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Le dépistage du cancer du sein s’adresse à une population âgée de 50 à 74 ans, qui est par définition asymptomatique. Les patientes qui répondent à cette convocation n’ont pas demandé à être examinées, par conséquent les conditions de déroulement de cet examen seront considérées de manière particulièrement vigilante par un juge en cas de problème ; toutefois cet examen est réalisé dans l’intérêt premier des patientes, ce qui tempère la responsabilité du centre. Le cahier des charges confie une responsabilité substantielle au premier lecteur, c’est ainsi que le radiologue, chez qui la femme se rend pour ses examens, peut décider de faire des investigations complémentaires au vu d’une anomalie clinique ou radiologique, ce qui, bien évidemment, augmente sa responsabilité, en contre- partie d’une liberté plus grande dans la réalisation du dépistage. Seuls les clichés qui, à l’issue de cette première étape, seront considérés comme négatifs, seront relus par un deuxième lecteur qui ne verra donc plus les clichés considérés comme positifs par le premier lecteur. La classification ACR permet de codifier les images (1-2 : normal et bénin ; 4 : nécessitant une vérification histologique ; 5 : très suspect de cancer ; 6 : cancer diagnostiqué histologiquement). Le deuxième lecteur aura donc la responsabilité de relire des clichés ACR 1 et 2. Une mention particulière pour les images classées ACR 3 : cette catégorie, qui devrait être normalement la plus réduite possible, sert souvent de classification transitoire pour des images mal interprétées. C’est ainsi qu’il faut envisager les différentes responsabilités encourues, aussi bien par le praticien qui réalise les clichés mammographiques, que celles du deuxième voire du troisième lecteur dont l’activité se déroule au sein du centre de gestion. L’essentiel à analyser est la responsabilité du praticien. Celle-ci, comme celle de tout opérateur, peut être engagée d’un point de vue civil, pénal et disciplinaire. La responsabilité encourue dans le cadre du dépistage du cancer du sein P. Haehnel 1 et P. Marchessou 2 1. Ancien secrétaire général du Conseil national de l’ordre des médecins, membre fondateur de l’ADEMAS (Strasbourg). 2. Avocat et professeur des Universités (Strasbourg).

Le dépistage du cancer du sein: un enjeu de santé publique || La responsabilité encourue dans le cadre du dépistage du cancer du sein

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Le dépistage du cancer du sein s’adresse à une population âgée de 50 à 74 ans, quiest par définition asymptomatique. Les patientes qui répondent à cette convocationn’ont pas demandé à être examinées, par conséquent les conditions de déroulementde cet examen seront considérées de manière particulièrement vigilante par un jugeen cas de problème ; toutefois cet examen est réalisé dans l’intérêt premier despatientes, ce qui tempère la responsabilité du centre.

Le cahier des charges confie une responsabilité substantielle au premier lecteur,c’est ainsi que le radiologue, chez qui la femme se rend pour ses examens, peutdécider de faire des investigations complémentaires au vu d’une anomalie cliniqueou radiologique, ce qui, bien évidemment, augmente sa responsabilité, en contre-partie d’une liberté plus grande dans la réalisation du dépistage.

Seuls les clichés qui, à l’issue de cette première étape, seront considérés commenégatifs, seront relus par un deuxième lecteur qui ne verra donc plus les clichésconsidérés comme positifs par le premier lecteur.

La classification ACR permet de codifier les images (1-2 : normal et bénin ; 4 :nécessitant une vérification histologique ; 5 : très suspect de cancer ; 6 : cancerdiagnostiqué histologiquement). Le deuxième lecteur aura donc la responsabilité derelire des clichés ACR 1 et 2. Une mention particulière pour les images classéesACR 3 : cette catégorie, qui devrait être normalement la plus réduite possible, sertsouvent de classification transitoire pour des images mal interprétées.

C’est ainsi qu’il faut envisager les différentes responsabilités encourues, aussi bienpar le praticien qui réalise les clichés mammographiques, que celles du deuxièmevoire du troisième lecteur dont l’activité se déroule au sein du centre de gestion.

L’essentiel à analyser est la responsabilité du praticien. Celle-ci, comme celle detout opérateur, peut être engagée d’un point de vue civil, pénal et disciplinaire.

La responsabilité encourue dans lecadre du dépistage du cancer du seinP. Haehnel1 et P. Marchessou2

1. Ancien secrétaire général du Conseil national de l’ordre des médecins, membre fondateur de l’ADEMAS (Strasbourg).2. Avocat et professeur des Universités (Strasbourg).

