7
Histoire de la neurologie Le docteur Francoise Cathala Pagesy et l’histoire des maladies a ` prions Doctor Francoise Cathala and history of prions diseases L. Court a , J.-J. Hauw b,c, * a 12, rue de Montmagny, 95410 Groslay, France b Universite ´ Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France c Acade ´mie nationale de me ´decine, 16, rue Bonaparte, 75273 Paris cedex, France r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x x x x * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-J. Hauw). i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Rec ¸u le 30 de ´ cembre 2013 Rec ¸u sous la forme re ´ vise ´e le 15 fe ´ vrier 2014 Accepte ´ le 19 fe ´ vrier 2014 Mots cle ´s : Franc ¸oise Cathala Prions Agents transmissibles non conventionnels Infections virales lentes Keywords: Franc ¸oise Cathala Prions Non-conventional transmissible agents Slow virus diseases r e ´s u m e ´ Le docteur Franc ¸oise Cathala Pagesy, ne ´e le 7 juillet 1921, est morte le 5 novembre 2012. Neurologue et virologue imaginative, passionne ´e et non conformiste, elle consacra sa vie a ` la recherche sur les infections virales latentes ou lentes et, notamment, les agents trans- missibles non conventionnels ou prions. Chercheuse a ` l’Inserm, elle y participa de `s l’origine de ces concepts, en collaboration avec, notamment, l’e ´ quipe de Carlton Gajdusek (le NINCDS National Institute of Nervous Central System and Stroke du NIH), qui montra la transmissibilite ´ du kuru et de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, et celles du Centre de recherches du service de sante ´ des arme ´ es, a ` Percy-Clamart et du CEA, puis de groupes marseillais. Ainsi fut institue ´ un vaste programme de recherches et de colloques ou ` se re ´ unissaient, au Val-de-Gra ˆce a ` Paris, l’ensemble des chercheurs franc ¸ais et e ´ trangers sur les « infections virales lentes ». S. Prusiner y pre ´ senta le concept alors fort discute ´ et toujours en e ´ volution de prion. F. Cathala ve ´cut les grandes crises sanitaires : hormone de croissance contamine ´e, ence ´ phalopathie spongiforme bovine vache folle ») et nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au Royaume-Uni, puis en France, avant de prendre sa retraite de l’Inserm et de mourir paisiblement a ` Paris. # 2014 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. a b s t r a c t Doctor Franc ¸oise Cathala Pagesy, MD, MS, born on July 7, 1921 in Paris, passed away peacefully at home on November 5, 2012. Unconventional, passionate and enthusiastic neurologist and virologist, she devoted her life to research on latent and slow viral infections, specializing mainly on unconventional transmissible agents or prions. As a research member of Inserm (French Institute for Medical Research), she soon joined the team of Carlton Gajdusek (the NINCDS National Institute of Nervous Central System and Stroke of NIH), who first demonstrated the transmissibility of kuru and Creutzfeldt-Jakob NEUROL-1294; No. of Pages 7 Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesy et l’histoire des maladies a ` prions. Revue neurologique (2014), http:// dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003 0035-3787/# 2014 Publie ´ par Elsevier Masson SAS.

Le docteur Francoise Cathala Pagesy et l’histoire des maladies à prions

  • Upload
    j-j

  • View
    215

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

NEUROL-1294; No. of Pages 7

Histoire de la neurologie

Le docteur Francoise Cathala Pagesy et l’histoiredes maladies a prions

Doctor Francoise Cathala and history of prions diseases

L. Court a, J.-J. Hauwb,c,*a 12, rue de Montmagny, 95410 Groslay, FrancebUniversite Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris, FrancecAcademie nationale de medecine, 16, rue Bonaparte, 75273 Paris cedex, France

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :

Recu le 30 decembre 2013

Recu sous la forme revisee le

15 fevrier 2014

Accepte le 19 fevrier 2014

Mots cles :

Francoise Cathala

Prions

Agents transmissibles non

conventionnels

Infections virales lentes

Keywords:

Francoise Cathala

Prions

Non-conventional transmissible

agents

Slow virus diseases

r e s u m e

Le docteur Francoise Cathala Pagesy, nee le 7 juillet 1921, est morte le 5 novembre 2012.

Neurologue et virologue imaginative, passionnee et non conformiste, elle consacra sa vie a

la recherche sur les infections virales latentes ou lentes et, notamment, les agents trans-

missibles non conventionnels ou prions. Chercheuse a l’Inserm, elle y participa des l’origine

de ces concepts, en collaboration avec, notamment, l’equipe de Carlton Gajdusek (le NINCDS

– National Institute of Nervous Central System and Stroke – du NIH), qui montra la

transmissibilite du kuru et de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, et celles du Centre de

recherches du service de sante des armees, a Percy-Clamart et du CEA, puis de groupes

marseillais. Ainsi fut institue un vaste programme de recherches et de colloques ou se

reunissaient, au Val-de-Grace a Paris, l’ensemble des chercheurs francais et etrangers sur

les « infections virales lentes ». S. Prusiner y presenta le concept – alors fort discute et

toujours en evolution – de prion. F. Cathala vecut les grandes crises sanitaires : hormone de

croissance contaminee, encephalopathie spongiforme bovine (« vache folle ») et nouvelle

variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au Royaume-Uni, puis en France, avant de

prendre sa retraite de l’Inserm et de mourir paisiblement a Paris.

