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avec la Troupe du Théâtre de la Ville SeRge MaggIaNI cHaRLeS-ROgeR BOUR céLINe caRRèRe JaURIS caSaNOVa VaLéRIe daSHWOOd PHILIPPe deMaRLe SaNdRa FaURe gaëLLe gUILLOU SaRaH KaRBaSNIKOFF STéPHaNe KRäHeNBüHL géRaLd MaILLeT WaLTeR N’gUYeN PaScaL VUILLeMOT dossier pédagogique SaISON 2015 I 2016 25 SePT. < 10 OcT. { aU THéâTRe deS aBBeSSeS } Le Faiseur BaLZac I EMMANUEL deMaRcY-MOTa RePRISe

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avec la Troupe du Théâtre de la Ville

serge maggianicharles-roger Bourcéline carrèreJauris casanovavalérie dashwoodphilippe demarlesandra Fauregaëlle guillousarah KarBasniKoFFstéphane KrähenBühlgérald mailletwalter n’guyenpascal vuillemot

dossier pédagogique saison 2015 i 2016

25 sept.<10 oct.{au théâtre des aBBesses }

Le FaiseurBalzac i EMMANUEL demarcy-motareprise

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BALZAC I EMMANUEL DEMARCY-MOTAAVEC LA TROUPE DU THÉÂTRE DE LA VILLE

Le Faiseur reprise

VARIATIONSDE LA DETTE

d’hier à aujourd’hui, cette rare comédiede Balzac dévoile les manœuvres dou-teuses d’hommes d’affaires aux abois.

Il arrive qu’un metteur en scène, fasciné comme je le suis par les romans, se demande s’il ne pourrait paspar hasard adapter l’un d’entre eux à la scène. C’est ainsi que, partant de Balzac, je suis tombé sur sa piècede théâtre Le Faiseur, qui m’a tout de suite saisi par son caractère insolite, à part, et par son actualité. C’estque le thème de la dette a aussitôt retenu mon attention. La dette ! Il suffit de tendre l’oreille à la rumeur dumonde pour entendre retentir ce mot dans bien des domaines divers, et pas seulement économiques.Cependant, ce n’est pas la dette symbolique qui m’a interpellé (celle du mal, de la culpabilité…) mais la detteréelle, la dette nécessaire, incontournable, qui fait le cœur de la pièce de Balzac. Mercadet, son héros, fait desdettes, et toute sa question n’est pas du tout de les rembourser, mais de se débarrasser de ses échéances etde conserver ses créanciers. Logique fascinante que celle d’une telle pièce, qui s’étend jusqu’à la société toutentière et à la politique des États, et dont il y a peu d’exemples dans le théâtre : sauf à penser à Timond’Athènes de Shakespeare et à L’Échange de Claudel. Le génie du héros Mercadet, qui est une sorte de dés-équilibré à sa façon, c’est d’aller toujours de l’avant, de faire sans cesse pencher la balance et de se confor-mer davantage aux fluctuations du monde qu’aux conforts de la famille. Ce en quoi il est assurément notrecontemporain, car on nous dit qu’il faut trouver la stabilité dans un monde en crise, mais nous sommes bienplus des navigateurs dans la tempête qui suivent les roulis et les tangages du vaisseau auquel ils s’accro-chent, que de paisibles passagers calfeutrés dans leur cabine.

Emmanuel Demarcy-Mota

MISE EN SCÈNE emmanuel demarcy-motaASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE christophe lemaireSCÉNOGRAPHIE & LUMIÈRES yves colletMUSIQUE Jefferson lembeyeCOSTUMES corinne BaudelotMAQUILLAGES catherine nicolasACCESSOIRES clémentine aguettantCOLLABORATION ARTISTIQUE François regnaultTRAVAIL VOCAL France cartigny & maryse martinesASSISTANTE DÉCOR Federica mugnaiASSISTANT LUMIÈRES nicolas BatsASSISTANTES COSTUMES elisabeth cerquera & anne yermolaCONSTRUCTION DÉCOR espace et compagnie

production Théâtre de la Ville-Paris

photos de répétition © Jean-Louis Fernandez

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SOMMAIREl’argent & le destin i F. regnault p. 4

résumé p. 6

en équilibre… i e. demarcy-mota p. 8

Balzac & les chiffres p. 10

l’argent joue à cache-cache ... p. 11

le napoléon de la dette p. 12

premières représentations p. 15

m. de Balzac saisi par le théâtre p. 16

un personnage hors du commun p. 19

le Faiseur et ses mensonges p. 20

Balzac et son siècle p. 24

Balzac : un visionnaire passionné p. 25

…dérive spéculative : le Bitcoin p. 26

Balzac p. 28

emmanuel demarcy-mota p. 29

l’équipe artistique p. 30

les comédiens p. 31

À entendre IBibliographie non exhaustive p. 33

avec

serge maggianiAUGUSTE MERCADET

valérie dashwoodMADAME MERCADET

sandra FaureJULIE MERCADET

pascal vuillemotJUSTIN (valet de chambre)

gaëlle guillouTHÉRÈSE (femme de chambre)

céline carrèreVIRGINIE (cuisinière)

Jauris casanovaADOLPHE MINARD (teneur de livres)

philippe demarleMICHONNIN DE LA BRIVE

stéphane KrähenbühlBREDIF (propriétaire) & DE MÉRICOURT (autre jeune homme)

sarah KarbasnikoffPIERQUIN (usurière, créancière de Mercadet)

gérald mailletVERDELIN (ami de Mercadet)

charles-roger BourGOULARD (homme d’affaires, créancier de Mercadet)

walter n’guyenVIOLETTE (courtier d’affaires, créancier de Mercadet)

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Dans une lettre du 6 août 1848 à Madame Hanska,qui réside alors dans son château d’Ukraine, Balzacannonce qu’il a projeté un « répertoire » de vingtpièces de théâtre qu’il compte écrire, dont Le Faiseur,appelé alors Mercadet. Un petit nombre d’entre ellesont été écrites, les autres jamais (son théâtre com-porte semble-t-il seulement sept pièces). Le Faiseurest la plus connue, et elle fut assez souvent reprise,pour un auteur qui passe avant tout pour un roman-cier et dont on a adapté tant d’œuvres romanesquesau cinéma et à la télévision.Il ne doutait pas de réussir dans le théâtre, qu’il ado-rait, et, après tout, l’époque romantique ne s’y oppo-sait pas, plusieurs écrivains français réussissantdans le théâtre et dans le roman, Victor Hugo n’étantpas le moindre.Aussi bien ne s’étonnera-t-on pas que Balzac écrivedu théâtre, la question plus intéressante étant, mesemble-t-il, de savoir quel théâtre ?

Le Faiseur est comme une pièce à machines dont lesChiffres sont les acteurs, et les personnages lesesclaves des Chiffres.Au moment où l’on s’attendrait que Le Faiseur fûtcomposé d’épisodes romanesques accompagnés dedescriptions dans « le style balzacien », l’auteur deLa Comédie humaine préfère suivre implacablementla fable de la faillite et du rétablissement triomphalde son héros, Mercadet, au travers de seules tracta-tions financières et commerciales, parfois difficiles àélucider. Les cours de la Bourse descendent et mon-tent à une grande vitesse, les remboursements dedettes sont constamment retardés ; les affaires enBourse occupent la vie entière des sujets ; en consé-quence, les tergiversations matrimoniales font fi dessentiments amoureux, les cœurs épris des amantsmanipulés doivent se soumettre et se sacrifier auxdictats d’un « faiseur » (homme d’affaires, ou plu-tôt : affairiste) aux abois 1.

On devrait suivre aisément trois fils dans Le Faiseur :

→ Comment s’acquitter de ses dettes sans avoir à lesrendre (Balzac a publié en 1827 un étonnant opus-cule L’Art de payer ses dettes et de satisfaire ses créan-ciers sans débourser un sou, dont nous avons fait à lascène l’usage qui convient) : mensonge, chantage,bluff, poudre aux yeux, création de comparses,déguisements, toute une théâtralité fantastique ins-crite dans la pièce.

→ Comment faire tomber une affaire qui marche,pour que les actionnaires revendent leurs actions, etla relever tout d’un coup, pour qu’ils en rachètent :en différant dans le temps une bonne nouvelleindustrielle, qu’on ne livre d’abord qu’à des com-plices (« délit d’initié »), avant de la révéler au grandjour, et en faisant ainsi profit du temps lui-même, cetactionnaire involontaire ?

→ Comment fracasser un brave mariage (petit-)bourgeois au profit d’un mariage qui n’est qu’unmarché de dupes. En faisant ainsi fi du bonheur.

L’ARGENT & LE DESTINFRANÇOIS REGNAULT

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Ces trois fils tissent une dramaturgie singulière 2dont la question que doit constamment avoir à lapensée le spectateur consiste à se demander : Où enest-on des hauts et des bas du crédit et du débit deMarcadet ? Où en est-on du destin – à l’horizon – desmines de la Basse-Indre, qui donne lieu à des courssi oscillants de la Bourse ? Où en est-on de la destinéede l’héritière, balancée entre l’humble prétendantpauvre et le fallacieux prétendant prétendu riche ?Sans vouloir déflorer les coups de théâtre qui font ledénouement, indiquons cependant que c’est lamême surprise finale qui dénouera les troisimpasses : père riche de retour, fils reconnu, le mêmesauveur rachetant les mines et acquittant les dettes,sorte de rédempteur matériel de la Société bour-geoise infernale et coupable.Sans être physiocrate – « Laissez faire, laissez-pas-ser »… la Nature – Balzac ne doctrine-t-il pas impli-citement qu’il n’est pas de misère sociale dont lanature du capitalisme ne puisse venir à bout. Il ne lenomme pas, n’étant ni socialiste, ni communiste,mais le Manifeste communiste, écrit en 1847 et publiéen février 1848, est parfaitement contemporain duFaiseur. Il en est en quelque sorte l’envers.Reste que Balzac est plutôt optimiste (à la foismonarchiste et catholique), contre la défiance deMarx à l’égard du règne de Louis-Philippe dans Lalutte des classes en France : « La monarchie de Juillet

n’était qu’une société par actions fondée pour l’exploi-tation de la richesse nationale française dont les divi-dendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres,200 000 électeurs et leur séquelle. Louis-Philippe étaitle directeur de cette société : Robert Macaire sur letrône. » Balzac pourrait répondre que, si la sociétébourgeoise est ainsi, ce n’est pas si grave, puisque detoute façon, la nature faisait déjà de nous des débi-teurs, et qu’il fait dire à son Marcadet : « Quel estl’homme qui ne meurt pas insolvable envers son père ?Il lui doit la vie, et ne peut pas la lui rendre. »Et c’est aussi l’un de ses aphorismes : « Le débiteurest toujours supérieur au créancier. »Le théâtre de l’ère capitaliste triomphant ne seraitdonc plus le théâtre du Destin.Peut-être faut-il entendre dans ce sens ces autrespropositions, plutôt pessimistes, à propos de la dette,de notre dette, de Jacques Lacan : « Nous ne sommesplus seulement à portée d’être coupables par la dettesymbolique. C’est d’avoir la dette à notre charge quipeut nous être, au sens le plus proche que ce motindique, reproché. […] Sans doute l’Atè antique (l’éga-rement d’Antigone, ou de la tragédie grecque) nous ren-dait-elle coupables de cette dette, mais à y renoncercomme nous pouvons maintenant le faire, noussommes chargés d’un malheur plus grand, de ce que ledestin ne soit plus rien 3. »

1 La présente mise en scène du Faiseur a cherché, me semble-t-il, à démultiplier les espaces et à différencier les temporalités de la pièce, afin de laisser l’action suivre son cours réel, complexe, au sens où les actions (des actionnaires) suivent les cours(de la Bourse) – La Bourse, cette machine à pluraliser les espaces (Tokyo, Londres, Paris, Wall Street !) et à dilater les temps(hausses, baisses, délais, intérêts…).Tout se passe comme si le dispositif scénique choisi pour Le Faiseur, ces praticables qui montent et descendent et soumettentles sujets à leurs inclinaisons différentielles comme à leurs pentes vertigineuses étaient la grande métaphore des prix ou des valeurs, des ascensions et des faillites du héros. Vaisseau désamarré en pleine ville qui oscille au gré de la Bourse, cette moderne déesse des vents et des marées sociales.2 Il arrive à la complexité des instances financières ou commerciales de se presser, de se consolider ou de se contrarier à très peu de distance dans l’espace et dans le temps, de sorte que l’audition de la pièce peine parfois à faire entendretoutes les voix du contrepoint. Il en va ici souvent comme dans ce moment d’une fugue où les voix se rapprochent, de pressent et se resserrent, et qu’on appelle strette.3 Jacques Lacan, Le Séminaire Livre VIII, Le transfert, Seuil 1991, p.354.

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acte i. matin du premier Jour

L’appartement parisien que le héros de la pièce,mercadet (serge maggiani) loue à son propriétaire,BrédiF (stéphane Krähenbühl). Brédif vient réclamerà Mercadet tous ses loyers en retard, faute de quoi ilmenace de faire vendre ses meubles. Mercadet a beauinvoquer le retour de Godeau, son associé en fuite etsupposé très riche, cela ne sert à rien. Mercadet obtientun délai de trois mois en acceptant de renoncer àson droit de sous-louer.Les trois domestiques, Justin (pascal vuillemot), thé -rèse (gaëlle guillou) et virginie (céline carrère) quine sont plus payés depuis un an, songent à quitterleur maître. Cependant il semble qu’un riche préten-dant, de la Brive (philippe demarle) se présente pourépouser Julie, la fille des Mercadet (sandra Faure) cour -tisée par le gentil mais un peu faible adolphe minard(Jauris casanova), qu’elle aime. madame mercadet(valérie dashwood) vient confirmer qu’il se « pré-sente un parti » pour mademoiselle Julie. Elle annonceensuite un repas pour le soir même en l’honneur dufutur époux, et Mercadet vient demander à Justind’aller lui chercher son ami Verdelin (avec qui il faitpas mal d’affaires douteuses) pour une affaire im -portante, puis il recommande à la cuisinière Virginiede préparer un repas somptueux… en payant de sapoche ; en échange, il l’intéressera à un crédit, car lecrédit est tout ! Madame Mercadet fait part à sonmari de ses craintes, qui lui explique que tout débi-teur est supérieur à ses créanciers.Justement, deux créanciers, goulard (charles-rogerBour) et violette (walter n’guyen), entrent pour récla-mer leur argent. Ils sont menaçants, mais Mercadetleur rétorque qu’il peut leur faire perdre une grossesomme, celle qu’ils ont engagée dans des actionsconcernant des mines de charbon dans la Basse-Indre (au centre de la France), en leur révélant queles actionnaires ont commencé à vendre leurs actionsla veille. Panique des créanciers qui se précipitent àla Bourse. Conversation entre les deux époux sou-cieux de marier Julie, dont le handicap est d’êtrelaide. Ils essaient ensuite de convaincre Julie derenoncer au pauvre Minard. Elle résiste.

