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Le développement du réseau routier en Chine Incohérences et inégalités Kun-Chin Lin Février 2010 Asie V Asie V isions 24 isions 24 Centre Asie Ifri

Le développement du réseau routier en Chine · 2014. 12. 1. · Kun-Chin Lin est chargé de cours au China Institute du King’s College à Londres. Cet article a été rédigé

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  • Le développement du réseau routier en Chine

    Incohérences et inégalités

    Kun-Chin Lin

    Février 2010

    Asie VAsie Visions 24isions 24

    Centre Asie Ifri

  • L'Ifri est en France le principal centre de recherche et de débat surles grandes questions internationales. Créé en1979 par Thierry deMontbrial, l'Ifri est une association reconnue d'utilité publique (loi de1901). Il n'est soumis à aucune tutelle administrative, définit libre-ment ses activités, et publie régulièrement ses travaux.

    L'Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans unedémarche interdisciplinaire, décideurs politiques et économiques,chercheurs et experts à l'échelle internationale.

    Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l'Ifri s'impose commeun des rares think tanks français à se positionner au cœur même dudébat européen.

    Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

    ISBN : 978-2-86592-677-0© Tous droits réservés, Ifri, 2010

    IFRI27 RUE DE LA PROCESSION

    75740 PARIS CEDEX 15 - FRANCETÉL. : +33 (0)1 40 61 60 00FAX : +33 (0)1 40 61 60 60

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  • 1 © Ifri

    Programme Chine du Centre Asie Ifri

    Le Programme Chine du Centre Asie de l’Ifri s’articule autour de trois missions :

    Rencontrer et écouter les acteurs chinois : au travers de l’organisation de séminaires à Paris ou à Bruxelles autour d’intervenants chinois.

    Décrypter, analyser et prévoir : par la publication de notes d’analyse pour la collection Asie. Visions ainsi que de Lettres du Centre Asie sur l’actualité.

    Formaliser des partenariats franco-chinois : par l’organisation en Chine d’une conférence annuelle en partenariat avec de grands instituts chinois à Pékin, Shanghai, Wuhan, Xian ou Tianjin.

    Ce programme est soutenu par :

    Asie. Visions

    Asie. Visions est une collection électronique consacrée aux problématiques asiatiques. Rédigé par des experts français et internationaux, Asie. Visions traite de l’ensemble des thématiques économiques, stratégiques et politiques. L’objectif d’Asie. Visions est de contribuer à l’enrichissement du débat public et à une meilleure appréhension des enjeux asiatiques. Asie. Visions est publié en français et en anglais.

    Dernières publications : Guillaume ROUGIER-BRIERRE et Guillaume JEANNET,

    « Urbanisation et investissement immobilier en Chine », Asie. Visions 22, décembre 2009.

    Jean-Marc CHAUMET et Franck DESEVEDAVY, « Consommation alimentaire et sécurité sanitaire des aliments en Chine », Asie. Visions 21, décembre 2009.

    Hélène LE BAIL, « Les grandes villes chinoises comme espace d'immigration internationale : le cas des entrepreneurs

    africains », Asie. Visions 19, août 2009.

    http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=5776&id_provenance=103&provenance_context_id=2http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=5775&id_provenance=103&provenance_context_id=2http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=5775&id_provenance=103&provenance_context_id=2http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=5570&id_provenance=103&provenance_context_id=2http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=5570&id_provenance=103&provenance_context_id=2http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=5570&id_provenance=103&provenance_context_id=2

  • K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

    2 © Ifri

    Résumé

    La Chine possède l’un des réseaux routiers les plus denses de tous les pays en développement. Cependant, les données statistiques aux niveaux national et régional révèlent deux tendances déconcertantes. D’une part, la croissance de la longueur totale des routes a ralenti depuis 2003, malgré l’affichage d’une politique qui vise à produire l’ef-fet inverse. Cette tendance se retrouve aussi bien dans les régions de l’ouest, du centre ou de l’est – trois régions différentes en termes de politique de transports. D’autre part, alors qu’il est avéré que le ré-seau routier de base a le plus d’impact dans les zones rurales, les ré-gions du centre et de l’ouest de la Chine continuent de privilégier les voies expresses et voies rapides, en dépit de leurs besoins urgents de lutter contre la pauvreté et d’améliorer la circulation des marchés.

    À travers une analyse des processus de formulation, d’acceptation et de financement des projets routiers, nous postulons que les institutions fiscales fédérales ont fortement influencé les motivations des dirigeants et bureaucrates des provinces chinoises, acteurs clés dans la définition des priorités et dans le choix des moyens de financement. Nous soutenons que trois variables – insuffisance des revenus fiscaux, biais procéduriers, et qualité de la participation des capitaux privés – expliquent la discrimination qu’exercent les dirigeants des provinces à l’encontre de certaines formes de financement et de certains types de routes. Ces variables suggèrent un mécanisme vicieux : les provinces de l’intérieur, qui pâtissent de systèmes fiscaux inadaptés et ne bénéficient que de médiocres capitaux privés, sont incitées à maximiser leur base fiscale et les loyers privés en concentrant leurs ressources sur la création de voies rapides à péage.

    Cet article s’appuie sur des données statistiques aux niveaux national et provincial, sur des informations tirées de journaux chinois et de sites internet spécialisés dans l’industrie, ainsi que sur une enquête de terrain menée par l’auteur en 2005 à Guangxi, et sur les résultats de travaux de recherche réalisés en collaboration avec l’Académie chinoise des sciences sociales1.

    Kun-Chin Lin est chargé de cours au China Institute du King’s College à Londres. Cet article a été rédigé pour l’Ifri à partir d’une présentation donnée à la conférence annuelle de l’Association for Asian Studies, du 3 au 7 avril 2008 à Atlanta. 1 La littérature en chinois sur l’économie politique des routes et de la construction

    routière est considérablement plus prolifique, mais pas nécessairement plus

  • K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

    3 © Ifri

    Sommaire

    INTRODUCTION ................................................................................... 4

    ANALYSE DU BOOM DE LA CONSTRUCTION ROUTIERE EN CHINE (1998-2006) .................................................................................... 12

    Vue d’ensemble du boom routier ......................................................... 12

    Fédéralisme fiscal et décentralisation de la construction des routes ............................................................... 17

    Problèmes de classification des routes .............................................. 27

    FONDEMENTS FISCAUX DES PROJETS ROUTIERS : ZOOM SUR LES INSTITUTIONS ET LES PROCESSUS AU NIVEAU PROVINCIAL ..... 28

    Différentes approches pour expliquer les variations régionales et temporelles ............................................. 28

    Illustration de l’hypothèse de l’insuffisance des revenus fiscaux ... 29

    Illustration de l’hypothèse des biais procéduriers ............................. 34

    Illustration de l’hypothèse de la qualité des capitaux privés investis ................................................................. 39

    CONCLUSION .................................................................................... 42

    BIBLIOGRAPHIE ................................................................................ 43

    ANNEXE : TABLEAUX ........................................................................ 45

    diversifiée dans ses perspectives et ses méthodologies que les publications en anglais de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement. De même que les études en anglais, ces ouvrages cherchent tous à documenter et à expliquer comment les routes contribuent au développement rural. Pour obtenir des perspectives plus variées, interdisciplinaires et plus complètes, il faut se plonger

    dans la lecture des journaux de transports spécialisés tels que 中国交通报 (China

    Communications News) et 中国交通 (China Communications), ainsi que des

    journaux des secteurs liés au transport comme 建设机械技术与管理 (Construction

    Machinery Technology and Management Journal), ou bien se rendre sur des sites internet officiels. Les publications des districts et des sous-districts sont également riches en informations, que nous avons exploitées pour préparer les études de cas qui figurent dans cet article. Des enquêtes domestiques et des évaluations-bilans en fin de projet ont été réalisées pour la plupart des projets de construction des principales routes de haute qualité, mais ces documents sont généralement la propriété des gouvernements locaux et des cabinets d’analyse qui les tiennent pour confidentiels, et ne sont donc pas facilement accessibles au grand public.

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    Introduction

    Le goulot d’étranglement du système de transports en Chine constitue un obstacle majeur à la pérennité de sa croissance. Les routes demeurent particulièrement importantes pour le commerce régional et la mobilité des hommes, en deuxième position derrière l’aviation pour la distance totale parcourue, et derrière les chemins de fer et de mer pour le nombre de passagers et le volume de marchandises transportées.

    Sur les courtes distances et pour les déplacements à faible tonnage – qui représentent l’avenir proche des transports étant donné la rapidité de la croissance du marché privé de l’automobile – les routes semblent être le moyen le plus courant et le plus efficace pour se déplacer. De plus, elles semblent s’imposer comme outil de développement pour des dirigeants locaux soucieux d’apporter les bénéfices de l’économie de marché aux régions reculées sous leur juridiction.

    Dans le même temps, les projets de construction de routes offrent un terrain favorable à la corruption et à la taxation abusive, ainsi qu’aux mouvements environnementaux, aux protestations de la base de la population, aux désaccords sur l’utilisation des terrains, et aux confrontations violentes entre administrations locales et groupes sociétaux.