# 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

a b s t r a c t

Doctor Francoise Cathala Pagesy, MD, MS, born on July 7, 1921 in Paris, passed away

peacefully at home on November 5, 2012. Unconventional, passionate and enthusiastic

neurologist and virologist, she devoted her life to research on latent and slow viral

infections, specializing mainly on unconventional transmissible agents or prions. As a

research member of Inserm (French Institute for Medical Research), she soon joined the

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J.-J. Hauw).

team of Carlton Gajdusek

Stroke – of NIH), who firs

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.0030035-3787/# 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

(the NINCDS – National Institute of Nervous Central System and

t demonstrated the transmissibility of kuru and Creutzfeldt-Jakob

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://

disease to monkeys. When she came back to Paris, where she was followed by one of NIH

members, Paul Brown, she joined the Centre de Recherches du Service de Sante des Armees

(Army Health Research Center), in Percy-Clamart, where she found the experimental design

and the attentive help needed for her research, which appeared heretical to many French

virologists, including some authorities. A large number of research programs were set up

with numerous collaborations involving CEA (Center for Atomic Energy) and other ins-

titutions in Paris and Marseilles on epidemiology, results of tissue inoculation, electro-

physiology and neuropathology of human and animal prions diseases, and resistance of the

infectious agent. International symposia were set up, where met, in the Val-de-Grace

hospital in Paris, the research community on ‘‘slow viral diseases’’. Stanley Prusiner

introduced the concept – then badly accepted and still in evolution – of prion, a protein

only infectious agent. Before retiring from Inserm, Francoise Cathala predicted and was

involved in some of the huge sanitary crises in France. These were, first, Creutzfeldt-Jakob

disease from contaminated growth hormone extracted from cadavers, which led parents to

instigate legal procedure – a quite unusual practice in France. The second was Mad cow

disease in the United Kingdom then in France, followed by new variant of Creutzfeldt-Jakob

human epidemics, paradigmatic food safety crisis bringing together the poles of production

(beef and meat-and-bone meal) and consumption, and leading to an unexpected social

bang. Through Francoise Cathala exemplary life, the history of French, and more generally

of worldwide prions diseases is dealt with.

# 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x2

NEUROL-1294; No. of Pages 7

Neurologue, membre de la Societe de neurologie depuis 1978,

le docteur Francoise Cathala Pagesy (Fig. 1) est morte

paisiblement a son domicile parisien le 5 novembre 2012. Sa

carriere tres riche lui fit connaıtre toutes les joies et les

difficultes que reservent la medecine, la recherche et le non-

conformisme a une femme de culture scientifique etendue qui

se passionna et consacra toute sa vie a l’etude de concepts

nouveaux. Nee dans une famille d’officiers du Languedoc le

6 juillet 1921 a Paris 7e, ses etudes secondaires brillantes au

Lycee Victor-Duruy la conduisirent aux baccalaureats de

philosophie et mathematiques elementaires. Presentee au

concours general de mathematiques, elle suit a Montpellier les

classes preparatoires de mathematiques superieures puis

Fig. 1 – Francoise Cathala, devant la chapelle Saint-Louis de

la Salpetriere.

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

speciales. Juin 1940 interrompt ses etudes. Elle change

d’orientation et, toujours a Montpellier, passe le certificat de

Physique, Chimie et Biologie (PCB) et effectue ses premiere et

deuxieme annees de Medecine. En troisieme annee, elle

s’engage dans la 1re armee francaise qui debarquait alors en

Provence. Medecin auxiliaire apres un stage de reanimation-

transfusion, elle rejoint le huitieme bataillon medical de la

Division marocaine de Montagne sous la direction des

generaux de Herdin et Guillaume. Elle sert jusqu’a la fin de

la guerre a la formation chirurgicale no 6. Demobilisee le

6 octobre 1945, elle se presente immediatement au concours

de l’Externat ouvert aux candidats militaires.

1. La formation en France (1946–1968)

Recue, elle beneficie d’une excellente formation diversifiee

chez les plus grands maıtres d’alors : externe dans les services

de C. Vincent, J. Cathala, J. Lenegre, N. Peron, R. Debre,

C. Mollaret, T. Bertrand-Fontaine, R. Cachera et L. Michaux,

externe en premier dans le service de G. Richet, elle se marie

avec Henri-Pierre Cathala, fils du professeur J. Cathala. Ils

auront quatre enfants, un garcon, Bertrand, et trois filles,

Frederique, Nathalie et Delphine. Interne des ho pitaux de Paris

en 1954, elle est l’eleve d’A. Grossiord, T. Bertrand-Fontaine,

C. Mollaret a Claude-Bernard et des maıtres de l’ecole de

neuropsychiatrie de la Salpetriere, R. Garcin, L. Michaux et

T. Alajouanine, dont elle sera chef de clinique en 1958 et 1959.

Bien conseillee par son beau-pere, elle approfondit ses

connaissances en biochimie et suit l’enseignement de l’Ins-

titut Pasteur (IP) dont elle devient diplo mee en microbiologie,

virologie et serologie en 1959 et 1961, tout en poursuivant une

carriere clinique (attachee de neuropsychiatrie dans le service

de neurochirurgie de R. Houdart a Lariboisiere). Elle construit

cette activite de virologiste et de neurologue, selon son

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x 3

NEUROL-1294; No. of Pages 7

expression « assistant de neurochirurgie le matin et de

microbiologie et virologie l’apres-midi ». Sa these est

consacree a l’etude du virus herpetique dans l’herpes

simplex, la varicelle et le zona [1], paradigme des infections

virales ou l’inoculation precoce peut e tre suivie d’infections

latentes puis de manifestations recidivantes. Dans une

demarche partant de l’observation clinique, elle suit alors

un jeune patient atteint d’encephalite qui avait un taux tres

eleve d’anticorps antimorbilleux dans le liquide cerebro-

spinal (LCS). Elle obtient une biopsie cerebrale et desire

proceder a la mise en culture d’un fragment de la biopsie et

de pratiquer une inoculation a l’animal. Cela paraissait

d’autant plus imperatif qu’un jeune neuropathologiste,

M. Bouteille lui montra au microscope electronique un

paramyxovirus ressemblant en tous points, par cette

technique, au virus de la rougeole dans le tissu cerebral

preleve a l’autopsie de ce patient. Cela impliquait le

diagnostic de panencephalite sclerosante subaigue (maladie

de Van Bogaert). Cette maladie, que venaient de decrire

I. Tellez-Nagel et G. Zu Rhein et confirmer l’Ecole neuropa-

thologique de Marseille, etait due a une revelation tardive

d’une infection latente par le virus morbilleux. Francoise

Cathala se heurte alors a l’incomprehension generale de sa

demarche par les infectiologues francais [2]. Elle est

cependant, selon son expression, absolument « fascinee »

