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LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 107 • Printemps 2010 LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION www.ottiaq.org Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393

LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

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Page 1: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS Numéro 107 • Printemps 2010

L E D O U B L AG E , A RT D E L’ I L LU S I O N

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P O U R C O M M E N C E R

P R I N T E M P S 2 0 1 0N O 1 0 7

Dossier 5

Sur le vif 18

Des mots 25

Des livres 22

Une nouvelle grammairede l’espagnol, publiée parla Real Academia Española ;Les nouveautés.

« L’écrit ne représente qu’une infime partie du langage »

David Crystal, écrivain et linguiste anglais1

Cette juste remarque nous rappelle qu’une grande partie des subtilités

du transfert linguistique résident dans le non-dit. Le doublage, à cet

égard, est la spécialité langagière qui exige le plus de sensibilité aux détails

culturels, aux expressions du visage, au langage corporel et au contexte situationnel. À cette

exigence se superposent des contraintes techniques qui, si elles ne le découragent pas, sti-

mulent l’imagination du traducteur/adaptateur et le poussent vers des prouesses d’ingé-

niosité. Ce numéro sur le doublage nous sensibilise à l’aspect « oral » et « gestuel » du

transfert linguistique et aux richesses que recèle la langue pour traduire toutes les nuances

de l’expression humaine. Il nous incite aussi à réfléchir à l’écart entre la langue et la culture

et à l’importance de l’adaptation pour rejoindre un auditoire dans ses références les plus in-

times et faire vibrer les cordes sensibles qui lui faciliteront l’accès à une réalité étrangère.

Dans le cas du sous-titrage, c’est au spectateur que revient l’effort d’adaptation pour com-

bler l’écart entre une traduction parfois un peu « décalée » et l’action qui se déroule à l’écran.

Alors que dans le doublage, c’est toute une équipe qui opère la médiation entre la version

originale et le spectateur : traducteur/adaptateur, comédiens, techniciens de son, réalisa-

teur. Il s’agit de recréer toute la bande sonore du film pour créer l’illusion d’une action qui

se déroule dans la langue cible. Le doublage illustre bien la complexité des interventions né-

cessaires pour créer l’illusion de la transparence.

Si le doublage est une spécialité subalterne au septième art, les traducteurs/adaptateurs

n’en sont pas moins considérés comme des créateurs et reconnus en tant que tels par la

Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC). Belle réalisation, si l’on consi-

dère que les traducteurs littéraires n’ont pas encore accédé à cette reconnaissance. Pour-

tant, percer la sensibilité d’un auteur et rendre toutes les subtilités de son œuvre, et ce, sans

le recours à l’image, est un acte de « re-création » qui engage pleinement la subjectivité du

traducteur.

C’est là qu’on mesure toute l’importance de la représentation par des associations et

ordres professionnels. En effet, tout comme « l’écrit ne représente qu’une infime partie de

la langue », l’industrie langagière repose sur tout un appareil complexe de soutien et de re-

présentation. Le Canada et le Québec font figure de pionniers à cet égard. L’Association des

traducteurs et traductrices littéraires du Canada milite depuis plusieurs années pour la re-

connaissance de ses membres comme des auteurs à part entière. Au Québec, l’OTTIAQ et

d’autres associations satellites contribuent à valoriser les professions langagières et à en

améliorer les conditions d’exercice. Et c’est sous nos cieux qu’ont été développés des outils

technologiques de soutien au transfert linguistique utilisés à l’échelle mondiale.

L’Association nationale des doubleurs professionnels et l’Union des artistes ont réussi à

tailler au Québec une honnête place sur le marché mondial du doublage, malgré une concur-

rence féroce de la France. La mondialisation ou la « mondialité » joue en notre faveur et si

nous ne relâchons pas nos efforts, nous finirons par contourner l’attraction hexagonale en

faisant valoir nos compétences sur le marché mondial.

1 . C i tat ion t i rée d ’une entrevue avec Le Point pour le Hors-sér ie int i tu lé « Les grands textes de l ’espr i tangla is »

Traduire contre nature ; les congrèsde l’American Translators’Association à Québec et de laModern Languages Associationà Philadelphie ; Fusionistas etATAMESL, deux regroupementsqui font leur marque ; Notes etcontrenotes ; Échappées sur le futur.

L’adverbe espagnol ya, ce mot très court qui désespère lestraducteurs en herbe commeles plus chevronnés.

Des techniques 28

Inventerm : un point d’accèsunique aux donnéesterminologiques sur le Web.

Le doublage est omniprésent,mais c’est un art peu connu quidiffère de la traduction stricte.Circuit s’intéresse au travail deceux et celles qui pratiquent ledoublage, ces créateurs d’illusion.

Pages d’histoire 27

Nicholas V. Pervushin, petit cousinde Lénine et ami de Soljenitsyne,fut un remarquable interprète.

À titre professionnel 30

Le retrait du Tableau de l’Ordre.

Yolande Amzallag, trad. a.

Dans les coulissesde la transparence

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Vice-présidente, Communications — OTTIAQBetty Cohen

DirectriceYolande Amzallag

Rédactrice en chefGloria Kearns

RédactionMichel Buttiens, Philippe Caignon (Des mots), Pierre Cloutier(Pages d’histoire), Marie-Pierre Hétu (Des techniques), Didier Lafond (Curiosités), Solange Lapierre (Des livres), Barbara McClintock, Éric Poirier, Eve Renaud (Sur le vif)

DossierSolange Lapierre

Ont collaboré à ce numéroJean Delisle, Huguette Gervais, Grant Hamilton, HughHazelton, Margaret Jackson, Yves Légaré, Danièle Marcoux,Robert Paquin, Francis Pedneault, Eric Plourde, MichelRichard, Pierre G. Verge, Elisabeth Wörle

Direction artistique, éditique, prépresse et impressionMardigrafe

PublicitéCatherine Guillemette-Bédard, OTTIAQTél. : 514 845-4411, poste 225 • Téléc. : 514 845-9903

Avis aux auteurs : Veuillez envoyer votre article à l’attention deCircuit, sous format RTF, sur CD-Rom ou par courrier électronique.

Droits de reproductionToutes les demandes de reproduction doivent être achemi-nées à Copibec (reproduction papier).Tél. : 514 288-1664 • 1 800 717-2022 [email protected] rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais les opinionsexprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur n’assume aucune respon-sabilité en ce qui concerne les annonces paraissant dans Circuit.

© OTTIAQDépôt légal - 2e trimestre 2010Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives CanadaISSN 0821-1876

Tarif d’abonnementMembres de l’OTTIAQ : abonnement gratuitNon-membres : 1 an, 40,26 $ ; 2 ans, 74,77 $. Étudiants inscritsà l’OTTIAQ : 28,76 $. À l’extérieur du Canada : 1 an, 46,01 $ ; 2 ans,86,27 $. Toutes les taxes sont comprises. Chèque ou mandat-poste à l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus).Cartes de crédit American Express, MasterCard, Visa : www.ottiaq.org/publications/circuit_fr.php

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Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec

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D O S S I E R L E D O U B L A G E , A R T D E L ’ I L L U S I O N

Solange Lapierre

S’il est un phénomène de traduction omniprésent, c’est

bien celui du doublage. Point besoin d’être traducteur

pour s’en faire une idée, comme le prouvent les re-

marques à chaud au sortir des salles noires. Mais c’est un art

peu connu, qui diffère du travail de la traduction stricte.

D’ailleurs, le spécialiste qui donne vie à ces nouveaux textes

dans la langue du spectateur s’appelle traducteur/adaptateur,

puisqu’il y a bien deux types d’activités à réaliser, avec parfois

deux personnes en tandem. C’est ce qu’explique Robert Paquin,

qui prépare un livre à ce sujet et qui, pas à pas, nous présente la

clé de ce métier : faire illusion. Critère décisif et exigeant

puisqu’on doit tenir compte de tous les sons entendus ainsi que

de l’image. Pour mieux séduire, en effet, il faut amener le spec-

tateur à croire que l’acteur qui crève l’écran parle vraiment sa

langue. Que Marcello Mastroianni parle délicieusement le fran-

çais (ce qui était le cas) quand il s’agit en fait de la voix du comé-

dien français Serge Sauvion (disparu le 15 février 2010), qui a

doublé Peter Falk, Jack Nicholson, Charles Bronson… Quant à

eux, les adaptateurs Pierre G. Verge et Huguette Gervais présen-

tent les nouveautés numériques de leur métier tandis que Yves

Légaré, directeur général de la SARTEC, fait le point sur la recon-

naissance de la profession.

Entre doublage et sous-titrage, c’est souvent affaire de goût, même si l’éloignement culturel

joue en faveur du doublage puisque, avec des langues moins connues ici, par exemple le japo-

nais, l’on ne devine guère la gestuelle ou le discours, comme l’explique Michel Richard, adapta-

teur du Magicien de Kaboul. Par contre, avec les langues européennes, le doublage est moins

une nécessité qu’un choix, vu notre familiarité avec ces cultures. Mais il y a plus qu’affaire de

goût. Le doublage prend des résonances politiques, par exemple en Catalogne ou dans l’Alle-

magne d’après-guerre avec le raz-de-marée des majors américaines, soulignent Elisabeth Wörle

et Didier Lafond — et dans toute la planète en fait. Dans les pays nordiques, le sous-titrage

domine, explique Eric Plourde, qui en analyse l’impact culturel. Au Québec, la loi prévoit une

version française des films (sous-titrage, doublage, surimpression) dans les 45 jours après leur

sortie en salle, que la version provienne d’ici ou d’ailleurs. Quant aux téléséries, documentaires

et téléromans, si vous avez l’impression de voir souvent des versions doublées en France, vous

avez raison : seul le doublage d’œuvres canadiennes est financé et, comme cela coûte cher, on

achète les versions d’ailleurs.

Pour achever ce dossier qui offre à la fois une réflexion sur l’objet du doublage et sur sa fi-

nalité, les correcteurs du Monde explorent l’étonnant fossé entre le titre original d’un film et

celui de sa version doublée. Tous nos remerciements aux adaptateurs, aux traducteurs et à la

comédienne Violette Chauveau, qui ont généreusement partagé leur expertise avec nous.

Du rôle du doublage :entreprise de séduction

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Qu’entend-on par « synchronisme » ? IstvánFodor distingue trois sortes de synchronisme

qu’il appelle phonetic synchrony, content synchronyet character synchrony1. Personnellement, je parle de« synchronisme phonétique », de « synchronisme sé-mantique » et de « synchronisme dramatique ». Cequi revient au même.

Ses lèvres bougent —synchronisme phonétique

Quand on pense au doublage, c’est au synchro-nisme phonétique qu’on pense avant tout. C’estd’ailleurs ce qui rend si ridicules les films mal doublés.Qui n’a pas déjà vu un film où l’on entend un person-nage continuer de parler alors qu’il a manifestementla bouche fermée, ou encore un acteur qu’on n’entendplus alors qu’il semble être encore en train de parler ?Voilà que vient de se briser l’illusion du réel que le ci-néaste s’efforçait de créer. Le spectateur se réveille etprend conscience qu’il n’est pas au XIXe siècle, dans unvillage de desperados au Texas, mais bien au cinémaen train de regarder un film mal doublé.

Pour bien doubler un film, il faut toute une équipe,pas seulement un traducteur. Le doublage synchrone,comme tout au cinéma, est un travail d’équipe, doncde collaboration. En simplifiant, on pourrait résumerl’opération du doublage à cinq étapes :

• la détection, qui consiste à copier le texte tel qu’ilest dit à l’écran ;

• la traduction/adaptation, qui consiste à le traduireen l’adaptant ;

• la calligraphie, qui recopie le texte traduit ;• l’enregistrement du texte traduit par des comé-

diens de studio ;• le montage/mixage où l’on ajuste les voix en fonc-

tion du lieu où se situe l’action.Il s’agit pour l’adaptateur de faire concorder le

mouvement des lèvres de l’acteur à l’écran avec lemouvement des lèvres associé aux sons qu’on l’entend prononcer. La tâche de notre traducteur/adaptateur est de maintenir chez le spectateur l’illu-sion que ce qu’il entend, c’est ce qu’il voit, que ce sontbel et bien les acteurs à l’écran qu’il entend parler, quemystérieusement tous ces Américains, ces Italiens ouces Allemands parlent français.

Détection d’abordLe premier à travailler sur un film ou une émission

de télévision à doubler (ou à postsynchroniser) est ledétecteur ou la détectrice, un métier peu répandu. Ledétecteur va retranscrire tout ce que disent les acteurs

et les actrices, mais pas seulement leurs paroles, tousles sons qu’ils produisent, les cris, les rires, les glous-sements, les pleurs, les reniflements, les grattementsde gorge, les inspirations, les expirations et les cla-quements de lèvres ou de langue.

Le détecteur travaille avec un appareil qui res-semble à une table de montage. L’image du film ap-paraît sur un écran de moniteur tandis qu’une pelliculede film 35 mm se déroule et défile à plat sur la tabledevant lui. Cette pellicule est recouverte d’un enduitblanc qui la rend opaque et permet d’y écrire avec uncrayon à mine. La pellicule défile donc à plat synchro-niquement avec l’image. Elle passe sous une petiteligne verticale qui correspond, au trentième de se-conde près, au moment présent dans le film, à l’imagequi défile cadre par cadre. Le détecteur peut faire avan-cer ou reculer le film cadre par cadre ou le rembobineren accéléré, pour changer de scène ou de « boucle ».Et toujours, la pellicule blanche suit l’image et le son.

On parle de « boucle » parce qu’à l’origine, avantl’invention de la bande rythmo, on coupait une sectionde pellicule d’une durée maximale de 30 secondes àune minute, une minute et demie, et on en faisait uneboucle qu’on projetait en studio jusqu’à ce que les co-médiens arrivent à dire leur texte de façon relative-ment synchrone avec l’image. Bien qu’on ne coupeplus la pellicule, l’enregistrement des voix se fait en-core par boucles, c’est-à-dire par sections d’à peu prèsune minute. Une émission télé d’une cinquantaine deminutes peut contenir une centaine de boucles. Aumoment de l’enregistrement, les boucles sont enre-gistrées dans le désordre, en fonction des comédiensprésents dans le studio. Si un comédien a des ré-pliques à dire dans trois boucles au début du film etdans deux boucles à la fin du film, par exemple, onl’enregistrera en une seule séance, sautant du débutà la fin. De la même façon qu’au tournage, on ne suitpas le déroulement chronologique de l’histoire et ontourne toutes les scènes se déroulant dans un mêmedécor au même moment. Il en va de même pour l’en-registrement de la version doublée.

A-t-elle la bouche ferméeou entrouverte ?

Le détecteur, donc, se sert d’une série de signesconventionnels pour donner au traducteur/adaptateuret aux comédiens de studio certaines indicationsquant aux sons produits par le comédien à l’écran. Ilindique aussi si l’acteur avait la bouche fermée ou en-trouverte avant de commencer à parler ou après sondernier mot. Ces indications sont d’une importance ca-pitale pour l’adaptateur.

Synchronisme estle mot clé dans lecas du doublage.Il faut créer chezle spectateurl’illusion qu’ilentend ce qu’ilvoit, c’est-à-direque les voix qui luiparviennent deshaut-parleurs ducinéma ou de satélévisionproviennenteffectivement desacteurs et actricesqu’il voit à l’écran.

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Rober t Paquin , Ph. D. , adaptateur b ien connu de f i lms et de té lésér ies , de l ’angla is au f rançais , mais auss i depuis d ’autres langues, v ient desous-t i t rer The Coca-Cola Case. I l est membre de l ’Associat ion des t raducteurs et t raductr ices l i t téra i res du Canada, professeur et réa l isateur.

Le doublage synchroneou entendre ce qu’on voit

Par Robert Paquin

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La détection ne fait pas qu’indiquer la longueurdes voyelles accentuées ou non. Elle marque aussi lesconsonnes labiales, c’est-à-dire les consonnes quis’articulent essentiellement avec les lèvres. La raisonpour laquelle on insiste sur ces lettres, ou mieux, cessons, est que le traducteur/adaptateur devra respec-ter ces mouvements de lèvres pour créer chez le spec-tateur l’illusion d’entendre parler le personnage àl’écran. Il faudra que le texte traduit que dira le co-médien de studio corresponde aux fermetures debouche et aux mouvements de lèvres des acteurs àl’écran, qui disent un texte dans une autre langue.