    Dans cet article, nous examinerons deux évolutions intéressantes de la politique économique dans le cadre de l’explosion de la construction routière en Chine, en particulier au cours de la période suivant le 15e Congrès du Parti. Nous considérons 2003 comme une année pivot, car l’arrivée du duo Hu Jintao – Wen Jiabao au pouvoir a provoqué un changement majeur dans la politique de transports en Chine, avec la définition de nouvelles priorités pour les infrastructures rurales et des incitations de plus en plus pressantes

    Merci à Hélène Le Bail et Valérie Niquet de l’IFRI pour leur intérêt pour ce projet, et à Chen Shaofeng et Yu Xiao pour leur aide précieuse dans les travaux de recherche et leurs suggestions d’interprétations. Le Professeur Li Renqing de la CASS et le Docteur Tao Ran de la CAS ont apporté une contribution inestimable à mon projet de recherche sur la politique autoroutière et le développement des zones rurales. Ce projet a reçu des financements de la part de la British Academy, du Contemporary China Studies Programme (Oxford), de la Chinese Academy of Social Sciences, et du Programme interne de soutien à la recherche du Département des Arts et des Sciences Sociales de l’Université Nationale de Singapour.

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    aux instances de gouvernement locales à aller plus loin dans leurs recherches de ressources financières, alors même que le gou-vernement central réduisait leurs pouvoirs de taxation2.

    Premier constat : depuis 2003, le taux de croissance de la longueur totale des routes semble avoir diminué (voir tableau 1 de l’annexe). Les régions de l’ouest, du centre et de l’est de la Chine ont toutes assisté à une baisse considérable de la croissance annuelle moyenne des routes. Jusqu’en 2003, les régions de l’est et du centre annonçaient des taux supérieurs à la moyenne nationale, mais elles sont depuis tombées sous la moyenne. Les fluctuations d’une année sur l’autre ont également cessé. Sous l’effet de politiques incitatives, la construction routière avait connu un pic d’activité majeur en 2001, celui de 2004 fut beaucoup moins important. Ce phénomène s’est plus ou moins reproduit dans les trois régions. Ce ralentissement de la croissance des routes en dépit d’engagements politiques plus importants de la part des instances du gouvernement central semble paradoxal.

    2 Cette tendance s’oppose quelque peu à la tendance globale prônée par Wen

    Jiabao, consistant à ralentir les investissements de capitaux fixes dans d’autres secteurs économiques en surchauffe.

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    Source : Calculs sur la base de données du Year Book of China Transportation & Communications, Year Book of China Transportation & Communications Press,

    différentes années entre 1999 et 2006.

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    Deuxième constat : en dépit des préoccupations de plus en plus importantes que suscite le développement rural chez les élites chinoises depuis 2001 et la conférence importante de Jiang Zemin sur le travail rural, c’est dans les régions les plus pauvres que l’on observe un rythme de croissance des routes de plus en plus rapide (voir tableau 2 de l’annexe). Seule la Chine occidentale a connu en 2001 une certaine croissance des routes de moindre qualité. Depuis 2003, dans les régions de l’ouest et du centre, on assiste à un développement plus rapide des routes de haute qualité par rapport à celles de plus basse qualité, à des taux moyens plus élevés que ceux de la Chine orientale. Cette tendance défie toute logique économique : les routes de moins bonne qualité sont plus avantageuses en termes de rapport coût-bénéfice et de contribution au développement rural, et même à l’équilibre économique des villes, par rapport aux routes de haute qualité3. Pourquoi alors observe-t-on ce parti pris contre les routes de campagne, alors que la croissance économique et la lutte contre la pauvreté sont des priorités politiques ? Existe-t-il une logique fiscale générale qui irait à l’encontre du développement de routes de campagne plus efficaces et performantes ? Cette logique connaît-elle des variations dans les différentes régions de la Chine ?

    -2,00,02,04,06,08,0

    10,0

    2000 2001 2002

    %

    Graphique 2.1 - Taux de croissance relatifs du rapport entre routes de classe

    supérieur et de classe inférieur en Chine

    Change of growth rate

    national avera ge

    0,0

    2,0

    4,0

    6,0

    8,0

    2003 2004 2005

    %

    Graphique 2.2 - Taux de croissance relatifs du rapport entre routes de

    classe supérieur et de classe inférieur en Chine

    Change of growth rate national average

    3 Fan S. et C. Chan-Kang (2005), ―Road Development, Economic Growth, and

    Poverty Reduction in China,‖ Rapport de recherche 138, International Food Policy Research Institute. Le Professeur Gregory Noble de l’Université de Tokyo a souligné que les districts les plus pauvres ont sans doute intérêt à adopter une stratégie d’investissement tournée vers l’avenir, consistant à développer les routes les mieux classées pour mieux se préparer à l’urbanisation et au développement économique. Correspondance personnelle, 26 avril 2009. Il s’agit là d’un contrepoint intrigant, mais la négligence des routes de campagne est difficile à justifier.

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

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    Source : Calculs sur la base de données du Year Book of China Transportation & Communications, Year Book of China Transportation & Communications Press, différentes années entre 1999 et 2006.

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

    — Evolution du taux de croissance — Moyenne nationale

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    En somme, en termes de tendances de croissance et de qualité des routes, il existe des convergences entre les trois régions sur la seconde période de 2003 à 2005. Or, si l’on considère la dynamique de construction routière comme le résultat d’une approche décentralisée appliquant une logique de marché aux réseaux de transports, ne devrait-on pas observer des variations de plus en plus fortes plutôt qu’une convergence dans les capacités d’expansion des routes et dans les différents types de routes, en fonction des différents modes de production et des héritages géographiques et structurels propres à chaque région ?

    En se penchant sur ces énigmes, trois théories classiques viennent à l’esprit. Premièrement, des variables structurelles telles que les caractéristiques locales ou régionales et celles de la circulation des marchés (Comtois 1990, Skinner 1965, 1985, Murphey 1956, Goodman 1997), ainsi que les orientations à long terme des comportements politiques ou de la culture politique (Jae Ho Chung 2000, 1999 and Vivienne Shue 1988, 1990) peuvent avoir une influence sur l’équipement routier des états locaux. Deuxièmement, des chocs politiques tels que l’impact de la « Great Western Development Strategy », les stimuli fiscaux appliqués après la crise financière asiatique sous Jiang Zemin et Zhu Rongji, et les campagnes « Relance du Nord-est » et « San Nong » menées par leurs successeurs ont pu être les déclencheurs financiers et politiques des variations. Une telle perspective nécessite d’étudier la question des factions pendant la période de succession4. Enfin, une approche fiscale fédéraliste (Montinola, Qian and Weingast 1995, Qian and Xu, 1993) se concentre sur les accords de cofinancement entre gouvernements central et local dans les projets routiers, ainsi que sur la dynamique de concurrence à l’intérieur même des provinces pour attirer les investissements à travers de meilleures infrastructures5. Une analyse rapide suggère qu’aucune de ces théories ne fournit d’explication suffisamment solide des variations dans la croissance des routes. Les variables structurelles en particulier ne tiennent pas compte des changements rapides qui interviennent au niveau régional, tandis que la théorie des chocs politiques et celle du rôle des factions n’expliquent pas le phénomène de convergence régionale et temporelle ; l’argument fiscal fédéraliste quant à lui semble être réfuté par la convergence vers des formes inefficaces de transport rural.

    Certains prennent également en compte les caractéristiques propres au développement des transports. Certaines routes – en particulier les routes de campagne – sont des propriétés publiques ; d’autres ont une valeur commerciale claire. Quoi qu’il en soit, les réseaux de transport sont la production commune des

    4 Victor Shih de l’Université de Northwestern et moi-même prévoyons de mener cette

    analyse par des tests quantitatifs dans un article à venir. 5 Chung (1999), Treisman (2006) et Treisman et Cai (2006) ont également remis en

    question la logique de décentralisation.

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    gouvernements central et locaux (Ostrom 1990), assortie de contributions directes des paysans à travers la taxation, l’épargne collective ou encore le travail réquisitionné. Ainsi, une analyse détaillée des dynamiques institutionnelles sous-tendant la répartition des coûts et des bénéfices dans les projets routiers permettrait d’identifier les motivations respectives de leurs acteurs principaux. En particulier, il faudrait se demander si l’analyse, actuellement dominante, des travaux publics comme étant régis par le cadre administratif décentralisé caractéristique de la période post-Mao, assortie d’une méthode de financement fiscale quasi fédéraliste (Montinola, Qian and Weingast 1995, Wong 1997), suffit à expliquer les variations cruciales observées aux niveaux régional et temporel. Les travaux de Kellee Tsai and Lin Shuanglin mettent en évidence les limites de cette approche, qui ne tient pas compte des moyens de financement informels – en particulier l’accumulation de revenus hors budget pour pourvoir aux besoins publics – et sous-estime la pression permanente que représente la rareté des ressources pour le gouvernement central, les entreprises publiques et les états locaux6. Les deux auteurs préconisent d’orienter les recherches du côté des stratégies mises en place par les gouvernements locaux pour parvenir à « joindre les deux bouts » malgré un nombre limité de possibilités de levées de fonds indépendants. Nous y ajouterons une analyse des conflits d’intérêts entre les responsables politiques centraux et locaux, et de leurs interactions stratégiques qui affectent l’élaboration et la mise en œuvre de projets routiers.

    Dans les pages qui suivent, nous proposons d’analyser les politiques institutionnelles qui entrent en jeu dans les processus de formulation, d’acceptation et de financement de projets routiers dans un cadre national de quasi-fédéralisme fiscal pour la production de biens publics. Notre analyse se situe principalement au niveau provincial : les responsables politiques provinciaux s’avèrent en effet des acteurs clés dans l’élaboration de projets routiers, et les agences au niveau provincial sont investies des plus importantes responsabilités dans la conduite de ces projets et l’entretien des routes sur le long terme, ainsi que dans la formulation de plans de développement rural motivés par des réseaux de transports7.

