le langage social des émotions

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    1. Le travail ernotlonnel it l'epreuvede la transformation du systemsde soinsMarcel DRULHE

    Le systeme de sante se transforme sous la conjonctiond'une triple evolution : la sante, sa protection et sondeveloppement sont devenues des preoccupationsmajeures dans la societe civile. Ces preoccupations setraduisent par l'attention portee tant a l'alimentation et al'activite physique qu' aux enjeux lies au stress dans la viequotidienne (transports, travail, modes d'habiter) ; duceM de la demande de soins le desir d'une plus grandetransparence s'associe au souhait de voir les soignantscesser de determiner seuls I'interet de leurs patients; lapression politique sur le systeme de soins a cause desdesequilibres financiers de la protection soeiale (aupremier chef, l'assurance-maladie) appelle des change-ments organisationnels pour limiter ses dysfonctionne-ments qui se traduisent par des abus et des gaspillages(Beraud, 2002).Ces consequences indesirables sont moinsliees a des pratiques individuelles (par incompetence oupar mauvaise volonte des professionnels) qu'a des effetsstructure Is : desormais l'objectif est de rationaliserl'organisation du systems de soins pour aboutir a despratiques soignantes productives et efficaces tout enconfortant la democratic sanitaire (droit d'acces a dessoins de qualite, ce qui suppose transparence de l'infor-

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    mation et participation aux decisions medicales), Quedevient Ie travail emotionnel dans cette transformation dela division du travail des soins et des normes visant adefinir les bonnes pratiques- ?

    Allegement de l'encadrement et accroissement de lapression au travail dans Ies servicesAu niveau du systeme hospitalier, le changement est

    nettement per

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    que la separation avec la profession infirmiere est beau-coup plus stricte qu' auparavant. A cela peut s'ajouter uneffet d'age : se sentir sous la responsabilite d'un jeuneinfirmier ou d'une jeune infirmrere peut susciter unsentiment d'indignite. Voila qui permet deja d\~clairer leparadoxe revele par l'enquete citee : moins de chefs etplus de pression hierarchique .

    Le glissement du travail d'organisation vers les professionnels de terrainSous-jacente a ces redefinitions, aces glissements et a

    ces redistributions des taches au sein du svsteme de soins?que viennent confirmer les lois de 2002 et 2005 visantproductivite et satisfaction, c'est la reconfiguration dutravail hospitalier d' organisation qui est en jeu". Le travaild'organisation vise a indiquer ce qu'il faut faire etcomment le faire dans une situation dcterminee. Dans lesysteme industriel qui s'est developpe autour des idees deTaylor, organiser le travail relevait de la direction et deses cadres, par la mediation de divers bureaux quieffectuaient ce travail precis d' explicitation et " deregulation d' enjeux parfois contradictoires : le but etait de dimensionner chaque tache sur mesure . Avec le passa-ge a un svsteme de services de masse, Ie travaild' organisation passe du haut vers le bas, vers lespremieres lignes , vers les professionnels engluesdans le terrain : le systeme de soins, de plus en plussollicite par des demandes proteiformes, n' echappe pas a

    7. Merrie si les orientations et les modes de gestion des etablissementsprives ne sont pas identiques auxhopitaux publics"une,convergenc~ s'opere dufait de la volonte d'uniformisation decidee par l'Etat (modes de fmancement,manieres de travailler, etc.).

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    cette transformation. Ce decalage vers la base repose surdeux principes : resoudre un probleme qui se pose quel-que part en Ie deplacant ailleurs ; inciter les personnels ala participation en leur faisant absorber les injonctions desprotocoles tout en les mobilisant pour resoudre lesproblemes que les gestionnaires n' ont pas regles. Ducoup, les attentes d' en haut sont ideales (Saury, 2003)et s'averent tres souvent irrealistes et impossibles, a cotede la plaque : les attentes de satisfaction des patients nesont pas ces abstractions concoctees en chartes ou contrats de soins ; elles sont des corps, des cris, desparoles, des membres de leur famille. Comment faire facea l'imperatif moral desormais rabache : soyez autono-mes ? Impossible d'y arriver sans tricher, sansgommer une partie des prescriptions ou des procedures,sans presenter Ies resultats sous Ie jour le plus favorablepossible meme si le compte n'y est pas: Ie nouveautravail d' organisation integre le comme si , Ie deguise-ment en conformite de I'arrangement illicite a conditionde s'en tenir au silence, de respecter Ianorme implicite deI'interdiction de communiquer sur les difficultes dutravail et sur l'art de tordre Ie cou aux protocoles pour Iessurmonter en veillant a ce que securite et satisfactionsoient a peu pres assurees, Cette loi du silence sur lespratiques effectives aupres des malades empeche Iaconstitution etle maintien de collectifs : la convivialite quisubsiste a souvent le caractere de legerete des Ioisirs etdes moments de detente hors travail dont on parle : on nepartage guere les microdecisions prises face aux dilem-mes techniques ou ethiques auxquels on est confrontedans les chambres ou dans les salles de soins : on a beauetre submerge de relations avec les malades et avec lescollegues, on reste fondamentalement seuI, seulaupres du patient, seul a bricoler un bidouillage enfaisant Ja naoerasse . Dour assurer une trClcClhil itp

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    vraisemblable selon une norme qui finit par rendre lafabrication de la trace plus importante que les finalites deI'exercice professionneL A ecouter ces soignants depremiere ligne , Ie controle (... ) est d'autant pluspesant qu'il est vu comme eloigne du terrain : seuls lesresultats sont juges, disent les personnels, tandis que lesdifficultes, les manques de personnel, l'augmentation descadences passent inapercus ou bien sont tus (Jounin,Wolff, 2006 : 123). Comment ne pas rechercher quelquemodalite de fuite de ceUe implication contrainte transformant sans fin les limites organisationnelles enproblemes individuels ?