par la notion de « virus latent », retrouve dans le systeme

nerveux central apres une infection primaire le plus souvent

passee inapercue. L’hypothese d’« infections virales latentes

ou lentes », alors considerees comme relevant de processus

voisins [3], etait principalement defendue par deux equipes :

l’une, islandaise, de B. Sigurdsson a l’Institute for Experi-

mental Pathology de Reyjavik, qui travaillait sur des virus

que nous qualifierions aujourd’hui de « conventionnels » et

l’autre, americaine, du National Institute of Health (NIH) a

Bethesda, que dirigeait D. Carlton Gajdusek. Cette derniere

etudiait des agents infectieux que nous appellerions main-

tenant « non conventionnels ». Suivant un cas de myelite

transverse avec taux d’anticorps antimorbilleux tres eleve

dans le LCS, Francoise Cathala se propose de rechercher

systematiquement les anticorps dans ces cas et dans la

sclerose en plaques (SEP). Avec l’appui sans faille de

P. Castaigne, elle constitue gra ce a E. Schuller, specialiste

de l’etude des proteines du LCS, une collection d’echantil-

lons. C’est avec cet ensemble de materiel biologique

et l’intention de proceder a des inoculations a l’animal

qu’elle rejoint le laboratoire de Carlton Gajdusek, le NINCDS

– National Institute of Nervous Central System and Stroke –

du NIH [2].

2. La decouverte de la recherche aux Etats-Unis (1968–1969. . .)

Tres bien acceptee par l’equipe de C. Gajdusek impressionnee

par sa culture clinique, elle y decouvre, avec Joe Gibbs,

veterinaire, vice-amiral de l’US Navy au passe militaire

prestigieux dans le Pacifique et experimentateur remarquable,

la methodologie, la rigueur experimentale et les moyens de

l’animalerie de Patuxent (Md) dans l’enceinte des laboratoires

de pathologie infectieuse de l’Armee des Etats-Unis.

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

C. Gajdusek et J. Gibbs venaient de reussir la transmission

du kuru et d’un cas de Creutzfeldt-Jakob (CJ) au chimpanze.

Elle constate la puissance de la recherche medicale aux Etats-

Unis, les collaborations remarquables entre Gajdusek, Gibbs et

l’Ecole de neurologie americaine dans le but de preciser

l’origine transmissible de certaines maladies neurodegenera-

tives, avec l’aide de neuropathologistes exceptionnels

(P. Lampert et E. Beck). Francoise Cathala decouvre trois

autres aspects complementaires de cette equipe. Le premier

etait l’importance du travail medical ethnographique de

Gajdusek. Il avait decrit et explique le kuru, maladie

decouverte quelques annees plus to t par un officier de sante

australien, V. Zigas, chez les Fore, peuple primitif de Nouvelle-

Guinee Papouasie. I. Klatzo avait etabli, sur une hypothese de

C. Gajdusek et de P. Lampert, le parallelisme lesionnel entre

cette maladie et le CJ decrit en Allemagne au cours de la

premiere partie du siecle. Cela avait conduit C. Gajdusek a

tenter – et reussir – la transmission de ces affections aux

primates. Le deuxieme etait le rapprochement, fait par J. Gibbs

et l’Ecole veterinaire americaine de W.J. Hadlow, des lesions

neuropathologiques de ces affections et de celles d’une

maladie du mouton, tres anciennement connue sous le nom

de « scrapie » (tremblante). Enfin, il existait une collaboration

etroite entre le NINCDS et les services du Ministere US de

l’Agriculture charges de suivre la maladie animale, notam-

ment W.J. Hadlow des Rocky Mountains Laboratories de

Hamilton. Elle se souvenait de son enfance et des bergers des

Cevennes qui connaissaient parfaitement cette maladie du

mouton. A son retour en France, ils l’assurerent qu’elle n’avait

pas disparu. . . L’ensemble des moyens mis a la disposition du

NINCDS par l’armee americaine a Patuxent permettait de

coder et d’informatiser, gra ce a un specialiste, les protocoles

experimentaux, la preparation rigoureuse des inocula, les

observations cliniques des malades comme des animaux, les

examens biologiques et anatomopathologiques. Elle pouvait

ainsi suivre l’evolution du kuru et du CJ inocules par

differentes voies chez des primates varies : chimpanze,

gibbon, macaques rhesus et cynomolgus, singes araignee et

ecureuil et les premiers essais de passage au cobaye.

Invitee par Gajdusek en sa maison de Chevy-Chase, elle

rencontrait l’atmosphere particuliere d’une famille atypique :

il avait en effet adopte, avec son ami Joe Wegstein, chef de

service informatique au FBI, des jeunes garcons orphelins dont

les familles avaient ete decimees par le kuru, les sauvant d’une

mort certaine. Les principes educatifs etaient stricts et

austeres, en depit des apparences, mais sous une expression

bien differente de celle de son enfance cevenole.

