufs pourris ou les autres projectiles que la canaille lui lançait. Mais si le pilori n'était pas un lieu de délices pendant la belle saison, qu'était-ce lorsque le patient restait exposé pendant une heure sur ce poste élevé et privé de tout exercice par un froid de vingt à vingt-cinq degrés Rhéaumur. Mais ce n'était pas l'affaire des juges, c'était celle du criminel qui n'était pas là pour ses bienfaits... Un shérif... substitua, en l'année 1816, à l'ancien instrument alors en usage, un carcan tournant sur un pivot. Ph.-Aubert de Gaspé, Mémoires.

273. — Calomnies.

Des calomnies circulèrent contre les Pères de Brébeuf et Chaumonot. « La seule vue des Pères, faits et vêtus d'une façon si éloignée de celle des sauvages, leurs démar­ches, leurs gestes, leur manière d'être, semblaient à ces pauvres gens autant de preuves et de confirmations de ce qu'on leur avait dit contre les Robes-Noires. Les bré­viaires et écritoires étaient considérés par eux comme des

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instruments de magie. S'ils se mettaient à prier, c'était justement dans leur idée, exercice de sorciers. On disait qu'allant au ruisseau pour laver leurs plats ils empoison­naient les eaux ; que, par toutes les cabanes où ils pas­saient, les enfants étaient saisis d'une toux violente et crachaient le sang. Bref, il n'y avait malheur présent ni à venir dont ils ne fussent considérés comme la source ; et plusieurs de ceux chez lesquels ils étaient logés n'en dormaient ni jour ni nuit... » Relation, 1641.

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CHAPITRE XXIX

LES COMMANDEMENTS DE L'ÉGLISE

274. — Fêtes d}obligation.

Actuellement il n'y a que six fêtes d'obligation : la Circoncision, r Épiphanie, l'Ascension, la Toussaint, rimmaculée-Conception et Noël. Sous le régime français, on en comptait trente-trois, parmi lesquelles, les fêtes d'apôtres, la Saint-Joseph, la Sainte-Anne, la Saint- François-Xavier, les lundis et mardis de Pâques et de la Pentecôte, etc.

275. — Sanctification des fêtes d'obligation.

Ces jours-là, nos pères assistaient à tous les offices de l'Église, y compris les vêpres, et s'abstenaient de toute œuvre servile. Depuis longtemps la Cour et certains Ca­nadiens, surtout des hommes d'affaires et des négociants, faisaient pression sur les autorités civiles et religieuses, pour que le nombre de fêtes chômées fût réduit. C'est Mgr de Pontbriand qui exécuta la réforme. Par un man­dement, daté du 24 novembre 1744, il renvoyait au di­manche la solennité de dix-neuf des trente-trois fêtes d'obligatipn ; celles, entre autres, de Notre-Dame-des- Victoires, de saint Jean-Baptiste, de saint Laurent, de

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saint Louis et de saint Michel. Bien que ce changement procurât au peuple des campagnes plus de facilités pour les travaux, nos ancêtres très attachés à leurs coutumes religieuses, l'accueillirent fort mal. E t ce n'est que deux ans après, que l'évêque pouvait écrire au ministre : « Les habitants commencent à être tranquilles sur la translation que j'ai faite de plusieurs fêtes au dimanche ». Quand, plus tard, les malheurs de l'époque le permirent, le Saint- Siège fut mis au courant de la réforme opérée et l'approuva.

276. — Les dimanches messe entendras. ..

Les Relations mentionnent un sauvage, du nom de Charles, qui étant au plus fort de la pêche et éloigné de cinq lieues, quitte tout et vient « en courant, crainte de manquer un dimanche à la messe ». Relation, 1642.

277. — Précepte de la confession annuelle.

Mgr Clut, évêque missionnaire dans l'Ouest, était un jour de passage au Carmel de Montréal. Sa Grandeur nous récréa beaucoup en racontant des anecdotes de ses chers sauvages ; mais il nous édifia encore plus en nous dépeignant les souffrances et les privations tant spiri­tuelles que corporelles des missionnaires. Il nous dit qu'il lui était arrivé de passer treize mois sans pouvoir se con­fesser, parce que durant ce temps, il n'avait pu rencontrer un prêtre. Le P. Antoine, qui était présent, reprit vive­ment, d'un ton solennel, et d'un air sérieux : « Monsei­gneur... Monseigneur, mais vous êtes excommunié... Un évêque qui n'observe pas le précepte de la confession annuelle : c'est très grave. » A ce propos, le Prélat et toute l'assistance rirent de bon cœur. Mère Sêraphine-du- Divin-C œur-de-Jêsus. . .

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278. — Confession fréquente.

« L'aversion » que Mgr de Laval « avait des moindres choses qui pouvaient tant soit peu ternir le lustre et la pureté de son âme, » le « portait à se confesser tous les jours, avant de dire la sainte messe. » Mgr Henri Têtu, Les Evêques de Québec.

279. — Communion pascale.

Le héros de Châteauguay, M. de Salaberry... était un fervent catholique et avait élevé sa famille chrétienne­ment. La cloche sonne le dernier tintement de YAgnus Dei ; le père et la mère se lèvent, et les sept enfants les suivent pour participer avec eux à la communion pas­cale... Ce spectacle impressionnait vivement les fidèles réunis dans l'église. Philippe-A. de Gaspé, Mémoires.

