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gestion | réactovigilance 22 OptionBio | Lundi 24 novembre 2008 | n° 409 D ans le cadre de la réactovigilance (directive européenne 98/79/CE relative aux DM-DIV), l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) peut contrôler le marché des réactifs en France, grâce notamment aux déclarations des biologistes consécutives aux problèmes rencontrés lors de l’utilisation des réactifs, automates et autres dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Les réactifs de dosage de la prolactine L’hyperprolactinémie affiche une prévalence dans la population générale de 1 à 1,5 %. Elle déclenche alors selon le contexte clinique des explorations complémentaires, voire directement une mise sous traitement. Or, la problématique autour de l’interprétation de ce chiffre vient du fait que le dosage de la prolactine (PRL) pour- rait donner un résultat surestimé, notamment si la trousse de dosage reconnaît la forme dite macroprolactine. Le recensement d’études à ce sujet indique que différentes techniques sont en cause, testées avant et après isolement de macroprolactine par PEG (polyéthylène glycol) ou ultrafiltration. La forme active de la prolactine est monomé- rique (23 kDa), il existe par ailleurs des formes glycosylées moins actives (25 kDa), des formes dites big (bi- ou trimériques), voire macro- ou big-big qui sont des formes inactives présentant souvent un complexe PRL-IgG (de l’ordre de 150 à 190 kDa). La technique de référence à la nomenclature des actes de biologie médicale est la chromatogra- phie en filtration sur gel (B200). Le contrôle par l’Afssaps Le travail de l’Afssaps, dans un premier temps, est de vérifier que les notices produites par le fournis- seur répondent aux exigences de la directive. Sur le marché français, vingt dispositifs de dosage de PRL sont proposés par treize fournisseurs. Un groupe d’experts a été réuni, les notices des dif- férents fabricants leur ont été réparties pour ana- lyse à la fois réglementaire (vis-à-vis de la directive CE) et technique. À l’issue de ce travail, un rapport a été envoyé aux fabricants dont les réponses ont été attendues avant publication (rapport disponi- ble sur le site internet de l’Afssaps). Sur les vingt notices, une seule comportait des indications sur la macroprolactine, mais sans notion chiffrée, et proposait en cas de suspicion de macro-PRL un prétraitement par PEG. Six notices ont des phrases générales sur les interférences mais sans précision particulière, et treize n’en parlent pas du tout. En matière de raccordement métrologique, dix notices font référence au standard 84/500 (troi- sième standard intermédiaire de l’OMS), deux font référence à un standard plus ancien, huit n’abordent pas cet aspect. À la suite d’un courrier envoyé alors par l’Afssaps, certains se sont enga- gés à faire figurer des précisions sur la spécificité de leurs dosages. Enfin des non-conformités à l’égard des plages de mesure et d’un éventuel effet crochet ont pu être observées. Les recommandations de l’Afssaps À l’issue de ce travail, les recommandations enga- gent les fournisseurs à préciser dans leur notice les points énumérés dans l’encadré. L’Afssaps invite en parallèle les biologistes à s’assurer de la présence de ces informations par une lecture attentive de ces notices. Le contrôle du marché des réactifs en France, les exemples de la prolactine et de la troponine Dans le cadre de ses missions de réactovigilance relative au dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a été amenée à contrôler le marché des réactifs en France pour le dosage de la prolactine et celui de la troponine. Ces contrôles conduisent à la rédaction de recommandations à destination des industriels et des biologistes. Recommandations Afssaps aux fournisseurs et aux biologistes pour le dosage de la macroprolactine. Recommandations aux fournisseurs pour les informations devant figurer sur la notice Macroprolactine La notice doit décrire l’immunoréactivité du dosage vis-à-vis des différentes formes de prolactine, a minima la macroprolactine. Si possible, elle doit prévoir un protocole applicable pour les biologistes en cas d’hyperprolactinémie, y compris si le dispositif est décrit peu immunoréactif à la macroprolactine. De nouveaux éléments d’interprétation des résultats avec le protocole précité devraient également être précisés. Spécificité analytique Les autres compétiteurs pertinents à tester sont les suivants : hLH, hFSH, hTSH, hHCG, hGH, hPL. Raccordement au standard international 84/500 Le dispositif doit être raccordé au standard international 84/500. Les données détaillées de ce raccordement doivent apparaître. Le facteur de conversion approprié (ng/mL vs microUI/mL) doit figurer également. Effet crochet Les données relatives à un possible effet crochet doivent être décrites. Recommandations aux biologistes Le biologiste devra porter une attention particulière à certaines performances du réactif utilisé : immunoréactivité du dosage vis-à-vis des différentes formes de prolactine (a minima la macroprolactine), justesse (le raccordement au standard international 84/500), effet crochet. En l’absence de consigne pour séparer les différentes formes moléculaires de la prolactine, il est déconseillé aux biologistes (sauf dans les laboratoires en ayant la pratique) de traiter les échantillons présentant une hyperprolactinémie. Extrait du résumé du rapport de l’Afssaps disponible sur site internet.

