Upload
simona-alice-onea
View
383
Download
6
Embed Size (px)
Citation preview
Le concept Sohier
M. Gross, M. Haye, R. Sohier
La kinésithérapie analytique vise à restaurer le rythme biomécanique fondamental des chaînesarticulaires. À cet effet, l’articulation doit être observée sous son aspect structural, neuromoteur,neurovégétatif et biomécanique. La mise en évidence d’un état pathomécanique permettra de mettre enplace une manœuvre correctrice pour laquelle la douceur, la précision et le confort articulaireprévaudront.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Concept Sohier ; Rythme biomécanique fondamental ; Articulation
Plan
¶ Introduction 1
¶ Concept des différentes composantes de l’articulation 1Le structural 1Le neurovégétatif 2Le neuromoteur 2Le biomécanique 2Atteintes primitives de chaque composante et leurs répercussions 2
¶ Notion d’unité biologique mécanogène 2Concept de cybernétique articulaire 2Rythme biomécanique fondamental 2États pathomécaniques 2Mise en évidence d’un état pathomécanique 3
¶ Principe de correction selon le concept Sohier 3Positionnement articulaire 3Sens de la correction articulaire 3Intensité de la correction 3Complément de traitement pour prévenir la récidive 3
¶ Conclusion 4
■ Introduction« On nomme concept une idée ou représentation de l’esprit
qui abrège et résume une multiplicité d’objets empiriques oumentaux par abstraction et généralisation de traits communsidentifiables. Le processus est similaire à ce qu’on nomme eninformatique une compression (éventuellement avec pertes) » [1].
Le concept Sohier, appelé communément « kinésithérapieanalytique », regroupe des examens cliniques et des techniquesspécifiques de traitement requérant un haut degré de dextéritémanuelle et un sens développé de l’observation cliniquepolyfactorielle.
Le champ d’application concerne la prévention et le traite-ment des affections ostéoarticulaires et périarticulaires d’originefonctionnelle, microtraumatique ou traumatique du type :• pathologie dégénérative ou dystrophique (arthrose, algoneu-
rodystrophie...) ;• pathologie inflammatoire d’origine mécanique (tendinite,
ténosynovite, périarthrite, ostéochondrite...) ;
• pathologie orthopédique (scoliose, hypercyphose dorsale,varus ou valgus du genou...) ;
• pathologie traumatique articulaire ou périarticulaire (luxation,fracture articulaire, rupture tendineuse...).
■ Concept des différentescomposantes de l’articulation
Chaque articulation intègre les quatre composantes fonda-mentales suivantes (Fig. 1) :• le structural ;• le neurovégétatif ;• le neuromoteur ;• le biomécanique.
Le structuralCe sont tous les éléments osseux, articulaires, périarticulaires,
musculaires, cutanés, etc. qui constituent l’articulation.
Structural
Neurovégétatif Neuromoteur
Biomécanique
Figure 1. Les quatre aspects fondamentaux de l’articulation.
“ Point fort
La biomécanique est le jugement des tissus par rapportaux forces qui s’y exercent.
¶ 26-090-A-10
1Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
La qualité de ces tissus varie selon l’âge et l’héritage génétiquede chaque individu. Mais les forces que la fonction de cettearticulation va engendrer vont également façonner toutes lesstructures.
Le neurovégétatifC’est l’ensemble des facteurs dépendant des systèmes para-
sympathiques et sympathiques et qui, par ce biais, assurent latrophicité des structures ainsi que la vasodilatation ou lavasoconstriction. La réactivité neurovégétative est dépendantede chaque individu.
Le neuromoteurIl s’agit de tous les éléments qui permettent la mobilisation
ou la stabilisation du système articulaire. C’est à la fois l’effec-teur que constituent les muscles, le système de commandevolontaire et automatique, ainsi que le système de contrôle parrétroaction constitués par le système nerveux central etpériphérique.
L’apprentissage, l’automation ou la fatigue sont des exemplesde facteurs pouvant influencer cette composante.