    Changements du travail de soin et transformation dela dominationCette tendance a deleguer le travail d' organisation

    (tendance transversale a tout l'univers des services demasse) prend tout son sens si on la rapporte d'une partaux changements dans les formes de domination, etd'autre part, de facon specifique a l'univers social de lasante aux modifications de la relation medecin-malade.La subordination des soignants qui sont au contact desmalades au sein du systems hospitalier ne releve pas de larelation personnelle : ils sont soumis a des contraintesorganisationnelles mediatisees par des relations plus oumoins personnalisees d'encadrement, meme s'il a fait1'objet de degraissage . En meme temps ceUe servitudeest possible par l'adhesion a ce qui la legitime. Cependanton peut rernarquer que la coercition et le consentementtendent a se separer : ce sont les contraintes qui sont leplus eprouvees tandis que l'arbitraire qui les legitimesuscite une certaine lucidite critique. Comment comprendre simultanement ceUe expansion des compe-

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    tences critiques et le maintien de la domination(Martucelli, 2004)? La prise en compte des necessites fonctionnelles de l' organisation n' empechs pasdiverses modalitcs de resistance d' apparaitre. IIreste quebeaucoup de contraintes incluent la reification : memedans 1'univers social des services de masse, on a tendancea . aborder la relation entre les individus comme desrelations entre choses }},done a . limiter les possibilites deleur interaction et a . fermer leurs horizons. Cela contribuea . persuader ceux qui sont plonges dans cette experienceque ces rapports sociaux ont la pesanteur d'une naturaliteet qu'on ne peut pas les modifier. Nouvelle formed'assujeUissement ? Cela supposerait que les personnelsreprennent a . leur compte les categories qui determinentleurs pratiques et faconnent les contours de leur identite.Par leur indiscipline amusee (Ie jeu clandestin ducomme si forcement inclus dans le deroulement dessoins), les soignants tentent de tenir a . distance lesdisciplines , c'est-a-dire tous ces quadrillages insidieuxqui visent a vous inscrire dans une forme obeissante desujet. Merrie si Ie modele de I'assujettissement n' a pastotalement disparu, le referentiel dominant est celui de laresponsabilisation : il est devenu la racine d'uneexigence generalisee d'implication des individus dans lavie sociale (Martuccelli, 2004 : 479). L'enjeu n'est pas derappeler aux acteurs qu'ils sont responsables de ce qu'ilsfont (principe de responsabilite) i on presuppose bienplus: l'individu est cerise etre responsable de tout ce quilui arrive et il doit mettre en ceuvre ses capacites as'adapter a tous les imprevus (modele de responsabilisa-tion). La delegation du travail d' organisation auxsoignants qui sont au contact des patients s'inscrit danscette nouvelle configuration de la domination : passe letemps d'inculcation lie aux apprentissages des metiers etprofessions (la periode de formation aux disciplines ),

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    ces persormels sont places en situation d'injonctions detoutes sortes (multiples protocoles) autour du pivot del'injonction a l'autonomie (il s'agit detre a la hauteurdans l'art de la flexibilite, de la souplesse et ducompromis). La prescription taylorierme du gestepertinent (inculcation) est supplantee et completes parune incitation soutenue a l'implication au travail, a lamobilisation de soi pour ajuster son activite auxparticularites de la situation (injonction). Mais tous lessoignants ne sont pas sous I'emprise de l'hyperactiviteque suppose l'injonction: decus par cette course sans fin,certains vivent un jndefinissable malaise lie a leursentiment d'impuissance dont ils se protegent par unrepli sur les routines professiormelles qui autorise unsilence total sur leurs activites. Le sentiment d' absurditeengendre une carapace defensive : c'est la figure deI'alienation auquel on peut substituer le termed'implosion, moins connote mais qui vise tout autant cevide de soi engendre par I'ecart entre la force descontraintes et I'impuissance a devenir I' acteur de sapropre vie?..

    9. La quatrieme figure de la domination, la devolution, que DaniloMartuccelli voit apparaitre dans nos societes ultra-liberales, ne parait pasprescnte it I'hopital, du moins chez les soignants au travail: l'environnementnormatif pour la securite et la satisfaction des patients est bien trop present.Celte figure se caracterrse par le fait que I 'individu, livre 11Iui-meme, sansincitation a reprendre a son compte 1.ID contenu normatif particulier, est misen demeure d'affronter cequi lui est presente comme consequence de ses actespasses (Martuccclli, 2004: 491). Cette forme est particulierement presentemaintenant dans bien des campagnes d'information en sante publique : pour laprevention du Sida, on ne dit rien sur ce que devrait etre une vie sexuellenorrnale ou bonne ; on donne seulement des conseils techniques

    vvr r c . __ 1-_: __ . .. 3 ~ _

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    Un neopaternalisme dans le rapport de soin medicalDans la mesure ou les nouvelles manieres d' organiser

    le systeme de soins font davantage de place aux malades,l'ancien modele patemaliste du rapport des soignants auxpatients est largement remis en question. Ancre dans Iescertitudes scientifiques en lesquelles se fondait lanecessaire ufilite d'une decision medicale incontestable ,cemodele permettait aux soignants de s'approprier lasubjectivite du mala de en Ie reduisant a un simple objetde soins. Le nouveau management des soins qui integre ledroit a l'information du patient et sa participation a ladecision therapeutique, s'il le souhaite, transforrne-t-ilpour autant la relation soignante en une relationpartenariale egalitaire ? Un modele consumeriste pourlequel la reponse a ce qui est pert;u comme I'essentiel dela demande de soin (l'expertise scientifique du problemede sante) est forcement toute contenue dans le traitementtechnique de reparation (le traitement chirurgical outherapeutique) ou bien de soulagement et de confort (soinpalliatif reduit au traitement medicamenteux de ladouleur) ne s'est-il pas substitue au modele paternaliste ?Penser qu' au sein du systeme de soins, I'offre serait a lamerci de Ia demande revient a inverser le modele del'autorite medicale exclusive au profit du consommateurde soins : foin de sollicitude, le medecin renvoie leconsultant a la solitude de son autonomie consumeriste ;au diable la confiance, l'usager du systeme de soinsdevient un client mefiant qui fait ses courses de sante.Cette hypothese est immediaternent dementie parl'observation : le patient se presente comme un etrevulnerable exprimant une plainte en accordant saconfiance au medecin et non pas comme un client-roi quifait son marche dans la panoplie therapeutique, toujourssoup~onneux sur les services qu'on lui propose et faisant