Survient madame pierquin* (sarah Karbasnikoff), uneautre créancière et usurière, à qui Mercadet confirmele mariage avec de la Brive ; elle lui présente des let-tres de change d’un nommé Michonnin, un garçoncondamné pour dettes, en fuite et introuvable ; elleveut échanger ces lettres contre des actions de mêmevaleur. Accord conclu.

* Dans la pièce de Balzac, ce personnage est un homme.

acte ii. au cours de la mÊme Journée

Justin confirme la venue de Verdelin. Le dîner dusoir s’annonce bien, les domestiques ont rencontrédes fournisseurs complaisants. Les domestiques, euxaussi, ne pourront qu’y gagner ! Mercadet exulte.Mais voici verdelin (gérald maillet). Mercadet lui an -nonce le mariage de sa fille avec de la Brive. Il a enoutre besoin de quinze jours d’opulence pour cemariage, d’argenterie pour le dîner (la sienne doitêtre saisie), ainsi que de mille écus. Il a aussi besoinque Verdelin organise vingt-quatre heures de men-songes à la Bourse, pour faire croire que l’entreprisedes mines de la Basse-Indre périclite. Ensuite, il suf-fira de montrerqu’au contraire elle prospère, maiscette bonne nouvelle doit être tenue secrète pendantvingt-quatre heures, sauf auprès d’amis fiables. Un« délit d’initiés », en somme. C’est alors que madameMercadet et Julie viennent jouer une scène pathé-tique auprès de Verdelin, qui décide de s’exécuter etrevient avec la somme demandée et l’argenterie.Julie annonce au jeune Minard ce nouveau mariagequi ruine leur amour. Mercadet sonde Minard surses intentions, puis lui révèle, documents à l’appui,les dettes de la famille. Minard annonce alors qu’endésespoir de cause, il sacrifiera son amour au bien-être de Julie. Julie, restée seule, déplore son sort, maissemble s’y résoudre.

RÉSUMÉ FRANÇOIS REGNAULT

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acte iii. vers le soir

Julie et Minard se sont ressaisis. Elle est résolue àfaire échouer le mariage avec de la Brive. De la Brive arrive, accompagné de son ami deméricourt (stéphane Krähenbühl) pour le dîner. DeMéricourt, qui fréquente le couple Mercadet, met dela Brive en garde contre Mercadet le spéculateur ! Dela Brive, faisant allusion à son sort, rappelle alors àde Méricourt – et nous apprend du même coup –qu’il n’est autre que le Michonnin en fuite, poursuivipour dettes. Il confie en outre à ce dernier qu’il veutdevenir un homme politique ! Balzac en profite pourévoquer les moeurs de son époque, depuis 1789…Minard passe alors, et se met en tête de souhaiter dubonheur à de la Brive, mais Mercadet qui survient lecongédie en vitesse.

Mercadet interroge alors de la Brive sur sa fortune :il est propriétaire d’une terre dans le sud-ouest de laFrance dont on pourrait tirer des marais salants !Mercadet imagine aussitôt tout le profit qu’ils pour-raient tirer de ces marais salants : la spéculationl’emporte ici aisément sur la propriété privée ! Lestrois amis se croient donc sauvés !On présente enfin Julie à de la Brive, qui lui fait desprotestations d’amour, mais Julie flaire aussitôt ledandy prétentieux : il lui confie alors ses ambitions,mais elle lui révèle les dettes de la famille !

Sur ces entrefaites, madame Pierquin, revenue chezMercadet, découvre de la Brive et le reconnaît aussi-tôt comme étant Michonnin en fuite ! Au tour de Julied’apprendre la ruine de son prétendant ! Mercadet,qui entre, apprend lui aussi la supercherie.Il conclut alors : « Le diable entre dans mon jeu » ; ilobtient que de la Brive lui révèle entièrement sa si -tuation calamiteuse. Michonnin de la Brive lui ré -torque que la sienne n’est pas meilleure. Mercadet,qui détient ses lettres de change (celles que laPierquin lui avait remises) le menace alors de le fairearrêter.

Madame Mercadet vient annoncer le dîner. De la Briveva-t-il rester ? Mercadet l’en convainc, et annonce« le grand jeu », le repas savamment préparé. MaisVerdelin arrive alors, déjà au courant de l’imposture.Il annonce à Mercadet que tous ses créanciers seréunissent le lendemain matin à la Bourse pour fairearrêter le spéculateur qu’il est, le « faiseur » ! Mercadet se décide à user de son dernier recours : ilva annoncer le retour de Godeau, son riche associé !Il charge Justin d’en propager la nouvelle !

acte iv, le lendemain matin

Mercadet nous expose son plan : Godeau est supposéracheter les actions de la Basse-Indre avant Verdelin.Il en tirera un bénéfice considérable qui lui feragagner huit jours et lui rapportera de quoi s’acquit-ter de toutes ses dettes à l’égard de ses créanciers.Aussi enjoint-il à de la Brive, qui est resté chez luicette nuit-là, de se déguiser en voyageur revenu desIndes et de jouer Godeau, que personne n’a vu. Minard,le fiancé évincé, revient « se faire pardonner ». Julierassure sa mère: grâce à Minard, « tout est possible ».Surviennent aussi les créanciers Goulard et Violette,déjà mis au courant de la rumeur du retour de Godeau,qui a justement « acheté deux mille actions de la Basse- Indre ». Ils s’en réjouissent, mais veulent voir Godeauen personne.Mercadet présente alors Michonnin de la Brive dé -guisé en Godeau indien, qui joue assez bien son rôle,mais madame Mercadet vient dénoncer l’imposture.Mercadet est donc bien ruiné, cette fois-ci. Elle pro-pose ensuite à Minard de jouer lui-même à son tourle rôle de Godeau. Mercadet, qui se sent perdu, songeau suicide.

acte v, peu de temps après

C’est donc la faillite. Les trois domestiques s’apprê-tent à quitter les lieux. La Pierquin vient annoncer queles actions des mines de la Basse-Indre ont remontégrâce à la lettre signée au nom de Godeau, par Mer -cadet, mais elle l’accuse d’avoir fait un faux : Godeaun’est pas revenu, n’est-ce pas ! Mercadet prétend quesi (il compte sur Minard).Tous les créanciers reviennent : Brédif, Goulard,Violette, la Pierquin, Verdelin. Mercadet, qui se croitacculé, prétend que Godeau n’est qu’un mythe ! Maisnon ! Dernier coup de théâtre : Minard vient annon-cer que Godeau est vraiment revenu, a épousé samère et vient de le reconnaître pour fils légitime.Il a en outre acquitté toutes les dettes en cours.Mercadet salue sa fortune nouvelle, et prétend renon-cer à la spéculation. Julie va donc épouser Minard,devenu riche. Mercadet émet tout de même le désirde voir Godeau.

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Il arrive qu’un metteur en scène, fasciné comme je lesuis par les romans, se demande s’il ne pourrait paspar hasard adapter l’un d’entre eux à la scène. C’estainsi que, partant de Balzac, je suis tombé sur sapièce de théâtre Le Faiseur, qui m’a tout de suite saisipar son caractère insolite, à part, et par son actualité.C’est que le thème de la dette m’a aussitôt retenu. Ladette! Il suffit de tendre l’oreille à la rumeur du mondepour entendre retentir ce mot dans bien des domaines,et pas seulement économiques.

Cependant, ce n’est pas la dette symbolique qui m’aretenu (celle du mal, de la culpabilité…) mais la detteréelle, la dette nécessaire, incontournable, qui forme lecœur de la pièce de Balzac. Mercadet, son héros, faitdes dettes, et sa préoccupation n’est pas du tout deles rembourser, mais de se débarrasser de ses éché -ances et de conserver ses créanciers.Logique fascinante que celle d’une telle pièce, quis’étend jusqu’à la société entière et à la politique desÉtats, et dont il y a peu d’exemples dans le théâtre :sauf à penser à Timon d’Athènes, de Shakespeare, età L’Échange de Claudel.

Car la question de la dette, avec ses tenants et sesaboutissants (la dialectique du débiteur et du créan-cier, la notion de crédit, d’équilibre économique ou defaillite…) constitue à mes yeux la dramaturgie internede la pièce de Balzac.Ce que cette question engendre alors chez les per-sonnages qui dépendent d’elle, c’est le mensonge.Oui, la dépendance des personnages à l’égard de l’ar-gent et de ses fluctuations les conduit à mentir pra-tiquement tout le temps, c’est-à-dire à dissimuler les

informations, à en diffuser d’erronées, à bluffer, àprocéder à tous les chantages possibles. Au prix pourMercadet de sacrifier jusqu’au bonheur de sa proprefille.Drame en un sens bien digne du réalisme balzacienet de ses analyses vertigineuses de la société de sontemps. Sauf que le travail sur la pièce, sur son insoup -çonnable étrangeté, peut aussi nous faire apparaîtreLe Faiseur comme l’envers du « drame bourgeois »,tant Balzac semble procéder ici à l’inversion systéma-tique de ses conventions.

EN ÉQUILIBRE INSTABLE

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Ce qui l’intéresse, c’est ce qui monte et qui descend,ce qui fluctue, ce qui perd l’équilibre ou tente de leretrouver.Le drame du Faiseur réside dans les effets des varia-tions de la dette, des allées et venues des créanciers,des hauts et des bas des actions, du cours même dela Bourse et de ces montagnes russes que représen-tent débit et crédit sur le comportement le plus pro-fond des personnages.Aussi avons-nous cherché avec les acteurs, et au tra-vers l’espace scénique, un dispositif à l’équilibreinstable, qui soumette les sujets à leurs inclinaisonsdifférentielles comme à leurs pentes vertigineuses.Autant de possibles métaphores des prix et desvaleurs, des ascensions et des faillites.« Plateau », ai-je remarqué, c’est le nom ordinaire dela scène, mais c’est aussi le nom de ceux de la balance,dont la pratique nous apprend qu’elle doit être enéquilibre !Le génie du héros Mercadet, qui est une sorte de dé -séquilibré à sa façon, c’est d’aller toujours de l’avant,de faire sans cesse pencher la balance et de se confor -mer bien plutôt aux fluctuations du monde qu’auxconforts de la famille.Ce en quoi il est assurément notre contemporain, caron nous dit qu’il faut trouver la stabilité dans unmonde en crise, mais nous sommes bien plutôt commeces navigateurs dans la tempête qui résistent auxroulis et aux tangages du vaisseau, que de paisiblespassagers calfeutrés dans leur cabine.

C’est à cette aventure que j’ai cru bon livrer les treizeacteurs et actrices qui me font le bonheur de m’ac-compagner. Avec Le Faiseur nous retrouvons certainsde nos thèmes de prédilection : un tissu familial etsocial régi par le mensonge, une écrasante figurepaternelle, une enfance qui s’éloigne, un adulte endevenir, la naissance de l’amour… Après les contréeslointaines où nous venons de tourner, tous ontaccepté de s’engager dans cette navigation balza-cienne.

Emmanuel Demarcy-Mota

BALZAC & LES CHIFFRESFRANÇOIS REGNAULT

prix en Francs 1830 :multiplier par 10 pour oBtenir la valeur en euros !

Balzac, on le sait, aime le chiffres, il chiffre les achatset les ventes, estime les objets, calcule les intérêts. Iln’y manque pas un seul instant dans Le Faiseur (dontle nom signifie : l’Homme d’affaires).

Une étude sérieuse (voir Google: « La fortune du coupleMartin »), passant par le franc de 1966 et s’appuyantsur les statistiques de l’INSEE, a calculé qu’une pro-priété de 40 000 francs en 1830 vaut 425 000 euros (en2002).

EN SOMME: 1 franc 1830 = 10, 60 euros.

Pour plus de commodité, nous suggérons au specta-teur de multiplier à chaque fois par 10 le chiffre indi-qué en francs dans la pièce.(En y ajoutant aussi, quand le montant est en écus,que : 1 écu = 5 francs)

Par exemple, au début, le loyer d’« un appartementde 11 pièces, superbes, au cœur de Paris » : 2 500 francs = environ 25 000 euros.Un salaire de :1 800 francs = environ 18 000 euros (par an).

Les sommes indiquées dans Le Faiseur sont souventtrès élevées, parfois astronomiques.

10

Faiseur d’aFFaire, homme qui a un cabinet et qui,moyennant un bénéfice, traite pour autrui toutes sorte d’affaires. […]

En mauvaise part : un Faiseur, un intrigant : celui qui fait des affaires peu honorables.

homme d’aFFairesAutrefois, homme employé dans les affaires de finances. Aujourd’hui, agent d’affaires. Un roman de Balzac s’intitule :Un homme d’affaires(1845, dans Scènes de la vie parisienne).

aFFairiste est récent et date de 1928.

Le Littré, dictionnaire de la langue française

FAISEURcelui, celle qui fait quelque chose.

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Dans Le Faiseur, le per-sonnage principal, bienen tendu, c’est mercadet.Il y en a un autre, qui n’estpas nommé dans la dis-tribution et qui, pourtant,est présent tout le longde la pièce : c’est l’argent.

Je viens de compter. Dansles cent premières lignesdu texte, j’ai trouvé soi -xante-huit fois le mot ar -gent ou un de ses succé-danés, francs, sous, im -pôts, loyer, bail, débiteur,créanciers, payer, gagner,filou, faillite. Soixante-huit fois en cent lignes. Qui dit mieux ? Un moment, on parle d’honneur, d’idéal. Laseconde d’après, on est déjà retombé dans les additions. On parle de sentiments. Ils se font et se défont sousle souffle de l’argent. Tu as des rentes : prends ma fille. Tu n’en as pas : prends la porte.Aussi vite et sans fla-flas.