280. — Première communion.

En 1922, se mourait à Nev/-York, une femme âgée de 60 ans. Elle avait épousé un protestant dénué de prin­cipes religieux, et, depuis longtemps, elle-même avait pratiquement apostasié le catholicisme, religion de son enfance. Apprenant la grave maladie, ses anciennes maî­tresses du courent Jésus-Marie à Sillery se mettent en prières pour obtenir sa conversion. Une des sœurs de la malade accourt de Québec. Elle prie avec ardeur pour l'autre qui ne prie pas et dont l'heure suprême arrive. (( Puis tout doucement, elle parlait à sa sœur aînée des jours d'autrefois : de l'enfance heureuse, du pensionnat, de la première communion... Au mot de première com­munion, le regard de la malade étincelait, et, d'instinct, il se tournait vers le ciel comme pour chercher quelque

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rayon d'un bonheur disparu. Un matin, comme d'une chose naturelle, la sœur dit : « Veux-tu nous allons réciter le chapelet ? — Oh ! oui, va dans le tiroir de ma commode et apporte le chapelet de ma première communion. » E t le chapelet fut récité en duo fervent... Quelques heures après, il fut question de la visite du prêtre. « Un prêtre ! mais je ne veux pas me confesser. » Enfin la sœur réussit à lui faire accepter une visite en passant. Puis le prêtre revint et ce fut la confessicn. « Oh ! que je suis heureuse, répétait la mourante. Je suis redevenue l'enfant du Ben Dieu. Il me gardait ma place en paradis. Il m'a pardonnée. Il m'aime. Oh ! va chercher le voile de ma première com­munion ; apporte-le-moi. Je veux le mettre demain pour recevoir N.-S. )> L'action de grâces se prolongea cinq jours... Avant de mourir, l'heureuse convertie se tourna vers sa sœur pour lui dire : « Tu poseras sur ma tête le voile de ma première communion, je veux l'emporter dans ma tombe... » D'après la Voix de Jêsus-Marie, juillet 1923.

281. — Devoir pascal.

Il n'y a pas encore bien longtemps qu'un de nos évê­ques (de la Province de Québec) rendant compte au Pape de l'état de son diocèse, pouvait lui dire : « Tous mes diocésains, cette année, ont rempli leur devoir pascal. » Mgr L.-A. Pâquet, Etudes et Appréciations.

282. — Obligations imposées par le cinquième commande­ment de VEglise.

Croirait-on bien qu'il s'est trouvé un de nos Français en Canada qui pour contrecarrer les dissolutions qui se font ailleurs au Carnaval, est venu le mardi gras dernier,

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pieds et tête nus sur la neige et sur la glace, depuis Québec jusques en notre Chapelle, c'est-à-dire une bonne demi- lieue, jeûnant le même jour pour accomplir un vœu qu'il avait fait à Notre-Seigneur, et tout cela sans autres té­moins que Dieu et nos Pères qui le rencontrèrent. Pendant le saint temps de carême, non seulement l'abstinence des viandes défendues et le jeûne s'est gardé, mais tel s'est trouvé qui a fait plus de trente fois la discipline, dévotion bien extraordinaire aux soldats, et aux artisans tels que sont ici la plus part de nos Français.

Un autre a promis d'employer en œuvres pies la dixième partie de tous les profits qu'il pourra faire pen­dant tout le cours de sa vie. Relation, 1634.

283. — Le carême. Jeûne et abstinence. Dispense,

Le carême, tel qu'il était observé par les anciens, était beaucoup plus rigoureux que celui de nos jours. Il n'était pas permis de manger de la viande et des œufs, depuis le Mercredi des Cendres jusqu'au déjeûner de Pâques. Le catholique ne faisait que deux repas par jour, excepté le dimanche où il en faisait trois. Comme il n'y avait pas de communication facile avec Halifax et Port- land, les poissons de mer figuraient rarement sur la table du riche et le pauvre faisait son carême avec la morue et le hareng salés. Un vieillard nous disait ce matya (20 dé­cembre 1884) : « Dans le village où j'ai été élevé, j'ai connu plus d'un cultivateur qui, pendant le carême, se rendaient à la grange tous les matins à quatre heures et demie et battaient du grain jusqu'au moment de son dé­jeûner à onze heures et demi. » Les dispenses se donnaient dans des cas extrêmement rares. L'Église permettait aux hommes de chantier, qui travaillaient à abattre des arbres

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de manger avec leur pain un peu de graisse au lieu de beurre.

Le carême de nos pères était réellement un temps de pénitence et de mortification... A la fin de l'année, ils nes'en portaient pas plus mal... au contraire. Hector Ber- thelot et E.-Z. Massicotte, Le Bon Vieux Temps.

284. — Jours d’abstinence.On trouve dans les registres du Conseil Supérieur, à

la date du premier décembre 1670, un exemple qui prouve le respect que l'on professait alors pour les lois de l'Église. Un nommé Gaboury, de l'Ile d'Orléans, ayant été con­vaincu (( d'avoir mangé de la viande pendant le carême sans en demander la permission à l'Église », fut condamné par le juge Prévost de Tyret « à payer une vache et le profit d'une année d'icelle..., pui^ à être attaché au poteau public trois heures de temps, et ensuite être conduit au devant de la porte de la Chapelle de l'Ile d'Orléans, où étant à genoux, les mains jointes, nu-tête, demander par­don à Dieu, au Roi et à justice..., et à vingt livres d'amende applicable aux œuvres pies de la dite paroisse.

