33
Lithiases urinaires Le laboratoire dans le diagnostic et le suivi de la maladie lithiasique Jean-Daniel Graf, Dr sc HUG

Le laboratoire dans le diagnostic et le suivi de la ... · vCas #2: pH urinaire de 7.0 à7.5 vTest d’acidification des urines ⇒ acidose tubulaire distale = défaut d’excrétion

  • Upload
    lynhan

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Lithiases urinairesLe laboratoire dans le diagnostic et

le suivi de la maladie lithiasique

Jean-Daniel Graf, Dr scHUG

Cas #1• H 40 ans• Antécédents lithiasiques depuis l’enfance.• Admis pour douleur aiguë flanc droit.• CT-scan: rein droit atrophique & calcul

coralliforme.• Scintigraphie → fonction rein droit 10%

(rein gauche 90%).ØNéphrectomie droiteØFTIR → calcul de 2,8-dihydroxyadénine

Calcul coralliforme ?

JJun

Jungers et al, 1989

Daudon, 1985

2,8-dihydroxyadénine ?• Métabolite accidentel de l’adénine.

• Situation physiologique: L’adénine issue du catabolisme des purines est recyclée en AMP.

adénine adénosine

APRTadénine phosphoribosyl transférase

2,8-dihydroxyadénine ?

• Déficience génétique homozygote de l’APRTØ La Xanthine

oxydasetransforme l’adénine en DHA (éliminée par le rein)

adénine adénosine

2,8-dihydroxyadénine (DHA)

APRT

Xanthine oxydase

LithogenèseSolubilité urinaire de DHA ↓↓↓ÜSursaturation (chronique) Ü formation de

cristaux Ü croissance Ü calcul

Fréquence des calculs de DHA: ∼ 0.1 % (?!). Mais erreurs de diagnostic (∼ac. urique)

Traitement (prévention des récidives)üAllopurinol (inhibiteur de la Xanthine oxydase)üHydratation: boire 2.5 à 3 litres/jourüRégime: éviter les aliments riches en purines.

Rôle du laboratoire ?1. Analyse du calcul. Essentiel pour un

diagnostic et un traitement corrects. Méthode +++: Spectrométrie IRA éviter: kits d’analyse chimique.

2. Mesure de l’activité APRT dans les hématies. Détection de la déficience génétique.

3. Examen du sédiment urinaire (cristaux de DHA ?). Permet un suivi du traitement.

Cas #1: conclusions• Importance d’une analyse exacte du calcul.

Erreurs [ traitement inapproprié [ récidives [lésions rénales irréversibles. Dans ce cas, perte d’un rein.

• Les lithiases n’arrivent pas par hasard. Il existe des causes génétiques (identifiées ou non) et des causes non génétiques (alimentation, climat,…). Le cas #1 est porteur homozygote d’une mutation du gène APRT.

• On dispose de traitements préventifs, plus ou moins spécifiques, pour chaque type de lithiase. Pas de récidive depuis le début du ttt en 1998.

Laboratoire Le calcul – morphologie

• Dimensions, poids• Couleur• Forme, surfaceØ Pré-identification

• SectionØ Pur ou mixte? Noyau

distinct?• Photo

Daudon, 1985

Le calcul – Analyse des constituants ?Méthodes physiques : analyse en Φ solide.

Spectrométrie IR, Diffraction rayons X, …• Spectro infra-rouge : scan / λ 2.5 – 20 µm.• λ absorbées en fct des groupes fonctionnels

(atomes, liaisons et conformation tridimens.)

Energie absorbéeèvibration des atomes, avec λ propre à chaque groupe fonctionnel et mode de vibration.

Le calcul – Analyse des constituants

Ø 1 spectre = 1 espèce molécul. (dictionnaire)

Spectre IR de la 2,8-dihydroxyadénine

PratiqueØ Spectre IR • par transmission : 1-2 mg de poudre + 300 mg de KBr

pressés en pastille.