Les répliques les plus vives de la pièce, les plus drôles ou les plus fortes, c’est l’argent qui les inspire. Le mou-vement endiablé de la pièce, c’est l’argent qui le donne. L’argent n’est calme que chez les gens qui en ont.Mercadet n’en a pas. C’est de l’argent qui court, qui échappe, qui joue à cache-cache.

Bref, c’est l’argent sous sa forme neuve. Comparons avec L’Avare de Molière. Mercadet n’est pas un avare. Uncupide alors ? Le terme lui convient mal. Enfermé dans son obsession, Mercadet est un rêveur, un somnam-bule qui chemine sur l’arête d’un toit.Mme Mercadet tremble pour lui. Elle n’a pas tort. Un faux pas, il tomberait. Mais non.Inconscient, il est là, à jongler avec des millions qu’il n’a pas. Mais, au fond, que ces millions ne soient quedans sa tête et pas dans ses coffres, est-ce que cela compte ? On a même l’impression que, s’il les avait, il netarderait pas à les perdre, tant il est clair que le maniement de l’argent l’intéresse plus que l’argent lui-même.Cet argent est devenu pour lui bien plus qu’un but ou une passion, il est devenu son élément, son système,la mécanique même de sa vie.Et c’est ce qui fait la nouveauté de cette pièce : cet ar gent qui n’a plus de pudeur parce que, pour Mercadet etson milieu, il est devenu naturel. Le Faiseur n’est pas la première pièce sur l’argent. C’est sans doute une despremières pièces sur cet aspect-là de l’argent, une des premières pièces sur le capitalisme.

L’ARGENT JOUE À CACHE-CACHE ...FÉLICIEN MARCEAU IN L’AVANT-SCÈNE THÉÂTRE N°524, 1973

1 000

fra

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1831

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Thibaudet avait remarqué qu’il existe souvent dansla production des très grands écrivains, une œuvre-limite, une œuvre singulière, presque gênante, danslaquelle ils déposent à la fois le secret et la caricaturede leur création, tout en y suggérant l’œuvre aber-rante qu’ils n’ont pas écrite et qu’ils auraient peut-être voulu écrire ; cette sorte de rêve où se mêlentd’une façon rare le positif et le négatif d’un créateur,c’est la Vie de Rancé de Chateaubriand, c’est le Bouvardet Pécuchet de Flaubert. On peut se demander si, pourBalzac, son œuvre-limite, ce n’est pas Le Faiseur 1.D’abord parce que Le Faiseur, c’est du théâtre, c’est-à-dire un organe aberrant venu sur le tard dans unorganisme puissamment achevé, adulte, spécialisé,qu’est le roman balzacien. Il faut toujours se rappe-ler que Balzac, c’est le roman fait homme, c’est leroman tendu jusqu’à l’extrême de son possible, de savocation, c’est en quelque sorte le roman définitif, leroman absolu. Que vient faire ici cet os surnumé-raire (quatre pièces pour cent romans 2), ce théâtredans lequel passent pêle-mêle tous les fantômes dela Comédie-Française, de Molière à Labiche ?Témoigner sans doute d’une énergie (il faut enten-dre ce mot au sens balzacien d’ultime puissancecréatrice) à l’état pur, libérée de toute opacité, detoute la lenteur du récit romanesque. Le Faiseur estpeut-être une farce, mais une farce qui brûle : c’est

du phosphore de création ; la rapidité n’est plus icigracieuse, preste et insolente, comme dans la comé-die classique, elle est dure, implacable, électrique,avide d’emporter et non soucieuse d’éclairer : c’estune hâte essentielle. Les phrases passent sans reposd’un acteur à un autre, comme si, par-dessous lesrebondissements de l’intrigue, dans une zone decréation supérieure, les personnages étaient liésentre eux par une complicité de rythme : il y a duballet dans Le Faiseur, et l’abondance des apartés,cette arme du vieil arsenal de théâtre, ajoute à lacourse une sorte de complication intense : ici le dia-logue a toujours au moins deux dimensions. Lecaractère oratoire du style romanesque est brisé,réduit à une langue métallique, admirablementjouée : c’est du très grand style de théâtre, la languemême du théâtre dans le théâtre.Le Faiseur date des dernières années de Balzac. En1848, la bourgeoisie française va basculer : au pro-priétaire foncier ou industriel, gérant économe etprudent de l’entreprise familiale, au capitaliste louis-philippard, amasseur de biens concrets, va succéderl’aventurier de l’argent, le spéculateur à l’état pur, leCapitaliste de Bourse, l’homme qui, de rien, peuttirer tout. On remarque qu’en bien des points de sonœuvre, Balzac avait peint d’avance la société duSecond Empire. C’est vrai pour Mercadet, homme dela magie capitaliste, dans laquelle l’Argent va sedétacher miraculeusement de la Propriété.Mercadet est un alchimiste (thème faustien cher àBalzac), il travaille à tirer quelque chose du néant. Lerien, ici, est même plus que rien, c’est un vide positifd’argent, c’est le trou qui a tous les caractères del’existence, c’est la Dette. La Dette est une prison (àl’époque même où sévissait la prison pour dettes, cefameux Clichy qui revient comme une obsessiondans Le Faiseur) ; Balzac lui-même fut enfermé dansla Dette toute sa vie, et l’on peut dire que l’œuvre bal-zacien est la trace concrète d’un démènementfurieux pour en sortir : écrire, c’était d’abord éteindrela Dette, la dépasser. De même, Le Faiseur comme

« VOULOIR NOUS BRÛLE… »ROLAND BARTHES IN ESSAIS CRITIQUES

vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit, mais savoir laisse notre faible organisationdans un perpétuel état de calme.

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pièce, comme durée dramatique, est une série demouvements forcenés pour émerger de la Dette, bri-ser l’infernale prison du vide monétaire. Mercadetest un homme qui joue de tous les moyens pouréchapper à la camisole de force des dettes.Nullement par morale ; plutôt par une sorte d’exer-cice dionysiaque de la création : Mercadet ne tra-vaille pas à payer ses dettes, il travaille d’une façonabsolue à créer de l’argent avec rien. La spéculationest la forme sublimée, alchimique, du profit capita-liste : comme homme moderne, Mercadet ne tra-vaille plus sur des biens concrets, mais sur des idéesde biens, sur des Essences d’argent. Son travail(concret comme en témoigne la complication de l’in-trigue) porte sur des objets (abstraits). La monnaie-papier est déjà une première spiritualisation de l’or ;la valeur en est le dernier état impalpable : à l’huma-nité-métal (celle des usuriers et des avares), va suc-céder l’humanité-valeur (celles des « faiseurs », quifont quelque chose avec du vide). Pour Mercadet, laspéculation est une opération démiurgique destinéeà trouver la pierre philosophale moderne : l’or quin’en est pas .

Le grand thème du Faiseur, c’est donc le vide. Cevide est incarné, c’est Godeau 3, l’associé-fantôme,qu’on attend toujours, qu’on ne voit jamais, et quifinit par créer la fortune à partir de son seul vide.Godeau est une invention hallucinante ; Godeaun’est pas une créature, c’est une absence, mais cetteabsence existe, parce que Godeau est une fonction :tout le nouveau monde est peut-être dans ce passagede l’être à l’acte, de l’objet à la fonction : il n’est plusbesoin que les choses existent, il suffit qu’elles fonc-tionnent ; ou plutôt elles peuvent fonctionner sansexister. Balzac a vu la modernité qui s’annonçait,non plus comme le monde des biens et des per-sonnes (catégories du Code Napoléon), mais commecelui des fonctions et des valeurs: ce qui existe, ce n’estplus ce qui est, c’est ce qui se tient. Dans Le Faiseur,

tous les personnages sont vides (sauf les femmes),mais ils existent parce que, précisément, leur vide estcontigu : ils se tiennent les uns par les autres.Cette mécanique est-elle triomphante ? Mercadettrouve-t-il sa pierre philosophale, crée-t-il de l’argentavec rien ? En fait, il y a deux dénouements auFaiseur : l’un est moral ; l’alchimie prestigieuse deMercadet est déjouée par les scrupules de sa femme,et Mercadet resterait ruiné si Godeau n’arrivait (onne le voit tout de même pas) et ne renflouait sonassocié, quitte d’ailleurs à l’envoyer vivre médiocre-ment en Touraine pour y finir dans la peau d’ungentleman-farmer pantouflard, c’est-à-dire dans lecontraire même d’un spéculateur. Ceci est le dénoue-ment décrit, il n’est pas sûr que ce soit le dénoue-ment réel. Le vrai, virtuel, c’est que Mercadet gagne :nous savons bien que la vérité profonde de la créa-tion, c’est que Godeau n’arrive pas ! Mercadet est uncréateur absolu, il ne doit rien qu’à lui-même, qu’àson pouvoir alchimique.Le groupe des femmes (Mme Mercadet et sa filleJulie), à quoi il faut ajouter le prétendant Minard,jeune homme à bons sentiments, est résolumentsitué en dehors du circuit alchimique ; ils représen-tent l’ordre ancien, ce monde de la propriété res-treinte mais concrète, le monde des rentes sûres, desdettes payées, de l’épargne ; monde sinon abhorré(car il n’y a rien d’esthétique ni de moral dans la sur-énergétique de Mercadet), du moins inintéressant :monde qui ne peut que s’épanouir (à la fin de lapièce) que dans la possession la plus lourde qui soit,celle de la terre (une propriété en Touraine). On voitcombien ce théâtre a deux pôles bien opposés : d’uncôté le lourd, le sentiment, la morale, l’objet, de l’au-tre le léger, le galvanique, la fonction. C’est pour celaque Le Faiseur est une œuvre-limite : les thèmessont vidés de toute ambiguïté, séparés dans unelumière aveuglante, impitoyable.

in Œuvres complètes, tome II, 1962-1967, page, seuil

1 Représenté par Jean Vilar, au TNP.2 En vérité, sept, sans compter les ébauches. (note de F. R.)3 Précisons que Samuel Beckett n’a pris connaissance de cette invention balzacienne qu’après avoir écrit son En attendantGodot. C’est en quelque sorte un hasard objectif. Du reste, il n’y a guère de rapport entre Godot et Godeau, sinon qu’on lesattend tous les deux. (note de F. R.)

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LE NAPOLÉON DE LA DETTETHIERRY GANDILLOT IN DOSSIER COMÉDIE-FRANÇAISE, 1993

En 1837, trois ans avant d’écrire la première versiondu Faiseur, Balzac, pour fuir la meute de ses créanciers,trouve refuge chez sa chère contessa, Sarah Guidoboni-Visconti, au 52 de l’avenue des Champs-Élysées. Ordreest donné aux domestiques de répondre que M. deBalzac est inconnu à cette adresse.Las ! Un garde du commerce, déguisé, va déjouer laruse en présentant un billet de 6 000 francs, soi-disantau bénéfice de l’écrivain.Dupé, celui-ci se précipite pour toucher cet argentfrais. Le prétendu messager le saisit alors au collet :« Si vous ne me réglez pas, à l’instant même, 1 380 francs,au nom de la loi, je vous arrête. » Sauf à se retrouveremprisonné le soir même à Clichy, il faut payer. Lacontessa s’exécute. Une nouvelle fois, Balzac est sauvé.

Napoléon des lettres, Honoré de Balzac fut égalementl’empereur de la dette. Son imagination féconde quilui permet d’écrire La Comédie humaine, s’avère dé -sastreuse dès qu’il tente de l’appliquer aux affaires. Àvingt-six ans, il se lance dans l’édition. Jusqu’ici, lejeune homme a seulement publié, sous divers pseu-donymes, quelques romans à quatre sous. Apprenantque l’éditeur Urbain Canel va proposer au public lesœuvres complètes des grands auteurs en un seulvolume imprimé très fin – une sorte de Pléiade avantl’heure –, Balzac investit dans cette entreprise. C’est-à-dire qu’il emprunte…Et perd. II a 15 000 francs de dettes. Va-t-il arrêterles frais ? Au contraire, il décide d’acheter une impri-merie. Pour 30 000 francs. Évidemment, l’entreprisetourne une nouvelle fois au désastre. Qu’à cela netienne, il remonte encore d’un cran dans la chaînedes investissements pour acquérir… une fonderie decaractères !Acculé à la faillitte, il est contraint de tout liquider.Ses dettes s’élèvent alors à 100 000 francs. CommeMercadet, le Faiseur, Balzac ne trouve le salut que dansla fuite. Sans cesse une chimère en pousse une autre.Dix ans après sa déroute dans l’imprimerie, il rachèteune revue, La Chronique de Paris. II s’engage à four-nir les 45 000 francs de fonds de roulement que, biensûr, il ne possède pas.

Certes, l’équipe de rédaction est prestigieuse : VictorHugo, Théophile Gautier, Alphonse Karr pour lestextes, Henri Monnier et Daumier pour les caricatures.Mais tout ce beau monde est plus préoccupé de fairebombance chez Balzac que d’envoyer la copie. À chargepour le propriétaire de la revue de remplir les pages !Pour tout compliquer, les abonnés sont rares. Acculé,Balzac invite à dîner un pigeon à qui il souhaite ven-dre des actions de la revue. Tel un vulgaire Mercadetcherchant à faire bonne figure le soir où il doit réga-ler Michonnin de La Brive, son futur gendre, Balzacs’inquiète : « Vous savez que l’on ne prête qu’aux riches.Si à dîner, j’ai une argenterie d’emprunt, tout manquera.L’homme verra le défaut de la cuirasse, devinera leMont-de-Piété. Adieu l’affaire ! Je ne puis demander del’argent à personne dans Paris car on me croit riche etmon prestige tomberait, tout s’évanouirait. »

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Comme son Faiseur, Balzac sait que pour tenir ses créanciers à distance, il ne faut jamais paraître manquerd’argent. Sinon, c’est la curée. Même les années où il enregistre ses plus grands succès littéraires, Balzacdépense beaucoup plus qu’il ne gagne. Il en richit les tailleurs, les traiteurs, les antiquaires et même les car-rossiers. II ne peut résister à une paire de gants jaune paille, à une robe de chambre blanche ornée d’uneceinture à glands d’or, à une nouvelle canne au pommeau serti de pierres, à un livre magni fiquement relié.En 1831, il s’offre un cheval, un ca briolet richement décoré et même un groom en livrée bleue et gilet vert etrouge.

