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N° 19 - Octobre / Novembre 2009 2 Le litige funéraire (suite) : les derniers développements législatifs et réglementaires sur le sort des cendres Il a été évoqué dans la précédente édition de La Veille 1 un « litige funéraire » por- tant sur le sort des cendres d’un défunt, survenu entre ses différents ayants droits. L’analyse portait essentiellement sur les difficultés d’ordre procédural, s’agissant de la juridiction compétente pour tran- cher de tels différends familiaux (cf ap- plications combinées des articles 1061-1 du CPC, R 221-7 et R 221-47 du COJ). S’agissant du fond, avait été évoquée l’application de la Loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, tou- jours d’actualité, permettant à chacun de « … régler les conditions de ses funé- railles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. » (cf article 3 a1 de cette loi, repris parmi les textes non codifiés du Code civil). Dans notre pays ne sont autorisés que deux modes de sépulture : l’inhuma- tion ou la crémation. 2 Cette matière a fait l’objet de nouveaux textes dont les plus récents sont un dé- cret n°2007-328 du 12 mars 2007, mais surtout une loi n°2008-1350 du 19 dé- cembre 2008 relative à la législation funéraire. Il s’agit d’un texte transversal affectant les articles de divers codes: civil, pénal, et principalement ceux du Code général des collectivités territoriales (CGCT). La loi traite : - du renforcement des conditions d’exerci- ce de la profession d’opérateur funéraire, - de la simplification et de la sécurisation des démarches des familles, - de la conception et de la gestion des cimetières, - ainsi que du statut et de la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à créma- tion. Cette loi consacre le statut civil des cendres qui sont désormais assimilées au corps humain (en l’occurrence, à sa dépouille). Cf. nouvel article 16-1-1 du Code civil. Elles bénéficient à ce titre de la protec- tion de l’intégrité du cadavre prévue à l’article 225-17 du Code pénal, introduit en réaction à l’odieuse profanation du ci- metière de Carpentras survenue en 1990. La loi du 19 décembre 2008 a donc com- plété les dispositions de cet article 225- 17 lequel vise désormais expressément les urnes cinéraires. Désormais également : - dans l’attente d’une décision relative à la destination des cendres, l’urne ciné- raire sera conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excé- der un an ; - par ailleurs, les cendres seront en leur totalité : conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sé- pulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un mo- nument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire, ou dispersées dans l’espace aména- gé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire, ou dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques, et ce moyen- nant déclaration préalable à la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt. 3 Cf nouveaux articles L 2223-18-1 à L 2223-18-4 du CGCT. Il n’est donc plus possible, pour les cré- mations intervenues postérieurement à l’adoption de cette loi, de partager les cendres, ou d’en conserver l’urne à do- micile. A noter que la loi n’a cependant pas abro- gé l’article R 2213-39 du CGCT tel que modifié par le Décret du 12 mars 2007 précité, prévoyant expressément que : « … Toutefois, si telle est la volonté ex- primée par le défunt, soit l’urne est dé- posée ou inhumée dans une propriété privée, soit les cendres sont dispersées en pleine nature, sans pouvoir l’être sur les voies publiques. » Dès lors, faut-il résoudre cette contradic- tion de textes par application du principe de la hiérarchie des normes ? Il eût tout de même été plus simple (et plus clair …) de mettre également à jour les disposi- tions réglementaires correspondantes. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Voilà bien assez d’encre sur les cen- dres me direz-vous ! Mais cette période automnale de Toussaint n’était-elle pas propice à quelques réflexions et recher- ches en Droit … cinéraire ? Agnès PROTON Avocat au Barreau de Grasse 1 Cf La Veille n°18 – Septembre 2009 : « Les litiges funéraires ou les prémisses du contentieux successoral » p 16. 2 Cf articles R. 2213-2 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Sur la prohibition de toute autre alternative dont la cryogénisation (procédé de conservation par congélation) : cf Conseil d’Etat, 5 ème et 4 ème sous-sections réunies, 6 janvier 2006, n°260307; Conseil d’Etat, 5 ème et 7 ème sous-sections réunies, 29 juillet 2002, n° 222180. 3 L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres seront alors inscrits sur un registre créé à cet effet.

Le litige funeraire (suite) - les derniers developpement legislatifs et reglementaires sur le sort des cendres (octobre 2009)

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Le decret n°2007-328 du 12 mars 2007 et la loi n°2008-1350 du 19 decembre 2008 sur la legislation funeraire - le statut et le le sort des cendres funeraires en France.