• par réflexion (ATR) : poudre sans préparation,déposée sur un cristalà Iréfraction élevé(diamant)

Ø IR à transformée de Fourier: résultats numérisés è identification par comparaison informatique avec une banque de données.

Ø Limitation: mélanges complexes (> 5 substances)

poudrediamant

Exemple: analyse des strates d’un calcul

BA C

Jungers et al, 1989

Cas #2• H 41 ans• Antécédents lithiasiques (6 épisodes)

depuis l’âge de 30 ans.• Admis pour douleur aiguë flanc gauche.• Crise de colique néphrétique.ØLithotripsie è évacuation du calculØFTIR → Oxalate de Calcium di-hydraté

(weddellite, 60%) et Phosphate de Ca(carbapatite, 40%)

Oxalate de Calcium ?Phosphate de Calcium ?

• = 85% des lithiases urinaires (pays riches).

• Causes diverses, pas toujours identifiées.

• Calcium, Oxalate et Phosphate sont des constituants normaux de l’urine.

• Prévalence 4.5%. Fréquence de récidive ∼ 40%

Pourquoi / comment fait-on un calcul?Théorie 1: sursaturation – cristallisation

Mécanisme de concentration rénal: 100 ml filtrat glom. 1 ml urine⇒ Subst. excrétées: augmentation de

concentration d’un facteur ∼100

Sous-saturation

SursaturationZone métastable Cristall. si inducteurs*

Zone instable Cristallisation spontanée

*Inducteurs: débris, bactéries, cristaux d’autres espèces

conc

entr

atio

n

Kps

Théorie 1 (suite)

Sursaturation Ü cristaux Ü calcul

Pour qu’un calcul puisse naître, le temps deformation Tf doit être inférieur à la durée du transit dans les tubules et les voies urinaires.

Facteurs favorisant la germination/ croissance:

• Diurèse insuffisante (flux↓)• Ancrage des cristaux dans le tissu (plaque

de Randall)• Stase urinaire (obstacle)

Inhibiteurs: citrate, uromoduline (T-H), Mg,…

temps Tf

Lithiase d’oxalate de calcium (CaOx)Sources de Ca : absorption intestinale.Sources d’oxalate. Endogène (80%): catabolisme

sérine, glycine, ascorbate. Alimentation (20%).Val. normales: U-Cadébit : 2.5 – 7.5 mmol/24h

U-Oxdébit : 0.08 – 0.42 mmol/24h

Cas #2 – Analyse des urines de 24 heuresdiurèse : 1.4 l/24h

U-Cadébit = 12.8 mmol/24h Ø U-Ca = 9.1 mmol/lU-Oxdébit = 0.42 mmol/24h Ø U-Ox = 0.3 mmol/l

Produit molaire pCaOx = UCa*UOx = 2.73 (mmol/l)2

Rapport molaire Ca/Ox = 30.5

Fréquence de cristallurieoxalo-calcique en fonction du produit molaire pCaOx.(Jungers et al, 1989)

2.73

• Cas #2: Le produit molaire pCaOx (2.73) indique une probabilité de ~80% de produire des cristaux d’oxalate de calcium.

• En doublant la diurèse (de 1.4 à 2.8 l/24h), on peut réduire le pCaOx à 0.68, et la fréquence de cristallurie à 26%

0.68

Phases cristallines de l’oxalate de calcium• L’oxalate urinaire peut cristalliser sous 2 formes:

• La phase cristalline dépend du rapport molaire Ca/Ox dans la solution. Cas #2: Ca/Ox = 30.5

Weddellite (WED)Di-hydratéWhewellite (WHE)Mono-hydraté

30.5

(Jungers et al, 1989)

Calculs et cristaux d’oxalate de Ca

WED (di-hydraté)WHE (mono-hydraté)

Calc

uls

Dim

: 2 à

10 m

mCr

ista

uxD

im: 5

à15

µm

Cas #2: conclusionsv Analyse FTIR Ü Calcul de WED + carbapatite.

