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Comptabilités Revue d'histoire des comptabilités 14 | 2021 Les contes fantastiques de l’État Le contrôle de la recette générale de toutes les finances des ducs de Bourgogne par les Chambres des comptes de Dijon et de Lille : l’État bourguignon entre centralisation et bipolarité (1386-1419) The control of the general receipt of all finances of the dukes of Burgundy by the chambers of accounts of Dijon and Lille: the Burgundian State between centralization and bipolarity (1386-1419) El control del ingreso general de toda la Hacienda de los duques de Borgoña por los Tribunales de Cuentas de Dijon y Lille: el Estado borgoñon entre centralismo y bipolaridad (1384-1419) Die Kontrolle der allgemeinen Einnahme aller Finanzen der Herzöge von Burgund durch die Rechnungskammern von Dijon und Lille: Der burgundische Staat zwischen Zentralisierung und Bipolarität (1386-1419) Jean-Baptiste Santamaria Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/comptabilites/4902 ISSN : 1775-3554 Éditeur IRHiS-UMR 8529 Référence électronique Jean-Baptiste Santamaria, « Le contrôle de la recette générale de toutes les nances des ducs de Bourgogne par les Chambres des comptes de Dijon et de Lille : l’État bourguignon entre centralisation et bipolarité (1386-1419) », Comptabilités [En ligne], 14 | 2021, mis en ligne le 27 décembre 2021, consulté le 01 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/comptabilites/4902 Ce document a été généré automatiquement le 1 février 2022. Tous droits réservés

Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

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Page 1: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

ComptabilitésRevue d'histoire des comptabilités 14 | 2021Les contes fantastiques de l’État

Le contrôle de la recette générale de toutes lesfinances des ducs de Bourgogne par les Chambresdes comptes de Dijon et de Lille : l’Étatbourguignon entre centralisation et bipolarité(1386-1419)The control of the general receipt of all finances of the dukes of Burgundy by thechambers of accounts of Dijon and Lille: the Burgundian State betweencentralization and bipolarity (1386-1419)El control del ingreso general de toda la Hacienda de los duques de Borgoña porlos Tribunales de Cuentas de Dijon y Lille: el Estado borgoñon entre centralismoy bipolaridad (1384-1419)Die Kontrolle der allgemeinen Einnahme aller Finanzen der Herzöge vonBurgund durch die Rechnungskammern von Dijon und Lille: Der burgundischeStaat zwischen Zentralisierung und Bipolarität (1386-1419)

Jean-Baptiste Santamaria

Édition électroniqueURL : https://journals.openedition.org/comptabilites/4902ISSN : 1775-3554

ÉditeurIRHiS-UMR 8529

Référence électroniqueJean-Baptiste Santamaria, « Le contrôle de la recette générale de toutes les finances des ducs deBourgogne par les Chambres des comptes de Dijon et de Lille : l’État bourguignon entre centralisationet bipolarité (1386-1419) », Comptabilités [En ligne], 14 | 2021, mis en ligne le 27 décembre 2021,consulté le 01 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/comptabilites/4902

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Le contrôle de la recette générale detoutes les finances des ducs deBourgogne par les Chambres descomptes de Dijon et de Lille : l’Étatbourguignon entre centralisation etbipolarité (1386-1419)The control of the general receipt of all finances of the dukes of Burgundy by the

chambers of accounts of Dijon and Lille: the Burgundian State between

centralization and bipolarity (1386-1419)

El control del ingreso general de toda la Hacienda de los duques de Borgoña por

los Tribunales de Cuentas de Dijon y Lille: el Estado borgoñon entre centralismo

y bipolaridad (1384-1419)

Die Kontrolle der allgemeinen Einnahme aller Finanzen der Herzöge von

Burgund durch die Rechnungskammern von Dijon und Lille: Der burgundische

Staat zwischen Zentralisierung und Bipolarität (1386-1419)

Jean-Baptiste Santamaria

1 Le riche débat sur la nature de l’État bourguignon à l’époque des ducs Valois s’est

naturellement attaché à la complexité des rapports entre modèle multipolaire et

construction unitaire, à la combinaison subtile des traditions locales et du centralisme

monarchique1. Dans cette réflexion, la mise en place d’institutions centrales dans les

finances représente un moment-clef. Dès les années 1386-1387, Philippe le Hardi,

devenu comte de Flandre et d’Artois en 1384 et mort en 1404, fait de ce pan de

l’administration une figure de proue de la construction étatique2. Néanmoins, le

processus n’était qu’incomplet : l’établissement d’une recette générale de toutes les

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finances en 1387 n’avait pas eu son pendant quant à l’organisation du contrôle, puisque

les deux Chambres des comptes bourguignonnes de Dijon et Lille (respectivement

réorganisée et fondée en 1386) eurent à assumer une surveillance successive de

l’officier, collaborant dans une structure bipolaire3. De même, le principat de Jean sans

Peur (1405-1419), constitue un moment ambigu. Parfois déconsidéré en raison de la

multiplication des réformes dans un contexte de guerre civile où l’ascendant sur la

monarchie est pour le moins variable4, il amorce des évolutions qui s’avèrent durables,

en particulier dans le transfert de pouvoir administratif vers ses terres des Pays-Bas : le

transfert de l’examen du compte de la recette générale de Lille à Dijon en est

assurément le signe. Ce compte, véritable monument historiographique tant il est

employé dans de multiples recherches5, cache donc derrière l’unité de sa série

comptable si bien conservée de grandes variations quant à son contrôle. L’analyse

invite dès lors à prendre en compte la question de la circulation des pratiques, des

informations, des hommes dans la constitution d’une culture administrative homogène,

marquée par l’inter-compatibilité, posant la question du modèle administratif

bourguignon et de ses liens au modèle royal. En nous plaçant dans la perspective d’une

analyse des pratiques administratives6, nous pouvons essayer de mieux cerner la

fabrique quotidienne de l’État bourguignon. Il s’agit notamment de comprendre

comment cet État a pu réagir aux épreuves de la conjoncture, aux changements de

principats, à l’évolution politique des rapports à la monarchie, et au transfert de son

centre de gravité vers les Pays-Bas.

2 Le mode d’organisation bipolaire de l’administration du contrôle comptable a-t-il

constitué une limite ou un atout dans l’efficacité de la surveillance financière des

agents centraux ? Nous aborderons cette question en partant des tribulations de cette

comptabilité centrale, qui témoigne de l’existence entre Lille, Paris et Dijon, d’un

espace commun partageant une même culture bureaucratique, d’une koinè

administrative, selon l’expression de Guido Castelnuovo7. De là, nous analyserons

comment ce bicamérisme comptable a pu se traduire en termes de contrôle effectif de

la recette générale.

Lille, Paris, Dijon : les tribulations du compte de larecette générale au sein d’une koinè administrative

3 Le contrôle de la recette générale n’a été rendu possible, dans le cadre de l’État

bourguignon récent, qu’en raison d’une coopération complexe entre différents centres

du pouvoir, liés par une culture administrative commune : c’était la condition d’une

intercompatibilité comptable qui permit le transfert du contrôle de Dijon vers Lille.

Cette koinè administrative s’ancrait cependant dans une histoire bien antérieure à la

création de la recette générale.

Les cadres institutionnels du transfert

4 La recette générale de toutes les finances fut instituée en 1386-1387 pour centraliser les

revenus de l’ensemble des territoires bourguignons. Elle est issue de la recette générale

de Bourgogne, qui émerge à partir de 1297 où est attesté un « receveur du duché » ou

du duc, office qui a été fortement réorganisée en 1352 lors de la tutelle royale sur les

terres de Philippe de Rouvres8, terres qui incluaient également le comté de Bourgogne

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Page 4: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

et l’Artois. C’est alors que les bases de l’organisation du compte furent posées par

Dimanche de Vittel, receveur général jusqu’en 1367 et maître des comptes jusqu’en

1386. C’est d’ailleurs précisément en 1353 que Jean le Bon établit une commission

comprenant un maître parisien, Jean de Baubigny, un secrétaire de la reine, Jean

Clabart, un tabellion de Beaune, Guy Rabbi. De cette commission chargée de réformer la

Bourgogne sortit une Chambre des comptes de Dijon9. Un processus comparable fut

conduit à Lille en 1385-1386 à la demande de Philippe le Hardi, qui réorganisa dans le

même temps la Chambre dijonnaise10. En 1363-1384, alors que Philippe le Hardi est duc

de Bourgogne, mais pas encore comte de Flandre, les réformes de 1352-1353 demeurent

la base de l’administration des finances, tandis que les liens avec la monarchie

perdurent : une part de la comptabilité ducale centrale fut même soumise à la Chambre

de Paris. En effet, Philippe était théoriquement comptable de sa gestion comme

lieutenant de Jean le Bon pour le duché depuis le 27 juin 1363, puis de Charles V, dans

les cinq diocèses de la province de Lyon et du duché à partir du 2 juin 1364. Le 9 juillet

1366, cette lieutenance fut étendue aux diocèses de Reims, Troyes, Chalons et

Soissons11. Le duc devait rendre compte personnellement de ses dépenses de guerre, et

dépêcha Huet Hanon, qui se fit envoyer à Paris « les lettres du compte de la lieutenance

de monseigneur qu’il devoit rendre pour lui a Paris aux gens des comptes du roy nostre

sire »12. Huet Hanon était alors placé au-dessus du receveur général du duché,

Dimanche de Vittel, et chargé de percevoir les revenus royaux extraordinaires cédés au

duc, et de payer les dépenses de guerre du Hardi en tant que lieutenant du roi13. Intitulé

« tresorier monseigneur […] des receptes et mises faites pour ledit monseigneur »14, il

préfigure le receveur général. Il semble donc que ce « comptable de la lieutenance »

soit l’ancêtre du receveur de toutes les finances. En raison de son ressort

supraterritorial et de son statut singulier, il se trouvait soumis à l’examen de la

Chambre des comptes parisienne. Un autre élément atteste du lien fort entre

l’administration bourguignonne du Hardi et la royauté : le receveur général du duché

fut parfois entendu à Dijon en présence d’officiers royaux15.