3. Le retour en France, les difficultes et lareussite scientifique (1968–1979)

Le retour en France preceda l’attribution du Prix Nobel a

C. Gajdusek en 1976. Si Francoise Cathala fut parfaitement

accueillie par ses confreres neurologues, tant a Paris qu’en

province, et par certains virologues (comme P. Lebon de

l’ho pital Saint-Vincent-de-Paul a Paris), les contacts avec l’IP

furent plus difficiles : Andre Lwoff (Prix Nobel en 1965, qui

avait propose une classification des virus comportant toujours

un ADN ou un ARN, ce qui ne semblait pas compatible avec le

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x4

NEUROL-1294; No. of Pages 7

concept de prion) n’acceptait qu’avec beaucoup de nuances la

notion d’infection virale a expression lente. Il s’etait deja

oppose a T. Alper et R. Latarjet qui avaient montre la

radioresistance de ces agents atypiques et avaient propose

l’hypothese d’une proteine infectieuse ou de l’absence d’un

acide nucleique codant [4]. De plus, il n’avait pas d’affinites

particulieres avec l’equipe du NIH, meme lorsqu’elle fut

aureolee par le prix Nobel. Francoise Cathala avait alors

l’intention de promouvoir, avec le soutien du NIH, des essais

d’inoculation a partir de maladies degeneratives du SNC : CJ,

Alzheimer, SEP et sclerose laterale amyotrophique. Une

tentative de transmission de CJ se fit, helas, sans resultat,

avec perte de l’animal. Et l’experience ne put se repeter : l’IP,

avec J.-L. Guenet qui venait de l’animalerie de primatologie du

CEA de Fontenay-aux-Roses, renoncait a utiliser les primates

en faveur d’une animalerie modele de souris.

C’est alors que H.P. Cathala, chef du service d’electro-

physiologie de la Salpetriere, avec lequel l’un d’entre nous

avait de fructueux echanges dans le traitement de l’informa-

tion en EEG, nous proposa une collaboration avec son epouse.

Il connaissait bien nos themes de recherche, en particulier

l’effet des radiations sur le SNC. Il savait que nous disposions,

tant au CEA de Fontenay qu’au Centre de recherches du

service de sante des armees (CRSSA) a Percy-Clamart,

d’animaleries de primates et que, grace aux travaux de

M.J. Klein et C.L. Milhaud au Centre d’etudes et de recherches

de medecine aeronautique, il nous etait possible d’experi-

menter sur le chimpanze. La decision fut prise, fin 1972, de

realiser avec F. Cathala et le NIH une etude clinique,

biologique, electrophysiologique et anatomopathologique

d’une transmission de maladie de CJ au chimpanze. Celle-ci

etait quasi inconnue du plus ancien d’entre nous qui se

souvenait seulement d’un EEG particulier qui avait ete

commente dans la clinique de J. Dechaume. Mais, radio-

biologiste eleve de R. Latarjet, il savait que ce specialiste des

rayons UV, X et gamma avait decrit a Curie et a Orsay,

l’importante radioresistance de certains agents, en particulier

de la tremblante, du kuru et du CJ. Il avait meme evalue a

quelques nm la valeur de la dimension de ces cibles

potentielles [4]. Nous etions fort interesses par ces donnees

car elles pouvaient correspondre tant a un mecanisme de

radioresistance proprement dit qu’a une radio-restauration. Il

nous fut alors possible de decrire l’evolution de la maladie

chez un chimpanze provenant de Patuxent et inocule par voie

intracerebrale (IC) par un prelevement cerebral d’une malade

de F. Rohmer. Le responsable des etudes de radiosensibilite du

SNC du groupe du Service de sante des armees au CEA sollicita

le renouvellement du contrat que nous avions obtenu pour les

premieres etudes. Ce fut acquis avec l’appui de R. Latarjet,

R. Naquet, alors directeur des Sciences du vivant a la Direction

des Recherches et Moyens d’Essai de la Delegation Generale a

l’Armement, et de nombreuses autres personnalites influen-

tes comme D. Albe-Fessard, P. Bancaud et M. Jouvet. Deux

autres animaux furent adresses du NIH. Nous disposions a

Fontenay-aux-Roses d’installations plus reduites qu’a Patu-

xent, mais plus modernes, de la presence d’un veterinaire,

N. Bouchard, venu nous rejoindre des laboratoires de micro-

biologie de la DGA a Vert–Le Petit et de l’aide du service de

neuropathologie Charles Foix de la Salpetriere dirige par

R. Escourolle, ou l’un d’entre nous travaillait, en collaboration

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

avec F. Gray et J.-F. Foncin. Au CRSSA de Clamart, le concours

de G. Deloince et de G. Lemercier, neuropathologiste qui

revenait de Dakar (ou il collaborait avec H. Collomb) et qui

travaillait au CRSSA de Lyon sur la microscopie electronique

des virus de l’hepatite et surtout sur la tremblante, nous etait

acquis. Les installations et les techniques indispensables a

cette recherche difficile, en raison, notamment, de la longueur

inhabituelle de l’incubation des infections a agents non

conventionnels, etaient enfin reunies. Les etudes de trans-

mission, programmees tant a Fontenay-aux-Roses qu’a

Clamart, se multiplierent. Elles associaient l’electrophysiolo-

gie et la psychophysiologie puis la neuropathologie de

rongeurs, chimpanzes et singes ecureuils inocules par

differentes formes de CJ, le kuru, puis la tremblante. De

multiples inocula (tissu cerebral, LCR, ganglion, plaque de

Peyer, leucocytes) et toutes les formes d’inoculation (IC, IM, IV,

SC, per os) furent utilises. Des essais de passage du CJ et de la

tremblante a la souris et au rat furent couronnes de succes.