Il en appela au Conseil Supérieur, qui maintint une partie de la sentence, et fit grâce du reste, mais « avec défense de récidiver, à peine de punition corporelle ». {Jugements du Conseil Supérieur). Cité par Mgr Auguste Gosselin, L ’Eglise du Canada.

285. — Abstinence de viande.La vie des premiers missionnaires de la Nouvelle-

France fut remplie de misères. « Nous prenions nos repas, sur une natte de jonc ; écrit le frère Sagard, un billot de bois nous servait de chevet pendant la nuit, et nos man­teaux de couvertures. Nous n'avions pas d'autres ser­

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viettes pour essuyer les mains que les feuilles de blé d'Inde. Nous avions bien quelques couteaux, mais ils ne nous étaient aucunement nécessaires, pendant le repas, n'ayant pas de pain à couper. La viande, d'ailleurs, nous était si rare que nous avons souvent passé des six semaines et des deux mois sans en manger un seul morceau, sinon quelques petites portions de chien, d'ours ou de renard qu'on nous donnait dans les festins... »

286. — Vendredi, chair ne mangeras...

Blanche Elkan, une jeune Juive, s'est convertie au ca­tholicisme, pendant son séjour au couvent de Bellevue, à Québec. De retour dans sa famille, aux États-Unis, elle doit souffrir pour sa foi. « Jamais, lui dit son père, tant que tu vivras sous mon toit, jamais tu ne pourras mettre le pied dans une église catholique. » ...Le vendredi reste le jour pénible entre tous. Par un raffinement de cruauté on ne sert que de la viande et des aliments gras ce jour-là. Mais elle persiste à observer la loi de l'Église. Le père déçu, exaspéré lui annonce un bon matin qu'elle doit manger de la viande le vendredi ou jeûner tout à fait... Blanche... se lève et se retire à sa chambre sans avoir même pris une bouchée de pain... Il est deux heures le lendemain après-midi, quand sa belle-mère après l'avoir accablée de reproches lui fait servir une collation. Une Sœur de la Congrégation de Notre-Dame, Un Lis fleurit., entre les Epines.

Obligée de surveiller les manœuvres de son beau-frère, lorsqu'elle était dans le monde, Marie de l'Incarnation tâchait de leur faire du bien. « Ils avaient coutume de manger de la chair aux jours défendus, lorsqu'ils étaient

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en campagne, y étant induits par les huguenots de la route de Poitou. Je leur fis si bien voir la qualité de cette faute qu'ils s'en corrigèrent tous. L'un d'eux, qui était huguenot, s'en corrigea comme les autres et se fit catholique. »Marie de VIncarnation, par une Religieuse Ursulinede Québec.

287. — La dîme.

En 1663, un édit royal ordonna aux habitants du Canada de donner à leur curé un treizième de leur récolte. Quatre ans plus tard, Mgr de Laval, trouvant cette charge trop onéreuse pour les cultivateurs, la fit réduire au vingt-sixième. Cette seconde ordonnance précisait que la dîme devait être payée en grains et non en gerbes. Les paroissiens prirent l'habitude de ne plus payer la dîme que sur les céréales. En 1705, les curés de Beauport et de l'Ange-Gardien voulurent forcer leurs paroissiens à payer la dîme sur toutes les matières de la récolte. Cependant le conseil supérieur de la Nouvelle-France ne l'entendit pas ainsi. Il ordonna que (( les dîmes seront payées aux curés conformément à l'usage observé jusqu'à présent ; défense aux curés de la demander, et aux habitants de la payer autrement, jusqu'à ce que par Sa Majesté en ait été ordonné ». Ce jugement fut rendu le 1er février 1706. En avril de la même année un groupe de curés s'adressa au Roi pour que la sentence du conseil supérieur fût annulée. Cette démarche n'eut pas le succès attendu et tout resta dans le statu quo. Aujourd'hui le même système prévaut en substance dans les campagnes. E t chaque année, le curé voit arriver ses paroissiens avec les quelques minots d'avoine qu'ils ont prélevés sur leur récolte. Nos EphémérideSj Le Devoir.

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CHAPITRE XXX

LES FINS DERNIÈRES

288. — La mort

Au mois d'octobre 1694, d'Iberville s'empara du fort Nelson, occupé par les Anglais. C'est au cours de cette expédition que fut blessé à mort le jeune frère du com­mandant, de Châteauguay. Il expira en baisant le crucifix, pendant que ses trois frères, d'Iberville, de Sérigny et de Maricourt priaient à ses côtés. Le lendemain, après la récitation des prières liturgiques, on descendit le cercueil dans une fosse creusée dans la terre à demi gelée. Une petite croix noire fut plantée sur le tertre où repose la dépouille du jeune Châteauguay. Élie de Salvail, 866 Anniversaires Canadiens.

289. — Jugement particulier.