5 En 1386 eut lieu une profonde réorganisation des finances. On la devait à l’avènement

de Philippe et de son épouse Marguerite de Male aux comtés de Flandre, d’Artois, de

Bourgogne, de Nevers et Rethel, et surtout à la suite de la signature de la paix de

Tournai avec les rebelles gantois en décembre 1385. Cette paix ouvrait la voie à

l’intégration de la Flandre. C’est alors que fut établie une Chambre du conseil et des

comptes à Lille. Dans le même temps, la Chambre dijonnaise en 1386 était réformée,

tandis que l’année suivante le duc Philippe nommait un receveur général de toutes les

finances. Celui-ci put puiser ses ressources à la fois dans les terres du nord, du sud et

dans les caisses royales16. Il était néanmoins d’abord l’héritier du receveur général de

Bourgogne, en cela qu’il rendit compte à Dijon et reprit à son compte certaines

dépenses centrales de la cour ducale assurées jusque-là par le receveur de Bourgogne17.

6 Ce compte général d’origine bourguignonne finit pourtant par prendre le chemin du

nord dès Jean sans Peur à quatre reprises : pour les comptes de 1405-1406, puis en 1411,

1412 et 1414-141518. Il s’agissait de mesures exceptionnelles : Dijon demeurait toujours

le lieu officiel de reddition19. Commis en 1419 par Philippe le Bon, le receveur général

Guy Guilbaut avait encore pour obligation de rendre compte à Dijon, ce qu’il ne fit

jamais. Ses comptes furent tous rendus à Lille, mais seulement par commission

particulière20. C’était encore le cas en 1430, pour ses comptes à rendre et courant

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jusqu’en 142821. Son successeur dut rendre compte à Lille, la mesure apparaissant

désormais plus routinière22.

7 Cette translation de Dijon à Lille fut largement dictée par les circonstances de la guerre

civile : tel fut le cas après novembre 1413, après le départ précipité de Jean sans Peur

aux lendemains de la reprise en main armagnaque de la capitale du royaume. Ce furent

les receveurs qui insistèrent pour venir à Lille : Robert de Bailleux l’obtint à sa

demande le 27 novembre 1413 en raison de son installation à Amiens après la fuite du

duc Jean. Le receveur s’était éloigné en raison de la « discension et discort depuis peu

de temps enca meuz entre aucuns des habitans de la ville de Paris ». De Picardie, il

craignait de se rendre à Dijon « ou il a long et pesant chemin, comme de robeurs et

pillars estans sur le pays et aultrement »23. Le même état d’esprit motiva Guilbaut qui

invoquait au moment de rendre son compte de 1427 le fait qu’il avait tous ses papiers à

Lille où il jouait un rôle majeur comme gouverneur des finances ainsi que les périls des

routes vers la Bourgogne et la nécessité d’abréger l’affaire24.

8 Ce transfert ne fut donc pas directement pensé comme conséquence d’un changement

de politique, comme l’effet d’une évolution qui faisait de la Flandre le nouveau centre

de gravité de l’État bourguignon. La véritable préoccupation était la commodité de

rendre compte à Lille pour les receveurs. Cette commodité s’expliquait d’ailleurs pour

partie par la proximité avec Paris. En cohérence avec les travaux de Florence Berland

sur la cour de Bourgogne à Paris, on voit que le tropisme exercé par la capitale sur les

deux premiers ducs était considérable25. Pour les receveurs, travailler à Lille les

éloignait moins des affaires parisiennes. Dans le même temps qu’il expliquait vouloir

venir à Lille, et alors même que Paris était aux mains des Armagnacs en février 1414, le

receveur sortant Robert de Bailleux expliquait qu’il demeurait dans le nord, entre

Flandre et Picardie, car il espérait fortement que le duc revînt à Paris. Lui-même devait

absolument s’y rendre car il s’y était obligé pour le duc auprès de fournisseurs. Il devait

donc rembourser les créanciers ou obtenir d’autres délais, sous peine d’être condamné

par la justice royale : « s’il plaist Dieu que monseigneur soit a Paris comme je espoire

que a grant joye il y doie estre bien brief, il m’est de necessité y estre et aler pour cause

des grans obligacions que j’ay faictes par commandement de mon dit seigneur tant

pour le fait du roy comme pour le sien »26. Par ailleurs, les officiers de la recette

générale, comme les trésoriers, étaient fréquemment des artésiens, notamment des

Arrageois : Jean de Pressy, Pierre de Montbertaut sous Philippe le Hardi, Jean

Despouillettes, Jean de Pressy ou Jean Sacquespée sous Jean sans Peur venaient

d’Arras27. Ils y tenaient souvent leur hôtel, à distance idéale de Paris et Lille. Guy

Guilbaut, qui refusa de rendre compte ailleurs qu’à Lille, s’y était établi depuis 1419.

Lui-même était originaire d’Hesdin28.

9 La reddition dijonnaise s’était déjà révélée aberrante en certaines occasions, en

particulier sous Philippe le Hardi : lorsqu’en 1397 Jean de Pressy se trouva convoqué à

Dijon, il se trouvait à Arras où il avait été nommé receveur du domaine. Il y retournait

d’ailleurs fréquemment du temps de son office de receveur général, d’autant que le

chancelier Jean Canard était évêque d’Arras. Pressy travaillait régulièrement à Paris où

était la cour. Son voyage à Dijon en 1397 l’ennuyait beaucoup. Il lui occasionna des frais,

des délais, d’autant qu’il dut repartir « pour plusieurs occupacions que la Chambre a

eues ». Le centre de gravité se situait déjà plus au nord, à Arras et en réalité surtout à

Paris29.

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10 Il semble donc que cette translatio computorum n’ait pas tant été planifiée par le prince

qu’imposée d’en bas et par les événements. Le duc semble avoir cédé progressivement.

L’affaire était contraire à la volonté de Jean sans Peur, qui usa de son autorité afin

d’empêcher les gens des comptes lillois de recevoir le compte général de Pierre Macé en

1415, lequel tenait visiblement à rendre compte à Lille30. Macé finit d’ailleurs par

obtenir gain de cause sous Philippe le Bon31. Il n’est pas non plus impossible que les

résistances dijonnaises aient pu jouer32. Toujours est-il que l’opération se fit sans

grande vision ni cohérence, ce qui ne manqua pas de poser quelques problèmes. Cela

montrait néanmoins de la part du pouvoir ducal une certaine souplesse d’utilisation

qu’il était difficile d’officialiser, car cela revenait à aller contre les bonnes coutumes et

le « stille » des Chambres. Mais il existait une claire conscience du fait que les deux

Chambres partageaient une même culture administrative, due aux évidentes

proximités de leurs pratiques comptables.

Un langage commun se traduisant par une approche similaire du

travail de contrôle

11 On rappellera très brièvement ici les étapes du contrôle : le compte était rédigé par le

clerc de l’officier, déposé à la Chambre puis examiné par des maîtres et des clercs des

comptes. La tâche était lourde. Sur des centaines de folios, les gens des comptes

devaient éplucher chaque recette et chaque dépense, tout en vérifiant

systématiquement que les bonnes pièces justificatives étaient fournies (mandement,

quittance, certification en dépense). Les questions pendantes étaient tranchées par un

collège plus vaste appelé après 1420 le bureau, le receveur étant auditionné. Les litiges

réglés, les sommes étaient jetées et le compte clos. Après quoi venaient les corrections,

consistant à vérifier que les recettes provenant d’autres comptes étaient bien

conformes à ce qu’indiquaient ces derniers. La correction conduisait souvent à modifier

le bilan de sorte qu’elle pouvait entraîner un nouveau calcul et donc une nouvelle

clôture33.

12 Pour mesurer le degré d’homogénéité du travail mené par les Chambres des comptes de

Dijon et Lille, on peut s’appuyer sur les notes laissées par leurs membres respectifs dans

les marges du compte général. Ces notes étaient rédigées en latin à Dijon et en français

à Lille. On peut ainsi comparer le compte de 186 folios tenu par Josset de Halle, courant

du 24 avril 1393 au 31 juillet 1394 et examiné à Dijon du 11 mai au 28 juin 139534 et celui

de 213 folios tenu par Jean Chousat du 5 novembre 1405 au 19 novembre 1406, rendu à

Lille du 28 février au 14 avril 141735. En haut de la première page de chacun étaient

notées la date et les conditions de remise du compte (fig. 1 et 2 pour Dijon ; fig. 3 et 4

pour Lille). Figure 1. Note relative à la remise du compte courant du 24 avril 1393 au 31 juillet 1394, examiné àDijon du 11 mai au 28 juin 1395

ADCO B 1500, fol. 1 r°

Figure 2. Détail de la note

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Page 7: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

Figure 3. Note relative à la remise du compte courant du 5 novembre 1405 au 19 novembre 1406,examiné à Lille du 28 février au 14 avril 1417

ADN B 1878, fol. 1 r°

Figure 4. Détail de la note

13 Les notes exigeant des pièces fonctionnaient selon les mêmes logiques : aux debet

litteras ou videatur36 dijonnais répondaient les Il doit les lettres37 et Soit veu38. Le terme de

locatur était employé aussi bien à Lille39 que Dijon40 : il désignait un passage du compte

qui devait donner lieu à délibération par les maîtres41.

