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UN BII3LIOPHIIJE DU XV°' SIÈCLE. LE GRAND BÂTARD DE BOURGOGNE Parmi les grands bibliophiles du xv6 siècle, Antoine de Bour- gogne, dit le Grand Bâtard, fut certainement un des plus célèbres. L'attention a été dernièrement attirée, par M. Salomon Reinach, sur un bel exemplaire des chroniques de Froissart, exécuté pour lui, à Bruges, en 1468-1469'. D'heureuses circonstances nous ont permis de retrouver deux manuscrits, pour ainsi dire incon- nus, qui firent partie de la bibliothèque de ce prince. Nous avons pensé qu'il était utile de les décrire en détail, car ils appar- tiennent à deux collections particulières. Nous en profiterons, eu outre, pour donner une liste aussi complète que possible des volumes qui portent l'ex libris du Grand Bâtard. Les goûts de bibliophilie font un contraste frappant avec la vie si mouvementée que mena Antoine de Bourgogne. Né en 1421 de Philippe le Bon et de Jeannette de Presles', il était seigneur de Beures en Flandre, de Crèvecœur et de Vassy, comte de Sainte-Menehould, de Cbâteau-Thierry, de Guines, de Grand- Pré, de la Roche en Ardennes et de Steenberghe. Il se distingua lar son courage sur les côtes du Maroc, où il délivra Ceut.a assiégé par les Maures, entra ensuite au service de son frère Charles le Téméraire et combattit contre les Liégeois et les Suisses. II commanda l'avant-garde à Gra p son en 1476, mais fut pris à Nancy en 1477. Prisonnier de René, duc de Lorraine, il fut remis par celui-ci entre les mains de Louis XI, qui parvint à se l'atta- cher en le comblant de faveurs. Charles VIII lui accorda en 1486 I. Le Manuscrit des chroniques de Protssa,'t â Breslan, dans Gazette des beaux-arts, 3° période, t. XXXIII (1905), p. 371-389. 2. Et non de Marie de Thiefl'eries, comme le lit, par exemple, le baron de Bannie dans son ma. des ducs de Bourgogne, t. VI], p. 381. r Document II II II II II III 11111 111111111 III 0000005614523

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UN BII3LIOPHIIJE DU XV°' SIÈCLE.

LE GRAND BÂTARD DE BOURGOGNE

Parmi les grands bibliophiles du xv6 siècle, Antoine de Bour-gogne, dit le Grand Bâtard, fut certainement un des plus célèbres.L'attention a été dernièrement attirée, par M. Salomon Reinach,sur un bel exemplaire des chroniques de Froissart, exécuté pourlui, à Bruges, en 1468-1469'. D'heureuses circonstances nousont permis de retrouver deux manuscrits, pour ainsi dire incon-nus, qui firent partie de la bibliothèque de ce prince. Nous avonspensé qu'il était utile de les décrire en détail, car ils appar-tiennent à deux collections particulières. Nous en profiterons, euoutre, pour donner une liste aussi complète que possible desvolumes qui portent l'ex libris du Grand Bâtard.

Les goûts de bibliophilie font un contraste frappant avec lavie si mouvementée que mena Antoine de Bourgogne. Né en 1421de Philippe le Bon et de Jeannette de Presles', il était seigneurde Beures en Flandre, de Crèvecœur et de Vassy, comte deSainte-Menehould, de Cbâteau-Thierry, de Guines, de Grand-Pré, de la Roche en Ardennes et de Steenberghe. Il se distingualar son courage sur les côtes du Maroc, où il délivra Ceut.a assiégépar les Maures, entra ensuite au service de son frère Charlesle Téméraire et combattit contre les Liégeois et les Suisses. IIcommanda l'avant-garde à Gra pson en 1476, mais fut pris àNancy en 1477. Prisonnier de René, duc de Lorraine, il fut remispar celui-ci entre les mains de Louis XI, qui parvint à se l'atta-cher en le comblant de faveurs. Charles VIII lui accorda en 1486

I. Le Manuscrit des chroniques de Protssa,'t â Breslan, dans Gazette desbeaux-arts, 3° période, t. XXXIII (1905), p. 371-389.

2. Et non de Marie de Thiefl'eries, comme le lit, par exemple, le baron deBannie dans son ma. des ducs de Bourgogne, t. VI], p. 381.

r Document

II II II II II III 11111 111111111 III0000005614523

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2 UN BIBLIOPHILE fil XV' SLCLE.

des lettres de légitimation. En 1451, il avait été nommé cheva-lier de la Toison d'or'. Enfin, il mourut à Bruges en 1504 à l'âgede quatre-vingt-trois ans.

Malgré cette existence guerrière, le Grand Bâtard n'en recher-chait pas moins les livres de luxe. Il avait formé au château dela Roche une très riche bibliothèque 2 , dont les manuscrits à pein-tures étaient le plus bel ornement. Que devint-elle après samort? Aucun document ne nous l'apprend. Peut-être fut-ellevendue. En tout cas, un certain nombre de volumes en prove-tant portent la marque, ajoutée postérieurement, A. de Bour-pogne. Nul ne l'aproche, qui, d'après Schultz 3 , serait celle dupetit-fils d'Antoine, Adolphe de Bourgogne. Cela pourrait fairesupposer que les descendants avaient gardé au moins uue partiedes collections.

Aujourd'hui les manuscrits d'Antoine de Bourgogne sont dis-persés dans un grand nombre de bibliothèques d'Europe. Nousavons cru intéressant de signaler ceux que nous avons pu retrou-ver. La plupart ont été exécutés pour le prince lui-même et sontornés de remarquables miniatures.

PARIS. - Bibliothèque nationale. - Français 17267. Chroniquedes rois dc lrance, par Guillaume de Nangis. Commencement duxv' siècle. Miniature.