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    jouer la concurrence entre prestataires.En est-on venu pour autant au modele egalitaire d'un

    partenariat democratique garanti par les droits du patient? En laissant le travail d'organisation aux soignants duterrain incites a . une adaptation et a . un compromis detous les instants, on pourrait croire qu' est venu le tempsdu dialogue et du partage (Pierron, 2007) : au creux de larelation soignante qui s'inscrit dans la duree, il peutexister un moment deliberatif O U se communique ets'explicite l'information sur les processus pathologiquesen jeu. Au regard du diagnostic, l'eventail des solutionstherapeutiques n' est pas infini : exposer, discuter voirehierarchiser les alternatives appellent a se decider .Vient Ie temps de l'action therapeutique, c'est-a-dire dutraitement pratique de la plainte : si le patient est alorstransforme en objet de soins, Ie processus anterieurrappelle aux soignants que leur objet de soin esttoujours et encore Ie sujet de la decision et du consente-ment a leur activite sur son corps. Comment concilier lamassification des services therapeutiques avec lareconnaissance des personnes auxquels ils s'adressent ?Une reponse en termes de logique industrielle destandardisation de l'offre ou de logique de rationalisationtechnocratique (de type SBAM : Sourire, Bonjour, Aurevoir, Merci) est inconcevable. La tendance organisation-nelle que nous avons decrite ci-dessus presente l'avantagede permettre un rapport partenarial de co-production: letravail sur autrui peut devenir un travail avec autrui.Si la pente organisationnelle du systeme de soins

    hospitaliers tend a . converger avec le modele partenarialdu rapport soignant, peut-on tenir cette convergence pourverification ? Pour se persuader que la negociation, lecompromis et la souplesse sont au cceur des services, riende tel que de supposer que lautonomie des soignants est

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    au chevet de l'autonomie des malades. Mais la conquetedes droits du patient a-t-elle raye de la carte l'autoritemedicale ou soignante (Lang, Rolland, Clement,Membrado, DrulheJ HelardotJ Mantovani, 2007) ?Personne n' est pret a . soutenir que les progres realises enmatiere de droits de l' enfant ont mis fin a . l'autoriteparentale. Les textes qui regissent desormais Ie rapportmedecin-malade n'effacent pas tous les elements dumodele paternaliste : ils tiennent compte en particulierdes etats emotionnels du malade pour fonderJ'exception therapeutique . Ainsi, si le malade risquede prendre des decisions qui lui seraient fatales en ayantconnaissance du diagnostic, lemedecin peut contrevenir a .son droit a . l'information pour le proteger (cas classiquedu maniacodepressif : son impulsivite peut laisser crain-dre le pire si on lui en dit trop). L'argument paternalistedes etats emotionnels du malade, justifiant le pouvoir etI' autorite du medecin contre les droits apparents dupatient reste aujourdhui valide et se trouve d'ailleursreconnu aussi bien par le code de deontologie que par laCour de cassation (jaunait, 2007). Cela ne veut pas direque I'ancien modele est totalement maintenu : la relationasymetrique a ete reequilibree de maniere decisive.Cependant, en depit de l'information apportee a . lapersonne qui vient consulter et se faire soigner, en depitdu recueil de son consentement dans les formes,l'asymetrie emotionnelle entre soignant et patient estreconnue comme une constante non negligeable : lemodele neopaternaliste actuel affirme ainsi l'impossibilited'un consumerisme medical au nom d'une rationaliteaffectuelle qui bouleverse la froide rationalite instrumen-tale du destinataire des services de soin, mais en memetemps il remet en cause Ie presuppose d'une autonomieheroique du patient (il n' est pas Ie partenaire tranquille etdetendu de negociations avec les soignants frqidement

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    calculees).La mise en perspective des changements du travail

    d' organisation au sein du systeme de soin hospitalier avecles transformations des formes de domination (quin'exdut pas Ie maintien de formes anterieures) et avec Iepassage a un modele neopaternaliste dans le rapportsoignant invite a observer ce qu'il advient de la sollicitude et de l'humanite au chevet des patients.Ces expressions, qui traduisent la prise en charge desetats ernotionnels des patients, constituent le pendant dela rationalisation economique, administrative et techniquedes etablissements de soins et visent son reequilibrage.L'enjeu est de rendre tolerable cette rationalisation aupresdu public qui la percoit comme relevant du- calculproductiviste (s'enrichir sur le dos de la souffrancehumaine). En s'occupant du malaise, du trouble, de ladouleur, de l'inquietude, bref de l'emoi .suscite par lespathologies dont la personne qui vient consulter etquemander du soin fait I' experience en meme tempsqu'elle decouvre les signes de son mal-etre, le soignantpeut manifester de la compassion : c'est une facond' afficher un certain desinteressement et de sortirl'echange de son caractere trop marchand.

    Le travail emotionnel dans l'activite relationnelleAvant de prendre la mesure de ce qu'il advient de cette

    incitation a la sollicitude qui fait partie de 1'esprit dutemps . arretons-nous sur cette composante de I'activiterelationnelle (Mercadier, 2002). Au prealable ilimporte dese souvenir que les activites techniqueset materielles dusoin (l'intervention soignante hoteliere ou de confort)presupposent une competence et une activite relation-npllps : face ala nresence de lautre. touiours ambigu (atti-

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    rant et repoussant, sincere et manipulateur ...), il s'agit demanifester une disponibilite a Ia communication et unevolonte de rencontre, bref l'accueillir. Cemoment cognitifconjugue a la fois des echanges d'informations factuelles(identite sociale, explicitation des anomalies constatees,site et nature de la douleur ... ) qui peuvent susciterraisonnement et argumentation, et aussi de subtilsmouvements interieurs quasi-visceraux entre desird'effacement [ne pas savoir ou se mettre ) et impulsiond'exteriorisation (< < se sentir transporte ) que chaquemembre de la relation decode et canalise. L'rnterpretationde I'emoi originel mobilise un ethos emotionnol (feelingrules ou emotion norms, Hochschild, 1975) et eventuelle-ment une ethique. L'ethos emotiormsl met en jeuI' acceptabilita de I' emotion par I' appreciation de sanormalite ainsi que la determination de son degre devoilement. De ce point de vue, Ia pudeur releve moins dequelque morale bien-pens ante (pruderie ou pudibonde-rie) que d'une regIe implicite de protection (echapper a latoute-puissance du regard de I' autre, a son risqued'effraction et d'invasion) et de preservation de sacapacite de sujet (rester maitre de sa part d'ombre et deson devoilement). L'aspect ethique intervient a un niveauplus elabore du sentiment pour incIure son appreciation aI'aune du bien et du mal: ce qui etait par exemple degoutau niveau de l'ethos devient gene ou honte des qu' on leplace sur Ie registre ethique. La canalisation de l'emoiainsi decode est irreductible a sa manifestation ou a sadissimulation selon la position prise au regard de I'ethosemotionnel. Le premier enjeu est son acceptation ou non.S'il est accepte, Ie travail emotionnel va consister a lesituer entre les poles du voilement et du devoilement. S'iln'est pas accepte, demeure l'alternative suivante :supprimer l'emoi originel et Ieremplacer par une emoti~m convenable [enterrer ses dents de vampire et faire