Le biomécaniqueContrairement à la définition « classique » qui présente la
biomécanique comme l’application des lois de la physique à lamécanique du vivant, il s’agit ici du jugement des tissus parrapport aux forces qui s’y exercent. La fonction ne va pas créer,mais façonner l’organe. Ainsi, en ce qui concerne l’architecturedes travées osseuses, celles-ci s’orientent en fonction des forcesde traction ou de compression en présence [2].
Atteintes primitives de chaque composanteet leurs répercussions (Fig. 2)
Chaque composante articulaire peut subir une affectionprimitive qui va, à son tour, affecter les autres composantes.
Ainsi, une affection structurale initiale, comme par exempleune fracture ou une entorse, sera accompagnée très rapidementd’une réaction inflammatoire (neurovégétatif) induisant uneinhibition musculaire (neuromoteur) qui se répercutera par unealtération du geste (biomécanique).
Il en est de même pour les conséquences d’une paralysie(neuromoteur), qui entraînera une perturbation gestuelle(biomécanique) qui, à terme, entraînera également une atteintedu tissu articulaire (structural) et des effets inflammatoires(neurovégétatif). Par exemple, l’infirme moteur d’originecérébrale qui développe une coxarthrose suite à la dysplasie dueà la spasticité des adducteurs.
L’atteinte primitive sur le plan biomécanique trouve sonorigine dans un surmenage articulaire par excès de contraintess’exerçant tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Lestructural s’en verra modifié, adapté, tout comme les aspectsneurovégétatifs et neuromoteurs.
■ Notion d’unité biologiquemécanogène (Fig. 3)
Concept de cybernétique articulaire
La cybernétique, les systèmes d’autorégulation sont chargésd’assurer les prérequis au fonctionnement correct du complexearticulaire :• il existe un système d’alternance d’appui qui permet aux
surfaces articulaires d’échapper à la constance d’appui. Cefacteur pathomécanogène, perturbe les échanges tissulaires auniveau du cartilage et contribue au processus arthrosique [3] ;
• les différents centres instantanés de rotation (CIR) d’unearticulation sont assurés par un contrôle de concentricitédynamique. Ce dernier assure la coordination, la synchroni-sation, des contractions musculaires nécessaires au bondéroulé des roulements et glissements articulaires.Les structures s’adaptent aux forces en présence (forme,
densité et volume) pour leur permettre d’assurer au mieux leurfonction.
Des mécanorécepteurs sont chargés du contrôle de la qualitédu fonctionnement articulaire. Si celui-ci est pathomécanique,nociceptif, une contracture antalgique de verrouillage del’articulation se mettra en place. La conséquence en sera unealtération, voire une perte du rythme d’alternance et ducontrôle de la concentricité dynamique.
Dans ce cas, traiter en première intention une contracturen’est pas plus efficace que de traiter par des antalgiques unerage de dents. C’est la cause qu’il conviendra de traiter et nonla conséquence.
Rythme biomécanique fondamental [4]
C’est cette alternance cyclique d’appui et de perte d’appui quicorrespond au rythme biomécanique fondamental (RBF). Ainsi,chaque articulation, chaque structure passe par des phases deverrouillage, de mise en tension (= phase rigidifiante) et par desphases de relâchement, de réduction des contraintes (= phasedérigidifiante). La nutrition du tissu cartilagineux est assurée parce système d’alternance.
États pathomécaniquesLe fonctionnement incohérent d’une articulation (contraintes
trop intenses ou prolongées), une contracture d’origine diverse,une mauvaise coordination (due à une fatigue par exemple) outout simplement la fragilisation des structures suite à l’âgepeuvent entraîner des états où l’homéostasie mécanogène del’unité biologique se trouve rompue.