WED indique des urines concentrées en Ca et oxalate, avec un rapport Ca/Ox élevé.

v Urine de 24 h - confirme: hypercalciurie franche, et oxalate à la limite supérieure de la norme.

v PREVENTION DES RECIDIVES:ü Diurèse de 2.5 à 3 l, avec apports de liquide répartis

sur les 24 heures.ü Restriction modérée des apports de calcium.ü Restriction des apports d’oxalate (viande, épinards,

chocolat…).ü Si nécessaire: diurétique thiazidique (↓calciurie)

Cas #2: et les 40% de carbapatite?vPhosphate de Calcium : soluble à pH acide (5-6),

cristallise en apatite dans l’urine à pH 6.2 à 7.4.

vCas #2: pH urinaire de 7.0 à 7.5

vTest d’acidification des urines ⇒ acidose tubulaire distale = défaut d’excrétion tubulaire de la charge acide Ü urine en permanence neutre ou basique.

vCas #2: porteur de 2 anomalies (hypercalciurie et acidose tubulaire).

Cas #3• H 47 ans• HIV+ depuis l’âge de 41 ans. Traitement

antiviral.• Admis pour douleur au flanc gauche, fièvre

et frissons.• Echographie → hydronéphrose gauche.• Pyélonéphrite, puis choc septique.ØPose d’une sonde urétérale → extraction

d’un calculØFTIR → spectre « inconnu »

• Spectre inconnu [ composant inhabituelØ Faux calcul ?Ø Nouveau médicament ?

• Cas #3 - médicaments prescrits: Abacavir, Efavirenz, Lamivudine (pas d’effets lithogènes connus).

• Comparaison FTIR du calcul et des 3 antiviraux Ücalcul constitué de métabolites de l’Efavirenz et de protéines (~50%). Identification confirmée par LC-MS.

• Si le cas se répète, le médicament sera considérécomme potentiellement lithogène.

protéines

Spectres FTIR du calcul etd’un comprimé d’Efavirenz

-c≡c-

-c≡c-

Médicaments lithogènes

+ Efavirenz (?)Indinavir

TriamtérèneFelbamate

SulfamidésEphedrine

SulfasalazineCiprofloxacine

PrimidoneAmoxicilline

MethotrexateAciclovir

Lithiases: principales variétés chimiques (sur environ 100 composants connus)

Hyperoxalurie43%Ca Oxalate 1-hydraté

Hypercalciurie23%Ca Oxalate 2-hydratéAcidose tubulaire, hypercalciurie15%Ca Phosphate (apatite)

Hyperacidurie9%Acide urique anhydre

Cystinurie (déficience génétique)1%Cystine

Infection urinaire àgermes uréasiques3%Mg/NH4 Phosphate

EtiologiesFréqComposant principal

Calculs: morphologie

WHE : section WED Daudon, 1985 Daudon, 1985

Acide urique Mg/NH4 Phosphate

Dau

don,

198

5

Dau

don,

198

5

Noyau de WHE, enrobéde Mg/NH4 PhosphateÜ Lithiase métabolique de Ca Oxalate, avec infection secondaire

Calcul coralliforme de CystineÜ Cystinurie congénitale

Daudon, 1985 Daudon, 1985

ConclusionsvLithiase = pathologie multifactorielle:Ø Désordres métaboliquesØ Apport alimentaire excessif, hyperabsorptionØ Diurèse réduiteØ pH urinaire anormalØ Médicaments

vCorrélation entre forme/composition du calcul et étiologie de la lithiase.vMesures préventives spécifiques.vEnviron 100 composants répertoriés ]

importance d’une analyse exacte.

Bibliographie• Dao NQ, Daudon M. Infrared and Raman spectra of

calculi. Paris: Elsevier, 1997.• Graf JD, Féraille E. Importance de l’analyse du calcul

dans l’exploration de la lithiase rénale. Méd Hyg2000; 58: 431-433.

• Jungers P, Daudon M, Le Duc A. Lithiase urinaire. Paris: Flammarion Médecine-Sciences, 1989.

• Wirth GJ, Teuscher J, Graf JD, Iselin CE. Efavirenz-induced urolithiasis. Urol Res 2006; 34: 288-289.