14 Les parties rayées faute de justification faisaient elles aussi l’objet d’une note justifiant

la radiation ; les termes sont les mêmes dans chacune des langues : au Radiatur quia42

correspond un royé pour ce que43... À Dijon comme à Lille, les sommes étaient jetées après

les vérifications, qu’il s’agisse des sommes de chapitres ou des sommes totales, avec le

détail séparé de chaque monnaie44. Les Lillois faisaient d’ailleurs là une exception pour

le compte du receveur général, car ils avaient l’habitude de convertir les sommes en

une seule monnaie. Ils se coulaient donc dans le moule dijonnais. Même les symboles

utilisés permettant d’accélérer la relecture et de se repérer dans le compte sont

communs : ce qui ressemble à un tau renversé désigne ainsi une partie mise en dette

(fig. 5 et 6)45, tandis qu’une ligne barrée deux fois indique qu’une question appelant une

vérification a été résolue46. Figure 5. Note relative à la mise en dette d’une somme en marge par les gens des comptes à Dijon

ADCO B 1500, fol. 23 r°

Figure 6. Note relative à la mise en dette d’une somme en marge par les gens des comptes à Lille

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Page 8: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

ADN B 1878, fol. 73 v°

15 Enfin les notes de clôture présentent une nette similitude dans la mention du lieu et de

la date, à la différence près que les officiers Lillois firent inscrire leurs noms47. Ce type

de notes était déjà la règle à Dijon avant 1386 pour les comptes généraux48. Dans

l’ensemble, on peut avoir l’impression d’un alignement à Lille sur les pratiques

bourguignonnes, que l’on pourrait interpréter comme la conséquence du « décalque » à

Lille des usages dijonnais. Il serait tentant d’y voir la conséquence de l’union des terres

flamandes et bourguignonnes en 1384. En réalité, une grande partie des termes

employés dans les notes marginales se retrouvent en Flandre et surtout en Artois

depuis le milieu du XIVe siècle, comme nous le verrons.

16 Néanmoins, le système hérité de l’époque antérieure, que ce soit à Dijon ou Lille, n’était

nullement figé. L’organisation d’institutions stables eut probablement un effet

« bureaucratique ». Si dans un premier temps les comptes étaient passés de 170 à 80

folios lorsque la recette générale de Bourgogne avait été remplacée par la recette de

toutes les finances en 1386-1387, on rejoignit en 1394 le niveau initial qui fut ensuite

quasi systématiquement dépassé, atteignant les 300 folios. De manière générale, les

exigences de précision des maîtres deviennent plus fortes, conduisant à une inflation

documentaire (fig. 7).Figure 7. Évolution du nombre de folios de la recette générale de toutes les finances

17 En outre, des usages locaux se distinguent. Ils existaient déjà avant 1384, quand la

Bourgogne, la Flandre et l’Artois relevaient de princes singuliers, même si tous

s’inspiraient en partie des usages parisiens. Certes, la formation des Chambres des

comptes de Dijon et de Lille, en partie inspirée par des maîtres parisiens, renforça la

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Page 9: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

convergence des usages dans la mesure où on se rapprocha davantage encore des

usages parisiens. Mais la tendance à la distinction ne disparut pas : usage différent de la

langue, choix de séparer les totaux dans les multiples monnaies utilisées par le

comptable (Dijon), ou de les convertir au fur et à mesure (Lille), mention du nom des

officiers (à Lille).

18 Sur ce point, le transfert de la recette générale à Lille favorisa un retour à l’esprit de

convergence. En tant que remplaçants d’officiers dijonnais scrupuleux, il y eut un réel

effort de la part des Lillois pour imiter le style bourguignon en tenant un compte

distinct de chaque monnaie49, ce qu’ils se refusaient à faire dans les comptes flamands,

qui pouvaient utiliser plusieurs monnaies converties au fil du compte50. Cette tâche

effectuée avec un sérieux scolaire exigeait de la part des Lillois le recours à des

documents préparatoires recopiés avec soins, en particulier la minute en papier de la

somme totale des recettes pour le compte de Jean Chousat (1405-1406)51. Preuve de leur

inexpérience, cette méthode entraîna d’ailleurs des ratures de la part du scribe qui

commença par convertir immédiatement la première somme des francs aux livres

parisis, avant de biffer ce calcul. Les Lillois se mirent aussi peu à peu à préciser les

folios des comptes auxquels ils se référaient en correction52. Et à l’inverse, les maîtres

dijonnais se mirent à mentionner progressivement les noms des officiers présents en

clôture, ce qui se faisait à Lille depuis 138653. Au total, l’effort de standardisation

traduisait l’existence d’une culture administrative solidement enracinée et

constamment réactivée.

Une interopérabilité voulue depuis longtemps et renforcée par la

circulation des hommes

19 L’espace bourguignon était irrigué par de multiples déplacements, qui connectaient

Lille, Arras, Paris et Dijon et permettaient une intense circulation, renforçant des liens

déjà anciens qui assuraient une culture administrative commune. Les comptables se

déplaçaient : le receveur général devait assurer la dépense aux côtés d’un prince

largement nomade, voire en suivant les armées, et trouver de l’argent auprès des

sources de revenus ordinaires, officiers princiers, marchands et financiers, villes. Il

voyageait souvent54 ou envoyait son clerc pour récolter l’argent55 ; il faisait encore venir

à lui les officiers locaux, notamment d’Artois et de Bourgogne56. Tous ces gens parlaient

la même langue, le français et utilisaient le même langage, celui de l’argent. Ils tenaient

des comptes entre eux57, se confiaient leurs clercs58 et se succédaient dans leurs

offices59.

20 Les gens des comptes, quoiqu’assignés à résidence dans leur Chambre des comptes,

partageaient depuis longtemps cette mobilité. Depuis le milieu du XIVe siècle, les

déplacements des clercs et maîtres parisiens façonnaient un espace de culture

administrative commun, préfigurant le champ d’action des ducs Valois. Les officiers

parisiens venus organiser la Chambre dijonnaise en 1353 en attestent, tout comme ceux

revenus en juillet 1386 achever le travail (dont le fameux Jean Creté également venu à

Grenoble)60. On retrouve cette inspiration parisienne dans le contrôle des comptes en

Artois d’Eudes de Bourgogne à Philippe de Rouvres, Artois qui fut placé sous Philippe VI

et Jean le Bon sous le contrôle de la Chambre parisienne61. Celle-ci se fit envoyer des

comptes, édicta des directives, et envoya certains agents aux côtés de représentants

bourguignons dès 134862. Des maîtres dijonnais entendirent par la suite les comptes du

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Page 10: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

douaire de Marguerite de Male au titre de son premier mariage avec Philippe de

Rouvres, terre obtenue en 1363 et contrôlée par son nouvel époux dès 1369, parmi

lesquels la recette de Lens63. La fondation de la Chambre lilloise fut organisée par des

Parisiens (dont Jean Creté), des Dijonnais (Regnaut Gombaut), des Artésiens et

Flamands64.

21 Les contacts demeurèrent ensuite nombreux du fait de la mobilité de certains maîtres

des comptes envoyés en mission par les ducs de Bourgogne : le Lillois Dreue Sucquet,

d’origine parisienne, fut envoyé pour aider ses collègues dijonnais en 140965. Il retourna

ensuite à Paris auditionner un compte en compagnie d’un maître dijonnais, Guillaume

Courtot66 ; Paris servait souvent de lieu de contact entre Dijon et Lille67. À l’inverse, le

dijonnais Jean Bonost fut envoyé à Lille en 1414 réaliser des extraits de comptes mais

aussi aider ses collègues68. Il revint en 142669.

22 La carrière même des agents facilitait leur circulation : Jean de Pacy, qui devint le

premier maître des comptes à Lille et servit de 1386 à 1413, était un ancien receveur

royal condamné et gracié pour vol70. Sous Philippe le Bon le maître des comptes

parisien Gilles le Veau fuit Paris pour Lille en 1436, en raison de ses sympathies

bourguignonnes71. A l’inverse, Jean sans Peur faisait rentrer des partisans à la Chambre

royale quant il le pouvait. Ainsi Robert de Bailleux, ancien receveur général, devint

clerc se comptes en 1418, lors de la grande purge effectuée par Jean sans Peur, aux

côtés du dijonnais Dreue Mareschal. Robert servit jusqu’en 1464 à Paris72. De tels liens

facilitaient également les échanges d’information, une des clés pour que le contrôle

comptable de la recette générale soit effectif.

Contrôle et fabrique de l’État : efficacité et limites dubicamérisme

23 Pour mesurer l’efficacité, la précision et l’évolution du contrôle, pour cerner

notamment les enjeux liés au transfert de la recette entre Dijon et Lille, on retiendra

trois données : le rythme de reddition, la précision des « corrections » qui permettent

de mesurer le travail réel de vérification, enfin l’exactitude des calculs.

La reddition

24 La rapidité de la vérification et de la clôture est un des critères permettant de mesurer

l’efficacité de la bureaucratie à maîtriser les agents comptables par le contrôle73. À ce

titre, la recette générale n’est pas exemplaire, avec un délai moyen de 3 ans sur la

période. Les comptes généraux n’ont de fait pas été entendus au rythme réglementaire

de 3 ou 4 mois74. On parvint pourtant à descendre en-dessous d’un an durant les

premières années de la recette générale (fig. 8).

Figure 8. Évolution des délais de clôture de la recette générale des finances de 1384 à 1419

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Page 11: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

25 La courbe montre une grande maîtrise jusqu’en 1394, puis une difficulté de plus en plus

grande. Le principat de Jean sans Peur aggrave cette tendance et double le délai qui

atteint 4 ans, allant jusque 10 ans. Le dérèglement touche les comptes rendus à Dijon (3

ans en moyenne), mais surtout les comptes lillois avec une moyenne de 7 ans et demi

(fig. 9) !Figure 9. Évolution comparée des délais de clôture de la recette générale à Lille et Dijon de 1384 à1419

26 Si le transfert de Dijon à Lille ne semble pas avoir affecté les délais dans un premier

temps, cela a été au prix de la précision des vérifications, comme nous le verrons, et

l’opération s’est rapidement avérée délicate pour l’administration ducale. Deux niveaux

d’analyse l’expliquent.