- Français 9041. Les chroniques de Pise, traduites d'italien enfrançais. Seconde moitié du XV' siècle. Miniatures.- Bibliothèque de l'Arsenal. - 2001. Guillaume Durand, Ratio-

nal des divins offices; traduction française de Jean Golem, carme.Seconde moitié du xv' siècle. Miniatures.- 5064. « Le livre des prouftitz champestres et ruraulx, lequel

1. Voir Ancien armorial équestre de la Ybison do', publié par LorèdanLarchey. Paris, 1890, in-foI., p. 59.

2. Cf. Scheibel, Merkwurdigkeiten de,' I1/zedigerschen Bi&Iiothek zu Bresinu,1794, p. 2, et Dissertationern alleram de Carolo Oellicoso ultinto Burgundimdnce, prteside Jo. Davide Kcetero... luendam suscipit Cern-gins J'ridericusIVutferus... AIlorfi, 1713, in-4', 39 p. Voici ce qu'on lit dans ce dernierouvrage (p. 88) 4 110e nobilissiinum monumentum genealogicum et heraldi-00m (il s'agit d'une génôalogie de la maison de Bourgogne) fortasse latuit inhibliotheca eeleberrima Antonii magni bastardi de Burgundia, guam ille ino1ipido ducatus Luxenhurgici, Roche en Ardenne dicta, instituit... »

3. Bescln'eibnng de,' I3restauer Handschrtfi des Froissart. IlreSIau, 1869,in-4', p. 7.

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LE GRAND BÂTARD DE BOURGOGNE.

compila Pierre des Groiscens, bourgeois de Bouloigne.Secondemoitié du xv0 siècle. Miniatures.

- 5l26. La manière de la fondation et augmentation del'église Nostre Dame en Boullongne. » Seconde moitié du n 0 siècle.Miniatures.

- 5192. « Le livre Jehan Boccace des cas des nobles hommes etfemmes, translaté de latin en françois par... Laurens de Premier-fait, clerc du diocèse de 'l'roies... n Seconde moitié du xr siècle.Miniatures I

- 2680. Recueil. I3runetto Latino, le Livre du Trésor. Etc...,ir siècle.- h!usée du Louvre. - Feuillet d'un livre de droit, avec tableau

des degrés de parenté. Seconde moitié du xv' siècle..Miniature2.Lortmws. - fitusée britannique. - Uarley 2967. Missel. Exécuté

après 1450. liJiniatures.- Collection de ii. II. Y. Tiiompeon. - Livre d'heures. Exécuté

vers 1480 (ancienne collection liidot). Miniatures».- Ancienne collection As/zburnham. - Barrois, 3. Miroir historiai

de France. Seconde moitié du xve siècle. Miniatures4.BRUXELLE5. - Bibliotledquc royale. - 9093. Barthélemy l'Anglais,

le Livre des propriétés des choses; traduction de Jean Corhichon.xiv' siécle. Miniatures.

- 9297-9302. Saint Augustin, Méditations en français. Secondenicitié du xv' siècle. Miniatures.

- 9055. Romuléon ou Faits des Romains. Copié en 1468 parDavid Aubert » . Miniatures.- 9571. Gui de Colonne, Destruction de Troie. Seconde moitié du

xve siècle. Miniatures.

1. Cf. Hennin, les Monuments de l'Histoire de I'ranee..., t. VI, p. 130et 13!.

2. Cette miniature a été attribuée à Guillaume Vrelant; cf. P. Diarrieu, dat,,(tait., de ta Soc. des .lntiq. de Pr.. 1889, p. 279.

3. Cf. Montague Rhodes James, .4 descriptive catatogne of fif4/ manuscripisf'n lite collection of Henry Yites T/wmpson. Cambridge, 1898, in-8', r 12,

57-63.4. N' 405 de l vente dc 1905. Voir le catalogue (avec planche). Acquis par

M. Quaritch, de Londres, et vendu récemment à un collectionneur américain.5. Le Froissart de Breslau, étudié par M. Salornou Reinach, a été également

copié par ou plutôt sous la direction de David Aubert en 1468 cl 1469. SurDavid Aubert, voir l'article de la Gazette des beavx-arts, 1905, p. 372.

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4 UN l51!ILTOPIIII.H nU XV' STÙCLE.

- 9572. Épitrc des dames de Grèce à leurs maris devant Troie.Seconde moitié du xv 0 siècle.

- iI, 2296. Monstrelet, Chroniques. Seconde moitié du xv' siècle.Miniatures1.

—11, 2766. Comptes des ducs de Bourgogne. xv' siècle.LA Hn. - Bibliothèque royale. - No 10. « La Bible de la Toi-

son d'or moralisée, à l'usage de Philippe le Bon. » Seconde moitié duxv' siècle. Miniatures2.

COPENHÂGUE. - Bibliothèque royale. - Fonds de Thott, fol. 540.Quiute-Curce, « les faiz du grant Alexandre, translatés par Vasquede Lucène, portugalois, en 1468. » Seconde moitié du xv' siècle.Miniatures».

BaEsrau. - Bibliothèque royale. - Froissart, Chroniques. Exem-plaire en quatre volumes copié en 1468 et 1469, par David Aubert.Miniatures4.

- Valère-Maxime, des Dits cL faits des Romains; traduction parSimon de Hesdin et Nicolas de Gonesse, 2 volumes. Seconde moitiédu xv' siècle. Miniatures'.

.OREsDF;. - Bibliothèque royale. - Ms. 0e. 49. Apocalypse, enfrançais. Première moitié du xiv' siècle. Miniatures6.