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La responsabilité disciplinaire du praticienCelle-ci doit être évoquée immédiatement parce qu’elle est marginale. Le praticienne peut être poursuivi et sanctionné par les instances disciplinaires de l’Ordre quedans l’hypothèse où il a commis des actes contraires au Code de déontologie. L’en-gagement d’une procédure disciplinaire ne présente ici aucune particularité parrapport à celle encourue dans l’exercice de toute l’activité médicale.

La responsabilité pénale du praticienCette responsabilité est prévue par l’article 223-1 du Code pénal selon lequel :

« Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de bles-sures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la viola-tion manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudenceimposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €d’amende. »

Cette infraction est fondée sur une faute intentionnelle, l’emploi de l’expression« violation manifestement délibérée d’une obligation particulière » fixe un seuil d’exi-gence qui ne correspond pas à la plupart des fautes professionnelles.

Cette infraction est qualifiée de délit, lequel se prescrit par trois ans à compterde la découverte des faits.

La responsabilité du praticien est engagée soit à l’initiative du Procureur de laRépublique territorialement compétent, soit à la demande de la victime ou de sesayants droit, qui déposent plainte.

Cette plainte peut être simple, et son traitement par le procureur de la Répu-blique lancera l’action publique, ou bien il s’agit d’une plainte avec constitution departie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction.

Toutes deux aboutiront soit à un classement sans suite (qui peut être contestépar le plaignant par la voie de l’appel), soit à un renvoi devant le tribunal correc-tionnel.

Toutefois, une plainte avec constitution de partie civile, assortie de la consigna-tion d’une somme, est plus sûre d’aboutir.

La condamnation du praticien par la juridiction répressive ne peut intervenirque si la faute de celui-ci est établie.

Dans la quasi-totalité des cas, le juge va fonder son appréciation sur le dossierd’instruction et particulièrement sur le rapport du ou des experts désignés par lejuge d’instruction.

La responsabilité civile afférente au dépistageCette responsabilité civile médicale s’insère bien entendu dans le régime général dela responsabilité civile, avec quelques particularités.

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Deux entités sont responsables, dans des proportions très inégales, la structurede gestion et le praticien.

La responsabilité de la structure de gestion de la campagne de dépistageS’agissant de la structure de gestion, elle est responsable des conséquences de samauvaise organisation : elle devra rendre des comptes de ce point de vue à lapatiente, le cas échéant en cas de retard dans la transmission de clichés, entraînantun retard dans le diagnostic, ou bien dans la perte de ces clichés ou encore, demanière plus sérieuse, dans l’interversion ou la confusion qui pourrait survenir.Pour mémoire, elle est également responsable vis-à-vis du praticien si celui-ci subitun accident dans les locaux du centre.

En revanche, la structure de gestion peut être responsable d’avoir accepté desclichés de mauvaise qualité ou des clichés techniquement insuffisants (CTI). Ilimporte donc de définir de façon claire et reproductible la procédure à utiliser encas de CTI. Le deuxième lecteur qui refuse le cliché le présente, par exemple, à uncomité composé de plusieurs deuxièmes lecteurs qui confirment le caractère nonconforme du cliché. Dans ce cas, c’est la structure de gestion qui doit annoncer auradiologue, qui a fait le cliché, de le refaire dans de meilleures conditions. Cetteprocédure donne donc à la structure de gestion une véritable responsabilité dans lemaintien de la qualité technique.

Le juge ne sera pas insensible à un retard de diagnostic lié à une mauvaisequalité technique du cliché.

La responsabilité sera probablement partagée entre le deuxième lecteur quin’aura pas signalé la mauvaise qualité, et la structure de gestion responsable de l’or-ganisation générale.

La responsabilité des praticiens lecteurs vis-à-vis des patientesIl faut envisager ici successivement le champ matériel de la responsabilité des prati-ciens lecteurs et les conditions jurisprudentielles de mise en jeu de la responsabi-lité.

Le champ matériel de la responsabilité des praticiens lecteurs

Lorsque les clichés afférents à une patiente ont été analysés par un praticien, lasituation de cette patiente appartient objectivement à deux catégories possibles :

– ou bien l’examen mammographique est négatif ;– ou bien il est positif.En approfondissant l’analyse, ce sont en réalité quatre situations qui se présentent,

dont deux seulement soulèvent des problèmes de responsabilité :– Ne posent pas problème les tests positifs, qui vont déboucher sur un diagnos-

tic de cancer ; en effet, le dépistage a joué son rôle et le processus thérapeu-tique va s’ensuivre. Il en va de même, mais pour des raisons diamétralementopposées, des vrais tests négatifs. Ceux-ci représentent l’immense majorité des

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cas et la responsabilité du centre comme du praticien lecteur ne saurait êtrerecherchée à quelque titre que ce soit.