« Avec leur esprit d'imitation, les petites sauvagesses, cherchaient à reproduire chaque nouveau geste de leurs chères maîtresses », les Ursulines. « Elles se firent une petite cabane de feuillage et y entrèrent en récollection. Manifestement, elle ne fut pas cette fois de longue durée

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car » ayant demandé congé à la mère Supérieure d'y passé la nuit, (( elle les en détourna leur disant qu'elles auraient peur : ce Nous ne craignons rien, firent-elles, nous porte­rons avec nous l'image de Jésus et de la Sainte Vierge, et le méchant Manitou ne nous pourra aborder. Nous n'avons pas peur des âmes des Trépassés ; car ceux qui meurent s'ils sont bien bons s'en vont au ciel ; s'ils n'ont pas payé et satisfait pour leurs offenses, ils vont en purgatoire ; s'ils sont bien méchants, ils vont en enfer : ils ne sortiront pas de là pour nous venir trouver. » Cette réponse m'éton­na, ajoute la narratrice, il s'en faut de beaucoup que nos petites Françaises soient si présentes à elles (en leurs ré­ponses), quoiqu'on les instruise sans cesse. )> Marie de VIncarnation, par une Religieuse Ursuline de Québec.

290. — Récompense et punition après le jugement.

Le P. André Pierron, s.j., est le premier peintre canadien connu. II débarqua à Québec, le 12 juillet 1663. Mère Marie de l'Incarnation écrit à son fils : <( Comme le Père a divers vices à combattre, il a aussi besoin de diverses armes pour les surmonter. Il s'en trouvait plu­sieurs qui ne voulaient pas écouter la parole de Dieu et qui se bouchaient les oreilles lorsqu'il voidait les instruire. Pour combattre cet obstacle, il s'est avisé d'une invention admirable, c'est de faire des figures pour leur faire voir des yeux ce qu'il leur prêche de paroles. Il instruit de jour et la nuit il fait des tableaux, car il est assez bon peintre. Il en a fait un où l'enfer est représenté tout rempli de démons si terribles tant par leurs figures que par leurs châtiments qu'ils font subir aux sauvages damnés, qu'on ne peut les voir sans frémir. Il y a devant, une vieille iro- quoise qui se bouche les oreilles pour ne point écouter un

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jésuite qui la veut instruire. Elle est environnée de diables qui lui versent du feu dans les oreilles... Il a aussi fait le tableau du Paradis, où les anges sont représentés, qui emportent dans le ciel les âmes de ceux qui meurent après avoir reçu le saint baptême. Enfin, il fait ce qu’il veut par le moyen de ces peintures. Tous les Iroquois de cette mission en sont si touchés qu’ils ne parlent dans leurs conseils que de ces matières et ils se donnent bien garde de se boucher les oreilles quand on les instruit. Ils écoutent le Père avec une avidité extraordinaire. » Êlie de Salvail, Ibidem.

291. — U enfer.

Un sauvage, se brûlant un jour à dessein, fut averti par un de ses amis de se retirer de la flamme. Non, non, dit-il, c’est ainsi que j ’apprends qu’il fait mauvais d’offen­ser Dieu, si on n’est résolu de brûler dans un feu dont jamais on ne pourra se retirer, et dont ceci n’est rien qu’une ombre. Relation, 1644.

292. — Ames du purgatoire.

Mère Catherine de St-Augustin, des Hospitalières de Québec écrit : « Le 15 juin 166&, environ une heure après minuit, j’entendis marcher près de mon lit, et une voix qui se plaignait et qui marquait qu’elle souffrait une grande douleur. J ’eus un peu de frayeur du commence­ment ; mais ayant élevé l’esprit à Dieu et demandé son assistance, je me sentis toute fortifiée et entièrement exempte de peur... Cette voix, en continuant ses plaintes, me pria avec beaucoup d’instance de soulager une douleur extrême, qui lui restait au dos ; je conçus que c’était une

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âme du Purgatoire ; mais il me vint une doute sur ces paroles, si le diable ne la contrefaisait point. Mais les plaintes redoublèrent et on me conjura plus fortement qu'auparavant, de soulager cette douleur. Alors sans hé­siter davantage, je dis : « Mon Dieu, s'il est vrai que ce soit là une âme du Purgatoire, voici mon corps ; si vous le jugez capable de pouvoir porter une partie de la peine de cette âme, je vous l'abandonne de tout mon cœur, pour tout ce qu'il vous plaira. Au même moment je me sentis frappée comme d'un tison au milieu du dos et la douleur fut si aiguë et se répandit si promptement que je pensais être couchée sur un brasier. La douleur me dura fortement deux jours. )) Cité dans le Messager canadien du Sacré-Cœur, juin 1943.

293. — Af esses pour les âmes du purgatoire.

Mgr Charles-Êdouard Fabre, archevêque de Mont­réal, avait déployé un grand zèle pour amplifier l'usage chrétien de faire célébrer des messes plutôt que de donner des fleurs à l'occasion de la mort des parents et des amis. Dans ses dernières volontés, il avait refusé tout tribut floral pendant l'exposition de son corps. Lorsqu'il mourut les visiteurs déposaient au pied du lit funèbre des hono­raires de messes. Le nombre des messes s'éleva à près de deux mille. Belle récompense des efforts de l'archevêque en faveur des offrandes de messes si utiles aux âmes du purgatoire.