CoTisA. - Bibliothèque ducale. - Cod. memb. I, 449. Êpitrc de

I. Ce manuscrit n ét acquis A In vents Ashburnbam en 1899 (Appendice 151,96 de la vente).

2. cf. Achille Jubinal, Lettres sur quelques manuscrits de la /Jibli.othd queroyale de la Baye. Paris, 1846, in.8', p. 7.

3. Cf. L. Abrahains, Description des manuscrits français du moyen âge dela bibliothèque royale de Copenhaque. Copenlrngue, 1844, in-4', p. 65-68, etClir, Bruni', Aa;'sberetwiuger og meddel.elser fra det store Konqelige moUe-t/,ek. Thredie bind. Xjobenhavn, 1890, in-8', 2' partie, i'• 23-234.

4. cf. Schultz, op. cil., et Beinach, op. cil.5. Ce manuscrit et le Froissart ont figuré à une exposition de minial,ures

organisée A l3reslau en 1903. Voir un article de M. Julius Brann, clans Revuearchéotogi que. 1903 (lI), p. 420 et suiv.

6. Cc volume a fait partie de la bibliothèque des ducs de Bourgogne et uappartenu A Philippe le Bou. li passa ensuite entre les mains de Josepb Fou-onuit, conseiller dEtat et membre de l'Académie des Inscriptions (-f 1721).Cf. El,ert, Geschéehte und Beschreibung d.er Kgl. éflentl. Bibliothek zu Vies-rien. Leipzig, 1822, in-8 V , • 309 et 323; Karl Falkenstein, lieschreibu.ny des'Kgl. bifenti. Iiibliothek zu Dresden. Dresden, 1839, in-8', p. 418-419; lIen-lin, Monuments, t. V, r 164, et surLout Rob. Bruek, Die Male,'eaen in denifandechriflen des Konig,'eichs Snchsen. Dresden, 1900, in-8', p. 129-144(7 fig.),

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LE GIIANI) RATAIt» DE BOUISGOGNE.

la déesse Othéa à Ftector, par Cliristirie de Pisan. Seconde moitié duxv' siècle. Miniatures.

TnnIN. - Bibliothèque nationak. — L. J. 6. Cité de Uieu de saintAugustin; tome 1 (te tome J! est aux archives de l'État à Turin, voirci-dessous). Copié en 1466 par Jean du Quesne. Miniatures.- L. 1. 4. Bible historiale; tome II. Seconde moitié du xv 8 siècle.

Miniatures.— L. 11. 43. Miroir des vices. Seconde moitié du xv' siècle. Minia-

tures. (Portrait du Grand Bàtard en prières.)— L. 11.4. Somme rurale, deJean Boutiltier; 2 volumes. xv' siècle2.— Archives de l'État. — Cité de Uieu de saint Augustin; tome 1].

1468. Miniatures.— Christine de Pisan, Faits d'armes, de guerre et de chevalerie.

Seconde moitié du xv' siècle 1 . Iiniatures.FLouENcE. — Bibliothèque Laurentienne. — Plut. Lxii, cod. Viii.

Commentaires de César; traduction francaise de Robert Gaguin,1485. Seconde moitié du xv' siècle. Miniatures5.

A cette liste, qui sera certainement incomplète un jour, nousdevons ajouter les deux manuscrits auxquels nous avons fait allu-sion au commencement de cet article et quenous allons décriremaintenant.

Le premier se trouve dans la riche collection de M. le comtede Troussures qui, avec son obligeance bien connue, nous a per-mis de l'examiner à loisir. Cest un fort bel exemplaire de la tra-

I. cf. Fr. Jacobs et F.-A. tJkert, Beitrége zur ?lUern Litteratur otier Mark.wvrditjkeiten 1er /zerzogt. ififfenti. .Jiibliothek zu Gotha. Leipzig, 1835-1838,3 vol. in-8, t. II, p. 161-167 et pi. VII.

2. Les manuscrits du Grand Bâtard que nous venons «indiquer comme étantconservés A la Bibliothèque nationale de Turin ont ét4 presque totalementdétruits dans l'incendie du 26 janvier 1904. cr. Paut Durrieu, les Manuscritsà peintures de la bibliothèque incendiée de Turin, (laDs la Chronique desarts, 1904, t'. 64. Dans une liste donnée par M. R. Renier (Giornale .çtorico(Mita lilleratura itatian.a, t. XLIV, 1904, p. 417), les manuscrits de la cité deDieu et du Miroir des vices sont indiqués comme étant eu partie sauvés.

3. Cf. Monumenta patueoyraphiea sacra allante peicografico artisticoconipiiato sui rnanoscritti espoti in Torino alla ,nostra d'arte sacra net 18.98

put'iicato... per cura di F. CarIa, C. Cipolta e C. ProU.,. Tonne, 1899,in.fol., ('. 43 et pI. LXIX.

4. Ce manuscrit et le précédent ont iiguTè en 18804 une exposition organiséeà Tunin (et. le Catalogue, p. 80 et 81, ,m' 21 et 22).

5. La peinture de dédicace n été reproduite par E. Miintz, ta Renaissanceen itatie, p. 476.

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tIN IJIRLIOPIIJLE Oh XV 5I*CF,E.

duction, fa te par Jean de Meung, de la Consolation de la philo-sophie de Boèce 2 . II date du commencement du xv 0 siècle, mesure293 sur 265 millimètres et contient 161 feuillets. La reliure, plusmoderne, est en bois recouvert de velours bleu avec clous et fer-moirs en cuivre. L'écriture est à deux colonnes; le texte latin esttranscrit sur le verso et la traduction sur le recto. Les margessont couvertes de gloses latines. Le copiste s'est nommé au fol. 161,où on lit Johannes Boute/'eue scripsit istumlibrunz.