27 Le premier concerne la politique générale et les facteurs extérieurs à la procédure. Les

facteurs économiques globaux ne jouent pas vraiment, le rythme de reddition n’étant

pas plus lent lorsque la situation est la pire, à savoir aux lendemains des guerres de

Flandre75. En revanche, la question a été posée d’une désorganisation des finances sous

Jean sans Peur76. Il faut nuancer, la dégradation intervenant dès Philippe le Hardi, qui

perd en partie le contrôle sur les finances royales dès 1401. Mais les tendances

s’aggravent : la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons pèse fortement. Cela est

évident si on observe la période après 1407, qui est la pire. Le compte de 1414-1415 en

est la directe expression. Il fut tenu par le clerc du receveur qui avait alors été fait

prisonnier par les Armagnacs. Le clerc dut en outre faire revérifier les mandements

ducaux après l’assassinat de Jean sans Peur, pour s’assurer que son fils les validait en

tant que nouveau duc de Bourgogne.

28 Surtout, en confrontant le compte général aux comptes locaux présentant un solde

positif, comme ceux de Flandre, on peut observer que le facteur le plus important fut le

désintérêt du prince pour une procédure rapide et une organisation solide du

contrôle77. En effet, il n’y avait pas d’avantage financier immédiat à assurer une

reddition rapide du compte de la recette de toutes les finances : il s’agissait d’un

compte de dépenses, puisant dans des recettes prélevées ailleurs. Faire rendre un tel

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compte ne donnait donc pas accès à de nouvelles ressources. Or tous les comptes de ce

type, eurent tendance à être négligés et retardés.

29 Le second niveau est celui de la pratique comptable : on pourrait évoquer

l’augmentation de la taille des comptes. Il est vrai que la copie de 300 folios en 2

exemplaires pouvait représenter aisément dix semaines de travail, si on suit les

rythmes des contrats de copistes analysés par Émilie Cottereau78. Mais cette inflation

est antérieure au dérèglement du rythme de reddition, qu’elle n’explique guère. Quant

à l’examen, la taille jouait peu, puisqu’on trouve des comptes de 219 folios rendus en 40

jours, les délais les plus rapides étant entre 40 et 72 jours. Et pourtant, de nombreux

comptes sont de plus en plus souvent demeurés 3 ans voire 5 ans dans la Chambre après

reddition79. Ce délai s’explique en partie par la procédure : les receveurs pouvaient

encore récupérer des pièces justificatives après le dépôt de leur compte, ce qui

occasionnait des voyages incessants pour obtenir ces acquits80. Les maîtres lillois

avaient en outre besoin de lettres ou de certifications émanant de la Chambre des

comptes de Dijon concernant certaines parties, et devaient se les faire expédier

régulièrement81. C’est ce qui retarda la clôture du compte de Chousat de 1406-1407.

30 L’effet domino joua également très fortement, les maîtres répugnant à clore un compte

si le précédent n’était pas remis et clos. Le retard pris pour le compte de 1402 eut ainsi

des conséquences fâcheuses sur l’examen des suivants82. Lorsque les deux Chambres

devaient se relayer dans l’analyse des comptes successifs, l’effet était alors désastreux :

ainsi le compte fini le 10 septembre 1419 demeura 3 ans sans être clos à Dijon, car les

maîtres bourguignons attendaient les comptes de 1412 et 1415 rendus à Lille83. Enfin,

l’organisation même du travail des Chambres semble avoir posé problème. On

demandait beaucoup aux maitres dijonnais, dans le gouvernement du duché, le Conseil,

la justice, la gestion et l’ordonnancement84 ; il en allait de même à Lille. Dans

l’institution septentrionale, les choses se sont aggravées par l’absence d’une

organisation en bureaux, tel qu’elle était apparue à Dijon. Là, des équipes resserrées et

distinctes effectuaient l’audition, puis la clôture, les rôles étant clairement attribués85,

les mêmes officiers se livrant bien souvent à tel ou tel type de compte sous Jean sans

Peur. À Lille aucun bureau ne fut organisé, les étapes n’étant pas distinguées ni

attribuées clairement. Au contraire, tous les maîtres s’estimèrent indispensables à la

clôture de ce compte stratégique, la Chambre prenant des airs d’armée mexicaine86. Au

total, si Jean sans Peur n’est pas seul responsable de cette perte relative de contrôle, sa

politique et ses actions ont aggravé le processus. Reste à mesurer plus en détail la

réalité du contrôle de chaque compte, en observant la précision technique du travail

effectué, au prix de délais parfois élevés.

Le calcul

31 Les gens des comptes calculaient réellement87. Outre l’analyse des mains qui montre

qu’ils rédigent les sommes88, certains textes éclairent ces pratiques, comme le mémoire

transmis en 1439 par Jean Bonost aux Lillois au sujet de la recette générale : il y

explique qu’il a réexaminé 6 comptes de Guy Guilbaut et « regettés et examinées toutes

les sommes des chapitres et les sommes totales de recepte et despense de chacun des

comptes », enfin effectué les corrections89. Or, si l’on refait les calculs réalisés dans les

deux chambres, on constate une quasi-perfection des résultats malgré l’usage d’une

dizaine de monnaies (9 en 1405). Le compte de 1405-1406 rendu à Lille montre que les

490 parties de recettes ont donné lieu à un décompte parfait dans toutes les sommes de

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Page 13: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

chapitres, grosses sommes et finales, jusqu’à l’obole près. Des opérations de conversion

montrent une maîtrise exacte des taux90. Le compte de 1393-1394 remis à Dijon montre

sur 360 parties, réparties en 48 sommes elles-mêmes comprises dans 3 grosses sommes,

une erreur d’1 denier sur plus de 300 000 francs, 1/72 000 000e d’erreur. Or les calculs

effectués au fil du compte n’étaient pas les seuls, puisque certaines parties étaient elles-

mêmes le fruit d’une addition préalable. Il fallait alors vérifier sur le rouleau les

différentes sous-parties, travail que les gens des comptes effectuaient également91. Sur

ce plan, le travail d’examen de la recette générale semble irréprochable, ce qui n’était

peut-être pas forcément le cas sur des recettes locales. En la matière, les deux

Chambres partageaient une culture pratique d’excellent niveau, rehaussée par des

expériences communes lors de leurs voyages. En revanche, le travail de confrontation

des parties entre les différents comptes était une opération autrement délicate.

La délicate question des corrections

32 Pour être efficace, le contrôle des recettes du compte général exigeait des corrections

sur les agents abondant la recette générale, qui puisait ses revenus dans de très

nombreuses caisses locales : 96 % des parties de recettes en 1393 exigeaient de telles

corrections92, qui représentent environ 10 000 parties pour notre période (fig. 10).

Figure 10. Évolution du niveau de précision des corrections dans la recette générale

33 Or la structure bipolaire de l’État bourguignon exigeait un échange permanent

d’informations entre les deux Chambres : lorsque le receveur général avait été financé

par le receveur de Douai, les maîtres dijonnais ne pouvaient accéder au compte de

celui-ci sans l’intermédiaire des maîtres lillois. Ces échanges pouvaient même

concerner d’autres administrations princières : si les versements de receveurs bretons

lors de l’administration bourguignonne de la Bretagne ne purent sérieusement être

contrôlés93, il en allait tout autrement des officiers royaux sur lesquels le roi assignait

les dons nombreux faits aux ducs. Pour communiquer, les Chambres de Paris, Dijon et à

Lille s’envoyaient des cahiers d’extraits de comptes rendus en leur sein mais impliquant

un officier rendant compte ailleurs. Concernant la Chambre royale, les extraits étaient

envoyés à la Chambre de Dijon94, qui contrôla cette information vitale jusque dans les

années 142095. Cette procédure autorisée par lettre royale du 30 juin 138896 intervint

alors que Philippe le Hardi était duc de Bourgogne depuis 25 ans : ce n’est qu’une fois la

recette générale détachée de la Bourgogne, et une fois les grandes structures de l’État

bourguignon mises en place qu’il jugea utile d’établir cette pratique. On procéda alors à

des vérifications bien plus anciennes, jusque dans les années 136097.

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Page 14: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

34 La mise en place du système en 1388, peu de temps avant le début du règne personnel

de Charles VI ne fut apparemment nullement affectée par les changements politiques :

le roi, qu’il gouverne seul ou sous tutelle après le début de ses crises de folie en 1392, ne

manifesta aucune opposition aux échanges entre Paris et Dijon. Ils se poursuivent

presqu’annuellement jusque 140298. En revanche, la diminution d’influence de Philippe

le Hardi à partir de 1401 et surtout de Jean sans Peur eut des effets négatifs jusque

141399. Ce dernier dut même obtenir un mandement royal le 20 novembre 1411, afin que

la Chambre de Paris envoyât les extraits concernant les comptes rendus après le 30 juin

1400100.

35 Le contrôle effectif de Paris était donc vital pour le bon fonctionnement de ce système,

qui connut de nouveaux ratés après 1413, date du départ des Bourguignons de Paris. Il

fallut attendre 1422 pour voir de nouveaux extraits arriver à Dijon, non sans peine101.

Encore en 1428, l’administration bourguignonne en était à réclamer des extraits pour la

période 1413-1428, preuve des limites de l’alliance anglo-bourguignonne102. Ce retard se

traduisit directement par une incapacité à vérifier les opérations. Elle empêcha même

l’administration bourguignonne d’être entièrement payée de certains agents royaux

qui auraient dû abonder les caisses du duc, conformément aux décisions royales. Le

receveur des aides Alexandre Le Boursier parvint ainsi à détourner 1083 livres, 11 sous

et 8 deniers tournois, et la majorité des assignations n’étaient plus payées103. En outre,

le temps des corrections fut extrêmement long, les quelques paiements effectués pour

le compte de 1412 par des agents royaux ne furent corrigées qu’après le 20 mars 1439,

une fois les extraits de comptes passés de Paris à Dijon puis Lille104. Ce faisant, les

Chambres affirmaient cependant une vision de long terme de l’État : il n'était pas

question d’effacer la dette.