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    bonne figure) ou bien reprimer la pulsion et I'associer aun autre ressenti dont une autre figure est porteuse (casclassique du transfert: la colere contre Ie cadre infirmierest deniee tout en devenant insatisfaction de la collabora-tion avec les collegues [Theodosius, 2006]). La penteethique conduit a tirer parti des emois les moins convena-bles pour en faire des moteurs de creation: ainsi, la colerese transforme en indignation ou l'orgueil en generosite.Pareille explicitation du travail emotionnel (emotion

    work) daccueil se situe dans un contexte de rapportd' empathie qui engage a Ia fois attirance, seduction etidentification : on se met a la place de l'autre pourcomprendre, a travers des indices corporeIs, de lacommunication non-verbale ou des propos explicites, cequ'il ressent. Et ce contexte releve lui-meme de I'ordreprive ou domestique. Une distinction linguistique au seinde la culture britannique ou etasunienne permet dereperer le passage a I'univers du travail salarie quitransforme la nature du travail emotionnel : nop plusem otion w ork mais emot io n al l ab ou r. En situation pro-fessionnelle, I'ethos emotionnel mobilise tout commel'ethique engagee dans I'expression emotionnelle necomporte pas (ou a un degre moindre) I'exigence desincerite et d' authenticite. Le travail emotionnel sur le lieude travail tient compte de I'interet propre de la personneen sa position de salariee. Mais au contexte d'empathiepeut se substituer un contexte de rapport de force, commeen temoigne cet echange entre une aide a domicile et sastagiaire-sociologue (Avril, 2008) : En stage avec IsabelleAvon, nous sommes en train de nettoyer la salle de bainde Simone et Edmond Albert, un couple age : - IsabelleAvon: Un jo ur je v ais d an s le s c hio tte s, y e n a va it p ar to ut.[e lui dis: "V ous prenez la balayette et v ous nettoyez." E lle m edit : "Ca va pas, non ?" Je lui ai dit : "[e sortirai pas tant que

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    v ou s a ur ez p as n etto ye " [ ... J E lle m e d it : " Isa be lle , v ou s a ve zmauvais carac iere." [e lu i dis : "Non, i'ui pas mauoaisc ar ac ie re , m ais je m e la isse p as [a ir e.: La vehemence dupropos frappe I'observatrice qui note par ailleurs que, surle terrain de ce type de corvees, ces aides a domicile enfont plus qu' elles ne l'avouent. Et cette vehemence estassociee dans le recit a une posture de rapport de force:elles n' acceptent pas que I'on invoque la vulnerabilite despersonnes agees pour se mettre automatiquement enposture d'empathie avec elles, ce qui ne manque pas descandaliser des collegues qui la revendiquent au contraireen disant aimer Ies personnes agees et aimer leurtravail . Des lors, les rapports entre colleguesapparaissent constituer un autre contexte : celui de Iaconcurrence dans le marche interne a l'associationemployeuse. IIsuscite deux formes d'affirmation de soi etdeux modes de valorisation de l'activite professionnelle,l'une liee a la fierte d'un mode oblatif d'exerciceprofessionnel (invocation de Ia sollicitude), l'autre ancredans une fierte professionnelle qui se satisfait dans larevendication de la defense d'un vrai metier qui nesaurait tolerer l'horreur (Ie respect de I'autre passe parlerespect de soi=refus de la sollicitude).

    Le travail emotionnel dans le systeme de soinL'effet du contexte sur le travail emotionnel accompli

    par les soignants est remarquable dans le systeme de soinhospitalier : I'etat emotionnel du malade n'est pas uneconstante tout au long de son sejour. II varie d'abordselon son mode d' entree: arriver par les urgences ou dansIe cadre d'un rendez-vous planifie n' a pas Ie memeimpact. Alors que dans le second cas de figure, selectionet preparation ont ete effectuees, l'accueil aux urgences

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    engage immediaternent un controle : il vaut mieuxd' ailleurs parler de reception ou de controls qued'accueil (Penef, 1992).Du point de vue de la dynami-que emotionnelle, le malade (et sa famille, s'il estaccompagne) a interet a accroitre sa valeur mobilisatriceen s'efforcant de donner une charge affective touch ante ason malheur (Dodier et Camus, 1997). A l'inverse, lepersonnel soignant se compose un masque pour eviterce piege en sauvegardant une distance et en auto-control ant son contre-transfert. Eviter Ie piege suppose derelever un triple defi. D'abord il importe de veiller acontenir tout debordement emotionnel :maintenir l'ordreconsiste precisement a remettre dans le cadre l'agiteou le forcene qui peut provoquer des degats materielset/ou afoler les autres malades, Ensuite il est necessairede passer de cette contenance a une mise en conformiteemotionnelle : assurer Ie calme, la tranquillite, la paix (sila famille est la, on la mobilisera a cet effet ou bien onI'eloignera au pretexte de son excitation revendicative).Enfin le soignant a tout interet a garder sa lucidite pourobjectiver chacun des cas qui se presente : les serieux ,les habitues , les entrants venus pour. des raisonsmedicales banales que l'on scinde en gentils et en raleurs 10. Tout ce travail de cadrage et d' observationsilencieuse est souvent considere par les accompagna-teurs comme de la flanerie : le personnel mobilise alorstoutes sortes de formules de neutralisation de l'impatien-ce (< < On ne vous oublie pas ... ) tout comme ilrecourtaux techniques de reduction dambigurte lorsqu'il devientnecessaire de porter atteinte a l'intimite (< < On va faireglisser votre pantalon ... ). Les norrnes medicales ethospitalieres d'hygiene et de proprete rendent ineluctable