Notre recherche pouvait enfin avancer.

C’est alors que l’Institut national de la sante et de la

recherche medicale (Inserm), ou elle etait Chargee de recher-

che, detacha Francoise Cathala dans le service de J. Huppert au

Centre international de recherches sur le cancer a Lyon. Le but

etait louable (une promotion a la Maıtrise de recherches) mais

ce transfert ne facilitait pas les recherches. Francoise Cathala

subissait toutes les subtilites de l’administration de la

recherche en France lorsque la mode scientifique considere

le sujet peu important, voire « heretique » et decide d’en brider

toute extension.

Toutefois, la machine etait en marche. R. Naquet du Centre

national de la recherche scientifique (CNRS), avec notre accord

et celui de Francoise, creait un laboratoire et un service sur le

sujet a Marseille. J. Bert, neuropsychiatre et medecin du

Service de sante de la marine, qui avait travaille a la NASA sur

le chimpanze, y assurait les experimentations et le suivi

clinique. Le laboratoire de microbiologie de J. Tamalet, qui

avait manie les « virus lents » (visna et encephalopathie du

vison) etait charge des etudes microbiologiques et biochimi-

ques. C’est ainsi qu’en 1981, J. Nicoli, chef du Service de neuro-

virologie du Pharo (Institut de medecine tropicale du service de

sante des armees) isolait une fraction proteique particuliere-

ment infectieuse du tissu cerebral. Parmi les rares specialistes

des proteines en France, les seuls susceptibles de se lancer

dans un codage travaillaient alors sur la cholinesterase a

l’Ecole normale superieure pour le service de sante des

armees, dans le cadre de la recherche contre les toxiques de

guerre. Ils ne disposaient pas de laboratoire protege contre le

risque infectieux. Les etudes ne purent d’ailleurs se poursuivre

a la suite d’un mouvement qui s’opposait au maintien d’une

unite de primatologie dans l’enceinte hospitaliere de la

Timone, alors que l’effort realise en France pouvait etre

couronne et que S. Prusiner, visitant le laboratoire du Pharo, y

decidait immediatement de l’orientation de son travail.

Francoise Cathala revint enfin a Paris, Maıtre de recher-

ches, et se consacra a l’epidemiologie du CJ en France, en

accord avec C. Gajdusek ; elle recevait la collaboration et

l’appui d’un medecin du NIH, P. Brown, qui epousa sa niece

lors de ce sejour. Elle avait auparavant lance une serie de

travaux dans le but de preciser l’action des agents non

conventionnels sur des cultures neuronales et de limiter les

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x 5

NEUROL-1294; No. of Pages 7

experimentations animales. Les etudes epidemiologiques

furent immediatement productives gra ce au reseau qu’elle

sut creer et animer et a l’accueil efficace des neurologues et

neuropathologistes francais. Son equipe s’augmentait de

J. Chatelain, N. Delasnerie-Laupretre pour l’epidemiologie et

M.-H. Bassant qui poursuivait au CEA une innovante analyse

electroclinique et biochimique de la tremblante du rat.

A Fontenay-aux-Roses, comme a Clamart, de multiples

explorations conduisaient a de tres nombreux resultats

portant sur l’efficacite des voies d’inoculation, la description

des modifications electrophysiologiques, toutes precoces et

bien anterieures au debut des signes cliniques, l’apparition

d’une epilepsie partielle chez le singe ecureuil, d’une

encephalopathie associant signes electrocliniques de comi-

tialite et activites lentes continues dans le kuru, le ro le

accelerateur des biopsies cerebrales ou l’influence des

irradiations cephaliques ou globales – radiations ionisantes

ou non ionisantes (hyperfrequence) confondues. La recherche

sur la tremblante du mouton etait initiee en collaboration avec

B. Toma de l’Ecole veterinaire d’Alfort. Une etude epidemio-

logique, couplee a celle du CJ mise en place par F. Cathala et

P. Brown, fut mise en œuvre avec J. Chatelain : si la maladie de

CJ s’averait rare, la tremblante des ovins et des caprins, bien

plus repandue, etait quasi endemique [5]. Variable avec la race

et le terroir, gardee confidentielle, elle ne posait pas de

probleme sanitaire aux veterinaires. L’equipe se completa

avec la venue de jeunes assistants radio-biologistes du Service

de sante : ce fut d’abord P. Gourmelon qui devait decrire aux

Etats-Unis la maladie de CJ du chat s’accompagnant de la

disparition du sommeil paradoxal, qui presentait de grandes

analogies avec l’insomnie fatale familiale humaine qui venait

d’etre reconnue. D. Dormont, un an plus tard, s’initiait aux

techniques de la biologie moleculaire aux Etats-Unis ; il

reussissait alors, avec R. Latarjet et P. Marcovits, dans la ligne

des travaux de J.-P. Moreau, le passage en culture de l’agent

infectieux et l’augmentation de son infectiosite [6], ce qui

permit plus tard de confirmer la resistance des agents du kuru,

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et de la tremblante aux

radiations [7]. J. Viret [8] et A. Privat [9] demontraient chez la

souris, en resonance paramagnetique et en microscopie

electronique, les modifications tres precoces, des la troisieme

semaine, des membranes neuronales dans la tremblante de la

souris. L’ensemble etait presente par F. Gros, de l’IP, a

Biochem. Biophys. Res. Commun. qui lui reserva un accueil

favorable [8].