Jamais, au plus fort de sa détresse financière, Balzacne renoncera à tirer des plans sur la comète. En 1837,il acquiert à Sèvres une maison bâtie sur un terraintellement instable que le bâtiment menace à tout ins -tant de s’écrouler. Qu’importe ! La pente abrupte fa -vorisera l’action du soleil et Balzac imagine d’y dé -marrer une plantation de cent mille pieds d’ananas.Bénéfice escompté : 400 000 francs… Si l’affaires’était faite – ce qui ne sera pas le cas, bien entendu–, elle aurait pu permettre au spéculateur impéni-tent d’éponger les pertes enregistrées sur les actionsdes Chemins de Fer du Nord…Une autre fois, Balzac ne pourra s’empêcher de sou-crire deux parts d’un navire à construire qui doitporter son nom. Mais l’armateur véreux disparaîtraavec ses 10 000 francs pour ne jamais refaire sur-face…

Comme Flaubert et Madame Bovary, Balzac aurait pus’écrier : « Le Faiseur, c’est moi ! » Quand Michonninapprend à Mercadet qu’il pos sède trois millearpents de marais salants dans les Landes, leFaiseur se voit déjà propriétaire de salines pour unevaleur d’un million de francs. Quand Gius e p pe Pezzi,un négociant italien rencontré à Gênes, présente àBalzac des échantillons de minerai argentifère,l’écrivain part sur le champ pour un épuisant péri-ple… en Sardaigne. II n’a pas la moindre notiond’italien, pas la moindre idée du lieu où se situentles montagnes de scories que lui a fait miroiterPezzi, aucune notion de chimie permettant d’appré-cier la valeur du gisement, sans parler d’un permispour l’exploiter... Et quand il arrive enfin sur leslieux, affamé et fourbu, c’est pour apprendre que leGênois a déjà vendu pour un million deux cent millefrancs les droits d’exploitation de la mine d’argent àune société marseillaise !

Nulle surprise alors que Balzac ait convaincu sansdifficulté le comité de lecture de la Comédie-Française d’inscrire Le Faiseur à son répertoire. Carle 17 août 1848, c’est un Balzac-Mercadet plus vraique nature qui va leur lire la pièce. « Cela glapissait,cela miaulait, cela grondait, cela grommelait, cela hur-lait sur tous les tons possibles et impossibles, raconteThéophile Gautier. La Dette chantait d’abord un solo

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que soutenait un chœur immense. Il sortait des créan-ciers de partout, de derrière le poêle, de dessous le lit, destiroirs de la commode ; le tuyau de cheminée en vomis-sait ; il en filtrait par le trou de la serrure ; d’autresescaladaient la fenêtre comme des amants ; ceux-ci jail-lissaient d’une malle, pareils aux diables des joujoux àsurprises ; ceux-là passaient à travers les murs, commeà travers une trappe anglaise ; et c’était une cohue, untapage, une invasion, une vrai marée montante.Mercadet avait beau les secouer, il en revenait toujoursd’autres à l’assaut. »

Ananas, mines d’argent, actions des chemins de fer,vaisseaux fantômes, ateliers de fonderie, revues sansauteur... À peine caressés, tous ces rêves sont déjàenfuis, ne laissant derrière eux qu’un amas de dettes.Sur les étagères où il entassait ses manuscrits,Balzac avait disposé, à côté de ses fameux Contesdrolatiques, une œuvre inédite intitulée Comptesmélancoliques : c’est dans ce registre qu’il entassaitles créances en souffrance et ses reconnaissances dedettes. Ah ! s’il avait pu les publier pour en tirerquelque argent…

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On suivra dans les lettres de Balzac envoyées de paris à Madame Hanska,qui séjourne alors dans son château d’Ukraine, les péripéties des der-niers remaniements du Faiseur (d’abord intitulé Mercadet) et deslectures de la pièce devant les Comédiens-Français (« auxFrançais »). Balzac compte que sa pièce sera jouée par eux,sinon avant son départ pour l’Ukraine, du moins pendant sonséjour chez Ma dame Hanska, à Wierzschownia.

Balzac compte partir le 14 septembre 1848 pourWierzschownia, mais il ne peut obtenir d’engagement fermede Lockroy (direc teur de la Comédie-Française) pour LeFaiseur. Il quitte probablement Paris le 19 septembre par letrain pour Cologne. Le train le conduira en trois jours àCracovie, où il sera le 23. Le comité de lecture, dégrisé, revintsur sa décision. Trois ans vont s’écouler avant que la pièce nesoit créée que dans une version modifiée le 23 août 1851 auGymnase, avec un réel succès (73 représentations). Balzac étaitmort le 18 août 1851. La Comédie-Française ne monta à son tour LeFaiseur qu’en 1868.

→ Voir Le Faiseur (Garnier-Flammarion), ainsi que la Correspondance avec Madame Hanska (Lettres à Madame Hanska, collec-tion Bouquins, deux gros volumes, chez Robert Laffont) d’où ces informations sont tirées. F.R.

reprises importantes

Reprises en 1890, 1899, 1918.

→ 1935 à l’Atelier, et 1948 au Théâtre Sarah-Bernhardt (Théâtre de la Ville), mise en scène de Charles Dullin.

→ 1957 au TNP, mise en scène de Jean Vilar. Article de R.Barthes dans Théâtre Populaire de mai 1957, repris dans Œuvres complètes, tome I

→ 1972 Bernard Blier dans le rôle de Mercadet au Théâtre Montansier de Versailles dans une adaptation dePierre Franck.

→ 1993 Michel Aumont dans le rôle de Mercadet, à la Comédie-Française, mise en scène de Jean-PaulRoussillon.

Dans le rôle de Mercadet :→ 1996 : Jean-François Balmer.→ 1999 : Michel Galabru.→ 2001 : Jean Le Poulain (télévision).

PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS

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Force est de le constater : la gloire du romancier aéclipsé celle du dramaturge.Pourtant, dans sa mansarde de la rue Lesdiguièresoù il s’est installé en août 1819, le jeune Honoré estconvaincu que le théâtre lui apportera renom et for-tune. Après avoir songé à une adaptation du Corsairede Byron, puis à une tragédie sur Sylla, il composeentre septembre 1819 et avril 1820 un Cromwell, « leplus beau sujet de notre histoire moderne », le « bréviairedes peuples et des rois »· Sept ans avant Hugo, cen’est pas si mal vu !

cromwell ou les illusions perdues

À vingt ans, une pièce en cinq actes et en alexandrins,dont vous êtes persuadé que « le plan est superbe »et où vous avez méthodiquement placé les coups dethéâtre dans l’avant-dernière scène de chaque actepour progresser jusqu’à la catastrophe, ne peut quevous inciter à l’optimisme. Et même votre mère,d’abord consternée par votre décision de renoncer àune lucrative carrière de notaire, finit par s’enthou-siasmer, au point de calligraphier une belle copie devotre œuvre.Hélas, la lecture faite devant un aréopage de parentset d’amis refroidit tout le monde. On fait appel àl’académicien Andrieux, qui prononce ce jugementprophétique : « L’auteur doit faire quoi que ce soit exceptéde la littérature ». Lafon, sociétaire de la Comédie-Française, assène le coup de grâce. Le manuscrit estenfoui dans un tiroir. Le jeune homme se consacrealors au roman, cette solution de remplacement.

Cet échec n’éteint nullement en Balzac la passion duthéâtre, qui remonterait à sa petite enfance. Commela poésie, le théâtre jouit à cette époque d’un prestigelittéraire et social dont le roman est encore loin, en dé -pit d’une diffusion croissante. Dans un « Ordre dujour, 3 000 F à gagner, sinon la honte, misère et Cie »qu’il dresse en 1822, Balzac envisage des mélodrames,des vaudevilles, une comédie et un opéra. Si plu-sieurs projets restent inachevés, il mène à bien et signeHorace de Saint-Aubin Le Nègre, mélodrame en troisactes, refusé par le Théâtre de la Gaîté, qui juge ladonnée – un noir amoureux d’une blanche – « trophasardée, trop dangereuse même ».

la permanence d’une tentation

Alors que le nom de Balzac s’est enfin imposé avecLa Peau de chagrin (1831), le romancier à la mode n’apas renoncé à la gloire théâtrale.Ébloui par les séductions de la scène, il songe aussià la part que recevait l’auteur sur les recettes, biensupérieure dans tous les cas aux droits qu’on pouvaitescompter sur un tirage moyen de 1 500 exem-plaires. Toujours fasciné par cette chimère, Balzac vaconnaître plusieurs accès de fièvre théâtrale.En 1830 tout d’abord, où il pense à un Don Juan, àL’Artiste, une comédie en cinq actes et en vers, à L’Écoledu monde, comédie dans le genre de Beaumarchais,où un nouveau Figaro aurait triomphé d’un grand sei -gneur, et à un sujet qui deviendra Les Ressources deQuinola. Les années 1834-1835 voient une nouvelleeffervescence. Cette fois, Balzac envisage surtout desdrames historiques capables de faire oublier VictorHugo et Alexandre Dumas : Richard cœur d’épongeou Marie Touchet, par exemple. « Le théâtre me vau-dra deux cent mille francs par an », écrit-il à MmeHanska en mars 1835. Enfin, en 1838-1839, un pro-jet voit le jour, une comédie primitivement intituléeLa Première Demoiselle, devenue L’École des ménages.Pièce « entièrement bourgeoise », elle traite de l’adul-tère, la maîtresse du mari, « Tartuffe en jupons », ré -gnant sur la maison et causant sa ruine. Le Théâtre-Français est disposé à monter une pièce de Balzac,mais ce dernier, après avoir modifié son sujet, le pro-pose au Théâtre de la Renaissance, qui le refuse.

M. DE BALZAC SAISI PAR LE THÉÂTREGÉRARD GENGEMBRE IN DOSSIER COMÉDIE-FRANÇAISE, 1993

Le Theatre-Historique lors de son ouverture en 1847 et qui fut fermé en1863. À sa place est édifiée une succursale des Magasins-Réunis.

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quand le guignon s’en mÊleCe nouvel échec ne rebute pas Balzac, qui continue deproclamer : « Mon salut est au théâtre ». Il offre àHarel, directeur de la Porte-Saint-Martin, un Vautrind’après le personnage du Père Goriot. Alléché, Harelaccepte, et confie le rôle titre à Frédérick Lemaître.Mais la pièce n’est pas écrite. Qu’à cela ne tienne ! Laveille de la lecture, Balzac convie quelques amis,dont Théophile Gautier, et leur demande d’écrirechacun un acte : « On peut faire cinq cents lignes dedialogue dans sa journée et dans sa nuit ».Perplexe, Gautier se risque à demander le sujet dudrame : « Ah ! s’écrie Balzac, s’il faut vous conter lesujet, nous n’aurons jamain fini ! ». L’expérience tournecourt, et Balzac finit par partager la rédaction avec lefidèle Laurent-Jan.Ayant franchi l’obstacle de la censure – elle repro-chait au héros de trop ressembler à Robert Macaire etde se moquer de la police – Vautrin est représenté le14 mai 1840. Au quatrième acte, Frédérick Lemaîtreapparaît sur scène avec un toupet roux très louis-philippard. Indigné, le duc d’Orléans quitte ostensi-blement la salle. Le lendemain, la pièce est interdite.Assailli par ses créanciers, Balzac ne renonce pas.Après de multiples tentatives, il bâtit Les Ressourcesde Quinola, pièce espagnole à vingt-six personnagesqui met aux prises la science et l’obscurantisme, et lapropose à l’Odéon, qui, venant de rouvrir en novem-bre 1841, cherche un succès nécessaire pour unesubvention. Le nom de Balzac et la réputation deMarie Dorval, idole du public, devraient faire l’af-faire. Un détail semble anodin : Balzac n’a écrit quetrois des cinq actes. Il improvise les deux derniersdevant les acteurs éberlués, et fait fuir Marie Dorval.On la remplace, les répétitions se suivent à unrythme effréné. Balzac se démène comme un beaudiable : « Il effaçait, raturait, recomomençait des boutsde dialogue, des passages, des scènes », rapporte l’undes acteurs.Sûr du triomphe, Balzac convainc le directeur del’Odéon de lui confier la vente des billets, et fait cou-rir le bruit que tout est loué afin d’accréditer la rumeurqui fait de cette pièce un événement exceptionnel. Le19 mars 1842, la salle est aux trois-quarts vide, lesspectateurs ayant préféré attendre.On dépêche en hâte des claqueurs, on distribue desplaces gratuites, on va chercher les étudiants du Quar -tier latin. La première représentation se termine aumilieu des vociférations et des rires d’un public cha-huteur. Après vingt représentations, la pièce estinterrompue.Cette fois, Balzac accuse le coup. Les illusions entre-tenues depuis une douzaine d’années s’effondrent, etaussi l’espoir de l’indépendance financière. Comme

l’écrit René Guise, le meilleur spécialiste du théâtrede Balzac, celui-ci est désormais condamné aux « tra - vaux littéraires à perpétuité ». Le géant terrassé s’adres -se en ces termes à Mme Hanska le 23 avril 1842 : « Jevais m’enfoncer dans les abîmes du travail ».