– La catégorie des faux positifs soulève les réflexions suivantes : ces patientessont suspectées de cancer, mais en réalité elles sont indemnes de toute patho-logie cancéreuse. Autrement dit, le praticien a commis une erreur d’apprécia-tion. Cette erreur engage-t-elle pour autant sa responsabilité ?

a) Certes, la patiente pourrait porter plainte, car il lui a été infligé des examensinutiles. Cela étant, cette hypothèse peut être rattachée au principe de précau-tion, qui fait partie de l’air du temps. Les ponctions ou interventions inva-sives qui ont pu être infligées à une patiente l’étaient dans une perspectived’élimination de risques.

Quelles sont les chances d’aboutissement d’une plainte que déposerait unepatiente dans pareil cas ? Elle aurait fort peu de chance d’aboutir, sauf hypothèsed’une mutilation aberrante.

b) L’Assurance maladie pourrait-elle porter plainte ? Elle ferait valoir au soutiende celle-ci que l’erreur de diagnostic a entraîné des dépenses inconsidérées.Sur un plan économique et, par conséquent, civil, elle pourrait peut-êtreobtenir des dédommagements, qui devraient normalement être pris encharge par la compagnie d’assurances du praticien, déduction faite de la fran-chise. Dans la mesure où elle est partenaire du dépistage, la Caisse doitprendre en compte les effets délétères et connus de celui-ci. Il en irait évidem-ment de manière différente si ce faux positif débouchait sur une mutilationinutile de la patiente (amputation du sein).

– Les tests faussement négatifs constituent l’hypothèse de travail la plus drama-tique, aux conséquences les plus lourdes.

À l’analyse, deux cas de figure peuvent être détectés :a) Il y a d’abord le cas des vrais « faux » négatifs : dans ce cas, le cancer n’était

pas visible, la lésion n’était pas décelable et, par voie de conséquence, la miseen jeu de la responsabilité du praticien pour erreur de diagnostic ne résistepas à une expertise objectivement menée. Les conditions d’exercice de l’ex-pertise sont ici essentielles. En effet, habituellement, le juge envoie à l’expertun dossier et lui pose des questions précises pour savoir si la lésion cancé-reuse pouvait être décelée sur les clichés antérieurs. Si l’expert cède à la faci-lité, il examinera immédiatement le cliché litigieux et en fonction de ladescription de la lésion qui lui a été faite, il répondra certainement, demanière positive, à la question posée, tant il est facile quand on connaît undiagnostic de trouver des signes non spécifiques et qui ne permettaient pasde poser un diagnostic de cancer. Au contraire, une expertise menée avecrigueur consistera pour l’expert à faire insérer les clichés litigieux dans unesérie de clichés et d’examiner cette série dans une situation de deuxièmelecture. C’est dans ces conditions, beaucoup plus objectives, qu’il pourrarépondre honnêtement aux questions posées par le tribunal. Il appartient aulecteur et à son conseil de veiller aux conditions de désignation de l’expert,afin que celui-ci soit compétent et indépendant au regard des différents para-mètres du litige. Le praticien détient ici les clés de sa défense dans une étape

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qui l’oppose au plaignant mais devant un auxiliaire de justice qui parle lemême langage que lui.

b) Il y a ensuite le cas des faux « faux » négatifs : le lecteur a véritablementcommis une erreur, car le cancer était décelable, et la responsabilité du prati-cien lecteur se trouve par conséquent engagée.

– Dans ce schéma, deux lecteurs successifs sont normalement intervenus succes-sivement. De là résultent plusieurs cas de figure :

a) ou bien tous deux se sont trompés, dans ce cas chacun est responsable pourmoitié de l’entier préjudice dont il sera demandé réparation par la patiente ;

b) si le premier a commis une erreur de diagnostic et convaincu le secondlecteur, tous deux seront alors également responsables, sauf si le second a sudégager sa responsabilité en adressant sur-le-champ un courrier recom-mandé avec AR à la structure de gestion.

Il est à noter que cette situation – rare au demeurant – ne se produit que lorsquela deuxième lecture est effectuée sur le même site que la première, en l’absence despécialisation du deuxième lecteur.

Les conditions jurisprudentielles de la mise en jeu de la responsabilité

Il faut ici rappeler les principes avant de transposer ces règles au cas du praticienlecteur.

Rappel des principes

La responsabilité encourue est traditionnellement une responsabilité pour faute (a)mais, depuis la loi du 4 mars 2002, l’indemnisation peut aussi être causée par unacte médical commis sans faute (b).

a) Une responsabilité pour fauteL’article 1142-1-I du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi

du 4 mars 2002, dispose désormais que les professionnels de santé « ne sont respon-sables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soins,qu’en cas de faute ».