Une bonne détection est la base sur laquelles’échafaudera tout le processus du doublage syn-chrone. L’adaptateur s’appuie sur la détection pourécrire son texte. Il doit suivre les indications marquéessur la bande mère et poser son texte sur la bande, soitau-dessus, soit en dessous de la détection, en respec-tant les repères posés par le détecteur. La détection estun travail de moine et plusieurs sont des saints.

L’art de la synchronisation :créer l’illusion

Il existe deux péchés mortels pour un traduc-teur/adaptateur : le premier est de faire parler quelqu’unqui a la bouche fermée à l’écran et le second est de nepas faire parler une personne qu’on voit dire quelquechose. Les autres fautes sont vénielles, mais une accu-mulation de péchés véniels peut constituer une fautegrave qui scellera le destin du traducteur/adaptateurcoupable et le privera de ce genre de travail à l’avenir.Pourquoi parle-t-on de traducteur/adaptateur ? Parceque, même si ces deux tâches sont généralement ac-complies par la même personne, quand on travaille à par-tir d’une langue qu’on connaît moins, comme dans moncas l’allemand, l’italien ou le suédois, le travail de tra-duction comme tel relève de quelqu’un d’autre.

L’adaptateur de doublage synchrone doit doncavoir certaines connaissances phonétiques, à tout lemoins intuitivement. Étant donné qu’on travaille avecune image, ce qui nous concerne avant tout, ce sontles sons qu’on peut voir, surtout ceux qui nécessitentune fermeture de la bouche. L’art de la traduc-tion/adaptation pour le doublage synchrone se ré-sume essentiellement à un seul terme : synchronisa-tion. C’est la synchronisation qui procure l’illusionrecherchée. De fait, le synchronisme phonétique estun grand souci de l’adaptateur, mais ce n’est pas leseul type de synchronisme à respecter pour un bondoublage. Comme nous le disions plus haut, il y a troistypes de synchronisme : le synchronisme phonétique,mais aussi le synchronisme sémantique et le syn-chronisme dramatique. Une bonne adaptation pour ledoublage doit tenir compte des trois.

Synchronisme sémantique etaussi… dramatique

Il faut que le sens concorde. Le synchronisme sé-mantique est essentiel, mais l’adaptateur se sert de

son jugement pour décider de ce qui est le plus im-portant. Par exemple, si le personnage à l’écran dit :« There are a thousand good reasons to… », l’adapta-teur écrira peut-être : « Il y a des centaines de raisonsqui justifient… », pour éviter de mettre « mille », avecson « m » bilabial, surtout si c’est un gros plan etqu’on voit bien la bouche. Mais si le personnage dit« three thousand » et écrit au tableau « 3000 », l’adap-tateur n’a parfois pas le choix de sacrifier le synchro-nisme phonétique au profit du synchronisme séman-tique, puisque le spectateur voit le chiffre à l’écran.

Quant au synchronisme drama-tique, c’est le plus discret, mais le plusimportant. Même si un texte est par-faitement synchrone avec le mouve-ment des lèvres, même s’il n’y a pas decontresens, si le spectateur juge quetel personnage ne dirait jamais unechose pareille, à cause de son étatémotif, de son statut social, de sonéducation, ou simplement de sa per-sonnalité, l’illusion de réalisme que leréalisateur veut créer sera brisée. Letraducteur/adaptateur doit donc avoirun sens du théâtre. Ce qui expliqueque la plupart des gens qui exercent le métier d’adap-tateur proviennent du milieu du théâtre plutôt que dela traduction. Cependant, un bon adaptateur n’a pasbesoin d’être comédien. Ce qu’il lui faut, c’est le sensdu dialogue. L’adaptateur doit savoir faire parler à sespersonnages un langage naturel, qui correspond à leurêtre. Il doit les sentir, comme un artiste et un créateur,mais il n’a pas besoin d’être comédien et de pouvoirjouer leur rôle.

L’ère numérique est arrivéeLes règles viennent de changer. Tout ce que je vous

ai dit au sujet de la bande rythmo et de la bande mère,de la calligraphie après la détection, d’un film de35 mm enduit d’une pellicule où le détecteur et l’adap-tateur écrivent chacun leur tour, tout cela est soudaindevenu désuet. La compagnie Steenbeck, qui fabri-quait ces machines de montage, a cessé de fabriquerles pièces de remplacement à mesure que l’industriedu cinéma adoptait le montage numérique. Les grandsstudios de doublage de Montréal ont donc décidé depasser à une bande rythmo virtuelle qui apparaît surun écran et sur laquelle on écrit à partir d’un clavierd’ordinateur. Pour la détection et l’adaptation, le stu-dio Technicolor a adopté le système informatiqueDubStudio, et le studio Cinélume, lui, a choisi le sys-tème Synchronos. Les deux, comme des logiciels detraitement de texte différents, font la même chose,mais de manière différente.

Pour l’essentiel, cependant, le travail de l’adapta-teur demeure le même : synchroniser, synchroniser,synchroniser afin de maintenir l’illusion.

1. FO D O R, István, Fi lm Dubbing – Phonet ic , Semiot ic , Esthe-t ic and Psychologica l Aspects . Hambourg, Helmut BuskeVer lag, 1962 (3 e ed. , 1976) , p. 10 .

Robert Paquin

Page 8: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

Le logiciel Synchronos est une création de la so-ciété française KinHelios. Il permet de saisir, sur

tablette graphique ou clavier et souris, la détectionet l’adaptation synchrones des dialogues ; d’impor-ter sur la bande rythmo du texte en version Word oud’exporter le texte de la bande rythmo en versionWord ; d’effectuer le compte de lignes ; de générerdes grilles ou croisillons pour préparer les plansd’enregistrement ; de projeter en synchro la vidéo etla bande rythmo pour l’enregistrement des voix.

Le travail se fait à l’aide du clavier, de la souris etd’une commande de lecture vidéo (de type « shuttle »,en périphérique). En plus de la fenêtre vidéo et de lazone de la bande rythmo, le logiciel propose à l’écrantrois palettes d’outils qu’on apprend vite à utiliser. Onsaisit les dialogues (au clavier) dans une fenêtre quis’ouvre sur demande, puis on les transpose d’un clicà l’endroit choisi sur la rythmo.

Le logiciel offre aussi toutes sortes de fonctions fa-cilitatrices, comme des mémos, des raccourcis et l’accèsdirect et instantané à n’importe quelle partie du docu-ment. Détail essentiel et rassurant, Synchronos estéquipé d’un système de copie de sauvegarde automa-tique. Le résultat de la détection et de l’adaptation

n’étant bien sûr plus un objet mais un fichier, on peutfacilement le copier, le réviser, l’expédier par courriel, lefusionner à d’autres fichiers Synchronos et le projeter.

KinHelios a bien étudié les méthodes de travail et(sagement) fait en sorte d’en conserver les principauxrepères. Elle a tenu compte des acquis comme despréférences des artisans et des artistes du doublagepour que la transition se fasse en souplesse. Enconstante amélioration depuis sa sortie il y a moinsd’une décennie, Synchronos est un outil tout à fait ef-ficace. La perfection n’étant pas de ce monde, ilsouffre de petits problèmes. Rien cependant qui nepuisse être corrigé ou qui en empêche l’utilisation ef-ficace et rentable. De toute manière, la nouvelle mé-thode numérique est si pratique qu’il suffit de l’utili-ser une fois pour ne plus vouloir revenir en arrière.

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P ierre G. Verge est adaptateur et d i recteur de p lateau.

Huguette Ger vais est adaptatr ice et d i rect r ice de p lateau.

Le logiciel SynchronosPar Pierre G. Verge

D O S S I E R L E D O U B L A G E , A R T D E L ’ I L L U S I O N

Des outils du métier

C’est en 1999 que Ryshco Media, fondée par Joce-lyne Côté et Howard Ryshpan, entreprend de

mettre au point un logiciel pour simplifier et unifor-miser les méthodes de travail de la postsynchronisa-tion et du doublage.

L’ancienne méthode, dite analogique, utilisait labande rythmo. L’adaptation terminée, il fallait calli-graphier le texte à l’encre de Chine sur la pelliculetransparente, puis dactylographier les textes. Chaquebobine, dont le nombre varie selon la longueur du film,exigeait que l’adaptateur se déplace.

En 2003, DubStudio change la donne. Sa suite lo-gicielle entièrement développée au Québec permetnotamment la production et la projection informatiséed’une bande rythmo. DubStudio a révolutionné le

Le logiciel Dubstudio / DubsynchroPar Huguette Gervais

Finis crayons et bobines àrembobiner et à trimbaler ! Le numérique afait son entréechez lesadaptateurs… et ils en sontheureux. Coupd’œil sur les deuxtechniques ayantcours au Québec.

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La SARTEC et les adaptateurs

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La Société des auteurs de radio, télévision etcinéma (SARTEC) est présente dans le secteur au-

diovisuel depuis 1949. Signataire d’ententes avecRadio-Canada, TVA, Télé-Québec, l’ONF, l’Associationdes producteurs de films et de télévision du Québecet TFO, elle négocie depuis décembre 2008, une pre-mière entente collective pour les adaptateurs avec l’Association nationale des doubleurs professionnels(ANDP), un regroupement de studios.

En 2004, des adaptateurs manifestaient leur inté-rêt à se joindre à la SARTEC. Ayant constaté la com-munauté d’intérêts, la SARTEC déposait alors une de-mande à la Commission de reconnaissance desassociations d’artistes et des associations de produc-teurs (CRAAAP) en vue de les représenter en vertu dela Loi sur le statut professionnel et les conditions d’en-gagement des artistes de la scène, du disque et du ci-néma. Pour obtenir cette reconnaissance, la SARTECdevait d’abord démontrer que les traducteurs/adap-tateurs travaillant dans le domaine du doublageétaient des artistes ou des créateurs au sens de la loi.

Si, lors des audiences en 2005, les témoins del’ANDP ont généralement prétendu que le travail dutraducteur de doublage consistait essentiellement àrecopier dans une autre langue une œuvre existante,plusieurs adaptateurs ont, au contraire, attesté de lanature créative de leur travail. C’est d’ailleurs ce queconclura la CRAAAP en 2006, se disant « d’avis que (la)preuve […] vient confirmer le caractère exceptionnel dutalent que requiert cette pratique qui, au-delà des exi-gences de toute traduction, doit composer avec l’exi-gence de bien rendre dans sa version traduite lesidées et les sentiments d’une œuvre cinématogra-phique ou télévisuelle destinée à un autre public ».

Une fois les adaptateurs reconnus comme créa-teurs, la SARTEC devait obtenir une accréditation ence sens. En février 2007, la CRAAAP émettait une dé-cision favorable précisant la juridiction de la SARTECpour « tous les traducteurs de toute langue vers lefrançais œuvrant dans le domaine du doublage », ycompris la voix surimposée et le sous-titrage.

Par la suite, un comité d’adaptateurs d’expériencea été constitué afin de délimiter les enjeux d’une pre-mière négociation, de répertorier les divers problèmeset de proposer un encadrement adéquat des condi-tions de travail. Une préparation d’autant plus impor-tante que les pratiques contractuelles en vigueurétaient fort peu élaborées et basées surtout sur desententes verbales. Une fois validé par les membres, cetravail préparatoire a permis d’entamer les négocia-tions, qui sont en cours depuis plus d’un an.

monde du doublage ! Une fois l’image et la détectionenregistrées dans un ordinateur portable, on remetcelui-ci ainsi que la clé USB à l’adaptateur. Le film esttoujours livré bobine par bobine. Mais plus besoind’aller les chercher. Tout se fait par courriel. C’est unedes grandes améliorations. Une fois sa traductionfaite, l’adaptateur la place à l’aide d’une souris sousla détection avec le plus de précision possible et l’en-voie au studio par courriel.

Autre innovation, DubStudio, qui fonctionne surplateforme Windows, intègre un engin de reconnais-sance vocale développé pour les besoins de la post-synchronisation par le Centre de recherche informa-tique de Montréal, en étroite collaboration avec lesconcepteurs de DubStudio. En automatisant une

grande partie des processus par un système degrande précision, DubStudio amène une standardisa-tion des opérations, rehausse le niveau de qualité etentraîne une économie appréciable de temps et d’ar-gent. Cette première mondiale profite non seulementau Québec, où cette industrie représente un chiffred’affaires annuel de 20 millions de dollars, mais aussià l’ensemble des secteurs de l’audiovisuel et du mul-timédia, soit un marché international de plus de300 milliards de dollars. Vendu en 2009, DubStudioest devenue DubSynchro. Les acquéreurs cherchent àaméliorer cette technologie (qui serait bientôt dispo-nible sur la plateforme Macintosh) et à la faireconnaître afin d’uniformiser le marché du doublage etde la post-synchronisation.

Yves Légaré est d i recteur généra l de la SA RT EC.

Les adaptateurs,tant ceux qui fontdu sous-titrage quedu doublage, sontreconnus commedes créateurs ausens de la loi.

Par Yves Légaré

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Circuit : Parlez-nous de votre métier…Violette Chauveau : Je suis une comédienne qui

fait du doublage, parce que je suis une comédienneavant tout. Je trouve important de faire de la télé, duthéâtre, du cinéma et du doublage. Ce n’est pas unsous-métier ; je crois plutôt que l’un nourrit l’autre.Pour moi, ça a été un accident de parcours. Quand jesuis sortie du Conservatoire, ma voix faisait très jeuneet une agence de casting m’a demandé de passer uneaudition pour Dorothée dans Le Magicien d’Oz. J’aibeaucoup de chance : comme c’était un premier rôle,j’en ai obtenu d’autres et on m’appelle autant pourdes rôles d’enfants que d’adolescents ou de femmesde mon âge.

On dit souvent que ledoublage, c’est dire vraidans un rythme qui estfaux. Il faut respecter lesouffle de quelqu’und’autre, car chacun res-pire différemment. Parexemple, pour un rôled’enfant, le directeur deplateau Vincent Davy ex-pliquait ceci : « Pense queses poumons sont beau-coup plus petits que lestiens. » J’apprends énor-mément. Si je ne joue pasau théâtre, ça garde moninstrument d’actrice enforme, comme faire desgammes.

C. : Quels sont les rapports avec l’adaptateur ?V. C. : L’adaptateur est parfois aussi directeur de

plateau. Comme il arrive souvent qu’il faille changerle texte, on peut ainsi le faire tout de suite. Les direc-teurs sont très différents : certains favorisent le sens,d’autres le vocabulaire, le mouvement des lèvres, lasynchro. Ce que je préfère, c’est travailler avec les di-recteurs qui favorisent l’interprétation et le jeu des ac-teurs au détriment parfois de la technique.

Le film est coupé en séquences, en boucle : onnous montre une partie de la scène, on fait une répé-tition, puis on enregistre. On peut demander d’enre-gistrer la première prise. J’aime bien quand c’est spon-tané. Pour les petits rôles, on nous montre la scène ethop, on saute ! On demande une diction de type fran-çais international, un français qui n’existe pas… maisparfois, on double en québécois. Pour l’argot, ça varieselon l’adaptateur et ça évolue : à présent, on emploiedavantage d’expressions québécoises. Mais on a

vécu des aberrations : des films tournés en anglais ici,qui sont doublés en France parce que le marché seraitplus grand…

À présent, ça va de plus en plus vite : il faut queles deux versions sortent simultanément. Mais avecles nouvelles technologies, on perd moins de tempspour aller d’une boucle à l’autre et on peut facilementrevenir à la première prise si la deuxième est moinsbonne.

C. : Quel type de film préférez-vous doubler ?V. C. : Je travaille dans toutes sortes de films,

drame, comédie… C’est une façon de se perfectionner.J’aime bien doubler des actrices comme Toni Col-

lette (Sixième sens), unegrande comédienne quise transforme à chaquefilm. J’ai aussi aimé lestyle théâtral du Draculade Coppola, avec GuyNadon dans le rôle deDracula. C’est important,le partenaire : quandon lance la réplique etque l’autre répond, c’estplus vivant.

