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31 pratique thérapeutique thérapeutique Actualités pharmaceutiques n° 474 Mai 2008 Le conseil ophtalmologique à l’officine © BSIP/Jacopin L a conjonctive est une muqueuse recouvrant la face profonde des paupières (conjonctive palpébrale) et la face antérieure de la sclérotique ou “blanc de l’œil” (conjonctive bulbaire). Ces deux parties se réunissent aux culs- de-sac supérieur et inférieur. La conjonctive est mince, transparente et richement vascularisée. Elle joue un rôle de protection, renferme des glandes lacrymales annexes et permet le mou- vement du globe oculaire. Son inflam- mation, appelée conjonctivite, peut être due à une grande variété d’agressions : bactériennes, virales, allergiques et mécaniques. Le tableau clinique comporte une forte rougeur conjonctivale, diffuse ou bilaté- rale, des sécrétions muqueuses, muco- purulentes ou purulentes plus ou moins importantes, parfois un œdème des pau- pières, une gène oculaire avec sensation de grains de sable et picotements, sans réelle douleur. Les conjonctivites peuvent avoir plusieurs origines : infectieuses (bactériennes ou virales), mycosiques, allergiques ou irritatives. Elles peu- vent être différenciées, notamment selon la nature des écoulements observés. S’il y a douleur ou vision anormale, le patient doit être au plus vite orienté vers un ophtalmologiste. Il sera alors également important de s’assurer de l’absence d’un corps étranger qui pourrait provoquer un tableau clinique similaire. Les conjonctivites bactériennes Les conjonctivites bactériennes consti- tuent les réactions inflammatoires de la muqueuse conjonctivale aux agressions bactériennes. Elles représentent le tiers des conjonctivites et sont rarement graves dans les pays industrialisés. Le tableau clinique Le tableau clinique comporte une rougeur diffuse de l’œil, souvent bilatérale, des sécrétions abondantes, du pus à l’angle interne de l’œil, des cils agglutinés et des paupières collées au réveil. La fonction visuelle n’est pas altérée. Tout au plus, peut-il survenir une sensation de “voile” due à la présence des sécrétions. Les conjonctivites touchent aussi bien les adultes que les enfants. Les conjonctivites majeures de l’enfant, avec rougeur intense et diffuse, œdème des paupières, sécré- tions purulentes abondantes et larmoie- Le pharmacien d’officine est souvent sollicité pour un conseil ophtalmologique. Ainsi, avec l’arrivée des beaux jours, propices aux activités extérieures, les conjonctivites risquent d’être de plus en plus fréquentes. Mais l’œil étant un organe fragile, plus que dans n’importe quelle autre pathologie, une bonne analyse de la situation s’impose avant tout conseil. Ne pas confondre conjonctivite et hémorragie sous-conjonctivale L’hémorragie sous-conjonctivale provient de la rupture d’un capillaire provoquant un épanchement de sang plus ou moins important sous la conjonctive ; il n’y a ni déformation de la pupille ni sécrétion. C’est une affection banale, sans gravité, indolore et qui ne provoque aucune baisse d’acuité visuelle. Ce phénomène peut survenir à tout âge, le plus souvent de façon spontanée mais quelquefois après un effort physique, un épisode de toux, d’éternuements ou de mouchage. L’hémorragie sous-conjonctivale peut toucher également les patients traités par des anticoagulants (aspirine notamment). Il faut donc, en premier lieu, rassurer le patient, puis lui conseiller un lavage ophtalmique (solutions de lavages oculaires type Dacryum ® , Optrex ® , Dacudoses ® ...) suivi de l’instillation d’un collyre vasculo- protecteur, comme Vitarutine ® , à raison d’une goutte 3 à 6 fois par jour jusqu’à disparition complète de l’hémorragie. L’évolution est généralement favorable en 7 à 10 jours Les conjonctivites touchent aussi bien les adultes que les enfants. © BSIP/Pulse Pict. Library

Le conseil ophtalmologique à l’officine

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La conjonctive est une muqueuse recouvrant la face profonde des paupières (conjonctive palpébrale)

et la face antérieure de la sclérotique ou “blanc de l’œil” (conjonctive bulbaire). Ces deux parties se réunissent aux culs-de-sac supérieur et inférieur.La conjonctive est mince, transparente et richement vascularisée. Elle joue un rôle de protection, renferme des glandes lacrymales annexes et permet le mou-vement du globe oculaire. Son inflam-

mation, appelée conjonctivite, peut être due à une grande variété d’agressions : bactériennes, virales, al lergiques et mécaniques.• Le tableau clinique comporte une forte rougeur conjonctivale, diffuse ou bilaté-rale, des sécrétions muqueuses, muco-purulentes ou purulentes plus ou moins importantes, parfois un œdème des pau-pières, une gène oculaire avec sensation de grains de sable et picotements, sans réelle douleur.