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Page 1: Le litige funeraire (suite) - les derniers developpement legislatifs et reglementaires sur le sort des cendres (octobre 2009)

N° 19 - Octobre / Novembre 20092

Le litige funéraire (suite) : les derniers développements législatifset réglementaires sur le sort des cendres

Il a été évoqué dans la précédente édition de La Veille1 un « litige funéraire » por-tant sur le sort des cendres d’un défunt, survenu entre ses différents ayants droits. L’analyse portait essentiellement sur les difficultés d’ordre procédural, s’agissant de la juridiction compétente pour tran-cher de tels différends familiaux (cf ap-plications combinées des articles 1061-1 du CPC, R 221-7 et R 221-47 du COJ).

S’agissant du fond, avait été évoquée l’application de la Loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, tou-jours d’actualité, permettant à chacun de « … régler les conditions de ses funé-railles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. » (cf article 3 a1 de cette loi, repris parmi les textes non codifiés du Code civil).

Dans notre pays ne sont autorisés que deux modes de sépulture : l’inhuma-tion ou la crémation.2

Cette matière a fait l’objet de nouveaux textes dont les plus récents sont un dé-cret n°2007-328 du 12 mars 2007, mais surtout une loi n°2008-1350 du 19 dé-cembre 2008 relative à la législation funéraire.

Il s’agit d’un texte transversal affectant les articles de divers codes: civil, pénal, et principalement ceux du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

La loi traite :- du renforcement des conditions d’exerci-

ce de la profession d’opérateur funéraire,- de la simplification et de la sécurisation

des démarches des familles,- de la conception et de la gestion des

cimetières,- ainsi que du statut et de la destination

des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à créma-tion.

Cette loi consacre le statut civil des cendres qui sont désormais assimilées au corps humain (en l’occurrence, à sa dépouille). Cf. nouvel article 16-1-1 du Code civil.

Elles bénéficient à ce titre de la protec-tion de l’intégrité du cadavre prévue à l’article 225-17 du Code pénal, introduit en réaction à l’odieuse profanation du ci-metière de Carpentras survenue en 1990. La loi du 19 décembre 2008 a donc com-plété les dispositions de cet article 225-17 lequel vise désormais expressément les urnes cinéraires.

Désormais également :- dans l’attente d’une décision relative à

la destination des cendres, l’urne ciné-raire sera conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excé-der un an ;

- par ailleurs, les cendres seront en leur totalité :

• conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sé-pulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un mo-nument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire,

• ou dispersées dans l’espace aména-gé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire,

• ou dispersées en pleine nature, sauf

sur les voies publiques, et ce moyen-nant déclaration préalable à la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt.3

Cf nouveaux articles L 2223-18-1 à L 2223-18-4 du CGCT.

Il n’est donc plus possible, pour les cré-mations intervenues postérieurement à l’adoption de cette loi, de partager les cendres, ou d’en conserver l’urne à do-micile. A noter que la loi n’a cependant pas abro-gé l’article R 2213-39 du CGCT tel que modifié par le Décret du 12 mars 2007 précité, prévoyant expressément que :« … Toutefois, si telle est la volonté ex-primée par le défunt, soit l’urne est dé-posée ou inhumée dans une propriété privée, soit les cendres sont dispersées en pleine nature, sans pouvoir l’être sur les voies publiques. »

Dès lors, faut-il résoudre cette contradic-tion de textes par application du principe de la hiérarchie des normes ? Il eût tout de même été plus simple (et plus clair …) de mettre également à jour les disposi-tions réglementaires correspondantes. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Voilà bien assez d’encre sur les cen-dres me direz-vous ! Mais cette période automnale de Toussaint n’était-elle pas propice à quelques réflexions et recher-ches en Droit … cinéraire ?

Agnès PROTONAvocat au Barreau de Grasse

1 Cf La Veille n°18 – Septembre 2009 : « Les litiges funéraires ou les prémisses du contentieux successoral » p 16.2 Cf articles R. 2213-2 et suivants du Code général des collectivités territoriales. Sur la prohibition de toute autre alternative

dont la cryogénisation (procédé de conservation par congélation) : cf Conseil d’Etat, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 6 janvier 2006, n°260307; Conseil d’Etat, 5ème et 7ème sous-sections réunies, 29 juillet 2002, n° 222180.

3 L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres seront alors inscrits sur un registre créé à cet effet.