En tête du prologue est une petite miniature d'une extrêmefinesse qui représente le traducteur offrant son livre au roi .deFrance. Au-dessous est une initiale historiM où l'on voit l'auteurécrivant. Sur les rinceaux qui couvrent les marges on a ajouté,dans la seconde moitié du xv0 siècle, l'emblème du Grand Bâtard,qu'on appelle quelquefois machine infernale et dont nous parle-rons plus loin, ainsi que deux banderoles sur lesquelles est ins-crite la devise Nul ne s'i (rote.

Chaque livre est précédé d'une petite peinture qui nous montrela Philosophie sous la forme d'une femme couronnée tenant unglobé et adressant la parole à Boèce, assis sur un lit ou age-nouillé. Aux folios 4 et 29 on remarque dans la marge les armesdu Grand Bâtard surmontées d'un heaume, supportées par deuxlions dorés 2 et entourées du collier de l'ordre de Saint-Michel3,iuis la machine infernale sur laquelle sont peintes aussi lesàrmes, enfin la devise sur une banderole, comme précédemment.

Au bas du dernier feuillet, au-dessous de la signature du scribe,on lit Nul ne s'y frote. Ob. de Bourgogne et les trois lettresN. I. E. dans une èordelière. Au verso, d'une autre écritureA. de Bourgogne. Nul ne l'aproce.

Le second manuscrit que nous avons à faire connaître est un

• I. Cf. L. Delisle, Anciennes fradvctions françaises de ta Con-solal4on deBaécc conservées à la Bibliothèque nationale, dans Bibi, de l'École des(,hO,'tes, t. XXXIV (1872), p. 5-8.

2. Ces, lions dorés supportant les urines ne figurent pas dans tous les manus-crits du Grand flâtard. Nous en trouvons d'identiques dans te n' 2001 de labibliothèque de l'Arsenal.

3. Antoine le Bourgogne avait • été nommé chevalier de l'ordre de Saint-Michel par Louis Xl, vers 1480, Cf. Recueil, historique des chevaliers de'i'ordrede Sain t-Miche!.... par Jean-François d'llozier (1787), pulilié par L. Sandre!.,dans Revue historique, nobiliaire et -biographique, 3' série, t. IV (1879). Lecollier de l'ordre dc saint'Michcl figure rarement dans les manuscrits du GrandIlûtard, Voir le tus. 2001 (le l'Arsenal.

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LE GRAND BÂTARD 1)5 ROURGOGNE.

superbe exemplaire de l'ouvrage de Jacques le Grant intituléLe livre de bonnes moeurs, suivi des Dits moraux des phi-losophes, par Jacques de Tignonville. Il a étè exécuté pour leGrand Bâtard vers 1470 et appartient à un collectionneurparisien, qui, très aimablement, nous a autorisé à en publierune notice'. II contient aujourd'hui 179 feuillets et mesure 430sur 323 millimètres. L'écriture est à deux colonnes (32 lignes àla page). On y voit quatre grandes miniatures et vingt et unepetites, toutes d'une assez grande valeur artistique. La décora-tion se compose d'encadrements et d'initiales ornées. Enfin lareliure, qui est moderne, est en velours rouge avec traces de fer-moirs.

Au premier feuillet on lit, dans la marge supérieure « Celivre appertient à moy Charles, syre de Croy, quatriesme ducd'Arschot, lequel j'ay leu entierement, depuis le commencementjusques à la fin, à Mons, durant le mois de febvrier 1598. Charlesde Croy.

« Depuis, ce libvre at esté encores leu et releu, visité et revisitédu tout entiérement et depuis le commencement jusques à la finpar moy en nostre ville et mayson de Beaumont, le [4 de febvrier1607. Charles, duc de Croy et d'Arschot. »

Ce Charles de Croy est un personnage bien connu 3 . Né en1560, mort en 1612 à Beaufort en Artois, il était le fils aîné dePhilippe, troisième duc d'Arschot. Il fut duc de Croy et d'Ars-chot, prince de Chimay, de Porcéan et du Saint-Empire, marquisde Monteornet, comte de Beaumont, baron de Hallewyn. Long-temps calviniste et orangiste, il se rallia au parti de Philippe II,devint grand bailli de ilainaut, gouverneur de l'Artois en 1597

1. lI a été ae4uis dans une vente faite à Paris le 18 mars 1879. cf. Cataloguele manuscrits précieux des Xlii', XP et XVI' siècles.... dont la vente auralie,, te mardi 18 "'ars 1879. Paris, M. .Lahitte, 1879, gr. in-8', 31 p., n' 19,p. 18. 1)'après une note manuscrite de l'exemplaire de la Bibliothèque natio-nate, cette collection appartenait A un duc de Robai,.

2. Il y en avait primitivement 182, comme le laisse constater la numérotationancienne en chiffres romains à l'encre rouge. Le , folio 34 actuel est blanc etréglé, mais le folio 34 primitif û été coupd. Deux feuillets portant le ir 57. Lesfeuillets 71, 73 et 91 rnanquent.

3. Voir (lac p_vi stence de grand seignewr au XVI' siècle. Mémoires du ducCharles de Cro y, publiés, avec une introduction, par le haro!. de Rciff'enberg.Bruxelles, 1845, in-8'.

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TIN flIRTIOPHILE nu Xv SI.CLK.

et fut envoyé par le roi d'Espagne comme l'un des otages pourl'exécution de la paix de Vervins. Des lettres d'Henri IV (juillet1598) érigèrent sa seigneurie de Croy en duché. En 1595, Phi-lippe II lui avait donné le collier de la Toison d'or.

Marié d'abord à Marie de Brimeu, Charles de Croy épousa ensecondes noces sa cousine germaine Dorotliée de Croy, fille aînéedu marquis d'Havré, son oncle. Il mourut sans enfant légitime etson titre passa à son cousin et beau-frère Charles-Alexandre,marquis d'Havré.

