Le déplacement interne dans les conflits armés : faire face aux défis

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    Le dpLacement internedans Les confLits armsfaire face aux dfis

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    Comit international de la Croix-Rouge19,avenue de la Paix1202 Genve,SuisseT + 41 22 734 60 01 F + 41 22 733 20 57E-mail:[email protected] www.cicr.org CICR,fvrier 2010

    Photo de couverture:Stringer Pakistan/REUTERS

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    LE DPLACEMENTINTERNE DANS

    LES CONFLITS ARMSFAIRE FACE AUX DFIS

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    Ce rapport spcial traite des questions cls de

    protection et dassistance qui touchent les per-

    sonnes dplaces. Il examine dabord la prvention

    du dplacement, puis les diffrentes phases du

    processus lorsque celui-ci na pu tre vit.

    Lorsque le CICR intervient pour aider des dplacs

    internes, il tient compte de tous les aspects du

    contexte dans lequel le dplacement se produit. Il

    sait que ceux qui restent sur place ou qui hberg ent

    des personnes dplaces peuvent tre aussi vuln-

    rables voire plus que ceux qui fuient. Il en va

    de mme, dailleurs, des dplacs qui retournent

    chez eux. Les personnes dplaces ne fuient pas

    toujours directement les combats ou les attaques,

    mais leurs consquences conomiques et la perte

    daccs aux biens et aux services essentiels.

    Les besoins sont particulirement grands chez

    les personnes, dplaces ou non, qui sont trop

    souvent oublies du reste du monde et restent

    inatteignables pour la plupart des organisations.

    Personne ne sait exactement combien elles sont,

    car nombre dentre elles restent invisibles, igno-

    res, non recenses. Certains gouvernements nient

    jusqu leur existence. Toutefois, on estime quil y

    a dans le monde prs de 26 millions de personnes

    dplaces lintrieur de leur propre pays.

    Dans des pays tels que lAfghanistan, la Colombie,

    la Gorgie, le Kenya, le Libria, le Pakistan, les

    Philippines, la Rpublique dmocratique du Congo,

    la Somalie et le Soudan, les dplacs internes

    comme on les appelle ont t chasss de leur

    foyer et privs de scurit, dun toit, de nourriture,

    deau, de moyens de subsistance et du soutien de

    leur communaut. Les preuves quils doivent

    endurer sont souvent si extrmes quelles compro-

    mettent leur survie.

    Dans les conits arms, le dplacement est souvent

    caus par des violations du droit international

    humanitaire (DIH) ou des droits humains fondamen-

    taux. De fait, si les lois existantes taient respectes,

    la plupart des personnes dplaces par la violence

    auraient pu rester chez elles. Mais tel nest pas le

    cas, et comme les militaires, les groupes arms et

    les autorits manquent leurs obligations, elles

    sont nombreuses devoir fuir mme plusieurs fois.

    Un grand nombre dactions interdites par le DIH

    sobservent couramment : attaquer des civils ou des

    biens leur appartenant, affamer des civils comme

    mthode de guerre, exercer des reprsailles, utili-

    ser des civils comme boucliers humains, dtruire

    des biens essentiels leur survie ou encore faire

    obstacle la fourniture des secours et de lassis-

    tance ncessaires la survie de la population

    civile. Ainsi, alors que le DIH est juridiquement

    contraignant tant pour les tats que pour les

    acteurs non tatiques, bon nombre de ses rgles

    sont bafoues. En outre, bien que la plupart des

    tats reconnaissent les Principes directeurs des

    Nations Unies relatifs au dplacement de personnes

    lintrieur de leur propre pays qui sappuient sur

    des normes du droit humanitaire et des droits de

    lhomme , il faut une solide dtermination pour

    relever les ds poss par ce problme grandissant

    quest le dplacement.

    Alors que le dplacement se poursuit, souvent

    pendant de longues priodes, les ds humani-

    taires qui en dcoulent sont immenses, et il est

    particulirement difficile pour la communaut

    internationale de mener une action cohrente,

    bien coordonne et exhaustive.

    Mariam ne savait pas du tout o elle allait. Elle tait juste

    partie en courant avec ses quatre enfants.

    Ctait un exode de masse, soudain et chaotique. Pris

    dans le conit au Darfour (tout louest du Soudan), le

    village de la tribu Fellatah de Mariam, au nord de la ville

    de Gereida, avait dj subi plusieurs attaques, mais cette

    fois-ci il avait succomb lassaut. Des cadavres jon-

    chaient le sol et le village avait commenc brler.

    Les Fellatahs, des semi-nomades la fois agriculteurs et

    leveurs, navaient pas le choix. Mme sils avaient vcu

    en paix cet endroit pendant de nombreuses gnra-

    tions aux cts des cultivateurs Masalit, majoritaires ,

    les facteurs ethniques utiliss dans un conit de plus en

    plus complexe avaient creus un foss entre eux et leurs

    voisins, alimentant une peur et une mance mutuelles.

    Tout avait commenc par des rumeurs : les cultivateurs

    conspiraient pour chasser tous les nomades de la rgion,

    murmurait-on dun ct. Les nomades voulaient faire

    partir les cultivateurs, armait-on de lautre, pour que

    leurs terres reviennent aux troupeaux.

    Pendant quelque temps, le vieux roi Masalit de Gereida

    tait parvenu tenir les violences et lanarchie distance.

    Son territoire stendait dans un rayon de 30 kilomtres

    autour de la ville, et grce un accord sur lhonneur

    conclu avec les tribus et les parties au conit, il gouver-

    nait Gereida comme un secteur neutre.

    Philippines : une emme ge part visiterson village abandonn, accompagnepar son petit-ls ; elle est efraye lidede rentrer chez elle.

    Liban : 40 000 personnes ont d quitter leurs maisons,qui ont t dtruites durant les combats en 2007.

    Des cultivateurs Masalit dplacs et dautres familles

    chasses de leurs terres par les groupes arms staient

    rfugis dans la ville de Gereida ; ils taient maintenant

    plus de 100 000, soit cinq fois plus nombreux que la

    population rsidente. La tribu d e Mariam avait fui dans

    la direction oppose. Considrs comme des partisans

    du gouvernement, ils avaient t chasss de Gereida.

    Le groupe de Mariam, compos denviron 300 familles,

    avait pris la direction du sud-ouest avant de disparatre.

    Ce quil est advenu de ces familles dans les semaines,

    les mois et les annes qui ont suivi, la douleur de la jeune

    femme lorsquelle a perdu lun de ses enfants dans la

    fuite et son combat pour survivre sont autant dl-

    ments dune histoire bouleversante. Mais ce qui est

    encore plus bouleversant, cest que des millions de

    dplacs internes, aux quatre coins du monde, subissent

    un sort semblable celui de Mariam.

    Fin 2008, selon les estimations de lObservatoire des

    situations de dplacement interne du Conseil norv-

    gien pour les rfugis, on comptait 11,6 millions de

    dplacs internes en Afrique, 4,5 millions dans les

    Amriques, 3,9 millions au Moyen-Orient, 3,5 millions

    en Asie de lEst et du Sud-Est et 2,5 millions en Europe

    et en Asie centrale.

    FrancoPagetti/CIC

    R/VII

    JamesNachtwey/CICR/VII

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    UNE PRCCUPATINCRISSANTESUR TUS LES CNTINENTS

    Ma seule pense tait de sauver mes enfants, de sau-

    ver nos vies, je nai pas rchi lendroit o nous

    irions ni ce quil fallait emporter , se rappelle Mariam.

    Tout le monde ne pensait qu une chose : avoir la

    vie sauve.

    Pourtant, la jeune mre na pas pu sauver Hamad. Il

    allait dj mal la n de la premire journe, raconte-

    t-elle. Il sourait de diarrhe et avait commenc

    vomir. Personne ne voulait sarrter, il ny avait per-

    sonne pour maider. Tout ce que je pouvais faire, ctait

    de continuer marcher. Deux jours aprs notre dpart,

    Hamad est mort.

    Daprs le rcit de Mariam, le voyage sest termin

    lorsque son groupe est arriv dans un endroit inconnu,

    sur les terres dorigine de la tribu. Prs dun hameau

    comptant quatre ou cinq habitations, ils se sont assis

    sous des arbres pour se reposer. Ils taient au milieu

    de nulle part, mais lorsquils ont trouv une source

    peu profonde, ils ont dcid de sinstaller l. Et cest

    l quils sont rests cachs pendant plus de quatre ans,

    absents de la carte, indtectables, hors de porte de

    toute aide et de toute protection.