4. La reconnaissance (1979–1988. . .)

En 1979, cet ensemble de recherches etait expose a l’Academie

de medecine [10–13]. La demarche experimentale etait

regulierement organisee a partir de reunions tenues a la

Salpetriere, a Fontenay-aux-Roses ou, le plus souvent, a Percy-

Clamart, autour de R. Naquet, R. Latarjet, M. Marcovits, F. et

H.P. Cathala. Francoise Cathala etait internationalement

reconnue [3].

Dans le cadre d’une serie de reunions internationales

tenues de 1981 a 1996 [14–16], c’est fin decembre 1981 que nous

organisions, Francoise et nous, au Val-de-Grace, un congres

international qui devait rassembler le monde scientifique et

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

medical s’interessant a l’ensemble des problemes des « virus

lents » [3]. A cette occasion, S. Prusiner exposait le concept de

proteine infectieuse (PrPres) resistant aux agents denaturant

les acides nucleiques qui conferait son caractere infectieux a

une proteine cellulaire normale (PrPc) par simple contact. Ce

concept de prion lui rapporterait le Prix Nobel en 1997. Il n’eut

pas d’echos tres favorables aupres de l’ecole de L. et

E.E. Manuelidis (Yale University), de ses anciens collegues

au laboratoire de Gibbs, notamment R. Rohwer et surtout de

A.G. Dickinson et R.H. Kimberlin (ecole ecossaise de la

tremblante). Elle rencontra un scepticisme mesure aupres

de R. Latarjet.

5. Le temps de crises sanitaires (1988–1996. . .)

Au cours du congres de 1981, fut notamment discutee en

seance l’infectiosite des echantillons biologiques que faisait

craindre la transmission de la maladie de CJ a des patients

explores a l’aide d’electrodes intracraniennes ou traites avec

des outils chirurgicaux insuffisamment « sterilises » par des

methodes conventionnelles. P. Brown y discuta les modes

drastiques de sterilisation de ces agents [17]. Ces donnees

posaient la question de l’innocuite des hormones preparees a

partir d’hypophyses humaines. Quelques cas avaient ete

signales dans le traitement de la sterilite mais c’est un peu

plus tard que des cas de maladie de CJ transmis a partir

d’autres preparations hormonales allaient conduire pratique-

ment tous les pays a l’abandon immediat de ce type de

preparation sans une purification rigoureuse. Pour des raisons

complexes et en depit de mises en garde repetees, notamment

par F. Cathala, L. Court et R. Latarjet, la France eut le

douloureux privilege de compter, a partir de 1991, le nombre

de cas le plus eleve d’encephalopathie spongiforme en relation

avec « le traitement par l’hormone de croissance d’origine

humaine ». Francoise Cathala avait alors eprouve un profond

mouvement de revolte et de desarroi devant l’incapacite totale

que nous avions eu a nous faire entendre. Plus tard les

rapports – excellents – de D. Dormont, rediges a la demande

d’H. Curien, ministre de la Recherche, ne devaient pas

modifier beaucoup l’etat des esprits : cette recherche etait

marginale et ne concernait pas la sante publique.

L’hypothese que nous soutenions alors avec R. Latarjet

etait l’association de la proteine infectieuse a un retrovirus. J.-

C. Cherman, specialiste des retrovirus a l’IP, avait constate, en

meme temps que l’equipe de R.H. Kimberlin, que les kryptates,

inhibiteurs des reverse transcriptases, s’opposaient a l’infec-

tion s’ils etaient injectes pendant ou peu apres l’inoculation.

F. Cathala et J. Chatelain les utiliserent alors dans la

tremblante naturelle, protegeant avec succes les agneaux

par des injections qui precedaient immediatement la mise bas

ou etaient realisees quelques jours apres elle, ceci sur le

terrain et dans une ferme modele de l’Aisne (ces donnees ne

furent malheureusement pas publiees).

Le Congres organise au Val-de-Gra ce a Paris avec Francoise

Cathala sur le theme general des infections virales lentes, du

18 aux 20 mars 1996 [16], reunit tous les chercheurs concernes :

apres une introduction solennelle par C. Gajdusek, une lecon

tres documentee et avant-gardiste de S. Prusiner, nous eumes

la surprise, le deuxieme jour, avant toute presentation, de voir

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x6

NEUROL-1294; No. of Pages 7

s’envoler, sans un mot, tous les chercheurs britanniques, dans

une bourrasque remarquable : ils avaient ete rappeles par leur

gouvernement qui annoncait, a la Chambre des Communes,

10 cas de « variante de la maladie de CJ » lies a une exposition a

l’agent de l’Encephalopathie Spongiforme Bovine (ESB) qui

decimait le cheptel du pays depuis 1981 [18]. Cette epidemie

etait nee d’une modification de la preparation des aliments du

betail (farines de viande et d’os) confectionnes a partir de

viande et de carcasses ovines et bovines qui ne subissaient

plus de sterilisation sous pression a temperature elevee. Elle

devait devenir une crise sanitaire paradigmatique en raison de

l’atteinte simultanee des consommateurs et des producteurs.

Son origine reste encore mysterieuse. Certes, nous avions pu,

quelques annees plus to t, avec F. Cathala et J. Chatelain

reconnaıtre en France, en Bourbonnais, l’existence de la

tremblante naturelle de la vache, transmise ensuite a la souris

(ce qui ne fut malheureusement pas publie). On soupconnait

aussi d’exceptionnels cas d’encephalopathie spongiforme

sporadiques (analogues a la majorite des CJ humains) chez

les bovins. De plus, J. Gibbs et W.J. Hadlow avaient decrit des

cas analogues chez les ruminants sauvages des parcs

nationaux des Etats-Unis, mais la maladie etait rarissime et

une origine purement endogene restait difficile a concevoir.