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un récidiviste acharnéBalzac n’est que momentanément abattu. Si PaméliaGiraud, drame bourgeois en cinq actes dont l’héroïneest une fleuriste au grand cœur et aux sentimentsgénéreux, quitte la scène de la Gaîté en octobre 1843au bout de vingt et une représentations, l’écrivainpersiste et croit toujours à une fructueuse carrièrethéâtrale. Outre le rédaction de ses romans, il necesse de jeter des idées de pièce sur le papier.Accablé de dettes, pressé par ses éditeurs, il s’écrie :« Le théâtre me rendra tout ce que j’ai perdu et menourrira… Si j’ai fait La Comédie humaine, je ne voispas pourquoi je ne ferais pas un répertoire. »En 1847, il entame ce qu’il croit être une véritablecampagne victorieuse. Il donne au Théâtre-HistoriqueLa Marâtre, drame en cinq actes et huit tableaux surla haine secrète d’une belle-mère contre le femme deson fils, qui est applaudi le 24 mai 1848. Malheu -reusement, en raison des événements politique, lesspectateurs désertent les théâtres.Il sera dit que la fatalité entend poursuivre Balzacjusqu’au bout. Quand il se rend en Russie pourépouser enfin son Ève, le romancier n’est pas décou-ragé, et affirme que les pièces non encore rédigées« peuvent se faire en Ukraine et se jouer à Paris ».D’ailleurs, la Comédie-Française n’a-t-elle pas ac cep -té Mercadet, passé devant le comité lecture le 17 août1848 ? Certes, il manquait le cinquième acte, impro-visé par Balzac. Malgré cette lacune, la première dela pièce, désormais intitulée Le Faiseur, est le 15 sep-tembre.Retards, difficultés, jalousies, nécessité où se trouveBalzac de se mettre en route pour la Russie le 19,tout conspire à faire avorter le projet. Balzac ne verrajamais sur scène cette œuvre, qu’un nouveau comitéréuni en décembre fait disparaître du programme dela Comédie-Française.Comédie qui gravite autour de l’argent et concentreainsi l’univers balzacien, Le Faiseur est aussi l’abou-tissement d’une idée conçue dès 1839. En 1840,après le four mémorable de Vautrin, Balzac avaitinvité Frédérick Lemaître dans sa propriété desJardies pour lui lire Mercadet. Le comédien renoncefinalement, car il est engagé pour reprendre le Keand’Alexandre Dumas à l’Ambigu. En 1848, Balzac res-sort donc ce manuscrit pour en faire son chef-d’oeu-vre théâtral. La cruelle ironie du sort le privera decette apothéose dont il avait rêvé toute sa vie.Épuisé, malade, Balzac meurt le 16 août 1850 ; le 23août 1851, le public du Gymnase fait un triomphe àsa pièce.Telle fut l’histoire de cet amour insatisfait queBalzac porta toujours au théâtre. L’on entrouve biendes marques dans l’univers romanesque de celui qui

eut l’intention d’écrire un Théâtre comme il est. Dansla bouche de l’écrivain d’Arthez, l’un des person-nages d’Illusions perdues, ces amers propos concer-nant un auteur de théâtre évoquent cet investisse-ment passionnel, voire obsessionnel, et cette décep-tion qui furent ceux de Balzac : « Il présente à l’Odéonune comédie en cinq actes, elle est reçue, elle obtient untour de faveur, les comédiens la répètent, et le directeuractive les répétitions. Ces cinq bonheurs constituentcinq drames encore plus difficiles à réaliser que cinqactes à écrire ». Peut-on écrire La Comédie humainesans penser au théâtre ? À la référence dantesques’ajoute une conception d’ensemble du monde socialcomme dynamique dramaturgique.D’ailleurs, dans ses préfaces, Balzac utilise fréquem-ment le mot de « drame » pour présenter ses fic-tions, et le terme doit être pris au sérieux. Si, dès leurparution, les romans de Balzac ont été l’objet denombreuses adaptations théâtrales – parfois sansgrand rapport avec le texte d’origine –, ils doiventcette consécration tant à leur succès auprès des lec-teurs qu’à leur potentiel dramatique.Que les malheurs subis par Balzac sur les plus pres-tigieuses scènes parisiennes ne nous fassent pasoublier ce qu’écrivait en 1859 Théophile Gautier, àl’occasion de la reprise de La Marâtre au Vaudeville :« Avec Balzac la France a perdu un auteur dramatiqueégal au romancier ».

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UN PERSONNAGE HORS DU COMMUNJEAN-MARIE BERNICAT IN DOSSIER THÉÂTRE DES CÉLESTINS, 1995

Le Faiseur, c’est avant tout et surtout honoré deBalzac. Cet homme poursuivi par les créanciers, cethomme qui a l’art de les duper et finit par se prendreà son propre jeu, c’est toujours Balzac. Ce personnagehors du commun, ce Mercadet, homme de génie,c’est encore Balzac.Balzac a une philosophie d’optimiste qui croitcomme son Mercadet, véritable héros rabelaisien, àla thérapeutique du rire. C’est un homme d’imagina-tion qui envisage toutes les situations possibles poursurvivre, en attendant… Godeau, son ami associédisparu.Pour Balzac, « le plus grand de tous les maux, c’estl’incertitude, et la plus belle de toutes les vertus, c’est lavolonté. » Or la volonté ne s’oppose-t-elle pas à l’in-certitude ?Balzac n’a jamais voulu se laisser gagner par l’incer-titude. Personne n’a été autant que lui le chantre dela volonté. Les protagonistes balzaciens sont pour laplupart désambitieux ou des passionnés qui pour-suivent impitoyablement leurs buts et réalisent leursambitions ou satisfont leurs passions. Les autres,ceux qui hésitent, reculent, changent d’avis, finissentpar s’effondrer. Malheur aux faibles semble nousrépéter inlassablement Balzac.

C’est dans le roman que Balzac excelle et par lui qu’ilconnaît la gloire. Or, n’oublions pas qu’il a rêvé, toutesa vie durant, d’être consacré et reconnu par le théâ-tre. Balzac a un amour profond, une véritable pas-sion pour le théâtre. Jusqu’à sa mort, il rêvera detransposer sur la scène toute sa Comédie-Humaine.Balzac a toujours désiré communier avec le public. IIa toujours souhaité entendre crépiter les applaudis-sements de la foule. Pour lui, la notoriété d’un auteurdramatique est bien au-dessus de celle de tout écri-vain, aussi grand soit-il.« Faire du théâtre, voyez-vous, c’est accepter une vie en -ragée », nous dit Balzac. Or sa vie elle-même, sa res-piration, ses réactions, ne sont-elles pas celles d’unhomme de théâtre? Balzac est un acteur-né. L’hommeest en représentation permanente. Quant au créa-teur, Balzac prodigieux observateur et visionnaire,c’est précisément Balzac spectateur et acteur. II pos-sède jusqu’à un degré peu commun ce don essentiel-lement « théâtral » de communiquer, d’animer, demettre les âmes en contact.Aussi n’est-ce point un hasard lorsqu’il décide dedonner à l’ensemble de son œuvre le titre génériquede Comédie-Humaine.

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LE FAISEUR ET SES MENSONGESÉRIC BORDAS I ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE DE LYON POUR LA JOURNÉE D’ÉTUDE SUR LE FAISEUR I 5 OCTOBRE 2013, ORGANISÉE POUR LES CPGE

Tout le monde ment dans Le Faiseur. Qu’un hommeendetté mente à ses créanciers pour les éconduire,c’est dans l’ordre des choses théâtrales, tout commele fait que les domestiques mentent aux maîtres, etun amoureux à sa promise : quelle pièce qui a étéécrite explicitement pour faire un succès public s’estjamais privée de ce ressort dramatique très simplequi garantit des retournements, comiques ou tragiques,efficaces? Le mensonge et le dévoilement d’une véritéprétendue constituent l’événement de base et le res-sort dramatique décisif de maintes pièces de théâtre,d’Œdipe roi aux comédies de boulevard.

Mais dans Le Faiseur Balzac a vraiment poussé leschoses très loin. Car le mensonge n’est plus seule-ment celui de personnages qui doivent ruser avecune situation inconfortable pour ne pas perdre lapartie, il est devenu un principe social généralisé etdésormais non pas inévitable mais carrément indis-pensable si l’on ne veut ni guerre ni misère. Ce prin-cipe économique très particulier a un nom : le crédit.Mercadet est catégorique quand il ordonne à sa femmede savoir mentir par les apparences en faisant «  labelle et l’élégante […] à l’Opéra » (p. 45) pour fairecroire que les spéculations de son mari sont à leurmeilleur, prenant ainsi un crédit de solvabilité surl’opinion publique : « Tout crédit implique un men-songe !  » (p. 48).

On se propose d’étudier ici le mensonge comme prin -cipe dramatique dans Le Faiseur, précisément pourmontrer que la convention de ce ressort actantiel esttotalement réinventée par Balzac par une représen-tation de toute la scénographie sociale et sociétale,politique en somme, du crédit sans laquelle la viemoderne n’est tout simplement pas possible. Mercadetment, fait mentir tous ceux qui l’entourent, à lui-

même comme aux autres, et rend finalement infini-ment spécieuse ou obsolète l’hypothèse d’une véritéqui serait la définition antonymique du mensonge.Le Faiseur nous apprend que le mensonge n’est pasla négation volontaire d’une vérité ou d’une connais-sance, mais une pragmatique des relations humaineset surtout une pensée de l’avenir. Il n’y a rien de plusvrai que le mensonge.

Il n’est pas question d’énumérer tous les mensongesde Mercadet : sélectionnons quelques exemples bienreprésentatifs de sa pratique et surtout de son stylecommunicationnel propre.Premier exemple : le mensonge d’affaires qui consisteà affirmer avec aplomb une qualité dont on ignoretout afin d’obtenir un marché. Cela s’appelle la publi - cité, en positif ou en négatif. Mercadet pratique ré gu -lièrement ce type de mensonge, grâce auquel il faitses affaires, mais dans la pièce d’abord pour se dé -barrasser de ses créanciers : c’est le mensonge autourdes mines de la Basse-Indre servi à Goulard à l’acteI, scène 7, qui va revenir comme un motif duranttoute la pièce.

Le menteur procède ici par pur bluff, mais sait qu’ilne fait que prendre une avance de quelques jours ouquelques heures, quand la vérification par son inter-locuteur rétablira la vérité. Le mensonge est d’abordun crédit sur le temps qui, comme chacun sait, et cen’est pas une métaphore, est de l’argent, identifiablecomme monnaie d’échange, d’un troc. À charge pourlui, dans les quelques heures qu’il vient donc d’obte-nir, de faire en sorte que ce qu’il a présenté deviennevrai. Le menteur a besoin de complices, qui le sui-vent dans ses mensonges, de façon, précisément, àtransformer le mensonge en vérité. Le mensonges’étend quand les intérêts se rejoignent. […]

Mais est-ce vrai,ce que vous lui avez dit ?

(i, 8)

« »

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Si l’on résume, le mensonge de Mercadet, improvisédans un salon pour écarter un créancier, a agi sur leréel de façon à ce que ce mensonge, non pas deviennevérité, mais tout au contraire transforme la véritéincertaine en mensonge viable et fiable. C’est vrai-ment le cas d’affirmer que «  qui arrive à dire arrive àfaire  » (p. 47). L’intérêt individuel contraint la situa-tion générale et s’impose pour créer ce dont Mercadeta besoin. La fausse faillite a suscité un vrai succès,satisfaisant tout le monde et rendant vaine toutecrispation excessive autour des moyens employés.Le mensonge initial a permis un retournement quiétait le but recherché par tous : l’enrichissement. Demême que le mensonge est contagieux, il est géné-reux, et c’est là un trait essentiel du Faiseur : l’intérêtpropre de Mercadet lepous se à des mensongesqui sont profitables à tous;le mensonge de l’hommesupérieur – ce qu’est Mer -cadet, assurément, et letexte ne laisse aucun doutesur le regard d’admirationqui est posé sur lui – faitavancer la société qui ré -pète ses mensonges jus -qu’à s’y retrouver. Il nes’agit plus de dénoncerun menteur, geste moralanachronique dans unesociété privée de trans-cendance, mais de faireen sorte que ce que lemensonge du menteur alaissé espérer d’un avenirmeilleur devienne possi-ble – et la réalisation decette possibilité sera lavérité, incontestable. Répé tons-le: le mensongeest un crédit pris sur l’ave -nir. Derrière tous les men -songes de Mercadet, il s’agit d’abord, au départ, degagner du temps, de gagner le temps du futur, dansune incertitude angoissante de la durée nécessairepour transformer le présent de tous dans le sensvoulu par le mensonge d’un seul.La manipulation autour des mines de Basse-Indrereprésente le monde des affaires dans Le Faiseur : lavérité rejoint les mensonges dans cet ailleurs toutpuissant et infiniment mystérieux qu’est «  la Bourse »,lieu sans argent mais lieu de paroles qui sont desactions rendant l’argent inutile ; c’est la sphère publi -

que du mensonge. Mais Mercadet sait également fairede la publicité mensongère autour et à partir de lasphère privée, familiale. C’est d’ailleurs là l’intrigueinitiale de cette comédie bourgeoise et domestique :marier Julie à un homme riche, afin de profiter de lafortune du mari pour regagner du crédit. Pour cefaire, non seulement Mercadet ment, mais il faitmentir tout le monde autour de lui. Ou, plus exacte-ment, l’influence de ce qu’il a mis en place est telleque, même quand il n’est pas lui-même en scène, ilparvient à rendre le discours de la vérité non crédi-ble, parce que moins porteur d’intérêts, en termesfinanciers, que le mensonge.Mais le sens d’un mensonge n’est rien sans l’enjeu desa motivation, qui reste sa valeur marchande dans le

troc des crédits. La pre-mière nécessité pour Mer -cadet, avant même deconclure le mariage, voirede trouver le gendre idéal,est de faire savoir la bonnenouvelle. Le mensonge ferases preuves par sa résis-tance et ses capacités decirculation – on sait quesa durée ne sera pas : illui faudra avoir trans-formé la vérité au boutd’un moment, quand ilaura épuisé son crédit.Le retour de Godeau estl’autre grand exemple desmensonges de Mercadet.Ce retour est censé êtrela suite de la fuite de Go -deau, mensonge fondateurqui permettait à Mercadetde gagner du temps,comme d’habitude, et quiouvre la pièce par le rap-pel de Brédif: « Allez-vousme recommencer l’histoire

de la fuite de votre associé » (p. 30). Godeau existe-t-il, tout simplement ? Brédif parle d’un homme«  d’une rare énergie, et un bon vivant !… [qui] vivaitavec une petite femme… délicieuse » dont il a eu un filsqu’il a abandonné et qui fut recueilli par le caissierDuval (p. 31) ; mais tout cela n’est sans doute quereprise des récits et paroles de Mercadet, puisque,comme il le reconnaît lui-même au dernier acte :« Godeau est un mythe ! est une fable ! Godeau, c’est unfantôme… » (p. 165) – oubliant, de toute évidence,qu’il connaît pourtant son fils…

le menteur est celui qui refuse le présent et sa déceptionet prend un crédit sur un avenir

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Quoi qu’il en soit, Mercadet va revenir à son mensongefavori pour mettre en scène le retour de Godeau, etc’est d’ailleurs sous le nom de Godeau qu’il va ache-ter «  pour trois cent mille francs d’actions de la Basse-Indre […] avant Verdelin » (p. 131). C’est le mono-logue de la scène 2 de l’acte IV, dans lequel, parcequ’il est seul, Mercadet ne ment plus (aux autres)mais expose son plan. Comme les choses sont trèsavancées, il doit jouer fort et gros et va avoir besoind’un complice qui, grimé, prendra le rôle de Godeaurevenu de Calcutta afin de rendre le récit définitive-ment crédible : il faut cette fois-ci montrer le men-songe, et plus seulement le raconter. Le théâtre varemplacer le roman. Ce sera le rôle de La Brive, autregrand menteur et homme habile, autre homme sansfortune qui ment pour gagner du temps et une meil-leure identité sociale que celle que sa conditionmédiocre lui a donnée. Tout va au mieux, mais MmeMercadet, mue par « un coup de probité bête » (p. 151)dénonce l’imposture, congédie le complice, et met sonmari « aussi bas que l’em prunt d’Haïti » (p. 154), non,

pourtant, sans promettre aux créanciers qu’ils vonttous être payés par Duval. Pour quoi cette sor tie ? Paramour de l’hon neur, dit-elle à son époux: « vous alliezjouer la fortune contre le déshonneur. Par donnez-moi,je crois plus au déshonneur qu’à la fortune  » (p. 154).