Les conséquences en sont les états pathomécaniques sui-vants :• le coincement du contenu de l’interligne (exemple des
structures méniscoïdes au niveau des articulaires cervicales) ;• la constance d’appui et la constance de perte d’appui qui
fragilisent le cartilage par phénomène de malnutrition quifavorise l’usure cartilagineuse ;
• l’immobilisation, capitale pour assurer une consolidationosseuse, catastrophique pour les échanges tissulaires auniveau de cartilage ;
• les dyscongruences des surfaces articulaires ;• les hyperpressions intra-articulaires ;• les dysharmonies de répartition des pressions qui favorisent
par exemple une hanche pénétrante ou expulsive [2, 5] ;
Structural Biomécanique
Neurovégétatif Neuromoteur
Figure 2. Les interactions entre les différentes composantes d’unearticulation.
“ Point fort
Chaque articulation constitue une « unité biologiquemécanogène » qui assure le trophisme de ses propresstructures.
26-090-A-10 ¶ Le concept Sohier
2 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
• les perturbations de tension périarticulaire que peuvent parexemple constituer les contractures.
Mise en évidence d’un étatpathomécanique (Fig. 4)
Chaque articulation présente en fin d’amplitude trois typesde fin de course :• arrêt élastique souple de type freinage musculaire ;• arrêt élastique ferme de type freinage des structures capsulo-
ligamentaires ;• arrêt mécanique dur de type osseux.
Un arrêt qui d’emblée se présente de type osseux, sans passerpar les deux autres temps, met évidence un état pathoméca-nique ayant pour origine soit un décentrage articulaire, soit unepathologie de coincement du contenu de l’interligne.
■ Principe de correction selonle concept Sohier
La correction des états pathomécaniques se fait selon les troisexigences suivantes :• un positionnement articulaire précis ;
• un sens de correction réfléchi après un diagnostic kinésithé-rapique analysant l’ensemble des intercorrélations et leurseffets sur le rythme biologique fondamental ;
• une intensité de correction minime, mais efficace.Ces trois prérequis semblent en définitive assez simples, mais
c’est sur ce point que le gestuel expérimenté fera la différenceavec le néophyte.
Positionnement articulaireLa réussite du geste correctif de recentrage articulaire
demande un positionnement précis afin d’éviter tout ver-rouillage soit d’origine mécanique, soit par contracture muscu-laire. À cet effet, une position indolore et en rapprochement desinsertions musculaires est choisie.
Sens de la correction articulaireLe mouvement de correction est tangentiel aux surfaces
articulaires pour les recentrages. En cas de coincement ducontenu de l’interligne, ce mouvement cherche le bâillementdes surfaces articulaires, dans les limites physiologiques etindolentes.
Intensité de la correctionC’est ici que se trouve toute l’originalité de la technique de
correction. Contrairement à des techniques manipulatives où lethérapeute cherche à être plus rapide que les réactions dedéfense du sujet, il s’agit dans ce cas d’appliquer une forcetellement légère et progressive que tout déclenchement proprio-ceptif ou nociceptif de réactions de défense est évité.
Complément de traitement pour prévenirla récidive
Afin de prévenir la récidive, le thérapeute doit veiller à ce quetous les facteurs assurant le rythme biologique mécanogène
Contraintes prolongées
Intégrale force × tempsPathomécanique
Contraintes intenses
Stimulationsdynamiquesperturbées
Si forces incohérentes
Verrouillage articulaireContractures Unité biologique
mécanogène
Alternance
Adaptation
Contrôle
Affections mécanogénes :– musculotendineuses– ligamentaires– osseuses– intra-articulaires
Recepteurs articulaires=
feedbackSi forces cohérentes
Si nociception
Si fonctionnementbiomécanique
Homéostasie mécanogène
Figure 3. Schématisation du fonctionnement de l’unité biologique mécanogène.
Poussée
Musculaire
Capsulo-ligamentaire
Osseux
Figure 4. Les différents types d’arrêt de fin de course articulaire. Uneapparition d’emblée d’arrêt de type mécanique osseux indique un étatpathomécanique.