Il y a des films qui neperdent rien au dou-blage. Un producteurnous a même dit qu’onavait amélioré la versionoriginale ! Avec La PetiteLulu, on a gagné des prix !On double le plus sou-

vent des films américains, mais j’ai travaillé à des filmsanglais et japonais. Il y a quelque chose d’étrangeavec les films asiatiques : on a l’impression qu’il n’ya pas de nuances dans le jeu. Mais ce n’est pas lecas. Il faut respecter la culture du film : c’est un défifascinant.

C. : Que diriez-vous à un jeune comédien quipense se consacrer au doublage ?

V. C. : Quand j’ai commencé, le Conservatoire n’of-frait pas de cours. C’était une chasse gardée. Aujour-d’hui, l’accès est plus facile. C’est préférable de faireune école de théâtre, parce que c’est un métier. La ra-pidité est un atout certain. Parfois, on n’aura qu’uneseule prise et il faudra donc réussir à la première lec-ture… et ce n’est pas donné à tout le monde.

Le doublage est intéressant et bon quandon s’investit totalement, émotivement, et que cen’est pas juste de la voix, que ce n’est pas techniqueseulement.

Entrevue avec la comédienneViolette Chauveau :comment le textese transformeen voix…

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Faire des gammes

Propos recueillis par Solange Lapierre

D O S S I E R L E D O U B L A G E , A R T D E L ’ I L L U S I O N

En pleine action dans le studio de doublage, la comédienneViolette Chauveau, que l'on a pu voir l'an dernier au théâtredans Le Mariage de Figaro et L'Imposture.

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Le doublage en Catalogne…un piège ?

Le rôle dudoublage dansl’histoire de laCatalogne, sous lefranquisme, avecl’arrivée de ladémocratie etaujourd’hui…Le doublagen’est pas sansconséquences.

Par Elisabeth Wörle

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Pour commencer, une question : vous est-il arrivésouvent, lors de festivals, quand vous allez voir

d’excellents films en version originale, de vous sentircomme la cigogne de la fable de La Fontaine, lesyeux et le nez rivés à une excellente assiette desoupe sans y goûter ?

Installés dans le confort douillet d’une globalisa-tion qui amène jusque sur notre table autant que surnos écrans les produits du bout du monde, nous exi-geons le meilleur, nous voulons tout voir, tout savoir,tout comprendre. Le doublage en français, après toutc’est un droit car c’est notre langue…

Le doublage, tout comme la traduction dont il esttributaire, est un travail de fourmi, un labeur dansl’ombre, inconnu, méconnu, non reconnu. Si traduirec’est trahir, doubler c’est redoubler de trahison car lecorset des contraintes est encore beaucoup plus serré.Tout comme le ménage domestique, tout le mondel’ignore s’il est bien fait ; s’il ne l’est pas, tous s’en plai-gnent… Et plus le texte du scénario est riche, plus lalangue est porteuse de sa culture propre, plus difficileen sera la traduction, donc le doublage.

Une langue « des catacombes »L’histoire du doublage en Catalogne est une

longue histoire faite de batailles petites et grandes oùs’entremêlent les enjeux économiques, politiques etculturels. Pratiquement seule avec les îles Baléares etValence à avoir le catalan en partage, contrairementau Québec qui parle la même langue quedes millions de locuteurs dans le monde,et consciente du rôle des médias audiovi-suels dans le développement de la culturede masse, la Catalogne, dès l’arrivée de ladémocratie, s’empresse de se doter d’unechaîne de télévision publique, TV3, ainsique d’un poste de radio national, Catalu-nya Ràdio. Le succès est immédiat : excellente qualité, excellentes cotesd’écoute.

Mais ce que l’on nomme la normalisa-tion linguistique sera une tâche ardue,longue, difficile, le catalan étant devenusous Franco une langue des catacombes.Et c’est sur plusieurs fronts que devra porter la ba-taille de la récupération du catalan, de sa survie.D’abord, du point de vue institutionnel, soulignons lacréation de nombreuses instances qui agiront tant surle plan purement normatif (établissement de stan-dards) que promotionnel (diffusion de la langue).C’est ainsi que seront créés le Conseil catalan de laradio et de la télévision, le Conseil de l’audiovisuel de

la Catalogne, le Service catalan du doublage, l’Ob-servatoire de la langue, et bien d’autres institutionsencore.

Le linguiste sur le plateauPuis on s’attaqua à la qualité linguistique. Trop long-

temps le catalan ne s’était maintenu que par l’oralité.C’est pourquoi un des premiers soucis des pouvoirs pu-blics fut de surveiller de près la qualité de la langue desmédias. C’est dans ce sens que s’explique une parti-cularité du doublage en catalan : le rôle prépondérantdu linguiste. C’est lui qui, en dernière instance, sur leplateau même, après le travail des traducteurs, adap-tateurs et acteurs, aura le dernier mot. La conséquenceen est l’excellente qualité du produit final. Par ailleurs,c’est la télé publique qui dès ses débuts prend encharge le doublage. Les moins jeunes se souviennentdu succès phénoménal d’une des premières télésériesaméricaines, Dallas, doublée en catalan. Tout le monderegardait la série, y compris les hispanophones uni-lingues les plus récalcitrants : un beau pari gagnant !

En catalan, feu se dit « foc »…Mais ce n’est pas tout. La bataille la plus longue

est sans conteste celle dont les enjeux sont écono-miques, car doubler revient très cher. Or, dans cettelutte entre une petite nation qui tient à sa langue etles géants de l’entertainment de masse, dans la lutte

entre David et Goliath, qui sera levainqueur ?

De la simple anecdote du distribu-teur qui décide, en dépit de tout bonsens, dans la série Les Pierrafeu, d’éli-miner le mot foc (feu) du texte catalansous prétexte qu’un certain mot an-glais se prononce pareil, à la réticenceabsolue de Fedicine — groupe desgrands distributeurs espagnols et desmajors américaines — à se plier à laprochaine loi du parlement catalanvoulant que 50 % des films en sallesoient doublés — le gouvernementprenant en charge tous les frais —,

c’est une lutte à finir pour la survie de la langue. L’ar-gument servi par Fedicine est que le cas catalan feraitprécédent non seulement en Espagne, mais dans tousles pays abritant des langues minoritaires. Il faut pré-ciser qu’actuellement le cinéma en salles en catalanreprésente seulement 3 % du total et que le budgetconsacré en 2009 au Service catalan du doublage étaitde trois millions d’euros.

Après une carr ière de professeure d’espagnol au Col lège Édouard-Montpet i t , El isabeth Wörle enseigne aujourd’hui le catalan et l ’espagnol ; e l leest auss i t raductr ice l i t téra i re et coréal isat r ice de v idéos d’ar t .

Titre original : Nico and the Way tothe Stars

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Nous sommes en 1985 dans un cinéma, bondécomme il se doit, d’une petite ville du nord-est

du Japon. Je suis sur le point de manquer à la pro-messe que je me suis faite de n’aller au cinéma quepour y voir des films japonais. Autour de moi, quedes têtes aux cheveux noirs. À l’écran défile tout enjaponais le générique, alors que la musique, on nepeut plus américaine, envahit la salle. Je m’apprêtedonc à être humilié dans mon orgueil et à admirer lejaponais impeccable de ces formidables acteurs hol-lywoodiens, pourtant tout aussi Occidentaux quemoi. Eux, ils ont droit au doublage ; pas moi.

Eh bien non. Mon honneur est sauf. La superpro-duction est présentée dans la langue d’origine, avecsous-titres japonais. Lesquels ont d’ailleurs tendanceà danser : parfois ils se trouvent au bas de l’écran, àl’horizontale, et parfois à droite ou à gauche, à la ver-ticale. Une remarquable tentative d’utiliser l’écran bi-dimensionnel dans toute sa superficie, mais aussi unecause majeure de dérapage. Où regarder ? Que suis-je en train de manquer ? Après tout, il y a aussi desimages à l’écran.

Rires décalés…Vingt-cinq ans plus tard, la danse des sous-titres

a pris fin. Ils ont trouvé refuge au bas de l’écran et selisent de gauche à droite. Seul changement notabled’ailleurs. La pratique japonaise de présenter les filmsétrangers en version originale sous-titrée n’a paschangé d’un iota, ce qui crée des situations loufoques,comme d’entendre les spectateurs rire d’une bonne

blague avant même de l’entendre, et de savoir où sontassis les étrangers : il y a toujours un décalage entreleur réaction et celle des Japonais. La langue japonaiseest agglutinante et elle implique un développement lo-gique ainsi qu’une syntaxe souvent à l’inverse des

Almodóvar… plus connu à l’étrangerLes problèmes que pose le doublage vont toutefois

beaucoup plus loin. Certaines voix discordantes pro-posent carrément de le remplacer par le sous-titrage.En effet, dans un pays asphyxié pendant 40 ans parune dictature qui utilisait les traducteurs comme cen-seurs et qui ouvrait grandes les portes au cinéma amé-ricain, celui-ci représentait la seule fenêtre ouvertevers le monde. Il s’ensuivit une certaine américanisa-tion du goût, une certaine manière de regarder lesfilms et un certain nombre d’attentes du public enversle cinéma. Même de nos jours, la présence des filmsaméricains à l’écran est très largement majoritaire.C’est ainsi, par exemple, qu’Almodóvar est beaucoupplus connu à l’étranger qu’en Espagne. Or, les films àgrand tirage, simples produits de consommation in-dustrielle, véhiculent les valeurs, les idées, l’esthé-tique, les normes de comportement définitoires de la

société qui les produit. Par ailleurs, l’effet de mimé-tisme qu’exerce le cinéma et la fascination de l’ailleurs(toujours meilleur que l’ici) entraînent des change-ments de comportement, d’attitudes, de goûts, inexo-rables et non exempts de nivellement par le bas — l’in-dustrie, culturelle ou non, étant là pour attirer le plusgrand nombre de consommateurs.

En outre, si par la voie du doublage, la médecinem’est administrée dans ma propre langue, elle risquede mieux passer. À l’opposé, par le biais du sous- titrage, je suis conscient à chaque séquence que j’aiaffaire à un autre monde, une autre culture, une autrelangue. Je serai beaucoup plus sur mes gardes, beau-coup plus en mesure de mettre une distance critique.Ainsi mon droit collectif d’avoir accès à la culture mon-diale dans ma propre langue peut heurter de frontcelui de préserver ma culture d’origine. Le doublageserait-il un cheval de Troie, un piège culturel ?

Doublage dujaponais : exerciceexigeant, pratiquéici même pour lefilm Le Magiciende Kaboul parl’adaptateurMichel Richard,qui expliquecertainescaractéristiquesdu japonais, àrespecter souspeine deconfusion.

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M ichel Richard enseigne la langue japonaise au CE TA S E (Centre d ’études de l ’As ie de l ’Est , Univers i té de Montréal ) et i l est t raducteur dans lesdomaines du c inéma et de la té lév is ion du japonais au f rançais .

Dans un cinémaloin de chez vous

Par Michel Richard

D O S S I E R L E D O U B L A G E , A R T D E L ’ I L L U S I O N

Affiche réalisée par Men Design, en collaboration avec Philippe Baylaucq et InformAction. Sekai ga heiwa ni natte hajimete kokoro gayasuragu no de arou ka : La paix du cœur passerait-elle par la paix dumonde ?

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langues occidentales. Elle ne connaît pas du tout lequasi immuable « sujet – verbe – complément ».

Il ne faut toutefois pas en conclure que les spé-cialistes du doublage n’ont pas de travail. Loin de là !Incapables de maîtriser l’écriture dans toute son am-pleur avant l’adolescence, les enfants japonais ontdroit, au cinéma comme à la télévision, à des versionsdoublées en japonais des films et émissions. MickeyMouse parle japonais depuis 1929 ! Souvent, ces émis-sions doublées sont également sous-titrées… en ja-ponais ! Cela permet aux enfants de se divertir tout enapprenant à lire. Par ailleurs, au petit écran, lesœuvres étrangères sont disponibles en version dou-blée. Dans le cas des films, les Japonais ont mêmedroit à la version doublée et à la version sous-titrée,à choisir en appuyant sur un bouton. Et les films étran-gers en location offrent eux aussi ce choix.

Quand « oui » peut vouloir dire « non »

Les adaptateurs sont donc fort occupés et leur tra-vail ne se limite pas à la langue. Les gestes aussi sontdifférents. Par exemple : la jolie princesse demande« Vous ne mangez pas ? » et le prince lui répond enopinant de la tête. Ce qui traduit sa volonté de man-ger… sauf en japonais : en effet, répondre « oui » à unequestion utilisant une tournure négative confirme ledésir de ne pas effectuer l’action demandée. Bref,« oui » se traduit par « non ». La traduction doit donctenir compte de particularités comme celle-ci, et ledoublage, avec entre autres un choix judicieux du tonet du niveau de langage, doit s’adapter autant aux dia-logues qu’à l’image. En outre, la langue japonaise par-lée est fort différente selon que le locuteur est unefemme ou un homme. Traduire et doubler en japonaisnécessite donc une collaboration étroite entre les in-tervenants, car l’image à l’écran ainsi que le scénarioparlent autant que les acteurs. Attention donc à la ca-tastrophe, comme dans le cas de ce film français : « Tuas bien fait de les descendre ! », dit un personnage àson comparse qui vient d’abattre deux ennemis, alorsque les sous-titres japonais déclarent : « Tu as bien faitde les transporter en bas ! »

Le magicien de KaboulCette étroite collaboration, j’ai eu la chance de la

vivre avec un film tourné en bonne partie en japonaispar une équipe non japonaise. Il relate l’histoire véri-dique de Haruhiro Shiratori qui, après avoir perdu sonfils unique lors des attentats à New York en 2001, a dé-cidé de répondre à la violence par l’intelligence en éla-borant le projet de créer une école à Kaboul, tout enarrachant aux enfants afghans des sourires avec sestours de magie. Le magicien de Kaboul a été tourné entrois langues : le japonais, le pachto et l’anglais. Le japonais représente environ 70 % du film et ma tâchea été multiple : transcrire en japonais, puis traduireen français tous les tournages en japonais, en vue de

permettre au réalisateur debien comprendre tout ce qu’il atourné. Une fois le premiermontage terminé, travail en stu-dio à l’ONF avec les monteurspour vérifier si les coupuresrespectent la langue japonaise,sa grammaire, son intonation,etc., et si les sous-titres corres-pondent bien au japonais. Encollaboration avec une spécia-liste d’InformAction, transfor-mation des textes français ensous-titres, de manière à res-pecter la capacité de lecturedes spectateurs en fonction dutemps d’affichage et de la diffi-culté des termes utilisés. Puisrévision du japonais et du fran-çais du montage final de 82 mi-nutes. Enfin, pour la version ja-ponaise, traduction en japonaisdu générique et des scènes enpachto et en anglais, puis révision de la version japo-naise en studio pour le montage final et révision de labande-annonce.

Courroie de transmissionLangue japonaise oblige, ce film, qui sera pré-

senté au Japon en version originale internationalesous- titrée, a nécessité une collaboration très étroiteentre le réalisateur, la maison de production, les mon-teurs et le traducteur. Il est bien sûr essentiel que lescréateurs du film comprennent ce qu’ils tournent.Mais il y a plus. Ils doivent communiquer avec les ac-teurs, ce qui n’est pas si simple, et tout est intrinsè-quement japonais : le développement logique de lalangue, la syntaxe, l’absence de sujet grammatical,les gestes, les langages féminin et masculin. En fait,tous les points mentionnés plus haut et bien d’autresdoivent être adaptés cette fois vers le français, ensimple traduction en premier lieu, puis sous forme desous-titres et de doublage par la suite. Dès lors, lerôle du traducteur n’est plus simplement de traduire :il devient aussi la courroie de transmission entre laculture et la vision des choses d’ici, et celles des per-sonnages japonais. Rien ne peut être omis sous peinede confusion. Ainsi, Le magicien de Kaboul est de-venu hi to mizu (De feu et d’eau), titre imaginé par leréalisateur lui-même, car il fallait éviter le manque desérieux et la connotation de tromperie que peut im-pliquer le mot « magie » au Japon, puisque M. Shira-tori cherche à recueillir des fonds pour son projetd’école en Afghanistan.

