Le changement d’attitude Les enjeux sociologiques

Les enjeux sociologiqueset psychosociologiques

Séminaire IAURIF 12 octobre 2007

Erwan Lecoeur. (sociologue consultant)

Le changement d’attitudeface à la crise climatique

Plan général Plan général

1. L’état de l’opinion et la place des individus

2. Les étapes du changement d’attitude

3. Les effets de l’angoisse

4. Le changement d’attitude et l’équilibre cognitif

5. Les voies d’un changement « vertueux »

6. La nécessité de groupes de référence

7. Conclusion et Quelques pistes

1. L’état de l’opinion1. L’état de l’opinion

Les ruptures du risque climatique : changement de civilisation - finitude historique et responsabilité individuelle (environ 50% des émissions)

Une mutation de civilisation (relecture du “progrès”) - qui nécessite une nouvelle vision du monde partagée (manque de concepts, de paradigme)

La prise de conscience de l’effet de la théorie du chaos…sur la planète et sur le pays (fin de l’immunité)

Le rapport aux catastrophes qui s’approchent (effet d’accumulation analogique/médiadique)

1. La place des individus1. La place des individus

des individus de plus en plus informés sur les causes, moins sur les enjeux, et les liens de causalité réels

des individus pas concernés par des engagements chiffrés (Kyoto) - la “re-régulation” passerait surtout par le sommet (États, grandes entreprises…)

Tiraillés entre mauvaise conscience (pour mauvais traitement à la planète) et bonne conscience, parfois au rabais (effet “clic pour la terre”…)

L’individu-citoyen est entraîné dans un cycle de “libéralisation-privatisation” ; qui le pose en consommateur / client (paradoxe de la croissance vs. bien-être)

2. Les étapes du changement d’attitude :opinions et comportements


Les 3 formes de l’influence sociale :

• Autorité

• conformisme

• innovation



OPINIONSidées et représentations sur des sujets précisou des thèmes généraux (écologie, santé, etc.)

COMPORTEMENTSensemble d'actions, de réactions dans des situations

qui touchent parfois à l'intime, dans le réel (tri, voiture, etc.)

ATTITUDESstyle de comportement, assez stable, voire permanent, chez un individu

construit à partir d'un certain nombre d'opinions et / ou de représentations (influencées socialement)Cette disposition peut évoluer, par apport de nouvelles opinions, mais aussi de comportements nouveaux



• Attitudes, comportements et opinions

• Les attitudes sont la résultante complexe des opinions (individuelles et collectives) et des comportements (individuels, volontaires ou forcés) ;

• Pour autant, l’attitude d’un individu n’est pas la résultante de ses opinions en accord avec ses comportements : nous avons de nombreux comportements en dépi / en deçà / en contradiction de nos opinions…



• Une question de contexte (social)

• La source de la pression au changement individuel et collectif est déterminante : pression majoritaire / et-ou / minoritaire (famille, amis, etc.)

• Le poids des habitudes, des normes contre le changement : réel ou de façade ?

• Le type d’insertion sociale : changer dans un groupe, dans une société, ou changer seul…

• changement d’opinion ou de comportement ?

3. Les effets de la peur, de l’angoisse sur le changement d’attitude :


Mis dans une situation d’angoisse, l’individu (isolé) cherche à se référer à un modèle (apprentissage social) disponible : conformisme

• Qui peut être moteur de prise de conscience ;

• Mais annihile la prise de responsabilité individuelle (suivisme du groupe référent)

• et ne permet pas la conviction (opinion en accord réel avec comportement “conforme”)



• Entraîne des comportements de fuite (évitement) face à la réalité :

Déni, en agitant les désaccords scientifiques sur l’ampleur du phénomène ou la prise en compte des intérêts divergents (et avis), pour refuser le sujet L’amnésie (oubli) de cette question globale pour replonger dans le quotidien Le repli sur soi, l’attitude « profitons tant qu’il est temps » La “tentation de la ruine” (Freud, O. y Gasset…)



• S’accompagne de replis identitaires :

Replis nationalistes face à la mondialisation et à la perte de repères traditionnels ; Religieux et culturels ; (tentations communautaires)Repli sur la sphère privée (familiale, voire clanique) : Repli sur les intérêts immédiats (financiers) ; Privatisation des espaces (villes, quartiers) et sécurisation d’aires de vie privilégiées (pour riches)

• – au détriment de l’intérêt général et des enjeux globaux.