• Les conjonctivites peuvent avoir plusieurs origines : infectieuses (bactériennes ou virales), mycosiques, allergiques ou irritatives. Elles peu-vent être différenciées, notamment se lon la nature des écoulements observés.• S’il y a douleur ou vision anormale, le patient doit être au plus vite orienté vers un ophtalmologiste. Il sera alors également important de s’assurer de

l’absence d’un corps étranger qui pourrait provoquer un tableau clinique similaire.

Les conjonctivites bactériennesLes conjonctivites bactériennes consti-tuent les réactions inflammatoires de la muqueuse conjonctivale aux agressions bactériennes. Elles représentent le tiers des conjonctivites et sont rarement graves dans les pays industrialisés.

Le tableau cliniqueLe tableau clinique comporte une rougeur diffuse de l’œil, souvent bilatérale, des sécrétions abondantes, du pus à l’angle interne de l’œil, des cils agglutinés et des paupières collées au réveil. La fonction visuelle n’est pas altérée. Tout au plus, peut-il survenir une sensation de “voile” due à la présence des sécrétions.Les conjonctivites touchent aussi bien les adultes que les enfants. Les conjonctivites majeures de l’enfant, avec rougeur intense et diffuse, œdème des paupières, sécré-tions purulentes abondantes et larmoie-

Le pharmacien d’officine est souvent sollicité pour un conseil

ophtalmologique. Ainsi, avec l’arrivée des beaux jours, propices aux

activités extérieures, les conjonctivites risquent d’être de plus en plus

fréquentes. Mais l’œil étant un organe fragile, plus que dans n’importe

quelle autre pathologie, une bonne analyse de la situation s’impose avant

tout conseil.

Ne pas confondre conjonctivite et hémorragie sous-conjonctivaleL’hémorragie sous-conjonctivale provient de la rupture d’un capillaire provoquant un épanchement

de sang plus ou moins important sous la conjonctive ; il n’y a ni déformation de la pupille ni sécrétion.

C’est une affection banale, sans gravité, indolore et qui ne provoque aucune baisse d’acuité visuelle.

Ce phénomène peut survenir à tout âge, le plus souvent de façon spontanée mais quelquefois après un

effort physique, un épisode de toux, d’éternuements ou de mouchage. L’hémorragie sous-conjonctivale

peut toucher également les patients traités par des anticoagulants (aspirine notamment).

Il faut donc, en premier lieu, rassurer le patient, puis lui conseiller un lavage ophtalmique (solutions

de lavages oculaires type Dacryum®, Optrex®, Dacudoses®...) suivi de l’instillation d’un collyre vasculo-

protecteur, comme Vitarutine®, à raison d’une goutte 3 à 6 fois par jour jusqu’à disparition complète

de l’hémorragie. L’évolution est généralement favorable en 7 à 10 jours

Les conjonctivites touchent aussi bien les adultes que les enfants.•

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ment intense, ou bien les conjonctivites du nouveau-né, en raison d’une obstruction des voies lacrymales ou contemporaines d’affections nasales ou naso-pharyngées, impliquent systématiquement une consul-tation médicale.

Les germes responsablesLes germes responsables sont le plus sou-vent les bactéries Gram positif (staphyloco-ques dorés, streptocoques, pneumocoques) mais il peut aussi s’agir de germes Gram négatif comme les entérobactéries, le Pseu-domonas ou les Haemophilus.