Cet esprit de collaboration, je ne l’ai connu quedans de très rares cas. C’est pourtant lui qui me rassure quand je souhaite en mon for intérieur nepas avoir collaboré à « transporter des cadavres enbas ».

Les adaptateurs du japonais

sont fort occupés et leur

travail ne se limite pas à

la langue. Les gestes aussi

sont différents.

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Paradoxalement, dans les années 1920, l’appari-tion des trames sonores et des dialogues, tout

en permettant d’imprimer un plus grand réalismeaux œuvres cinématographiques, a annihilé le carac-tère universel du film muet. Ce changement de para-digme a eu des répercussions très concrètes sur lesfilms destinés à l’étranger.

Avant la Deuxième guerre mondiale, l’industrie ci-nématographique allemande avait un rayonnement in-ternational et faisait concurrence à Hollywood. Le ré-gime nazi, marqué par un recul culturel dans tous lesdomaines, a sonné le glas des maisons cinématogra-phiques allemandes et du cinéma allemand. La guerrefinie, l’Allemagne étant coupée de la création artis-tique internationale, le retard à rattraper était consi-dérable : le public avait été privé d’œuvres de haut ca-libre comme Gone with the Wind, Casablanca, CitizenKane, La grande illusion, Les enfants du paradis. Tou-tefois, les Alliés poursuivaient plusieurs objectifs enintroduisant les films étrangers en Allemagne : régé-nérer la vie culturelle, dénazifier et rééduquer lepeuple allemand aux principes des sociétés démo-cratiques. Les États-Unis avaient par ailleurs un autrebut, soit celui d’empêcher que ne renaisse une forteindustrie cinématographique qui ferait tort aux pro-ductions hollywoodiennes. Les premiers droits d’ex-ploitation et de diffusion de films ont été émis en 1947seulement.

Le tournant de l’après-guerreL’Allemagne d’après-guerre occupe une situation

particulière en ce qui a trait au doublage. L’industriecinématographique, contrôlée par les Alliés, y est dé-centralisée, calquée sur les différentes zones d’occu-pation. Munich, Hambourg, Remagen et Berlin de-viennent des centres importants, surtout Berlin-Ouestqui, de par son insularité, est l’avant-poste des so-ciétés démocratiques face au bloc communiste. Dansla zone américaine, le premier film postsynchronisé àsortir en salle en 1946, You Can’t Take it With You deFrank Capra, est le produit d’une annexe de la MotionPicture Export Association (MPEA). Berlin domine trèsvite le domaine : la Metro-Goldwyn-Mayer y établit sespropres studios de doublage dans les anciens studiosde l’Universum Film Aktiengesellschaft à Tempelhof.La domination des productions américaines margina-lise le marché du doublage dans les autres zones d’oc-cupation, à Remagen pour les films français et à Ham-bourg pour les productions anglaises.

Dans la zone soviétique (qui devient la Républiquedémocratique allemande), les autorités mettent l’in-dustrie cinématographique au service de l’idéologiecommuniste. Trois semaines après la capitulation al-lemande en 1945, la Sojusintorgkino, l’équivalent de

la MPEA, fait doubler Ivan le terrible, le chef-d’œuvrede Sergueï Eisenstein.

Les trois versions de CasablancaÀ l’Ouest, Freiwillige Selbstkontrolle der Filmwirt-

schaft, créée en 1949, exerce une censure. Par exemple,Casablanca (1942) connaît trois versions (1952, 1968 et1975). Pour ne pas compromettre les recettes, celle de1952 est amputée de toutes les scènes où apparaissentdes nazis, des collaborateurs ou des résistants. Laguerre étant encore trop présente dans les esprits, lepeuple allemand cherche à se divertir et à oublier la du-reté de la vie quotidienne. Les deux autres versions ré-tablissent le contenu original, la première, sous-titrée,et celle de 1975, postsynchronisée. Dans celle-ci,quand il apparaît pour la première fois, Humphrey Bogart signe et date un chèque du 2 décembre, dansle rôle de Rick Blaine, le propriétaire du café. Il vient derevoir Ilsa Lund, alias Ingrid Bergman, et il se remémoreleur idylle à Paris, roulant à pleine vitesse sur lesChamps Élysées. C’est à ce moment que sept mots, enallemand, entrent dans la légende : « Ich seh’ dir in dieAugen, Kleines » (Je te regarde dans les yeux, Chérie),l’expression étant passée dans la langue courante enAllemagne. Cependant, dans la version originale, Rickdit à Ilsa : « Here’s looking at you, kid »1, qui signifie toutsimplement « À la vôtre ! ». Wolfgang Schick, respon-sable du doublage et auteur de l’expression allemande,estime qu’elle colle parfaitement à la scène.

Double cherche psychanalysteLeonard Zelig, l’homme-caméléon du film éponyme

de Woody Allen et joué par ce dernier, existe. Tout aumoins l’alter vox du plus célèbre névrosé de Manhat-tan. Le double allemand, en la personne de WolfgangDraeger, se considère pratiquement comme un clonede l’auteur de Harry dans tous ses états. Originaired’un quartier tranquille de Berlin, Il rapporte qu’il étaitun enfant chétif, fragile et trop sérieux ; les gens se de-mandaient s’il était capable de rire. Il était dépressifet souffrait d’incontinence nocturne, une afflictiondont Allen aurait pu être victime, s’imagine-t-il. Enproie à une timidité maladive, il n’osait s’inscrire àl’école d’art dramatique, à laquelle il est entré grâceà un ami, ce qui lui a permis de pouvoir dire « Jet’aime » sur les planches, une déclaration qu’il jugeaitimpensable pour lui. Après avoir travaillé comme ar-tiste de cabaret, il fait ses débuts dans le doublagedans les années 1950. Avant de prêter sa voix à WoodyAllen, il a assuré des doublages dans West Side Storyet a été la voix de George Harrison des Beatles.

Il ressent les premiers symptômes de la « né-vrose de dédoublement » un jour où sa femme, qui

En Allemagne,le doublage desfilms étrangerscommence dès lesannées 1930 etconnaît uneexpansionfulgurante dansles années 1960,notamment pourles productionsaméricaines.La nouvelleinterprétationd’une œuvre est-elle une simpleduplication del’original ?

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Play it again, Sam !

Par Didier Lafond, trad. a.

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l’accompagnait au cinéma, s’exclame être horrifiée devivre avec un bandit, le rôle auquel il prête sa voix dansle film qu’ils regardent. Son tout premier rôle dans lapeau de l’auteur de Manhattan est dans What’s new,Pussycat ? en 1963. À l’exception du film Tout ce quevous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamaisoser le demander, il double Allen dans tous ses films.C’est avec Play it again, Sam (Tombe les filles et tais-toi) qu’il prend plaisir à être la voix. Quand il va au ci-néma en compagnie de sa femme pour voir les filmsqu’il a doublés, à la fin de la représentation, cette der-nière aimerait se lever et annoncer au public « C’est lui,là, qui parle dans le film ! ». Toutefois, la voix déclareque son anonymat lui convient parfaitement, puisqu’ilmanque d’assurance et considère que cet état le re-présente à la perfection. Son plus grand regret est dene jamais avoir rencontré Woody Allen, et il appré-hende de ne plus être sa voix un jour. S’il vivait à NewYork, il aurait un psychanalyste, comme lui. Il partagela même étourderie, le même aspect décousu et avoueque la manière de parler d’Allen, en bégayant et bre-douillant, lui permet de réfléchir brièvement dans sontravail de postsynchronisation avant de dire son texte.

Ayant « côtoyé » Allen depuis les débuts, il se permetd’avancer que ce dernier n’est pas un vrai acteur, qu’ila tout simplement une forte personnalité.

Dans les années 1950, l’industrie du doublage faisaitappel à des acteurs ou à des comédiens et même, iro-nie de l’histoire, à des mimes célèbres, qui y trouvaientcertes un moyen de subsistance, mais aussi l’occasionde mettre leur talent à profit. Toutefois, avec l’apparitiondes diffuseurs privés, les grandes pointures du cinémaet du théâtre ont été progressivement remplacées pardes agences qui débitent les séquences de doublage aurythme de la production des téléséries.

1 . Le NTC’S Dict ionary of American Slang and Col loquial E x-press ions, donne cet exemple : Here’s looking at you.Bottoms up ! S igni f iant « À votre santé ! »

RéférencesDie Ze i t , 1986. « Wie lebt man a ls St imme ? » (Quel le v iemène-t -on en tant que voix ? ) , de Cordt Schnibbe.

Die Ze i t , 1992. « Schampus im Sinn » (Du champagne entête ) , de Mar t in Wiegers .

Deutsche K inemathek, Museum für F i lm und Fernsehen –info@deutsch-k inemathek.de

Wie der Ton zum Bi ld kam - www.professional .produktion.de

Er ic Plourde , doctorant au dépar tement d ’anthropologie de l ’Univers i té de Montréal , mène des recherches sur la consommation de la t raduc-t ion d ia lecta le f innoise. Auteur d ’un mémoire sur les t raduct ions f rançaises de la sér ie amér ica ine The Simpsons, i l enseigne à l ’Univers i té duQuébec en Outaouais et à l ’Univers i té d ’Ottawa, et prat ique la t raduct ion, audiovisuel le notamment.

Le doublage, un anachronisme ?

Deux traits des Québécois sont des obstacles im-portants au développement culturel, et par

conséquent économique, du Québec d’aujourd’hui :la forte proportion d’illettrés et le faible niveau decompétence en anglais — ou en langues étrangèresd’importance non négligeable comme le portugaisou le chinois. Plusieurs éléments sont en cause : latendance à la sous-scolarisation, liée à un systèmeéconomique reposant encore récemment sur lebesoin de main-d’œuvre des secteurs primaire et se-condaire ; l’isolement culturel de la classe moyennedans des secteurs homogènes, notamment dans leszones suburbaines depuis les années 1970 ; l’étati-sation de la culture et le clivage artificiel par les

institutions. Cependant, un élément clé est souventignoré à la fois de la population et des politiciens : lefait que le doublage soit la forme de traduction au-diovisuelle privilégiée défavorise à la fois l’appren-tissage de l’anglais parlé et du français écrit.

Un fort appui financierdu gouvernement

Le doublage cinématographique et télévisuel,autre nom donné à la postsynchronisation, est laforme de traduction audiovisuelle quasi prépondé-rante au Québec, surtout depuis l’arrivée de la télévi-sion dans les années 1950. Au départ, cette solution

Réflexion surle frein culturelque représentele doublagecinématographiqueet télévisuel,à la lumière desrecherches et del’expérience del’auteur à titred’adaptateur.

Par Eric Plourde

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était moins coûteuse que le tournage parallèle (remake) pour distribuer des films étrangers. Les paysau passé fasciste — Italie, Espagne, France et Alle-magne — sont les grands pays du doublage en Europe,en réaction à l’afflux de films, américains en majorité,par suite de l’apparition des talkies dans les années1930. Mais historiquement le doublage a aussi servià camoufler des dialectes (Mad Max, film australiendoublé en anglais américain, Louis 19, film québécoisdoublé en français « international » et rebaptisé RealityShow en France), ou encore pour ce qu’on appelledans le jargon l’ADR (Additional Dialogue Recording)ou la reprise de voix dans la même langue (pour desprises de son initiales ratées).

Au Québec, malgré l’arrivée des DVD et un rattra-page technologique du côté de l’Hexagone, le dou-blage demeure le mode de traduction audiovisuelleprivilégié. Cette industrie bénéficie de crédits d’im-pôts, à raison de 30 % du budget. Ainsi, tout un cha-cun peut aller au cinéma ou regarder la télévision etentendre dialoguer en français les personnages desfilms et téléséries étrangères, pour l’essentiel améri-caines. Par conséquent, aux yeux de beaucoup degens, surtout dans le milieu, le doublage représenteune forme de protection culturelle, une façon de pré-server la langue française au Québec.

Or, en réalité, le doublage, même celui made inQuebec selon les mêmes techniques que celles utili-sées en France, est davantage un frein au développe-ment culturel des francophones d’ici qu’un allié dansla soi-disant défense contre « l’ennemi » anglo-saxon.

Une langue artificielle et uniformeComme la télévision atteint presque tous les

foyers, il s’agit de la principale source d’information

et de divertissement, les émissions les plus populairesentretenant les conversations en famille ou dans lesmilieux de travail, bien davantage que les journaux.Surtout, c’est aussi par la télévision qu’arrive la pro-grammation étrangère ; cependant, les spectateurs nesont pas exposés à une langue étrangère puisqu’elleest occultée par le signal sonore substitué lors du dou-blage. Les ténors du doublage ont eu comme credo« on veut s’entendre », mais le problème c’est que ra-rement entend-on le français québécois dans les dou-blages de films et de téléséries. Et quand on l’entend,il est souvent cantonné dans un rôle de dialecte pourclasse défavorisée… quand ce n’est pas carrémentpour des personnages dénués d’intelligence. De plus,la technique utilisée au Québec et en France, la banderythmo, fait en sorte que les acteurs lisent davantagele texte tandis qu’avec les techniques de doublage envigueur en Allemagne, le texte est davantage « joué »comme une pièce de théâtre. Par conséquent, on seretrouve au Québec comme en France avec unelangue artificielle, uniforme, qui n’a rien à voir avec lalangue naturelle, qu’elle soit française ou québécoise.

Europe du Nord : l’anglais par osmose

À l’occasion d’un reportage de la Société Radio- Canada sur le faible niveau d’anglais des élèves,l’équipe de tournage avait eu l’occasion de découvrirdes éléments de réponse en tombant par hasard surune élève finlandaise en échange dans une polyva-lente. Son anglais était de loin supérieur à celui detous ses camarades de classes. Pourquoi ?

La raison principale — et toute simple — c’estqu’en Finlande, ainsi que dans toute l’Europe du Nord,on ne double pratiquement pas. On sous-titre. Lapresque totalité des films et des émissions de télévi-sion diffusés en Scandinavie et aux Pays-Bas sontsous-titrés, permettant au spectateur d’une part d’en-tendre toute la variété linguistique présente dans l’ori-ginal et d’autre part de lire dans sa langue le dialogue,ce qui l’amène à être exposé à une langue écrite cor-recte. Les Suédois disent qu’ils apprennent ainsi l’an-glais (ou l’allemand, le français, etc.) par osmose. LesQuébécois ont du mal à améliorer leurs compétencesen anglais pour les mêmes raisons que les Canadiensanglais ont du mal avec leur français : ils n’ont pasd’occasions de l’entendre hors du contexte de laclasse, en situation réelle. Au moins, avec le sous- titrage, on entend de vraies conversations…

Pas étonnant alors de constater que beaucoup degroupes musicaux de langue anglaise sont en réalitéscandinaves, que le taux d’alphabétisation des paysnordiques frise le 100 % et que le taux de diplomationuniversitaire y oscille de 40 à 45 %. Ceux qui affirmentque la proximité des langues scandinaves avec l’an-glais facilite l’apprentissage sauront que le finnois n’arien à voir avec le suédois ou l’islandais, ni avec au-cune autre langue indo-européenne, donc l’argumentne tient pas.

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D O S S I E R L E D O U B L A G E , A R T D E L ’ I L L U S I O N

Les ténors du doublage ont

eu comme credo « on veut

s’entendre », mais le problème

c’est que rarement entend-on

le français québécois dans

les doublages de films et

de téléséries.

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Alors, on ne traduit plus ?