    6 Kellee S. Tsai, ―Off Balance: The Unintended Consequences of Fiscal Federalism

    in China.‖ Journal of Chinese Political Science, 9(2), 2004 ; Shuanglin Lin, ―Public infrastructure development in China.‖ Comparative Economic Studies 43(2), Été 2001, pp. 83-109. Voir aussi : Carsten Herrmann-Pillath et Feng Xingyuan, ―Competitive Governments, Fiscal Arrangements, and the Provision of Local Public Infrastructure in China: A Theory-driven Study of Gujiao Municipality.‖ China Information, 18(3), 2004. 7 Andy Mertha soutient que les principales bénéficiaires de ce passage récent à une

    gestion centralisée sont en fait les provinces et non pas Pékin, car les mécanismes institutionnels de la répartition des ressources humaines et budgétaires sont concentrés au niveau provincial : « Bien que le transfert de certains pouvoirs des gouvernements locaux aux nouvelles bureaucraties centralisées ait quelque peu freiné le mouvement de décentralisation, il a également contribué à établir une situation où les provinces nouvellement renforcées ont la possibilité de jouer un rôle

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    Ensemble, ces acteurs et leurs travaux constituent un espace politico-organisationnel cohérent. Au sein de cet espace, nous soutenons que trois variables – insuffisance des revenus fiscaux, biais procéduriers et qualité des capitaux privés – expliquent les motivations des responsables politiques provinciaux pour exclure certaines formes de financement et certains types de routes.

    clé dans l’émergence d’une sorte de fédéralisme pervers » Andrew C. Mertha, ―China’s ―Soft‖ Centralization: Shifting Tiao/Kuai Authority Relations,‖ China Quarterly, 184, décembre 2005, pp. 791-810.

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    Analyse du boom de la construction routière en Chine (1998-2006)

    Vue d’ensemble du boom routier

    Le boom qu’a connu la construction routière chinoise dans la durée représente un succès considérable pour tous les niveaux de gouvernement du pays. Lorsque la réforme fut initiée en 1978, la longueur totale des routes dans le pays était seulement de 890 000 km, soit une densité de 9,3 km par cent kilomètres carrés8. Seuls 91,5 % des cantons et 65,8 % des villages administratifs (行政村) étaient reliés par des routes9. Dans les premières années de la réforme, des contraintes de financement et une politique de crédit stricte avaient entravé la construction routière et entraîné embouteillages et goulots d’étranglement dans tout le pays10. Après plus de dix ans de construction, la longueur totale des routes s’élevait à 1,028 million de km en 1990, dont 33 % et 36 % respectivement de routes de district et de routes communales11. En 1995, la longueur totale atteignait 1,157 million de km, et les routes reliaient désormais 97,1 % des cantons et 80 % des villages administratifs.

    Une fois les contraintes fiscales et macroéconomiques levées, la construction routière a pris son envol dans les années 1990. De 1995 à 2000, le nombre de cantons et de villages administratifs reliés par des routes a augmenté respectivement de 1,2 % et de 9,5 %12.

    8 Les données citées sont tirées de : China Transport, ―The developing trajectory and

    overall strategies of China’s highways,‖ 22/03/2005, disponible sur : http://www.iicc.ac.cn/05traffic_planning/t20050322_17216.htm. 9 交通与发展研究课题网站, ―Rural roads’ development status, future prospects and

    countermeasures in China,‖ 28/12/2005, disponible sur : http://dev.catsic.com/gzdt-show.asp?column_id=80&column_cat_id=11&fileName=gzdt 10

    Demurger (1999), repris dans Fan and Chan-Kang (2005), pp.16-7. 11

    China Transport, ―Highway construction – Total highway mileages in China according to administrative levels,‖ 01/04/01, disponible sur : http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20031122_16732.htm. 12

    China Transport, ―General situation of infrastructural construction and technical innovation in 2000,‖ 2/26/2000, disponible sur : http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16739.htm.

    http://www.iicc.ac.cn/05traffic_planning/t20050322_17216.htmhttp://dev.catsic.com/gzdt-show.asp?column_id=80&column_cat_id=11&fileName=gzdthttp://dev.catsic.com/gzdt-show.asp?column_id=80&column_cat_id=11&fileName=gzdthttp://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20031122_16732.htmhttp://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16739.htm

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    En 1999, tous les districts de la Chine étaient reliés par des routes13. Avec une densité routière de 14,6 km pour 100 kilomètres carrés, la longueur totale des routes atteignait 1,402 million de km en 2000. La proportion de routes de haute qualité sur l’ensemble des routes du pays, seulement de 1,3 % en 1978, faisait un bond à 13,5 % en 2000.

    Le 10e Plan quinquennal (2001-2005) s’est caractérisé par l’achèvement de 24 700 km de routes, soit 1,5 fois la longueur totale des routes construites sous les 7e, 8e et 9e Plans quinquennaux réunis14 (voir tableau 3 en annexe). Le montant total des investissements dans la construction de routes de campagne sous le 10e Plan s’élevait à 417,8 milliards de yuans, soit trois fois celui des investissements sous le 9e Plan15. En date de 2005, la longueur de toutes les routes réunies s’élevait à 1,930 million de km, dont 25,6 % et 50,3 % respectivement de routes de districts et de cantons. La densité des routes s’élevait à 20,1 km pour 100 kilomètres carrés, soit 2,6 km par 100 kilomètres carrés de plus qu’à la fin du 9e Plan. La proportion de cantons et de villages administratifs reliés par des routes atteignait respectivement 99,8 % et 94,3 %, soit une aug-mentation de 1,5 % et de 4,8 % par rapport aux chiffres du 9e Plan16.

    Hu Jintao et Wen Jiabao ont élaboré une stratégie ambitieuse pour améliorer la construction des infrastructures dans les campagnes chinoises. Selon le « Projet de développement des routes et des voies navigables dans le 11e Plan quinquennal »

    (公路水路交通«十一五»发展规划纲要), l’ambition de Pékin n’est pas

    seulement d’achever de relier les derniers cantons et les derniers villages par des routes, mais aussi d’améliorer la qualité des routes existantes et de celles à venir. L’objectif de ce Projet de développement est de doter 95 % des cantons et plus de 80 % des villages administratifs17 en Chine de routes bétonnées. Pékin souhaite que la totalité des villes et des villages administratifs des régions de l’Est atteignent cet objectif ; pour les régions du centre et de l’ouest, les objectifs sont un peu moins élevés : 100 % de routes bétonnées pour les cantons et 88 % pour les villages dans la

    13

    Les données citées sont tirées de : China Transport, ―The developing trajectory

    and overall strategies of China’s highways,‖ 22/03/2005, disponible sur : http://www.iicc.ac.cn/05traffic_planning/t20050322_17216.htm. 14

    Ministère de la Communication, ―The Statistic Gazette on the Development of the Transport Sector of Highways and Waterways in 2005,‖ disponible sur : http://www.moc.gov.cn/06jiaotonggk/fazhanbg/daoluysfzbg/200608/t20060824_72402.html 15

    Xinhua Agency, ―China has speed up investments on rural road construction in the Tenth Five Year Plan,‖ 27/02/2006, disponible sur : http://www.gov.cn/jrzg/2006-02/27/content_212584.htm. 16

    Fin 2005, 75 villes et 38426 villages administratifs n’étaient toujours pas reliés par des routes. Les données citées sont tirées d’une publication du ministère de la Communication, ―Statistic gazette on the transport sector of highways and waterways in 2005,‖ 22/05/2006, disponible sur : http://www.gov.cn/gzdt/2006-05/22/content_287487.htm. 17

    Il existe en Chine quelque 680 000 villages reconnus comme le premier niveau administratif.

    http://www.iicc.ac.cn/05traffic_planning/t20050322_17216.htmhttp://www.moc.gov.cn/06jiaotonggk/fazhanbg/daoluysfzbg/200608/t20060824_72402.htmlhttp://www.moc.gov.cn/06jiaotonggk/fazhanbg/daoluysfzbg/200608/t20060824_72402.htmlhttp://www.gov.cn/jrzg/2006-02/27/content_212584.htmhttp://www.gov.cn/jrzg/2006-02/27/content_212584.htmhttp://www.gov.cn/gzdt/2006-05/22/content_287487.htm

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    première, et 90 % et 50 % dans la seconde18. En 2005, pour la première fois depuis le début de la période de réformes, les voies rapides et les routes de campagne étaient regroupées dans les directives (zhonghe guihua) publiées par le ministère de la Communication (M.C.). Depuis 2006, les données officielles concernant les routes comprennent aussi bien les routes de haute et moyenne qualité que les routes de campagne19 (voir les différents tableaux en annexe).

    La politique de transports chinoise et les données publiées se concentrent sur les augmentations de la longueur totale des routes, la longueur des routes de haute qualité (terme regroupant les « voies express » et les routes de classe I et II d’après les spécifications techniques)20, et la densité du réseau routier ou la couverture géographique. En dehors de ces objectifs quantitatifs, le gouvernement central joue le rôle clé de planificateur en chef dans le développement des infrastructures de transport. Sous le 8e Plan quinquennal (1990-1994), le gouvernement a élaboré le principal réseau routier du pays – les « cinq verticales et sept horizontales » (wu zong qi heng) – comprenant douze lignes interurbaines pour une longueur totale de 35 000 km. Sous le 9e Plan quinquennal (1995-2000) a été initiée la construction de « deux verticales et deux horizontales » et de trois nouvelles sections sur d’importants axes interurbains, pour une longueur totale de 17 000 km. Ces objectifs ont été atteints à la fin du 10e Plan quinquennal. Pour le 11e Plan quinquennal (2006-2010), Pékin a mis l’accent sur un nouvel objectif : constuire 380 000 km de routes, dont 24 000 km de voies express, en cinq ans. En particulier, le Conseil des affaires de l’État a approuvé un « Plan de construction de routes de campagne », premier projet de construction d’infrastructures pour les zones rurales. Ce projet

    intègre les objectifs du Plan de développement susmentionné21.