36 Parallèlement, les échanges d’information furent perturbés au sein même de l’État

bourguignon. En général, la circulation des extraits entre Flandre et Bourgogne était

assez fréquente105. Mais ce système supposait une volonté d’organisation solide du

pouvoir central, seul capable de coordonner les deux institutions. Cet effort était patent

dans les années 1390, mais fit défaut par la suite : dans le sens Lille-Dijon, on ne trouve

pas trace d’envois d’extraits entre 1398 et 1409, ni dans l’autre sens entre 1399 et 1409.

Les années 1410 ne retrouvèrent jamais l’efficacité initiale. L’envoi d’un double du

compte de la recette général rendu à Lille vers Dijon explique en partie ce recul des

extraits. Mais il ne remplaçait pas les informations tirées des recettes locales.

37 Le degré de précision des comptabilités s’en ressent (fig. 10) : le pourcentage des parties

du compte général réellement corrigées à partir des recettes locales suit les mêmes

rythmes. Après des débuts difficiles, on atteint une quasi-perfection dans les années

1390, avec des vérifications proches de 100 % quelle que soit l’origine du paiement

versé au receveur général. Suit une dégradation durant les années 1400 qui touche

d’abord les corrections concernant les paiements effectués par l’administration royale,

puis ceux effectués par des comptables rendant compte à Dijon, lorsque les comptes du

receveur général étaient examinés à la Chambre de Lille.

38 Il semble qu’on ait mis au point un système très poussé dans les années 1380, qui a tenu

quelques années avant de se dérégler, malgré la multiplication des réformes et

ordonnances sous Jean sans Peur : les difficultés de l’État bourguignon perturbèrent un

système dont l’enjeu n’apparaissait peut-être pas aussi capital, d’autant que les tâches

des maîtres des comptes se multipliaient106.

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Page 15: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

Des résistances au transfert et à l’uniformisation des pratiques ?

Chambres des comptes et identités locales

39 Les maîtres dijonnais s’étaient logiquement opposés au transfert de la recette générale

à Lille : ils formulèrent leurs réticences dans plusieurs lettres conservées à Lille107. Ces

résistances n’eurent pas d’effets sur le transfert. Certes, le Dijonnais Jean Bonost

rappela encore dans les années 1420 que les comptes centraux relevaient de la Chambre

dijonnaise108, mais l’affaire ne fit pas grand bruit. Les maîtres dijonnais durent donc se

contenter de se faire envoyer les comptes doublés des receveurs rendant à Lille, pour y

faire leurs propres corrections109. Par une lettre du 24 avril 1416, ils réclamèrent ainsi le

double du compte de Robert de Bailleux110. Probablement était-ce le résultat des

infortunes du contrôle lillois mentionnées plus haut. La Chambre lilloise montra

d’ailleurs une certaine réticence à répondre à leur demande, la repoussant jusqu’à la

clôture du compte, manière de garder ainsi la mainmise sur l’opération111. De leur côté,

les gens des comptes lillois, qui se plaignaient régulièrement de leur surcharge de

travail112, ne semblèrent pas refuser le transfert, du moins n’en trouve-t-on pas de

trace. Ce glissement s’explique peut-être par un point majeur : il semblerait que le

versement d’une redevance par les comptables aux examinateurs, et qui s’apparente

aux épices dues aux magistrats, ait été bien plus développé en Flandre qu’en

Bourgogne113. Dès lors, les Lillois avaient davantage à gagner au transfert que les

Dijonnais à perdre.

40 Enfin, malgré cette évolution, jamais les pratiques des Chambres ne furent totalement

fondues : outre le cas des épices (ce que l’on appelait le penneghelt), l’exemple de la

langue française utilisée à Lille (sauf lorsque des maîtres dijonnais venaient les épauler)

est éclairant. Il reprenait des traditions antérieures, parfois présentes en Flandre114, et

surtout dans les territoires de Marguerite de France, Artois et Franche-Comté115. De

même, jamais les maîtres dijonnais ne purent imposer que les Lillois effectuassent des

décomptes séparés dans les bilans des comptes des autres séries comptables,

notamment la recette générale de Flandre-Artois116. En outre, l’imitation du modèle

royal, parfaitement assumé à la Chambre de Dijon, ne fut pas aussi clairement

revendiqué à Lille, n’étant jamais cité lors de la fondation de la Chambre de 1386117,

alors qu’il y est fait expressément référence à Dijon la même année118. Paradoxalement,

il fallut attendre le principat de Philippe le Bon pour qu’on constate une volonté

d’opérer une certaine standardisation, notamment dans le décompte des monnaies. Or

le troisième duc Valois avait marqué une certaine prise de distance avec la royauté

française. C’est pourtant sous son principat qu’on vit davantage apparaître des

références parisiennes à Lille, où dans un souci de remise en ordre, le modèle incarné

par les bonnes pratiques dijonnaises et parisiennes fut rappelé119. Cette tentative de

« réformation » ne mit d’ailleurs nullement fait au transfert de l’examen du compte

général de la Bourgogne vers la Flandre.

Conclusion

41 En matière de contrôle comptable, l’État bourguignon n’était pas organisé sur une

centralisation complète, les deux Chambres travaillant de concert, sans grande hostilité

et dans une certaine autogestion. Certes, en 1385, une centralisation à Dijon avait été

soulevée mais aussitôt abandonnée pour les frais et délais occasionnés depuis le nord120.

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Page 16: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

Quoiqu’il en soit, le système pouvait être efficace, lorsqu’il s’agissait d’une priorité, à

savoir dans les premiers temps : il n’était pas en lui-même un obstacle à la

centralisation. De même, les compétences techniques mathématiques ou les méthodes

de travail ne semblent guère avoir posé de problème à l’une ou l’autre Chambre,

d’ailleurs très proches dans leur manière de fonctionner et s’influençant

réciproquement au fil du temps : l’appartenance à une koinè franco-bourguignonne des

Chambres parisienne, dijonnaise et lilloise fut un atout pour l’examen de la recette

générale et sa création se fit sans grande difficulté d’examen au départ.

42 À moyen terme, les nécessités de mener un examen précis, digne du style parisien de

ces Chambres, le besoin d’un transfert d’informations, voire d’un vivier commun

rendait d’autant plus précieux l’ancrage parisien, la conjoncture politique du royaume

ayant des effets directs sur le bon fonctionnement de l’ensemble. Ce système complexe

était cependant sujet à dérèglement : la guerre civile, le transfert de Dijon vers Lille,

précipité et subi par le prince, sans cadre institutionnel précis, se combinèrent avec

l’accumulation des retards, ayant des effets douloureux sur l’examen. Mais si le système

mis en place ne donna pas lieu à une procédure régulière dans le temps, c’était aussi

parce qu’il n’avait pas d’utilité de court terme. Il permettait surtout de défendre pour le

principe le droit du prince, même en retard, de montrer que même après 40 ans, une

somme découverte pouvait être réclamée, à condition d’avoir été découverte… encore

qu’au total le taux d’élucidation soit demeuré assez élevé, malgré les crises, le principe

de suspicion systématique du comptable demeurant.

43 Davantage que sous les ordres d’un conseil des finances qui n’existait pas encore, cette

organisation bipolaire fonctionnait donc grâce à une certaine fluidité et aux

adaptations de ses officiers, partageant une culture administrative commune, héritée

d’une longue tradition de circulation. Il est discutable d’attribuer le glissement à la

volonté du prince : les circonstances, et surtout les demandes des receveurs dictèrent

ce choix davantage qu’une conscience globale de l’évolution de leur État. Au total, ceux

qui manifestèrent le plus de prudence dans ce transfert semblent être les ducs eux-

mêmes, réticents à modifier l’ordre originel voulu par Philippe le Hardi dans un cadre

encore très bourguignon. Cet univers franco-bourguignon ne disparut d’ailleurs

nullement après 1419, des rapports étant maintenus notamment entre Lille et Paris,

mais la mainmise bourguignonne sur le gouvernement royal avait été brisée à

Montereau, et par là le lien financier entre le roi et le duc121. Paris s’effaçait, mais elle

fut rapidement remplacée par un nouveau pôle, brabançon, celui de la Chambre de

Bruxelles122, ce qui accrut encore le transfert vers le nord du centre de gravité, et

favorisa définitivement Lille.

NOTES

1. Dans la vaste bibliographie, la dimension étatique a été puissamment soutenue par les quatre

biographies des ducs Valois de Richard Vaughan. La mise en avant des enjeux relatifs à

l’autonomie urbaine et à sa confrontation au pouvoir bourguignon est désormais bien connue, en

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Comptabilités, 14 | 2021

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Page 17: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

particulier pour le cas flamand. On renverra aux travaux de Marc Boone, notamment À la

recherche d’une modernité civique. La société urbaine des Pays-Bas au bas Moyen Âge, Bruxelles, éditions

de l’Université de Bruxelles, 2010. Voir aussi les travaux de Jan Dumolyn et Jelle Haemers, en

particulier « Les bonnes causes du peuple pour se révolter. Le contrat politique en Flandre

médiévale d’après Guillaume Zoete (1488) » dans François Foronda (dir.), Avant le contrat social. Le

contrat politique dans l’Occident médiéval. XIIIe-XVe siècle , Paris, Publications de la Sorbonne, 2011,

p. 327-348. Pour une synthèse générale, B. Schnerb, L’État bourguignon, 1363-1477, Paris, Perrin,

1999, et É. Lecuppre-Desjardin, Le royaume inachevé des ducs de Bourgogne, Paris, Belin, 2016.

2. A. Van Nieuwenhuysen Les Finances du duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1384-1404). Économie et

politique, Bruxelles, Éditions de l’Université Libre de Bruxelles, 1984 ; J.-B. Santamaria, La Chambre

des comptes de Lille de 1386 à 1419. Essor, organisation et fonctionnement d’une institution princière,

Turnhout, Brepols, 2012.