Lu sur le site descorrecteurs duMonde, Languesauce piquante

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Il y a ceux qu’on traduit littéralement, et ça marchebien (La Nuit du chasseur, The Night of Hunter),

ceux qu’on ne traduit pas car la force de leur sono-rité est là, glissante ou râpante (La Strada, Rose -mary’s Baby, Sciuscia, Citizen Kane, Il Bidone,Eraserhead), il y a ceux qu’on a traduits mais dont onpréfère le titre original parce que… parce que… c’estcomme ça : Los Olvidados (Pitié pour eux), Freaks(La Monstrueuse parade), il y a ceux dont la traduc-tion est délicieusement inquiétante : L’Inconnu duNord-Express (Strangers on a Train), Assurance sur lamort (Double Indemnity), La Soif du mal (Touch ofEvil), L’enfer est à lui (White Heat), La Féline (CatPeople), ceux dont on aime les deux manières : Enquatrième vitesse ou Kiss Me Deadly, ceux qu’il fal-lait bien traduire car le titre original n’aurait guèreparlé : Les Amants crucifiés pour Chikamatsu Mono-gatari (Une histoire de Chikamatsu).

Mais la traduction des titres de films en françaisest-elle près de passer à la trappe ? « Le public

français s’est familiarisé avec la langue anglaise et, dece fait, nous traduisons de moins en moins de titres »,estime une chargée de la distribution chez MK2 dansle numéro d’octobre de la revue Studio. Ainsi le der-nier James Bond gardera-t-il le mystère de son titre(pour les non-anglophones et non-anglicistes) : Quan-tum of Solace.

Selon un « sociologue de cinéma » interviewé dansla même revue, si les titres de films anglo-saxons sontde moins en moins traduits, « ce n’est pas vraimentnégatif. C’est aussi le signe d’une ouverture à la cul-ture de l’autre et que la culture française a désormaisbien absorbé l’anglo-saxonne. »

Bien dit ! Mais ne serait-ce pas plutôt le signed’une immense paresse… ou de l’envoi aux oubliettesdes traducteurs ?

Publ ié avec l ’a imable autor isat ion des correcteurs Mar t ineRousseau et Ol iv ier Houdar t (ce texte est paru le 23 octobre2008) .

Pour très jeunes enfantsSi le Québec devait, comme l’Europe du Nord, ré-

server le doublage aux émissions pour très jeunesenfants, on épargnerait des sommes considérables— par exemple, Desperate Housewives aurait coûtéà peine 25 000 $ au lieu du million que les contri-buables ont dû débourser, comme la série passait àune chaîne publique — et, plus important encore, ondonnerait la chance aux francophones d’être expo-sés à la fois à une plus grande variété linguistiqueet à une forme d’alphabétisation agréable puisquedivertissante. En abolissant les trois quarts des cré-dits d’impôts au doublage — de l’ordre de trois mil-lions de dollars en 2005 — et une bonne partie del’argent qui y est consacrée, on pourrait facilementse passer des sommes mendiées au fédéral pourfaire rayonner la culture québécoise et importer uneplus large palette de produits étrangers, tout en al-phabétisant la population. Ajoutez à cela le fait quele sous-titrage obligatoire pourrait également per-mettre enfin aux sourds et aux malentendants d’allereux aussi au cinéma.

Le conflit France-QuébecCela réglerait aussi une fois pour toutes le conflit

avec la France et le Québec puisqu’on n’aurait qu’à in-terdire les doublages français au Québec comme sontinterdits déjà les doublages québécois en France. L’in-dustrie du doublage pourrait se concentrer sur la re-prise de voix des productions locales et le doublaged’émissions pour enfants en bas âge — un secteurdéjà lucratif. Une portion des sommes allant aux crédits d’impôts pourrait servir à revivifier le théâtreen les accordant aux troupes émergentes. De plus,comme nous avons déjà un bon bassin de sous- titreurs très compétents, on pourrait décentraliser lapost-production et la traduction de films étrangers enrégion, surtout avec la possibilité que représente leDVD et, éventuellement, le tout-numérique…

Les Québécois sont prêts à laisser derrière eux cetobstacle au développement de leur propre culturequ’est le doublage. Ce serait aussi une occasion de di-versifier l’offre de produits audiovisuels étrangersparce que la demande, elle, est déjà en train de se diversifier.

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Pareil titre surprend, n’est-cepas ? Comme l’ont précisé les

organisateurs, Benoit Léger, pro-fesseur au département d’Étudesfrançaises de l’Université Concor-dia, et Yves Dion, membre dubureau de l’Association des traduc-teurs et traductrices littéraires duCanada (ATTLC), ce colloque visaità « s’interroger sur les modes defonctionnement dont on ne parlepas normalement ou que l’on pré-fère taire pour comprendre pour-quoi et comment on en arrive à despratiques considérées comme mar-ginales ». Ils auront réussi : les in-terventions ont suscité beaucoupd’intérêt chez les participants.

Il est donc clair qu’on parle icide modes de traduction non tradi-tionnels. Tout d’abord, sur le thèmeAutotraduction et création diglos-sique, Louis Patrick Leroux, profes-seur au même département et au-teur dramatique, a fait découvrirl’intérêt de s’autotraduire, avectoutes les surprises et risques quecela entraîne, citant au passageNancy Huston : « Ah, ne pas êtredans une seule langue… » Ensuite,sur le thème Traduire en langue B,Pier-Pascale Boulanger, profes-seure au même département, a ré-fléchi à ce que signifient exacte-ment la langue A et la languematernelle, à la tolérance culturelleface à ce phénomène, par exemple,les difficultés que l’on rencontrepour éditer un ouvrage que l’on atraduit en langue B. Puis Robert Pa-quin, adaptateur, a expliqué que,quand il traduit vers une langueautre que sa langue maternelle,« c’est seulement du dialogue quej’adapte pour du doublage syn-chrone, et uniquement vers l’an-glais (que je maîtrise bien), tou-jours en prenant soin de me faireréviser par un collègue dont l’an-glais est la langue maternelle ».

« Translation is, by its

nature, a collaborative art.

It lends itself to

collaboration. »

— Phyllis Aronoff

Sur le thème Traduire à quatremains, Julie Stéphanie Normandin,étudiante à la maîtrise, a présentél’analyse menée avec le professeurMarc Charron, tous deux de l’Uni-versité d’Ottawa, d’un roman expé-rimental en 12 histoires (Le Dodé-caèdre) traduit par 12 personnes.

Puis les bien connus traducteurs lit-téraires que sont Phyllis Aronoff etHoward Scott, d’une part, et DavidHomel (qui cosigne ses traductionsavec Fred Reed), d’autre part, ontexpliqué le partage des rôles dansce mariage, en fait à la mesure desforces de chacun des partenaires, etont raconté les joies, mais aussi lestracas du travail à deux, rappelantau passage la tristesse d’ouvrir sonouvrage pour y trouver coquille oumaladresse. La perfection ne fait pasnon plus partie du monde… de la traduction.

Et pourquoi retraduire ? SelonIsabelle Collombat, professeure àl’Université Laval, le phénomènes’amplifie depuis les années 1990,notamment en raison du vieillisse-ment des traductions et des muta-tions idéologiques. Avis non partagépar Madeleine Stratford, profes-seure à l’Université du Québec enOutaouais, qui croit plutôt qu’avecla prolifération des nouveauxmoyens de publication, une traduc-tion peut toujours être considéréecomme une première traduction,même si l’œuvre a déjà été traduite.

Côtoyer Salvador Dali…Le thème Traduire sans connaître

la LD a été examiné d’abord par leprofesseur Benoit Léger. Il a notam-ment traité de sa traduction d’un re-cueil d’essais rédigé en turc (Le Bleuet le Noir – Mavi ve Kara), avec l’aided’une turcophone (voir Pages d’his-toire, Circuit no 106). Puis, à l’aided’extraits de films depuis l’allemand,le suédois…, Robert Paquin a souli-gné qu’« il ne faut pas que le specta-teur soit réveillé par quelque chose d’inacceptable qui lui rappelleraitqu’il est au cinéma ou devant satélé. »

Enfin, Jo-Anne Elder, traductricelittéraire et présidente de l’ATTLC,a expliqué comment elle avait entre-pris de traduire en français (sadeuxième langue) un poème en es-pagnol (sa quatrième langue, qu’elleconnaît très peu) pour une exposi-tion à la Galerie d’art Beaverbrookmettant en vedette un immense ta-bleau de Salvador Dali — un défibien exigeant ! Et pour terminer cettejournée de réflexion, les traductriceset poètes Erin Mouré et Oana Avasi-lichioaei ont livré une performancede traduction aller- retour, un belexercice de haute voltige…

Solange LapierreCir

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Traduire contre nature : tabous etpratiques déviantes en traduction À l’Université Concordia, des vedettes de la traduction littéraire et de l’adaptation ainsi que des théoriciens ont mis en commun leurs réflexions.

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S U R L E V I F C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R E V E R E N A U D

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Il n’y a pas qu’au Québec et auCanada qu’on s’intéresse de

près à la traduction. À preuve : latenue à Québec, en juillet 2009,d’un congrès américain à l’inten-tion des propriétaires de cabinetsde traduction.

Une centaine de participants sesont donné rendez-vous à l’hôtelLoews Le Concorde pour y discuteraffaires : nouveautés technolo-giques, gestion du personnel, rela-tions publiques, marketing, gestionde projets, normes en traduction,tendances lourdes de l’industrie…

Organisé par l’American Transla-tors Association (ATA), le plus im-portant regroupement au monde dumilieu de la traduction, avec plus de11 000 membres, le congrès s’adres-sait surtout aux membres de la division TCD (Translation CompanyDivision).

Subjugués par le charme et labeauté de Québec, les congressistes

ont pu profiter non seulement d’unbanquet d’ouverture au restauranttournant L’Astral, du Concorde, maisaussi d’une soirée de dégustationde vins et fromages dans les jardinsdu Cercle de la garnison et d’ungrand dîner de gastronomie fran-çaise au restaurant Le Champlain,du Château Frontenac.

L’ATA regroupe treize autres divi-sions, en plus de la TCD : les divisionsfrançaise, portugaise, hispanique, al-lemande, chinoise, japonaise, co-réenne et italienne, les divisions delangues nordiques et slaves, les divi-sions de traduction médicale et litté-raire, et la division des interprètes.

Avis aux intéressés : Le grandcongrès annuel de l’ATA, toutes di-visions confondues, se tiendra du 27au 30 octobre 2010 à l’hôtel HyattRegency de Denver.

Pour tout savoir sur l’ATA, visiterle site www.atanet.org.

Grant Hamilton, trad. a.

Translation Themeof Annual MLAConference

Les Américains à l’assaut duVieux-Québec…

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G rant Hamil ton, propr iéta i re du cabinet Anglocom de Québec, assure depuis 2008 la v ice- prés idence de la d iv is ion TCD de l ’ATA.

20 – 22 mai 2010, Montréal (Canada) — Médiations transcultu-relles dans les espaces ibéro-américains — Langues, littératures ettraduction. Université de Montréal, Département de littératures et delangues modernes. http://medtrans2010.wordpress.com/2009/06/20/ medtrans2010-francais/

28 – 30 mai 2010, Montréal (Canada) — 23e Congrès annuel de l’Association canadienne de traductologie. « Research Methodologyin Translation and Interpretation Studies ». Université Concordia. Pourinfo : [email protected]

24 juin – 4 juillet 2010, Montréal (Canada) — 24e Congrès duConseil international d’études francophones. Quelques sessionssur la traduction (« La traduction-interprétation en milieu social »,« L’Internationalisation par la traduction »), Montréal. www.cief.org/congres/2010/sessions2010.pdf.

12 – 15 juillet 2010, La Nouvelle-Orléans (États-Unis) — Congrèsmondial de linguistique française 2010. Institut de linguistique fran-çaise. www.ilf.cnrs.fr/ ou [email protected].

27 – 30 octobre 2010, Denver (États-Unis) — Congrès annuel del’American Translators Association (ATA). www.atanet.org/conferencesandseminars/proposal.php.

� É c h a p p é e s s u r l e f u t u r

“Focus on Translation” was thetheme of the 125th Annual Con-

vention of the Modern LanguagesAssociation (MLA), held December27-30, 2009, in Philadelphia, PA. TheMLA, with over 30,000 members, isthe largest association of college anduniversity professors of English andforeign languages in North America.Although it encourages literary trans-lation through several awards andregularly includes sessions on trans-lation at its conventions, the eventmarked the first time that translationwas the principal topic of the confer-ence as a whole, thus marking thecoming of age of translation as a dis-cipline in American academia. Trans-lation has been an integral part ofCanadian university curricula for thepast twenty years, a reflection of itsimportance given the country’s bilin-gual nature, as well as of the pioneer-ing role that Canadian universitieshave played in translation studies.After years of being relegated to aminor role in American universities,where it was often qualified as an adjunct to language and literary in-struction, there has recently been adramatic increase in the number ofundergraduate and graduate transla-tion programs offered in universitiesin the United States. The MLA confer-ence recognized and accepted thisnew, enhanced position of transla-tion in American academia.

The convention included over60 sessions and panel discussions

related to translation, with more than150 individual papers devoted to par-ticular aspects of the field, from thetranslation of Navajo religious textsand Medieval Persian poetry to the so-ciology of interpretation and the placeof translation within postcolonial studies. In her presidential address,the current president of the MLA,Catherine Porter, herself a professor oftranslation studies, contrasted theoverwhelming monolingual culture ofthe U.S. with the polyglot nature of therest of the world, in which over 90% ofthe world’s children grow up in bilin-gual environments. Translation, shesaid, provides “access to Otherness,”to world literature and human experi-ence, and its study is of the utmost im-portance, not only in understandingother cultures, but in discovering “thecomplexity and ambiguity of the trans-lated text.” The conference brought to-gether such internationally renownedtranslators as Gayatri Chakravorty Spivak, Lawrence M. Venuti and JillLevine, who engaged in a series of dis-cussions on the role of translation inthe university and in society at large.A number of Canadian translators andprofessors also participated. “TheTask of the Translator,” to use the titleof Walter Benjamin’s celebrated essay,at last began to receive the attentionand consideration in American societythat it has so long deserved.

Hugh Hazelton, C. Tr.

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Ce buffet dinatoire dans le grandgoût avait tout l’élan vital,

toute la charmante convivialité quel’on voudrait voir s’épanouir dansnotre profession. Venue l’heure desallocutions, les fêtards sont invitésà faire un peu silence par un magis-tral sifflet conçu comme l’un desbeaux-arts. Voilà une animatriceaussi enjouée que rompue à l’exer-cice. Mais qui sont les Fusionistas?

FusionistasVous l’avez deviné, fusionistas

vient de fashionistas. Nuance, aulieu de suivre les dernières ten-dances de la mode, les Fusionistassont à l’affut des nouveaux bars etrestos branchés pouvant servir depoint de convergence aux traduc-trices et traducteurs qui désirentétablir des contacts professionnels,retrouver d’anciens camarades declasse ou se divertir.

Comme un nombre croissant depraticiens frais émoulus des univer-sités doivent faire leurs premièresarmes en qualité de pigiste, la for-mule aide à briser une solitude exis-tentielle souvent lourde à porter. LesFusionistas offrent aux nouveauxmembres de la profession un carre-four informel, un lieu de rencontre etde réseautage qui facilite tous leséchanges de bons procédés.

Depuis sa création en novem -bre 2006, le réseau n’a cessé deprendre de l’expansion et comptemaintenant plus de 100 membres(dont 21 ont obtenu leur agrémentde l’OTTIAQ). L’âge moyen desmembres se situe entre 30 et45 ans.

Cofondatrice du groupe, AudreyVézina en résume l’optique : « Le butde nos rencontres est essentielle-ment de se divertir. Les gens vont bien

sûr échanger sur leur travail, mais ilssont surtout là pour s’amuser. »

Sa collègue Véronique Duguaycomplète en soulignant : « Les tra-ducteurs pigistes n’ont pas accèsaux privilèges à caractère social as-sociés au travail en entreprise (sor-ties de bureau, party de Noël, etc.).Ils apprécient particulièrement lefait qu’on leur fournisse un cadrepour combler cette lacune. »

http://fusiontraductions.com/[email protected]

L’ATAMESL L’Association des travailleurs au-

tonomes et micro-entreprises enservices linguistiques offre unegamme de services plus structurée.