    En termes géographiques, les variations dans les efforts de construction se sont accentuées entre espaces urbains et ruraux,

    18

    Nongmin Ribao, ―新起点新使命新变化——交通部部长李盛霖谈农村公路建设,‖

    11/03/06. 19

    Les routes de campagne sont des routes de moindre qualité (de classe III et inférieure, voir note suivante), qui relient les unités administratives rurales. Ce sont des routes dont les autorités locales sont en charge, en réalité les documents politiques évitent de définir précisément ce que recouvre la distinction entre routes rurales ou non. 20

    La Banque mondiale propose la classification suivante, mais nous verrons plus loin qu’en Chine, elle est recoupée par des divisions d’ordre administrif : les voies express (largeur de 28 m), classe I (25,5m), classe II (12 m), class III (8,5 m) et classe IV (7 m) : http://siteresources.worldbank.org/EXTSARREGTOPTRANSPORT/Resources/579597-1128434742437/1735263-1128434796061/China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf?&resourceurlname=China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf 21

    Economic Daily, ―China will invest 100 billion yuan to promote rural road construction in the Eleventh Five-Year Plan,‖ 28/10//2005, disponible sur : http://www.gov.cn/ztzl/2005-10/28/content_85849.htm.

    http://siteresources.worldbank.org/EXTSARREGTOPTRANSPORT/Resources/579597-1128434742437/1735263-1128434796061/China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf?&resourceurlname=China_Study_Tour_Report_Rev3.pdfhttp://siteresources.worldbank.org/EXTSARREGTOPTRANSPORT/Resources/579597-1128434742437/1735263-1128434796061/China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf?&resourceurlname=China_Study_Tour_Report_Rev3.pdfhttp://siteresources.worldbank.org/EXTSARREGTOPTRANSPORT/Resources/579597-1128434742437/1735263-1128434796061/China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf?&resourceurlname=China_Study_Tour_Report_Rev3.pdfhttp://siteresources.worldbank.org/EXTSARREGTOPTRANSPORT/Resources/579597-1128434742437/1735263-1128434796061/China_Study_Tour_Report_Rev3.pdf?&resourceurlname=China_Study_Tour_Report_Rev3.pdfhttp://www.gov.cn/ztzl/2005-10/28/content_85849.htm

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    ainsi qu’entre les différentes régions. Même si les chiffres montrent que les zones rurales sont de mieux en mieux reliées, la proportion de routes classées y reste faible. Les routes de Classes I et II n’y représentent que 13,5 % de la longueur totale. Les routes de moins bonne qualité impliquent des capacités de transport limitées, une qualité de construction médiocre, et des risques d’accidents et de pannes plus élevés22. Néanmoins, comme nous l’avons vu en introduction, ces routes de qualité médiocre permettent un retour sur investissement plus important, aussi bien pour les villes que pour les campagnes, que celles de haute qualité. Le gouvernement chinois ne semble pas avoir pris ces avantages économiques en compte, puisqu’il continue de favoriser la construction de routes de haute qualité dans sa politique rurale. Lors de la 3e Assemblée plénière du 15e Congrès du Parti, Jiang Zemin a mis l’accent sur les campagnes et le Congrès a voté les « Décisions majeures sur l’agriculture et le travail gouvernemental dans les zones rurales », qui ont ensuite mené à la formulation par le Conseil des affaires de l’État de prévisions à long terme pour les routes (« 关于加快农村公路发展的若干意见 ») en 2000. Ces mesures fixaient des objectifs quantitatifs essentiels pour le réseau routier : 96 % des villages administratifs devaient être reliés par des routes en 2005, et la qualité des routes devait être améliorée dans toutes les régions. En outre, 90 % des routes de Chine orientale devaient être au minimum de Classe III en 2005 – les régions de Chine centrale et occidentale ayant le même objectif pour respectivement 2010 et 2020. Or, en 2000, le gouvernement central n’avait donné que de vagues directives pour améliorer les capacités de financement locales, encourageant surtout les responsables politiques locaux à « faire de leur mieux » pour consacrer une partie déterminée de leur budget local à la construction routière23.

    Le discours du gouvernement Hu-Wen, centré sur la création d’une « société harmonieuse », et en particulier l’accent placé sur l’allégement du fardeau des paysans et l’amélioration des revenus des campagnes (san-nong), ont considérablement renforcé l’engagement des élites dans le développement des infrastructures. Un nouvel audit des routes a été ordonné en 2002. Entre 2003 et 2005, le nouveau gouvernement à Pékin a dépensé en tout 50 milliards de yuans dans la construction de routes dans les campagnes, augmentant ainsi la longueur des routes rurales bétonnées de 176 000 km – pour se donner une idée, ce chiffre est presque égal à la longueur totale des routes construites dans les 53 premières années de la République Populaire de Chine24. 17,5 milliards de yuans supplémentaires ont été consacrés à des 22

    China Transportation, ―General Situation of Highway Construction in 2000,‖ 26/02/2000, disponible sur : http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16737.htm. 23

    ―2001-2010 Waterway and Highway Industrial Policy and Product Development Overview.‖ Transport Regulation 268 (2001). 24

    Xinhua Agency, ―China’s Countryside Bidding Farewell to Dirt Roads,‖ 28/10/2006.

    http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16737.htm

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    projets de construction routière en 200625. La volonté de Wen Jiaobao de « renouveler les campagnes »26 en Chine se traduit par le projet d’investir 100 milliards de yuans dans la construction de routes de campagne au cours de la 11e période quinquennale27. Le « Document numéro Un » de 2007, publié conjointement par le Conseil des affaires de l’État et le Comité Central, stipule que le gouvernement va concentrer ses investissements sur les campagnes, notamment pour accélérer la construction de routes en zones

    rurales28.

    En plus de ce recentrage de l’attention politique sur les campagnes chinoises, Pékin cherche des solutions aux inégalités croissantes dans l’équipement en infrastructures des différentes régions du pays. L’augmentation du nombre et de la qualité des routes a été plus importante à l’est du pays qu’en Chine centrale et occidentale. La proportion de routes de haute qualité sur le nombre total de routes était 21 % moindre à l’Est qu’à l’Ouest en 2000, et les régions de l’Ouest possédaient respectivement deux et trois fois plus de routes de district et cantonales non bétonnées et de routes de Classe IV ou inférieure (voir tableau IV en annexe). Le nombre de cantons et de villages non reliés par des routes à l’Ouest représentait respectivement 85 % et 50 % du total national29. Dans les dernières années de leur gouvernement, Jiang Zemin and Zhu Rongji ont tenté de trouver des solutions à ces disparités en formulant la stratégie de Développement de la Chine de l’Ouest (« xibu da kaifa »), qui prévoyait des investissements massifs dans cette région. Depuis 2000, des parts de plus en plus importantes des investissements routiers sont allouées aux régions de la Chine centrale et occidentale. Pékin tente également d’inciter à la construction de routes dans les régions reculées en accordant des durées de taxation plus longues pour les routes à péage, selon le Règlement pour les routes à péage entré en vigueur en 2004.

    En mai 2006, la Commission d’État pour le développement et la réforme (SDRC) a divulgué un Plan d’investissement pour les projets de rénovation des routes de campagne, dans lequel le gouvernement central s’engageait à consacrer 17,5 milliards de yuans de subventions, dont 3,5 milliards directement alloués par le budget central et 14 milliards provenant de « fonds spéciaux » des ministères du gouvernement central – tel que le ministère de la Communication. Plus spécifiquement, en Chine orientale et centrale, le gouvernement central devait consacrer 9,6 milliards de yuans à 27 012 projets visant à relier les villages et les cantons entre eux.

    25

    Xinhua Agency, ―China’s rural life still harsh,‖26/12/2006 26

    Idem. 27

    Economic Daily, 28/10/2005, ibid. 28

    Voir http://news.xinhuanet.com/politics/2007-01/29/content_5670478.htm 29

    China Transportation, ―General Situation of Highway Construction in 2000,‖26/02/2000, disponible sur : http://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16737.htm.

    http://news.xinhuanet.com/politics/2007-01/29/content_5670478.htmhttp://www.iicc.ac.cn/05traffic_overview/t20040226_16737.htm

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    Avec un investissement global de 27,4 milliards de yuans, la distance totale représentée par ces projets s’élèverait à 96 000 km. En Chine de l’Ouest, 996 projets routiers visent à relier les cantons. Pour une distance totale de 23,2 milliers de kilomètres, ces projets nécessitaient un investissement global de 17,6 milliards de yuans, dont 7,9 milliards de la part de l’État central30. 184 milliards de yuans ont été investis dans les routes de campagne en 2007, et 205 milliards de plus en 2008.