    10. Nous reprenons ici la classificationindigene rapportee par Peneff(P,mpH 1qQ') RQ_QLI. )

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    la confrontation repetee avec des corps sales et avachis.L'habitude ne change rien a I'affaire : le decrassage estune tache rebutante qui peutfaire l'objet de bien desmanceuvres pour I'eviter et s'en decharger, au moinsmomentanement,Dans les services, la question emotionnelle du point de

    vue du malade se pose en d'autres termes (Orfali,Wassmer, 1986) : le temps long du sejour (compara-tivement a celui de l'admission't) est scande par lesexamens, les interventions (eventuellement), les traite-ments specialises Ie tout allant de pair avec unesurveillance continue du malade en lui assurant unconfort hotelier convenable, y compris en lui offrant lapossibilite d'amenager d'amples moments d'entredeux pour cultiver ses propres gouts et ses propresaspirations culturelles. Chaque sequence du sejour peutsusciter chez le patient une dynamique emotionnelleparticuliere. Au temps des examens, lorsqu' on attend lesresultats et que les medecins reservent leur diagnostic-pourtant deja oriente par I'examen clinique, le patient estconcentre sur un rapport a soi tendu par l'incertitude etI'attente de ce diagnostic : en une posture d' acceptationpassive de son sort, illaisse transparaitre peu ou prou soninquietude, voire son angoisse, et sa tristesse aussi. Cecipeut senuancer en reprenant une distinction de Boltanski(1968): les patients de milieux populaires qui considerentla mala die comme un accident interrompant brutalementle cours de leur vie ordinaire peuvent manifester del'exasperation parce qu'ils considerent cette rupturecomme rapidement reparable, et mettre en accusation lessoignants en les soupconnant de lenteur et de cachotterie.

    11. II importe de distinguer I'admission du temps de la decision d'aller al'hopital, decision plus ou moins longue a prendre, selon les situations et quio"T'6r,6.;lp l':;,.rl"';(.1C!;r\n rr211"(T"'+ 1Q Q 1 \

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    Inversement les membres des categories superieures ontune autre vision de la maladie : aboutissement d'unelongue perversion de la sante, ils ont conscience que sanature determine un pronostic qui les inquiete. Quand lanature du mal a ete determinee et que l'information a etedonnee et appropriee". le desir d'en savoir plus autantque la volonte de participer activement au recouvrementde sa sante appellent les patients a jouer la carte de laseduction pour tenter de conquerir une relation privile-giee parmi le personnel : ils s'appliquent a devenir de bons malades . tels que le laissent deviner lessoignants, a la fois mobiles, de bonne humeur, convi-viaux ... Yparviennent-ils ? C'est la fierte et lebonheur. Sila relation privilegiee se derobe, c'est la plainte et lereproche dinsensibilite, l'ennui et la tristesse dans lerepli, la regression et la dependance. Autant de notationsa nuancer selon le niveau d'instruction et l'age, II resteque selon les contextes et les sequences du sejours'operent des basculements d'une dynamique emotion-neUe positive a une dynamique negative, et inversement,sachant que les emotions plus ou moins ouvertementmanifestees peuvent faire echo a I'experience profonde dumalade (la detresse liee a sa faiblesse) ou bien constituentun deplacement ou un habillage de cet etat emotionnelprofond dans le but de susciter la compassion dessoignants et detre mieux pris en charge.

    12. L'annonce du diagnostic est un moment tres important du point de vuemotionnel : la tension emotionnelle empeche souvent d'enregistrer avecprecision l'explicitation du diagnosticqu'effectue le msdecin. Son annonce seconclut pourtant imperturbablement par: "Avez-vous des questions? , sansqu'il se rende compte que c'est au terme de la digestion des informationscommuruquees que les questions vont se mul tiplier, en l'absence de tout~ _J .~ _1 ~~ ,. f- . .. .. ._,...........H . . ~. " . . .. : I . . . . .. . . ' " lr~TY1TYl":;rli-;)t

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    Transformation du systeme de soin et changementdans la prise en charge des emotions:de la neutralite affective a la pudeur emotionnelleAu sein de ce jeu hospitalier, comment reagit Ie

    personnel soignant ? Comment les changements dans lesysteme de soin, en particulier la delegation a la basedu travail organisationnel dans le double contexte d'unedomination par injonction a I'autonomie et a la responsa-bilisation, et d'un rapport neo-paternaliste au malade,reconfigurent-ils le travail emotionnel des soignants quine vise pas seulement les emotions personnelles maisaussi la regulation et la gestion des emotions des autres,collegues et patients? Sommes-nous dans une improvisa-tion reglee sans cesse reconduite qui laisse filer lasympathie jusqu'a l'attachement pour mieux encouragerla personne soignee, selon l'esprit latent d'une adaptationresponsable?Dans Ie systeme de soin ou l'inculcation des appren-

    tissages cautionne Ie rapport paternaliste, la neutraliteemotionnelle est un principe auquel on ne deroge pas : ilest la garantie qu'il n'y aura pas d'entrave a l'actiontherapeutique, depuis l'examen jusqu' au traitement. Cetteneutralite affective vise d' abord a occulter ses propresemois pour ne pas indisposer davantage le malade.Quand la norme de lamanipulation du corps mala de avecles mains gantees a ete enoncee, infirmieres et aides-

    ont ete prises dans Ie dilemme de sonapplication ou pas : pour certains malades, mettre desgants avant de les toucher etait pers;u commemanifestation de degout a leur encontre, voire de mepris.Or le principe de neutralite en matiere de ressenti etd'absence d'engagement afectueux non seulement

    -r-!