    Ils ont survcu en eectuant des travaux agricoles occa-

    sionnels. Il ny en avait aucun moins de deux heures

    de marche, et lpuisement et les maladies taient

    monnaie courante. Il y avait des jours o les gens ne

    pouvaient pas aller travailler, des jours o la faim se

    faisait sentir, et la plupart des maladies suivaient leur

    cours sans aucun traitement. Il aurait fallu aller trs loin

    pour trouver les soins de sant les plus basiques, et,

    surtout, il aurait fallu avoir les moyens. Parmi ceux qui

    sont morts, Mariam se souvient des bbs.

    Ce nest que lorsque les forces gouvernementales ont

    repris le contrle de Gereida que les Fellatahs ont

    essay dy retourner. Quand le CICR les a trouvs en

    2009, les premiers membres du groupe de Mariam

    taient nouveau installs sous un arbre et avaient sous

    les yeux lespace vide o se dressait autrefois leur vil-

    lage. Ils taient prts tout recommencer, il ne leur

    manquait que les moyens. Les pluies nallaient pas tar-

    der et sils pouvaient labourer, ensemencer et obtenir

    une bonne rcolte, ils pourraient commencer recons-

    truire leur communaut.

    handicapes ou ges qui sont dans lincapacit phy-

    sique de fuir. Lorsque laccs ces personnes est limit,

    comme cest souvent le cas dans les situations de conit,

    des crises se droulent dans lignorance et sans quau-

    cune assistance puisse tre apporte.

    La dtresse de Mariam est reste ignore. Personne

    Gereida ne savait o sa tribu tait partie et, hormis

    quelques travailleurs humanitaires, personne ne sen

    souciait vraiment. Les habitants avaient dautres proc-

    cupations : lun des plus grands camps de dplacs au

    monde crasait la ville de son tendue et ne cessait de

    crotre. Les attaques incessantes des milices contre les

    villages, les tensions entre Fellatahs et Masalit et les

    combats intenses entre forces armes dans les environs

    de Gereida taient autant de raisons pour quun ot

    ininterrompu de personnes continue darriver.

    Mariam avait fui le village pied en 2005, portant son

    plus jeune ls, prnomm Hamad, dans une colonne

    qui avanait si vite que ses autres enfants avaient de la

    peine suivre. La plupart des gens marchaient, dautres

    fuyaient dos dne, et rares taient ceux qui avaient

    pu emporter quoi que ce soit.

    Les dplacements de personnes lintrieur de leur

    propre pays en raison de conits arms sont une source

    croissante de proccupation sur tous les continents.

    Comme lexplique Jakob Kellenberger, prsident du

    CICR, le dplacement interne est lun des ds huma-

    nitaires les plus alarmants de notre poque. Il est

    dicile, voire impossible, de mesurer son impact non

    seulement sur les dizaines de millions de dplacs

    internes, mais aussi sur les innombrables familles

    daccueil et les communauts locales .

    Attaques directes et mauvais traitements, perte de

    biens, danger que les familles soient disperses et les

    enfants spars de leurs proches, risque accru de vio-

    lences sexuelles lencontre des femmes et des jeunes

    lles, vulnrabilit plus grande aux risques sanitaires

    et accs limit aux soins de sant et dautres services

    essentiels sont autant de menaces qui psent couram-

    ment sur les dplacs internes. Alors que ceux-ci luttent

    pour satisfaire des besoins vitaux, ils sont encore davan-

    tage fragiliss par les tensions qui se dveloppent entre

    eux et les communauts daccueil, le recrutement forc,

    linstallation dans des lieux dangereux ou inadapts, ou

    le retour forc dans des rgions non scurises.

    Parfois, la plus grande dicult consiste tout simple-

    ment atteindre les personnes dplaces. Les camps

    ociels qui hbergent dimmenses populations ne sont

    que la pointe de liceberg. Il arrive frquemment que les

    besoins soient plus pressants lextrieur, notamment

    dans les communauts daccueil o les rsidents, sou-

    vent eux-mmes en dicult, fournissent la plupart

    des dplacs internes des vivres et un abri. En dehors

    des camps et de ce quils assurent soins de sant et

    services mdicaux, distributions de vivres et deau, scu-

    rit et abri , et hors de porte de la plupart des acteurs

    humanitaires, les plus vulnrables doivent sen sortir par

    eux-mmes. Il sagit notamment de ceux qui ont choisi

    de rester sur place pour prserver des ressources certes

    modestes, mais prcieuses, et des personnes malades,

    Maseulepensetaitdesauvermesenants,desauvernosvies,jenaipasrfchilendroit

    onousirionsnicequilallaitemporter,serappelleMariam.Toutlemondenepensaitquunechose:avoirlaviesauve.

    Soudan: aprs quatre ans de dplacement,Mariam et sa tribu sont rentrs Gereidaen 2009 pour reconstruire leur vie.

    PedrumY

    azdi/CICR

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    dnitions xes par certaines institutions humanitaires.

    Si elles nont pas fui directement un conit ou la menace

    de violences, elles peuvent se voir prives du droit une

    assistance, et suspectes de vouloir proter de laide

    fournie sans en avoir rellement besoin. Or, bien que des

    abus existent, il nest pas rare que les conits pert urbent

    les marchs, privent la population de services essentiels

    et forcent les gens se dplacer pour y avoir accs.

    Certaines communauts peuvent tre hors de porte de

    lassistance qui pourrait prvenir leur dplacement, puis

    tre confrontes des travailleurs humanitaires qui

    leur refusent toute aide cause dune appellation.

    Ce que M. Curco veut dire, cest que lassistance huma-

    nitaire doit tre fonde sur des besoins et non sur des

    catgories. De toute manire, rappelle-t-il, les dplacs

    internes forment rarement un groupe homogne.

    Lappellation existe, mais elle dsigne des personnes

    diverses qui prsentent dirents types de vulnrabi-

    lits. Leurs besoins sont aussi varis que spciques.

    Les besoins particuliers des femmes, des enfants et des

    personnes ges sont reconnus dans les normes juri-

    diques existantes et noncs dans les Principes directeurs

    des Nations Unies. Cependant, les droits tablis sont

    frquemment bafous dans les situations de conflit.

    Posez donc la question Mama Louise (nom ctif), qui

    a t viole tout comme ses lles et sa mre de 81 ans

    dans la province du Sud-Kivu, en Rpublique dmo-

    cratique du Congo (RDC).

    Ce qui sest produit na rien dinhabituel. Les violences

    sexuelles et sexistes occupent une place importante

    dans les abus perptrs contre des civils en RDC, notam-

    ment au Nord et au Sud-Kivu. Il ne fait aucun doute que

    le dplacement accrot les risques : pendant leur fuite,

    mais aussi lintrieur des camps et aux alentours, les

    dplacs internes sont particulirement vulnrables.

    Pourtant, aucun groupe nest pargn : Louise a t

    attaque alors quelle rentrait chez elle.

    raisons militaires impratives ou la scurit de ces civils

    lexigent. Si toutefois un dplacement se produit, les

    dplacs internes ont droit la mme protection que

    toute autre personne civile.

    Comme le droit ltablit sans quivoque, la responsa-

    bilit premire de protger les dplacs internes et de

    satisfaire leurs besoins fondamentaux revient aux repr-

    sentants de ltat ou, dans les situations de conit arm,

    aux autorits qui contrlent le territoire sur lequel se

    trouvent ces personnes. Cependant, ces acteurs nont

    souvent pas la capacit ou la volont dassumer leurs

    responsabilits cest l un immense enjeu p our le CICR

    dans le dialogue quil entretient avec les parties armes,

    conformment son mandat de gardien du DIH.

    En tant que civils, les dplacs internes ont des droits

    qui sont plus faciles dnir que leurs besoins. De

    fait, certains acteurs humanitaires soutiennent que lap-

    pellation dplac interne nest gure utile. Comme

    lexplique un travailleur humanitaire ayant une longue

    exprience en Asie et en Afrique : Cest trs frustrant

    du point de vue de la gestion oprationnelle. Cette

    appellation peut savrer extrmement trompeuse.

    Un dplac interne peut tre mieux loti qu'une per-

    sonne qui n'a pas t dplace et qui est dans la mme

    situation. Le terme de dplac ne nous donne pas

    d'indication sur sa situation humanitaire.