L’erreur éventuelle du praticien lecteur s’analyse comme une erreur de diagnos-tic. La Cour de cassation (Civ. 1er avril 1974) a considéré qu’une erreur de diagnos-tic ne constituait pas en soi une faute de nature à engager la responsabilité dumédecin. Le juge estime qu’il n’y a pas lieu à condamnation si le diagnostic erronéa été porté avec tout le soin et la conscience nécessaires.

Cette mise en cause du praticien est enfermée dans un délai de prescription.L’article L 1142-28 du Code de la santé publique dit qu’elle est décennale à

compter de la consolidation du dommage.Mais le délai de dix ans ne court à l’encontre de la victime qu’à compter de la

date à laquelle celle-ci a disposé d’informations suffisantes sur l’origine réelle deson préjudice.

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b) Un acte médical sans fauteLa loi du 4 mars 2002 organise la réparation des conséquences des risques sani-

taires. Elle prévoit qu’en l’absence de faute la patiente peut obtenir réparation d’unpréjudice pour cause « d’accident médical » lorsque ce préjudice est directementimputable à un acte de diagnostic. Dans le droit fil de cette pétition, elle ouvre lesmodalités de réparation du préjudice (art. L 1142-1 du Code de la santé publique).Celle-ci est assurée par des commissions régionales de conciliation et d’indemnisa-tion (CRCI), compétentes pour des dommages supérieurs à un seuil de gravitédéfini selon 4 critères possibles :

– un dommage supérieur à 24 % d’incapacité permanente partielle (IPP) ;– ou une incapacité de travail au moins égale à 6 mois consécutifs ou à 6 mois

non consécutifs sur une période de 12 mois ;– plus exceptionnellement, une inaptitude définitive à l’exercice de son travail

antérieur ;– ou des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans

les conditions d’existence.

Sur la licéité du préjudice indemnisableDans l’hypothèse d’une erreur d’appréciation dans l’analyse du test, la patiente doitbien entendu montrer l’existence d’un préjudice, établir ou faire établir une fauteet justifier d’un lien de causalité entre la faute commise par le praticien et le préju-dice subi par elle.

Sur le régime de la responsabilité du praticien lecteurCette responsabilité demeure une responsabilité pour faute. Toutefois, les juridic-tions ont eu tendance récemment à faciliter la démarche de la victime, en faisantpeser sur le praticien une sorte de présomption de responsabilité ou, à tout lemoins, une obligation de justifier qu’il n’a pas commis de faute et a appliqué sesmeilleurs soins à sa démarche de diagnostic.

Toutefois, il faut s’interroger sur le point de savoir si l’obligation du praticienlecteur est une obligation de moyens ou de résultat. Autrement dit, le caractère obli-gatoire du dépistage ne conduit-il pas à une obligation de résultat ? Se pose ici unequestion éthique, le lecteur prend une décision, qui est l’étape immédiatementpostérieure à l’acte médical proprement dit.

Sur les caractéristiques du préjudice proprement ditDeux situations se rencontrent dans la pratique :

– il y a d’abord le cas le plus dramatique, celui dans lequel le cancer nondiagnostiqué connaît une évolution rapide. L’expertise judiciaire menéemontre qu’il était repérable à l’époque du diagnostic et que, s’il avait été pris

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à temps, ce diagnostic adéquat aurait limité les conséquences douloureusespour la patiente et amélioré ses chances. Dans ce cas, le préjudice est avéré etil peut être évalué par rapport aux différentes pertes de chances, ainsi qu’à lasouffrance que cette erreur a provoquée ;

– mais il existe une hypothèse beaucoup plus fréquente et moins dramatique :la patiente a subi un retard de diagnostic, de telle sorte que son traitement n’aété entrepris qu’au bout de plusieurs mois. Elle suit son traitement et l’évolu-tion est favorable. Quelle est ici l’ampleur de son préjudice ? Le praticien pour-rait faire remarquer avec pertinence qu’elle a gagné deux ans de tranquillité.Le juge risque de ne pas suivre cette position, mais la jurisprudence évolueradans une direction encore difficile à déterminer.

À l’heure actuelle, il tend à accorder dans ce cas une indemnité pour préjudicemoral, dont le montant n’excède que très rarement quelques milliers d’euros.

Synthèse1. La responsabilité du praticien lecteur peut être engagée, par principe sur le

terrain de la faute, mais il peut s’en exonérer en montrant qu’il a accomplitoutes diligences pertinentes.

2. La responsabilité pour risques sanitaires (loi de mars 2002) n’interviendraque pour un préjudice d’une particulière gravité.

3. En tout état de cause, c’est devant l’expert puis devant le tribunal que lesconséquences d’une erreur médicale doivent être, sur le plan matériel, rigou-reusement délimitées.

4. La conduite rigoureuse de l’expertise est essentielle dans le cadre d’uneconception saine de l’intérêt général.

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