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    n' exclut pas la sollicitude, mais il l'inclut et I'encourage.Ce detachement compassionnel a aussi pour exigenced'encadrer l'affectivite des malades, en leur signifiant parson attitude corporelle et par l'exemple de sa retenuequ'ils doivent garder par devers eux les reactions intimesa leur malheur, ou les partager seulement avec desmembres de leur famille ou des proches.Ce modele ascetique est appele a etre remplace quand

    le systeme de soin est lui-meme bouleverse dans sonmode d'organisation et quant au rapport soignant-patient. Tout tombe sur nous devient un refrain delassitude. Et ce tout indique en premier lieu que latentative de reduire l'activite de soin a une epreuvephysique grace a la neutralite ernotionnelle n'est plus demise. Non seulement il faut prendre en charge lapathologie, mais aussi la maladie du malade , c'est-a-dire tenir compte des representations qu'il a de samaladie, de l'etiologie profane qu'il lui attribue, de saconception de la guerison. des blessures que son etatoccasionne a son identite et a son estime de soi, de sonsentiment de perte et de separation (de sa sante, de sonhistoire) ... Le tout renvoie done a une vision holiste dela sante, irreductible au soin d'un organe. Des lors lesactivites techniques et materielles sont censees etre priseset enrobees dans I'activite relationnelle dont le contenu,necessairement flou, reste a determiner au cas par caspour que la relation soit personnalisee , Bien souventl'activite reparatrice du soin doit etre redoublee par des rituels de reparation visant a retourner les experiencesemotionnelles negatives (malaise, detresse, peur, tristesse)pour tenter de les convertir en quelque positivite. Leurrepetition est une source de surcharge mentale pour lessoignants : ils tentent de detendre l'atmosphere parl'humour le rire et les plaisanteries en veillant a ne pas

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    choquer ou blesser les personnes qu'ils abordent.Cependant, la relation peut prendre aussi une tournurepositive de soutien et d'ertcouragement a la perseverancepour gouter encore les saveurs de I'existence. Ainsi, dansune structure geriatrique (Boisard, 2007), une aide-soignante qui a apen;u un baton de rouge a levres et desaccessoires sur la table de nuit d'une vieille dame a prisdu temps pour effectuer son maquillage, ce qui lui aarrache des gloussements de plaisir. Mais la jeune femmequi s'est improvises estheticienne a joue le jeu relationnelen esperant la reciprocite : un maquillage vaut bien que lavieille dame ne rechigne pas trop pour manger son repas.Le travail emotionnel prend iei Ia forme d'une veritableparade, non pas au sens d'un comportement stereotype(comme Ie decrirait I'ethologie animale), mais en tant quejeu et mise en scene de la relation, pouvant assoeiersincerite et interet reciproques, ou bien simulation etmanipulation. Dans tous les cas, substituer de lasingularite au flou relationnel suppose de la disponibilite,en termes de temps et de proximite, mais aussi par lerenoncement a certaines formes de sociabiliteprofessionnelle (les retrouvailles entre soi en salle degestion des soins). Travailler a singulariser la relation enprenant appui sur I'emotionnalite du moment, voila quicontribue a assurer la continuite de l'identite du residentdans le service par-dela les ruptures biographiquesqu'entraine la maladie ou la dependance (Keller et Pierret,2000).. Ce modele de la pudeur ernotionnelle qui autorise etfavorise une expression mesuree de I'autre souffrant et~ui appelle un certain devoilement de soi pour que larelation s'engage sur un minimum de reciprocite tout en. I'attachement et ses risques au moment de la

    suppose une triple posture d'empathie pour

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    satisfaire les trois principaux interlocuteurs de chaquesoignant. Bien sur, il s'agit d'abord d'etre capable de semettre a la place du patient: on mobilise volontiers dansce cas les experiences familiales personnelles (l'hospitali-sation de l'un de ses parents ou d'un membre de lafamille se repand). Mais il faut aussi etre capable de semettre a la place des membres de son equipe : I'ancienne-te et I'experience contribuent a etoffer cette capacite sur leplan professionnel ; encore faut-il qu' elle puisse debordersur les problemes prives des collegues (tensions liees al'endettement d'une accession a la propriete, crises conju-gales et familiales, soucis de sante ...). Enfin il importe decomprendre les personnels d'en haut et les contraintesauxquelles ils doivent faire face : l'adhesion a leurs reformes leur est un motif de soulagement. Le modelede la pudeur emotionnelle a la naivete irenique de cesatmospheres impalpables de confiance, de docilite et decollaboration dans la generosite>, Mais le vers est dans lefruit: I'exigence bureaucratique et politique de tracabilitepermet a chacun de se couvrir et, en cas de difficultes,de renvoyer la responsabilite sur l'autre. De la memeIacon, l'evaluation et le controle que permettent lestraces minent la confiance necessaire a la solidaritecollective des equipes, tout comme Ia competition pourl'acces a des moyens toujours plus Iimites, Lacontractualisation des soins, qui finit par empater labouche de la gouvernance hospitaliere, est un vceu pieuxfaute d'une analyse serieuse et consequente de safaisabilite, Bref, le modele de la pudeur emotionnelle qui

    13.Dans certains servicesou lesduree de sejour sont encoreimportants oubien dans les secteursdemoyen ou long sejour (psychiatrie,geriatrie),I'activiterelationnelle ne se reduit pas a I'interaction face a face : il s'agit aussi depromouvoir nne "commnnaute residentielle des patients par I'organisationd'un partage d'activites qui leur permette de se connaitre et d'interagir entrePl,):,".

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    succede a celui de la neutralite affective appartient a unideal du travail prescrit, jamais ou tres rarement atteint.Quelles reponses concretes sont donnees a la question

    emotionnelle ainsi ouverte par linjonction de sa prise encharge ? Outre le modele ideal de pudeur emotionnelleaupres duquel courent des soignants hyperactifs quiy croient , on peut degager d'autres postures qui enattenuent les pretentious sans limites, ou les recusentselon diverses modalites.