F. Cathala et l’un d’entre nous ne pouvions que nous souvenir

des mises en garde faites a l’Institut national de recherche

agronomique (Inra) sur le danger potentiel des aliments et des

bovins importes du Royaume-Uni. P. Millot, chercheur de

l’Inra a l’IP, avait demontre, des 1982 [6], la sensibilite de

certaines races ovines et l’existence probable du meme

phenomene chez les bovins. L’Inra, a la difference des

autorites de Nouvelle-Zelande qui avaient detache a toutes

nos reunions leur attache militaire, n’avait jamais reagi devant

les importations de ces aliments ou animaux. Le cataclysme

britannique, les pertes economiques et les problemes sociaux

poses a l’Europe par l’epidemie d’ESB devaient entraıner, en

France, une seconde replique apres celle de l’hormone de

croissance. L’ensemble eut le merite de relancer les etudes et

les unites concues par P. Syrota, Directeur des sciences du

vivant au CEA, et dirigees par D. Dormont [19] puis J.-P. Deslys.

Elles allaient devenir un centre de recherches international

tres actif. La decouverte du virus de l’immunodeficience

humaine allait cependant bouleverser leur recherche :

D. Dormont et son equipe se consacrerent a cette epidemie

naissante et seul J.-P. Deslys poursuivit a Fontenay-aux-Roses

la thematique des prions. Des essais therapeutiques de type

compassionnel furent plus tard realises dans le CJ, sans

resultat.

L’Inserm, poursuivant les travaux de F. Cathala [20], creait

l’Unite 360 dirigee par A. Alperovitch. Celle-ci, avec le soutien

initial de la Direction Generale de la Sante (DGS), mettait en

place, en 1992, le premier reseau national de recherche

epidemiologique sur la maladie de CJ coordonne par

N. Delasnerie-Laupretre [21]. La DGS creait la Cellule nationale

de reference de la maladie de CJ dirigee par J.-P. Brandel. La

DGS initiait, puis l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS)

reprenait, le Centre de reference des ATNC dirige par l’un

d’entre nous. Il comportait, outre le laboratoire de neuropa-

thologie R. Escourolle, les laboratoires de J.-P. Deslys, S. Haık et

J.-L. Laplanche. L’InVS financait ainsi le reseau Neuropatho-

logie de la maladie de CJ, lui aussi dirige par l’un d’entre nous,

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

qui harmonisait les procedures et collectait les donnees de

l’ensemble du territoire francais. Ces initiatives furent suivies

d’une surveillance animale accrue [22].

6. Conclusion

F. Cathala avait eu la joie, peu avant de se retirer, en depit des

innombrables oppositions ou se melaient doute et juste

critique, absence de parler-vrai et tracasseries que l’organisa-

tion humaine peut secreter, de se voir proposer par J.-

P. Changeux la creation d’une unite de recherches sur ce

theme a l’IP. Francoise y avait propulse D. Dormont, le

successeur de l’un d’entre nous au CRSSA et au CEA. Elle

cessait son activite apaisee, consciente de ses resultats, ayant

vu son action reconnue dans la recherche etio-pathogenique

d’un ensemble de maladies degeneratives du SNC qui

depassait le cadre des affections transmissibles reconnues.

Celles-ci restent une preoccupation majeure des neuroscien-

ces pour lesquelles la notion de proteine prion reste encore

bien insuffisante. Ses amis J. Gibbs, prematurement, puis

F. Rohmer, R. Naquet et D.C. Gajdusek un peu plus tard,

l’avaient quittee aux termes d’une vie enrichissante et

douloureuse. Mais son travail etait reconnu, elle etait

soutenue par l’amitie naissante de J. Brugere-Picoux et

pouvait, avec elle et les equipes epidemiologiques, ramener

a de justes proportions les inquietudes qui etaient nees de

l’apparition de l’encephalopathie bovine et de ses consequen-

ces humaines. Elle meditait toujours le fait que la nouvelle

variante de la maladie de CJ avait pu s’etendre en France et en

Grande Bretagne, deux des pays ou la recherche sur le sujet

avait ete la plus feconde, sans avoir toujours pu convaincre, en

depit des publications les plus riches et des reunions

scientifiques les plus internationales. . . Alors qu’elle se

consacrait dans la paix et la joie a la theologie de l’Eglise de

sa jeunesse, elle perdait alors, avec son epoux, un soutien de

tous les instants.

Elle a ete exposee a toutes les difficultes qu’eprouve un

chercheur menant de front la vie d’epouse et de mere de

quatre enfants. Elle a certes subi dans cette carriere

exceptionnelle, soutenue par un enthousiasme et une energie

de tous les jours, la mise en doute de son travail (problema-

tique sans interet nee a partir d’une maladie unique et

rarissime. . .), les deplacements volontaires ou imposes en

France ou des Etats-Unis a la Nouvelle-Guinee, la jalousie

d’une unite dont on surveillait l’expansion et l’aisance. Elle a

beneficie en revanche d’appuis solides, de la comprehension

intelligente de son epoux, de la solidite de sa famille. Mais rien

n’aurait ete possible sans l’appui constant de P. Castaigne et de

toute la neurologie francaise et internationale. Elle a ete

soutenue par des amities profondes qui savaient moderer ses

enthousiasmes, canaliser son energie, discipliner son action

en lui faisant valoir les critiques constructives. Elle a subi la

jalousie mais « la jalousie cesse quand la superiorite enviee est

egalisee ou aplanie », la mechancete, mais « le mechant ne

peut etre ni sans l’objet haı ni avec. Peut-etre est-il

secretement amoureux ? » On retiendra sa determination,

son courage au service de qualites exceptionnelles. Une autre

remarque de V. Jankelevitch caracterise son action :

« L’intention. . . cela ne veut pas dire se faire remarquer par

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://

r e v u e n e u r o l o g i q u e x x x ( 2 0 1 4 ) x x x – x x x 7

NEUROL-1294; No. of Pages 7

l’Absolu, ni attendre les graces la bouche ouverte. . . cela veut

dire realiser cette sincerite avec soi qui est a la lettre presence

d’esprit et qui est l’ame de la sincerite comme elle est la foi

intime de l’intention » [23]. F. Cathala fut une femme pour

notre temps.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets en

relation avec cet article.