294. — Résurrection des corps.

Une bonne chrétienne, de la tribu des Hurons, ayant un jour assisté au sermon qui s'était fait de la résurrection, ne peut contenir en son cœur la joie dont elle était remplie.

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C'est cela, s'écria-t-elle à toute l'assistance, qui fait que nous croyons ; c'est dans cette espérance, que nous souffrons en patience les médisances et les injures : on nous menace de la mort, on dit qu'il faut massacrer les chrétiens ; qu'ils nous tuent s'ils en ont l'assurance, un jour je ressusciterai dans ce corps qu'ils auront assommé. Relation, 1642.

295. — Résurrection glorieuse des corps des justes.

Baptisée en 1639, une sauvagesse, nommée Christine, depuis le moment de sa conversion... avait été toujours montant dans la pratique des vertus les plus hautes qui soient au christianisme, mais surtout dans un amour des souffrances et afflictions de cette vie, qui, disait-elle, lui semblaient pleines de douceur, depuis qu'elle avait su que ce corps affligé devait enfin ressusciter pour jouir d'une gloire qui n'aurait point de fin. Elle reçut les Sacrements avec des sentiments de piété remplis d'amour ; entre autres elle sentait une affection très tendre envers la Sainte Vierge... Lorsqu'elle était proche de l'agonie, ayant déjà perdu l'usage et le sentiment de la vue, tlle s'écria tout d'un coup comme étonnée et ravie dans l'admiration ; « 0 mon fils, ne vois-tu pas cette rare beauté de cette grande Dame éclatante en lumière qui est ici à mon côté ?... N'entends-tu pas ces paroles d'amour ? Oh ! qu'elle me parle bien mieux que nos frères les Français... Cette bonne femme parlait à un de ses enfants excellent chrétien... « Ma mère, vous rê\ ez, lui dit ce jeune homme, je ne vois rien, et vous comment pourriez-vcus voir ce que vous dites ayant déjà les yeux fermés ? — Non, non, mon fils, réplique cette mère, je ne me trompe aucunement, ni ne veux te tromper. Regarde l'autre côté ces jeunes

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Français qui l'accompagnent, les plus beaux que j'aie jamais vus, que leurs habits sont riches ! Mais plutôt prête l'oreille à ce que dit cette Dame, ô qu'il fait beau la voir ! )) Là-dessus, elle incline à la mort... Son autre fils ayant entendu raconté cela, disait aux Pères qu'il croyait pbur lui que ces jeunes Français d'une beauté si rare étaient des anges du ciel qui tenaient compagnie à la très Sainte Vierge, pour qui sa mère avait eu des dévotions si tendres. Relation, 1644.

296. — Les corps des réprouvés seront condamnés aux peineseternelles de Venfer.

Cette vérité toucha vivement deux Hurons nouveaux chrétiens, lorsqu'ils n'étaient encore que catéchumènes... : Sans la foi et sans l'observation des commandements de Dieu, ils se devaient résoudre à brûler éternellement dans les brasiers d'un feu véritable, celui que nous voyons de nos yeux, n'en étant que la peinture. A jamais, disaient- ils, brûler à jamais ! Si nous ne pouvons tenir le bout du doigt dans un petit feu qui n'est que peinture, qui n'a ni force ni vigueur, ni durée, à comparaison de ces flammes dévorantes et éternelles, que ferons-nous si nos crimes nous y jettent ? L'un d'iceux étant à Québec, la veille du grand saint Joseph, patron de la Nouvelle-France, comme on faisait des feux de réjouissance en son honneur, il fut si épouvanté..., qu'il s'enfuit soudain cherchant un abri contre ces flammes... Cette peur lui fit du bien, et lui en fait encore quand il y pense : Si un petit feu-follet qui disparaît en un instant, m'a tant épouvanté, quelle sera l'horreur de ces brasiers de l'enfer, qui ne s'éteindront jamais ! Brûler éternellement ! c'est, disait-il, un long terme, c’est ce qui m'étonne. Relation, 1642.

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En 1883, Mgr Bourget avait effectué son dernier dé­placement pour assister la châtelaine de Terrebonne — la mère de Rodrigue Masson, qui serait bientôt nommé lieu­tenant-gouverneur de la Province de Québec. Elle a tte i­gnit doucement, en grande dame, dans son manoir. Le vieil évêque disait à sa vieille amie : (( Votre maison est splendide, Madame, mais vous habiterez désormais une maison bien plus belle encore. # Robert Rumilly, Histoire de la Province de Québec.

En la méditation du Paradis, le bon Joseph Chihoua- tenhoua ne voulut point s’arrêter à considérer tout ce qu’on peut figurer de beau dans le ciel. Mon Dieu, dit-il, je ne veux pas juger des biens que vous réservez après cette vie à ceux qui vous servent, car je n’ai point d’esprit. C’est assez que vous ayez dit qu’on y serait à tout jamais content, vous en savez mieux les moyens que tous les hommes ne le peuvent comprendre. Si je me représentais le Paradis comme un lieu où il y a de belles cabanes, de belles robes de castor, des cerfs et des ours à manger, je ne vous ferais pas plus riche que les hommes : il n’y a rien de tout cela, mais il y a bien plus que tout cela, puis­que les hommes et toutes leurs richesses ne sont rien à l’égal des vôtres. On me raconte mille raretés et beautés de la France, que je ne puis comprendre, je le crois toute­fois. Pourquoi ne serais-je pas assuré des contentements ineffables qu’il y a dans le ciel, quoiqu’ils surpassent mes pensées : c’est assez que vous ayez dit qu’on y sera à tout jamais content. Relation^ 1640,

297. — Le ciel.