Il est assez curieux de faire remarquer que l'un de ses ancêtres,Jean de Croy, comte de Chimay, lors du siège de Gavre en 1453,commandait, en compagnie du maréchal de Blamont et duGrand l3âtard de Bourgogne, l'avant-garde avec les l3ourgui-gnons et les gens du Hainaut'.

Charles de Croy était un prince très lettré et un grand collec-tionneur. Sa résidence principale était le château de J3eauniont,dont une tour, appellée la Salamandre, contenait les archives dela fâmille. Il consacra beaucoup d'argent à ses collections delivres, de médailles, de pierres gravées, de tableaux, d'estampes,de statues, d'antiquités, etc. La bibliothèque qu'il avait forméeet dont une partie provenait de son bisaïeul Georges de Hallewyn,seigneur de Comines, était conservée à Beaumont. Les manuscritsy étaient en assez grand nombre'. Ils furent dispersés en 1614,lors de la vente du cabinet du duc 3 . -

Les manuscrits qui ont appartenu à Charles de Croy et à sesancêtres sont encore assez nombreux aujourd'hui. On en trouve

1. Dc Barante, t. Vil, p,425. Dans d'autres occasions, le comte de Chiinayse trouva encore en compagnie du Grand Bâtard (Ibid., t. X, p, 451).

2. Cf. Bdward van Even. Notice sur ta bibliothèque C/wrles de Croy, dued'Arsehot, dans Bali. du bibliophile beige, t. ix (1852), P. 380-393 et 436-451.On trouve indiqué (p. 440, n. 80) sous le litre tes Diet; 7noraax des philo-snphes, le manuscrit que 110115 décrivons.

3. Le catalogue de la bibliothèquede Charles le Croy fut imprimé Catalo-gus universatis sen desiguétin ontniam. tibrnrum. qui sub auctione pubiicobononim utobilium quondam ittustrissimi D. Dueis Ci-o y et Àrchotoni,J;ruxell,v, .19 augusti latins anni 1614, dineudi incipientur. lsruxellm, exofileina ltutgeri Velpii et Iluherti Anlonii, typog. jar. 1614, in-4', t27 p. Voiraussi l'annonce dc la vente du cabinet de Charles de Croy, publiée dans leCabinet historique, xix, s , p. 373, d'après une pièce imprimée de la collectionDu puy.

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LE allANt) lAYAnt) DE BOUISCOGNE.

par exemple à la Bibliothèque royale de Bruxelles, à la Biblio-thèque nationale de Paris' et à celle de l'Arsenal. Charles deCroy aimait à faire remarquer qu'il avait lu d'un bout à l'autrecertains ouvrages. C'est ainsi qu'on rencontre sur plusieurs deses manuscrits des inscriptions tout à fait semblabls à celle quenous avons donnée ci-dessus pour le Livre de bonnes moeurs2.

IJne autre signature, La Rochefoucauld (écriture duxvii0 siècle), se trouve au bas du premier feuillet de notrevolume. La vente du 18mars 1879 comprenait en effet un nombreassez important de manuscrits ayant appartenu à cette illustrefamille. Les plus anciens provenaient d'Anne de Polignac, quiépousa successivement Charles de Bueil et François II, comte dela Rochefoucauld. D'autres avaient simplement la signatureque nous avons ici, ou les armes sur la reliure.

Le manuscrit de Jacqués le Grant a donc eu, comme on voit,d'illustres possesseurs. Il nous reste maintenant à le décrire.

Au premier feuillet se trouve la table de la première partie del'ouvrage « Cy après s'ensieut la table des rubriches du livreintitulé de bonnes meurs. » Au verso commence la première par-Lie « Tous orgueilleux se veulent à Dieu comparer en tant qu'ilzse glorifient en eulx-mesmes et les biens qu'ilz ont, desquelleschoses la gloire est deue principalement à Dieu... Dieu résisteaux orgueilleux, lesquelx sont cheuz villainement, entre lesquelzfut le premier Lucifer, lequel par son orgueil chut de Paradis enEnfer.., »

En tMe est une grande miniature (210 sur 1.93 millimètres).

I. Cf. flelisle, t Cabinet des ,nawuscrits, t. Il, p. 205-206, et t. lit, p. 359CL 382.

2. Voïr par exemple les mss. (r. 22289 et 22495 de la Bibliothèque nationale,et 5205, 5206, 6599 dc la bibliothèque de l'Arsenal. li est à remarquer que cesinscriptions ont éte mises à Beaumont, principalement en 1607. C'est peut-étrependant une maladie qui l'aura retenu en son chateau cette année-là que le dueaura relu une partie de ses manuscrits.

5. Le n' 17 du calalogue est un ouvrage intitulé a Vie de homme e/,restien., q"e l'auteur, Pierre de la Place, dédie à Anne de Polignac en ta nommant.comtesse, douairière des comtés de la Rochefoucauld cl. de Sancerre, damed'Onzain, (le Raudoni et de Luguet.

4. Il est divisè en cinq parties. Il est à remarquer toutefois que certainsexemplaires n'ont. que trois parties, tout en étant complets, comme on peut leconstater pour le ms. fi-. 1923 de la Bibliothèque nationale, dans lequet on lit« ce livre fisl. frere .lacques le Orant de l'ordre des ilermites, et le donna àJehan, liIz de roy de France, due de Berry et d'Auvergne.

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_I_. -S

40 UN RII3LFOPIIILE 1)13 XV' SIkIE.

On y voit Dieu assis sur un grand trône, la tête couverte d'unètiare, tenant le globe terrestre et bénissant. 11 est entouréd'anges agenouillés vers lui; à ses pieds, l'archange saintMichel, muni d'une lance terminée par une croix, précipite dansl'abîme ou l'Enfer des démons aux formes les plus bizarres. L'ar-tiste a cherché un contraste entre l'Enfer, de couleur noire et rougelbncê, et le Ciel, où la plus grande partie des anges se détachent enbleu et où des rayons d'or partent du trône de Dieu le Père'.