Le conseil officinalÀ l’officine, il est important de bien différen-cier les blépharoconjonctivites (paupières rouges et œdématiées, squames ou sécré-tions sur leur bord libre), des conjonctivi-tes virales et bactériennes (bien qu’elles ne soient pas toujours faciles à distinguer) et des kératites amibiennes, notamment chez les porteurs de lentilles dont l’hygiène est défectueuse. Par ailleurs, en cas de conjonctivites fran-chement purulentes, récidivantes ou bien touchant le nouveau-né, une consultation chez un ophtalmologiste s’impose.La prise en charge à l’officine repose tout d’abord sur le rappel de l’importance d’une hygiène locale rigoureuse. Il faut toujours commencer par conseiller un lavage ocu-laire qui prépare l’œil à recevoir le collyre et évite que ce dernier ne dilue les impure-tés accumulées pendant une conjonctivite bactérienne.• Les solutions de lavage ophtalmique (Dacryum®, Dacryoserum®, Sophtal®, Optrex®...) peuvent être utilisées en jet continu ou bien avec des compresses imbibées (et non du coton qui pourrait laisser des filaments), 3 fois par jour pen-dant 10 jours, 15 minutes avant l’applica-tion des collyres.• Un traitement local antiseptique à base de cétylpyridinium ou d’hexamidine (Desomedine®...), 1 goutte 3 à 4 fois par jour pendant 7 à 10 jours, peut être conseillé quand les symptômes sont débutants ou peu marqués.• Un traitement antibiotique local à large spectre peut être prescrit lorsque les sécré-tions purulentes sont plus importantes et

les symptômes plus marqués : collyres le jour et/ou pommades antibiotiques le soir (néomycine, framycétine, polymyxine B, Atebemyxine®, Polyfra®) appartenant doré-navant à la liste I.• Par ai l leurs, i l est possible de conseiller des traitements homéopa-thiques : au stade inflammatoire des conjonctivites, Belladonna 5 CH, Ipéca 5 CH, Apis mellifica 5 CH ; au stade de sécrétions mucopurulentes, Euphrasia 5 CH ; au stade de sécrétions purulentes, Argentum nitricum 5 CH. La posologie est de 5 granules 3 fois par jour pendant 7 jours. Ces traitements peuvent être pris en alternance.Les symptômes d’une conjonctivite bacté-rienne doivent régresser progressivement en une dizaine de jours maximum, mais si les signes persistent au-delà du 3e jour, une consultation ophtalmologique est nécessaire.

Les conjonctivites viralesLes conjonctivites virales constituent les réactions inflammatoires de la muqueuse conjonctivale aux agressions virales. Elles représentent environ 15 % de l’ensemble des conjonctivites et sont fréquentes du fait de leur grande contagiosité.

Le tableau cliniqueLe tableau clinique comporte un œil rouge, de façon uni- ou bilatérale, un larmoiement clair, séreux et ne collant pas les paupières (ceci permet d’ailleurs de différencier les conjonctivites virales des conjonctivites bactériennes). Il est également noté une conjonctive gonflée, parfois un œdème des paupières et un petit ganglion pré-tragien (en avant du pavillon de l’oreille) dans certaines étio-logies. Les formes les plus communes sont la kérato-conjonctivite épidémique (irritante, très contagieuse, mais béni-gne) et la fièvre pharyngo-conjonctivale qui associe température, mal de gorge et conjonctivite.L’affection est très contagieuse, par contact direct avec le patient ou ses sécrétions ou même par l’intermédiaire d’objets contaminés (linge de toilette, mains...) et se manifeste souvent dans un contexte d’épidémie. La conjoncti-

vite virale est souvent précédée, dans les 8 jours, d’un rhume ou d’une angine. Le patient atteint est contagieux pendant les 10 à 12 jours suivant l’apparition des symptômes.Ces conjonctivites peuvent faire partie d’un tableau clinique d’infection virale systémique avec présence concomi-tante possible d’adénopathies, de fiè-vre, de pharyngites et autres infections respiratoires. Chez l’enfant, les conjonctivites vira-les peuvent accompagner une maladie infectieuse infantile (rougeole, varicelle, grippe, rhinopharyngite...) ou être dues à des adénovirus. Si le pharmacien peut prendre en charge les formes mineures, il doit conseiller une consultation ophtalmologique face à des symptômes très marqués ou qui se prolongent.