    Khartoum, Jordi Raich, chef de la dlgation du CICR,

    ironise sur ce quil considre comme une obsession de

    la catgorisation, avec les tiquettes qui laccompa-

    gnent. Excusez-moi, tes-vous un dplac interne, un

    rfugi ou un migrant ? tes-vous victime dun conit

    ou dune autre situation de violence ? Oh, vous tes un

    nomade. Migrez-vous cause dun conit ou parce que

    cest votre mode de vie ?

    Les personnes considres comme des migrants co-

    nomiques comptent parmi celles qui sont pnalises

    par cette catgorisation, car elles ne rpondent pas aux

    Le rcit de Mariam nous rappelle que les personnes

    dplaces ont des besoins court, moyen et long terme :

    nourriture, eau, abri et scurit, soins de sant, duca-

    tion et rintgration conomique et sociale. Il montre

    que laction humanitaire ne peut tre ecace que si les

    besoins des dplacs internes sont pris en compte

    toutes les tapes de leur dplacement, et que la protec-

    tion doit aller de pair avec lassistance.

    La dnition des dplacs internes la plus couramment

    utilise est tire des Principes directeurs des Nations

    Unies relatifs au dplacement de personnes lintrieur

    de leur propre pays :

    despersonnesoudesgroupesdepersonnesquiontt

    forcsoucontraintsfuirouquitterleurfoyerouleurlieu

    dersidencehabituel,notammentenraisondunconfit

    arm,desituationsdeviolencegnralise,deviolations

    desdroitsdelhommeoudecatastrophesnaturellesou

    provoquesparlhommeoupourenviterleseets,et

    quinontpasranchilesrontiresinternationalement

    reconnuesduntat.

    Le dplacement peut tre d toute une srie de causes,

    et ce nest pas toujours seulement un conit arm ou

    une catastrophe de grande ampleur que fuient les

    dplacs internes. Le conit est parfois le point de bas-

    cule , explique Angela Gussing, directrice adjointe des

    oprations au CICR. Il peut sajouter toutes les autres

    difficults, la scheresse, par exemple, la perte des

    moyens de subsistance, une succession de mauvaises

    rcoltes. La violence, ou la peur de la violence, peut tre

    le facteur qui vous dcide nalement partir. La menace

    des armes nest pas toujours le seul dclencheur.

    Plusieurs branches du droit, dont le droit national, le

    droit relatif aux droits de lhomme et, dans les situations

    de conit arm, le droit international humanitaire, visent

    protger les dplacs internes et les autres personnes

    touches. Le DIH interdit toute partie un conit de

    forcer des civils se dplacer, sauf dans les cas o des

    QUEST-CE QUUN DPLAC INTERNE ?

    JeroenOerlemans/CICR

    Pakistan :en 2009, quelque2,5 millions depersonnes ontui les combats.

    despersonnesoudesgroupesdepersonnesquionttorcsoucontraintsuirouquitterleuroyerouleurlieudersidencehabituel,notammentenraisondunconfitarm,desituationsdeviolencegnralise,deviolationsdesdroitsdelhommeoudecatastrophesnaturellesouprovoquesparlhommeoupourenviterleseets,etquinontpasranchilesrontiresinternationalementreconnuesduntat.

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    conduite dans les zones de conit, presque 50 % des

    dcs enregistrs concernent des enfants, bien quils

    ne reprsentent que 19 % de la population. La plupart

    dentre eux sont morts de maladies facilement vitables

    et curables, selon le Comit international de secours.

    Quant aux personnes ges, elles courent le risque

    dtre abandonnes. Nayant pas la capacit ou la

    volont de senfuir rapidement lors dun conit, elles

    restent sur place et doivent en subir les consquences.

    Lorsque les troupes gorgiennes et larme russe se

    sont arontes en Osstie du Sud en 2008, les habit ants

    les plus jeunes ont fui leurs villages. lapproche de

    lhiver, les personnes ges restes sur place ont eu

    du mal trouver de la nourriture et obtenir des soins

    de sant adquats.

    Les structures mdicales taient dlabres, des retards

    dans les rcoltes avaient entran une hausse des prix

    sur les marchs locaux, et les communauts les plus

    recules taient isoles en raison du mauvais tat des

    routes. Langoisse tait palpable dans des villages tels

    quAvnevi. Tamara, une habitante de 68 ans, racontait :

    Tellement de gens sont partis. Cest extrmement

    important pour ma sur et moi de savoir que nous

    navons pas t oublies.

    Le lieu de destination des dplacs peut avoir une

    inuence dterminante sur leurs besoins. Les biens

    indispensables la vie sont trs dirents selon quon

    se trouve la campagne ou en milieu urbain.

    En Colombie, la plupart des personnes dplaces vivent

    dans les quartiers pauvres qui entourent les grandes

    villes. Les quarante annes de conit ont probablement

    dracin 10 % de la population, e t le phnomn e ne

    cesse de samplier au l des ans.

    La population rurale peine sadapter un environne-

    ment urbain. Sans terre pour cultiver de quoi manger,

    les agriculteurs doivent acheter leur nourriture au

    moyen de revenus faibles et incertains. Les emplois sont

    rares, et leurs comptences agricoles nont pas grande

    utilit. La criminalit, le surpeuplement et les condi-

    tions de logement prcaires et insalubres aggravent

    encore leurs problmes. Parfois, ils renoncent aux soins

    de sant et lducation parce quils ont besoin de cet

    argent pour assurer leur survie.

    Du simple fait qu'ils ne connaissent pas les rgles du

    monde urbain ni les procdures suivre et qu'ils ont

    perdu leurs repres communautaires, les dplacs

    internes peuvent voir leur sort s'aggraver, comme le

    dmontre une enqute conjointe du CICR et du

    Programme alimentaire mondial. Un quart des per-

    sonnes interroges navaient mme pas enregistr

    leur dplacement auprs des autorits concernes, se

    privant ainsi de laide de ltat.

    De mme que les Fellatahs se sont vanouis dans les

    tendues dsertiques, les Colombiens peuvent dispa-

    ratre dans le ddale urbain. Les minorits tribales et

    les Afro-Colombiens chasss de leurs terres par les

    groupes arms sont les plus susceptibles de perdre

    leurs repres en milieu urbain. Se retrouver aux prises

    avec un conit, puis avec le monde moderne, cen est

    trop parfois , dclare Christophe Vogt, chef adjoint des

    oprations du CICR pour lAmrique latine. Certains

    ne parlent mme pas la langue.

    Lorsque des hommes arms ont lanc leurs premires

    attaques dans les environs de la ville de Minova, les

    membres de sa famille ont fui dans la fort, puis sont

    retourns prudemment dans leur village, pensant que

    les violences taient termines. Cest comme a quils

    nous ont trouvs , raconte-t-elle. Ils ont commenc

    par nous demander de largent et ont menac de m ettre

    le feu notre maison. Aprs avoir pill la maison, trois

    dentre eux sont rests Ils mont dit de rester tran-

    quille et ont ferm la porte. Puis ils nous ont violes.

    Pour les femmes et les enfants de nombreux pays, les

    violences et lexploitation sexuelles sont une ralit

    quotidienne. Les femmes sont par ailleurs exposes

    la violence domestique, ont un accs limit aux services

    de sant reproductive et se retrouvent souvent seules

    en charge de leur famille. En Somalie, du fait de la mor-

    talit leve des hommes, la plupart des familles

    dplaces ont leur tte une femme, tout comme plus

    de 90 % des familles monoparentales dplaces dans

    les grandes villes de Colombie.

    Les enfants dplacs peuvent tre la proie de groupes

    arms, qui les utilisent comme soldats, main-duvre

    et esclaves sexuels. Dans le tumulte du conit, le fait

    dtre spars de leur famille les rend particulirement

    vulnrables. En 2008, de nombreux cas de travail forc

    et dexploitation conomique ont t recenss dans pas

    moins dune vingtaine de pays ; paralllement, laccs

    lducation a fortement recul.

    Les chires, eux seuls, sont alarmants. En Colombie,

    les enfants constituent plus de la moiti des personnes

    dplaces ; en RDC, selon une enqute sur la mortalit

    Tellementdegenssontpartis.Cestextrmementimportantpourmasuretmoidesavoirquenousnavonspastoublies.

    FredClarke/CICR

    FredClarke/CICR

    Colombie : entre 1,8 et 3 millions de Colombiensont t dplacs depuis 1985 ; la plupart dentre euxvivent dsormais dans la pauvret, en milieu urbain.