Le coup de théâtre respecte tous les codes morauxattendus : la femme vertueuse sauve de lui-mêmeson menteur de mari, sacrifiant une réussite achetéepar l’imposture et misant sur l’honnêteté et la patiencedu travail pour regagner une fortune, dans un toutautre rapport au temps que celui des crises dyna-miques des mensonges cotés en bourseMais le coup de théâtre n’est pas celui qu’on pense.Et le style exagérément sublime de ce rappel de l’hon -nêteté, dans un tel contexte, fait entendre la voix del’ironie dramatique par une parodie du discours chré -tien : outre le fait qu’elle affirme hautement sa foi endes valeurs allégorisables («  je crois […] au déshon-neur  »), les «  trois vertus domestiques » de MmeMercadet rappellent inévitablement les trois vertus

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théologales de la chrétienté, dans une pièce qui secaractérise par une absence de référence à Dieu. Car,par une volte-face proprement stupéfiante et d’uneaudace dramatique peu courante, Balzac fait suivreimmédiatement cette scène d’édification d’une autrescène qui va préparer la conclusion de la pièce et quien est le retournement. Restée seule avec Julie etMinard, Mme Mercadet expose son « plan très hardi »,détournant le vocabulaire de la foi : « Si tout le mondecroit au retour de Godeau, si vous, Adolphe, vous vousdéguisiez de manière à faire son personnage… […]Monsieur Mercadet pourrait acheter, sous son nom, desactions, et obtenir de ses créanciers de fortes remises.[…] Il nous faudrait le concours de Monsieur Duval… »(p. 156).On note bien, et ce n’est certainement pas une négli-gence langagière de Balzac, qu’il ne s’agit plus decroire en (Dieu), mais de croire au mensonge. Retourau point de départ, mais sans Mercadet : ce qu’ellevient de faire échouer pour son mari, l’honnête ettravailleuse Mme Mercadet entend le réaliser elle-même. Julie et Minard font bien quelques manières,et l’acte s’achève sur le non-développement de cestratagème; mais il convient de se souvenir de ce pro -gramme pour mieux apprécier le retour de Godeauau dernier acte, tel qu’il est raconté et non montré.

En effet, il y a deux façons bien différentes de compren-dre le retour de go deau à la fin de la pièce. premièrehypothèse : ce qui est raconté est vrai. Fin des men-songes : Go deau est revenu, il a payé les dettes de

son ancien associé et Minard est son fils. Une rapideno tation au premier acte a pour fonction d’annoncercette conclusion : Mercadet le dit dans un aparté,discours de la vérité prétendue donc, Minard est « lefils naturel de Godeau » (p. 56). Il n’en demeure pasmoins que pour admettre cette lecture, il faut encorepouvoir croire en l’idée de vérité – pourquoi pas ? Il

y a des gens qui croient encore en Dieu ; ils l’appel-lent parfois «  fortune  », «  providence  », «  destin  »,mais c’est la même chose : une transcendance externeet supérieure qui finit toujours par remettre de l’or-dre – c’est à eux que cette piste est destinée.seconde hypothèse : entre la fin de l’acte IV et cesscènes finales, Mme Mercadet est parvenue à convain-cre Duval de payer les créanciers et Minard de jouerle rôle d’Adolphe Godeau, ce fils qu’il est sans lesavoir – ce qui lui permet de faire l’économie du dé -guisement envisagé, vraiment trop peu crédible etsurtout trop théâtral : assurément, et Balzac s’yconnaissait, un bon récit avec les justes mots vautmieux quand il s’agit de mentir, surtout maintenantque «  le romanesque est la grammaire des sentimentsmodernes, […] l’art de cacher l’action sous la phrase… »(p. 116). Le mensonge de Mme Mercadet a rejoint lavérité puisque Minard est bien le fils de Godeau, cequi rend désormais l’existence de Godeau superféta-toire ; ou plutôt la vérité a rejoint le mensonge fon-dateur, dans le travail du temps dépensé par le créditde la fiction : le monde n’a plus besoin du mensongeGodeau quand le mensonge est devenu, non pasvérité, mais condition de vie et durée dans le temps,rendant anachronique l’idée de mensonge commefausseté.

Balzac entretient une ambiguïté totale, mais le spec-tateur ne doit pas oublier ce plan de Mme Mercadetà la scène 18 de l’acte IV. Car son rôle est de repren-dre le motif fondateur du mensonge qui devient l’ex-

plication réaliste et même vraisemblable des événe-ments, contre la foi en une providence qui est vrai-ment un Deus ex machina trop ironique pour ne pasêtre passablement cynique et parodique. Commentcroire encore au retour de Godeau dans un mondesans Dieu ? La lecture matérialiste de la causalité quiprivilégie le stratagème de Mme Mercadet est aussi

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et surtout une réponse qui récuse, par la superche-rie, le montage, le mensonge général de l’hypothèsed’une existence de Dieu. Au détail près, authentiqueclin d’œil ironique, refusant tout dogmatisme, toutparti pris, que Minard est bien le fils de Godeau : lemensonge de l’existence de Dieu n’est pas plus unmensonge que les montages de Mercadet, c’est uncrédit parmi d’autres qui a réussi à rendre inutile sonorigine, comme le fils nous dispense du père. Enfin,dans une perspective plus esthétique, si le plan deMme Mercadet n’est pas appliqué, on se demandepourquoi Balzac l’a présenté puis aussitôt abandonné?Quel est le sens de cette piste  si elle n’est pas uneprolepse effective ? Peut-on se contenter du projetd’un mensonge qui vient d’annuler un autre men-songe ? Ce n’est pas impossible, et auquel cas Balzacsouhaite avant tout simplement saturer de men-songes sa pièce, jusqu’à une confusion limite.

Quoi qu’il en soit, cette compréhension du retour deGodeau comme un mensonge mis en scène par l’hon-nête bourgeoise qu’est Mme Mercadet, avec la com-plicité active de l’édifiant petit Minard, montre sur-tout la force quasi contagieuse des mensonges deMercadet et découvre un monde qui n’est plus quemensonges, au point que la vérité elle-même estdevenue un mensonge et que l’idée de vérité « pure »ou «  stricte », pour reprendre les clichés moraux quiaccompagnent souvent sa mention, est impossible,s’appuyant sur une ontologie rendue «  intenable  »par la logique de la spéculation. C’est la société deces hommes qui mentent «  avec un aplomb  » tel

qu’ils pourraient être ministres : «  une chambre [les]croirait » (p. 91); c’est l’agitation des paroles publiquesdes journalistes qui n’écrivent pas mais courent et serendent utiles et finissent «  par se trouver quelqu’unau lieu d’être quelque chose » (p. 103). C’est le mondede Godeau, précisément, Godeau qui, commeRoland Barthes l’avait compris, « est une absence ».Et Barthes ajoutait, génialement : «  cette absenceexiste, parce que Godeau est une fonction : […] il n’estplus besoin que les choses existent, il suffit qu’elles fonc-tionnent ; ou plutôt, elles peuvent fonctionner sans exis-ter. […] ce qui existe, ce n’est plus ce qui est, c’est ce quise tient ». Et cela, c’est la logique même et l’aboutis-sement d’un mensonge nommé «  crédit  ».

Le Faiseur montre brillamment et spirituellementque la définition du mensonge comme antonyme dela vérité est une niaiserie à usage des crédules, dutemps où l’on pouvait croire en Dieu ou en touteautorité transcendante dont le discours était la règlepour tous. Le langage, il est vrai, ne nous aide pas ànous y retrouver, avec sa conception biface d’un senset d’un signe univoques, puisque «  en France, il fauttoujours prendre l’envers du mot pour en trouver lavraie signification !…  » (p. 104). La vérité serait ainsi«  la vraie signification  » du mensonge. Ce que l’onappelle «  mensonge  » dans une perspective demétaphysique morale douteuse correspond à unevolonté d’agir sur l’avenir : le menteur est celui quirefuse le présent et sa déception et prend un créditsur un avenir qui, si le menteur est aussi volontaireet doué que Mercadet, sera travaillé de façon àrejoindre cette proposition imaginaire dans le sensainsi provoqué. En cela, le mensonge est une formede pensée de l’avenir qui doit devenir représentationpour rejoindre la durée et être viable. Le menteur estun homme d’action, par le discours. Et dans le cas deMercadet, répétons-le : les mensonges du faiseursont portés par la générosité et détestent la mesqui-nerie, l’égoïsme ; ils travaillent à faire avancer lasociété vers le progrès pour tous, puisque mêmeceux qui sont trompés un jour y gagnent le lende-main. «  Entre malheureux, on se doit la vérité »,déclare Mercadet (p. 73), qui pourrait compléter :mais entre hommes supérieurs, on se doit le men-songe… Balzac offre, dans ce qui reste son chant ducygne, qui est surtout une conclusion en forme d’ou-verture, une véritable joie du don et du partage, de lavolonté toute puissante. Parce qu’il n’y a pas plusheureux qu’un menteur qui gagne.

Toutes les références paginées au texte du Faiseur renvoient àl’édition de Ph. Berthier, Paris, GF Flammarion, 2012.

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Tout créditimplique un mensonge !

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BALZAC ET SON SIÈCLEIN DOSSIER LE FAISEUR I THÉÂTRE DES CÉLESTINS, 1995

Balzac appartient à une génération d’écrivains célé-brissimes, celle qui naît avec le XIXe siècle et meurt avantl’avènement de la IIIe République. Comme Musset,Hugo ou Gautier, Balzac est redevable aux événementspolitiques et artistiques qui ont marqué son époque :1799-1850.

En 1799, Bonaparte prend le pouvoir pour devenirNapoléon Ier, premier Empereur des Français. Sonaccession aux plus hautes charges de l’État marquele début d’un immense espoir de renouvellementsocial. L’aristocratie déchoit, la bourgeoisie exulte, lecapitalisme est lancé. Pour Balzac, Musset ou Hugo,cette période symbolisera, en quelque sorte, l’Âged’Or, où les mœurs étaient à l’abri de toute déviancegrâce à un pouvoir fort et charismatique.En 1815, la fin des Cent Jours et l’évincement définitifde Napoléon entament la Restauration, où la monar-chie et l’aristocratie reprennent leurs droits en la per -sonne de Louis XVIII, auquel Charles X, son frère,succède en 1824. Les lois contre la presse se multi-plient – comme celle de 1822 – l’église redevient om -niprésente mais la bourgeoisie, quoique à nouveausupplantée par l’aristocratie, continue à fleurir etimpose le libéralisme – soit la non-intervention del’État dans la sphère économique.Pour Musset, Balzac ou Hugo, la Restauration annonceune certaine libéralisation des mœurs, ce qu’ils condam -nent plus ou moins. Ce sentiment de bâtarâisationde la société ouvre la porte au mouvement roman-tique. Hugo lit Byron, le Faust de Goethe connaît sonheure de gloire et Delacroix s’émeut du massacre deScio. Le pessimisme hante la littérature, la peintureet la musique. Mais, 1830 amène un nouveau boule-versement : le peuple de Paris se soulève, Charles Xabdique en faveur de Louis-Philippe, duc d’Orléans

qui se proclame Roi des Français. Même si le pouvoiraccepte une certaine détente en matière de libertéspubliques, la Révolution n’est pas celle escomptée. D’où l’émergence d’une opposition républicaine, dé -mocrate, s’inquiétant des retombées sociales du ca -pitalisme. Ce semi-échec des Trois Glorieuses va ren -forcer le pessimisme artistique. Lamartine écrit sonOde sur les révolutions, Daumier multiplie ses carica-tures, Vigny regrette la splendeur napoléoniennedans ses Servitude et grandeur militaires, Stendhal seréfugie dans les fastes de l’aristocratie italienne grâceà sa Chartreuse de Parme et Chopin illumine la scèneparisienne avec ses Nocturnes, ses Préludes et sesMazurkas. Parallèlement, les écrits sur l’Histoire etl’extension de la pauvreté se multiplient. Le règne de Louis-Philippe offre un foisonnement deréflexions politiques. Michelet entreprend L’histoire deLa Révolution française ainsi que Le Peuple, Prou dhonlivre son pamphlet anarchiste, Qu’est-ce que La pro-priété ?, auquel répondent Stirner et Marx, le premierpar L’Unique et sa propriété, le second par Misère dela philosophie.Louis Bonaparte, futur Napoléon III, écrit mêmeL’Extinction du paupérisme. Le climat politique et lit-téraire est à la contestation, à la recherche de nou-velles voies. Rien d’étonnant, donc, à ce que Balzacet, surtout, Lamartine participent aux élections ré -publicaines de 1848, après une nouvelle révolution àParis. Celle-ci fonde la IIe République, offre le suf-frage universel aux citoyens et la charge de Pré si dentde la République à Louis Napoléon Bonaparte.Profitant de son crédit dans l’opinion publique, LouisNapoléon Bonaparte prend les pleins pouvoirs le 2dé cembre 1852. Son œuvre principale résidera dansl’ampleur donnée à l’industrie et au milieu d’affaires,cher à Balzac, décédé en 1850. Le milieu littéraireperd un génie et le flambeau revient aux Dumas, pèreet fils, à Flaubert et Baudelaire. Le romantisme passela main au réalisme et au symbolisme aussi bien enlittérature, en peinture, qu’en musique. Brahms suc-cède à Chopin, Courbet à Delacroix.Hugo, quant à lui, s’exile et prend conscience de lanécessité de l’engagement du poète et de l’écrivain,ce dont témoignent avec force Les Châtiments.