Les virus responsables• L’adénovirus ou virus APC (adéno-pha-ryngo-conjonctival) est le plus fréquemment en cause. Les signes bilatéraux – cependant, souvent unilatéraux au départ – surviennent après 2 à 8 jours d’incubation et s’accom-pagnent parfois d’un syndrome grippal (fiè-vre, céphalées, myalgies) ou d’une atteinte ORL.• Le virus herpès simplex de type I donne un aspect de kératoconjonctivite, notamment chez les patients ayant des antécédents d’épisodes herpétiques (ocu-laires, labiaux ou autres). Les signes sont unilatéraux.• L’entérovirus provoque une conjonctivite hémorragique, douloureuse et souvent asso-ciée à une kératite.

Le conseil officinalLa prise en charge des conjonctivites virales à l’officine repose tout d’abord sur le rappel de conseils généraux. En effet, il est forte-ment conseillé au patient d’observer des règles d’hygiène strictes en raison de la forte contagiosité :– ne pas toucher ou frotter ses yeux ;– ne pas se servir de mouchoirs en tissu mais préférer les mouchoirs en papier pour essuyer les larmoiements ;– ne pas utiliser le même linge de toilette que les autres membres de la famille.

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Le pharmacien doit demander au patient s’il a des antécédents d’herpès car, si c’est le cas, il est préférable de l’orienter vers un ophtalmologiste. Enfin, il ne doit conseiller un traitement que dans l’attente d’une consultation ophtalmologique car celle-ci est indis-pensable en raison de la fréquence des complications.• Un lavage oculaire, effectué à l’aide de compresses imbibées de sérum physio-logique ou de solution de lavage oculaire (Optrex®, Dacryum®), doit être conseillé.• Un collyre antiseptique peut être instillé, 15 minutes après le lavage oculaire, dans le but d’éviter une surinfection bactérienne (cétylpyridinium, Novoptine® ; picloxydine, Vitabact®...), à raison d’1 goutte dans les deux yeux 3 à 4 fois par jour.• Des traitements homéopathiques peu-vent être conseillés : Apis mellifica 4 CH, Belladonna 4 CH, Euphrasia 4 CH, Mercu-rius solubilis 4 CH, à raison de 5 granules en alternance toutes les 2 heures en com-plément du collyre.Après 8 jours, les conjonctivites virales peu-vent évoluer vers une kératite plus grave et peuvent perdurer pendant 2 ou 3 semaines. Une visite chez l’ophtalmologiste s’im-pose donc afin de surveiller l’évolution de l’affection.

Les conjonctivites allergiquesComme son nom l’indique, la conjoncti-vite allergique est une inflammation de la conjonctive dont l’origine est de nature

allergique. Globalement, 18 à 25 % des Français sont allergiques (toutes mani-festations confondues) et la conjonctivite

allergique touche en moyenne 15 % de la population.

Le tableau cliniqueLe tableau clinique comporte une hyper-hémie conjonctivale bilatérale, un lar-moiement important, des démangeaisons importantes et un œdème des paupières. Les conjonctivites allergiques ont, par ailleurs, un caractère saisonnier (graminées, floraison des arbres) et sont très souvent associées à d’autres manifestations allergi-ques telles qu’asthme, urticaire, eczéma, ou éternuements en salves.• Les conjonctivites par sensibilisation aux pneumallergènes, les plus fréquentes, sont des conjonctivites aiguës et œdémateu-ses par hypersensibilité immédiate de type I. Elles touchent les sujets jeunes présentant inconstamment des manifestations allergi-ques des voies aériennes supérieures.• Les conjonctivites printanières sont secondaires à une hypersensibilité de type I aux pneumallergènes et aux anti–gènes microbiens. Elles sont plus fréquen-tes chez les enfants, avec une recrudes-cence saisonnière, notamment pendant la période des pollinoses. Elles peuvent évoluer vers une forme chronique appe-lée conjonctivite chronique ou conjonc-tivite perannuelle. Les symptômes sont identiques à ceux des conjonctivites par sensibilisation aux pneumallergènes, mais persistent plusieurs mois.• Les blépharoconjonctivites eczémateu-ses par allergie de contact sont, quant à elles, causées par certains collyres, cosmé-tiques ou allergènes professionnels.

Le conseil officinal• L’éviction allergénique, lorsqu’elle est possible, est la première mesure à adop-ter, notamment s’il s’agit d’une allergie aux acariens.