Remerciements

Nous voudrions remercier sincerement la famille de Francoise

Cathala pour l’aide qu’elle nous a fournie et le docteur Nicole

Delasnerie-Laupretre qui nous a procure la photographie de

Francoise Cathala utilisee dans cet article.

r e f e r e n c e s

[1] Cathala (nee Pagezy) F. Contribution a l’etude du virus« varicelle-zona » (cultures de tissus et microscopieelectronique). Paris; 1958.

[2] Cathala F. Why I joined the research laboratory of ProfD. Carleton Gajdusek in 1968. Philos Trans R Soc Lond B BiolSci 2008;363:3631–4363.

[3] Cathala F. Infections virales lentes, latentes, chroniques ourecidivantes du systeme nerveux de l’Homme. Bull OMS1983;61:4563–81.

[4] Latarjet R, Muel B, Haig DA, Clarke MC, Alper T. Inactivationof the scrapie agent by near monochromatic ultravioletlight. Nature 1970;227:1341–3.

[5] Millot P, Chatelain J, Cathala F. Le complexe majeurd’histocompatibilite OLA du Mouton. Frequence desfacteurs chez des Ovins atteints ou non de Tremblante(scrapie). C R Seances Acad Sci III 1982;294:87–9.

[6] Markovits P, Dormont D, Delpech B, Court L, Latarjet R.Essais de propagation in vitro de l’agent Scrapie dans lescellules nerveuses de souris. C R Seances Acad Sci III1981;293:413–7.

[7] Gibbs Jr CJ, Gajdusek DC, Latarjet R. Unusual resistance toionizing radiation of the virus of kuru, Creutzfeldt-Jakobdisease and scrapie. Proc Natl Acad Sci U S A 1978;75:6268–70.

[8] Viret J, Dormont D, Molle D, Court L, Leterrier F, Cathala F,et al. Structural modifications of nerve membranes during

Pour citer cet article : Court L, Hauw J-J, Le docteur Francoise Cathala Pagesdx.doi.org/10.1016/j.neurol.2014.02.003

experimental scrapie evolution in mouse. Biochem BiophysRes Commun 1981;101:830–6.

[9] Privat A, Fulcrand J, Gueneau J, Court L. Alterationsmembranaires en cryofracture dans la tremblanteexperimentale de la souris. In: Court L, et Cathala F,editors. Virus conventionnels et affections du SNC. 1983[34:407–21]. Masson.

[10] Goret P, Faye P. Introduction a l’etude des maladies« virales » animales a evolution lente. Bull Acad Natl Med1980;164:730–6.

[11] Cathala F. Le kuru et la tremblante modeles d’etude pour lamaladie de Creutzfeldt-Jakob. Bull Acad Natl Med1980;164:737–41.

[12] Court L. Pathologie experimentale des encephalopathiesspongiformes subaigues. Bull Acad Natl Med 1980;164:742–7.

[13] Hauw JJ, Escourolle R. Aspects neuropathologiques desencephalopathies spongiformes humaines etexperimentales. Bull Acad Natl Med 1980;164:748–51.

[14] Court L, Cathala F. Virus non conventionnels et affectionsdu systeme nerveux central. Symposium decembre 1981.Paris: Masson; 1983.

[15] Court L, Dormont D, Brown P, Kingsbury DT.Unconventional virus diseases of the Central NervousSystem. Actes du Symposium du 2–6 decembre 1986. CEA;1986.

[16] Court L, Dodet B. Transmissible acute spongiformencephalopathies. Actes du Symposium du 18–20 mars1996, Val de Grace. Paris: Elsevier; 1996.

[17] Brown P, Rohwer RG, Green EM, Gajdusek DC. Effects ofchemicals, heat and histopathology processing on high-infectivity hamster-adaptated scrapie virus. J Infect Dis1982;145:683–7.

[18] Will RG, Ironside JW, Zeidler M, Cousens SN, Estibeiro K,Alperovitch A, et al. A new variant of Creutzfeldt-Jakobdisease in the UK. Lancet 1996;347:921–5.

[19] Dormont D, Yeramian P, Lambert P, Cathala F, Spire B,Barre-Senoussi FC, et al. In vivo and in vitro antiviral effectsof HP23 in ‘‘Unconventionnal virus diseases of the CNS’’.CEA, 2 et 6 decembre 1986 II:17:324–37.

[20] Brown P, Cathala F, Sadowsky D, Gajdusek DC. Creutzfeldt-Jakob disease in France: I. Clinical characteristics of124 consecutive verified cases during the decade 1968–1977.Ann Neurol 1979;6:430–7.

[21] Alperovitch A, Delasnerie-Laupretre N, Brandel J-P,Salomon D. La maladie de Creutzfeldt-Jakob en France,1992–2002 : www.invs.sante.fr/publications/2004/mcj_1992_2002/index.html.

[22] Estades J, Remy E. Surveiller avec precaution la circulation« Clinique » des prions. Dossier de l’Environnement del’Inra no 28; 2004: 31–40.

[23] Jankelevitch W. Le serieux de l’intention (Traites desVertus). Flammarion; 1986.

y et l’histoire des maladies a prions. Revue neurologique (2014), http://