    Une multitude de dangers menacent les dplacs internes,tout particulirement les plus gs.

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    Nairobi. Mme si je ne suis pas certain que lobjectif

    premier sera de prvenir le dplacement...

    Les vnements climatiques extrmes au Kenya contri-

    buent sans aucun doute au dplacement, quil soit

    accompagn ou non de tensions ethniques. La scurit

    conomique est cruciale, tout particulirement dans

    les zones exposes aux conflits.

    Les programmes de scurit conomique ont pour prin-

    cipal objectif de prserver ou de restaurer la capacit

    des familles ou des communauts de satisfaire leurs

    besoins fondamentaux. Au Soudan, lessentiel des

    eorts dploys par le CICR dans le domaine vise pr-

    venir le dplacement, notamment dans le massif du

    Djebel Marra. La rgion tant largement contrle par

    les forces rebelles et cerne par larme soudanaise, sa

    population de plus de 300000 personnes a d accueillir

    un nombre croissant de dplacs internes.

    Le Djebel Marra tait autrefois lun des greniers de la

    rgion. Terre dorigine des Furs, peuple compos essen-

    tiellement dagriculteurs qui continuent de cultiver les

    valles et les hauts plateaux, le Djebel Marra a vu ses

    marchs perturbs et sa production agricole seon-

    drer. lpuisement des ressources sest ajout un aux

    massif de personnes fuyant les arontements. Alors

    quune famille exploitait auparavant quatre ou cinq

    hectares, aujourdhui, elle peut sestimer chanceuse

    den cultiver plus dun.

    Les personnes dplaces se sont rfugies dans les vil-

    lages daltitude, chez des parents ou des amis. Elles ont

    construit des abris et ont cherch des terres ou du travail

    chez dautres cultivateurs. La plupart des nouveaux arri-

    vants ayant tout abandonn derrire eux, ce sont les

    communauts daccueil qui doivent les soutenir.

    Le CICR les aide en leur fournissant des outils, des

    semences et de la nourriture pour permettre aux

    agriculteurs de travailler leurs terres et viter quils

    consomment les semences. Il est impossible de savoir

    dans quelle mesure cette assistance a contribu viter

    un exode dans le Djebel Marra, mais selon Peter

    Schamberger, coordonnateur en matire de scurit

    conomique, elle a permis de maintenir des condi-

    tions de vie supportables .

    intervenir auprs des acteurs concerns sont autant de

    priorits qui occupent constamment le CICR et les

    Socits nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-

    Rouge. Partout o un accs est possible, mme dans les

    conits qui durent depuis de longues annes, ils sem-

    ploient promouvoir le DIH.

    Aprs vingt ans de guerre en Somalie, le Croissant-Rouge

    de Somalie continue de rappeler leurs obligations aux

    forces armes et aux milices. Elles doivent protger et res-

    pecter les civils, les combattants blesss ou capturs, les

    infrastructures et le personnel sanitaires et humanitaires.

    Personne ne connat avec certitude le nombre de per-

    sonnes dplaces en Somalie. Beaucoup dentre elles

    ont t dplaces plusieurs fois, et rares sont les habi-

    tants qui ne sont pas touchs dans le pays. Ahmed

    Mohamed Hassan, prsident du Croissant-Rouge de

    Somalie, dclare l aconiquement : Cest un environne -

    ment dicile, mais la diusion du DIH est vitale. Nous

    le relions au Coran, aux enseignements islamiques et

    au droit coutumier somalien.

    Vitale , le mot est juste. Les attaques menes contre

    des organisations dassistance en 2009 tmoignaient

    dun manque de respect pour les travailleurs humani-

    taires, dont dpend souvent la survie des personnes

    prises dans le conflit. Les perturbations qui en ont

    rsult ont eu des consquences galement pour les

    personnes dplaces.

    Prvenir le dplacement, cest remdier aux raisons qui

    poussent les populations partir. Au Kenya, cela peut

    signier apaiser les tensions suscites par des ressources

    trop rares. Au-del des violences post-lectorales qui

    ont secou le pays et dont on a beaucoup parl, des

    milliers de personnes peuvent tre dplaces par des

    arontements tribaux dont les enjeux sont la terre, les

    pturages, le btail ou leau.

    Une solution peut tre de dvelopper les moyens de

    subsistance de la population et dadopter des mesures

    qui auront de multiples eets positifs. Si la Croix-Rouge

    du Kenya nous annonce que deux forages sont dtruits

    un endroit o le manque deau peut engendrer des

    tensions, nous envoyons des techniciens , explique

    Christophe Luedi, chef de la dlgation du CICR

    La principale priorit du CICR est de prvenir le dpla-

    cement, mais dans le chaos et lanarchie des conits

    internes, les ds sont immenses.

    Quest-ce qui pourrait bien convaincre Maria Elena de

    rester Las Cruces, un village du sud-ouest de la

    Colombie ? Depuis cette nuit o une balle perdue a tra-

    vers les parois de sa cabane, blessant Maria Elena mais

    pargnant miraculeusement lenfant quelle tait en

    train dallaiter, elle et sa famille ont envisag de quitter

    la rgion, comme dautres avant eux.

    La vie dans ce village dune quarantaine de familles

    est gnralement paisible. Un voyageur de passage

    nimaginerait jamais que cest un endroit dangereux.

    Cependant, les villageois savent qu'ils peuvent recevoir

    tout moment la visite impromptue dun des nom-

    breux groupes arms prsents dans la rgion. Lorsque

    des groupes opposs se rencontrent, ou que lun deux

    se heurte une patrouille de larme prs du village,

    les habitants courent se rfugier chez eux et prient

    pour ne pas tre pris entre deux feux.

    Maria Elena a perdu son bras gauche, amput lhpital

    o elle est arrive aprs un dangereux priple au milieu

    de la nuit. Mais ce qui l a le plus marque, cest quand sa

    lle sest agite dans tous les sens et quelle a c ru quelle

    avait elle aussi t blesse. Que se passera-t-il si lhomme

    la mitrailleuse revient sur la colline qui domine le village

    et que, cette fois, son bb est moins chanceux ? Et si

    lambulancier refuse nouveau de les transporter et

    quaucun camionneur de passage nest l pour les aider ?

    Pour linstant, Maria Elena reste au village. Tandis que

    son mari continue de soccuper de la ferme familiale, elle

    a ouvert une petite picerie au re z-de-chausse de leur

    maison. Ils nont pas grand-chose, mais cest toujours

    mieux que de vivre en ville en tant que dplacs internes.

    Ils sont courageux, mais il surait dune nouvelle rafale

    de mitrailleuse pour quune autre famille colombienne

    soit dplace.

    Si les civils taient respects, ces risques seraient forte-

    ment rduits. Rappeler aux parties au conflit leur

    obligation de respecter le DIH, sassurer que les forces

    et les groupes arms connaissent le droit de la guerre,

    veiller au respect des dispositions et, le cas chant,

    FrancoPagetti/CICR/VII

    PRTECTINET PRENTIN DU DPLACEMENT

    Colombie : Maria Elena et sa amille ont dcid de resterdans leur maison, malgr les risques (2009).

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    Le CICR a install le camp de Gereida une poque o

    le conit empchait les autres organisations dinterve-

    nir dans la rgion. Il tait le seul y avoir accs.

    Dans les endroits relativement srs, les camps sont en

    gnral bien desservis par les agences des Nations

    Unies et les ONG. Le CICR peut alors concentrer son

    action sur les personnes vulnrables lextrieur des

    camps, sur les autres dplacs et sur les communauts

    touches, que de nombreuses autres organisations ne

    peuvent atteindre.

    Laccs est un facteur cl. Laction humanitaire neutre

    et indpendante du CICR, ainsi que le dialogue quil

    entretient avec toutes les parties au conit lui assurent

    un accs privilgi. En uvrant sur le terrain directe-

    ment avec les communauts, linstitution peut les aider

    faire face, prvenir le dplacement avant quil ne se

    produise et apporter un soutien aux personnes qui

    accueillent des dplacs.

    Tous les dplacs internes ne se rendent pas dans des

    camps. Les camps dtournent lattention de la commu-

    naut internationale de la dure ralit du dplacement

    interne. Ils sont peut-tre un dernier recours, mais dans

    leur majorit, ils sont situs dans des endroits acces-

    sibles, loin des lignes de front, parfois proximit des

    villes ou du moins dune piste datterrissage. Les dona-

    teurs et les mdias sy rendent en avion, puis repartent,

    et ce quils en retiennent est trs mdiatis. En cons-

    quence, pendant de trop nombreuses annes, le dbat

    sur les dplacs internes est rest ax sur les personnes

    installes dans des camps, au dtriment de celles

    vivant lextrieur.

    Le Nord et le Sud-Kivu, deux provinces dvastes par la

    guerre dans lest de la RDC, en sont une parfaite illustra-

    tion. On y dnombre des millions de morts depuis que

    le conit a clat dans l es annes 1990. Mi-2009, on esti-

    mait le nombre de dplacs internes en RDC quelque

    1,4 million, concentrs essentiellement au Nord-Kivu,

    au Sud-Kivu et dans la province Orientale voisine.

    La plupart dentre eux sont hbergs par des familles

    daccueil dans des lieux surpeupls tels que Chebumba,

    une commune 50 kilomtres au nord de Bukavu, la

    capitale du Sud-Kivu. Les personnes dplaces y sont

    trois fois plus nombreuses que la population rsidente.

    selon certains, la perspective de pouvoir bncier de

    services sociaux autrement inaccessibles peut encoura-

    ger le dplacement, voire lacclrer. Cette attraction

    peut parfois tre le facteur dcisif.

    Le dilemme est vident. Alors que les acteurs humani-

    taires se sont employs pendant des annes tablir

    des normes minimales pour amliorer la qualit de las-

    sistance, ils se demandent aujourdhui sil y a lieu de

    dnir un niveau maximal.

    Jakob Kellenberger, prsident du CICR, met la question

    en perspective : Il est certainement beaucoup plus

    facile de fournir des services dans des camps, mais c'est

    dans les zones de conit que les autorits et les organi-

    sations humanitaires devraient faire tout leur possible

    pour assurer des conditions de vie dcentes toutes les

    personnes touches.

    Il faut rellement se poser la question : voulons-nous

    que ces personnes gardent leur motivation regagner

    leur foyer ? Nous pouvons crer parfois un environne-

    ment de vie qui est tellement plus facile que celui

    qu'elles avaient avant le dplacement qu'elles ne ren-

    treront pas chez e lles.

    Il est dicile destimer le nombre de dplacs internes

    qui quitteront Gereida pour retourner dans leur village.

    Les services diminueront mesure que lurgence se

    transformera en reconstruction. Le nouveau roi Masalit

    serait surpris si moins dun tiers de la population dpla-

    ce restait sur place, ce qui doublerait la taille de sa

    ville. Il existe dautres problmes dans les camps. Au

    Darfour, comme ailleurs, ils ont t organiss en fonc-

    tion des origines ethniques et sont sous linuence de

    dirigeants politiques. Certains groupes ont t exclus

    de certaines zones et ont accus leurs opposants duti-

    liser les camps comme sanctuaires aprs des attaques.

    Les tensions tribales se sont exacerbes, entranant

    des violences.

    Des groupes dopposition arms taient prsents dans

    certains camps, o ils recrutaient des dplacs internes,

    les utilisaient pour faire circuler des armes et se

    livraient au harclement et aux extorsions. Dans

    dautres camps, les personnes vulnrables taient for-

    ces verser des taxes ou une partie de leurs rations

    alimentaires des leaders autoproclams.

    Si les Furs avaient fui le Djebel Marra, ils se seraient ren-

    dus dans des camps seul li eu sr qui sorait eux. Or,

    les camps sont-ils une rponse au d pos par le dpla-

    cement interne, ou sont-ils devenus une partie du

    problme ? En n de compte, les camps et leurs services

    ne sont-ils pas un facteur dattraction qui encourage

    le dplacement, le prolonge et nuit aux mcanismes

    traditionnels dadaptation ? Les arguments en ce sens

    ne manquent pas et, tout comme le CICR, les institutions

    des Nations Unies conviennent que les camps doivent

    rester une option de dernier recours.

    Le camp de Gereida a valeur dexemple. Il nest pas vi-

    dent de prime abord de distinguer la frontire entre la

    ville qui comptait autrefois 20000 habitants et le

    camp, o sont installes quelque 148000 personnes.

    Gereida pourrait tre une ville en pleine expansion, dont

    les quartiers les plus rcents seraient constitus par les

    abris et les installations des dplacs internes.

    Le camp est une structure urbaine, mais ses quartiers

    sont des villages transplants. Aprs avoir fui, des com-

    munauts entires se sont installes en ville. Elles ont

    conserv le nom de leur village, leur identit et leurs

    structures . Des diffrences existent toutefo is : les

    scheresses et les infestations qui menacent les

    cultures nont dsormais plus dimpact sur leur appro-

    visionnement en vivres. Le Programme alimentaire

    mondial rpond leurs besoins par des distributions.

    En outre, les enfants peuvent tre scolariss.

    Sils navaient accs auparavant qu des puits peu pro-

    fonds, les habitants des camps bncient aujourdhui

    dune eau potable trs propre tire des forages, stocke

    dans des citernes et achemine jusquaux points deau

    des diffrents quartiers. Alors quils navaient quun

    poste de sant, les villageois ont prsent accs trois

    centres de soins de sant primaires, dont un gr par

    le CICR qui respecte des normes de qualit leves.

    Bien que mener de telles actions permette souvent de

    sauver des vies, est-ce pertinent sur le plan structurel ?

    Cette question proccupe le CICR et dautres organisa-

    tions humanitaires, qui craignent que lattraction

    exerce par les services oerts dans les camps ne fasse

    quaccrotre limpulsion donne par l e conit. La peur

    et linscurit poussent les gens fuir leur foyer, mais,

    LES CAMPS :UNE SLUTINU UNE PARTIE DU PRLME ? Jeroe

    nOerlemans/CICR

    BorisHeger/CICR

    RudyTolentino/CICR

    OlgaMiltcheva/CICR

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    internes submerge progressivement les communauts

    pauvres, accentuant la dgradation conomique et

    suscitant parfois des tensions. Les priodes de dplace-

    ment sont plus longues. Enn, les ONG internationales,

    coordonnes par le HCR, allouent de plus en plus de

    ressources aux camps, aux dpens des communauts

    qui en ont cruellement besoin. Le soutien apport aux

    dplacs vivant dans des familles daccueil et aux

    familles elles-mmes est limit.

    Outre laccs, les organisations citent le nancement

    parmi leurs contraintes. Il semble que de nombreux

    donateurs se montrent sceptiques face aux besoins qui

    ne sont pas immdiatement visibles.

    La visibilit des besoins, ou son absence, a longtemps

    t une proccupation au Kenya. Les premiers d place-

    ments internes remontent lindpendance du pays

    obtenue de la Grande-Bretagne.

    Il aura fallu les violences de dbut 2008 pour que la

    question se retrouve sur le devant de la scne, dclare

    Bill Omamo, chef du protocole du CICR Nairobi. La

    notion de dplacs internes kenyans na vu le jour

    quavec lapparition soudaine de camps suite aux lec-

    tions. Selon M. Omamo, lampleur et la nature des

    violences qui se sont produites au Kenya ont suscit une

    prise de conscience .

    En outre, comme ailleurs, laccent a t mis principale-

    ment sur les camps car les mdias y avaient accs. Le

    sort des communauts daccueil a suscit une attention

    moindre, et personne ne connaissait prcisment le

    nombre de personnes dplaces vivant dans des

    familles daccueil.

    James Kisia, secrtaire gnral adjoint de la Croix-

    Rouge du Kenya, explique que les communauts

    daccueil prouvaient dj des dicults suite plu-

    sieurs rcoltes dsastr euses. Ctait une priode

    dicile. Ils ntaient pas vraiment en mesure daider les

    autres. Mais ils lont fait.

    Par ailleurs, un phnomne est pass quasiment ina-

    peru : la fuite des habitants des bidonvilles urbains a

    eu un impact sur les populations rurales pauvres. Des

    quartiers entiers ont brl dans les bidonvilles tenta-

    culaires qui entourent la plupart des villes kenyanes,

    et de nombreuses personnes parmi celles qui ont fui

    soutenaient des parents plus pauvres vivant la cam-

    pagne. Les rles se sont alors inverss. Les personnes

    qui apportaient un soutien avaient dsormais elles-

    mmes besoin dtre aides.

    Pour beaucoup, cette situation tait invivable. Selon

    certaines informations, des dplacs internes ont d

    sendetter pour satisfaire leurs besoins essentiels et, loin

    des regards, bon nombre dentre eux nont bnci

    daucune assistance humanitaire.

    conditions pouvantables. Parmi elles, de jeunes

    enfants, des femmes enceintes, des malades et des

    personnes victimes dabus.

    Ruboneza, 32 ans, a fui son foyer au Nord-Kivu lorsque

    des hommes arms sont arrivs et ont commenc enr-

    ler des villageois de force. Il a emmen avec lui sa femme,

    sa mre et ses deux enfants, mais ses frres cadets et des

    voisins ont t abattus devant ses yeux. Par la suite, sa

    mre a galement t tue lorsque la famille a d sen-

    fuir nouveau de lendroit o elle avait trouv refuge.

    Lorsque le petit groupe est arriv Chebumba, il stait

    agrandi. Sur la route, ils avaient trouv deux enfants

    perdus. Leur mre avait t tue et ils ignoraient o tait

    leur pre. Alors je les ai emmens avec moi , raconte

    Ruboneza. Ils sont ma charge et je dois men occuper.

    Si je trouve de la nourriture pour tous, nous sommes

    heureux. Sinon, nous mourrons de faim ensemble.

    En RDC, les dplacs internes sont gnralement hber-

    gs par des familles daccueil. Selon des estimations,

    cest encore le cas pour environ 70 % dentre eux. Mais

    rcemment, le pourcentage de personnes dplaces

    vivant dans des camps ociels a fortement augment.

    Alors quen 2007, il ny avait quun seul camp au Nord-

    Kivu, la mi-2009, on en comptait onze.

    Claudia McGoldrick, conseillre du prsident du CICR,

    avance plusieurs raisons cette tendance inquitante.

    Il ne fait aucun doute que laux incessant de dplacs

    Les vagues de dplacs internes se sont succdes sans

    relche et la population locale nest plus en mesure

    daccueillir les nouveaux arrivants.

    La pression laquelle ces communauts sont sou-

    mises est norme. Gnralement, les collectivits qui

    accueillent des dplacs internes sont elles aussi tou-

    ches par le conit, et il est donc probable que les

    ressources soient limites avant mme leur arrive.

    Les rserves de nourriture sont peine susantes, et

    les terres arables, les ressources en eau, les systmes

    dassainissement et les services publics sont dj

    exploits au maximum. La prsence prolonge de

    dplacs internes implique invitablement que ces

    ressources diminuent encore, crant parfois des ten-

    sions entre les familles daccueil et leurs htes.

    Ce tableau nest que trop familier pour le CICR, qui est

    tmoin de situations similaires dans le monde entier. Au

    centre de Mindanao, dans le sud des Philippines, les

    dplacements massifs causs par les combats ont fait

    peser un lourd fardeau sur les habitants vulnrables.

    Certaines familles, bien qutant elles-mmes dmunies,

    hbergeaient jusqu vingt personnes dplaces.

    La sourance npargne personne. Aprs avoir fui de

    nouveaux arontements, des personnes sont arrives

    Chebumba avec uniquement leurs vtements sur

    le dos. Ne trouvant plus de place dans la commune,

    certaines se sont installes en plein air, dans des

    Lescampsdtournentlattentiondelacommunautinternationaledeladureralitdudplacementinterne.

    AndrewMcConnell/Panos

    RDC : une amille dplace par le conit qui aitrage construit un abri dans un camp qui hbergeplus de 10 000 personnes (2008).

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    accords aux personnes qui quittent un camp et qui

    regagnent leur foyer. Ds lors, de nombreux dplacs

    internes passent au travers des mailles du let, comme

    ceux qui ne vivent pas dans un camp, ny transitent pas

    ou regagnent leur rgion directement depuis un

    endroit inconnu.

    Ils ne peuvent pas pour autant tre abandonns leur

    sort, ce qui amne une question souvent dlicate : com-

    bien de temps peut-on rester un dplac interne, et qui

    en dcide ? Selon une conception rpandue dans le

    domaine humanitaire, le dplacement se prolonge aussi

    longtemps que les causes sous-jacentes existent.

    Quant aux dispositions juridiques, elles tablissent que

    le dplacement ne doit pas durer plus longtemps que

    ne lexigent les raisons qui lont justi (raisons mili-

    taires impratives ou scurit des civils eux-mmes). Il

    incombe aux autorits de rtablir des conditions qui

    permettent aux personnes dplaces de trouver des

    solutions durables pour sortir de leurs dicults. En

    outre, les autorits devraient fournir ces personnes

    les moyens de trouver ces solutions. Parmi les options

    possibles gurent : le retour et la rintgration dans leur

    lieu dorigine, lintgration lendroit o ils se sont ins-

    talls, ou linstallation dans un nouvel endroit. Quelle

    quelle soit, la dcision des personnes dplaces devrait

    tre prise de faon volontaire, dans le respect de leur

    scurit et de leur dignit, et permettre le rtablisse-

    ment des moyens de subsistance ainsi quun accs aux

    services essentiels.

    Toutefois, ces facteurs sont souvent interprts di-

    remment. Les tats peuvent estimer que la rinstallation

    ou la rintgration est acheve bien avant que les

    acteurs humanitaires naient entrevu la moindre trace

    de solution durable. De manire gnrale, les autorits

    sont impatientes que le dplacement disparaisse, car il

    est rvlateur de trouble s ; elles expdient par cons -

    quent les procdures. Dautres dtournent le regard

    ou refusent la ralit, autant de ractions susceptibles

    dengendrer encore davantage de conits et de mou-

    vements de population.

    La pluie est pourtant autant une bndiction quun

    flau, et la terre frachement laboure est source

    despoir. Les habitants arment que Um Karfa peut

    prosprer nouveau si la scurit est rtablie, si

    lapprovisionnement en eau est assur de manire

    durable et si on leur donne susamment de semences

    et doutils pour reprendre les cultures.

    lheure actuelle, semences et outils posent problme.

    Certaines personnes en ont, dautres pas. Hawa Issa

    Mahady, une veuve dune cinquantaine dannes mre

    de six enfants, manque de semences. Elle passe ses

    matines dfricher une parcelle de terre pour la pr-

    parer aux semailles. Tous les aprs-midi, elle vend du

    th et du caf. Jconomise ce que je gagne. Quand

    jaurai assez dargent, jachterai des semences et je

    les planterai aussitt, explique-t-elle.

    Cela pourrait prendre un certain temps. Le prix dune

    tasse de th est bas, les semences sont chres et les

    clients plutt rares. Um Karfa nest dailleurs pas sa des-

    tination nale, mais plutt une tape intermdiaire.

    Elle vient du village excentr de Gortobok, le premier

    avoir t attaqu par les hommes arms qui ont abattu

    son mari et des voisins. Personne na encore os saven-

    turer jusque-l pour voir ce quil reste du village et

    valuer les conditions de scurit sur place.

    Les semences et les outils agricoles sont les moyens

    grce auxquels une population qui a accs la terre peut

    rtablir ses anciens moyens de subsistance et trouver

    ce que les spcialistes de lhumanitaire appellent une

    solution durable. Toutefois, de nombreux habitants du

    Darfour nont pas cette chance, quil sagisse dagricul-

    teurs locaux, de dplacs internes vivant dans des

    camps, de communauts daccueil ou de personnes

    envisageant de rentrer chez elles, comme Hawa Issa

    Mahady. Soit les moyens ne sont pas disponibles, soit

    leur cot est trop lev pour des familles dmunies.

    Certains sont laisss pour compte cause du systme

    strict des organisations humanitaires. Aux quatre coins

    du monde, les colis dassistance destins aux pe rsonnes

    qui rentrent chez elles sont souvent distribus dans les

    camps de dplacs. Lide est que ces avantages sont

    Les pluies sont de retour et le paysage dsertique sest

    teint de vert. Autour de Gereida, on laboure la terre

    et on plante des semences dans ce qui est rest un no

    mans land pendant des annes. La scurit semble se

    rtablir et lon peut enn esprer une rcolte.

    Des nes trottent de la ville aux champs, transportant

    des agriculteurs. Lun deux tire une charrette charge,

    dans laquelle une famille a pris place. Ces personnes

    rentrent au village de Um Karfa, une heure ou deux

    dos dne.

    Avant lapparition des problmes , comme les appel-

    lent les habitants du Darfour, Um Karfa tait le plus

    grand des 15 villages de la communaut Masalit. Les

    nomades vivaient autour des agglomrations. Lorsque

    la violence a gagn la rgion et que certains villages

    isols ont t attaqus, les Masalit sont partis pour

    Gereida, tandis que les nomades sont rests. Souhaitant

    plus que tout retrouver leur mode de v ie et leurs moyens

    de subsistance traditionnels, les Masalit ont amorc un

    retour prudent. Ils ne sont quune part inme des cen-

    taines de milliers de personnes dplaces qui cherchent

    regagner leur foyer dans le monde.

    Plus rien ne reste de lancien village. Les maisons ont

    brl, et ce qui les remplace ressemble aux installations

    dun camp de rfugis : des abris faits de bches et

    de vgtation rcupre dans la brousse. Comme il a

    beaucoup plu la nuit dernire, les fuites deau sont nom-

    breuses et les femmes se plaignent. Une mre ne peut

    pas dormir dans un endroit pa reil. Nous avons trop peur

    pour nos enfants. Vous voyez ? , interroge une mre de

    cinq enfants, en montrant une poigne de sable

    dtremp. Tout est humide, trs humide, trop humide.

    Comme beaucoup dautres qui sont revenus au village,

    elle nest pas encore convaincue quun retour Um

    Karfa est judicieux. Elle a toujours de la famille dans le

    camp de Gereida et garde deactoun pied l'intrieur

    du camp, au cas o. Les personnes qui sont de retour

    continuent de bncier de soins de sant et reoivent

    discrtement de la nourriture prleve sur les distribu-

    tions du camp. Cette situation ambivalente dcide

    certaines femmes rentrer.

    REGAGNER SN ER

    Nousnesavonspasexactementquandnousallonsrentrer.Jeminquitepourmamaisonetmesanimaux,maisqueaire?Lascuritnestpasencorertablie.

    PedramY

    azdi/CICR

    VirginieLouis/CICR

    ChristophVonToggenburg/CICR

    BorisHeger/CICR

  • 8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis

    12/16

    18 19

    Afghanistan, en Colombie, en Gorgie, en Hati, au

    Liban, au Libria, aux Philippines et en RDC. Elle rvle

    notamment lampleur colossale du dplacement.

    Ltude montre ainsi que sur lensemble des personnes

    touches par des hostilits, plus de la moiti a d quitter

    son foyer. Si le taux moyen est de 56 %, il est nettement

    plus lev dans certains pays. En Afghanistan, 76 % des

    personnes ont dclar avoir t dplaces, alors quau

    Libria, presque neuf habitants sur dix ont d fuir ; le

    Liban ache pour sa part un taux de 61 %. Globalement,

    les chires font tat de plusieurs millions de personnes

    dplaces. Par ailleurs, le dplacement est lune des prin-

    cipales craintes cites par les personnes interroges.

    En plus davoir t dplaces, bon nombre ont vu leurs

    maisons pilles et leurs biens endommags. Pour ces

    personnes, les dicults conomiques sont une ralit

    quotidienne. Une personne sur cinq a perdu sa source

    de revenus. une pnurie gnralise de biens tels que

    la nourriture ou leau sest ajout un accs limit aux

    services essentiels comme les soins de sant ou llec-

    tricit. En Afghanistan et en Hati, la plupart des habitants

    sourent de la combinaison de ces deux situations.

    Par-dessus tout, deux conclusions se dtachent claire-

    ment. Lenqute souligne combien il est impratif que

    le DIH soit mieux respect par les parties au conit, et

    elle met en vidence le besoin de renforcer en priorit

    la capacit des communauts faire face aux crises.

    Dans ce que les Principes directeurs dcrivent comme

    la planication et la gestion du retour ou de la rin-

    stallation et de la rintgration, un lment est souvent

    absent : la participation des dplacs intern es. Aprs

    tout, ne sagit-il pas de leur retour ? Cest eux quil

    devrait convenir en priorit.

    Il est ncessaire de maintenir un dialogue avec les

    dplacs internes chaque tape de leur dplacement.

    Ds le dpart, ils ont b esoin dinformations : quelle assis-

    tance est disponible quel endroit, quelles sont les

    possibilits qui sorent eux. Il arrive que des per-

    sonnes eectuent de longs voyages et prennent des

    risques considrables sur la base dune rumeur armant

    quun soutien est apport un endroit donn. Ce nest

    quune fois arrives destination quelles dcouvrent

    que ce nest pas le cas. Ces personnes ont des dcisions

    prendre, et elles devraient pouvoir les prendre en

    connaissance de cause.

    Rciproquement, ce que les dpla cs internes ont dire

    est important pour les acteurs humanitaires, dont les

    choix oprationnels devraient galement tre clairs.

    Une enqute mene par le CICR en 2009, qui donne la

    parole des personnes touches par des conits dans

    huit pays, brosse un tableau peu rassurant. Intitule Notre

    monde.Perspectivesduterrain , cette tude se penche sur

    les expriences personnelles, les besoins, les inqui-

    tudes, les attentes et les frustrations de personnes en

    LA I DU PEUPLE

    UneenqutemeneparleCICRen2009,quidonnelaparoledes

    personnestouchespardesconfitsdanshuit

    pays,brosseuntableaupeurassurant.

    JasonTanner/CICR

    Philippines : cette emme dplace a trouv reuge dansun entrept vide, dans la province de Cotabato (2008).

  • 8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis

    13/16

    20 21

    Assurer un meilleur respect du droit et fournir une

    assistance sont deux lments essentiels de la stratgie

    du CICR visant aider les civils dans les situations de

    conit. Selon M. Kellenberger, lobjectif de cette stra-

    tgie est de rtablir des conditions de vie acceptables,

    de renforcer les mcanismes dadaptation existants et

    de permettre aux civils de conserver un environne-

    ment aussi proche que possible de celui auquel ils sont

    habitus, jusqu ce quils redeviennent autonomes.

    Parmi les actions menes figurent notamment les

    eorts pour rtablir les liens familiaux, la distribution

    de secours, le rtablissement de lapprovisionnement

    en eau, les premiers secours et les oprations chirurgi-

    cales, les programmes dhygine et de soins de sant,

    les activits de soutien aux moyens de subsistance,

    ainsi que les programmes de sensibilisation aux dan-

    gers des mines et la fourniture de membres articiels.

    Ce qui distingue le CICR de certaines autres organisa-

    tions en termes de stratgie daction, cest que nous

    tenons compte de toutes les personnes touches par le

    conit, et pas seulement des dplacs internes. Si le

    CICR reconnat que le dplacement accrot la vulnra-

    bilit, il estime quune personne dplace nest pas

    systmatiquement plus vulnrable quune personne

    qui ne lest pas.

    Ainsi, la politique oprationnelle du CICR consiste

    aider non seulement ceux qui fuient, mais aussi ceux

    qui nen ont pas la possibilit mme sils le voulaient,

    ceux qui restent sur place pour dautres raisons et ceux

    qui regagnent leur foyer. En outre, linstitution est for-

    tement proccupe par le fait que les organisations

    humanitaires et les donateurs ont de plus en plus ten-

    dance faire une distinction entre les besoins des

    personnes dplaces et ceux de la population locale.

    M. Kellenberger lance un avertissement : comparti-

    menter laide humanitaire et diviser les bnciaires

    en catgories comporte le risque que certains groupes

    mme les plus dmunis puissent tre ngligs,

    comme cela a t le cas en RDC. Dans ce pays, les

    camps absorbent des ressources prcieuses, bien sou-

    vent trop rares, et dont on a parfois un besoin plus

    pressant ailleurs.

    Pour le prsident du CICR, ltiquette de dplac

    interne a fauss le dbat sur le dplacement, notam-

    ment du fait que les dplacs internes les plus visibles

    sont ceux qui vivent dans des camps. Pendant trop

    longtemps, toutes les discussions portaient presque

    exclusivement sur les dplacs internes dans les camps.

    La notion de dplac interne et le sort de ces personnes

    ont t assimils la vie dans les camps.

    Lorsquon pense toutes ces personnes dplaces au

    Pakistan dans la province de la Frontire du Nord-Ouest,

    dans les districts de Swat, de Dir et de Buner... combien

    taient-elles, 360 000 personnes en mai ? Lors de ce

    dplacement massif et sans prcdent, la majorit sest

    tourne vers des familles daccueil. Cest dans la tradi-

    tion pachtoune dhberger des proches dans le besoin,

    quelle que soit la prcarit de sa propre situation. Nous

    nous sommes alors rendu compte qu moyen et long

    terme, la prsence de ces personnes dplaces ferait

    peser une charge trs lourde sur les familles daccueil.

    Cest pourquoi cette catgorisation, qui se cantonne a ux

    dplacs internes dans les camps, est dangereuse.

    De mme, les aspects politiques ne devraient pas tre

    ngligs, ajoute-t-il. Si vous ne daignez pas venir en

    aide ceux qui restent chez eux, vous faites en quelque

    sorte la promotion du dplacement.

    Le CICR est galement proccup par le foss persistant

    qui spare secours et relvement. Dterminer quel

    moment un conit est vritablement termin et quel

    moment la phase durgence laisse la place la phase

    de dveloppement fait lobjet de nombreux dbats

    acadmiques, explique le prsident, mais sur le terrain,

    la transition est souvent complexe et prsente de

    multiples facettes.

    Jakob Kellenberger se penche sur une question cou-

    rante. Lun des problmes qui se posent sagissant

    des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au

    dplacement de personnes lintrieur de leur propre

    pays est quils restent en dnitive non contraignants,

    et que de nombreux tats les considrent toujours

    comme une ingrence dans leur souverainet. Certains

    estiment quune convention contraignante devrait

    tre adopte.

    Le prsident du CICR peine contenir son agacement.

    Je suis enclin penser quil est toujours bon dtre

    conscient de ce que lon a dj, dclare-t-il. Si les gou-

    vernements et les acteurs arms non tatiques

    respectaient les rgles tablies sur la conduite des

    hostilits, il y aurait nettement moins de personnes

    dplaces. Si vous parlez en termes de rgles contrai-

    gnantes, je vous renvoie celles qui existent dj dans

    le droit international humanitaire et le droit relatif aux

    droits de lhomme .

    Il marque une pause et illustre son propos : Imaginez,

    ne serait-ce quun instant, un monde o personne nat-

    taquerait des civils. Imaginez un monde o personne

    ne mnerait dattaques sans discrimination. Imaginez

    un monde o les civils et leurs biens seraient pargns

    en tout temps. Imaginez-le.

    Ce nest pourtant pas tche facile au vu des millions de

    personnes dplaces dans le monde. Veiller ce que les

    droits des personnes prises dans les conits soient res-

    pects est au cur mme de la mission du CICR, mais

    dans la tourmente des hostilits internes, cela peut se

    rvler une mission impossible.

    M. Kellenberger en convient : Personne ne saurait ar-

    mer quil tait possible de faire grand-chose pour

    protger la population ou prvenir son dplacement,

    par exemple au Dar four, en 2003. Nous nous retrouvons

    souvent dans cette situation, mais ce nest pas une rai-

    son pour croire que nous ne pouvons rien faire. Nous

    renforons progressivement nos oprations jusqu ce

    que nouspuissionsavoir une inuence sur les parties au

    conit. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir

    pour faire respecter le droit de la guerre.

    AIRE ACE AU DISLe point de vue du prsident

    Imaginez,neserait-cequuninstant,unmondeopersonnenattaqueraitdescivils.Imaginezunmondeopersonnenemneraitdattaquessansdiscrimination.Imaginezunmondeolescivilsetleursbiensseraientpargnsentouttemps.Imaginez-le.

    PhilippeMerchez/CICR

    Rwanda : des millions de Rwandais dplacsont regagn leur oyer aprs la guerre civile (1996).

  • 8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis

    14/16

    22 23

    La politique du Mouvement en matire de dplacement

    interne vise optimiser la cohrence et limpact de la

    Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Elle traite de la

    coordination avec dautres organisations sur la base de

    leur prsence et de leurs capacit s sur le terrain, mais

    insiste aussi sur le fait que le rseau du Mouvement

    doit agir conformment ses Principes fondamentaux.

    En outre, conjointement avec la politique de la

    Fdration internationale des Socits de la Croix-

    Rouge et du Croissant-Rouge relative la migration

    adopte en 2009, elle jette les fondements de laction

    des Socits nationales en faveur des migrants.

    Pour M. Kellenberger, lexemple de la Somalie constitue

    un modle de partenariat oprationnel. Nulle part

    ailleurs laction du Mouvement nest aussi tangible.

    Avec le soutien du CICR, le Croissant-Rouge de Somalie

    peut intervenir dans des zones auxquelles les autres

    institutions nont pas accs. Aprs presque vingt ans de

    conit et danarchie gnralise, la Socit nationale

    poursuit ses activits t ravers son rseau compos

    de 19 sections et de 114 sous-sections rparties sur

    lensemble du pays.

    Comme le souligne M. Kellenberger, en plus de traiter

    les blesss de guerre, de mener des projets de soins de

    sant primaires, dapprovisionnement en eau et de

    soutien aux moyens de subsistance, de fournir des

    secours et une aide durgence, et de contribuer runir

    les familles et rtablir les services communautaires

    essentiels, les partenaires du Mouvement continuent

    de sensibiliser la socit somalienne aux rgles fonda-

    mentales du DIH.

    Tant que ces rgles ne seront pas appliques dans le

    monde entier, dclare le prsident, le dplacement se

    poursuivra sans relche, avec son lot de ds humani-

    taires. Seuls des efforts concerts permettront la

    communaut internationale de prendre les mesures

    globales qui simposent. Mais pour cela, insiste-t-il, il

    est indispensable de sattaquer aux questions fonda-

    mentales, qui transcendent les limites des camps.

    Jai entendu dire : Nous avons besoin dune stratgie

    de sortie pour les organisations humanitaires . Jai tou-

    jours rpondu : Oui, cest vrai, mais en mme temps

    nous avons aussi besoin dune stratgie dentre pour

    les organisations daide au dveloppement et, si pos-

    sible, sans intervalle entre l es deux . Il est frquent que

    lorsque les unes sapprtent se retirer, les autres ne

    soient pas prsentes pour prendre la relve.

    Les lacunes et les chevauchements peuvent tre vits

    en amliorant la coordination et le dialogue entre les

    organisations, un objectif que le CICR est rsolu pour-

    suivre, arme M. Kellenberger. Faire face globalement

    un problme de lampleur du dplacement interne

    est au-del des capacits dune seule organisation.

    Malgr les progrs accomplis, de nombreux efforts

    devront encore tre dploys en matire de coordina-

    tion, explique-t-il. Pour que celle-ci soit plus ecace

    et constructive, elle doit sappuyer davantage sur les

    capacits existantes sur le terrain et sur le respect

    sincre de certains principes fondamentaux, plutt

    que sur des mcanismes et des procdures toujours

    plus sophistiqus.

    Les organisations humanitaires qui jouent un rle dans

    la coordination devraient tre elles-mmes prsentes

    et actives sur le terrain, et se montrer transparentes sur

    les ressources, les capacits et laccs.

    Les partenariats oprationnels au sein du Mouvement

    international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

    sont une priorit pour le CICR. Les Socits nationales

    sont bien places pour venir en aide aux dplacs

    internes, avance M. Kellenberger, car elles sont ancres

    dans les communauts, couvrent en gnral la totalit

    du territoire national et bncient dun accs priv ilgi

    aux autorits. Parmi les autres atouts partags par len-

    semble des partenaires du Mouvement gurent une

    identit commune vhicule par les emblmes utiliss

    et les principes appliqus, des normes dnissant les

    rles et les responsabilits, et une politique commune

    relative au dplacement interne.

    Tantquecesrglesneserontpasappliquesdanslemondeentier,dclareleprsident,ledplacementsepoursuivrasansrelche,avecsonlotdedshumanitaires.

    AntoninKratochvil/CICR

    RonHaviv/CICR/VII

    Gorgie : depuis 1993, cet hommevit dans un centre collecti pourpersonnes dplaces en Abkhazie.

    RDC : un jeune garon attend desnouvelles de ses parents.

  • 8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis

    15/16

    MISSION

    Organisation impartiale, neutre et indpendante, le Comit

    international de la Croix-Rouge (CICR) a la mission exclusive-

    ment humanitaire de protger la vie et la dignit des victimes

    de conits arms et dautres situations de violence, et de leur

    porter assistance. Le CICR seorce galement de prvenir la

    sourance par la promotion et le renforcement du droit et

    des principes humanitaires universels. Cr en 1863, le CICR

    est lorigine des Conventions de Genve et du Mouvement

    international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont

    il dirige et coordonne les activits internationales dans les

    conits arms et les autres situations de violence.

  • 8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis

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