Il faut ainsi conseiller au patient de veiller à avoir une “chambre idéale”, c’est-à-dire non surchauffée, sans moquette ni peluches, ni matelas de laine, ni couet-tes, édredons et oreillers en plume. Il doit choisir de préférence une literie synthéti-que, passer l’aspirateur tous les 2 jours, et laver les draps et housses de couet-tes à 60 °C, une fois par semaine. Il lui est possible de positionner une housse imperméable aux acariens sur le mate-las et éventuellement sur l’oreiller ; elle doit être lavée 2 à 3 fois par an (housses Allerbio®, Intervent®, Acar Housse®). Il est également possible d’utiliser un acaricide (Acardust®, Acarcid®) qu’il faut laisser agir plusieurs heures et surtout aspirer soigneusement après. Il est nécessaire ensuite de largement aérer la pièce.Cependant, les précautions en cas de polli-nose ne sont pas toujours faciles à prendre : tout au plus peut-on conseiller aux patients d’être attentifs aux prévisions concernant les pics de pollinisation (via, par exemple, le Réseau national de surveillance aérobiolo-gique, www.pollens.fr), de garder les portes et fenêtres fermées ces jours-là et de porter des lunettes lors des sorties.• Le lavage oculaire (Sophtal®, Oph-taxia®...), effectué à l’aide de compresses 15 minutes avant l’instillation d’un collyre, permet d’éliminer, par simple action méca-nique, les allergènes véhiculés par l’air et présents à la surface de l’œil.• L’instillation d’un collyre anti-allergi-que à base de cromoglycate (Cromoptic®, Ophtacalm®, Cromabak®), de lodoxamide (Almide®, Lodoxal®) ou bien encore de N-acétyl-aspartyl-glutamique (Naaxia®, Naa-bak®) est recommandée. La posologie est, en général, d’une goutte 4 à 6 fois par jour lorsque la conjonctivite a débuté, le trai-tement ne procurant un réel soulagement qu’après 2 à 3 jours. Toutefois, si le contact

Les principaux allergènes oculaires• Les pneumallergènes : pollens, acariens et arthropodes (mites, cafards...), poussière de maison (pollens,

poils, squames d’animaux, débris végétaux...), animaux de compagnie (squames, poils, plumes, salive...),

moisissures et produits industriels en milieu professionnel.

• Les allergènes de contact : cosmétiques (vernis à ongles, mascara, crayon...), collyres (conservateurs,

antibiotiques...) et produits d’entretien des lentilles de contact.

Conjonctivite allergique.•

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avec l’allergène est prévisible, les collyres précédemment cités peuvent être employés en prévention d’une crise. Il faut alors com-mencer le traitement une semaine avant le contact présumé (promenade en forêt, tonte de la pelouse...).• Des antihistaminiques par voie orale peuvent être associés aux collyres, sur-tout en cas de rhinoconjonctivite : cétiri-zine (Zyrtecset®, Humex allergie®, Réac-tine®..., 1 comprimé par jour), isothipendyl (Apaisy®, 2 comprimés par jour), cyprohep-tadine (Periactine®, 3 à 4 comprimés par jour).• Des gouttes nasales anti-allergiques (Humex rhume des foins®, Prorhinite® ou Biocidan®) peuvent y être associées, à rai-son d’une pulvérisation dans chaque narine 4 fois par jour.• Des traitements homéopathiques pré-sentent également un grand intérêt. Il est conseillé de prendre systématiquement Poumon histamine 15 CH, Apis mellifica 15 CH et Euphrasia 5 CH à raison de 5 gra-nules. Si les éternuements sont fréquents, Nux vomica 9 CH et Sabadilla 5 CH, 5 gra-nules peuvent être pris en alternance tou-tes les heures. Si l’allergie aux pollens est connue et que la crise survient, le traitement est une dose de Pollens 15 CH dès le début de la crise, puis 5 granules 4 fois par jours de Pollens 9 CH. S’il s’agit d’allergie aux acariens ou aux poussières, Blatta orien-talis 15 CH, 5 granules 3 fois par semaine, sera recommandé. Enfin, des spécialités homéopathiques (Rhinallergy®, Boribel n° 5® ou Euphrasia complexe Lehning n° 115®) peuvent égale-ment être conseillées.Lorsque les symptômes locaux sont très intenses et s’associent à un terrain aller-gique (asthme, toux, rhinites importantes, eczéma...), il est indispensable d’orienter le patient vers un médecin ou un ophtalmolo-giste qui peut aussi conseiller une consul-tation allergologique afin de procéder à une désensibilisation.