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298. — Pensée et désir du ciel.

Un jeune homme chrétien qui, l'an passé, se voyant poursuivi d'une bande iroquoise... nous racontait qu'au milieu de ses craintes, il fut sur le point d'appeler les enne­mis, songeant qu'après la mort il serait heureux dans le ciel. « Mon Dieu, disait-il, dans le fond de son cœur, c'est vous qui me cachez ici, l'ennemi est à vingt pas de moi : si vous n'aidiez à me couvrir, serais-je ici en sûreté ? Disposez de ma vie selon qu'il vous plaira. Si je savais vos volontés, je me présenterais moi-même, et leur dirais qu'ils me brûlassent, et alors je vous offrirais mes tour­ments. Je ne vous demande, mon Dieu, rien que le ciel, où je puisse à jamais vous voir comme vous me voyez maintenant. )) Ce jeune homme est venu bien souvent de dix et douze lieues pour entendre la messe ; et comme c'était en un temps dangereux pour la crainte des enne­mis, et que nous lui disions qu'il avait tort de s'exposer à ce péril sans bonne compagnie : « Eh quoi, nous disait-il, Dieu n'est-il pas avec moi ? Si je suis tué en chemin, pourrais-je mieux mourir ? N'irais-je pas droit dans le ciel ? Puis-je craindre la mort, quoique je marche au milieu des périls, m'entretenant dans ces pensées ? » Relation, 1644.

299. — Ceux qui vont au ciel.

On dirait qu'il (le frère André de l'Oratoire) voit le ciel quand il le décrit, tant son visage est inondé de joie, affirment ses amis intimes, qui l'entendent fréquemment causer de ce sujet. Surtout pendant ses dernières années, le paradis devient le thème inépuisable de ses conversa­tions. Il peut passer des heures à décrire les beautés du

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ciel, parce que son cœur y est déjà. A maintes reprises, il affirme : « Rien qu'un voile nous sépare du bon Dieu. » Ce voile, il a hâte de le déchirer : cc Vous savez, dit-il, ce n'est pas défendu de désirer la mort pour aller voir le bon Dieu. » Une personne qui l'entend dépeindre les beautés du paradis, lui fait observer : <( Tout de même, nous avons toujours peur de mourir. — Quand on a mené une bonne vie, on ne doit pas craindre la mort, c'est la porte du ciel. — C'est si loin, le ciel. — Il y a si peu de distance entre le ciel et la terre que Dieu nous entend toujours. »H.-P. Bergeron, c.s.c., Le Frère André, c.s.ic.

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CHAPITRE XXXI

LES EXERCICES DE LA VIE CHRÉTIENNE

300. — Articles d’un programme de vie chrétienne.

Gérard Raymond, collégien d’élite, mourut à Québec en 1932, à l'âge de vingt ans. Voici quelques articles de son programme de mortifications, tracé en 1929, et quelques- unes des résolutions de sa retraite de 1930. Il ne négligea rien pour être fidèle à ces décisions.

Chaque matin : oraison mentale d'un quart d'heure, messe et communion. Chaque midi, chemin de croix. Chaque soir, examen de conscience et pensée sur la mort. Rosaire, à l'église ou en chemin ou à l'école. Visite au Saint-Sacrement, chaque fois que je passerai devant une église, si les circonstances le permettent. Etc...

Manger toujours moins de ce que je préfère et plus de ce qui me répugne. Me jeter à bas du lit dès le réveil. Au lit, me coucher sur le dos, bien droit, non pas en(( rond de chat ».

Mettre une planche dans mon lit. Durant la classe ne pas regarder dehors. Ne pas me lever durant mes études pour aller écouter la conversation, etc.

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301. — Messe quotidienne.

M. Louis-Joseph-Amédée Derome assistait à la messe tous les matins, caché derrière une colonne de notre cha­pelle, et sa tenue, sa modestie, son recueillement, on nous l’a souvent répété, affermissaient ceux qui le voyaient dans leur propre piété. Abbé Êlie-J. Auclair, Courte no­tice... de Louis-J oseph-Amêdêe Derome.

302. — Vêtement modeste.

La femme dénée (nom d’une tribu sauvage de la région polaire), modèle de modestie, trouverait honteuse­ment sauvages certaines modes de la dernière civilisation. R. P. Duchaussois, Aux Glaces Polaires.

303. — VAide aux pauvres.

Mgr Bourget, évêque de Montréal, accueillait bien les pauvres. Un jour, « une pauvre veuve lui demande des secours, assurant qu’elle n’a pas de bois pour la nuit. « Eh bien ! ma bonne dame, attendez-moi », dit l’évêque et il se rend dans les remises de l’évêché et coupe ce qu’il faut de bois pour que la mère et les enfants ne s’enrhu­ment pas près d’un foyer éteint. )) F. Langevin, s.j., Mgr Ignace Bourget.