    Differenciation du rapport au modele de pudeuremotionnelle dans les pratiques hospitalieres de soinAfin d'eviter I'epuisement professionnel engendre par

    un engagement emotionnel difficilement gerable fauted'une reelle prise en charge collective (la frenesie d'action finit par isoler chaque soignant : chacun tranchede son cote les dilemmes auxquels il est confronte et portele poids des transferts affectifs des patients dont il s'estoccupe), une premiere attitude consiste a reintroduire dela reserve et des limites. J ' arrete mes limites, comme caje n'ai pas mal. Si ce type de professionnel veut bienjoindre l'agreable a rutile, aimer son travail et aimer lespersonnes auxquelles il offre ses competences et saqualification, il n'accepte pas la precipitation, la transfor-mation systematique de I'opportunite temporelle enurgence: contre la pente echevelee de la fulgurance del'action, ils'efforce de maintenir de la disponibilite et ducalme pour se preserver, se faire plaisir, offrir un serviceapprecie meme si l'immediatete en est differe, finalementde se donner la satisfaction d'un travail bien fait. nn'y aden de plus beau que d'etre attendue ... Les maladesm'attendent (Dujarier, 2006). II reste que la tensionentre Ia volonte de bien faire et la difficu lte a rxnrvoir 1f'

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    faire peut engendrer une decharge de violence non-premeditee : des mots ou des gestes brutaux qui suscitentrapidement le remords. L'impossibilite d'arreter par laparole ou par le medicament une plainte sonore continuepeut finir par des gifles et plus tard par des larmes ameressur l'epaule bienveillante d'une collegue.Une seconde attitude consiste a renoncer totalement a

    cet ideal : face a des exigences multiples et infinies, face a .une pression constante a I'improvisation pour coller auxsingularites , c'est Ie silence et Ie refus de penser, c'est Iedetachement moral et I'impersonnalite, Ce type depersonnel, las de la marchandisation de l'hopital (souventcompare a un marche de patients, [Dodier et Camus,1997]) met une carapace et routinise son activite enreduisant Ie collectif a . un support dinformationsfactuelles sur les pathologies a . traiter. Son fonctionne-ment desimplique et routinier les situe en deca de laneutralite affective : la bienveillante sollicitude n' est pas,son problema ; il fait son boulot : un point, c'est tout.Si I'encadrement l'accuse volontiers d'immobilisme, ilapprecie secretement la force de sa presence : on peut ycompter . Cependant cette automatisation routiniere comporte le risque des negligences : ne pas parler, ne pasregarder, ne pas repondre aux appels ... finit par instillerdes formes de maltraitance sans bruit.

    A cote de cette sortie silencieuse du modele ideal, onpeut rencontrer des professionnels militants qui sontcritiques vis-a-vis du travail organisationnel qu' on exiged'eux a . travers les multiples injonctions morales (parIe truchement d'un empilement de proto coles) et a . I'egarddu type de travail emotionnel qui en decoule. Mais al'inverse du positionnement silencieux precedent, cessoignants explicitent publiquement leurs positions etappellent a . la revendication collective. Comme ils ne

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    parviennent pas a . faire beaucoup d'emules etant donneles processus de fabrication de la solitude au cours del'exercice professionnel (d. ci-dessus), ils finissent pars'isoler et la gouvernance hospitaliere les laisse se margi-naliser.Enfin, il n'est pas exclu que le modele classique de

    neutralite emotionnelle soit toujours active, comme entemoignent les communautes endogenes de soignants(Sainsaulieu, 2006): leur devouement et leur sentimentvocationnel les conduisent a . un fusionnel entre-sci ou serelachent tous les sens pour mieux brider et retenir lesemotions face a . des patients techniquement lourds . Al'inverse, on peut faire l'hypothese que les attitudesprecedentes (pudeur emotionnelle tres encadree,detachernent et retrait dans les routines professionnelles,revendication pour davantage de personnels et demoyens qui permettraient de mieux assumer un travailemotionnel distant mais engage) sont a . l'ceuvre dans les communautes exogenes , c'est-a-dire des equipessoignantes ouvertes et soucieuses de la relation avec Iepatient dans toutes ses dimensions, meme si les modalitespratiques de ce souci s'averent heterogenes.

    Le travail emotionnel au sein du systeme de soindans le miroir des soins palliatifsOn peut lire en miroir, dans l'histoire recente des soins

    palliatifs, la palette des formes de travail emotionnel quenous avons degagee du cote des soins curatifs. A la findes annees 1980,lorsque M. Abiven cree 1apremiere unitede soins palliatifs a l'Hopital International de l'Universitede Paris (Castra, 2003) le caractere interdisciplinaire duservice vise aussi a . servir de vitrine pour tout ce qui sefera oar la suite. en reorenant l'idee de soins ar+ifsdans

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    une approche globale de la personne atteinte d'unemaladie grave, evolutive ou terminale (SocieteFrancaised'Accompagnement et de soins Palliatifs, SFAP). Laforme canonique de ce type de soins presuppose laconscience ouverte , selon l'expression de Strauss. Lapersonne qui rejoint le service a ete informee qU'elle esten fin de vie, ce qui homogeneise les patients qui y sontpresents: etre admis en soins palliatifs (USP) consacrel'ultime rupture biographique et chacun le sait.Mais cetteinformation debouche sur un contrat de soins : grace a lamedecine de la douleur, Ie mourant a a sa dispositiontous les moyens medicamenteux qui vont lui assurer leconfort ; sa souffrance psychologique et sociale est priseen charge par les soignants qui sont charges de suivrel'evolution de la douleur physique, de travailler sonrapport emotionnel a lamort (Mamo,1999) et de negocierson identite en transformation. Afin d'eviter l'epuisementmoral dans cette frequentation quasi-quotidienne de lamort, les membres des equipes de soins partagent leurexperience et travaillent sur leurs propres emotions poureviter de se faire devorer par des attachements privilegiesqui se substituent a une solidarite affectivepermettant dese differencier du patient. On Ie voit, ce modele estparfaitement convergent avec l'ideal de pudeuremotionnella que Iesysteme de soinsactuel fait injonctionde suivre.En 1989 est miseenplace lapremiere equipemobile de

    soins paUiatifs(EMSP) : en dix ans, leur nombre a etemultiplic par cinquante tandis que celui des USP l'a eMpar trois" (Mino,2007);etquinze ans plus tard, les EMSPsont quatre fois plus nombreuses que les USP14.Or, s'il ya une relative homogeneite des USP,il n'existe rien de telquant aux activites des EMSPqui partagent pourtant le

    14.Voirle CentredeDocumentation dela SFAP.