La crise climatique (écologique) est aussi une crise politique et démocratique :C’est l’enjeu démocratique de la question… (cf. P. Radanne)

• Pour décider des priorités de façon collective (et acceptation individuelle) ;

• Pour imposer les changements nécessaires par des lois et des normes ;

• Pour assurer que les ressources ne seront pas accaparées par quelques uns (sauve-qui-peut) ;

• Ce qui sera rare, sera cher… (scénario Mad Max)

4. Le changement d’attitude :une théorie de l’équilibre cognitif


Les moteurs du changement :

o La dissonance cognitive (opinions / comportements) et les effets de sa réduction (vers la consonance)

o L’innovation sociale : l’influence des “minorités actives” sur le changement d’attitude (S. Moscovici, 1979)

o L’importance du conflit / norme “majoritaire”, pour l’innovation, le changement d’attitude

o Conformité ou conversion (public/privé)



Sur le plan individuel, plusieurs aspects doivent permettre de reconstruire une « consonance » à la fois personnelle (cognitive) entre opinion et comportement,mais aussi vis-à-vis d’un groupe de référence (majoritaire ou en passe de le devenir, en termes d’influence) :

• Cela passe par la modification de la “norme” (opinion sur le souhaitable)

• Et par la “normalisation” de comportements positifs (renforcement par le comportement)

5. Les voies d’un changement « vertueux » sur le changement climatique


la prise en charge par les acteurs principaux :

• Responsables publics (politiques, ONG)

• Les entreprise (et la publicité « responsable »)

• Le secteur associatif

• Les médias ont un rôle primordial, parce qu’ils sont ceux qui écrivent le récit de l’histoire du temps présent, ils font l’agenda et sont le lieu où se jouent les conflits, les enjeux… (cf. “société médiatique”)

5. Les voies d’un changement « vertueux »sur le changement climatique


L’engagement individuel : en perspective par rapport à une simultanéité d’engagements.

• L’équité des passages à l’action garantit la « normalisation » des comportements nouveaux (reconnus et valorisés socialement)

• il s’agit de créer de nouvelles “normes” d’appréciation de la citoyenneté en fonction du caractère polluant / non polluant des activités individuelles et collectives. (action sur les opinions et valeurs)



Pouvoir bénéficier d’une explication “personnalisée” des enjeux :

• Comprendre le processus au niveau global

• Pouvoir en évaluer le rythme, la rapidité

• Pouvoir évaluer sa propre émission de gaz à effet de serre, pour l’intégrer à cette compréhension du processus global et ses effets (macro et micro)



Émissions de CO2 d’un ménage français moyen :17 tonnes / an ou 4,6 teqC / an

(Source : ADEME / Pierre R



Il va nous falloir apprendre à visualiser la portée de

nos actes quotidiens.

(Source : Pierre Radanne)

1 tonne équivalent carbone, c’est soit :• 1 an de chauffage au gaz pour un 3 pièces,

• 840 kg de viande de bœuf,

• 310 kg de mangues transportées depuis l’Afrique du Sud,

• 1,8 tonnes de papier,

• 14.000 km en Twingo en Ville,

• 8.500 km en 4x4 en Ville,

• 1 aller-retour Paris – New York en avion,

• 160 aller-retour Paris-Londres en train,

• 20 aller-retour Paris-Londres en avion.