304. — Comment souffrir.

M. Colin, supérieur provincial de S.-Sulpice rappelle, dans l’oraison funèbre de Mgr Bourget, que (( la maladie elle-même, si fréquente dans cet organisme épuisé par le travail, ne pouvait l’emporter sur cette volonté souve­raine, qui trouvait dans les souvenirs de la Passion de

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Jésus-Christ le secret de se jouer avec la douleur. E t quand l'accablement physique de la souffrance l'obligeait à subir les secours de l'art, rien n'était plus édifiant que sa pa­tience ; il ne savait ni se plaindre, ni murmurer, et ne tenait qu'à témoigner de sa docile soumission à ce qui devenait pour lui le signe extérieur de la sainte volonté de Dieu. » F. Langevin, s.j., Mgr Ignace Bourget

305. — Prier dans les tentations.

Un Français captif chez les Iroquois se laissant aller au mauvais exemple, était tout près de s'abandonner au vice, et d'embrasser la vie de Sau\ âge, ayant déjà lié partie avec quelques Iroquois pour les accompagner en guerre : il est vrai que Dieu le retenait toujours comme par la main, disons plutôt par un doigt, qui, lui ayant été coupé au commencement de sa prise, ne se guérissait point, quoiqu'on y eût appliqué tous les remèdes ordinaires ; le Père arrivant, remédia à sa plus grande maladie, lui conseillant quelques dévotions envers la Sainte Vierge, qui eurent si bon effet, qu'en peu de jours il fut délivré de sa tentation, et guéri du mal qu'il avait en la main depuis plus de six mois. Relation, 1662.

306. — Divertissements.

Un jour que ses camarades étant entrés dans un cabaret pour y faire bonne chère, comme il (saint Charles Garnier) était de la Congrégation de Notre-Dame, qui défend aux jeunes gens d'entrer dans de semblables lieux, il les attendait à la porte comme un laquais attendrait son maître. Relation, 1650.

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307. — Offices paroissiaux du dimanche.

Dans toute bonne famille canadienne on se fait un devoir d’aller à la grand'messe, le dimanche et les jours de fête. Les froids et les tempêtes de l'hiver, pas plus que les averses des saisons pluvieuses n'arrêtaient la famille Dubuc. Joseph (le futur juge en chef du Manitoba) assis­tait de plus aux vêpres. Il y tenait. Pour faciliter la chose, il ne retournait pas à la maison, le midi. Il dînait par cœur, et passait le temps entre la messe et les vêpres à jouer avec des petits amis et à faire quelques chemins de Croix. Quand il fut assez fort pour dompter de jeunes chevaux, il en prenait un, le maîtrisait, se rendait d'un trait à la messe, revenait au galop et retournait de même à vêpres. Êdouard Lecompte, s.j., Sir Joseph Dubuc.

308. — Confession et communion fréquente.

L'Association de la Sainte-Famille fut fondée en 1663. Au chapitre des pratiques recommandées aux dames qui en font partie, on lit : (( Elles se confesseront tous les quinze jours et bonnes fêtes de l'année... et communieront aux mêmes jours ou plus souvent sur l'avis de leur con­fesseur. »

En 1678, Mgr de Laval érigeait la confrérie de Sainte- Anne « composée tant de maîtres menuisiers que d'autres personnes d'honneur », et parmi les obligations des asso­ciés il y a celles de se confesser et de communier « le jour de leur réception et une fois chaque mois. » Un article du règlement du Petit Séminaire de Québec, règlement qui date de 1683 ou environ, porte ceci : « Les enfants se confesseront tous, tous les samedis ou veilles de fêtes qu'ils

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communieront. Ils communieront ordinairement tous les quinze jours et toutes les grandes fêtes de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge et des Apôtres. Le Directeur pourra néanmoins l'accorder plus souvent à ceux qu'il jugera digne... » D'après l'abbé Gosselin, X X I e Congrès eucha­ristique international — Montréal.

309. — Retraite annuelle.

Le gouverneur de Frontenac, ne manquait pas de défauts, mais « il paraissait avoir un grand fond de reli­gion, écrit Charlevoix, et il en donna constamment jusqu’à sa mort des marques publiques ». «U allait trois ou quatre fois par année chez les Récollets se recueillir un peu dans la solitude et même faire tous les ans une retraite de huit à dix jours. » Mgr Auguste Gosselin, U Eglise du Canada...

310. — Comment se comporter dans la maladie.

En 1635, le vingt-cinquième décembre, jour de la naissance du notre Sauveur en terre, Monsieur de Cham- plain, notre gouverneur, prit une nouvelle naissance au ciel ; du moins nous pouvons dire que sa mort a été rem­plie de bénédictions. Je crois que Dieu lui a fait cette faveur en considération des biens qu'il a procurés à la Nouvelle-France, où nous espérons qu'un jour Dieu sera aimé et servi de nos Français, et connu et adoré de nos Sauvages. Il est vrai qu'il avait vécu dans une grande justice et équité, dans une fidélité parfaite envers son Roi et envers Messieurs de la Compagnie ; mais à la mort il perfectionna ses vertus, avec des sentiments de piété si grands, qu'il nous étonna tous. Que ses yeux jetèrent de larmes ! que ses affections pour le service de Dieu s'échauf­fèrent ! quel amour n'avait-il pour les familles d'ici !...