L'encadrement de cette page est assez remarquable. Il se com-pose de rinceaux au milieu desqueis se trouvent des petits per-sonnages et des oiseaux, ainsi que l'emblème et la devise duGrand Bâtard. A la partie inférieure est un médaillon sur fondnoir, dans lequel sont peintes les armes d'Antoine de Bourgogne,entourées du collier de la Toison d'or, surmontées d'un heaumeavec cimier et lambrequins et supportées par deux lions.

Fol, 27. Table de la seconde partie « Cy après s'ensieut laseconde partie..., laquelle parle de l'estat des gens d'église et desclercs dont le premier chapitre parle et enseigne comment ondoit honnourer l'Église... »

Au verso, grande miniature (204 sur [94 millimètres), expli-quée par le texte « Comment Constentin le bon chrestien, quitant amoit Dieu et l'Eglise que il faisoit porter en tous lieux où ilaloit un tabernacle fait en forme et maniere d'une eglise et avoitavecques lui prestres et clercs qui Dieu servoient très devote-ment; il portoit aussi en sa dextre le signe de la croix, car ce futla baniere par qui Dieu lui envoya victoire, et de fait il devoitfaire une bataille et lors en son songe l'ange lui revela commentil aroit victoire par le signe de la croix. »

La scène représente un camp. Au milieu est une grande tente,en forme de chapelle, sous laquelle l'empereur, tenant une croix,est entouré d'ecclésiastiques, dont l'un récite des prières dans unlivre. Au second plan paraissent, à droite et à gauche, des guer-riers. L'encadrement ressemble beaucoup au précédent; le médail-Ion est remplacé par un simple écusson.

Fol. 32 « Cy fine la seconde partie... et après s'ensieut latable du tiers livre. » Le folio 34, qui contenait une grande minia-ture et le commencement du troisième livre, a été coupé. Il est

I. Dans le ms. li. 1023 (fol. 5) on voit trois anges se précipitanL du ciel versdes démons qui disparaissent dans la terre.

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LE GRAID BATÂRD DE OtrRGO&NE. 14

aujourd'hui remplacé par un feuillet blanc. Nous avons donc àregretter la disparition d'une peinture qui sans doute avait ungrand intérêt, comme celles qui subsistent.

Fol. 44 « Cy après s'ensieut la quarte partie dudit livre,laquelle parle de l'estat du commun peuple, dont le premier chap-pitre enseigne comment les riches ne se doivent point en leursrichesses gloriufier. »

La miniature qui est au verso de ce feuillet (210 sur 202 milli-mètres) se rapporte à l'histoire de Thibérion. Voici ce que dit letexte « Il estoit homme exemplaire de vertus et de bonne viequi ne voulloit avoir nulles richesses, mais de fait demouroit enpetite maison et tenoit moult petit estat et qu'il advint que plu-sieurs l'assaierent moult pour veoir s'ilz pourroient sa volontéchanger et grans finances lui presenterent, ausquelz il responditAlés vous en a tout voz richesses, car c'est vostre charge et vost,reperdicion. »

Thibérion est assis devant une cabane et refuse les présents,coffret ou bourses, que lui offrent trois personnages. Deuxhommes causent à droite. Dans le fond, on aperçoit un char-mant paysage avec les fortifications d'une ville. L'encadrementest semblable au précèdent'.

Fol. 57 « Cy après s'ensieut la quinte partie de ce livre...,laquelle parle de la mort et du jugement et comment nul ne sedoibt de son estat glorifier, dont le premier chapitre enseignecomment la vie de ce monde est briefve et de petite durée. »

Fol. 58. Miniature (205 sur 199 millimètres). La Mort, per-sonnifiée par un squelette couvert d'un drap blanc et brandissantune flèche, se précipite à travers l'espace vers un groupe de per-sonnages qui représentent différentes classes de la société; onremarque un pape, un évêque, un roi, une grande dame, etc. Aupremier plan gît à terre un cadavre nu, la chevelure en désordre,la tête couverte d'une couronne impériale 2 . C'est le symbole de lafragilité de la vie. Cette scène se détache sur une grande draperieà rinceaux, derrière laquelle apparaît un paysage assez bien

1. Petite miniature à rapprocher de celle-ci dans le rns. fr, 1023 déjà cit(fol. SI r).

2. Dans le ma. fr. 1023, ayant appartenu au duc de lierry, il y n, au folio 74,une miniature dans laquelle la Mort, au corps d&barué et couvert iI'un drapblanc, lance une flèche contre un personna qui parait flre un jeune seigneur.

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12 ON nIILl0PtllLE tuf XV' SICLE.

rendu, où l'on aperçoit un château. L'encadrement de cette pageressemble beaucoup à ceux des folios 27 y0 et 44.

L'ouvrage de Jacques le Orant se termine au folio 70. Il estsuivi des Ditz moraus des philosophes de Guillaume de Tignon-ville, Le folio 71 manque; nous n'avons donc plus le commen-cement des maximes empruntées au philosophe Sedechias, parlesquelles débute l'ouvrage.

Dans cette seconde partie du manuscrit, les dits moraux dechaque philosophe sont précédés de petites miniatures très finesd'exécution 1.11 yen a vingt et une. On y voit, en général, le phi-]osophe travaillant dans une bibliothèque ou entretenant ses dis-ciples. Quelques-unes présentent un sujet plus spécial supplicede Zabion (fol. 82); Hippocrate faisant une démonstration médi-cale (fol. 82 y0); Diogène dans son tonneau visité par Alexandre(:fol. 88); Cathus étendu mort auprès du lit du père d'Alexandre(fol. 119); Aristote faisant l'éducation d'Alexandre (fol. 151 vO).