Elle vise à défendre les intérêtspolitiques et professionnels de sesmembres tout en leur offrant des activités de formation et d’informa-tion. Comment qualifier les membresde l’ATAMESL ? Par l’absence de

tendance marquée. La diversité esten effet au rendez-vous si on exa-mine la composition et le profil dé-mographique et professionnel desquelque 130 membres de l’Associa-tion. Décrivons-les selon la règle dutiers :

• un tiers des membres sont deshommes, deux tiers, desfemmes ;

• un tiers sont traducteurs agréés,un tiers, des traducteurs nonagréés, et un tiers, d’autres lan-gagiers (principalement rédac-teurs et réviseurs) ;

• un tiers ont moins de 35 ans, untiers, de 35 à 50 ans, et un tiers,50 ans et plus. La moyenned’âge est de 40 ans ;

• un tiers se trouvent dans la régionde Québec, un tiers, dans la ré-gion de Montréal et un tiers, dansles autres régions du Québec.À la question « comment envisa-

gez-vous le partenariat d’un regroupe-ment comme l’ATAMESL et d’un ordreprofessionnel comme l’OTTIAQ »,

Mélodie Benoit-Lamarre, présidente,répond : « Depuis sa fondation, l’ATAMESL interagit avec les autres organisations du secteur langagierdans un esprit d’ouverture et de co-opé ration. Nous croyons fermementqu’un partenariat fructueux peut êtremis en place avec l’OTTIAQ. En effet, l’ATAMESL constitue une excellentetribune pour faire connaître les avan-tages de l’Ordre et vice versa. De plus,l’Association offre des services com-plémentaires visant particulièrementà répondre aux besoins des tra-vailleurs autonomes. Une plus grandecollaboration entre les deux regrou-pements pourrait notamment être en-visagée sur le plan des formations, dela diffusion d’information ainsi que durayonnement et de la reconnaissancedes professions langagières. »

Que de belles complémenta -rités !

[email protected]

Pierre Cloutier, trad. a.

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Fusionistas et ATAMESL : deux regroupements qui font leur marqueDébut décembre, les Fusionistas et les membres de l’ATAMESL conjuguaient leur jovial dynamisme au restaurant Confusion, rue Saint-Denis à Montréal, pour ouvrir en beauté la saison des fêtes.

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S U R L E V I F C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R E V E R E N A U D

Caroline Tremblay, Audrey Vézina et Véronique Duguay, organisatrices de la soirée au restaurant Confusion.

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Ça remonte sans doute à l’en-fance, quand un curieux pro-

blème de coordination me faisaitmettre le pied devant la porte aumoment de l’ouvrir, de sorte quemon pied bloquât le bas tandis quele haut continuait sur son élan etme heurtait le front. Vous voyez legeste ? Je ne sonnais pas à la porte,c’est la porte qui me sonnait. Maisplus encore que les portes, le syn-drome de Stockholm a frappé et jegarde de ce temps une admirationrespectueuse pour mes tortion-naires de naguère. Au point desouffrir pour elles au bruit d’unheurtoir, c’est vous dire. J’aime lesportes et toute leur famille, du por-tail au portillon. Je ne fais excep-tion que pour le portique desécurité des aéroports où je sonnebien malgré moi.

J’aime les portes vieilles,écaillées, usées, bombées sousl’ogive, tendues sous leur arc enplein cintre, endormies sous leurberceau, rigides dans leur cadre demarbre, ployant sous leur linteaumédiéval. Je les aime parce qu’ellesrésonnent d’un trumeau, d’un van-tail, d’une huisserie, d’un cham-branle ou d’un tympan dans les

miens. Le vocabulaire de la porte faitdéjà quelques pages, et double si onajoute la serrure, dans laquelle —prédestination — on trouve desèves, « pièce mobile par transla-tion », précise le Grand Larousseuniversel pour mon plus grand plai-sir, en me donnant même des idéesde grandeur patronymique avec sonève de pêne et son ève de clef.

Quel rapport avec la langue ? de-manderez-vous. Simple : la porte ré-vèle la culture qui l’a ouvragée et lalangue ouvre une porte sur une cul-ture. Je vous entends objecter : c’estune fenêtre et pas une porte, que lalangue ouvre sur la culture. Ouimais voilà : je ne suis plus assezsouple pour entrer dans une culturepar la fenêtre et il me faut désormaisla porte.

Cette ouverture prend même desallures de poème en rimant avec laporte allemande : die Tür. Dès quej’ai appris ce mot, d’ailleurs, j’aiconnu, comment dire, l’emporte-ment de la passion. Je trouvais pré-cisément qu’au contraire de la« porte » française qui nous claqueau visage, la Tür allemande s’ouvraittout doucement, comme pousséepar le souffle qui s’échappe délica-

tement des lèvres qui s’avancentsensuellement pour bien prononcer.

Remarquez que par chauvi-nisme, timidité ou coquinerie, oupar peur des courants d’air, la cul-ture, sans états d’âme, garde parfoisjalousement son sésame.

Je vous ai peut-être déjà entre-tenus de ce problème de la porteétrangère aussi mystérieuse que lepushmi-pullyu du Dr Dolittle ? Com-ment savoir, en effet, à vos premierspas en terre inconnue, s’il faut pous-ser ou tirer pour profiter des mer-veilles qui se profilent outre-porte ?

On trouve bien des phrases fortutiles dans les guides, mais pour-riez-vous me dire pourquoi ces ma-chins ne disent jamais comment setraduisent « Pousser » et « Tirer »sur les portes de l’ailleurs dont ilstraitent ? Tenez, je consulte à l’ins-tant le petit Russe pour le voyage,de Berlitz, que tante Henriette m’acédé en constatant mon penchantpour les horizons lointains. Rien surles portes, mais cet intéressant dia-logue : « Jouez-vous à la préfé-rence ? – Non, mais je jouerais bienaux dames. » Et cette autre perle dedépannage linguistique : « Je vou-drais un ressemelage complet. »

Mais supposons qu’au lieu debattre la semelle en Sibérie, vous ar-riviez assoiffé de connaissances à laporte d’un café italien, côté Spin-gere. Votre hésitation vous vaudra-t-elle de prendre la porte sur le pifou de tomber dans les bras de l’in-connu(e) qui aura eu la chance de setrouver côté Tirare ?

Vous vous sentirez sans doutemieux loti quand, devant la porteportugaise, ayant appris les quatrefaçons de prononcer le « x » dans lalangue de Camões, vous verrezPuxar, vous direz mentalement« poushar », vous aurez un réflexeanglophone, vous pousserez et…Vlan ! Vous prendrez la porte enpleine poire. C’est exactement cequi m’est arrivé à Lisbonne quand,au moment où j’allais heurter àl’huis, l’huis m’a heurtée, moi.A-t-on idée d’utiliser puxar pour si-gnifier « tirer » ?!? Et dire que cesgens-là ont découvert l’Inde etl’Afrique… Pas avant, il est vrai, quela Sublime Porte soit fermée.

Qu’à cela ne tienne. Je n’ai pasfini de tirer la chevillette avec déliceet peu me chaut que ce soit la bobi-nette ou moi qui choie.

Notes et contrenotesPorte-à-porte

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Eve Renaud, trad. a. (Canada)

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Fondée en 1713 à l’image del’Académie française, fruit de

l’Illustration et en pleine apogée ducentralisme absolutiste, sa pre-mière devise fut « Limpia, fija y daesplendor »… on sous-entend a lalengua española. Mais bien del’eau a coulé et cette petite phrasequi ferait une excellente annoncepublicitaire pour un produit de net-toyage s’est transformée enmandat : « Veiller à ce que leschangements qu’éprouve la langueespagnole dans sa constante adap-tation aux besoins de ses locuteursne viennent pas mettre en piècesl’unité essentielle qu’elle maintientdans tout le domaine hispanique. »Modernité oblige …

Depuis sa création, 21 autresacadémies — représentant tous lespays latino-américains — ont vu lejour, la première, l’Académie colom-bienne en 1871, la dernière, l’états-unienne, en 1973, en passant parcelle des Philippines. Rien d’éton-nant donc, que la « mère patrie » sesoucie de l’unité de la langue qu’ellea engendrée, la troisième au mondeen importance et sur Internet, avecun domaine de 500 millions de lo-cuteurs natifs s’étendant sur troiscontinents. Tout comme pour l’Aca-démie française, les académiciens,au nombre de 42 (dont troisfemmes), sont nommés à vie par cooptation.

4 200 pages, 40 000 citations

Quant à cette nouvelle gram-maire proprement dite, la dernière ré-vision remontait à 1931. Il aura doncfallu attendre 80 ans pour entre-

prendre l’ouvrage et 11 pour en venirà bout. Ainsi, s’il est peut-être encoretrop tôt pour se pencher sur les qua-lités et les défauts qui ne manque-ront pas de surgir à l’usage, il va sansdire que c’est le fruit d’un labeur co-lossal : 4 200 pages, plus de 40 000citations tirées de toutes sortes detextes. L’œuvre se divise en trois

parties : les questions d’ordre géné-ral ; la morphologie ; la syntaxe.

L’idée maîtresse, étant donné lamenace planétaire que représentel’anglais, était de dresser un étatdes lieux de la langue avec des vi-sées panhispaniques, d’où le carac-tère exhaustif de cette grammairequi décrit les constructions gram-maticales propres de l’espagnol gé-néral, en reflétant les variantes tantphonologiques que morphologiqueset syntactiques de tous les parlersdu domaine linguistique. Puis, dansla foulée de ce corpus impression-nant, après avoir passé au crible de

façon exhaustive la base documen-taire, on retrouve un certain nombrede recommandations d’ordre nor-matif. En troisième et dernier lieu, lemanuel se veut une référence pourla connaissance de l’espagnol.

Il ne se trouve actuellement surle marché que la version complète :4 200 pages et 120 euros, mais deux

autres formats sont déjà souspresse, un ouvrage de 750 pages etun troisième, abrégé, de 250. Maisil n’est pas question de format élec-tronique pour l’instant, ce qui peutparaître regrettable… Il n’en de-meure pas moins qu’à l’heure d’In-ternet où tous les regards sont poin-tés vers la technologie censée nouspourvoir de moyens de communica-tion de plus en plus rapides, il n’estpeut-être pas vain de voir à la qua-lité, au contenu, à l’objet même dela communication, au cœur de lalangue.

Elisabeth WörleCir

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Mais qui se cache donc derrière la RAE ? La Real Academia Española (la RAE) vient de publier la nouvelle grammaire de l’espagnol, qui vit le jour en 1492 au moment où Christophe Colomb jetait l’ancre en Amérique et où l’Espagne, par l’expulsion des derniers envahisseurs musulmans, parachevait son unité territoriale…

D E S L I V R E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R S O L A N G E L A P I E R R E

22El isabeth Wörle enseigne le cata lan et l ’espagnol .

Québec-Canada

CARDINAL, Pierre, Le Vocabul -AIDEMD, Influences de l’anglais –vraies et prétendues – et usages entransition, 2010, Presses de l’Uni-versité d’Ottawa, 736 p., ISBN 978-2-7603-0737-7

L’ouvrage repère les anglicismeset les emplois influencés par l’an-glais, avec notamment plus de 1 200mots et locutions, courants au Qué-bec, en Acadie, en Ontario et parfoisen Europe. Une contribution au re-nouvellement de la critique et de lapédagogie des influences de l’an-glais sur notre langue.

CORBEIL, Jean-Claude, Diction-naire Visuel Définitions – Arts et ar-chitecture, 2009, Québec-Amérique,176 p., ISBN 978-2-7644-0861-2

Avec cet ouvrage comptant plusde 1 750 termes en français et en an-glais liés aux arts, des mots commetranchefile (broderie consolidant lesextrémités du dos du livre) ouéchauguette (guérite à flan de mu-raille de château fort) n’auront enfinplus de secrets pour vous !

CORBEIL, Jean-Claude, DictionnaireVisuel Définitions – Alimentation etcuisine, 2009, Québec-Amérique,176 p., ISBN 978-2-7644-0864-3

Solange Lapierre et Barbara McClintock, C. Tr.

� N o u v e a u t é s l i v r e s

Page 23: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

Du cantaloup au poulpe, en pas-sant par le nori et le batteur élec-trique, cet ouvrage donne accès à uneterminologie bilingue (français/ anglais) ainsi qu’à des définitionséclairantes, accompagnées de cen-taines d’illustrations hyperréalistes.

HENITIUK, Valerie, Worlding SeiShônagon : The Pillow Book inTranslation, 2009, Presses de l’Université d’Ottawa, 256 p., ISBN978-0-7766-0728-3

In this study of European trans-lations of The Pillow Book, the au-thor reveals how the understandingof Japan has transformed over timeand that a translation is always in-evitably a creation of its time andplace and that linguistic, culturaland historical equivalence are rarelycaptured in translation.

SÉGUIN, Jean, Recueil d’expres-sions et de mots québécois, 2e vol.,éd. Broquet, 2009, 304 p., ISBN978-2-89000-962-2

L’auteur décortique avec beau-coup d’humour nos tournures, nosmots et nos expressions et proposeune exploration des mots usuelstransformés dans leur sens et leurprononciation ou utilisés à d’autresfins que celles prévues.

TAKEDA, Kayoko, Interpretingthe Tokyo War Crimes Tribunal,A Sociopolitical Analysis, 2009,Presses de l’Université d’Ottawa,216 p., ISBN 978-0-7766-0729-0

In addition to a detailed accountof the interpreting itself, the bookexamines the reasons for the three-tier system, how the interpretingprocedures were established overthe course of the trial, and theunique difficulties faced by the Japanese-American monitors.

Droit

Lexique des termes juridiques,17e éd., 2009, DALLOZ, 800 p., ISBN978-2247083602

Plus de 4 500 entrées dont 400définitions nouvelles ou refonduesdans tous les domaines du droit, vuspar les regards croisés de spécia-listes — public et privé, internatio-nal et européen, procédures admi-nistrative, civile et pénale.

Espagnol

HAYWOOD, Louise, Thompson,Michael and Hervey, Sándor, Think -ing Spanish Translation: A Coursein Translation Method: Spanish toEnglish, 2009, 2nd Ed., Routledge,304 p., ISBN 978-0-415-48130-4

The new edition of this compre-hensive course in Spanish-Englishtranslation offers advanced studentsof Spanish a challenging yet practi-cal approach to the acquisition oftranslation skills, with clear expla-nations of the theoretical issues involved.

MORALES, Humberto López, ed.,Enciclopedia del Español en losEstados Unidos, Encyclopedia ofSpanish Language and Culture inthe USA, Instituto Cervantes, Pu-blisher Santillana, 2008, 1200 p.,ISBN-13 978-84-934772-1-9

This book offers detailed ana-lyses of the past, present, and futureof Spanish and Hispanic culture inthe U.S., highlighting the demolin-guistic reality of the diverse Spa-nish-speaking groups. Attention isalso drawn to the vast culturalwealth of the Hispanic community.

Médecine

DUIZABO, Danielle, Lexique mé-dical, Masson, Paris, 8e éd., ISBN978-2294704864, 2009

Confrontés à des difficultés lin-guistiques pour lire ou rédiger unecommunication, les professionnelsde santé sont constamment à la re-cherche de la juste terminologie enanglais. Ce lexique consiste en uneénumération volontairement simpli-fiée des principaux termes médicaux.400 nouvelles entrées.

GROSS, Peter, Anglais médical,2009, 2e éd., Maloine, 269 p. ISBN978-2224030971

Cet ouvrage offre des mises ensituation de soins avec un patientétranger, un lexique des termes demédecine et des mots courants em-ployés lors d’une consultation. Ilprésente aussi la terminologie spé-cifique aux spécialités. Plus : com-ment faire une conférence, une présentation de posters et un mini-dictionnaire.

QUEVAUVILLIERS, J., Dictionnairemédical avec atlas anatomique etversion électronique, MASSON,6e éd., 2009, 1 564 p., ISBN 978-2294705137

Cette édition, entièrement miseà jour et rédigées par une équiped’auteurs de formation médicale, in-tègre grâce à un code à gratter, laversion informatique qui peut êtreinstallée sur un ordinateur et un té-léphone intelligent (35 000 entrées).