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Il ne fut pas surpris dans les comptes qu’il devait rendre à Dieu : il avait préparé de longue main une confession générale de toute sa vie, qu’il fit avec une grande douleur au Père Lallemant, qu’il honorait de son amitié ; le Père le secourut en toute sa maladie, qui fut de deux mois et demi, ne l’abandonnant point jusqu’à la mort. Rélation} 1636.

Le deux août 1944, le révérend Père Paul Cornellier, après une courte maladie, rendait sa belle âme à Dieu. U était âgé de trente-neuf ans. Oblat de Marie-Immaculée depuis mil neuf cent vingt-cinq et prêtre depuis treize ans. Le Père Benoît, qui avait passé au chevet du malade des heures nombreuses, se fit un devoir de lui annoncer l’ap­proche de la mort. Celui-ci n’en parut ni surpris ni attristé. On lui parla de la bonté de Celui qu’il avait si fidèlement servi et dont il avait étendu l’empire. On lui montra la récompense réservée à ceux qui ont tout quitté pour suivre le Maître. La pensée du ciel captiva son âme ; il semblait heureux. Il promit de ne pas oublier et d’aider ses confrères du Basutoland.

Apercevant près de lui le médecin (un non-catholique) qui lui avait prodigué avec un dévouement admirable tous les soins de son art, il arrêta sur lui un regard affec­tueux et reconnaissant. (( Docteur, dit-il, je vous remercie beaucoup de tout ce que vous avez fait pour moi. Au ciel, je prierai pour vous. »

Le médecin sembla étonné de ce que l’on eût averti le malade du danger imminent où il se trouvait. Celui-ci s’en aperçut et lui dit : « Docteur, ne craignez rien ! Je suis content et heureux ! Nous, missionnaires catholi­ques, nous ne vivons que pour l’incomparable bonheur de bien mourir. Toute notre vie nous nous y préparons.

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C'est pour nous le plus beau jour ! )) E t fermant les yeux il ajouta avec calme : « Que la sainte volonté de Dieu soit faite sur la terre comme au ciel ! ))

Ému jusqu'aux larmes et i icapable de prononcer une parole, le médecin se pencha et baisa le front du mourant. Celui-ci lui serra les mains et les porta à ses lèvres. Repro­duit dans La Semaine Religieuse de Montréal.

311.— Que faire en cas de maladie grave t

Louis Hébert, le premier colon canadien, mourut, à Québec, le 25 janvier 1627. Il supporta sa dernière maladie en véritable chrétien. Les Récollets le visitèrent. Son con­fesseur, le Père Joseph LeCaron, lui apporta le Saint- Viatique et lui administra l'Extrême-Onction. Ces devoirs accomplis, il fit venir sa femme et ses enfants près de lui et il partagea en parts égales tous les biens qu'il avait plu à la Providence de lui donner. Il voulut encore que les fiefs du Sault-au-Matelot et Lespinay fussent divisés en deux parts égales entre son fils Guillaume et Marie- Guillemette, sa fille. Il attendit ensuite la mort avec calme. Sur le soir de cette journée fatale, en présence de tous les Français et de plusieurs sauvages, il dicta à sa femme et à ses enfants des recommandations qui arra­chèrent des larmes à tous les auditeurs. (( Puis, continue Sagard, levant la main, il leur donna à tous sa bénédiction, et rendit son âme entre les bras de son Créateur.. » Abbé Couillard-Després, Louis Hébert et sa famille.

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TABLE DES MATIÈRES

Rien qu'un m ot......................................................... 7Le premier catéchisme canadien.............................. 8

I. La fin de l'homme.................................. 9II. Les perfections de Dieu — La sainte

Trinité................................................. 15III. La création — Les anges — Nos pre­

miers parents...................................... 21IV. Les espèces de péché.............................. 26V. L'Incarnation......................................... 38

VI. La Rédemption...................................... 45VIL La grâce — Les vertus théologales. . . . 51

VIII. L'Église................................................... 56IX. Les sacrements—‘Lebaptême............. 66X. La confirmation — Le Saint-Esprit... 76

XI. La pénitence........................................... 84XII. La Sainte Eucharistie — Présence réelle 103

XIII. La Communion...................................... 110XIV. La Messe................................................ 116XV. L'extrême-onction.................................. 123

XVI. L'ordre..,................................................ 128XVII. Le mariage............................................. 132

XVIII. Les sacramentaux.................................. 137XIX. La prière................................................ 143XX. Le Pater Noster — L'Ave Maria 148

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XXL Les commandements de Dieu — Lepremier commandement de Dieu 156

XXII. Le deuxième commandement de Dieu. 170XXIII. Le troisième commandement de Dieu. 176XXIV. Le quatrième commandement de Dieu. 179XXV. Le cinquième commandement de Dieu. 187

XXVI. Les sixième et neuvième commande­ments de Dieu.................................... 192

XXVII. Les septième et dixième commande­ments de Dieu.................................... 196

XXVIII. Le huitième commandement de D ieu.. 201XXIX. Les commandements de l'Église 205XXX. Les fins dernières.................................... 213

XXXI. Les exercices de la vie chrétienne 222

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