Le contrôle du marché des réactifs en France, les exemples de la prolactine et de la troponine

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gestion | réactovigilance

22 OptionBio | Lundi 24 novembre 2008 | n° 409

Dans le cadre de la réactovigilance (directive européenne 98/79/CE relative aux DM-DIV), l’Agence française de sécurité sanitaire

des produits de santé (Afssaps) peut contrôler le marché des réactifs en France, grâce notamment aux déclarations des biologistes consécutives aux problèmes rencontrés lors de l’utilisation des réactifs, automates et autres dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Les réactifs de dosage de la prolactineL’hyperprolactinémie affiche une prévalence dans la population générale de 1 à 1,5 %. Elle déclenche alors selon le contexte clinique des explorations complémentaires, voire directement une mise sous traitement. Or, la problématique autour de l’interprétation de ce chiffre vient du fait que le dosage de la prolactine (PRL) pour-rait donner un résultat surestimé, notamment si la trousse de dosage reconnaît la forme dite macroprolactine. Le recensement d’études à ce sujet indique que différentes techniques sont en cause, testées avant et après isolement de macroprolactine par PEG (polyéthylène glycol) ou ultrafiltration.La forme active de la prolactine est monomé-rique (23 kDa), il existe par ailleurs des formes glycosylées moins actives (25 kDa), des formes dites big (bi- ou trimériques), voire macro- ou big-big qui sont des formes inactives présentant souvent un complexe PRL-IgG (de l’ordre de 150 à 190 kDa).La technique de référence à la nomenclature des actes de biologie médicale est la chromatogra-phie en filtration sur gel (B200).

Le contrôle par l’AfssapsLe travail de l’Afssaps, dans un premier temps, est de vérifier que les notices produites par le fournis-seur répondent aux exigences de la directive. Sur le marché français, vingt dispositifs de dosage de PRL sont proposés par treize fournisseurs.

Un groupe d’experts a été réuni, les notices des dif-férents fabricants leur ont été réparties pour ana-lyse à la fois réglementaire (vis-à-vis de la directive CE) et technique. À l’issue de ce travail, un rapport a été envoyé aux fabricants dont les réponses ont été attendues avant publication (rapport disponi-ble sur le site internet de l’Afssaps). Sur les vingt notices, une seule comportait des indications sur la macroprolactine, mais sans notion chiffrée, et proposait en cas de suspicion de macro-PRL un prétraitement par PEG. Six notices ont des phrases générales sur les interférences mais sans précision particulière, et treize n’en parlent pas du tout.En matière de raccordement métrologique, dix notices font référence au standard 84/500 (troi-sième standard intermédiaire de l’OMS), deux

font référence à un standard plus ancien, huit n’abordent pas cet aspect. À la suite d’un courrier envoyé alors par l’Afssaps, certains se sont enga-gés à faire figurer des précisions sur la spécificité de leurs dosages.Enfin des non-conformités à l’égard des plages de mesure et d’un éventuel effet crochet ont pu être observées.

Les recommandations de l’AfssapsÀ l’issue de ce travail, les recommandations enga-gent les fournisseurs à préciser dans leur notice les points énumérés dans l’encadré. L’Afssaps invite en parallèle les biologistes à s’assurer de la présence de ces informations par une lecture attentive de ces notices.

Le contrôle du marché des réactifs en France, les exemples de la prolactine et de la troponine

Dans le cadre de ses missions de réactovigilance relative au dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a été amenée à contrôler le marché des réactifs en France pour le dosage de la prolactine et celui de la troponine. Ces contrôles conduisent à la rédaction de recommandations à destination des industriels et des biologistes.

Recommandations Afssaps aux fournisseurs et aux biologistes pour le dosage de la macroprolactine.

Recommandations aux fournisseurs pour les informations devant figurer sur la noticeMacroprolactine La notice doit décrire l’immunoréactivité du dosage vis-à-vis des différentes

formes de prolactine, a minima la macroprolactine. Si possible, elle doit prévoir un protocole applicable pour les biologistes en cas d’hyperprolactinémie, y compris si le dispositif est décrit peu immunoréactif à la macroprolactine. De nouveaux éléments d’interprétation des résultats avec le protocole précité devraient également être précisés.

Spécificité analytique Les autres compétiteurs pertinents à tester sont les suivants : hLH, hFSH, hTSH, hHCG, hGH, hPL.

Raccordement au standard international 84/500

Le dispositif doit être raccordé au standard international 84/500. Les données détaillées de ce raccordement doivent apparaître. Le facteur de conversion approprié (ng/mL vs microUI/mL) doit figurer également.

Effet crochet Les données relatives à un possible effet crochet doivent être décrites.