3. R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du moyen âge, II, Les États de

la maison de Bourgogne, 2 vol., 1. Les principautés du Sud ; 2. Les principautés du Nord, Paris,

éditions du CNRS, 1984 et 2001, t. 1, p. 27-30 ; J.-B. Santamaria, La Chambre des comptes…, op. cit., p.

251-255.

4. R. Vaughan, John the Fearless The Growth of Burgundian Power, Londres, The Boydell Press

(Longman, 1966) 2002 ; les études plus récentes mettent cependant en avant les qualités

gestionnaires de ce prince, qui dût faire face à des conditions politiques exceptionnelles lorsque

l’accès au trésor royal lui fut fermé. B. Schnerb, Jean sans Peur. Le prince meurtrier, Paris, Payot,

2005 ; J.-M. Cauchies, « Droit édictal, gestion et domaine : la Flandre sous le duc de Bourgogne

Jean Sans Peur (1405-1419) », dans Pouvoir et Gestion. Cinquièmes rencontres (29-30 novembre 1996,

Toulouse, Presses de l’Université des Sciences Sociales, 1997, p. 87-96.

5. Dans l’abondance de richesse, outre aux travaux de Bertrand Schnerb déjà mentionnés, on

renverra pour l’exemple à l’étude de la cour de Bourgogne à Paris sous les deux premiers ducs

Valois : F. Berland, La cour de Bourgogne à Paris, 1363-1422, thèse soutenue à l’université Lille-3 en

2011 sous la direction de B. Schnerb.

6. Thème éminemment fécond pour l’étude des finances. On renverra notamment aux

publications de la revue en ligne Comptabilités, touchant notamment la codicologie (vol. 2), la

rhétorique (vol. 4) et les techniques mathématiques et comptables vol. 7).

7. G. Castelnuovo, « Service de l’État et identité sociale. Les Chambres des comptes princières à la

fin du Moyen Âge », Revue Historique, n° 618, 2001/2, p. 489-510.

8. H. Jassemin, Le contrôle financier en Bourgogne sous les derniers ducs capétiens (1274-1353),

Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, t. LXXIX, 1918, p. 102-141.

9. B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, « Les chefs des finances ducales de Bourgogne », Mémoires de la

société pour l’histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, IV,

1937, p. 5-77.

10. A. Van Nieuwenhuysen, « Documents relatifs à la gestion des finances de Philippe le Hardi,

duc de Bourgogne et comte de Flandre (1384-1404) », Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, t.

CXLVI, 1980, p. 69-312. J.-B. Santamaria, La Chambre des comptes…, op. cit., p. 60-72.

11. B.-A. Pocquet du Haut Jussé, « Les chefs des finances… », op. cit., p. 25.

12. Archives départementales de Côte d’Or (désormais ADCO) B 1430-1, fol. 28 v°.

13. Cet homme est en service du 27 juin 1363 au 1er mai 1367, par commission du 10 juillet 1363. Il

tire ses recettes non pas d’une base territoriale, mais des recettes royales abandonnées au duc,

notamment les aides en Bourgogne. Ses dépenses sont celles des gens d’armes commandés par le

duc au nom du roi. B.-A. Pocquet du Haut Jussé, « Les chefs des finances… », op. cit., p. 25.

14. ADCO B 1430-1, fol. 1 r°.

15. 17 à 18 registres couvrant 15 années de recette de Dimanche de Vittel furent clos le 31

décembre 1369 et les jours suivants par une commission mixte. B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, « Les

chefs des finances… », op. cit., p. 27-28.

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Comptabilités, 14 | 2021

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Page 18: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

16. E. Andt, La Chambre des Comptes de Dijon à l’époque des ducs Valois, t. 1, Paris, Librairie de la société

du recueil Sirey, 1924, p. 7, R. Vaughan, Philip the Bold…, op. cit., p. 128-131.

17. ADCO B 1467, 1469, 1475, 1479, 1487, 1495,1500, 1501, 1503, 1508, 1511, 1514, 1517, 1519, 1521,

1526, 1532, 1538, 5520.

18. Archives départementales du Nord (désormais ADN) B 1878, 1894, 1897, 1903.

19. ADCO B 1547, 1554, 1556, 1558, 1560, 1562, 1572, 1573, 1576, 1601, 1603. L’essentiel des

comptes de Jean sans Peur furent rendus à Dijon, entre 1406 et 1411, 1412 et 1414, et après 1415.

20. ADN B 1603, fol. 11 r°. Il fallut une lettre ducale du 6 février 1423 pour autoriser la reddition

des comptes de 1419-1423 à Lille. ADN B 1920. En novembre 1423 un maître dijonnais, Jean

Bonost, fut dépêché à Lille.

21. ADN B 1938.

22. Son premier compte est conservé pour l’année 1431. Il porte d’abord le titre de gouverneur

général de la dépense extraordinaire, puis celui de receveur général. R.-H. Bautier et J. Sornay,

Les sources…, op. cit., p. 39.

23. ADN B 1895, fol. 4-5.

24. Archives municipales de Courtrai, B, Ville, codex 322 fol. 1 v°. Compte du « gouverneur

général de l’extraordinaire ».

25. Ce sujet avait été ouvert par le séminaire tenu par W. Paravicini et B. Schnerb sur Paris,

capitale de Bourgogne. W. Paravicini et B. Schnerb (dir.), Paris, capitale des ducs de Bourgogne,

Ostfildern Thorbeke, 2007 ; F. Berland, La cour de Bourgogne à Paris, 1363-1422, op. cit.

26. ADN B 17616, chemise « Indéterminés. Recette indéterminée ». « s’il plaist Dieu que

monseigneur soit a Paris comme je espoire que a grant joye il y doie estre bien brief, il m’est de

necessité y estre et aler pour cause des grans obligacions que j’ay faictes par commandement de

mon dit seigneur tant pour le fait du roy comme pour le sien ». Lettre aux gens des comptes datée

d’Amiens le 6 février 1414.

27. B.-A. Pocquet du Haut Jussé, « Les chefs des finances ducales... », op. cit. ; B. Schnerb, Jean sans

Peur..., op. cit., p. 325-330.

28. J.-B. Santamaria, « Crimes, complots et trahisons : les gens de finance du duc Philippe le Bon à

l’ère du soupçon (v. 1420- v. 1430) », Publication du Centre européen d'études bourguignonnes (XIVe-XVIe

s.). Rencontres de Liège (20-23 septembre 2007) : « L’envers du décor : Espionnage, complot, trahison,

vengeance et violence en pays bourguignons et liégeois », n° 48, 2008, p. 91-113.

29. ADCO B 1501. Pour les despens de Jehan de Pressy, receveur d’Arraz, son varlet et deux chevaux a estre

venuz de Paris dudit Arraz a Dijon pour rendre cest present compte par l’ordonnance dudit Pierre de

Montbertaut partans dudit lieu de Paris d’Arraz le IIIe le XXVe jour (d’aoust) de juille mil CCC IIIIXX XVII pour

venir audit Dijon, sejournant illec en la Chambre des comptes en randent ycellui comptes jusques au XXe

jour d’octobre ensuivant et cinq jours pour son retour a Paris, ouquel temps sont IIIIXX IIII jours et n’a peu

plus tost estre delivré pour pluseurs occupacions que la Chambre a eues pour les besongnes de monseigneur

avec les gens du conseil et autrement au feur de XIII s. IIII d. par jour, valent. LVI frans. Pour les despens et

salaires d’un voitturier qui a amené sur un cheval sommer ces presentes comptes ensemble les lettres

appartenant a yceulx XII frans VI frans ».

30. ADN B 17616. Lettre ducale du 2 juillet 1415.

31. ADN B 1903.

32. Certains maîtres comme Jean Bonost tentèrent en vain de faire valoir la supériorité

dijonnaise durant les années 1420. J-B. Santamaria, « Un maître prévaricateur à la Chambre des

comptes de Lille sous Philippe le Bon : Roland Du Bois », dans W. Paravicini et B. Schnerb (dir.), La

Face noire de la Splendeur : crimes, violences, malheurs et trahisons à la cour de Bourgogne aux XIVe et XVe

siècles, Revue du Nord, t. 91, n° 380, 2009, p. 421-447.

33. J.-B. Santamaria, La Chambre des comptes…, op. cit., p. 169-214.

34. ADCO B 1500.

Le contrôle de la recette générale de toutes les finances des ducs de Bourgog...

Comptabilités, 14 | 2021

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Page 19: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

35. ADN B 1878.

36. ADCO B 1500, fol. 57 v°.

37. ADN B 1878, fol. 102 r°.

38. ADN B 1878, fol. 167.

39. AND B 1878 fol. 167 r°.

40. ADCO B 1500, fol. 57.

41. ADN B 1878, fol. 167 r°. Le caractère collectif et postérieur de ces délibérations existe déjà à

Lille alors qu’aucun bureau n’est mentionné. Une fois la délibération prise, le locatur est souligné,

ce qui indique que la difficulté est réglée.

42. ADCO B 1500, fol. 57 v°.

43. ADN B 1878, fol. 73-74.

44. ADCO B 1500, fol. 26 v°. ADN B 1878, fol. 68 r°.

45. ADCO B 1500, fol. 23 r°. ADN B 1878, fol. 73 v°.

46. ADCO B 1500, fol. 23 r°. ADN B 1878, fol. 219 r°.

47. ADCO B 1500, fol. 185 v° : « Auditus Dioni et clausus die XXVIII junii presente dicto thesaurario

M CCC IIIIXX ». ADN B 1878, fol. 219 r° : « Ce compte fu oy a Lille et cloz illec le XIIIe jour d’avril l’an M

CCCC et sept apres pasques presens J. de Pacy, Dreue Suquet, Pierre de Montbertaut et ledit

procureur ».

48. Voir le compte de 1367. ADCO B 1430.

49. ADN B 1878, fol. 68 r°.

50. ADN B 4086 fol. 104 r°. En particulier pour la recette générale de Flandre-Artois. Voir par

exemple le compte du 25 juin 1411 au 24 juin 1412.