    Fédéralisme fiscal et décentralisation de la construction des routes

    Le cadre général de la réalisation de projets routiers peut être qualifié de fédéralisme fiscal. Loin d’être une institution figée, ce cadre a permis des variations dans les termes des accords de décentralisation et de répartition des coûts au fil du temps – la plupart du temps en accord avec les intérêts du gouvernement central. En 1958, Pékin a confié la responsabilité de la construction et du maintien des routes aux gouvernements locaux, tout en créant des fonds spéciaux pour la construction de routes principalement dédiées à la défense nationale. Cette décentralisation transférait le fardeau fiscal de la construction routière sur les épaules des institutions locales, résultant en un sous-approvisionnement permanent des ressources pour la construction des infrastructures et l’entretien des routes31.

    Au milieu des années 1980, le gouvernement avait tenté de dynamiser les incitations fiscales en libéralisant les contraintes préexistantes sur les levées de fonds des états locaux. Sous l’économie planifiée, la construction routière avait été principalement financée par les dotations de l’État, les bénéfices réalisés par les entreprises publiques, et les impôts locaux32. En 1984, le Conseil des affaires de l’État a donné son feu vert aux gouvernements locaux pour la construction de routes à péage et pour prospecter de nouvelles sources de fonds, y compris des organisations internationales, des banques chinoises et des investisseurs privés. Sous le 7e Plan quinquennal (1985-1989), le gouvernement a également approuvé différentes surtaxes sur les véhicules, des taxes sur la construction des ports, etc. Encore plus significativement, les agences de transport locales ont reçu le feu vert pour installer des péages sur les routes construites grâce à des levées de fonds. En outre, le gouvernement poursuit sa politique d’expropriation des

    30

    SDRC, ―Investment Plan for Rural Highway Renovation Projects in 2006,‖ 08/06/2006. 31

    Banque mondiale, Transport in China – An Evaluation of World Bank Assistance, Rapport n° 18865, Washington D.C. : Banque mondiale, 1999. 32

    Fan et Chan-Kang (2005), p. 19.

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    terres agricoles pour développer les infrastructures à des tarifs défiant toute concurrence. Ces nouvelles options et incitations fiscales contribuent largement à la croissance rapide des routes33.

    La base fiscale pour la construction des routes est principalement divisée entre les différents niveaux du gouvernement. Le terme de « ligne interurbaine » (guodao) fait référence au réseau routier élaboré par les planificateurs nationaux. Les routes de province (shengdao) qui relient les capitales provinciales et les principaux districts sont élaborées au niveau local, en cohérence avec le cadre national. Ces deux types de voies sont financés entièrement ou en partie par le budget central, dans le cadre de plans de cofinancement (peitao) qui peuvent comprendre des fonds levés localement et des capitaux étrangers. Enfin, les routes locales ou de campagne (difang), reliant les districts entre eux et aux cantons et villages, sont financées en partie par des transferts de fonds du budget central et par le Fonds pour la construction des routes (gonglu jianshe jijin), une subvention spéciale du gouvernement central. Le montant de cette subvention varie selon les régions : en 2005, la Chine orientale a reçu 2 à 4 millions de yuans par kilomètre de route, tandis que la Chine centrale et occidentale recevaient respectivement de 4 à 6 millions et de 6 à 8 millions de yuans par kilomètre. Cette subvention est destinée aux routes conformes à l’élaboration du réseau routier national et provincial. Pour les routes externes à ce réseau, le gouvernement central subventionne 4 à 6 millions de yuans par kilomètre, les fonds pouvant soit couvrir les coûts de construction, soit constituer un capital de base. En général, les responsables politiques locaux utilisent ces subventions du gouvernement central ainsi que les prévisions de péage (le cas échéant) pour négocier des emprunts bancaires qui viennent compléter le capital total pour la construction des routes de campagne34.

    Le ministère de la Communication (M.C., rebaptisé ministère des Transports en 200935), directement en charge des questions routières, tire son financement de deux sources principales : 1) une taxe sur l’achat de véhicule (chegoufei, environ 10 % du prix de la voiture), dont les revenus sont destinés à financer la construction routière ; et 2) une taxe pour l’entretien des routes (yanglufei, environ 100 yuans par tonne de marchandise transportée, principalement prélevée auprès des compagnies de transport), collectée par les autorités de transport locales au nom du ministère central. Les revenus de la taxe sur l’achat de véhicule ont rapporté 1,4 milliard de

    33

    D’après le vice-secrétaire à la Communication, ―The Infrastructural Development of China’s Highways and Waterways and Investment Policies,‖ Guanli Shijie (Management World), 2, 1995. 34

    Entretien réalisé par l’auteur avec un membre du Conseil des affaires de l’Etat, juillet 2005. 35

    Pour plus de détails sur les changements administratifs, voir : http://www.caijing.com.cn/2009-03-18/110123414.html

    http://www.caijing.com.cn/2009-03-18/110123414.html

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    yuans au développement des transports en zones rurales en 2001, 10,8 milliards en 2003, 22,7 milliards en 2006, 36,54 milliards en 2007, et 22,07 milliards en 200836. Les responsables des transports au niveau central prévoyaient de dépenser encore 45,4 milliards en 2009-2010. Notons que ces montants ne représentent qu’environ 40 % des revenus totaux de cette taxe, ce qui invite à s’interroger sur l’utilisation du reste des fonds37. Le revenu de la taxe pour l’entretien des routes, investi dans toutes sortes de projets de construction routière, s’élevait à 86,09 milliards de yuans en 2005, dont seulement 19,69 milliards (soit 23 % de la somme totale) ont servi à financer la construction de nouvelles routes en zones rurales ou à subventionner le bon fonctionnement et l’entretien des routes de campagne38. Aussi impressionnants que puissent paraître ces montants, ils ne représentent qu’une petite partie de l’investissement prévu pour les routes en 2005 – 488 milliards de yuans39. Pékin soutient que le gouvernement central est le « leader », même si d’autres sources fournissent la majeure partie de l’investissement.

    Comme par le passé, les gouvernements provinciaux jouent un rôle prépondérant dans le financement des routes provinciales : les dernières directives stipulent que les districts doivent lever 35 % du capital initial de leurs propres sources de financement (y compris les péages) et de la vente de bons du Trésor – les 65 % restants pouvant provenir d’emprunts bancaires40. Même si les transferts de fonds du gouvernement central (fonds spéciaux du ministère et bons du Trésor) dépassent rarement 10 % du financement total des grands projets de voies express et routiers, les gouvernements locaux sont forcés de faire du lobbying, car toute une série de problèmes plus importants que les subventions du gouvernement central entrent en jeu dans ces projets cofinancés par le central et le local (peitao). Parmi ces problèmes figurent l’acceptation de futurs projets, les trajets de routes interurbaines nationales, les subventions pour la lutte contre la pauvreté, les termes s’appliquant aux routes à péages, l’accès au crédit, etc. Nous allons traiter certains de ces liens dans la partie suivante.

    Le système mis en place pour partager les coûts n’a pas d’impact significatif sur la construction des routes de campagnes de classe inférieure, qui relève toujours largement de la responsabilité

    36

    Données disponibles sur : http://news.chinavoc.cn/Tax/Files/200707/37779.html et http://www.gov.cn/jrzg/2009-04/17/content_1287925.htm 37

    Voir : http://news.chinavoc.cn/Tax/Files/200707/37779.html 38 En 2004, les montants équivalents s’élevaient respectivement à 74,317 milliards et 3,199 milliards. Voir : http://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融资的可行性路径分析.pdf. 39

    Ibid. 40

    Fan et Chan-Kang (2005), p. 21. Voir aussi : http://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融资的可行性路径分析.pdf.

    http://news.chinavoc.cn/Tax/Files/200707/37779.htmlhttp://www.gov.cn/jrzg/2009-04/17/content_1287925.htmhttp://news.chinavoc.cn/Tax/Files/200707/37779.htmlhttp://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融资的可行性路径分析.pdfhttp://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融资的可行性路径分析.pdfhttp://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融资的可行性路径分析.pdfhttp://www.hebjtinfo.com/UpFiles/Article/专题研究/农村公路管养专题/资金筹措管理/农村公路建设融资的可行性路径分析.pdf

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    des autorités locales41. La loi sur les routes de 1997 stipule que les routes de campagne et de classe inférieure doivent être construites et entretenues (zijian ziyan) par les autorités concernées, qui reçoivent l’aval d’une agence planificatrice de leur district ou de leur préfecture sans avoir à passer par l’autorité supérieure. Comme on peut s’y attendre, cet abaissement de niveau procédurier a souvent mené à des attitudes cavalières quant à la faisabilité des projets et dans l’analyse des projets, ainsi qu’au déploiement de stratégies « de campagne électorale » (da hui zhan) de la part des élites locales assimilant le succès à relier des zones administratives à des « victoires politiques » (zhengji), sans se soucier des conséquences socio-économiques ni des logiques de marché propres à ces routes. Le financement des routes de campagne au niveau central s’est concrétisé dans les trois dernières années du 10e Plan quinquennal, lorsque le gouvernement s’est engagé à fournir une somme fixe de subventions par kilomètre. Ces subventions varient en fonction des régions et du niveau de gouvernement. Auparavant, une subvention de l’État central était considérée comme une forme de don42. Ces dernières années, Pékin a commencé à réclamer un remboursement partiel des prêts43.

    Les tableaux 5.1 et 5.2 détaillent les sources de financement de base pour les principaux projets routiers, y compris des routes aux niveaux national et des districts. Les graphiques 6 et 7 retracent les sources de financement des routes de campagne au niveau local44. Les différentes parts de financement du gouvernement central dans ces deux types de routes sont facilement vérifiables. Il est à noter qu’une estimation chiffrée de la valeur de différents types de travail réquisitionné – dont on observe le déclin au cours de la période de réforme fiscale – figure parmi les « autres » catégories de financement pour les routes de campagne. Nous expliquerons ce phénomène plus bas.