Les conjonctivites irritatives Les conjonctivites irritatives consti-tuent les réactions inflammatoires de la muqueuse conjonctivale à certains agents irritants.

Le tableau cliniqueLe tableau clinique comporte une hyper-hémie conjonctivale modérée, un petit lar-moiement réflexe, des picotements, une photophobie, une fatigue oculaire et une lourdeur des paupières. Ces symptômes peuvent être associés ou bien apparaître isolément.

Les originesLes causes peuvent être multiples : expo-sition au vent, au froid sec, au sable, au soleil, à la poussière lors de bricolage ou sur le lieu de travail, bains de mer ou de piscine, séjour en atmosphère enfumée, fatigue oculaire (travail intense sur ordina-teur, lecture ou travail à distance courte, mauvais éclairage, utilisation prolongée de la télévision ou de consoles de jeux vidéo, séance de cinéma...) ou port prolongé des lentilles de contact.

Le conseil officinalLa conjonctivite irr itative n’a aucun caractère d’urgence et le pharmacien peut soulager le patient rapidement.

• Les contacts avec l’agent irritant doivent tout d’abord être évités : limiter les baigna-des “sous l’eau”, éviter les lieux enfumés, réduire le temps de travail ou de loisir devant les écrans, utiliser des lunettes de protection et diminuer le temps de port des lentilles de contact.• Une hygiène locale, effectuée à l’aide de compresses imbibées de sérum physiolo-gique ou d’une solution de lavage oculaire, 15 minutes avant l’instillation d’un collyre, permet un nettoyage et une décongestion des yeux et des paupières.• Des collyres décongestionnants peu-vent aussi être conseillés (Sensivision® au plantain, Sophtal® à base d’acide salicyli-que, Ophtalmine® à base de vigne rouge, acide borique, eau de rose, eau d’hama-mélis...) à raison d’une goutte 3 à 4 fois par jour.• Les collyres antiseptiques peuvent aussi être utilisés ainsi qu’un masque oculaire en complément des collyres.

Les conjonctivites du nouveau-néLa conjonctivite du nouveau-né est une infection périnatale fréquente, associée aux infections maternelles dues à Neisseria gonorrhoeae (ophtalmie à gonocoque) et à Chlamydia trachomatis. La contamination du bébé a lieu lors du passage dans la filière génitale maternelle.L’affection est caractérisée par un écoule-ment purulent des yeux survenant entre 5 à 15 jours après la naissance. Les contamina-tions à germes graves comme le gonocoque ne se rencontrent plus qu’exceptionnelle-ment dans les pays développés. La plupart du temps, il s’agit de simples irritations, potentiellement contaminables par des ger-

Le trachome, une cause fréquente de cécité dans les pays pauvresLe trachome est une kérato-conjonctivite due à la bactérie Chlamydia trachomatis. C’est une cause

fréquente de cécité dans le monde. Il sévit de façon endémique dans les pays en développement.

Les facteurs de risque prédisposant au trachome sont la mauvaise hygiène, la surpopulation, le bas niveau

socio-économique et les climats chauds poussiéreux.

La maladie se propage d’œil à œil (par des mouches notamment) et de main à œil. Le tableau clinique

présente une hyperhémie conjonctivale, parfois une adénopathie prétragienne (en avant du conduit

de l’oreille), des sécrétions purulentes et des follicules de la conjonctive tarsale.

Le traitement repose sur l’utilisation de collyres ou de pommades à base de tétracyclines.

Conjonctivite survenue après une baignade en piscine.•

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mes opportunistes comme le staphylocoque doré.Ces conjonctivites sont traitées par érythro-mycine par voie générale et/ou locale, mais la prévention repose sur l’instillation systé-matique de rifampicine dès la naissance.

Les autres affections ophtalmiquesS’il est le plus souvent confronté, au comp-toir, à des patients souffrant de conjonctivi-tes, le pharmacien d’officine peut rencontrer d’autres affections ophtalmologiques dont les origines sont aussi variées qu’une trop grande exposition aux ultraviolets, la pré-sence d’un corps étranger dans l’œil ou encore le mauvais entretien des lentilles de contact.