    LETRAVAIL EMOTIONNELA L'EPREUVE 47

    meme ideal : de fait s'operent des reconfigurations dessoinspalliatifsnon pas tant selon les EquipesMobiles queselon les services hospitaliers qui sollicitent leur aide. Acoted'un pole euthanasique, tres faiblemais present>, onpeut observer des servicesqui, apres avoir obtenu des litsidentifies soins palliatifs, les fondent dans le modelepionnier normalise. Entre ces deux poles, l'EMSP sedeplace selon deux logiques affaiblies de ces deuxmodeles contraires (euthanasiques vs palliattfsj> : convo-quee d'urgence par un client qui est un service hospita-lier, elle tend a substituer des soins de support(soulagement de la douleur physique) aux soinspalliatifs(l'investissement regulier aupres des malades tend adisparaitre et, lorsqu'il est maintenu, il est reduit a saplussimple expression faute de temps) ; certains services sontplus presses encore : s'ils se refusent a I'emploi de cocktails lytiques . ils ne supportent pas la mort quitraine et invitent lemedecin specialists de la douleur ausein de I'EMSPa trouver quelque forme de sedation .Dans ces variations entre les deux poles, on peut tout afait identifier quelques-unes des formes du travailemotionnel ou de son escamotage : les soignantsprecedent a toutes sortes de limitations dans leursinterventions, en particulier dans le suivi des maladespour lesquels ils ont ete appeles ; compte tenu de I'absen-cede culture palliative (ou de sa faiblepresence) dans lesservices,les soignants de l'EMSPsont souvent confrontes

    15.Nous n'avons pas d'enquete statistique pour la France, a cejour, sur lesfiils de vie, mais elle est prevue. Par centre. on dispose d'une etude surquelques voisins europeens qui montrent que, dans tous les pays enquetes(memedans la tres catholique Italie),il existe une utilisation plus oumoinsclandestinede substancesletales(Bilsen,Cohen,Deliens,2007).Ilapparait donepeu probable que ces pratiques scient totalement absentes en France :l'observation ethnographique au sein de quelques hopitaux en corroborel'intuition.~ 16.C'estla lecture que nous faisonsde Legrand(Legrand,2006).

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    a des patients qui ne connaissent pas leur etat et leurpronostic et, pour eviter les debordements, on leurdemande de se taire : retour a la case de la neutraliteemotionnelle ... Force est de constater que l'extraterrito-rialite des EMSP (Ie fait qu' elles n' aient pas de territoire etde lits propres) ainsi que les jeux de seduction vis a visdes services commanditaires, sans parler des enjeux delegitimations, tirent leur activite vers le retrait et laroutine teclmique des protocoles de la medecine de ladouleur (infirmiers, aides-soignants et psychologuess'effacent) : I'ideal du modele de pudeur emotionnellefinit par etre de fait recuse.

    ***A quelles reconfigurations de la sollicitude et de

    l'humanite au chevet des malades conduisent leschangements contemporains du systeme de soins ? Sil'evanescence de I'encadrement de proximite va para-doxalement de pair avec le sentiment d'une plus grandepression, c! est que Ie travail d'organisation est deleguepar la gouvernance hospitaliere aux soignants qui sont auchevet des malades. Pareille impulsion a la participationne fait pas disparaitre pour autant pouvoir et domination:ils prennent de nouvelles formes et precedent a partir denouveaux dispositifs. La multiplication d'injonctions, parla mediation de proto coles et de procedures, se structureautour de l'injonction d'autonomie. Par ailleurs, Iemodele paternaliste de la relation medecin-patient, quiconstitue une reference pour tous les soignants, s'est aussitransforme, en particulier a travers notresystemejuridique qui donne des droits aux patients, mais Ie desird'une relation partenariale egalitaire savere utopique : lemodele neopaternaliste continue de tenir compte deI'asymetrie des positions, en particulier du fait de I'etatemotionnel du malade. On devine Que l'ancien referentiel

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    de la neutralite affective ne peut subsister qu' ensurvivance. La nouvelle reference est la pudeuremotionnelle. Mais elle s'avere etre un ideal de travailemotionnel qui, s'il s'inscrit parfaitement dans la logiquedes transformations organisationnelles de responsabilisa-tion, devient difficile a tenir. Une partie des personnels seI'approprie en Ie soumettant a de severes limitations ;d'autres Ie recusent dans Ie silence d'un repli sur lesroutines teclmiques du metier; enfin une autre partie despersonnels le recuse en revendiquant plus de mesuredans les exigences de sa production et davantage demoyens dans son application. Le miroir tendu par lessoins palliatifs aux soins curatifs tend a montrer quel'ideal du travail emotionnel que nous avons caracterisecomme pudeur emotionnelle, engagee quoique reservee,non seulement reste minoritaire mais risque de se reduireencore faute d' avoir un cadre organisationnel qui lui soitfavorable.REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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    Cet ouvrage propose une introduction vivante a undomaine de recherche longtemps delaisse par les sciencessociales: les emotions, qui loin de se reduire it une realiteexclusivement interieure, sont aussi des composantesessentielles de notre vie sociale.Le champ de la sante est un observatoire privilegie

    pour dechiffrer, par l'etude des rapports de force qui seglissent au cceur de notre vie intime, le langage social desemotions. Selon les situations et les interactions, comments'opere le controle des sensations et des expressionscorporelles et queUes significations sont attribuees it nosemotions devoilees ? Quel type de travail emotionnel estmis en ceuvrepar les professionnels et par les profanes, etsurtout quelle relation de pouvoir revele-t-il, dans cesespaces ou Ie corps nous rappelle sans cesse notrevulnerabilite (hopitaux, maisons de retraite, pompesfunebres, etc.)?S'appuyant sur des etudes de cas circonscrites, desituations diversifiees depuis la prise en charge du cancer,de la psychose ou de la vieillesse jusqu'aux experiences desortie de toxicomanie ou du traitement de la mort, lescontributrices et contributeurs de cet ouvrage, sociologueset anthropologues, devoilent, a partir de leurs materiauxde recherches respectifs, ce role pivot des emotions,revelateur des tensions qui parcourent la societe touteentiere.

    Fabrice Fernandez est sociologue et chercheur postdoc-toral de l'European Research Council a l'IRIS (EHESS,Paris). nest specialiste de sociologie de la sante et desproblemes sociaux.Samuel Leze est anthropologue et chercheur postdocto-ral CNRSa nRIS (EHESS,Paris). nest specialiste danthro-pologie politique de la sante mentale.HeleneMarche est sociologue au LISST-Cers(Universite

    Toulouse 2). Ses recherches portent sur l'experience de lamaladie grave dans lemonde medical et dans celui de lavieordinaire. \illECONOMICA WAnthroposIllustration de lacouverture: SarahArnal.

    ISBN 978-2-7178-5643-929

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