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M. de Balzac était un des premiers parmi les plus grands, un des plus hautsparmi les meilleurs. Tous ses livres ne forment qu’un livre, livre vivant, lumi-neux, profond, où l’on voit aller et venir, marcher, et se mouvoir, avec je ne saisquoi d’effaré et de terrible, mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine,livre merveilleux, que le poète a intitulé comédie et qu’il aurait pu intituler his-toire, qui prend toutes les formes et tous les styles, qui dépasse Tacite et qui vajusqu’à Suétone, qui traverse Beaumarchais et qui va jusqu’à Rabelais ; livre quiest l’observation et qui est l’imagination; qui prodigue le vrai, l’intime, le bour-geois, le trivial, le matériel, et qui par moments, à travers toutes les réalités large-ment et brusquement déchirées, laisse tout à coup entrevoir le plus sombre et leplus tragique idéal. À son insu, qu’il le veuille ou non, qu’il y consente ou non,l’auteur de cette œuvre immense et étrange est de la forte race des écrivainsrévolutionnaires.

Victor Hugo (1802-1885)

Quoique cela semble singulier à dire en plein XIXe siècle, Balzac fut un voyant.Son mérite d’observateur, sa perspicacité de physiologiste, son génie d’écrivainne suffisent pas pour expliquer l’infinie variété des deux ou trois mille types quijouent un rôle plus ou moins important dans La Comédie humaine. Il ne lescopiait pas, il les vivait idéalement, revêtait leurs habits, contractait leurs habi-tudes, s’entourait de leur milieu, était eux-même tout le temps nécessaire.

Théophile Gautier (1811-1872)

Jusqu’où, dans tous les ordres, Balzac a poussé l’audace, quels sujets il n’a pascraint de toucher, bien avant André Gide et Marcel Proust, aucun prospecteur deLa Comédie humaine n’a encore osé le découvrir jusqu’au fond… Plus étroitementattaché aux puissances de chair qu’aucun des jeunes dandies féroces qui peu-plent ses livres, nous savons pourtant que Balzac a su embraser La Comédiehumaine d’une surnaturelle lumière… Il a eu le pressentiment de tout, et mêmede ce fleuve souterrain, de ce courant de grâce qui parcourt invisiblement lemonde.

François Mauriac (1885-1970)

BALZAC: UN VISIONNAIRE PASSIONNÉ

© wikipedia

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Le PDG d’une bourse de bitcoin a été arrêté il y a deuxsemaines par les autorités fédérales américaines. Lesautorités de l’État de Floride, aux États-Unis, vien-nent d‘arrêter le fondateur et un des dirigeants d’une« Bourse  » bitcoin pour blanchiment d’argent. LeTrésor et le Sénat américains ont exclusivement foca-lisé leur analyse sur le risque d’utilisation du bitcoinà des fins de détournement de capitaux liés au crimeorganisé ou à la fraude.  Cette motivation est certesimportante, mais elle ignore le risque de manipula-tion qui menace les investisseurs crédules.

schéma de ponziLe bitcoin est, depuis novembre 2013, victime d’unemanipulation qui s’apparente au schéma de Ponzi(Ponzi Scheme, en anglais).On se souviendra que Bernard Madoff avait montéde toute pièce une activité qui lui avait permis derécolter 50 milliards de dollars qui se sont effondréscomme un château de carte. Il n’y avait pas d’actifsderrière ces fonds.Le mécanisme est simple : une performance excep-tionnelle qui ne repose sur rien. Il faut que les inves-tisseurs continuent à remplir le gouffre, jusqu’à ceque la musique stoppe. Mais dans ce cas, ce n’est pasune chaise qui manque, mais elles tombent toutesensemble. Il n’y a aucune réalité économique oufinancière derrière le bitcoin : seulement une valeurde convenance entre parties.

trois mois de manipulationEn une semaine, la valeur de marché du bitcoin, ennovembre, est montée de 2 à 12 milliards de dollarset s’est repliée en un jour de 5 milliards. Un bitcoinqui valait 100 dollars en vaut toujours entre 700 et900.Ce week-end, une des plus anciennes « Bourses » debitcoin, le japonais Mt Gox, a interrompu ses livrai-sons de bitcoin, provoquant une baisse de 20 % descours. Ce lundi le cours avait baissé de 40 % par rap-port à vendredi clôturant à 580. Apple a mis fin à sadernière application bitcoin.Si la chose s’était produite sur le marché des changes,des taux d’intérêt ou des titres, la cotation aurait étéimmédiatement suspendue. Une enquête aurait étédiligentée et on aurait tenté de savoir par quel mira-cle une telle évolution brutale  était possible, et sur-tout qui est derrière.La raison fondamentale de cet envol, qui différenciele bitcoin des moyens de paiement comme Paypal, estque des acteurs financiers ont commencé à organi-ser un commerce du bitcoin, non pour un troc de mar -chandises, mais contre des devises réelles. Devenantlui-même monnaie de réserve, le bitcoin est totale-ment manipulable.Le mécanisme est simple. Avec des échanges relati-vement peu importants, une hausse des prix peut êtreorganisée si l’acheteur et le vendeur font partie dumême groupe de trafiquants.

DERNIER EXEMPLE EN DATE D’UNE DÉRIVE SPÉCULATIVE : LE BITCOINPAR GEORGES UGEUX* I 9 FÉVRIER 2014, M BLOGS (BLOGS RECOMMANDÉS PAR LE MONDE)

Bitcoin est une monnaie électronique distribuée (crypto-monnaie). Elle permet le transfert d’unités appelées bitcoins àtravers le réseau Internet. Les bitcoins ainsi échangés ont vocation à être utilisés en tant que devise monétaire et commemoyen de paiement dans cette devise.Journée de krach pour le bitcoin. Mardi 25 février, la monnaie virtuelle s'échangeait aux alentours de 550 dollars (400euros) quand début février, elle valait plus de 850 dollars. Fin novembre 2013, elle avait même atteint les 1 100 dollars,dépassant ainsi le cours de l'or.

* georges ugeux, pdg de la banque d'affaire new-yorkaise galileo global advisors.

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Depuis cette embolie, le bitcoin continue à s’échanger entre 700 et 900 dollars pièce. Des «  miniers  », quiproduisent les bitcoins pour des montants dérisoires, ont fait fortune et des spéculateurs et trafiquants detout poil se sont mis à l’œuvre. Le seul objectif est de créer des bitcoins que l’on peut échanger contre devisessonnantes et trébuchantes.

l’aBsence de régulationLa Réserve fédérale (Fed) a probablement commis la plus grave erreur. Elle a déclaré que «  des monnaiesvirtuelles comme le bitcoin étaient légitimes  ». En uti lisant le terme «  monnaie  », la banque centrale améri-caine se tire une balle dans le pied. Elle a en effet la responsabilité de la « monnaie » aux États-Unis. Or ellen’a émis aucune forme de régulation de cette création monétaire, qui ressemble à un gigantesque casino.Plusieurs banques centrales, dont la Banque de France, ont été plus prudentes. « La Banque de France met engarde contre l’utilisation du bitcoin, soulignant que ce genre de devise n’est pas régulé, et réclamant une inter-vention des autorités pour mettre un terme à certaines transactions illicites.  »Mais qui sont les autorités dont elle parle ? Ne serait-ce pas le rôle de la banque centrale ? Seraient-ce lesautorités de marché ? Serait-ce la division fi nancière du parquet ? Qui a la mission d’assurer la protectiondes investisseurs ?Dans cette grande cacophonie, personne n’agit vraiment. Seuls les Chinois ont interdit l’usage du bitcoin.Les Russes ont déclaré  le bitcoin illégal cette semaine.

une déviation dangereuse que le Fmi ignoreFace à cette déviation, on espérait que le Fonds monétaire international (FMI) jouerait son rôle en rassem-blant ses pays membres. Il semble que Christine Lagarde ne considère pas que ce soit son problème. Le FMIne s’est pas prononcé.Il est cependant important qu’une vraie concertation internationale soit organisée, maintenant que les mon-tants concernés ne sont plus marginaux. Quelles seraient en effet les conséquences d’un effondrement dubitcoin et d’une perte de valeur supérieure à 10 milliards de dollars ? Qui seraient les victimes ?Les rumeurs les plus fantaisistes circulent, y compris que le FMI est à l’origine du bitcoin ou que le bitcoinvise à détruire le FMI.Ce que tout cela nous apprend, c’est que, comme dans les crises précédentes, la volonté des autorités deprendre le taureau par les cornes et d’appliquer des mesures préventives n’existe pas.De quoi ont-elles peur ?

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1807-1813 Pensionnaire chez les Oratoriens de Vendôme.1814 La famille s’installe à Paris1816-19 Études de droit.1819-20 Balzac déclare sa vocation littéraire.

Une tragédie en vers.1820 Une amie de pension, Zulma Carreau,

restera sa conseillère toute sa vie.1822 Premier amour avec Madame de Berny.

Écrit plusieurs romans sous des pseudonymes.1825-1827 Tente de faire fortune comme éditeur

et imprimeur.1829 Mort du père.1830 Vie mondaine. Collabore à des journaux.

Publication des Scènes de la vie privée, débutde ce qui entrera dans La Comédie humaine,dont l’idée lui vient dès 1833.*

1831 Vie de dandy (appartement rue Cassini, meubles, tilbury…)

1832 Duchesse de Castries. Parti néo-légitimiste. Publications nombreuses.

1833 Début des lettres à « l’Étrangère », Eveline Hanska, rencontrée à Neuchâtel.

1834-5 Nombreux romans (Il travaille parfois jusqu’à seize heures de suite).

1836 Voyage en Italie (en compagnie d’une « Musede province » déguisée en garçon) pour réglerune affaire d’héritage.

1837 Nouveau voyage en Italie. Poursuivi pour dettes, il se cache chez les Visconti.

1838 Voyage en Sardaigne pour explorer des mines d’argent. S’installe aux Jardies (près de Sèvres).

1839 Balzac songe à l’Académie Française. (Il échouera encore en 1849).

1840 Échec de Vautrin, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Interdiction de la pièce dans laquelle l’acteur Frédéric Lemaître s’était grimé en Louis-Philippe. Balzac s’installe à Passy, rue Basse [musée Balzac actuel, rue Raynouard].

1841 Santé sérieusement ébranlée. Signe le contratpour La Comédie humaine.

1842 Mort du Comte Hanski, Balzac songe à épouser sa veuve. Échec du second drame de Balzac : Les Ressources de Quinola.

1843 Voyage à Saint-Petersbourg d’où il revient avec Madame Hanska.

1844 Correspondance exaltée avec Mme Hanska.Obstacles de la loi russe au mariage avec elle.

1846 Achat de l’hôtel particulier de la rue Fortunée(auj. rue Balzac). Soucis de santé et d’argent.

1847 Mme Hanska à Paris. Premier séjour de Balzacà Wierzschownia, en Ukraine, au château de Mme Hanska.

1848 Balzac assiste aux émeutes de février. Succèsde son drame La Marâtre. Repart pourWierzschownia, malade pendant l’hiver 1848-9.

1850 Mariage avec Mme Hanska à Bertitcheff.Retour des époux à Paris, rue Fortunée. Balzac malade (20 juin : « Je ne puis ni lire ni écrire. ») Mort de Balzac le 18 août.

HONORÉ DE BALZACQUELQUES REPÈRES Tirés de la biographie de Gaëtan Picon dans Le Balzac, coll. du Seuil, plus spécialement rapportés ici aux questions du Faiseur, F. R.

* Chaque année voit la publication d’un grand nombre de romans que nous n’indiquons pas ici. Voici seulement le plan final de La Comédie humaine :• Études de mœurs : Scènes de la vie privée (27 romans) • Scènes de la vie de province (12 romans)• Scènes de la vie parisienne (23 romans) • Scènes de la vie politique (4 romans) • Scènes de la vie militaire (2 romans)• Scènes de la vie de campagne (4 romans) • Études philosophiques (5 romans) • Études analytiques (2 romans)

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EMMANUEL DEMARCY-MOTA

À dix-sept ans, il fonde la troupe des Mille fon -taines avec ses camarades du lycée Rodin,et continue cette expérience alors qu’il estétudiant à La Sorbonne.Ensemble, ils abordent les pièces de nom breuxauteurs européens (Büchner, Shake speare,Pirandello, Brecht, Kleist…). En 1994, il monteL’Histoire du soldat de Ramuz au Théâtre dela Commune, puis, en 1995, Léonce et Lénade Büchner.Il reçoit en 1999 le Prix de la révélation thé -âtrale de l’année par le Syndicat nationalde la critique dramatique pour Peine d’amourperdue de Shakespeare.

Chaque année, au moins l’une de ses misesen scène rencontre un vif succès :en 2000, Marat-Sade de Peter Weiss auThéâtre de la Commune ;en 2001, Six Personnages en quête d’auteurde Pirandello au Théâtre de la Ville qui reçoitdeux prix du Syndicat national de la cri-tique dramatique.

Nommé en 2001 directeur de la Comédiede Reims, il ouvre sa première saison avecdeux créations de Fabrice Melquiot (L’Inat -tendu et Le Diable en partage), un auteurauquel il restera fidèle, mettant en scène no -tamment Marcia Hesse en 2005 au Théâtrede la Ville.À Reims, il inaugure une politique culturelletrès active, en créant un Collectif artistiqueet un centre de recherches européen. Il faitconstruire un nouveau lieu à côté du CDN,l’Atelier, qu’il inaugure en 2007 avec la cré -ation du festival Reims-Scènes d’Europe.

Il monte en 2004, Rhinocéros de Ionesco eten 2007 Homme pour homme, au Thé âtrede la Ville, dont il prend la direction en 2008.Il y met en scène Casimir et Caroline d’Hor -váth en 2009 et 2010, re prend Rhinocérosen 2011.

Il est aussi président de l’Anrat (Asso ci ationnationale de re cherche et d’action théâtrales),qui rassemble des enseignants et des artis -tes engagés dans des actions d’éducationartistique.Il a reçu pour l’ensemble de son travail leprix Plaisir du théâtre SACD 2010.