L’œil et les ultravioletsLes rayons ultraviolets (UV), notamment les UVA qui sont les plus dangereux pour les yeux, affectent tous les tissus de l’œil : conjonctive, cornée, cristallin, voire rétine. À la longue, ils peuvent créer des lésions irré-versibles si les yeux ne sont pas protégés. Les brûlures par UV atteignent essentielle-ment la conjonctive et la cornée. Elles provo-quent de fines lésions épithéliales qui réalisent une multitude de petits ulcères cornéens.• L’ophtalmie des neiges survient 4 à 5 heures après une exposition aux rayonne-ments UV sans protection, à la mer comme à la montagne (après une journée de plage ou de ski sans lunettes de soleil ou avec des lunettes insuffisamment protectrices). Elle est notamment due aux rayonnements solaires réfléchis sur un plan d’eau, sur la neige, sur le sable ou sur des vitres (laveurs de carreaux).• Le “coup d’arc”, ou brûlure par un arc électrique, est bien connu des amateurs ou des professionnels qui font de la soudure sans lunettes de protection ; il peut éga-lement atteindre toutes les personnes se trouvant à proximité.• Les lampes à bronzer, utilisées de façon répétée, “sauvage”, intensive, mal adaptée ou mal contrôlée, peuvent être responsables d’une irritation oculaire, voire de cataractes ou d’une dégénérescence maculaire.Un repos oculaire dans la quasi obscurité pendant plusieurs heures est alors fortement recommandé. La pose de rondelle ophtalmique

protectrice, d’une compresse humidifiée d’eau fraîche ou de solution décongestionnante, ou encore l’utilisation d’un masque oculaire peu-vent apporter un réel soulagement. Enfin, il est conseillé d’instiller un collyre décongestionnant (Sophtal®, Sensivision®...), un collyre à base de vitamine A (Vitamine A Faure®, Vitamine A Dulcis®) ou de vitamine B12 (Vitamine B12 Chauvin®...) qui sont des collyres cicatrisants indiqués dans les micro-traumatismes de l’œil.Il s’agit donc, le plus souvent, de patho-logies sans gravité et résolutives en 24 à 48 heures moyennant la mise au repos des yeux et l’utilisation d’un collyre. Toute-fois, si la photophobie reste importante et si aucune amélioration ne se fait sentir, une orientation vers l’ophtalmologiste est indispensable.

Les corps étrangers superficielsL’insertion d’un corps étranger dans l’œil est relativement fréquente, aussi bien sur les lieux de travail que lors des activités de loisir ou de bricolage. Sont le plus souvent en cause des poussiè-res, des grains de sable, des moucherons, des particules de mascara ou un cil. Ce sont des incidents bénins dans la plupart des cas mais encore faut-il les repérer tôt, agir vite et surtout ne pas les négliger. Le tableau clinique comporte une hyper-hémie conjonctivale unilatérale plus ou moins intense, une sensation de grain de sable qui roule sous la paupière, un lar-moiement réflexe abondant et un spasme important des paupières. À l’officine, le pharmacien doit repérer la localisation du corps étranger conjonctival, dans le cul de sac et/ou sous la paupière supérieure ou cornéen sous la forme d’un point sombre. Il est alors possible de tenter de le retirer dans la mesure où le patient ne présente qu’une gêne oculaire. Si un quelconque signe de gravité est signalé (baisse d’acuité visuelle, hémorragie, plaie...), une consultation d’urgence s’impose.

Le port prolongé des lentilles de contactDes lentilles de contact desséchées, endom-magées, posées à l’envers, dont le temps de port est trop long ou dont les conditions de port sont mauvaises (fatigue, fumée...) peu-

vent entraîner l’apparition d’une conjonctivite irritative nécessitant évidemment leur retrait pour permettre un repos des yeux.Il est important de limiter le temps de port des lentilles de contact.S’il n’y a pas d’infection, un collyre soignant l’irritation conjonctivale peut être proposé (Sophtal®, Sensivision®...).Il est bon également de vérifier avec le patient le protocole d’entretien de ses len-tilles et de lui conseiller de les remplacer plus régulièrement. Enfin, s’il s’agit d’une sécheresse oculaire, l’instillation de larmes artificielles ou de solution de réhydratation est bénéfique. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

[email protected]

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hanie

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