Avoir des solutions et une méthode pour agir :• Les solutions techniques (vulgarisation scientifique)

• Les solutions en termes d’organisation (au local, au

régional, conférences de méthode.. Cf. K. Lewin)

• Les solutions comportementales (les bons gestes, au quotidien ; les pratiques et usages valorisés / valorisants)

• Et surtout, les pratiquer et les accepter comme des comportements adaptés à soi ;

le “renforcement” se fera alors sur base de l’expérience positive !

6. La nécessité de groupes de référence intermédiaires


Nécessité de construire les groupes de référence, supports sociaux et agents propagateurs (minorités actives) qui seront à la fois vecteurs :

De l’idée du changement (idéologie et valeurs)

De la nécessité de ce changement (pédagogie)

De la possibilité du changement (par l’exemple concret, par des “victoires”, des réussites)

Du caractère irréversible du changement au niveau global (calendrier et étapes)



Créer des groupes qui peuvent :

• poser des conflits (non violents) et le cadre du débat

• qui pourront être déclinés sous forme politique (programmes, actions, clivages)

• Donner des exemples de réalisation et un soutien social (normes, valeurs nouvelles, règles…)

• et permettre de penser le changement collectivement (but supra-ordonné : objectif commun, qui ne peut être atteint qu’en

commun).



Des groupes pour faire l’histoire du changement

il faut aussi que ces groupes soient capables d’écrire la chronique du changement, de la populariser pour en faire une “mythologie” (histoire collective) dans laquelle vient s’inscrire chaque histoire individuelle.

Le changement d’attitude individuel ne se conçoit pas sans une vision partagée de l’avenir, dans lequel ce changement peut s’opérer pour chacun-e.

Il s’agit aussi de créer les lieux où s’écrivent (médias) les “récits de vie réussis” des acteurs du changement.

ConclusionConclusion

Il s’agit, au plan individuelde comprendre le processus globalpour pouvoir trouver les façons d’agir à son niveau,

en modifiant ses habitudes

Et de pouvoir justifier (opinion)son action (comportement)

pour soi-même (consonance cognitive) vis-à-vis des autres

(estime de soi + reconnaissance sociale)

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ConclusionConclusion

Modifier son comportement doit être source de plaisiret de “confortement” social

le changement d’attitude n’est pas une souffrance, mais une “chance’ (une mise en cohérence / consonance)…

Stratégiquement, il faut renverser la “charge de la preuve” et donner une légitimité (de principe)

aux comportements « responsables »la morale des conséquences vs. morale des principes appliquée à la question du risque d’une activité

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En épilogue - Quelques pistes :En épilogue - Quelques pistes :

1. Un apprentissage plus généralisé des mécanismes de base du réchauffement climatique et des techniques disponibles (énergie, transports, etc.)

2. Établir un calendrier des actions à mener ; pour une collectivité, pour des individus (plan d’action avec étapes)

3. Donner des exemples visibles et reproductiblesd’actions bénéfiques pour l’économie, l’emploi, la

qualité de vie (sortir du paradoxe consommateur/pollueur/profiteur)

En épilogue - Quelques pistes (suite) : En épilogue - Quelques pistes (suite) :

4. Permettre à chacun d’avoir une vision des actionspossibles au niveau individuel et local : “vade mecum”

5. Poser la “communauté de référence” dans laquellechaque individu peut se retrouver, à laquelle se référer

6. Construire le “but supra-ordonné” de ce groupeauquel chaque personne peut se sentir appartenir ;

En épilogue - Quelques pistes (suite et fin) : En épilogue - Quelques pistes (suite et fin) :

7. Poser les lieux de conflit, les épreuves à surmonter en termes de difficulté ; et aussi les “adversaires” àconvaincre, ou à éviter (in-group vs. out-group)

8. Prévoir des gratifications, des rituels de passagedans la mise en œuvre : financières ou sociales (effet de reconnaissance sociale, pour soi et les autres)

9. construire une “histoire”, une projection de soi-même positive dans ce cadre : un récit de vie réussie par temps de crise.

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Erwan Lecoeur. (sociologue consultant)[email protected]

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