En juin 2011, il est nommé directeur duFestival d’Automne à Paris. En octobre 2011,il initie un parcours {enfance & jeunesse}as so ciant 5 théâtres partenaires à Paris pourdes propositions Jeune Public internationaleset pluridisciplinaires. Dans ce cadre, il meten scène, au Théâtres des Abbesses en2011 et 2012, Wanted Petula et Bouli An -née Zéro de Fabrice Melquiot.

En 2012, il crée Victor ou les Enfants aupouvoir de Roger Vitrac, présente IonescoSuite aux Abbesses et dans des lycées deParis et sa région. Tandis que la re-créationde Rhinocéros tourne dans le monde : 1mois aux États-Unis.

En 2013, Rhinocéros est présenté au Bar -bican de Londres, à Moscou, à Barcelone,à Athènes et Lisbonne.

En 2014, il crée Le Faiseur de Balzac, auxAbbesses, repris en 2015, recrée Six Per -sonnages en quête d’auteur en juin 2015.

En juin 2015, il reçoit le prix de la mise enscène de la SACD.

En décembre 2015, il créera un nouveauspectacle, dans le cadre de la 5e édition deParcours {enfance & jeunesse}, Alice etautres merveilles de Fabrice Melquiot etprésentera à nouveau Six Personnages enquête d’auteur de Pirandello en mars 2016.

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christophe lemaireassistant À la mise en scène

Complice de la première heure d’Em manuel Demarcy-Mota, il fait partie, depuis 1989, del’équipe fon datrice et permanente de la compagnie Le Théâtre des Mille fon taines, au sein dela quelle il est as sistant à la mise en scène et collaborateur artistique : il a travaillé sur tous lesspectacles de l’équipe depuis l’époque du lycée et collabore à l’ensemble des activités de lacompagnie.

yves collet scénographie et lumière

yves collet a signé l’ensemble des scénographies et lumières des mises en scène d’EmmanuelDe marcy-Mota, depuis 1998 : Peine d’amour perdue, Marat-Sade, Six Personnages en quêted’auteur, Rhinocéros, L’Inat tendu, Le Diable en partage, Ma vie de chandelle, Marcia Hesse,Homme pour homme, Wanted Petula, Casimir et Caroline, Ionesco Suite…Il a également créé la scénographie de L’Autre Côté, opéra de Bruno Mantovani sur un livret de

François Regnault, mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota à l’Opéra national du Rhin. Avec l’En semble artistique, iltravaille également sur les pe tites formes, les lectures et a repensé les espa ces publics du Théâtre de la Ville à l’arrivéed’Emmanuel Demarcy-Mota en 2008. Il a travaillé notamment avec Catherine Dasté, Adel Hakim, Claude Buchwald,Elisabeth Chailloux, Brigitte Jaques-Wajeman…

JeFFerson lemBeye musique originale

Jefferson Lembeye a composé les musiques de tous les spectacles d’Emmanuel Demarcy-Mota,depuis 1998: Peine d’amour perdue, Ma rat-Sade, Six Personnages en quête d’auteur, Rhi nocé-ros, Homme pour homme, L’Inattendu, Le Diable en partage, Ma vie de chandelle, MarciaHesse, Wanted Petula, Casimir et Caroline, Ionesco Suite…Au sein de l’Ensemble artistique du Théâtre de la Ville, il compose et interprète régulièrement les

musiques de chaque récital de poésie, petites formes, concerts poétiques… Instru mentiste et compo siteur, ses piècesmélangent acoustique et électronique.Il a travaillé également avec Catherine Hiegel, Ricardo Lopez Munoz, et en danse avec les compagnies L’expé rienceHarmaat, Retouramont et Kirvat. Travaillant également pour le cinéma, il est cofondateur du collectif Mix.

corinne Baudelot costumes

Après des études de scénographie à l’EPIAR de Nice, elle travaille au Festival d’Avignon. Elle collabore avec MathildeMonnier et Jean-François Duroure pour de nombreuses créations, avec Hervé Robbe et Jacques Pattarozzi. Avec le met-teur en scène d’évé nements Serge Aubry, elle crée les costumes pour des spectacles intégrés aux défilés de Kenzo.Elle travaille avec plusieurs artistes de cirque, notamment Johann Le Guillerm. Depuis 2001, elle participe au travaild’Emmanuel Demarcy-Mota.

L’ÉQUIPE ARTISTIQUE

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serge maggianiAUGUSTE MERCADET

Né en Italie mais installé en Francedepuis l’enfance, au théâtre, il a tra-vaillé notamment avec Claude Régy,Cathe rine Dasté, Yannis Kokkos,Antoine Vitez, Daniel Mes guich,

Christian Schiaretti, Claudia Stavisky, René Loyon, CharlesTordjman…Avec Emmanuel Demarcy-Mota, il joue dans Rhinocéros etVictor ou les Enfants au pouvoir. La saison dernière, il araconté L’Enfer de Dante au Café des Œillets (Théâtre dela Ville) en collaboration avec Valérie Dréville et qui est repriscette année au Théâtre des Abbesses du 26 mars au 11avril à 18 H.

valérie dashwoodMADAME MERCADET

Après avoir suivi la classe libre duCours Florent et intégré le Conser -vatoire national supérieur d’art dra-matique, Valérie Dashwood jouepour la première fois dans une mise

en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota en 1998, dans Peined’amour perdue de Shakespeare. Suivent Marat-Sade dePeter Weiss (2000), Six personnages en quête d’auteur dePirandello (2001), Ma vie de chandelle de Fabrice Melquiot(2004), Rhinocéros d’Eugène Ionesco (2004, recréation en2011), Wanted Petula (2009) et Victor ou les Enfants au pou-voir (2012).Elle travaille avec Stuart Seide, Daniel Jeanneteau et depuis2002 avec Ludovic Lagarde qui la met en scène dansDocteur Faustus de Gertrud Stein ainsi que dans troiscréations d’Olivier Cadiot, Retour definitif et durable del’être aimé, Fairy Queen et Un nid pour quoi faire(présenté au Théâtre de la Ville en 2011).

sandra Faure JULIE MERCADET

Elle travaille notamment avec Fré -déric Fisbach, Christian Germain,Christophe Lidon et Thierry Lavat.Elle rencontre Emmanuel Demarcy-Mota en 2004, rejoint la compagnieet joue sous sa direction dans Rhi -

nocéros, Ionesco Suite, Le Diable en Partage, Hommepour homme, Variations Brecht, Wanted Petula, Casimiret Caroline, Bouli année zéro.

pascal vuillemot JUSTIN

Il entre, à 24 ans, au Conservatoirenational supérieur d’art dramatiqueoù il fait ses classes avec Domi -nique Valadié, Philippe Adrien,Jacques Lassalle et Philippe Garrel.De puis 2000, il travaille régulière-

ment avec Emmanuel Demarcy- Mota qui l’a engagé pourjouer dans Marat-Sade, Six personnages en quête d’au-teur de Pirandello, Peine d’amour perdue de Shakespeare,Rhinocéros de Ionesco,Casimir et Caroline de Horváth,Homme pour homme de Brecht.

gaëlle guillou THÉRÈSE

Après avoir joué Shakespeare etBüchner avec la Compagnie desMille Fontaines, Gaëlle Guillou, co -mé dienne et chanteuse, découvrele jeu masqué avec Mario Gonzales,le théâtre de rue, les échasses et

l’art de l’improvisation avec Jackà Maré Spino. Depuis1999 elle collabore de façon régulière avec Puzzle Théâtred’Assemblage. Parallèlement elle tourne des spectacles demasques de Bâle avec la Compagnie Sortie de Secours.Après avoir été membre du collectif artistique de laComédie de Reims durant 7 ans, elle fait aujourd’hui par-tie de l’ensemble artistique du Théâtre de la ville et jouerégulièrement dans les spectacles d’Emmanuel Demarcy-Mota.

céline carrère VIRGINIE

Formée au Conservatoire nationalsupérieur d’art dramatique. Elle anotamment travaillé au théâtre sousla direction de Patrice Chéreau, ÉricRuf, Alain Milianti, Nicolas Bigard,Philippe Calvario, Didier Long.

Depuis 2008, elle fait partie de la troupe d’Emmanuel Demarcy-Mota avec laquelle elle a joué dans Peine d’amour perdue,Rhi nocéros (où elle a remplacé Valérie Dashwood dans lerôle de Daisy pour la tournée aux États-Unis) et IonescoSuite, Variations Brecht, Casimir et Caroline, WantedPetula, Bouli année zéro, Victor ou les Enfants au pou-voir.

LES COMÉDIENS

Jauris casanovaADOLPHE MINARD

Formé à l’Ensatt-Paris de 1993 à1996, il travaille dès sa sortie avecRichard Brunel, Adel Hakim, Auré -lien Recoing, Nada Strancar etThierry Lavat notamment. Il rejoint

la compagnie en 2006 et joue notamment dans Rhinocéroset Ionesco Suite, Homme pour homme et Variations Brecht,Casimir et Caroline, Wanted Petula, Bouli année zéro.

philippe demarleMICHONNIN DE LA BRIVE

Après le conservatoire, il travailleavec Marcel Maréchal, FrançoisRancillac, Daniel Mesguish, JacquesLassalle, Joël Jouanneau, BrigitteJaques-Wajeman, Stuart Seide,

Georges Lavaudant, Michel Raskine, André Engel.À partir de 2001, il joue dans les mises en scène d’Em -manuel Demarcy-Mota : notamment dans Le Diable enpartage (2001) et Ma vie de chandelle de Fabrice Melquiot(2004), Rhinocéros d’Eugène Ionesco (2005 et 2006), Hommepour homme de Bertolt Brecht (2007) et pour la créationde Wanted Petula de Fabrice Melquiot (octobre 2009). Ilvient d’inaugurer le nouveau cycle Un acteur, une valiseavec Les Cygnes sauvages de Andersen.

stéphane KrähenBühlBREDIF

Formé au Conservatoire d’Art dra-matique de Strasbourg en 1992, ildémarre une collaboration deplusieurs années avec le metteur

en scène Pierre Diependaële. En 1998, il rencontreEmmanuel Demarcy-Mota et participe à partir de cettedate aux créations de la compagnie, notamment Peined’amour perdue, Six personnages en quête d’auteur,Rhinocéros, Ionesco Suite, Homme pour homme,Casimir et Caroline, Victor ou les Enfants au pouvoir,Variations Brecht et Wanted Petula.

sarah KarBasniKoFFPIERQUIN

Formée à l’École du passage, àThéâtre en Actes, puis à l’Éco le su -périeure d’Art dramatique du Théâtrenational de Strasbourg d’où ellesort en 1996. Elle travaille notam-

ment avec Adel Hakim, Stéphane Braunschweig, DeclanDonnellan, Agathe Alexis, Lionel Spycher.

Avec Emmanuel Demarcy-Mota, elle joue dans Marat-Sadede Peter Weiss, Rhinocéros de Ionesco, Tanto Amor Des per - diçado de Shakespeare, Homme pour homme de Brecht,Casimir et Caroline de Horváth, Bouli année zéro de Fa -brice Melquiot et Victor ou les Enfants au pouvoir de Vitrac.

gérard maillet VERDELIN

Formé à l’Ensatt-Paris, il collaborenotamment avec les metteurs enscène Thierry Lavat et Jean-MarieLejude. Il rejoint la compagnie en1998 et participe depuis aux créa-tions d’Emmanuel Demarcy-Mota,

en particulier à Peine d’amour perdue, Marat-Sade, Sixpersonnages en quête d’auteur, Rhinocéros, Hommepour homme, Casimir et Caroline, Wanted Petula, Bouliannée zéro, Ionesco Suite.

charles-roger BourGOULARD

Il suit une formation au cours d’artdramatique d’Aix-en-Provence puisà l’école Florent. Depuis 1994, ilparticipe à la quasi-totalité des cré -ations d’Emmanuel Demarcy-Mota,

notamment L’Histoire du soldat de Ramuz, Léonce et Lénade Büchner, Peine d’amour perdue de Shake speare,Marat-Sade de Peter Weiss, Six personnages en quêted’auteur de Pirandello, Rhinocéros de Ionesco, Le Diable enpartage, Marcia Hesse, Wanted Petula, Bouli années zéro,quatre pièces de Fabrice Melquiot, Homme pour hommede Brecht, Casimir et Caroline d’Horváth. Au Théâtre, Il atravaillé également avec Christian Rist, Brigitte Jaques-Wajeman, Christophe Perton, Philippe Faure, JacquesWeber…

walter n’guyen VIOLETTE

Comédien, danseur et musicien,Walter N’Guyen travaille avecEmmanuel Demarcy-Mota depuis2006. Il a participé à plusieurs deses mises en scène: Homme pourhomme en 2006 ; Casimir et Caro -

line en 2009, Rhinocéros en 2011. Avec le compositeurJefferson Lembeye, il signe également les musiques deHomme pour homme (2006) et Ionesco Suite (2012).

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BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE• Le Faiseur Balzac - VERSION SCÉNIQUE D’EMMANUEL DEMARCY-MOTA – Parution mars 2015 (Collection Théâtre de la Ville)

• Le Faiseur Balzac (Imprimerie nationale)

• Le Faiseur Balzac (Flammarion)

• L’art de payer ses dettes et de satisfaire ses créanciers sans débourser un sou Balzac (Maxtor France)

• Les employés Balzac (Folio classique)

• Philosophie de la vie conjugale Balzac (Folio classique)

• Portrait souvenir de Balzac georges simenon (Christian Bourgois)

• L’Argent et le rire : de Balzac à Mirbeau sous la direction de Florence Fix (Presses universitaires de Rennes)

• Balzac : L’Argent, la prose, les anges Juliette grange (Circé)

• Balzac François taillandier (Folio Biographie)

• Emmanuel Demarcy-Mota, Arthur Nauzyciel, James Thiérrée, Un théâtre apatride colette godard (L’Arche Éditeur)

• Éloge de l’anormalité matthieu pigasse (Plon)

• Dette 5 000 Ans d’histoire david graeBer (Les liens qui libèrent)

• Le crédit dans la poétique balzacienne alexandre péraud (Classiques Garnier)

À ENTENDREBalzac, homme de théâtre par Francis Ambrière i Première diffusion le 23 mars 1959 sur la France III Nationale

http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4470663

Et qui arrive à dire arrive à faire, n'est-ce pas ?LE FAISEUR, acte i, scène 6

MERCADET (À SA FEMME)

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