Le concept Sohier ¶ 26-090-A-10
3Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
soient présents. Et selon le cas, il utilisera des techniques demassokinésithérapie allant, entre autres, de l’assouplissement aurenforcement musculaire sans oublier le travail proprioceptif.Les conseils d’hygiène de vie permettront également de rendrele patient acteur de sa récupération et du maintien de sesacquis.
■ ConclusionCe rapide aperçu du concept ne peut être complété qu’à la
lecture et l’intégration de l’ensemble des écrits sur le sujet quis’intéressent soit au concept [6-8], soit aux articulationsvertébrales [8-13], soit aux articulations périphériques [2, 8, 14, 15].
Certains s’écrieront que c’est de l’ostéopathie. Il s’agit ici dethérapie manuelle avec « un cerveau au bout des doigts ». Etseule la pratique répétée de l’observation clinique, du dia-gnostic de kinésithérapie analytique et des gestes correctifspourront faire progresser le praticien de kinésithérapieanalytique.
■ Références[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/concept.[2] Sohier R. Kinésithérapie de la hanche. La Louvière: Kiné-sciences;
1974.[3] Petitdant B, Gouilly P. L’arthrose : pour en savoir plus. Kinésithér Rev
2007(n°66):24-7.[4] Sohier R. Le rythme biomécanique fondamental justifie la kinésithéra-
pie analytique. Kinésithér Sci 2004(n°444):37-40.[5] Pauwels F. Biomechanics of the normal and diseased hip: theoretical
foundation, technique and results of treatment. Berlin: Springer-Verlag;1998.
[6] Sohier R, Sohier J. Concept Sohier : justification fondamentale dela réharmonisation biomécanique des lésions dites « ostéopathiques ».La Louvière: Kiné-sciences; 2000.
[7] Sohier R. Biologie mécanogène, cinq cent notions fondamentales debiomécanique humaine. La Louvière: Kiné-sciences; 1996.
[8] Sohier R, Haye M. Deux marches pour la machine humaine.La Louvière: Kiné-sciences; 1989.
[9] Sohier R. Kinésithérapie analytique de la colonne vertébrale (T.1).La Louvière: Kiné-sciences; 1960.
[10] Sohier R. Kinésithérapie Analytique de la colonne vertébrale (T.2).La Louvière: Kiné-sciences; 1960.
[11] Sohier R, Heureux P. La kinésithérapie du rachis scoliotique.La Louvière: Kiné-sciences; 1978.
[12] Sohier R. Kinésithérapie analytique de la lombalgie. La Louvière:Kiné-sciences; 1999.
[13] Sohier R. La dynamique du vivant, du rachis et des sacro iliaques.La Louvière: Kiné-sciences; 1995.
[14] Sohier R. Kinésithérapie de l’épaule. La Louvière: Kiné-sciences;1959-1985.
[15] Sohier R. Kinésithérapie analytique de la gonarthrose. La Louvière:Kiné-sciences; 2001.
M. Gross, Cadre supérieur de santé, kinésithérapeute ([email protected]).Pôle de MPR-Rhumatologie, Centre hospitalier de Mulhouse, BP 1370, 68070 Mulhouse cedex, France.
M. Haye, Kinésithérapeute, chargé de cours.42, boulevard Paul-Janson, 6000 Charleroi, Belgique.
R. Sohier, Kinésithérapeute.40, rue Warocqué, 7100 La Louviere, Belgique.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gross M., Haye M., Sohier R. Le concept Sohier. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-090-A-10, 2008.
“ Point fort
Il s’agit d’appliquer une force tellement légère etprogressive que tout déclenchement proprioceptif ounociceptif de réactions de défense est évité.
Disponibles sur www.emc-consulte.com
Arbresdécisionnels
Iconographiessupplémentaires
Vidéos /Animations
Documentslégaux
Informationau patient
Informationssupplémentaires
Auto-évaluations
.
26-090-A-10 ¶ Le concept Sohier
4 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation