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8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis
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Le dpLacement internedans Les confLits armsfaire face aux dfis
8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis
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Comit international de la Croix-Rouge19,avenue de la Paix1202 Genve,SuisseT + 41 22 734 60 01 F + 41 22 733 20 57E-mail:[email protected] www.cicr.org CICR,fvrier 2010
Photo de couverture:Stringer Pakistan/REUTERS
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LE DPLACEMENTINTERNE DANS
LES CONFLITS ARMSFAIRE FACE AUX DFIS
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Ce rapport spcial traite des questions cls de
protection et dassistance qui touchent les per-
sonnes dplaces. Il examine dabord la prvention
du dplacement, puis les diffrentes phases du
processus lorsque celui-ci na pu tre vit.
Lorsque le CICR intervient pour aider des dplacs
internes, il tient compte de tous les aspects du
contexte dans lequel le dplacement se produit. Il
sait que ceux qui restent sur place ou qui hberg ent
des personnes dplaces peuvent tre aussi vuln-
rables voire plus que ceux qui fuient. Il en va
de mme, dailleurs, des dplacs qui retournent
chez eux. Les personnes dplaces ne fuient pas
toujours directement les combats ou les attaques,
mais leurs consquences conomiques et la perte
daccs aux biens et aux services essentiels.
Les besoins sont particulirement grands chez
les personnes, dplaces ou non, qui sont trop
souvent oublies du reste du monde et restent
inatteignables pour la plupart des organisations.
Personne ne sait exactement combien elles sont,
car nombre dentre elles restent invisibles, igno-
res, non recenses. Certains gouvernements nient
jusqu leur existence. Toutefois, on estime quil y
a dans le monde prs de 26 millions de personnes
dplaces lintrieur de leur propre pays.
Dans des pays tels que lAfghanistan, la Colombie,
la Gorgie, le Kenya, le Libria, le Pakistan, les
Philippines, la Rpublique dmocratique du Congo,
la Somalie et le Soudan, les dplacs internes
comme on les appelle ont t chasss de leur
foyer et privs de scurit, dun toit, de nourriture,
deau, de moyens de subsistance et du soutien de
leur communaut. Les preuves quils doivent
endurer sont souvent si extrmes quelles compro-
mettent leur survie.
Dans les conits arms, le dplacement est souvent
caus par des violations du droit international
humanitaire (DIH) ou des droits humains fondamen-
taux. De fait, si les lois existantes taient respectes,
la plupart des personnes dplaces par la violence
auraient pu rester chez elles. Mais tel nest pas le
cas, et comme les militaires, les groupes arms et
les autorits manquent leurs obligations, elles
sont nombreuses devoir fuir mme plusieurs fois.
Un grand nombre dactions interdites par le DIH
sobservent couramment : attaquer des civils ou des
biens leur appartenant, affamer des civils comme
mthode de guerre, exercer des reprsailles, utili-
ser des civils comme boucliers humains, dtruire
des biens essentiels leur survie ou encore faire
obstacle la fourniture des secours et de lassis-
tance ncessaires la survie de la population
civile. Ainsi, alors que le DIH est juridiquement
contraignant tant pour les tats que pour les
acteurs non tatiques, bon nombre de ses rgles
sont bafoues. En outre, bien que la plupart des
tats reconnaissent les Principes directeurs des
Nations Unies relatifs au dplacement de personnes
lintrieur de leur propre pays qui sappuient sur
des normes du droit humanitaire et des droits de
lhomme , il faut une solide dtermination pour
relever les ds poss par ce problme grandissant
quest le dplacement.
Alors que le dplacement se poursuit, souvent
pendant de longues priodes, les ds humani-
taires qui en dcoulent sont immenses, et il est
particulirement difficile pour la communaut
internationale de mener une action cohrente,
bien coordonne et exhaustive.
Mariam ne savait pas du tout o elle allait. Elle tait juste
partie en courant avec ses quatre enfants.
Ctait un exode de masse, soudain et chaotique. Pris
dans le conit au Darfour (tout louest du Soudan), le
village de la tribu Fellatah de Mariam, au nord de la ville
de Gereida, avait dj subi plusieurs attaques, mais cette
fois-ci il avait succomb lassaut. Des cadavres jon-
chaient le sol et le village avait commenc brler.
Les Fellatahs, des semi-nomades la fois agriculteurs et
leveurs, navaient pas le choix. Mme sils avaient vcu
en paix cet endroit pendant de nombreuses gnra-
tions aux cts des cultivateurs Masalit, majoritaires ,
les facteurs ethniques utiliss dans un conit de plus en
plus complexe avaient creus un foss entre eux et leurs
voisins, alimentant une peur et une mance mutuelles.
Tout avait commenc par des rumeurs : les cultivateurs
conspiraient pour chasser tous les nomades de la rgion,
murmurait-on dun ct. Les nomades voulaient faire
partir les cultivateurs, armait-on de lautre, pour que
leurs terres reviennent aux troupeaux.
Pendant quelque temps, le vieux roi Masalit de Gereida
tait parvenu tenir les violences et lanarchie distance.
Son territoire stendait dans un rayon de 30 kilomtres
autour de la ville, et grce un accord sur lhonneur
conclu avec les tribus et les parties au conit, il gouver-
nait Gereida comme un secteur neutre.
Philippines : une emme ge part visiterson village abandonn, accompagnepar son petit-ls ; elle est efraye lidede rentrer chez elle.
Liban : 40 000 personnes ont d quitter leurs maisons,qui ont t dtruites durant les combats en 2007.
Des cultivateurs Masalit dplacs et dautres familles
chasses de leurs terres par les groupes arms staient
rfugis dans la ville de Gereida ; ils taient maintenant
plus de 100 000, soit cinq fois plus nombreux que la
population rsidente. La tribu d e Mariam avait fui dans
la direction oppose. Considrs comme des partisans
du gouvernement, ils avaient t chasss de Gereida.
Le groupe de Mariam, compos denviron 300 familles,
avait pris la direction du sud-ouest avant de disparatre.
Ce quil est advenu de ces familles dans les semaines,
les mois et les annes qui ont suivi, la douleur de la jeune
femme lorsquelle a perdu lun de ses enfants dans la
fuite et son combat pour survivre sont autant dl-
ments dune histoire bouleversante. Mais ce qui est
encore plus bouleversant, cest que des millions de
dplacs internes, aux quatre coins du monde, subissent
un sort semblable celui de Mariam.
Fin 2008, selon les estimations de lObservatoire des
situations de dplacement interne du Conseil norv-
gien pour les rfugis, on comptait 11,6 millions de
dplacs internes en Afrique, 4,5 millions dans les
Amriques, 3,9 millions au Moyen-Orient, 3,5 millions
en Asie de lEst et du Sud-Est et 2,5 millions en Europe
et en Asie centrale.
FrancoPagetti/CIC
R/VII
JamesNachtwey/CICR/VII
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UNE PRCCUPATINCRISSANTESUR TUS LES CNTINENTS
Ma seule pense tait de sauver mes enfants, de sau-
ver nos vies, je nai pas rchi lendroit o nous
irions ni ce quil fallait emporter , se rappelle Mariam.
Tout le monde ne pensait qu une chose : avoir la
vie sauve.
Pourtant, la jeune mre na pas pu sauver Hamad. Il
allait dj mal la n de la premire journe, raconte-
t-elle. Il sourait de diarrhe et avait commenc
vomir. Personne ne voulait sarrter, il ny avait per-
sonne pour maider. Tout ce que je pouvais faire, ctait
de continuer marcher. Deux jours aprs notre dpart,
Hamad est mort.
Daprs le rcit de Mariam, le voyage sest termin
lorsque son groupe est arriv dans un endroit inconnu,
sur les terres dorigine de la tribu. Prs dun hameau
comptant quatre ou cinq habitations, ils se sont assis
sous des arbres pour se reposer. Ils taient au milieu
de nulle part, mais lorsquils ont trouv une source
peu profonde, ils ont dcid de sinstaller l. Et cest
l quils sont rests cachs pendant plus de quatre ans,
absents de la carte, indtectables, hors de porte de
toute aide et de toute protection.
Ils ont survcu en eectuant des travaux agricoles occa-
sionnels. Il ny en avait aucun moins de deux heures
de marche, et lpuisement et les maladies taient
monnaie courante. Il y avait des jours o les gens ne
pouvaient pas aller travailler, des jours o la faim se
faisait sentir, et la plupart des maladies suivaient leur
cours sans aucun traitement. Il aurait fallu aller trs loin
pour trouver les soins de sant les plus basiques, et,
surtout, il aurait fallu avoir les moyens. Parmi ceux qui
sont morts, Mariam se souvient des bbs.
Ce nest que lorsque les forces gouvernementales ont
repris le contrle de Gereida que les Fellatahs ont
essay dy retourner. Quand le CICR les a trouvs en
2009, les premiers membres du groupe de Mariam
taient nouveau installs sous un arbre et avaient sous
les yeux lespace vide o se dressait autrefois leur vil-
lage. Ils taient prts tout recommencer, il ne leur
manquait que les moyens. Les pluies nallaient pas tar-
der et sils pouvaient labourer, ensemencer et obtenir
une bonne rcolte, ils pourraient commencer recons-
truire leur communaut.
handicapes ou ges qui sont dans lincapacit phy-
sique de fuir. Lorsque laccs ces personnes est limit,
comme cest souvent le cas dans les situations de conit,
des crises se droulent dans lignorance et sans quau-
cune assistance puisse tre apporte.
La dtresse de Mariam est reste ignore. Personne
Gereida ne savait o sa tribu tait partie et, hormis
quelques travailleurs humanitaires, personne ne sen
souciait vraiment. Les habitants avaient dautres proc-
cupations : lun des plus grands camps de dplacs au
monde crasait la ville de son tendue et ne cessait de
crotre. Les attaques incessantes des milices contre les
villages, les tensions entre Fellatahs et Masalit et les
combats intenses entre forces armes dans les environs
de Gereida taient autant de raisons pour quun ot
ininterrompu de personnes continue darriver.
Mariam avait fui le village pied en 2005, portant son
plus jeune ls, prnomm Hamad, dans une colonne
qui avanait si vite que ses autres enfants avaient de la
peine suivre. La plupart des gens marchaient, dautres
fuyaient dos dne, et rares taient ceux qui avaient
pu emporter quoi que ce soit.
Les dplacements de personnes lintrieur de leur
propre pays en raison de conits arms sont une source
croissante de proccupation sur tous les continents.
Comme lexplique Jakob Kellenberger, prsident du
CICR, le dplacement interne est lun des ds huma-
nitaires les plus alarmants de notre poque. Il est
dicile, voire impossible, de mesurer son impact non
seulement sur les dizaines de millions de dplacs
internes, mais aussi sur les innombrables familles
daccueil et les communauts locales .
Attaques directes et mauvais traitements, perte de
biens, danger que les familles soient disperses et les
enfants spars de leurs proches, risque accru de vio-
lences sexuelles lencontre des femmes et des jeunes
lles, vulnrabilit plus grande aux risques sanitaires
et accs limit aux soins de sant et dautres services
essentiels sont autant de menaces qui psent couram-
ment sur les dplacs internes. Alors que ceux-ci luttent
pour satisfaire des besoins vitaux, ils sont encore davan-
tage fragiliss par les tensions qui se dveloppent entre
eux et les communauts daccueil, le recrutement forc,
linstallation dans des lieux dangereux ou inadapts, ou
le retour forc dans des rgions non scurises.
Parfois, la plus grande dicult consiste tout simple-
ment atteindre les personnes dplaces. Les camps
ociels qui hbergent dimmenses populations ne sont
que la pointe de liceberg. Il arrive frquemment que les
besoins soient plus pressants lextrieur, notamment
dans les communauts daccueil o les rsidents, sou-
vent eux-mmes en dicult, fournissent la plupart
des dplacs internes des vivres et un abri. En dehors
des camps et de ce quils assurent soins de sant et
services mdicaux, distributions de vivres et deau, scu-
rit et abri , et hors de porte de la plupart des acteurs
humanitaires, les plus vulnrables doivent sen sortir par
eux-mmes. Il sagit notamment de ceux qui ont choisi
de rester sur place pour prserver des ressources certes
modestes, mais prcieuses, et des personnes malades,
Maseulepensetaitdesauvermesenants,desauvernosvies,jenaipasrfchilendroit
onousirionsnicequilallaitemporter,serappelleMariam.Toutlemondenepensaitquunechose:avoirlaviesauve.
Soudan: aprs quatre ans de dplacement,Mariam et sa tribu sont rentrs Gereidaen 2009 pour reconstruire leur vie.
PedrumY
azdi/CICR
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dnitions xes par certaines institutions humanitaires.
Si elles nont pas fui directement un conit ou la menace
de violences, elles peuvent se voir prives du droit une
assistance, et suspectes de vouloir proter de laide
fournie sans en avoir rellement besoin. Or, bien que des
abus existent, il nest pas rare que les conits pert urbent
les marchs, privent la population de services essentiels
et forcent les gens se dplacer pour y avoir accs.
Certaines communauts peuvent tre hors de porte de
lassistance qui pourrait prvenir leur dplacement, puis
tre confrontes des travailleurs humanitaires qui
leur refusent toute aide cause dune appellation.
Ce que M. Curco veut dire, cest que lassistance huma-
nitaire doit tre fonde sur des besoins et non sur des
catgories. De toute manire, rappelle-t-il, les dplacs
internes forment rarement un groupe homogne.
Lappellation existe, mais elle dsigne des personnes
diverses qui prsentent dirents types de vulnrabi-
lits. Leurs besoins sont aussi varis que spciques.
Les besoins particuliers des femmes, des enfants et des
personnes ges sont reconnus dans les normes juri-
diques existantes et noncs dans les Principes directeurs
des Nations Unies. Cependant, les droits tablis sont
frquemment bafous dans les situations de conflit.
Posez donc la question Mama Louise (nom ctif), qui
a t viole tout comme ses lles et sa mre de 81 ans
dans la province du Sud-Kivu, en Rpublique dmo-
cratique du Congo (RDC).
Ce qui sest produit na rien dinhabituel. Les violences
sexuelles et sexistes occupent une place importante
dans les abus perptrs contre des civils en RDC, notam-
ment au Nord et au Sud-Kivu. Il ne fait aucun doute que
le dplacement accrot les risques : pendant leur fuite,
mais aussi lintrieur des camps et aux alentours, les
dplacs internes sont particulirement vulnrables.
Pourtant, aucun groupe nest pargn : Louise a t
attaque alors quelle rentrait chez elle.
raisons militaires impratives ou la scurit de ces civils
lexigent. Si toutefois un dplacement se produit, les
dplacs internes ont droit la mme protection que
toute autre personne civile.
Comme le droit ltablit sans quivoque, la responsa-
bilit premire de protger les dplacs internes et de
satisfaire leurs besoins fondamentaux revient aux repr-
sentants de ltat ou, dans les situations de conit arm,
aux autorits qui contrlent le territoire sur lequel se
trouvent ces personnes. Cependant, ces acteurs nont
souvent pas la capacit ou la volont dassumer leurs
responsabilits cest l un immense enjeu p our le CICR
dans le dialogue quil entretient avec les parties armes,
conformment son mandat de gardien du DIH.
En tant que civils, les dplacs internes ont des droits
qui sont plus faciles dnir que leurs besoins. De
fait, certains acteurs humanitaires soutiennent que lap-
pellation dplac interne nest gure utile. Comme
lexplique un travailleur humanitaire ayant une longue
exprience en Asie et en Afrique : Cest trs frustrant
du point de vue de la gestion oprationnelle. Cette
appellation peut savrer extrmement trompeuse.
Un dplac interne peut tre mieux loti qu'une per-
sonne qui n'a pas t dplace et qui est dans la mme
situation. Le terme de dplac ne nous donne pas
d'indication sur sa situation humanitaire.
Khartoum, Jordi Raich, chef de la dlgation du CICR,
ironise sur ce quil considre comme une obsession de
la catgorisation, avec les tiquettes qui laccompa-
gnent. Excusez-moi, tes-vous un dplac interne, un
rfugi ou un migrant ? tes-vous victime dun conit
ou dune autre situation de violence ? Oh, vous tes un
nomade. Migrez-vous cause dun conit ou parce que
cest votre mode de vie ?
Les personnes considres comme des migrants co-
nomiques comptent parmi celles qui sont pnalises
par cette catgorisation, car elles ne rpondent pas aux
Le rcit de Mariam nous rappelle que les personnes
dplaces ont des besoins court, moyen et long terme :
nourriture, eau, abri et scurit, soins de sant, duca-
tion et rintgration conomique et sociale. Il montre
que laction humanitaire ne peut tre ecace que si les
besoins des dplacs internes sont pris en compte
toutes les tapes de leur dplacement, et que la protec-
tion doit aller de pair avec lassistance.
La dnition des dplacs internes la plus couramment
utilise est tire des Principes directeurs des Nations
Unies relatifs au dplacement de personnes lintrieur
de leur propre pays :
despersonnesoudesgroupesdepersonnesquiontt
forcsoucontraintsfuirouquitterleurfoyerouleurlieu
dersidencehabituel,notammentenraisondunconfit
arm,desituationsdeviolencegnralise,deviolations
desdroitsdelhommeoudecatastrophesnaturellesou
provoquesparlhommeoupourenviterleseets,et
quinontpasranchilesrontiresinternationalement
reconnuesduntat.
Le dplacement peut tre d toute une srie de causes,
et ce nest pas toujours seulement un conit arm ou
une catastrophe de grande ampleur que fuient les
dplacs internes. Le conit est parfois le point de bas-
cule , explique Angela Gussing, directrice adjointe des
oprations au CICR. Il peut sajouter toutes les autres
difficults, la scheresse, par exemple, la perte des
moyens de subsistance, une succession de mauvaises
rcoltes. La violence, ou la peur de la violence, peut tre
le facteur qui vous dcide nalement partir. La menace
des armes nest pas toujours le seul dclencheur.
Plusieurs branches du droit, dont le droit national, le
droit relatif aux droits de lhomme et, dans les situations
de conit arm, le droit international humanitaire, visent
protger les dplacs internes et les autres personnes
touches. Le DIH interdit toute partie un conit de
forcer des civils se dplacer, sauf dans les cas o des
QUEST-CE QUUN DPLAC INTERNE ?
JeroenOerlemans/CICR
Pakistan :en 2009, quelque2,5 millions depersonnes ontui les combats.
despersonnesoudesgroupesdepersonnesquionttorcsoucontraintsuirouquitterleuroyerouleurlieudersidencehabituel,notammentenraisondunconfitarm,desituationsdeviolencegnralise,deviolationsdesdroitsdelhommeoudecatastrophesnaturellesouprovoquesparlhommeoupourenviterleseets,etquinontpasranchilesrontiresinternationalementreconnuesduntat.
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conduite dans les zones de conit, presque 50 % des
dcs enregistrs concernent des enfants, bien quils
ne reprsentent que 19 % de la population. La plupart
dentre eux sont morts de maladies facilement vitables
et curables, selon le Comit international de secours.
Quant aux personnes ges, elles courent le risque
dtre abandonnes. Nayant pas la capacit ou la
volont de senfuir rapidement lors dun conit, elles
restent sur place et doivent en subir les consquences.
Lorsque les troupes gorgiennes et larme russe se
sont arontes en Osstie du Sud en 2008, les habit ants
les plus jeunes ont fui leurs villages. lapproche de
lhiver, les personnes ges restes sur place ont eu
du mal trouver de la nourriture et obtenir des soins
de sant adquats.
Les structures mdicales taient dlabres, des retards
dans les rcoltes avaient entran une hausse des prix
sur les marchs locaux, et les communauts les plus
recules taient isoles en raison du mauvais tat des
routes. Langoisse tait palpable dans des villages tels
quAvnevi. Tamara, une habitante de 68 ans, racontait :
Tellement de gens sont partis. Cest extrmement
important pour ma sur et moi de savoir que nous
navons pas t oublies.
Le lieu de destination des dplacs peut avoir une
inuence dterminante sur leurs besoins. Les biens
indispensables la vie sont trs dirents selon quon
se trouve la campagne ou en milieu urbain.
En Colombie, la plupart des personnes dplaces vivent
dans les quartiers pauvres qui entourent les grandes
villes. Les quarante annes de conit ont probablement
dracin 10 % de la population, e t le phnomn e ne
cesse de samplier au l des ans.
La population rurale peine sadapter un environne-
ment urbain. Sans terre pour cultiver de quoi manger,
les agriculteurs doivent acheter leur nourriture au
moyen de revenus faibles et incertains. Les emplois sont
rares, et leurs comptences agricoles nont pas grande
utilit. La criminalit, le surpeuplement et les condi-
tions de logement prcaires et insalubres aggravent
encore leurs problmes. Parfois, ils renoncent aux soins
de sant et lducation parce quils ont besoin de cet
argent pour assurer leur survie.
Du simple fait qu'ils ne connaissent pas les rgles du
monde urbain ni les procdures suivre et qu'ils ont
perdu leurs repres communautaires, les dplacs
internes peuvent voir leur sort s'aggraver, comme le
dmontre une enqute conjointe du CICR et du
Programme alimentaire mondial. Un quart des per-
sonnes interroges navaient mme pas enregistr
leur dplacement auprs des autorits concernes, se
privant ainsi de laide de ltat.
De mme que les Fellatahs se sont vanouis dans les
tendues dsertiques, les Colombiens peuvent dispa-
ratre dans le ddale urbain. Les minorits tribales et
les Afro-Colombiens chasss de leurs terres par les
groupes arms sont les plus susceptibles de perdre
leurs repres en milieu urbain. Se retrouver aux prises
avec un conit, puis avec le monde moderne, cen est
trop parfois , dclare Christophe Vogt, chef adjoint des
oprations du CICR pour lAmrique latine. Certains
ne parlent mme pas la langue.
Lorsque des hommes arms ont lanc leurs premires
attaques dans les environs de la ville de Minova, les
membres de sa famille ont fui dans la fort, puis sont
retourns prudemment dans leur village, pensant que
les violences taient termines. Cest comme a quils
nous ont trouvs , raconte-t-elle. Ils ont commenc
par nous demander de largent et ont menac de m ettre
le feu notre maison. Aprs avoir pill la maison, trois
dentre eux sont rests Ils mont dit de rester tran-
quille et ont ferm la porte. Puis ils nous ont violes.
Pour les femmes et les enfants de nombreux pays, les
violences et lexploitation sexuelles sont une ralit
quotidienne. Les femmes sont par ailleurs exposes
la violence domestique, ont un accs limit aux services
de sant reproductive et se retrouvent souvent seules
en charge de leur famille. En Somalie, du fait de la mor-
talit leve des hommes, la plupart des familles
dplaces ont leur tte une femme, tout comme plus
de 90 % des familles monoparentales dplaces dans
les grandes villes de Colombie.
Les enfants dplacs peuvent tre la proie de groupes
arms, qui les utilisent comme soldats, main-duvre
et esclaves sexuels. Dans le tumulte du conit, le fait
dtre spars de leur famille les rend particulirement
vulnrables. En 2008, de nombreux cas de travail forc
et dexploitation conomique ont t recenss dans pas
moins dune vingtaine de pays ; paralllement, laccs
lducation a fortement recul.
Les chires, eux seuls, sont alarmants. En Colombie,
les enfants constituent plus de la moiti des personnes
dplaces ; en RDC, selon une enqute sur la mortalit
Tellementdegenssontpartis.Cestextrmementimportantpourmasuretmoidesavoirquenousnavonspastoublies.
FredClarke/CICR
FredClarke/CICR
Colombie : entre 1,8 et 3 millions de Colombiensont t dplacs depuis 1985 ; la plupart dentre euxvivent dsormais dans la pauvret, en milieu urbain.
Une multitude de dangers menacent les dplacs internes,tout particulirement les plus gs.
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Nairobi. Mme si je ne suis pas certain que lobjectif
premier sera de prvenir le dplacement...
Les vnements climatiques extrmes au Kenya contri-
buent sans aucun doute au dplacement, quil soit
accompagn ou non de tensions ethniques. La scurit
conomique est cruciale, tout particulirement dans
les zones exposes aux conflits.
Les programmes de scurit conomique ont pour prin-
cipal objectif de prserver ou de restaurer la capacit
des familles ou des communauts de satisfaire leurs
besoins fondamentaux. Au Soudan, lessentiel des
eorts dploys par le CICR dans le domaine vise pr-
venir le dplacement, notamment dans le massif du
Djebel Marra. La rgion tant largement contrle par
les forces rebelles et cerne par larme soudanaise, sa
population de plus de 300000 personnes a d accueillir
un nombre croissant de dplacs internes.
Le Djebel Marra tait autrefois lun des greniers de la
rgion. Terre dorigine des Furs, peuple compos essen-
tiellement dagriculteurs qui continuent de cultiver les
valles et les hauts plateaux, le Djebel Marra a vu ses
marchs perturbs et sa production agricole seon-
drer. lpuisement des ressources sest ajout un aux
massif de personnes fuyant les arontements. Alors
quune famille exploitait auparavant quatre ou cinq
hectares, aujourdhui, elle peut sestimer chanceuse
den cultiver plus dun.
Les personnes dplaces se sont rfugies dans les vil-
lages daltitude, chez des parents ou des amis. Elles ont
construit des abris et ont cherch des terres ou du travail
chez dautres cultivateurs. La plupart des nouveaux arri-
vants ayant tout abandonn derrire eux, ce sont les
communauts daccueil qui doivent les soutenir.
Le CICR les aide en leur fournissant des outils, des
semences et de la nourriture pour permettre aux
agriculteurs de travailler leurs terres et viter quils
consomment les semences. Il est impossible de savoir
dans quelle mesure cette assistance a contribu viter
un exode dans le Djebel Marra, mais selon Peter
Schamberger, coordonnateur en matire de scurit
conomique, elle a permis de maintenir des condi-
tions de vie supportables .
intervenir auprs des acteurs concerns sont autant de
priorits qui occupent constamment le CICR et les
Socits nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-
Rouge. Partout o un accs est possible, mme dans les
conits qui durent depuis de longues annes, ils sem-
ploient promouvoir le DIH.
Aprs vingt ans de guerre en Somalie, le Croissant-Rouge
de Somalie continue de rappeler leurs obligations aux
forces armes et aux milices. Elles doivent protger et res-
pecter les civils, les combattants blesss ou capturs, les
infrastructures et le personnel sanitaires et humanitaires.
Personne ne connat avec certitude le nombre de per-
sonnes dplaces en Somalie. Beaucoup dentre elles
ont t dplaces plusieurs fois, et rares sont les habi-
tants qui ne sont pas touchs dans le pays. Ahmed
Mohamed Hassan, prsident du Croissant-Rouge de
Somalie, dclare l aconiquement : Cest un environne -
ment dicile, mais la diusion du DIH est vitale. Nous
le relions au Coran, aux enseignements islamiques et
au droit coutumier somalien.
Vitale , le mot est juste. Les attaques menes contre
des organisations dassistance en 2009 tmoignaient
dun manque de respect pour les travailleurs humani-
taires, dont dpend souvent la survie des personnes
prises dans le conflit. Les perturbations qui en ont
rsult ont eu des consquences galement pour les
personnes dplaces.
Prvenir le dplacement, cest remdier aux raisons qui
poussent les populations partir. Au Kenya, cela peut
signier apaiser les tensions suscites par des ressources
trop rares. Au-del des violences post-lectorales qui
ont secou le pays et dont on a beaucoup parl, des
milliers de personnes peuvent tre dplaces par des
arontements tribaux dont les enjeux sont la terre, les
pturages, le btail ou leau.
Une solution peut tre de dvelopper les moyens de
subsistance de la population et dadopter des mesures
qui auront de multiples eets positifs. Si la Croix-Rouge
du Kenya nous annonce que deux forages sont dtruits
un endroit o le manque deau peut engendrer des
tensions, nous envoyons des techniciens , explique
Christophe Luedi, chef de la dlgation du CICR
La principale priorit du CICR est de prvenir le dpla-
cement, mais dans le chaos et lanarchie des conits
internes, les ds sont immenses.
Quest-ce qui pourrait bien convaincre Maria Elena de
rester Las Cruces, un village du sud-ouest de la
Colombie ? Depuis cette nuit o une balle perdue a tra-
vers les parois de sa cabane, blessant Maria Elena mais
pargnant miraculeusement lenfant quelle tait en
train dallaiter, elle et sa famille ont envisag de quitter
la rgion, comme dautres avant eux.
La vie dans ce village dune quarantaine de familles
est gnralement paisible. Un voyageur de passage
nimaginerait jamais que cest un endroit dangereux.
Cependant, les villageois savent qu'ils peuvent recevoir
tout moment la visite impromptue dun des nom-
breux groupes arms prsents dans la rgion. Lorsque
des groupes opposs se rencontrent, ou que lun deux
se heurte une patrouille de larme prs du village,
les habitants courent se rfugier chez eux et prient
pour ne pas tre pris entre deux feux.
Maria Elena a perdu son bras gauche, amput lhpital
o elle est arrive aprs un dangereux priple au milieu
de la nuit. Mais ce qui l a le plus marque, cest quand sa
lle sest agite dans tous les sens et quelle a c ru quelle
avait elle aussi t blesse. Que se passera-t-il si lhomme
la mitrailleuse revient sur la colline qui domine le village
et que, cette fois, son bb est moins chanceux ? Et si
lambulancier refuse nouveau de les transporter et
quaucun camionneur de passage nest l pour les aider ?
Pour linstant, Maria Elena reste au village. Tandis que
son mari continue de soccuper de la ferme familiale, elle
a ouvert une petite picerie au re z-de-chausse de leur
maison. Ils nont pas grand-chose, mais cest toujours
mieux que de vivre en ville en tant que dplacs internes.
Ils sont courageux, mais il surait dune nouvelle rafale
de mitrailleuse pour quune autre famille colombienne
soit dplace.
Si les civils taient respects, ces risques seraient forte-
ment rduits. Rappeler aux parties au conflit leur
obligation de respecter le DIH, sassurer que les forces
et les groupes arms connaissent le droit de la guerre,
veiller au respect des dispositions et, le cas chant,
FrancoPagetti/CICR/VII
PRTECTINET PRENTIN DU DPLACEMENT
Colombie : Maria Elena et sa amille ont dcid de resterdans leur maison, malgr les risques (2009).
8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis
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12 13
Le CICR a install le camp de Gereida une poque o
le conit empchait les autres organisations dinterve-
nir dans la rgion. Il tait le seul y avoir accs.
Dans les endroits relativement srs, les camps sont en
gnral bien desservis par les agences des Nations
Unies et les ONG. Le CICR peut alors concentrer son
action sur les personnes vulnrables lextrieur des
camps, sur les autres dplacs et sur les communauts
touches, que de nombreuses autres organisations ne
peuvent atteindre.
Laccs est un facteur cl. Laction humanitaire neutre
et indpendante du CICR, ainsi que le dialogue quil
entretient avec toutes les parties au conit lui assurent
un accs privilgi. En uvrant sur le terrain directe-
ment avec les communauts, linstitution peut les aider
faire face, prvenir le dplacement avant quil ne se
produise et apporter un soutien aux personnes qui
accueillent des dplacs.
Tous les dplacs internes ne se rendent pas dans des
camps. Les camps dtournent lattention de la commu-
naut internationale de la dure ralit du dplacement
interne. Ils sont peut-tre un dernier recours, mais dans
leur majorit, ils sont situs dans des endroits acces-
sibles, loin des lignes de front, parfois proximit des
villes ou du moins dune piste datterrissage. Les dona-
teurs et les mdias sy rendent en avion, puis repartent,
et ce quils en retiennent est trs mdiatis. En cons-
quence, pendant de trop nombreuses annes, le dbat
sur les dplacs internes est rest ax sur les personnes
installes dans des camps, au dtriment de celles
vivant lextrieur.
Le Nord et le Sud-Kivu, deux provinces dvastes par la
guerre dans lest de la RDC, en sont une parfaite illustra-
tion. On y dnombre des millions de morts depuis que
le conit a clat dans l es annes 1990. Mi-2009, on esti-
mait le nombre de dplacs internes en RDC quelque
1,4 million, concentrs essentiellement au Nord-Kivu,
au Sud-Kivu et dans la province Orientale voisine.
La plupart dentre eux sont hbergs par des familles
daccueil dans des lieux surpeupls tels que Chebumba,
une commune 50 kilomtres au nord de Bukavu, la
capitale du Sud-Kivu. Les personnes dplaces y sont
trois fois plus nombreuses que la population rsidente.
selon certains, la perspective de pouvoir bncier de
services sociaux autrement inaccessibles peut encoura-
ger le dplacement, voire lacclrer. Cette attraction
peut parfois tre le facteur dcisif.
Le dilemme est vident. Alors que les acteurs humani-
taires se sont employs pendant des annes tablir
des normes minimales pour amliorer la qualit de las-
sistance, ils se demandent aujourdhui sil y a lieu de
dnir un niveau maximal.
Jakob Kellenberger, prsident du CICR, met la question
en perspective : Il est certainement beaucoup plus
facile de fournir des services dans des camps, mais c'est
dans les zones de conit que les autorits et les organi-
sations humanitaires devraient faire tout leur possible
pour assurer des conditions de vie dcentes toutes les
personnes touches.
Il faut rellement se poser la question : voulons-nous
que ces personnes gardent leur motivation regagner
leur foyer ? Nous pouvons crer parfois un environne-
ment de vie qui est tellement plus facile que celui
qu'elles avaient avant le dplacement qu'elles ne ren-
treront pas chez e lles.
Il est dicile destimer le nombre de dplacs internes
qui quitteront Gereida pour retourner dans leur village.
Les services diminueront mesure que lurgence se
transformera en reconstruction. Le nouveau roi Masalit
serait surpris si moins dun tiers de la population dpla-
ce restait sur place, ce qui doublerait la taille de sa
ville. Il existe dautres problmes dans les camps. Au
Darfour, comme ailleurs, ils ont t organiss en fonc-
tion des origines ethniques et sont sous linuence de
dirigeants politiques. Certains groupes ont t exclus
de certaines zones et ont accus leurs opposants duti-
liser les camps comme sanctuaires aprs des attaques.
Les tensions tribales se sont exacerbes, entranant
des violences.
Des groupes dopposition arms taient prsents dans
certains camps, o ils recrutaient des dplacs internes,
les utilisaient pour faire circuler des armes et se
livraient au harclement et aux extorsions. Dans
dautres camps, les personnes vulnrables taient for-
ces verser des taxes ou une partie de leurs rations
alimentaires des leaders autoproclams.
Si les Furs avaient fui le Djebel Marra, ils se seraient ren-
dus dans des camps seul li eu sr qui sorait eux. Or,
les camps sont-ils une rponse au d pos par le dpla-
cement interne, ou sont-ils devenus une partie du
problme ? En n de compte, les camps et leurs services
ne sont-ils pas un facteur dattraction qui encourage
le dplacement, le prolonge et nuit aux mcanismes
traditionnels dadaptation ? Les arguments en ce sens
ne manquent pas et, tout comme le CICR, les institutions
des Nations Unies conviennent que les camps doivent
rester une option de dernier recours.
Le camp de Gereida a valeur dexemple. Il nest pas vi-
dent de prime abord de distinguer la frontire entre la
ville qui comptait autrefois 20000 habitants et le
camp, o sont installes quelque 148000 personnes.
Gereida pourrait tre une ville en pleine expansion, dont
les quartiers les plus rcents seraient constitus par les
abris et les installations des dplacs internes.
Le camp est une structure urbaine, mais ses quartiers
sont des villages transplants. Aprs avoir fui, des com-
munauts entires se sont installes en ville. Elles ont
conserv le nom de leur village, leur identit et leurs
structures . Des diffrences existent toutefo is : les
scheresses et les infestations qui menacent les
cultures nont dsormais plus dimpact sur leur appro-
visionnement en vivres. Le Programme alimentaire
mondial rpond leurs besoins par des distributions.
En outre, les enfants peuvent tre scolariss.
Sils navaient accs auparavant qu des puits peu pro-
fonds, les habitants des camps bncient aujourdhui
dune eau potable trs propre tire des forages, stocke
dans des citernes et achemine jusquaux points deau
des diffrents quartiers. Alors quils navaient quun
poste de sant, les villageois ont prsent accs trois
centres de soins de sant primaires, dont un gr par
le CICR qui respecte des normes de qualit leves.
Bien que mener de telles actions permette souvent de
sauver des vies, est-ce pertinent sur le plan structurel ?
Cette question proccupe le CICR et dautres organisa-
tions humanitaires, qui craignent que lattraction
exerce par les services oerts dans les camps ne fasse
quaccrotre limpulsion donne par l e conit. La peur
et linscurit poussent les gens fuir leur foyer, mais,
LES CAMPS :UNE SLUTINU UNE PARTIE DU PRLME ? Jeroe
nOerlemans/CICR
BorisHeger/CICR
RudyTolentino/CICR
OlgaMiltcheva/CICR
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14 15
internes submerge progressivement les communauts
pauvres, accentuant la dgradation conomique et
suscitant parfois des tensions. Les priodes de dplace-
ment sont plus longues. Enn, les ONG internationales,
coordonnes par le HCR, allouent de plus en plus de
ressources aux camps, aux dpens des communauts
qui en ont cruellement besoin. Le soutien apport aux
dplacs vivant dans des familles daccueil et aux
familles elles-mmes est limit.
Outre laccs, les organisations citent le nancement
parmi leurs contraintes. Il semble que de nombreux
donateurs se montrent sceptiques face aux besoins qui
ne sont pas immdiatement visibles.
La visibilit des besoins, ou son absence, a longtemps
t une proccupation au Kenya. Les premiers d place-
ments internes remontent lindpendance du pays
obtenue de la Grande-Bretagne.
Il aura fallu les violences de dbut 2008 pour que la
question se retrouve sur le devant de la scne, dclare
Bill Omamo, chef du protocole du CICR Nairobi. La
notion de dplacs internes kenyans na vu le jour
quavec lapparition soudaine de camps suite aux lec-
tions. Selon M. Omamo, lampleur et la nature des
violences qui se sont produites au Kenya ont suscit une
prise de conscience .
En outre, comme ailleurs, laccent a t mis principale-
ment sur les camps car les mdias y avaient accs. Le
sort des communauts daccueil a suscit une attention
moindre, et personne ne connaissait prcisment le
nombre de personnes dplaces vivant dans des
familles daccueil.
James Kisia, secrtaire gnral adjoint de la Croix-
Rouge du Kenya, explique que les communauts
daccueil prouvaient dj des dicults suite plu-
sieurs rcoltes dsastr euses. Ctait une priode
dicile. Ils ntaient pas vraiment en mesure daider les
autres. Mais ils lont fait.
Par ailleurs, un phnomne est pass quasiment ina-
peru : la fuite des habitants des bidonvilles urbains a
eu un impact sur les populations rurales pauvres. Des
quartiers entiers ont brl dans les bidonvilles tenta-
culaires qui entourent la plupart des villes kenyanes,
et de nombreuses personnes parmi celles qui ont fui
soutenaient des parents plus pauvres vivant la cam-
pagne. Les rles se sont alors inverss. Les personnes
qui apportaient un soutien avaient dsormais elles-
mmes besoin dtre aides.
Pour beaucoup, cette situation tait invivable. Selon
certaines informations, des dplacs internes ont d
sendetter pour satisfaire leurs besoins essentiels et, loin
des regards, bon nombre dentre eux nont bnci
daucune assistance humanitaire.
conditions pouvantables. Parmi elles, de jeunes
enfants, des femmes enceintes, des malades et des
personnes victimes dabus.
Ruboneza, 32 ans, a fui son foyer au Nord-Kivu lorsque
des hommes arms sont arrivs et ont commenc enr-
ler des villageois de force. Il a emmen avec lui sa femme,
sa mre et ses deux enfants, mais ses frres cadets et des
voisins ont t abattus devant ses yeux. Par la suite, sa
mre a galement t tue lorsque la famille a d sen-
fuir nouveau de lendroit o elle avait trouv refuge.
Lorsque le petit groupe est arriv Chebumba, il stait
agrandi. Sur la route, ils avaient trouv deux enfants
perdus. Leur mre avait t tue et ils ignoraient o tait
leur pre. Alors je les ai emmens avec moi , raconte
Ruboneza. Ils sont ma charge et je dois men occuper.
Si je trouve de la nourriture pour tous, nous sommes
heureux. Sinon, nous mourrons de faim ensemble.
En RDC, les dplacs internes sont gnralement hber-
gs par des familles daccueil. Selon des estimations,
cest encore le cas pour environ 70 % dentre eux. Mais
rcemment, le pourcentage de personnes dplaces
vivant dans des camps ociels a fortement augment.
Alors quen 2007, il ny avait quun seul camp au Nord-
Kivu, la mi-2009, on en comptait onze.
Claudia McGoldrick, conseillre du prsident du CICR,
avance plusieurs raisons cette tendance inquitante.
Il ne fait aucun doute que laux incessant de dplacs
Les vagues de dplacs internes se sont succdes sans
relche et la population locale nest plus en mesure
daccueillir les nouveaux arrivants.
La pression laquelle ces communauts sont sou-
mises est norme. Gnralement, les collectivits qui
accueillent des dplacs internes sont elles aussi tou-
ches par le conit, et il est donc probable que les
ressources soient limites avant mme leur arrive.
Les rserves de nourriture sont peine susantes, et
les terres arables, les ressources en eau, les systmes
dassainissement et les services publics sont dj
exploits au maximum. La prsence prolonge de
dplacs internes implique invitablement que ces
ressources diminuent encore, crant parfois des ten-
sions entre les familles daccueil et leurs htes.
Ce tableau nest que trop familier pour le CICR, qui est
tmoin de situations similaires dans le monde entier. Au
centre de Mindanao, dans le sud des Philippines, les
dplacements massifs causs par les combats ont fait
peser un lourd fardeau sur les habitants vulnrables.
Certaines familles, bien qutant elles-mmes dmunies,
hbergeaient jusqu vingt personnes dplaces.
La sourance npargne personne. Aprs avoir fui de
nouveaux arontements, des personnes sont arrives
Chebumba avec uniquement leurs vtements sur
le dos. Ne trouvant plus de place dans la commune,
certaines se sont installes en plein air, dans des
Lescampsdtournentlattentiondelacommunautinternationaledeladureralitdudplacementinterne.
AndrewMcConnell/Panos
RDC : une amille dplace par le conit qui aitrage construit un abri dans un camp qui hbergeplus de 10 000 personnes (2008).
8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis
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16 17
accords aux personnes qui quittent un camp et qui
regagnent leur foyer. Ds lors, de nombreux dplacs
internes passent au travers des mailles du let, comme
ceux qui ne vivent pas dans un camp, ny transitent pas
ou regagnent leur rgion directement depuis un
endroit inconnu.
Ils ne peuvent pas pour autant tre abandonns leur
sort, ce qui amne une question souvent dlicate : com-
bien de temps peut-on rester un dplac interne, et qui
en dcide ? Selon une conception rpandue dans le
domaine humanitaire, le dplacement se prolonge aussi
longtemps que les causes sous-jacentes existent.
Quant aux dispositions juridiques, elles tablissent que
le dplacement ne doit pas durer plus longtemps que
ne lexigent les raisons qui lont justi (raisons mili-
taires impratives ou scurit des civils eux-mmes). Il
incombe aux autorits de rtablir des conditions qui
permettent aux personnes dplaces de trouver des
solutions durables pour sortir de leurs dicults. En
outre, les autorits devraient fournir ces personnes
les moyens de trouver ces solutions. Parmi les options
possibles gurent : le retour et la rintgration dans leur
lieu dorigine, lintgration lendroit o ils se sont ins-
talls, ou linstallation dans un nouvel endroit. Quelle
quelle soit, la dcision des personnes dplaces devrait
tre prise de faon volontaire, dans le respect de leur
scurit et de leur dignit, et permettre le rtablisse-
ment des moyens de subsistance ainsi quun accs aux
services essentiels.
Toutefois, ces facteurs sont souvent interprts di-
remment. Les tats peuvent estimer que la rinstallation
ou la rintgration est acheve bien avant que les
acteurs humanitaires naient entrevu la moindre trace
de solution durable. De manire gnrale, les autorits
sont impatientes que le dplacement disparaisse, car il
est rvlateur de trouble s ; elles expdient par cons -
quent les procdures. Dautres dtournent le regard
ou refusent la ralit, autant de ractions susceptibles
dengendrer encore davantage de conits et de mou-
vements de population.
La pluie est pourtant autant une bndiction quun
flau, et la terre frachement laboure est source
despoir. Les habitants arment que Um Karfa peut
prosprer nouveau si la scurit est rtablie, si
lapprovisionnement en eau est assur de manire
durable et si on leur donne susamment de semences
et doutils pour reprendre les cultures.
lheure actuelle, semences et outils posent problme.
Certaines personnes en ont, dautres pas. Hawa Issa
Mahady, une veuve dune cinquantaine dannes mre
de six enfants, manque de semences. Elle passe ses
matines dfricher une parcelle de terre pour la pr-
parer aux semailles. Tous les aprs-midi, elle vend du
th et du caf. Jconomise ce que je gagne. Quand
jaurai assez dargent, jachterai des semences et je
les planterai aussitt, explique-t-elle.
Cela pourrait prendre un certain temps. Le prix dune
tasse de th est bas, les semences sont chres et les
clients plutt rares. Um Karfa nest dailleurs pas sa des-
tination nale, mais plutt une tape intermdiaire.
Elle vient du village excentr de Gortobok, le premier
avoir t attaqu par les hommes arms qui ont abattu
son mari et des voisins. Personne na encore os saven-
turer jusque-l pour voir ce quil reste du village et
valuer les conditions de scurit sur place.
Les semences et les outils agricoles sont les moyens
grce auxquels une population qui a accs la terre peut
rtablir ses anciens moyens de subsistance et trouver
ce que les spcialistes de lhumanitaire appellent une
solution durable. Toutefois, de nombreux habitants du
Darfour nont pas cette chance, quil sagisse dagricul-
teurs locaux, de dplacs internes vivant dans des
camps, de communauts daccueil ou de personnes
envisageant de rentrer chez elles, comme Hawa Issa
Mahady. Soit les moyens ne sont pas disponibles, soit
leur cot est trop lev pour des familles dmunies.
Certains sont laisss pour compte cause du systme
strict des organisations humanitaires. Aux quatre coins
du monde, les colis dassistance destins aux pe rsonnes
qui rentrent chez elles sont souvent distribus dans les
camps de dplacs. Lide est que ces avantages sont
Les pluies sont de retour et le paysage dsertique sest
teint de vert. Autour de Gereida, on laboure la terre
et on plante des semences dans ce qui est rest un no
mans land pendant des annes. La scurit semble se
rtablir et lon peut enn esprer une rcolte.
Des nes trottent de la ville aux champs, transportant
des agriculteurs. Lun deux tire une charrette charge,
dans laquelle une famille a pris place. Ces personnes
rentrent au village de Um Karfa, une heure ou deux
dos dne.
Avant lapparition des problmes , comme les appel-
lent les habitants du Darfour, Um Karfa tait le plus
grand des 15 villages de la communaut Masalit. Les
nomades vivaient autour des agglomrations. Lorsque
la violence a gagn la rgion et que certains villages
isols ont t attaqus, les Masalit sont partis pour
Gereida, tandis que les nomades sont rests. Souhaitant
plus que tout retrouver leur mode de v ie et leurs moyens
de subsistance traditionnels, les Masalit ont amorc un
retour prudent. Ils ne sont quune part inme des cen-
taines de milliers de personnes dplaces qui cherchent
regagner leur foyer dans le monde.
Plus rien ne reste de lancien village. Les maisons ont
brl, et ce qui les remplace ressemble aux installations
dun camp de rfugis : des abris faits de bches et
de vgtation rcupre dans la brousse. Comme il a
beaucoup plu la nuit dernire, les fuites deau sont nom-
breuses et les femmes se plaignent. Une mre ne peut
pas dormir dans un endroit pa reil. Nous avons trop peur
pour nos enfants. Vous voyez ? , interroge une mre de
cinq enfants, en montrant une poigne de sable
dtremp. Tout est humide, trs humide, trop humide.
Comme beaucoup dautres qui sont revenus au village,
elle nest pas encore convaincue quun retour Um
Karfa est judicieux. Elle a toujours de la famille dans le
camp de Gereida et garde deactoun pied l'intrieur
du camp, au cas o. Les personnes qui sont de retour
continuent de bncier de soins de sant et reoivent
discrtement de la nourriture prleve sur les distribu-
tions du camp. Cette situation ambivalente dcide
certaines femmes rentrer.
REGAGNER SN ER
Nousnesavonspasexactementquandnousallonsrentrer.Jeminquitepourmamaisonetmesanimaux,maisqueaire?Lascuritnestpasencorertablie.
PedramY
azdi/CICR
VirginieLouis/CICR
ChristophVonToggenburg/CICR
BorisHeger/CICR
8/9/2019 Le dplacement interne dans les conflits arms : faire face aux dfis
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18 19
Afghanistan, en Colombie, en Gorgie, en Hati, au
Liban, au Libria, aux Philippines et en RDC. Elle rvle
notamment lampleur colossale du dplacement.
Ltude montre ainsi que sur lensemble des personnes
touches par des hostilits, plus de la moiti a d quitter
son foyer. Si le taux moyen est de 56 %, il est nettement
plus lev dans certains pays. En Afghanistan, 76 % des
personnes ont dclar avoir t dplaces, alors quau
Libria, presque neuf habitants sur dix ont d fuir ; le
Liban ache pour sa part un taux de 61 %. Globalement,
les chires font tat de plusieurs millions de personnes
dplaces. Par ailleurs, le dplacement est lune des prin-
cipales craintes cites par les personnes interroges.
En plus davoir t dplaces, bon nombre ont vu leurs
maisons pilles et leurs biens endommags. Pour ces
personnes, les dicults conomiques sont une ralit
quotidienne. Une personne sur cinq a perdu sa source
de revenus. une pnurie gnralise de biens tels que
la nourriture ou leau sest ajout un accs limit aux
services essentiels comme les soins de sant ou llec-
tricit. En Afghanistan et en Hati, la plupart des habitants
sourent de la combinaison de ces deux situations.
Par-dessus tout, deux conclusions se dtachent claire-
ment. Lenqute souligne combien il est impratif que
le DIH soit mieux respect par les parties au conit, et
elle met en vidence le besoin de renforcer en priorit
la capacit des communauts faire face aux crises.
Dans ce que les Principes directeurs dcrivent comme
la planication et la gestion du retour ou de la rin-
stallation et de la rintgration, un lment est souvent
absent : la participation des dplacs intern es. Aprs
tout, ne sagit-il pas de leur retour ? Cest eux quil
devrait convenir en priorit.
Il est ncessaire de maintenir un dialogue avec les
dplacs internes chaque tape de leur dplacement.
Ds le dpart, ils ont b esoin dinformations : quelle assis-
tance est disponible quel endroit, quelles sont les
possibilits qui sorent eux. Il arrive que des per-
sonnes eectuent de longs voyages et prennent des
risques considrables sur la base dune rumeur armant
quun soutien est apport un endroit donn. Ce nest
quune fois arrives destination quelles dcouvrent
que ce nest pas le cas. Ces personnes ont des dcisions
prendre, et elles devraient pouvoir les prendre en
connaissance de cause.
Rciproquement, ce que les dpla cs internes ont dire
est important pour les acteurs humanitaires, dont les
choix oprationnels devraient galement tre clairs.
Une enqute mene par le CICR en 2009, qui donne la
parole des personnes touches par des conits dans
huit pays, brosse un tableau peu rassurant. Intitule Notre
monde.Perspectivesduterrain , cette tude se penche sur
les expriences personnelles, les besoins, les inqui-
tudes, les attentes et les frustrations de personnes en
LA I DU PEUPLE
UneenqutemeneparleCICRen2009,quidonnelaparoledes
personnestouchespardesconfitsdanshuit
pays,brosseuntableaupeurassurant.
JasonTanner/CICR
Philippines : cette emme dplace a trouv reuge dansun entrept vide, dans la province de Cotabato (2008).
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20 21
Assurer un meilleur respect du droit et fournir une
assistance sont deux lments essentiels de la stratgie
du CICR visant aider les civils dans les situations de
conit. Selon M. Kellenberger, lobjectif de cette stra-
tgie est de rtablir des conditions de vie acceptables,
de renforcer les mcanismes dadaptation existants et
de permettre aux civils de conserver un environne-
ment aussi proche que possible de celui auquel ils sont
habitus, jusqu ce quils redeviennent autonomes.
Parmi les actions menes figurent notamment les
eorts pour rtablir les liens familiaux, la distribution
de secours, le rtablissement de lapprovisionnement
en eau, les premiers secours et les oprations chirurgi-
cales, les programmes dhygine et de soins de sant,
les activits de soutien aux moyens de subsistance,
ainsi que les programmes de sensibilisation aux dan-
gers des mines et la fourniture de membres articiels.
Ce qui distingue le CICR de certaines autres organisa-
tions en termes de stratgie daction, cest que nous
tenons compte de toutes les personnes touches par le
conit, et pas seulement des dplacs internes. Si le
CICR reconnat que le dplacement accrot la vulnra-
bilit, il estime quune personne dplace nest pas
systmatiquement plus vulnrable quune personne
qui ne lest pas.
Ainsi, la politique oprationnelle du CICR consiste
aider non seulement ceux qui fuient, mais aussi ceux
qui nen ont pas la possibilit mme sils le voulaient,
ceux qui restent sur place pour dautres raisons et ceux
qui regagnent leur foyer. En outre, linstitution est for-
tement proccupe par le fait que les organisations
humanitaires et les donateurs ont de plus en plus ten-
dance faire une distinction entre les besoins des
personnes dplaces et ceux de la population locale.
M. Kellenberger lance un avertissement : comparti-
menter laide humanitaire et diviser les bnciaires
en catgories comporte le risque que certains groupes
mme les plus dmunis puissent tre ngligs,
comme cela a t le cas en RDC. Dans ce pays, les
camps absorbent des ressources prcieuses, bien sou-
vent trop rares, et dont on a parfois un besoin plus
pressant ailleurs.
Pour le prsident du CICR, ltiquette de dplac
interne a fauss le dbat sur le dplacement, notam-
ment du fait que les dplacs internes les plus visibles
sont ceux qui vivent dans des camps. Pendant trop
longtemps, toutes les discussions portaient presque
exclusivement sur les dplacs internes dans les camps.
La notion de dplac interne et le sort de ces personnes
ont t assimils la vie dans les camps.
Lorsquon pense toutes ces personnes dplaces au
Pakistan dans la province de la Frontire du Nord-Ouest,
dans les districts de Swat, de Dir et de Buner... combien
taient-elles, 360 000 personnes en mai ? Lors de ce
dplacement massif et sans prcdent, la majorit sest
tourne vers des familles daccueil. Cest dans la tradi-
tion pachtoune dhberger des proches dans le besoin,
quelle que soit la prcarit de sa propre situation. Nous
nous sommes alors rendu compte qu moyen et long
terme, la prsence de ces personnes dplaces ferait
peser une charge trs lourde sur les familles daccueil.
Cest pourquoi cette catgorisation, qui se cantonne a ux
dplacs internes dans les camps, est dangereuse.
De mme, les aspects politiques ne devraient pas tre
ngligs, ajoute-t-il. Si vous ne daignez pas venir en
aide ceux qui restent chez eux, vous faites en quelque
sorte la promotion du dplacement.
Le CICR est galement proccup par le foss persistant
qui spare secours et relvement. Dterminer quel
moment un conit est vritablement termin et quel
moment la phase durgence laisse la place la phase
de dveloppement fait lobjet de nombreux dbats
acadmiques, explique le prsident, mais sur le terrain,
la transition est souvent complexe et prsente de
multiples facettes.
Jakob Kellenberger se penche sur une question cou-
rante. Lun des problmes qui se posent sagissant
des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au
dplacement de personnes lintrieur de leur propre
pays est quils restent en dnitive non contraignants,
et que de nombreux tats les considrent toujours
comme une ingrence dans leur souverainet. Certains
estiment quune convention contraignante devrait
tre adopte.
Le prsident du CICR peine contenir son agacement.
Je suis enclin penser quil est toujours bon dtre
conscient de ce que lon a dj, dclare-t-il. Si les gou-
vernements et les acteurs arms non tatiques
respectaient les rgles tablies sur la conduite des
hostilits, il y aurait nettement moins de personnes
dplaces. Si vous parlez en termes de rgles contrai-
gnantes, je vous renvoie celles qui existent dj dans
le droit international humanitaire et le droit relatif aux
droits de lhomme .
Il marque une pause et illustre son propos : Imaginez,
ne serait-ce quun instant, un monde o personne nat-
taquerait des civils. Imaginez un monde o personne
ne mnerait dattaques sans discrimination. Imaginez
un monde o les civils et leurs biens seraient pargns
en tout temps. Imaginez-le.
Ce nest pourtant pas tche facile au vu des millions de
personnes dplaces dans le monde. Veiller ce que les
droits des personnes prises dans les conits soient res-
pects est au cur mme de la mission du CICR, mais
dans la tourmente des hostilits internes, cela peut se
rvler une mission impossible.
M. Kellenberger en convient : Personne ne saurait ar-
mer quil tait possible de faire grand-chose pour
protger la population ou prvenir son dplacement,
par exemple au Dar four, en 2003. Nous nous retrouvons
souvent dans cette situation, mais ce nest pas une rai-
son pour croire que nous ne pouvons rien faire. Nous
renforons progressivement nos oprations jusqu ce
que nouspuissionsavoir une inuence sur les parties au
conit. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir
pour faire respecter le droit de la guerre.
AIRE ACE AU DISLe point de vue du prsident
Imaginez,neserait-cequuninstant,unmondeopersonnenattaqueraitdescivils.Imaginezunmondeopersonnenemneraitdattaquessansdiscrimination.Imaginezunmondeolescivilsetleursbiensseraientpargnsentouttemps.Imaginez-le.
PhilippeMerchez/CICR
Rwanda : des millions de Rwandais dplacsont regagn leur oyer aprs la guerre civile (1996).
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La politique du Mouvement en matire de dplacement
interne vise optimiser la cohrence et limpact de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Elle traite de la
coordination avec dautres organisations sur la base de
leur prsence et de leurs capacit s sur le terrain, mais
insiste aussi sur le fait que le rseau du Mouvement
doit agir conformment ses Principes fondamentaux.
En outre, conjointement avec la politique de la
Fdration internationale des Socits de la Croix-
Rouge et du Croissant-Rouge relative la migration
adopte en 2009, elle jette les fondements de laction
des Socits nationales en faveur des migrants.
Pour M. Kellenberger, lexemple de la Somalie constitue
un modle de partenariat oprationnel. Nulle part
ailleurs laction du Mouvement nest aussi tangible.
Avec le soutien du CICR, le Croissant-Rouge de Somalie
peut intervenir dans des zones auxquelles les autres
institutions nont pas accs. Aprs presque vingt ans de
conit et danarchie gnralise, la Socit nationale
poursuit ses activits t ravers son rseau compos
de 19 sections et de 114 sous-sections rparties sur
lensemble du pays.
Comme le souligne M. Kellenberger, en plus de traiter
les blesss de guerre, de mener des projets de soins de
sant primaires, dapprovisionnement en eau et de
soutien aux moyens de subsistance, de fournir des
secours et une aide durgence, et de contribuer runir
les familles et rtablir les services communautaires
essentiels, les partenaires du Mouvement continuent
de sensibiliser la socit somalienne aux rgles fonda-
mentales du DIH.
Tant que ces rgles ne seront pas appliques dans le
monde entier, dclare le prsident, le dplacement se
poursuivra sans relche, avec son lot de ds humani-
taires. Seuls des efforts concerts permettront la
communaut internationale de prendre les mesures
globales qui simposent. Mais pour cela, insiste-t-il, il
est indispensable de sattaquer aux questions fonda-
mentales, qui transcendent les limites des camps.
Jai entendu dire : Nous avons besoin dune stratgie
de sortie pour les organisations humanitaires . Jai tou-
jours rpondu : Oui, cest vrai, mais en mme temps
nous avons aussi besoin dune stratgie dentre pour
les organisations daide au dveloppement et, si pos-
sible, sans intervalle entre l es deux . Il est frquent que
lorsque les unes sapprtent se retirer, les autres ne
soient pas prsentes pour prendre la relve.
Les lacunes et les chevauchements peuvent tre vits
en amliorant la coordination et le dialogue entre les
organisations, un objectif que le CICR est rsolu pour-
suivre, arme M. Kellenberger. Faire face globalement
un problme de lampleur du dplacement interne
est au-del des capacits dune seule organisation.
Malgr les progrs accomplis, de nombreux efforts
devront encore tre dploys en matire de coordina-
tion, explique-t-il. Pour que celle-ci soit plus ecace
et constructive, elle doit sappuyer davantage sur les
capacits existantes sur le terrain et sur le respect
sincre de certains principes fondamentaux, plutt
que sur des mcanismes et des procdures toujours
plus sophistiqus.
Les organisations humanitaires qui jouent un rle dans
la coordination devraient tre elles-mmes prsentes
et actives sur le terrain, et se montrer transparentes sur
les ressources, les capacits et laccs.
Les partenariats oprationnels au sein du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
sont une priorit pour le CICR. Les Socits nationales
sont bien places pour venir en aide aux dplacs
internes, avance M. Kellenberger, car elles sont ancres
dans les communauts, couvrent en gnral la totalit
du territoire national et bncient dun accs priv ilgi
aux autorits. Parmi les autres atouts partags par len-
semble des partenaires du Mouvement gurent une
identit commune vhicule par les emblmes utiliss
et les principes appliqus, des normes dnissant les
rles et les responsabilits, et une politique commune
relative au dplacement interne.
Tantquecesrglesneserontpasappliquesdanslemondeentier,dclareleprsident,ledplacementsepoursuivrasansrelche,avecsonlotdedshumanitaires.
AntoninKratochvil/CICR
RonHaviv/CICR/VII
Gorgie : depuis 1993, cet hommevit dans un centre collecti pourpersonnes dplaces en Abkhazie.
RDC : un jeune garon attend desnouvelles de ses parents.
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MISSION
Organisation impartiale, neutre et indpendante, le Comit
international de la Croix-Rouge (CICR) a la mission exclusive-
ment humanitaire de protger la vie et la dignit des victimes
de conits arms et dautres situations de violence, et de leur
porter assistance. Le CICR seorce galement de prvenir la
sourance par la promotion et le renforcement du droit et
des principes humanitaires universels. Cr en 1863, le CICR
est lorigine des Conventions de Genve et du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont
il dirige et coordonne les activits internationales dans les
conits arms et les autres situations de violence.
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