    41

    Pour une excellente vue d’ensemble des routes dans les campagnes chinoises, voir : http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327163347541.ppt 42

    Par exemple, en 2009, la province de Henan a reçu 0,58 milliards de yuans en plus de la NDRC pour f843 projets (1500 km) concernant 1 590 villages, sur la base d’une subvention classique de 100 000 yuans/km. Cette somme est ensuite complétée par les allocations des provinces et des gouvernements locaux. Voir : http://midchina.xinhuanet.com/2009-04/03/content_16152246.htm. A titre de comparaison, la province plus riche de Fujian a reçu 0,35 milliards de yuans pour 1 020 projets (3 500km) concernant 950 villages, qui les utiliseront pour recouvrir les chaussées de ciment. Voir : http://www.ptfdc.com/html/putianxinwen/20090406/45260.html 43

    Entretien de l’auteur avec un membre du Conseil des affaires de l’Etat, juillet 2005. 44

    Voir aussi : http://www.lmjx.net/tec/2007/200709/20070924111001.shtml

    http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327163347541.ppthttp://midchina.xinhuanet.com/2009-04/03/content_16152246.htmhttp://www.ptfdc.com/html/putianxinwen/20090406/45260.htmlhttp://www.lmjx.net/tec/2007/200709/20070924111001.shtml

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    Table 5.2. Principaux projets routiers

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    2002 209 27700 14600 550 120 5,2 25 63 9

    2003 219 26100 14700 580 130 4 25 56 8

    2004 371 34800 21400 970 190 5,5 33 115,3 6,2

    2005 434 41400 25500 1 227,3 258,5 4,7 54,3 158,5 11

    2006 559 43224 22189 1 232,2 299,9 1,2 65,3 197,1 6,2

    2007 493 35143 25247 1 369,4 338,2 2,909 78,7 209,6 7,1

    Source : Calculs basés sur les données du Yearbook of China Transportation & Communications, Yearbook of China Transportation & Communications Press, différentes années entre 2003 et 2008.

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    22 © Ifri

    Table 5.2 Major Highway Projects by Region

    région Est

    année Nombre

    de projets Kilométrage

    total

    Investissements dans l’année

    (Mld Y)

    Investissement de l’État central (Mld Y)

    2002 59 5 400 47,5 6,2

    2003 68 6 000 48,4 4,2

    2004 121 7 840 70 6,5

    2005 125 9 200 99,7 6,1

    2006 209 11126 115,7 4,5

    2007 162 7 402 575,8 8,104

    région Centre

    année Nombre

    de projets Kilométrage

    total

    Investissements dans l’année

    (Mld Y)

    Investissement de l’État central (Mld Y)

    2002 53 7 000 37 7,2

    2003 53 7 493 40 7,1

    2004 79 8 366 50 8,6

    2005 111 9 438 64,8 6,6

    2006 155 12389 74,7 8,3

    2007 149 9 856 401,2 10,504

    région Ouest

    année Nombre

    de projets Kilométrage

    total

    Investissements dans l’année

    (Mld Y)

    Investissement de l’État central (Mld Y)

    2002 97 15300 33 11,7

    2003 98 12670 43 12,4

    2004 171 18590 70 20

    2005 198 22750 89,5 21,5

    2006 195 19710 109,4 18,4

    2007 182 17885 465,6 24,301

    Source : Calculs basés sur les données du Yearbook of China Transportation & Communications, Yearbook of China Transportation & Communications Press, différentes années entre 2003 et 2008.

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    23 © Ifri

    Graphique 6. Financement des routes en zones rurales (niveau district ou inférieur)

    Chart 6 Financing Rural Roads (County Level and

    Below)

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    90

    Central fiscal

    funds

    Vehicle

    purchasing

    taxes

    Bank loans Local self-

    raised funds

    Others

    %

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    Budget national

    Taxes sur l’achat de véhicules

    Emprunts bancaires

    Levées de fonds au niveau local

    Autres

    Source : Données tirées du Tableau 2 dans 交通部科学研究院, "农村公路建养投资机制研究," 交通与发展研究课题网站,2006年2月,p. 8, http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327161554875.doc et 交通部科学研究院, "农村公路建养投资机制研究," 交通与发展研究课题网站,2006年3月,http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327161623778.ppt.

    http://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327161554875.dochttp://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327161623778.ppthttp://dev.catsic.com/ewebedit/UploadFile/2006327161623778.ppt

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    24 © Ifri

    Graphique 7. Sources de revenus pour la construction routière (2002-2008)

    Budget national

    Taxes sur l’achat de véhicules

    Emprunts bancaires

    Levées de fonds au niveau local et autres

    Capitaux étrangers

    Note : Sources et catégories de données différentes du Tableau 6 Sources : 2002 disponibles sur : www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200709/t20070926_409258.html 2003 disponibles sur : www.moc.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200810/t20081021_529967.html 2004 disponibles sur : www.iicc.ac.cn/jtzt/jtfz/shuju/200808/23684.html 2005 disponibles sur : http://www.moc.gov.cn/2006/05zhuzhi/zongheghs/guihuasigzdt/t20060518_33155.htm 2006 disponibles sur : http://www.mot.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200710/t20071011_431308.html 2007 disponibles sur : http://www.stats.gov.cn/tjgb/qttjgb/qgqttjgb/t20070430_402402691.htm 2008 disponibles sur : www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200904/t20090429_577812.html

    Tout au long des années 1990 et au début des années 2000,

    Pékin s’est concentré sur la production de routes de haute qualité pour relier les capitales de districts et les villes côtières qui connaissaient un boom économique. Pendant ce temps, moins de 2 milliards de yuans étaient consacrés chaque année aux réseaux

    http://www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200709/t20070926_409258.htmlhttp://www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200709/t20070926_409258.htmlhttp://www.moc.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200810/t20081021_529967.htmlhttp://www.moc.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200810/t20081021_529967.htmlhttp://www.iicc.ac.cn/jtzt/jtfz/shuju/200808/23684.htmlhttp://www.moc.gov.cn/2006/05zhuzhi/zongheghs/guihuasigzdt/t20060518_33155.htmhttp://www.moc.gov.cn/2006/05zhuzhi/zongheghs/guihuasigzdt/t20060518_33155.htmhttp://www.mot.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200710/t20071011_431308.htmlhttp://www.mot.gov.cn/zizhan/siju/guihuasi/tongjixinxi/niandubaogao/200710/t20071011_431308.htmlhttp://www.stats.gov.cn/tjgb/qttjgb/qgqttjgb/t20070430_402402691.htmhttp://www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200904/t20090429_577812.htmlhttp://www.moc.gov.cn/zhuzhan/tongjixinxi/fenxigongbao/tongjigongbao/200904/t20090429_577812.html

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    25 © Ifri

    routiers des zones rurales45. Cette discrimination politique a duré jusqu’en 2003, après quoi la Commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC) a entamé un réel effort pour élever les routes de campagne au rang de priorité. Ainsi, le nombre de voies express et de routes de Classe I et II était en augmentation considérable tandis que le nombre de routes de classe inférieur augmentait lentement. Entre 1980 et 2002, la longueur des voies express a augmenté à un rythme de 44,4 % par an ; celle des routes de Classe I de 28,5 % ; de 14 % pour celles de Classe II ; de 5,1 % pour celles de Classe III ; et de 3,2 % pour celles de Classe IV. Jusqu’en 2000, la longueur des routes non classées avait diminué, mais elle a quelque peu augmenté depuis. Notons que le taux de croissance moyen de l’ensemble des routes sur cette période était à peine de 2,9 %, indiquant le poids relatif des routes de classe inférieure sur le réseau global des infrastructures46.

    La loi sur les routes de 1997 de la République Populaire de Chine a établi une série de critères et de régulations pour les routes financées par des emprunts qui étaient ensuite remboursés grâce aux taxes imposées aux utilisateurs des routes, pour les routes à péage financées par des investissements nationaux et étrangers, et pour le transfert des revenus nets des droits de propriété des routes. Grâce à ces améliorations sur le terrain légal, les sources de financement pour les routes se sont de plus en plus diversifiées (voir tableaux 5.1 et 5.2 ci-dessus)47. Par exemple, sous le 9e Plan quinquennal, le revenu des taxes pour l’entretien des autoroutes représentait 53 % de la totalité des fonds alloués à la construction des routes, c’est-à-dire bien moins qu’auparavant. 36 % supplémentaires provenaient d’autres sources de financement nationales, dont les taxes sur l’achat de véhicule, différents transferts de fonds gouvernementaux, des prêts contractés auprès de banques chinoises, et des bons du Trésor. Face au besoin de stimulus fiscal au niveau national après la crise financière asiatique, Pékin a commencé à émettre des bons du Trésor public à échéance lointaine. Près de 87 milliards de yuans en bons ont ainsi été émis entre 1998 et 2002, provoquant un boom majeur dans la construction des routes de campagne48. Ce montant représentait 13,2 % de la totalité des bons émis au cours de la même période. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir de Wen Jiabao, le Conseil des affaires de l’État parle de réduire la quantité de bons pour les routes à 10 % de la totalité des bons émis, en cohérence avec une politique macroéconomique moins inflationniste qui reposerait plutôt sur un investissement

    45

    China Daily, ―Road to Link Remote Villages,‖ 19/06/2006. 46

    Fan et Chan-Kang (2005), p. 7. 47

    La loi sur les routes a été révisée en 1999 et en 2004, entraînant une réduction des options de financement pour les gouvernements locaux. Nous en exposerons les détails plus bas. 48

    Fan et Chan-Kang (2005), p. 19.