Au verso du dernier feuillet, on trouve, comme dans le manus-crit précédent, la devise Nul ne s'y frote, les lettres N. 1. E.

reliées par une cordelière et les mots Ob. dè Bourgogne.Aucune souscription n'indique la date du volume ni le lieu où

il a été exécuté. Mais le style des miniatures nous permet de direque nous avons là une oeuvre flamande, exécutée vraisemblable-ment vers 1465-1470, à la même époque que la Cité de Dieu deTurin (copiée en 1466 par Jean du Quesne), le Froissart de ]3res-lau (1468-1469) et le Romulion de Bruxelles (1468). Ces deuxderniers manuscrits sont, on le sait, sortis de l'atelier de DavidAubert, qui travailla à Bruxelles, à Iiesdin, à Gand et ailleursencore 2 . Bien que nous n'ayons aucun renseignement précis surle lieu d'origine du Livre de bonnes moeurs, il n'en reste pasmoins vrai que les peintures qu'il renferme sont l'oeuvre d'unartiste d'un certain mérite. On y remarque de l'entente dans la

Leur dimension est d'environ 80 niillimèlre.s sur 90. Chaque agc où il yn une miniature présente dans "ne des «larges des rinceaux au milieu desquelsse détachent l'emblème du Grand Bâtard et les trois lettres x. I. E.

2. M. S. Reinach suppose que la plus grande partie des miniatures du Froissartsont l'muvre de Phitippe de Mazerolles, qui se fit inscrire en 1469 dans la gilde(le Bruges, appelé sans doute par Daviri Anhert. 11 est à noter eu effet qu'unedes miniatures nous offre 'lue vue très exacte de lsruges. La vieille villeflamande fut d'ailleurs, de 1450 à 1480, un très grand centre pour la fabricationdes livres dc luxe.

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LE CIUNI) BÂTARD DE BOURGOGNE. 13

composition, de l'expression dans les figures des personnages etde l'habileté dans la façon de rendre les paysages. Enfin lesminiatures des Dits tnoraux sont autant de petits tableaux char.mants et pleins de vie.

En décrivant les deux manuscrits que nous avons cru devoirsignaler plus particulièrement dans cet article, nous avons parléincidemment de la devise et de l'emblème du Grand Bâtard. Ilnous paraît bon d'en dire maintenant que]ques mots.

La devise Nul ne s'y (rote se trouve dans presque tous lesmanuscrits qui ont appartenu à Antoine de Bourgogne. Ellefigure soit dans les encadrements des miniatures ou dans lesmarges, soit à la fin du volume. Dans ce dernier cas, elle esttracée d'une main peu expérimentés, celle du possesseur lui-même, suivant Schultz', ce qui paraît tout à fait vraisemblable.Quelquefois aussi, mais très rarement, elle est suivie des motsÀinsy le veut2.

Lorsque cette même devise se rencontre à la fin du manuscrit,elle est accompagnée de l'inscription Ob. de Bourgogne s , avecun b barré, dans laquelle on a lu Au bâtard de Bourgogne6.Bien que cette interprétation semble au premier abord très admis-sible, deux objections se présentent. D'une part, les lettres o, bsont toujours liées et presque constamment encadrées de deuxpoints, ce qui peut faire supposer qu'elles appartiennent à un seulmot; d'autre part, il n'est pas démontré d'une façon positive queo puisse se lire au5.

Nous avons fait remarquer que dans le manuscrit de la Conso-lation de Boèce figurait une autre inscription .4.. de Bourgogne.

t. Op. cit., p. 6.2. Voir, par exemple, le feuillet du Louvre et le Quint.eCurce (le Copenhague.B. Cette inscription est de la mênie main que la devise.4. Sur une médaille reproduite par Montfaucon (Manunients de ta monarchie

/rançatse, t. IV, pi. XXIII) on voil. i.e buste d'Antoine de Bourgogne avec l'ins-cription Ànthonyus B. de Burgundin. il faut lire évideniinent Ba.çtcrdus deBurgundia.

5. Dans le Monstrelet de ta llibuioliièque royale de Bruxelles (lI, 2796) onlit, après la devise et les mots Oh. de Bosngogn.e, sur un autre feuillet. .Droylet avant. .ATaris oh. Cette inscription est restée jusqu'ici incompréhensible. Nousne savons à quel personnage appartenait cette devise : i)royt et avent. Quantaux inol,s Nans oh, la question est encore irrésolue. L'auteur tIn cataloguede la vente Ashhurnllamn a lu Marie oh, probablement parce qu'il savaitque la feinmne du Grand Bâtard s'appelait. Marie de Vieuville, niais paléogra-phiquement cela est impossible.

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44 UN DrBLIOPHILE DU Xv' 5ICLE.

Nul ne l'aproe/ze; c'est peut-être, suivant une hypothèse deSchultz, l'ex libris duo des descendants du Bâtard, Adoiphe deBourgogne, son petit-fils, qui mourut amiral de Flandreen 1540'.

Le même volume renferme, comme la plupart de ceux que nousavons cités, juste au-dessus de la devise Nul ne s'y frote, unesorte de monogramme, où figurent les lettres N. I. E. dans unecordelière. Une barre horizontale unit presque toujours leslettres N et z. Cette particularité, jointe à la forme de la corde-lière, nous a fait penser au monogramme d'Antoine. Nous n'osonsavancer cette hypothèse comme certaine, car la barre horizon-tale fait défaut dans quelques manuscrits 2 . Dans d'autres même,ce qui est rare, les trois lettres sont abso]ument $parées et dis-posées autour de l'emblème dont il va être question. Le problèmene nous parait donc pas résolu d'une façon tout à fait satisfai-sante. Peut-être aussi avons-nous là les trois premières lettresd'une devise.