Recommandations aux biologistesLe biologiste devra porter une attention particulière à certaines performances du réactif utilisé : immunoréactivité du dosage vis-à-vis des différentes formes de prolactine (a minima la macroprolactine), justesse (le raccordement au standard international 84/500), effet crochet.

En l’absence de consigne pour séparer les différentes formes moléculaires de la prolactine, il est déconseillé aux biologistes (sauf dans les laboratoires en ayant la pratique) de traiter les échantillons présentant une hyperprolactinémie.

Extrait du résumé du rapport de l’Afssaps disponible sur site internet.

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réactovigilance | gestion

23OptionBio | Lundi 24 novembre 2008 | n° 409

Les réactifs de dosage de la troponineLa difficulté est ici multifactorielle. D’une part, la troponine (Tn) se présente dans l’organisme sous de nombreuses formes circulantes libérées après nécrose (I, T, libres, plus ou moins dégradées...). L’effet matrice est important (présence de fibrine, EDTA...), les éléments interférents sont nombreux (facteur rhumatoïde...) et la reconnaissance des épitopes est variable selon les fabricants.

L’intérêt et l’interprétation d’un résultat de tro-ponine ont fait l’objet de différentes recomman-dations internationales qui ont évolué de 1999 à 2007, passant de deux valeurs seuils (97,5e per-centile pour le seuil de nécrose et ROC [receiving operator characteristics] pour le seuil de syn-drome coronarien aigu) à un seuil analytique au 99e percentile et CV % pour stratification du risque et diagnostic, sans oublier bien sûr les recomman-dations de la Société française de biologie clinique et celles de la Haute Autorité de santé en 2006.Sur le plan des réactifs disponibles, ils sont passés des premiers tests quantitatifs et semi-quantitatifs aux tests de dernière génération, présentant des seuils différents entre eux.Tout ceci explique que la standardisation, exigée par la directive CE, soit complexe à mettre en place mais reste cependant incontournable pour exploiter au mieux ce paramètre pour la meilleure prise en charge possible du patient. Dans un souci d’homogénéisation, l’Afssaps émet alors des recommandations quant au cahier des charges

relatif aux notices des réactifs de dosages des isoformes cardiaques, lui-même basé sur les recommandations pour l’évaluation des réactifs de dosage de ces isoformes (voir tableau).Les signalements de réactovigilance témoignent des difficultés toujours réelles (voir figure) et sont essentiellement des surestimations liées à des causes préanalytiques ou aux réactifs (surtout si le laboratoire utilise deux trousses de dosage, dont une de dernière génération). L’Afssaps a lancé alors des études sur quatre tests unitaires et sur la TnI de dernière génération dont la sen-sibilité analytique est augmentée par réduction du CV %. L’objectif de ce travail, en cours, est d’apporter une aide au biologiste dans l’interprétation des “nouveaux positifs” liés à une plus grande sensi-bilité des tests disponibles sur le marché. |

ROSE-MARIE LEBLANC

consultant biologiste, Bordeaux (33)

[email protected]

SourceCommunications de G. Lebrun et F. Chevenne (Afssaps), lors du 25e colloque Corata, juin 2008.

Tableau. Éléments du guide d’évaluation pour le dosage de la troponine

Identification et usage du réactif TnI ou TnT, dosage quantitatif ou semi-quantitatif.

Intérêt clinique du dosage Aide au diagnostic d’une cardiopathie ischémique : – syndromes coronariens aigus (infarctus du myocarde, angor), – et/ou stratification du risque, – et/ou diagnostic ou pronostic d’atteinte cardiaque non ischémique.

Composition du réactiflocalisation des épitopes reconnus, reconnaissance des formes libres ou complexées, nature du complexe.

binaires, ternaires, rapport molaire et traçabilité vis-à-vis du standard international SRM 2921.

Type d’échantillon à utiliser Échantillons interdits (anticoagulants), conditions spéciales de collecte, de prétraitement.

Sensibilité fonctionnelle TnC au Cv de 10 % et au seuil de détection (référence IFCC).

Spécificité analytique Équimolarité entre les formes libres et complexées. Réactivité croisée TnI et TnT squelettiques ou TnC cardiaques.

Sensibilité diagnostique Seuil d’interprétation pour diagnostic et/ou stratification du risque.

Répétabilité et reproductibilité Trois niveaux de concentration (zone seuil d’interprétation).

Limite de détection Sur un milieu sans troponine.

Plage de mesure

Interférences et limites de la méthode Spécificité immunologique : FR, HAMA, d’effet crochet.

Contrôle de qualité interne, traçabilité d’étalonnage Concentrations situées dans la zone de subnormalité.

Intervalle de référence Valeur du 99e percentile (120 sujets a minima apparemment sains), sexe-ratio et âge.

Figure. Répartition des causes de déclaration |de réactovigilance auprès de l’Afssaps.

© B

SIP

/PH

OTO

TAK

E/PA

NTA

GES

Troponine. |