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    modéré de capitaux fixes49. Cet objectif est en cours de discussion, car les dirigeants politiques redoutent des conséquences sur le financement de l’ensemble des routes ; en particulier, une diminution de l’aide de l’État via les bons du Trésor pourrait rendre les banques de dépôt chinoises plus frileuses à accorder des prêts. Avec une participation accrue de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement et des investisseurs étrangers, les emprunts à l’étranger et les IDE représentent respectivement 8 % et 3 % du montant total.

    Avec des flux de trésorerie en augmentation et des pressions pour le désengagement de l’État d’entreprises publiques, les routes de district attirent de plus en plus de convoitises. Pour les banques de dépôt, ces routes sont le meilleur investissement après l’immobilier : elles sont assurées politiquement, et permettent un fort retour sur investissement50. Des organisations financières internationales se sont lancées avec enthousiasme dans l’investissement de projets routiers en cohérence avec les objectifs de réduction de la pauvreté, et s’impliquent en profondeur dans la gestion à l’échelle locale des questions environnementales, de rémunération, de relocalisation et autres aspects sociaux inhérents aux projets routiers. Plus problématique en termes de gouvernance, les gouvernements locaux encouragent des processus de « recombinaison des ressources » (recombinant property, Stark 1996), ou la création d’entreprises « quasi privées » (Barbara-Francis 2001) à la recherche de gains privés et de souplesse de financement. On peut citer deux exemples typiques de telles mesures : les entreprises routières publiques cotées en bourse, et les sociétés de construction privatisées, anciens bureaux des routes de district (gongluju) ou ex-agences du département de la communication (jiaotongting) cherchant à acquérir des parts dans les projets routiers. Comme on le verra plus bas avec les études de cas, ces sociétés dotées d’un bon réseau de contacts exercent une influence considérable sur la destination des ressources et des revenus nets des droits de propriété décidée par les districts, ainsi que sur la qualité des contributions privées et sur les forces du marché dans le secteur des transports.

    Pour résumer, dans un cadre fiscal fédéraliste, les gouvernements central et locaux ont la principale responsabilité des différentes juridictions appliquées aux routes, alors qu’ils se partagent les coûts des axes interurbains et des routes provinciales. Cet arrangement implique plusieurs types de rôles et de responsabilités administratifs décentralisés : délégation par l’État central de sa propriété et de ses fonctions administratives aux localités, rapports

    49

    Jianshe Jixie Jishu yu Guanli, ―Current State and Developmental Goals of Road Constructions in China,‖08/2004. 50

    Entretien de l’auteur avec un membre du M.C., juillet 2005. L’interlocuteur affirmait que les banques ne se donnent même pas la peine de faire des recherches approfondies sur les risques pour les investissements routiers.

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    hiérarchisés et asymétriques entre les différents niveaux de l’administration, et responsabilités dévolues et déléguées par les états locaux – en tant que propriétaires – aux entreprises semi-publiques et aux sociétés du secteur privé – en tant qu’entre-preneurs51. Dans les pages suivantes, nous allons examiner les complications émergeant de tels rapports.

    Problèmes de classification des routes

    Étant donné que les statistiques officielles catégorisent les routes à la fois en termes de spécificités techniques et de niveaux administratifs, et que nous ne disposons pas de données suffisantes pour déterminer dans quelle mesure ces deux types de catégories se recouvrent, il nous faut appuyer notre démonstration sur deux hypothèses. Premièrement, celle selon laquelle les deux types de catégories ne se recouvrent pas : les routes de classe supérieure auront tendance à être assimilées aux voies express de district (xian) et aux axes interurbains, et celles de classe inférieure aux routes de district ou de niveau inférieur. Deuxièmement, puisque les routes de district et de niveau inférieur perçoivent une subvention de l’État central d’un montant forfaitaire par kilomètre tandis que les routes de niveau plus élevé sont financées dans le cadre de systèmes plus complexes de partage des coûts, nous ferons l’approximation que ces différences fiscales et procédurières s’appliquent également aux routes de classe inférieure – par opposition à celles de classe supérieure. Dans les parties suivantes, nous nous proposons d’illus-trer ces deux types de catégorisation avec les données disponibles.

    51

    Pour des définitions précises des différentes formes de décentralisation, voir Robinson et Stiedl (2001).

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    Fondements fiscaux des projets routiers : zoom sur les institutions et les processus au niveau provincial

    Différentes approches pour expliquer les variations régionales et temporelles

    Dans cette partie, nous voulons étudier la logique de politique économique derrière trois hypothèses en concurrence – qui pour autant ne s’excluent pas entre elles – pour expliquer l’impact de certains aspects des systèmes décentralisés de cofinancement de la production routière en Chine. Sans évaluer le degré de validité de chacune de ces hypothèses, nous exposerons les divergences dans leurs manières respectives de rendre compte des tendances surprenantes à la baisse de la croissance de la construction autoroutière et aux variations entre les régions dans la durée. Après avoir exposé ces trois hypothèses, nous présenterons des études de cas pour étayer leurs arguments respectifs.

    Hypothèse n° 1, « insuffisance des revenus fiscaux » Lorsque le gouvernement central a élaboré le premier projet de loi sur le réseau national des infrastructures de transport en 1998, son intention était de préserver le système décentralisé de production des routes établi dans les années 1980. Cependant, à partir de 1999, les institutions locales ont subi des revers inattendus dans leurs processus de levée de fonds, car les sources de revenus traditionnelles se sont taries sans que de nouvelles ne commencent à affluer. Ainsi, le déclin total de la capacité des localités à dégager des fonds, en particulier pour les routes de classe inférieure dans les zones rurales, serait à l’origine du déclin de la production routière. Les principales variations régionales s’expliqueraient par la meilleure situation fiscale des régions côtières de la Chine orientale, permettant à ses provinces de répondre aux exigences de Pékin en construisant plus de routes de campagne depuis 2003.

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    Hypothèse n° 2, « biais procéduriers » Les gouvernements des provinces ne sont pas aussi pauvres qu’ils le prétendent dans le but de soutirer davantage de ressources du gouvernement central. Les responsables des provinces préfèrent soupeser les avantages relatifs de chaque type de route, avantages qui sont institutionnalisés dans les processus de gestion des projets routiers, ce qui mènerait à des stratégies politiques de discrimination envers les routes de campagne de classe inférieure. Ce serait donc une question de choix politiques et de définition des priorités parmi les différentes options dans la recherche de revenus. Les variations régionales les plus importantes s’expliquent par les différences entre les provinces dans la manière dont la bureaucratie politique gère les projets routiers, qui influent sur les interprétations spécifiques de chaque responsable politique des opportunités offertes par le système général décentralisé.

    Hypothèse n° 3, « qualité des capitaux privés investis » Étant donné la pénurie – absolue ou relative – de financements pour certains types de routes, on ne peut parvenir à un niveau de construction routière suffisant qu’en faisant des appels d’offres pour financer certains projets routiers, soit en partie soit dans leur intégralité. L’échec à obtenir des investissements privés fiables serait à l’origine des variations observées dans la construction routière. Cet argument s’appuie fondamentalement sur une logique de marché, et considère que les complications proviennent de luttes entre état et société autour des termes de la coopération. Par rapport aux autres hypothèses, cette dernière privilégie l’étude des dynamiques procédurières « ascendantes » et des pressions des groupes d’intérêts ayant un impact sur les préférences des provinces pour la construction routière et pour certains types de routes. La précipitation des responsables politiques de provinces à obtenir des investissements privés dans une logique de profits serait un contrepoids négatif à la construction de routes d’intérêt public.

    Illustration de l’hypothèse de l’insuffisance des revenus fiscaux

    Le déclin absolu de la capacité des institutions locales à dégager des fonds expliquerait le ralentissement de la construction des routes, ainsi que la lenteur particulière du développement des routes de campagnes de qualité inférieure à la classe III par rapport aux voies express et aux routes de classe plus élevée. Des reportages dans les journaux provinciaux entre 2000 et 2005 suggèrent que les grands coupables du déclin des capacités fiscales locales sont l’évolution de la base fiscale, les pressions des réformes fiscales (« de la taxe à l’impôt ») et de la taxe agricole, et des incidents de plus en plus nombreux liés à des mouvements sociaux locaux de résistance aux

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    actions collectives coercitives dirigées par les cadres. Nous n’évoquerons pas ici les causes complexes de ces changements ; nous nous concentrerons plutôt sur leurs effets sur les capacités des localités à lever des fonds.

    Tout au long des années 1980 et 90, la source principale de financement des projets routiers pour les provinces ainsi qu’aux niveaux administratifs inférieurs était la taxe pour l’entretien des routes (yanglufei), collectée par tous les niveaux de gouvernement local. Par définition, les revenus de cette taxe ne devaient pas servir à construire de nouvelles routes mais à entretenir celles qui existaient. Parmi les véhicules concernés par cette taxe figuraient les tracteurs agricoles, les véhicules de passagers et les camions de marchandise. Dans les zones rurales, les tracteurs agricoles fournissaient le plus gros des revenus. Les autorités routières locales perçoivent la taxe au nom du ministère de la Communication (M.C.), et, depuis 1996, elle fait partie de la gestion au niveau local. Pour résumer, les revenus de la taxe passent d’abord par la trésorerie locale, et une partie du montant serait reversée au M.C., tandis que les institutions locales puisent également directement dedans pour couvrir leurs dépenses. Avant 2006, les planificateurs économiques de l’État ne connaissaient pas les montants exacts des revenus de la taxe pour l’entretien des routes reversés aux autorités centrales et ceux gardés pour les besoins des institutions locales – ces opérations étaient classées confidentielles par le M.C. En 2006, sous la pression de différentes sources gouvernementales, le M.C. a rendu publiques les données sur l’utilisation des fonds issus de la taxe pour l’entretien des routes pour l’année 2003. Il semblerait que 45 % de ces fonds aient été consacrés à l’entretien et à l’amélioration des routes, 15,5 % à la construction de nouvelles routes, et 15 % supplémentaires ont été spécifiquement dédiés à la construction et à la maintenance de routes en zones rurales. Les 24,5 % restant ont principalement servi à couvrir les frais généraux52.