51. Document intercalé dans les folios du compte B 1878.

52. La pratique est encore absente au compte de 1405-1406, mais est introduite au compte de

1412, corrigé par un maître dijonnais cependant en 1423 ; au compte de 1415, corrigé en 1425,

c’est un maître lillois qui apporte cette précision.

53. La première mention dijonnaise date d’août 1406, pour le compte de 1401-1402. ADCO B 1526.

Ajoutons qu’au même moment, à Lille, les noms des clercs participant à l’audition sont alors

ajoutés. Voir par exemple le compte de Hesdin en 1408. ADN B 15077.

54. Jacques Wattiez, Les méthodes de travail des receveurs généraux de toutes les finances sous Philippe

le Bon, Diplôme d’études supérieures, Lille, 1959.

55. Ainsi d’un voyage, en Bourgogne de Jean Narso, clerc du receveur, auprès des receveurs et

châtelains en 1406. ADN B 1878, fol. 209 v°.

56. C’est le cas du receveur d’Hesdin remboursé dans son compte pour un voyage de Hesdin à

Liège en octobre 1408 auprès du receveur général. ADN B 15321 fol. 28 v°.

57. Ces comptes entre officiers n’étaient pas rendus, mais structuraient des rapports d’affaires

qui n’apparaissaient qu’en cas de litige ou d’investigation d’envergure, ce qui se produisit dans

les années 1420. Voir le rapport de Jean Bonost sur les pratiques en Flandre et Artois : ADN B 13.

58. ADCO B 1519 et 1526. Jean de Mes est ainsi clerc de Jean Despouillettes en 1400-1401, puis de

son successeur Jean Chousat en 1401-1402. Ce fait n’a pas été assez étudié, mais la place de ces

clercs est certainement essentielle.

59. Ainsi de Jean de Pressy, qui de receveur d’Arras devient receveur général puis retourne à la

recette d’Arras.

60. É. Andt, La Chambre des comptes…, op. cit., p. 5.

61. Conséquence notamment de la prise de Calais. J. Favier, La guerre de Cent ans, p. 117-126 : R.H.

Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique…, 2. Les principautés du Nord, p. 248-251.

62. Le compte de la Toussaint 1347 d’Hesdin fut entendu par une commission mixte groupant

officiers royaux, bourguignons et artésiens. C’est encore le cas en 1358. ADN B 15270, fol. 11.

Archives Départementales du Pas-de-Calais (ADPC) A 685.

63. ADN B 15532-15536.

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Page 20: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

64. J.-B. Santamaria, La Chambre des comptes…, op. cit., p. 60-68.

65. Il arrive le 16 mars 1409. ADCO B 15, fol. 80r° ; B 1547, fol. 42 r°.

66. En octobre 1409. ADCO B 1558, fol. 202 v°

67. En 1412-1413 Dreue Sucquet y rencontre à plusieurs reprises ses homologues dijonnais. ADN

B 1900, n° 53906 ; ADCO B 1572, fol. 25 v°.

68. ADN B 17616 « Domaine, gestion ». Lettre du 19 février 1414.

69. ADN B 17639 « Audition de comptes ».

70. Archives Nationales, JJ 120.

71. D. Prevost, Le personnel de la Chambre des comptes de Paris, thèse sous la direction de Claude

Gauvard, Paris, 2001, p. 675-681 ; il est commis à Lille en 1438. ADN B 1605, fol. 227.

72. D. Prevost, Le personnel…, op. cit., p. 115.

73. J. Kerhervé, L’État breton aux 14e et 15e siècles. Les Ducs, l’Argent et les Hommes, 2 tomes, Paris,

Maloine, 1987, t. 1, p. 375.

74. Selon l’ordonnance du 11 juillet 1386. É. Andt, La Chambre des comptes…, op. cit., p. 152.

75. Sur les liens entre domaine, comptabilité et croissance économique, notamment en Flandre :

E. Van Cauwenberghe, Het vorstelijk domein en de overheidsfinanciën in de Nederlanden (15de en 16de

eeuw), Bruxelles, Crédit communal de Belgique, 1982, notamment p. 388-392.

76. B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, « Les chefs des finances… », op. cit. p. 8.

77. Les baillis de Flandre étaient entendus le jour de leur fin d’exercice, et remettaient leur

revenant-bon au receveur général de Flandre. J.-B. Santamaria, La Chambre des comptes…, op. cit.,

p. 224. En Artois, l’abandon d’un système où les agents présentaient des excédents qu’il fallait

collecter au profit d’une utilisation directe de leurs comptes par des assignations eut les mêmes

effets au XIVe siècle. J.-B. Santamaria, « Ruptures politiques et mutations comptables au bailliage

d’Hesdin en Artois au XIVe siècle », Codicologie des documents comptables. Matières et formes -

modalités d'usages et d'archivage, Actes de la table ronde organisée par O. Mattéoni et P. Beck au LAMOP

(Paris I) les 1er et 2 octobre 2009, Comptabilités [En ligne], 2 | 2011, http://comptabilites.revues.org.

78. E. Cottereau, « Les contrats de copistes en France aux XIVe et XVe siècles et les modèles du

notariat bolonais », Mélanges de de l’École française de Rome, Moyen Âge, 119/2 (juin 2008), p. 15-45.

79. C’est le cas du compte de 1411-1412 notamment. ADN B 1894.

80. En particulier après la mort de Jean sans Peur, lorsque les comptables durent obtenir de

nouveaux mandements pour faire passer leurs paiements. Ce fut le cas des comptes de 1411-1412,

1414-1415 qui atteignirent des records.

81. ADN B 17611, chemise « Receveur général des finances ». La clôture du compte de Jean

Chousat fut ainsi retardée jusqu’à ce que ce dernier produise sur certaines parties une

certification des gens des comptes de Dijon. Lettre de Jean Chouat aux gens des comptes datée de

Paris, le 30 mars 1409.

82. ADCO B 1526 et 1532. Courant jusqu’au 21 février 1402, il ne fut clos que le 6 août, de sorte que

le suivant apporté en 1404 ne put être clos qu’après lui, le 14 octobre 1406.

83. ADCO B 1603.

84. B. Schnerb, « L’activité de la Chambre des comptes de Dijon entre 1386 et 1404 d’après le

premier registre de ses mémoriaux », dans P. Contamine et O. Mattéoni (dir.), La France des

principautés. Les Chambres des comptes XIVe et XVe siècles. Colloque tenu aux Archives départementales de

l’Allier, à Moulins-Yzeure, les 6, 7 et 8 avril 1995, Paris, CHEFF, 1996, p. 55-64.

85. Ainsi pour le compte de 1403-1404 entendu par Andries Paste et Nicolas Le Vaillant, maîtres,

et clos par le maître Gombaut et le clerc Mareschal. ADCO B 1538. On retrouve fréquemment les

mêmes équipes dans les comptes suivants.

86. À chaque clôture, notamment lorsqu’il y a plusieurs clôtures suite à de nouvelles découvertes

dans les corrections les maîtres et les clercs sont cités en 1419, et il en va de même en 1425 et

1427. ADN B 1894 et B 1903.

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Page 21: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

87. Il n’est plus question de se demander si les gens des comptes comptaient, comme se le

demandait Lucien Febvre, dans son article critiquant les travaux d’Henri Jassemin. L. Febvre,

« Comptabilité et chambre des comptes », Annales d’Histoire Économique et Sociale, n°26, 1934 (2), p.

148-154.

88. Ils faisaient en la matière preuve de dextérité à Lille. J.-B. Santamaria, La Chambre des

comptes…, op. cit., p. 193.

89. ADCO B 488.

90. Ainsi d’un ¼ d’écu, d’une valeur de 18 sous parisis l’écu, converti en 4 sous 6 deniers parisis.

ADN B 1878, fol. 62 r°. On peut trouver des arrondis d’un 1/3 de denier, qui ne sont pas des

erreurs : on observe que la fraction a été volontairement supprimée entre le texte de la partie et

la somme. Ibid., fol. 68.

91. ADN B 1878, fol. 63 r°. En marge d’une partie regroupant plusieurs dépenses d’épicerie : « Les

parties dudit roolle ont esté jectées, veues et examinées ».

92. ADCO B 1500.

93. ADCO B 1532. Les gens des comptes dijonnais les réclamèrent en vain au compte de 1402-1403.

94. 10 envois attestés entre 1388 et 1413, 3 entre 1422 et 1444, mentionnés dans les notes de la

recette générale.

95. ADCO B 486. A la fin des années 1420, la Chambre dijonnaise prévoit de se faire envoyer des

extraits de Paris.

96. Renouvelée le 8 mars 1392. A. Van Nieuwenhuysen, « Documents relatifs… », op. cit., p. 81.

97. Le premier fut reçu en août 1388, et permit de réviser les comptes depuis les années 1360. Il

est mentionné au compte de 1368. ADCO B 1430-2, fol. 87 r°.

98. 1388, 1391, 1393, 1394, 1396, 1397, 1399, 1401, 1402.

99. Aucun extrait durant 11 ans. Encore le dernier extrait du 30 mars 1402 est-il partiel. ADCO B

1508.

100. Bibliothèque Nationale, Français 20458, pièce 105. Contrairement à la mention de R. H.

Bautier et J. Sornay, aucun extrait n’est envoyé le 30 juin 1407 contenant des extraits depuis 1397.

La description correspond à l’envoi daté du 30 juin 1401. Il s’agit d’une coquille.

101. ADCO B 1576.

102. Un mémoire rédigé vers 1428 mentionne le fait que les gens du roi ont été plusieurs fois

requis depuis 1413 d’envoyer de nouveaux extraits, surtout en 1424 par Jean Bonost puis encore

en 1428. ADCO B 4162.

103. B. Schnerb, « Jean sans Peur, Paris et l’argent », dans Werner Paravicini et Bertrand Schnerb

(dir.), Paris, capitale des ducs de Bourgogne, Ostfildern, Thorbecke, 2007, p. 265-298, p 282-284.