Sciences humaines

FERRÉOL, Gilles, Dictionnaire desociologie, Colin, 2009, 3e éd., ISBN978-2200244293

Ce Dictionnaire est riche de prèsde 500 entrées : définitions, voca-bulaire de base, problématiques,courants de pensée, outils d’ana-lyse. Son champ lexical intègred’autres disciplines — économie etanthropologie, notamment. Unevingtaine d’articles présentent lesgrands domaines de la sociologie.

SCHERER, Éric, La Révolution nu-mérique : Glossaire, Dalloz, 2009,ISBN 978-2247084944

Un nouveau monde se construit,où les technologies de l’intelligenceet les services numériques, acces-sibles à tous, occupent une placecentrale. Ce petit glossaire ne sau-rait, bien sûr, être exhaustif. Pire :certains passages seront vite obso-lètes. Mais grâce aux lecteurs, il seraréactualisé régulièrement.

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Traductologie

ANDREWS, Edna and MAKSIMOVA,Elena, Russian Translation: Theoryand Practice, Routledge, 2009,200 pp., ISBN 978-0-415-47347-7

A comprehensive practicalcourse in translation for advancedundergraduate and postgraduatestudents. The course aims to pro-vide intensive exposure with a viewto mastering translation from Rus-sian into English while carefully ana-lyzing the specific problems thatarise in the translation process.

BAKER, Mona, ed., Critical Rea-dings in Translation Studies, Rout-ledge, 2009, 528 pp., ISBN 978-0-415-46955-5

This book is an integrated andstructured set of progressive rea-dings from translation and relateddisciplines, which covers all themain forms of translation - literary,non-literary, scientific, commercialand audiovisual.

BATCHELOR, Kathryn, Decoloni-zing Translation, Francophone Afri-can Novels in English Translation,St Jerome Publ., 2009, 290 pp.,ISBN 1-905763-17-4

The linguistically innovative as-pect of Francophone African litera-ture has been studied from a varietyof angles. This book explores theways in which translators approachinnovative features such as African-language borrowings, neologismsand other deliberate manipulationsof French.

MAYBIN, Janet and SWANN, Joan,The Routledge Companion to En-glish Language Studies, Routledge,2009, 336 pp., ISBN 978-0-415-40338-2

An accessible guide to the majortopics, debates and issues in En-glish Language Studies. This author -itative collection includes entrieswritten by well-known specialistsfrom a diverse range of backgroundswho examine and explain establi-shed knowledge and recent deve-lopments.

MUNDAY, Jeremy, IntroducingTranslation Studies; Theories andApplications, Routledge, 2008,256 pp., ISBN 978-0-415-39693-6

This textbook provides anoverview of the key contributions totranslation theory. Munday ex-plores each theory and tests the dif-ferent approaches by applying themto texts taken from a broad range oflanguages – English, French, Ger-man, Spanish, Italian, Punjabi, Por-tuguese and English translationsare provided.

O’SULLIVAN, Emer, ComparativeChildren’s Literature, Routledge,2009, 222 pp., ISBN 978-0-415-56412-0

This book links the fields of narratology and translation studiesin order to develop an original andhighly valuable communicativemodel of translation. It is essentialreading for those interested in theconsequences of globalization onchildren’s literature and culture.

THOMSON-WOHLGEMUTH, Gaby,Translation under State Control,Books for Young People in the Ger-man Democratic Republic, Rout-ledge, 2009, 276 pp., ISBN 978-0-415-99580-1

The author explores the effectsof ideology on the English-to-German translation of children’s lit -erature under the regime of the Ger-man Democratic Republic. Shehighlights the multi-level censor-ship, with the Unity Party propaga-ting ideological literary policies, andthe publishers self-censoring.

Sites Internet et balados

Grippe et confinement, Mot pourmot, la rubrique de Jean Pruvost

La grippe, on en parlait déjà auXIVe siècle ! Raison de plus pours’agripper… ou rester confiné,comme l’explique le lexicologue enlivrant l’étymologie des mots« grippe » et « confinement ». Voir lesite Canalacademie.com

Bank of Canada Online English–French and French–English Glos-sary

www.bank-banque-canada.ca/en/glossary/glossary.html

Idiom DictionaryOpens the free online Cambridge

International Dictionary of Idioms:http://dictionary.cambridge.org/default.asp?dict=I

For quotations: Little Oxford Dic-tionary of Quotations: www.askoxford.com/dictionaries/quotation_dict/?view=uk

Wordnet http://wordnet.princeton.edu/WordNet® is a free, large lexical

database of English. Nouns, verbs,adjectives and adverbs are groupedinto sets of cognitive synonyms(synsets), each expressing a distinctconcept. Synsets are interlinked bymeans of conceptual-semantic andlexical relations.

Editoriumwww.editorium.com/index.htmThe Editorium was founded in

1996 by Jack M. Lyon, a book editorwho got tired of working the hardway and started creating programsto automate editing tasks in Micro-soft Word.

Wordnikwww.wordnet.comWordnik is based on the princi-

ple that people learn words best byseeing them in context. Wordnik hascollected more than 4 billion wordsof text (web pages, books, maga-zines, newspapers, etc.) and minedthem exhaustively to show you example sentences for any wordthat interests you.

Wordorigins.orgWordorigins.org is devoted to

the origins of words and phrases, oretymology. Dave Wilton, who runsthis website, wrote the book WordMyths: Debunking Linguistic UrbanLegends (2004).

D E S L I V R E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R S O L A N G E L A P I E R R E

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Sous les couleursdu temps

Dans la langue de Cervantès, untout petit mot de rien du tout soulèveà lui seul d’énormes difficultés à qui-conque le voit passer entre les lignes.Cette petite bête noire des propos lis-ses ou spontanés, c’est l’adverbe ya.Il donne du fil à retordre à bien destraducteurs. Dans le labyrinthe desinterprétations possibles, une foissur deux, ils risquent de se retrouvernez à nez avec le Minotaure… de quois’en tirer, au mieux, avec un sacrémal de tête ! Afin de prévenir touterencontre aussi périlleuse qu’inopi-née, il convient d’abord de s’en tenirau plus simple : en espagnol, l’ad-verbe ya fait souvent référence autemps passé. Tel est le cas, notam-ment, dans la phrase suivante : « Yaen los años sesenta, en Austin, […], eltejano Ted Anderson…1 ». Ici, traduireya en français par l’adverbe déjà nepose pas vraiment de problème :« Déjà, dans les années 1960, àAustin, le Texan Ted Anderson…2. » Ilen va de même dans des phrases gé-nérales comme « Ya venía por aquí amenudo » ou « Ya hemos hablado deesto » dont la traduction française aelle aussi recours à d’autres adver-bes de temps : « Il venait souvent iciautrefois » et « Nous avons déjà parléde ça avant ». C’est quand cet ad-verbe caméléon entretient des rela-tions avec le temps présent que le fild’Ariane commence à s’emmêler.

Maintenant, plus dutout ou on sait bien ?

Prenons un exemple tiré de JuanPérez Jolote3 : « La primera nochedesperté cuando mi padre, inclinado,

soplaba sobre el fogón. Sentí temorde que se acercara a mí, y, lleno defuria, me despertara de una patada.Pero no lo hizo, ¡ya era un hombre ! »Un apprenti traducteur aura ten-dance à traduire ce ya par déjà. Or,en raison de la référence immédiateau présent de la narration, il a ici lesens de maintenant : « La premièrenuit, je me suis ré veillé quand monpère, penché en avant, soufflait surle feu. J’ai eu peur qu’il s’approchede moi et que, plein de rage, il meréveille d’un coup de pied. Mais il nel’a pas fait, j’étais un homme main-tenant !4 » L’extrait suivant d’unpoème de César Vallejo offre unautre exemple des difficultés de tra-duction soulevées par cet adverbe :« — No vive ya nadie en la casa —me dices — ; todos se han ido. Lasala, el dormitorio, el patio, yacendespoblados. Nadie ya queda, puesque todos han partido5. » Ici, le tra-duire par déjà ou par maintenant,une tentation à laquelle résistentpeu de traducteurs débutants, neconvient pas. Ces ya ont moins àvoir avec la relation au temps pré-sent qu’avec le caractère révolu,fini, des actions. Ils ont donc le sensde désormais. Le traduire par la né-gation ne… plus semble une optionvalable : « — Il n’y a plus personnedans la maison — me dis-tu — ; ilssont tous partis. Le salon, la cham-bre, le patio gisent, dépeuplés. Il nereste plus personne, puisqu’ils sonttous partis6. »

Mais ce n’est pas tout. Perdanten valeur de temps ce qu’il gagne enmarqueur d’insistance, l’adverbe yasert parfois à mettre en lumière unecertaine connivence avec le locuteur,quand ce dernier admet ou concèdece qu’on lui dit. Tel est le cas, par

exemple, dans l’extrait suivant d’unenouvelle de Julio Cortázar : « Mi fielsecretaria es de las que se toman sufunción al-pie-de-la-letra, y ya sesabe que eso significa pasarse alotro lado, invadir territorios, meterlos cinco dedos en el vaso de lechepara sacar un pobre pelito7. », dontla traduction de Laure Bataillon meten relief la complicité établie avec lelecteur : « Ma fidèle secrétaire est decelles qui prennent leur rôle au piedde la lettre et l’on sait bien que celasignifie passer de l’autre côté, en-vahir des territoires, plonger les cinqdoigts dans le verre de lait pour enretirer un malheureux petit che-veu8. » Traduire ya par déjà équivau-drait, dans ce cas, à ignorer le prin-cipe de base selon lequel on netraduit pas des mots, mais leur sensen contexte.

Disparaître pourapparaître

Par ailleurs, sur le plan stylisti-que, quand les mots se cherchentdes ailes, ne serait-ce que pour flir-ter avec le soleil, il arrive aussi quecet adverbe, adversaire des solu-tions faciles, force les traducteurs àparcourir de ténébreux dédales. Envoici un exemple, tiré de « Don de laebriedad », un poème de ClaudioRodríguez dont le protagoniste estla clarté : « ¡ Si ya nos llega / y espronto aún, ya llega a la redonda /a la manera de los vuelos tuyos / yse cierne, y se aleja y, aún remota,nada hay tan claro como sus impul-sos !9 » Dans ces vers, les deux oc-currences de ya, dont la force ex-pressive est aussi contenue dansl’exclamation, marquent le rythmede la lumière. Le traducteur qui

voudrait les conserver sous les traitsde déjà, maintenant, voici, etc. feraitfausse route, car ils agissent avanttout comme des catalyseurs demouvement : « Si à peine / disparue,elle nous revient à la ronde / de lamême façon dont tu voles, s’appro-chant, / et que même au loin, quandelle plane sur les ombres, / il n’y arien de plus net que ses élans !10 » Sila traduction doit garder quelquetrace de leur sens, c’est bien celle deleur dynamisme notionnel.

Ce parcours au cœur des diffi-cultés soulevées par la traduction,en français, de l’adverbe espagnolya laissera sûrement le Minotauresur sa faim… Tout au plus, lesquelques pas donnés en directiondes différentes valeurs de cet ad-verbe caméléon lui auront fait l’effetd’un amuse-gueule. Pour le conten-ter, peut-être eût-il fallu que nous luimastiquassions d’autres proies ôcombien plus robustes !

Danièle Marcoux

1 . O RT E G A , Ju l io. « Voces de una sagamigrator ia », El País , 2001.

2. Ma t raduct ion.

3. R A J A U D , V i rg i n i e e t M i r e i l l e B R U -N E T T I , Tr a d u c i r , F r a n c e , D u n o d ,1992, p. 70.

4. Idem , p. 72

5. VA L L E J O , C é s a r. P o e s í a c o m p l e t a .Ediciones Coyoacán, México, p. 239.

6. VA L L E J O , C é s a r. P o é s i e c o m p l è t e ,t r a d u i t p a r G é r a r d d e C o r t a n z e ,F lammarion, Par is , 1983, p. 246.

7 . CO RT Á Z A R , Ju l io. « Trabajos de of i -c i n a » , H i s t o r i a s d e C ro n o p i o s yFamas, Edhasa, 1983.

8. C O RT Á Z A R , J u l i o. « Tra va i l d e b u -reau », Nouvel les 1945-1982 , t ra -dui t par Laure Bata i l lon, Par is , G al -l imard, 1993.

9. R O D R Í G U E Z , C l a u d i o. « D o n d e l aebriedad », Cinco poemas , Hiperión,España, 2007, p. 15 .

10.R O D R Í G U E Z , C l a u d i o. « D o n d e l aebr iedad », Cinco poemas , t radui tpar Daniè le Marcoux, Hiper ión, Es-paña, 2007, p. 51 .

De la difficulté de traduire ya en françaisAdverbe caméléon, tantôt rasant les murs du temps, tantôt, ceux de la plus discrèteconnivence. Adverbe adversaire, désespérant les traducteurs en herbe comme les pluschevronnés. Adverbe cardinal, de la cohérence du texte ou de la vivacité du style, ses dif-férentes valeurs confinent parfois à l’adversité. Haro sur l’un des adverbes de la langueespagnole les plus rebelles à la traduction française : ¡ya !

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D E S M O T S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R P H I L I P P E C A I G N O N

Danièle Marcoux est t raductr ice spéc ia l isée dans la t raduct ion l i téra i re espagnol - f rançais .

Page 26: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

Réal ÉmondCONSEILLER EN ÉPARGNE COLLECTIVE

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Page 27: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

Fils de médecin et petit-cousinde Lénine par sa mère, il fait

des études en droit et obtient, à21 ans, un poste de professeurd’économie à la Faculté dessciences sociales de l’Université deKazan, son alma mater.

Étudiant, il publie plusieurs ar-ticles dans les journaux et, une foisdevenu professeur, il fait paraîtredes analyses économiques incisivesqui indisposent les autorités bol-cheviques locales. Arrêté par la po-lice secrète, la Tcheka, il est jeté enprison, mais grâce à un télégrammede Lénine, il recouvre la liberté. En

1923, grâce encore une fois à l’in-tervention personnelle de Lénine, ilpeut se rendre en Allemagne pour ypréparer sa thèse de doctorat. Pourque sa femme enceinte puisse le re-joindre, il accepte un poste à la dé-légation commerciale soviétique àBerlin. Il y publie deux ouvrages surl’industrie allemande et des articlesremarqués sur l’industrie pétrolière.Ces articles et le fait qu’il soit parentavec Lénine lui valent un poste aubureau parisien de la Société desproduits du naphte russe. Il passedonc en France en 1926. Il y gagnesa vie d’abord comme conseiller

économique, puis, ayant quitté l’or-ganisme russe, comme journaliste,critique littéraire et, à partir de 1939,comme traducteur. C’est la périodede sa vie, confiera-t-il dans ses mé-moires, qui aura été la moins pro-ductive et la plus terne.

Le procès de Nuremberg

À la fin de la Deuxième Guerremondiale, il sera interprète au pro-cès de Nuremberg.

Au début de 1946, sur lesconseils d’un ami, il pose sa candi-

dature à un poste de traducteur etd’interprète aux Nations Unies. Il serend à New York en mars et, quatremois plus tard, il est engagé commeinterprète. L’architecte de l’inter-prétation simultanée à Nuremberg,le colonel Léon Dostert, l’initie à sanouvelle profession. Celui-ci donnaitle conseil suivant aux nouveaux in-terprètes : « Don’t be afraid. Keepcalm. Remember, you have to tellthe story; your client is supposednot to have heard or understood theoriginal delivery. Say what you haveunderstood. Don’t panic; just doyour job. » (Pervushin, 1989 : 69)

Ce conseil, le jeune interprète nel’oubliera jamais. À propos de sesdébuts à Lake Success, il écrira :« I remember with melancholy myfirst General Assembly meetingsheld in 1946, when so much seemedpossible and I was proud to be asmall contributor to the process ofbuilding a new world. We inter-preters did not count our hours ofwork at that time. Often the lastmeetings of the assembly ended atthree or even five o’clock in themorning, with the glow of a new day.I associated these times with thestart of a new era for mankind. »(Pervushin, 1989 : 75)

Pendant seize ans, Pervushintravaillera pour l’Organisation desNations Unies, mais il lui faudra at-tendre le même nombre d’annéesavant d’obtenir la citoyenneté amé-ricaine. Ses fonctions d’interprète àl’ONU le conduisent sur tous lescontinents, à l’exception de l’Afri que.