Il nous reste enfin à parler de l'emblème lui-même. C'est tinesorte de volet ou d'auvent d'où s'échappent des brandons enilam-més. On l'a diversement appelé barbacane, machine infernale,machine de guerre, hotte d'artillerie, pavillon, etc. Il faut, selonnous, adopter le terme de barbacane et celapour plusieurs rai-sons. Tout d'abord deux textes importants sont à citer. Dans unpassage des mémoires de Jean de ilaynin relatif à la bataille deMontlhéry (1465), il est question de l'étendard du Bâtard deBourgogne. 11 « estoit, dit l'auteur, jaune à une grande barbecanebleue dedans et son mot de lettres bleues pareillement et sesarchers avoient paltoz rouges à tout le croix de Sainct Andrieublanche et une barbecane au milieu de le croix ». Olivier de la

I. Nous voyons cette mOrne inscription notamment dans les mss. fi. 9041 dela Bibliothèque nationale, 9093 de Bruxelles, IOde la Baye, dans le Quinte-Garcede Copenhague et le Froissait de Breslau.

2. Dans ce cas, la lettre T ne se retrouve plus.3. Cet emblème figure aussi SUT la médaille publiée par Montfaucon, dont

nous avons déjà parlé, ainsi qu 'au revers du portrait du Grand Bàtard conservéû Ghantiilly (cf. P. Durrieu, le Portrait du rand &ôlard de Bourgogne, dansGazette des beaux-arts, 1906 (1), p. 214). On le trouve encore sculpté sur dillé-Tentes parties du cliàteau de Tournehem en Artels, aujourd'hui en ruines, et quia appartenu à Anloine de Bourgogne. Voir C. Enlart, Manuel darchéoiogiefranfaise, t. 11, p. 474, fig. 219.

4. VOir Documents inédits. Mélanges, série I, t. III, p. 456, et Vint. Gay,Glossaire archéologique, p. 117. Cf. aussi l'édition des Mémoires de Jean deHaynin, par Renier Chalon (Soc. des bibliophiles de Afons), 1842, 2 vol. in'8.

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LE GRAND BÀTÀRD OR BOURGOGNE. 45

Marche, de son côté, en parlant d'un « pas d'armes » tenu àBruges en 1468, à l'occasion du mariage de Charles le Téméraireavec Marguerite d'York, nous dit : « Si tost que le dit messireJehan de Luxembourg eust fait le tour accoustumé, saillit le che-valier à l'Arbre d'or, [le Grand Bâtard], son cheval couvert develours tanné, à grans barbacannes de fil d'or en brodure etlettres de mesme, à sa devise; et d'icelles barbacannes yssoientflammes de feu...'. » Cette dernière phrase est significative.

Schultz, qui ne semble pas avoir connu ces deux textes, déclareque Jubinal et d'autres ont employé à tort le mot barbacane. Ilrenvoie à Viollet-le-Duc. qui ne parle en effet pour ce mot qued'un ouvrage avancé de fortifications destiné en général à défendreune porte. Or, au moyen âge, on entendait encore par barbacaneun créneau ou une simple meurtrière', puis une sorte de volet oud'auvent en bois, adapté à une meurtrière ou à une ouverturequelconque pour permettre, tput en étant protégé, de voir lesmouvements des assaillants au bas du mur et de leur lancer despierres ou des matières enflammées'. Un document de 1421 nousparle de « barbecanes et manteaulx es creneauix 9es murs'

Toutes ces preuves nous suffisent pour adopter le terme de bar-bacane. Cette figure, jointe au cri de défi Nul ne s'y frole, estbien l'emblème de toute la pensée de la vie guerrière d'un hommequi semblait ne rien craindre de ses ennemis, dont l'unique souciparaissait n'être que les lattes sanglantes et qui cependant savaitapprécier un beau livre.

I. Mémoires d'olivier de ta Marche, éd. H. Beaune et J. d'Arbaumont (Soc.de l'/zist. de France). Paris, 1883-1888, 4 vol. in-8, t. lii, p. 148-149. 0f. aussiLéon de Laborde, Glossaire français du moyen Lige. Paris, 1872, in-8', p. 158.

2. Gomme encore aujourd'hui d'ailleurs.3. Viollel-le-Duc nous donne des exemples de ces volets au mot créneau

(Dictionnaire d'architecture, t. IV, fig.. p. 382 et 389).4. Cf. Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française, t. IX, p. 289Es tonneliers, huchiers et couvreurs de maisons pour avoir fait, mis et assis

grant quantite de barbecanes et manteaulx es creneaulx des murs de la ville(1421. Compt. de Nevers, cc 27, foI. 21v'). D'autres textes pourraient encoreilre cités, voir aussi George Godwin, On the barbican in connexion souk ouicasties, dans lite journal of lite brilish archoeotogical Association, t. VI,1851, p. 302-309. A la figure 5, l'auteur donne la reproduction d'une tour mu-lante en l,ois avec barbacanes, d'après le ms. addit. 10292-10294 du Musée bri-tannique (xiv' siècle).

Nogent-le-Itotron, imprimerie DÀuPELEV-COUVSEINRUR.

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Bib!. École des Chartes.

Pliolotypie Oorthsod. Pnts

Boèce. - Consolation de la philosophie.Traduction de Jean de Meung (commencement du XW siècle).

(Collection dc M. le Comte dc Troossurm).

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Bibi. École des Chartes.

Jacques le GraM. - LSeconde mol

(Collection p

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Phloti. Barthaod. Pari,

re de bonnes moeurs.XV sI&le.

re dc l'aris).