104. ADN B 1894 bis, fol. 21 r°.

105. De Lille vers Dijon : en 1388, 1389, 1392, 1394, 1395, 1396, 1398, 1409, 1412, 1415, 1421. De

Dijon vers Lille : 1387, 1392, 1393, 1395, 1399, 1409, 1412, 1413, 1423. ADCO B 1463 et série de la

recette générale.

106. Exercice de la justice, contrôle de plus en plus étendu, participation au gouvernement des

finances… J.-B. Santamaria, La Chambre des comptes…, op. cit., p. 317-400.

107. Ainsi en 1416. ADN B 17621, chemise « Recette générale ».

108. Dans son rapport accablant contre les gens des comptes réalisé à la fin des années 1420. ADN

B 13, fol. 24 v°.

109. ADN B 17621, chemise « Recette générale ». Ces doubles sont toujours conservés à Dijon.

110. Ibid.

111. Réponse conservée sous forme de minute du 3 juin 1416. Ibid.

112. ADN B 4091, fol. 194. Ils obtinrent même pour leur peine un don collectif le 22 juillet 1419.

113. Le caractère outrancier de ce penneghelt est dénoncé par Jean Bonost. ADN B 13, fol. 45. Cette

pratique perdure à l’époque moderne. A. Vandenbulcke, Les Chambres des comptes des Pays-Bas

espagnols, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1996, p. 157-159.

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Page 22: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

114. L’essentiel des notes marginales reste en latin. Ainsi de la recette générale de Flandre rendu

en 1374 : 4 notes en latin et une clôture en français. Archives Générales du Royaume, CC 2704.

115. De telles notes en français et en latin sont ainsi présentes dans les comptes de Pierre Vury

de Dôle, trésorier au bailliage d’Aval : voir celui courant de la saint Michel 1368 à la Saint Michel

1369, et le suivant. ADCO B 1431 et 1432. Pour l’Artois, voir Hesdin au même moment : ADN B

15275.

116. Au grand dam de Jean Bonost qui y voit perte de temps et source d’erreurs. ADN B 13, fol. 24

v°.

117. ADN B 1598, fol. 44-45. Instruction et ordonnance du 15 février 1386.

118. A. Van Nieuwenhuysen, « Documents relatifs… », op. cit., p. 75-81.

119. ADN B 93. Pour justifier l’octroi aux gens des comptes d’un droit de prélever du bois dans ses

forêts, Philippe le Bon invoque le 29 mars 1430 le droit similaire des gens des comptes à Bruxelles

et à Paris, « et d’aultres princes et seigneurs de nostre sang ».

120. Un rapport des commissaires Creté, Blarye et Gombaut rédigé vers le 12 octobre 1385

rejetait catégoriquement la possibilité alors à l’étude de centraliser le contrôle des finances à

Dijon « plus somptueuse chose et moins prouffitable » les motifs financiers liés aux déplacements

des comptables l’emportaient. ADCO B 488.

121. B. Schnerb, L’État bourguignon, op. cit. p. 154-171. Ce repli toucha aussi le recrutement des

officiers, moins parisien désormais, encore qu’il faille nuancer l’analyse tranchée de John Bartier.

J. Bartier, Légistes et gens de finances au XVe siècle, 2 volumes, Bruxelles, Palais des Académies, 1952

et 1955, t. 1, p. 3-9.

122. L’avènement de Philippe dans le duché brabançon en 1430 constitue à ce titre un tournant,

ouvrant la voie à une « décennie critique ». R. Vaughan, Philip the Good. The Apogee of Burgundy,

Londres, The Boydell Press (Longman, 1970) 2002, p. 54-97. Mais les tendances étaient déjà

sensibles avant.

RÉSUMÉS

Le compte de la recette générale de toutes les finances, qui permettait d’assurer les dépenses

centrales de l’administration et de la cour bourguignonne, donne l’impression d’une solide

permanence du fait de l’existence d’une série quasiment continue conservée à Dijon et Lille. La

solidité réelle de la machine bureaucratique bourguignonne ne doit cependant pas occulter les

multiples vicissitudes accompagnant le processus de formation d’une administration financière

organisée par Philippe le Hardi à partir de 1384 autour de deux Chambres des comptes

fonctionnant en réseau et associant la Chambre royale de Paris. La décision de Jean sans Peur de

transférer provisoirement l’examen de la recette à Lille amorce un tournant décisif dans

l’histoire du contrôle de cette recette, une translatio computorum qui ne s’achève que sous Philippe

le Bon. En analysant les conditions techniques et matérielles du contrôle, on observe combien fut

décisive au sein d’un État encore très lié à Paris, la circulation des pratiques et des normes à

l’intérieur d’une aire culturelle sur le plan administratif, sans supprimer pour autant les

résistances locales ou les pratiques propres au style de chaque administration provinciale :

émerge ainsi plus clairement le caractère original d’une construction politique n’opposant pas

nécessairement progression de l’État moderne, centralisme opportuniste et maintien de

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Page 23: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

structures régionales héritées des principautés antérieures à l’avènement des ducs Valois de

Bourgogne.

The general receipt of all finances was the main office in charge of paying the central expenses of

the dukes of Burgundy. Its accounts are still archived in Dijon and Lille: those standardized

documents give us a sense of stability. They are testimony to the solidity of the Burgundian

bureaucracy, which was nevertheless subject to unexpected challenges as the financial

administration grew from 1384, when Philip the Bold united Flanders, Artois and Burgundy. He

organized a dual centralization connecting two chambers of accounts, which were also linked to

the royal chamber of Paris. When John the Fearless decided to temporally transfer the

examination of the receipt from Dijon ton Lille, he initiated a major change in the history of the

control of this account. That process of translatio computorum ended under the government of

Philip the Good. The analysis of the technical and material condition of examination of those

accounts shows the intensity of circulation of bureaucratic norms and uses within a common

area of administrative culture, the Burgundian State, which was still closely linked to Paris. But

that process did not erase local resistance and practices specific to the style of each provincial

administration. Such an analysis shows the original character of a political construction which

combines apparently contradictory tendances: progress of the modern State, opportunistic

centralization and preservation of regional structures inherited from the principalities gathered

by the Valois dukes of Burgundy.

La cuenta del ingreso general de toda la Hacienda, que permitía cubrir los gastos básicos de la

administración y de la corte de Borgoña, procura la impresión de una sólida permanencia gracias

a la existencia de una serie casi continua conservada en Dijon y Lille. La efectiva solidez de la

maquinaria burocrática borgoñesa no debe ocultar las numerosas vicisitudes que acompañaron el

proceso de formación de una administración financiera organizada por Felipe el Atrevido desde

1384 en torno de dos Tribunales de Cuentas funcionando en red y asociando la Cámara real de

Paris. La decisión de Juan sin Miedo de transferir temporalmente el examen del ingreso a Lille

anuncia una inflexión decisiva en la historia del control de este ingreso, una translatio

computorum que se acabara solamente durante el reino de Felipe el Bueno. Al analizar las

condiciones materiales del control, se puede observar cuanto fue decisiva en un Estado todavia

muy vinculado a París, la circulación de prácticas y normas administrativas en una area cultural,

sin suprimir por si misma las resistencias locales o las prácticas propias del estilo de cada

administración provincial. Así surge más claramente el carácter original de una construcción

política donde no se oponen necesariamente progresión del Esatado moderno, centralismo

oportunista y permanencia de estructuras regionales heredadas de principados anteriores al

advenimiento de los duques Valois de Borgoña.

Das Konto der allgemeinen Einnahme aller Finanzen, mit dem die zentralen Ausgaben der

burgundischen Verwaltung und des Hofes bestritten wurden, erweckt aufgrund der in Dijon und

Lille aufbewahrten, fast durchgehenden Reihe den Eindruck einer soliden Beständigkeit. Die

tatsächliche Solidität der burgundischen bürokratischen Maschine darf jedoch nicht über die

zahlreichen Wechselfälle hinwegtäuschen, die den Prozess der Herausbildung einer

Finanzverwaltung begleiteten, die von Philipp dem Kühnen ab 1384 um zwei Rechnungskammern

herum organisiert wurde, die in einem Netzwerk funktionierten und die königliche Kammer in

Paris mit einbezogen. Die Entscheidung von Johann ohne Furcht, die Prüfung der Einnahmen

vorübergehend nach Lille zu verlegen, leitet einen entscheidenden Wendepunkt in der

Geschichte der Kontrolle dieser Einnahmen ein, eine translatio computorum, die erst unter

Philipp dem Guten abgeschlossen wird. Die Analyse der technischen und materiellen

Bedingungen der Kontrolle zeigt, wie entscheidend es in einem Staat, der noch eng mit Paris

verbunden war, war, dass Praktiken und Normen innerhalb eines Kulturraums auf

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Page 24: Le contrôle de la recette générale de toutes les finances

Verwaltungsebene zirkulierten, ohne dabei lokale Widerstände oder Praktiken, die dem Stil der

jeweiligen Provinzverwaltung entsprachen, zu unterdrücken: So wird der ursprüngliche

Charakter einer politischen Konstruktion deutlicher, die nicht zwangsläufig den Fortschritt des

modernen Staates, opportunistischen Zentralismus und die Beibehaltung regionaler Strukturen,

die von den Fürstentümern vor dem Aufstieg der Valois-Herzöge von Burgund geerbt wurden,

gegeneinander ausspielte.

INDEX

Palabras claves : Contabilidad, Estado borgoñon, escritura pragmática

Schlüsselwörter : Buchhaltung, Burgundischer Staat, pragmatische Schriftstellerei

Mots-clés : Comptabilité, État bourguignon, écrit pragmatique

Keywords : Accountancy, Burgundian State, pragmatic literacy.

AUTEUR

JEAN-BAPTISTE SANTAMARIA

Maître de conférences HDR en histoire médiévale, IRHiS–UMR 8529 (Univ. Lille, CNRS)

[email protected]

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