Nicholas V. Pervushin, grand interprèteet interprète des grandsParmi les interprètes freelance en langues étrangères ayant exercé leur profession au pays et dont le Bureau de la traduction a retenu les services, Nicholas V. Pervushin (1899-1993) est certainement l’un des plus remarquables.Membre de l’intelligentsia prérévolutionnaire, dans la mire de la Tcheka, conseiller économique en France, interprète à l’ONU, ami de Soljenitsyne, une personnalité !

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P A G E S D ’ H I S T O I R E C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R P I E R R E C L O U T I E R

Alexandre Soljenitsyne et Nicholas V. Pervushin

p i e r r e . c l o u t i e r @ v i d e o t r o n . c a

Page 28: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

Fruit d’une collaboration entrel’Office québécois de la langue

française (OQLF) et le Réseau inter-national francophone d’aménage-ment linguistique (Rifal), Inventermrépertorie, depuis 2005, des cen-taines de milliers de termes fran-çais pouvant être accompagnés dedéfinitions, de contextes, de syno-nymes et d’équivalents dansd’autres langues. Cet outil offreaux internautes la possibilité d’ef-

fectuer des recherches terminolo-giques précises parmi un éventailde sites Internet. Il se distingueainsi des banques de terminologietraditionnelles, en donnant accèsaux points de vue de différents au-teurs ayant accepté de collaborer àcet inventaire commun des travauxde terminologie.

La rechercheAutrefois un répertoire biblio-

graphique appelé Inventaire des tra-vaux de terminologie dans Internet,Inventerm, devenu un répertoire decontenus terminologiques dans In-ternet, permet d’effectuer diverstypes de recherches. Tout d’abord,la recherche par terme permet àl’usager d’obtenir des renseigne-ments sur un terme français en par-ticulier ou sur sa présence dans uneexpression, un syntagme, une défi-nition ou une note. Celui-ci peutégalement chercher dans d’autreslangues, en arabe, en italien, en

espagnol ou en portugais, parexemple. Il suffit qu’un site regrou-pant des données de nature termi-nologique traite ces langues, et larecherche dans Inventerm porte sesfruits. Ensuite, il est possible d’ef-fectuer des recherches par domainepour restreindre le nombre d’occur-rences lors d’une interrogation.Enfin, le site Inventerm permet dechercher des sites en particulier. En-core là, cette fonction permet de

trouver des sites traitant différenteslangues, et ce, dans plusieurs do-maines, que ce soit par une re-cherche du titre, de l’adresse URL oude l’auteur du site.

À partir des résultats obtenuslors de la recherche d’un terme oud’un site présentant une liste determes dans Inventerm, il est pos-sible de naviguer dans Le grand dic-tionnaire terminologique (GDT), labanque de données de l’Office qué-bécois de la langue française. Eneffet, chaque résultat obtenu com-porte non seulement un lien vers lesite original de l’auteur (l’adresseURL du site se trouve dans la fichedocumentaire), mais aussi un lienRechercher dans le GDT qui permetde vérifier si le terme en questionest traité dans le GDT.

Le choix des sitesretenus

Outre la présence obligatoire dufrançais dans chaque site intégré à

« I could interpret for the most difficult and rapid speakers such asKrishna Menon, the foreign ministerof India, who could speak at thespeed of a machine gun for three tofour hours. (Once he even faintedduring one of his speeches.) » (Per-vushin, 1989 : 70) Il sera l’interprètedes Secrétaires généraux Ham-marskjöld, U Thant et Waldheim, depersonnalités politiques comme Molotov (bras droit de Staline),Khrouchtchev, Mendès France, Shu-mann, Ho Chi Minh, Nehru, IndiraGandhi et Eleanor Roosevelt, etd’éminents scientifiques tels queNiels Bohr et Robert Oppenheimer.Il a aussi servi d’interprète à HenryKissinger, mais il n’en avait pas unetrès haute opinion.

Professeur d’universitéEn 1962, ayant atteint l’âge obli-

gatoire de la retraite, Nicholas Per-vushin s’établit à Montréal où vit safille, et entame une carrière devingt-deux ans comme professeurinvité à l’Université McGill, à l’Uni-versité de Montréal et à l’Universitéd’Ottawa, tout en continuant à ac-cepter des contrats d’interpréta-tion. En ces années de Guerrefroide, il recevait de fréquentes vi-sites d’enquêteurs de la GRC quil’interrogeaient sur ses liens avecles délégués soviétiques. En 1975,son ami Alexandre Soljenitsyne luirendit visite à Montréal. Le Bureaude la traduction a souvent eu re-cours à ses services, notamment en1983, lors de la première visite auCanada de Mikhail Gorbatchev.« Nobody in the West knew himthen », écrira-t-il. « I spent one daylistening to him and interpreting tohim everything that was said inEnglish and French during themeeting. At that time I could feelthe difference between him andother Soviet leaders […] » (Pervu-shin, 1989 : 150).

L’interprète principal pour lerusse à la Section des conférencesmultilingues du Bureau de la tra-duction, Nikita Kiriloff, aimait beau-

coup travailler avec cet interprètedont il admirait le talent exception-nel. « C’est le seul interprète, dira-t-il, qui soit capable d’écrire despoèmes rimés en russe tout en in-terprétant. » On le voyait encore encabine alors qu’il avait plus de80 ans. À la fin d’une conférence, Nikita Kiriloff est monté dans un taxiavec lui. Une fois dans la voiture, ill’entendit marmonner : Pervushin,se croyant encore en cabine, s’étaitmis spontanément à interpréter lebulletin de nouvelles diffusé à laradio. En 1958, il avait été cofonda-teur de l’École d’été de langue russe(Russian Summer School) au Wind-ham College, au Vermont. CetteÉcole fut rattachée, dix ans plustard, à l’Université Norwich. Sous sadirection, elle grossit rapidement etaccueillit près de 300 étudiants.Pervushin en fut le directeur jusqu’en1980 et y enseigna jusqu’en 1992(Ekulin, 1993 : 200). L’École ferma sesportes en 2000.

Quatre ans avant sa mort, Ni-cholas Pervushin a publié ses mé-moires, Between Lenin and Gorba-chev, dans lesquels il évoque sonparcours professionnel ainsi queses souvenirs liés aux personnalitésparmi les plus marquantes du sièclequ’il a eu la chance de côtoyer aucours de sa longue carrière dans lesmilieux tant littéraires et scienti-fiques que politiques. Il a aussilaissé plusieurs autres manuscrits etessais inédits sur l’humanisme, laGuerre froide, le marxisme et LéonTolstoï. Il est mort à 94 ans aprèsune brillante carrière de plus dequarante ans comme interprète per-manent à l’ONU et comme free-lance au Canada. Il avait l’étoffe desplus grands.

Jean Delisle, trad. a., term. a.

RéférencesP E RV U S H I N , N i c h o l a s V. ( 1 9 8 9 ) , B e t -ween Lenin and Gorbachev. Memoirs ofLenin’s Relat ive and Cr i t ic , New York,Vantage Press, 157 p.

E K U L I N , G leb (1993) , « In Memoriam:N i k o l a i V. Pe r v u s h i n ( 1 8 9 9 - 1 9 9 3 ) » ,C a n a d i a n S l a v o n i c P a p e r s , v o l . 3 5 ,n os 3-4, p. 199-200.

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InventermIl est désormais possible de simplifier ses recherches terminologiques sur le Webgrâce à un point d’accès unique aux données.

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P A G E S D ’ H I S T O I R E

m a r i e - p i e r r e . h e t u @ v i d e o t r o n . c a

C H R O N I Q U E D I R I G É E PA R M A R I E - P I E R R E H É T U

D E S T E C H N I Q U E S

Jean Del is le est professeur émér i te de l ’Univers i té d ’Ottawa.

Page 29: LE DOUBLAGE, ART DE L’ILLUSION

Inventerm, d’autres critères sontrespectés lors de la sélection de ter-minologies offertes dans Internet.Évidemment, pour qu’Inventerms’établisse comme un outil de choixpour les langagiers et le grand pu-blic, il convient de s’attarder sur laqualité de la langue française,même si ne sont pas établies desrègles strictes quant à l’acceptationde chaque terme à intégrer à Inven-term. En effet, il est entendu quel’outil Inventerm ne présente au-cune donnée modifiée et que les ré-sultats de recherche obtenus parl’usager reflètent une image réelledes sites intégrés et, par consé-quent, du travail de leurs auteurs.

Tous les sites à caractère termi-nologique traitant des domaines del’activité humaine sont considérés,mais certains sites sont intégrés enpriorité compte tenu des besoinsémergents en terminologie (techno-logies de l’information et de la com-munication, développement du-rable, santé, sciences, etc.).

Enfin, la renommée de l’auteurest également un critère considérélors de l’intégration de sites. Il estconvenu d’ajouter à Inventerm desdonnées provenant d’auteursconnus ou, à tout le moins, suscep-tibles d’avoir adopté une méthodo-logie rigoureuse. Les terminologiesprovenant de blogues, de forums ou

de tout autre site dont l’objectif dif-fère de celui d’Inventerm ne sontdonc pas intégrées.

La participationdes usagers

Les internautes peuvent partici-per à l’enrichissement de l’outil. Unonglet sur la page d’accueil d’Inven-term permet aux usagers de signalerles sites à caractère terminologiquequ’ils ont repéré dans la toile. Ceux-ci doivent remplir les champs Titre(de la page où se trouvent les don-nées), Adresse URL et Signalé par(adresse de courriel). L’administra-teur d’Inventerm se charge de remplir

les autres champs. Pour éviter d’ef-fectuer le travail pour rien, l’utilisa-teur peut vérifier si les sites en ques-tion ne se trouvent pas déjà dansInventerm. Pour ce faire, il suffit d’ef-fectuer une recherche à l’aide des dif-férents modes de recherche expli-qués plus haut.

La création de projetsLa toute dernière fonctionnalité

à voir le jour dans le site Inventermpermet aux usagers de créer eux-mêmes une nomenclature de termeset de gérer celle-ci par l’entremisedu site. En effet, si un internaute dé-sire regrouper des termes et dessites pour commencer un travail derecherche terminologique, il n’a qu’àdevenir membre d’Inventerm et àsuivre quelques étapes simples, dé-crites sur le site. De plus, il pourraexporter dans Excel, sous forme detableau, le fruit de ses recherchespour en faciliter le tri en ordre al-phabétique ou selon les domaines.Cette fonctionnalité peut s’avérertrès utile pour les langagiers qui dé-sirent se constituer une nomencla-ture de départ. Cependant, si aucours d’un projet certaines donnéesprovenant d’Inventerm étaient utili-sées telles quelles, ces derniers de-vraient demander l’autorisation àl’auteur original de citer ses don-nées intégralement, par respect desprincipes du droit d’auteur.

Que ce soit pour trouver destermes ou pour se constituer unenomenclature, Inventerm s’avèredonc un outil fiable et indispen-sable. Pour découvrir et testertoutes ses fonctionnalités, visitez lesite www.inventerm.com !

Francis Pedneault

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Francis Pedneault est terminologue à la Di rect ion générale des ser v ices l inguist iques de l ’Of f ice québécois de la langue f rançaise.

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Chaque année, certains de nosmembres décident de prendre

une retraite bien méritée et ainsi,ne renouvellent pas leur inscrip-tion. Lorsqu’ils en avisent le secré-taire de l’Ordre, ils consentent à neplus figurer au Tableau de l’Ordre,sans pour autant s’exposer à la ra-diation. En effet, il y a une nuanceimportante entre « démission » et« radiation », et pour éviter cettedernière, il est préférable d’infor-mer le secrétariat de l’Ordre detoute cessation d’activité à titre deprofessionnel agréé.

Par exemple, des raisons per-sonnelles peuvent amener unmembre à ne pas renouveler soninscription pour une année donnée.Il doit en informer l’Ordre. Il a tout àfait le droit de revenir l’année sui-vante ; il devra alors produire au se-crétaire une demande de reprised’exercice avec les frais inhérents àcette demande. S’il souhaite reveniraprès une absence de plus de cinqans, il devra de plus prouver au

Comité exécutif de l’Ordre qu’il s’esttenu à jour dans l’exercice de sa pro-fession, à défaut de quoi il pourraitdevoir suivre un stage ou des coursde perfectionnement1.

Qu’il s’agisse d’une retraite per-manente, d’une radiation ou d’un re-trait temporaire, la personne dont lenom ne figure pas au Tableau del’Ordre n’est pas autorisée à porterle titre professionnel ni son abrévia-tion (trad. a., term. a., ou int. a.). Parailleurs, elle ne bénéficie plus de lacouverture d’assurance responsabi-lité professionnelle, ni d’aucun autreservice offert par l’Ordre puisqu’ellen’en est plus membre. Cela dit, toutmembre qui le désire peut continuerde figurer au Tableau de l’Ordreaprès sa retraite, à condition des’acquitter de sa cotisation.

Dans un cas comme dans l’autre,le membre qui décide de cesserd’exercer sa profession sous son titredoit fournir au secrétaire le nom etles coordonnées d’un autre membrequi a accepté d’être le cessionnaire2

de ses dossiers. En clair, celui qui dé-missionne de l’Ordre ou qui en est

radié doit céder à un autre membreles dossiers des mandats

qu’il a exécutés à titre de profes-sionnel agréé, et qu’il est tenu deconserver pendant au moins trois anssuivant la date d’exécution3. Évi-demment, ces dossiers peuvent êtreconstitués et transmis sur supportélectronique.

Le membre à l’emploi d’une so-ciété n’est pas obligé de conserverses dossiers au sens du Règlement,à la condition cependant que tousles renseignements des dossierssoient conservés par cette société.S’il devait cesser d’exercer sa pro-fession, il n’a donc pas à confier sesdossiers à un cessionnaire.

Un membre qui quittait l’OTTIAQa déjà prétendu ne pas être obligéde céder ses dossiers parce qu’ilcontinuait ses activités de traduc-tion sans être membre de l’Ordre.Il ne cessait pas « d’exercer sa profession », selon lui. On ne peutpas accepter cette interprétationdu Règlement. La profession dontil s’agit est celle de « traducteuragréé », titre sous lequel cette per-sonne s’est fait connaître de sesclients pendant un certain nombred’années. Par conséquent, les man-dats qu’il a exécutés sous ce titre

relèvent toujours de la responsabi-lité de l’Ordre. C’est le sens qu’ilfaut donner à notre Règlement et auCode des professions.

Les traducteurs, les termino-logues et les interprètes agréés sontdes professionnels à part entièresoumis à la même loi et aux mêmestypes de règlements que lesmembres des autres ordres profes-sionnels du Québec. L’appartenanceà un ordre professionnel entraîneune reconnaissance indéniable de lapart des clients et du public en gé-néral. Cette reconnaissance segagne au prix du respect des obli-gations réglementaires, même pourcelui qui décide de ne plus faire par-tie de l’ordre.

1. R è g l e m e n t s u r l e s s t a g e s e t l e sc o u r s d e p e r f e c t i o n n e m e n t d e sm e m b r e s d e l ’ O r d r e d e s t r a d u c -teurs , terminologues et interprètesagréés du Québec

2. Ar t .8 du Règlement sur la tenue desdossiers et des cabinets de consul -t a t i o n d e s t r a d u c t e u r s e t i n t e r-prètes agréés du Québec

3. Ar t .4 du Règlement sur la tenue desdossiers et des cabinets de consul -t a t i o n d e s t r a d u c t e u r s e t i n t e r-prètes agréés du Québec

C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R C L A U D E L A U R E N TÀ T I T R E P R O F E S S I O N N E L

Par Claude Laurent, notaire, Adm. A.

Le retrait du Tableau de l’Ordre

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30Claude Laurent est d i recteur général et secréta i re de l ’Ordre des t raducteurs , terminologues et interprètes agréés du Québec.

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