    Avec le temps, les revenus de la taxe pour l’entretien des autoroutes se sont faits plus rares, du fait de l’évolution de la nature du trafic et de l’évasion fiscale pratiquée par les propriétaires de tracteurs53. Plus sérieusement encore, les autorités des transports

    52

    Zhongguo Jiaotong Bao, 24/11/06, publié sur le site officiel du M.C. :

    www.moc.gov.cn/06jiaotongbaoxw/lishixw/06nian11y/200611/t20061124_125372.html. Ces taxes étant censées être supprimées avec la mise en place de la taxe nationale sur le carburant en 2009, les données des autres années peuvent être introuvables. 53

    Renda Yanjiu, Vols. 98 et 99, 2000, p. 22. La province de Gansu signalait un

    déclin de 12% – de 544,3 à 522,7 millions de yuans – dans les revenus collectés de la taxe pour l’entretien des routes sur les trois premiers quartiles de 1999 comparé à la même période en 1998. Parmi les raisons invoquées, on a cité une baisse du trafic des tracteurs agricoles due à la sécheresse cette année-là, que les représentants de la province de Gansu n’ont pas été capables de compenser les années suivantes, les autres sources de trafic étant limitées. Ce déclin a été particulièrement rapide dans le premier quart de l’année, le montant total des revenus du yanglufei ayant

    http://www.moc.gov.cn/06jiaotongbaoxw/lishixw/06nian11y/200611/t20061124_125372.htmlhttp://www.moc.gov.cn/06jiaotongbaoxw/lishixw/06nian11y/200611/t20061124_125372.html

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    ont dénoncé le relâchement des comportements des conducteurs : « dans certaines régions, le niveau de résistance à la loi est passé de simples actes de désobéissance individuelle à des actions collectives, des attaques en bandes, et des agressions verbales sur les percepteurs »54. Dans de telles circonstances, les percepteurs ont visiblement perdu toute motivation pour leur travail.

    La réforme fiscale n’a fait que renforcer la tendance aux évasions fiscales. Bien que la mise en place de cette réforme majeure et les suppressions d’impôts spectaculaires ne soient pas intervenues avant 2003, les pressions politiques pour diminuer les taxes locales étaient de plus en plus fortes les années précédentes55. En réalité, la révision en 1999 de la loi sur les routes aurait dû mettre un terme officiel à la perception de la taxe pour l’entretien des routes – « les conducteurs ne doivent plus payer de frais d’entretien des autoroutes, et les agences routières ne pourront pas leur faire payer ces frais ou les réclamer rétroactivement »56. Dans la ville de Quzhou, province de Zhejiang, les institutions locales se plaignent du fait que des pressions politiques pour « alléger le fardeau des paysans » (jianfu) et « rationaliser le système fiscal » (guifan) ont mené à des suppressions d’impôts sur les trajets de bus et à des diminutions annuelles des prélèvements de taxes sur les petits véhicules. Vu la stabilité du montant des subventions versées aux cantons et aux communes pour financer les routes provinciales – environ 30 millions de yuans par an pour la ville de Quzhou – les institutions locales sont confrontées à des écarts budgétaires de plus en plus importants.

    En plus de réduire la base fiscale à l’échelle locale, la réforme fiscale a donné libre cours à la résistance sociale face à toute une variété de mesures fiscales et à la participation forcée aux travaux publics. Ceci est assez ironique si l’on considère que le but principal de la réforme était précisément de réduire ce type de comportements. La désobéissance sociale était souvent liée au fait que des responsables locaux s’opposent à la réforme et continuent d’appliquer des taxes illégales. Au Gansu, on a reproché à la réforme fiscale de « diminuer la tendance psychologique des conducteurs à obtempérer de leur plein gré »57 face aux percepteurs. Dans la province du Liaoning, la réforme a mené au démantèlement de programmes liés à la construction routière tels que la corvée obligatoire (nongmin yiwugong), la participation aux travaux collectifs

    chuté de 45.2% sur la même période l’année dernière. Grâce aux efforts dignes de campagne politique déployés par les cadres provinciaux, le montant total des revenus de la taxe en 1999 ont pu être sauvés de la catastrophe. Au final, le montant n’a chuté que de 50 millions de yuans par rapport à 1998. 54

    Idem. 55

    Jiaotong Caihui,―农村税费改革对我国县乡公路建设和养护资金的影响,‖Vol. 187,

    No. 2, 2003. 56

    ―Yanlufei has been illegally collected in the past six years,‖ Jiancha Ribao, 24/08/2006. 57

    Renda Yanjiu, Vols. 98 et 99, 2000, p. 22.

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    en guise de moyen de paiement des impôts, et les systèmes de levées de fonds collectives dans les villages. En conséquence, les options de financement pour la construction et l’entretien des routes de campagne se sont raréfiées, les gouvernements locaux s’appuyant davantage sur les solutions traditionnelles – taxe pour l’entretien des routes et transferts de fonds des gouvernements provinciaux58. Ce résultat va à l’encontre de la stratégie de diversification financière poursuivie dans le cadre de la décentralisation des années 1980 et 90. Dans le cas de Quzhou, dans la province de Zhejiang, au cours du 9e Plan quinquennal, le travail obligatoire avait contribué à plus de la moitié du financement total des routes et les levées de fonds collectives auraient généré l’équivalent de 400 à 500 millions de yuans. Cependant, à partir de 2000, ces mesures se sont raréfiées. Entre 1999 et 2000, les montants issus de levées de fonds collectives sont tombés de 64,5 à 48,4 millions de yuans59.

    Du fait de l’insuffisance des revenus fiscaux, les provinces les plus pauvres se sont endettées davantage pour pouvoir se conformer aux exigences du gouvernement central en matière d’extension des infrastructures de transport60. Face au rétrécissement de la base fiscale au niveau local et aux transferts permanents de fonds du gouvernement central (s’élevant seulement au quart du capital total nécessaire, et n’en excédant jamais les 30 %), le Gansu s’est endetté de plus en plus vis-à-vis des banques et de prêteurs étrangers, organisations internationales ou particuliers : en 2000, le montant de tous les prêts contractés s’élevait à environ 7 milliards de yuans61. La province du Henan a, elle, accumulé 32 milliards de yuans de dettes pour les seules routes de province, générant un taux d’intérêts à 2,5 milliards par an en 2006. La somme totale des revenus des péages pour cette même année n’était que de 2 milliards de yuans, rendant le remboursement impossible. En conséquence, 87 stations de péages dans la province du Henan ont dû être remises aux mains des créanciers62. Sur l’ensemble du pays, dans environ 17 provinces, la gestion des routes est déficitaire, et monopolise une quantité de ressources estimée à près d’un tiers des fonds transférés par le gouvernement central pour financer des projets routiers63.

    Comme on pouvait s’y attendre, les régions les plus durement touchées par l’insuffisance des revenus fiscaux qui résulte des

    58

    Liaoning Jiaotong Keji, Vol. 4, 2005. 59

    ―加快县乡公路建设的途径与措施,‖ Journal of Zhejiang Vocational and Technical

    Institute of Transportation, Vol. 13, N° 13, sept. 2002. 60

    Fazhan ,Vol. 7, 2002, p.5 61

    Renda Yanjiu, Vols. 98 et 99, 2000, p. 22. 62

    ―Henan’s Total Toll Collection Cannot Pay off Loan Interests, Problems of Over-Investment Exposed,‖ Zhongguo Jinji Zhoukan, 11/09/2006. 63

    ―世行报告称中国高速公路通行费和国际相比偏高,‖ Zhongguo Qingnian Bao,

    13/02/2007, disponible sur : http://news.tom.com/2007-02-13/OI27/84574022.html

    http://news.tom.com/2007-02-13/OI27/84574022.html

  • K.-C. Lin / Réseau routier en Chine

    33 © Ifri

    évolutions de la base fiscale, des pressions politiques et de la résistance sociale opposée à la perception des impôts sont surtout les zones agricoles les moins développées. En particulier, les difficultés à lever des fonds à l’échelle locale ont des répercussions directes sur les routes de campagne de mauvaise qualité, mais ne posent pas nécessairement problème pour les voies express et les routes de meilleure qualité aux niveaux national et provincial, celles-ci étant principalement cofinancées par les gouvernements central et provinciaux. Ainsi, on pourrait s’attendre à ce que, dans un premier temps, les provinces côtières de l’est de la Chine, qui bénéficient de meilleurs financements, aient un excédent de routes de classe supérieure et un déficit de routes locales dans les zones rurales, mais sous l’effet de la pression de Pékin, ces provinces peuvent améliorer ce dernier point. D’autre part, les régions de la Chine centrale et occidentale tentent de se conformer aux exigences du gouvernement central aux points de vue quantitatif et