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Décembre 2012 Le magazine des décideurs Confiance Nouer des relations, créer de la confiance, mettre en place des réseaux dans des cultures différentes: mondialisée, l’économie exige beaucoup de doigté et de compétence sociale. Est-ce quelque chose que l’on peut apprendre?

Le magazine des décideurs - PwC · Le 11 septembre, le tsunami, le Printemps arabe ou encore Fukushima – je travaille dans la branche du voyage depuis le milieu des années 80

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Décembre 2012

Le magazine des décideurs

ConfianceNouer des relations, créer de la confiance, mettre en place des réseaux dans des cultures différentes: mondialisée, l’économie exige beaucoup de doigté et de compétence sociale. Est-ce quelque chose que l’on peut apprendre?

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Éditeur: PricewaterhouseCoopers SA, magazine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich

Rédacteurs en chef: Alexander Fleischer, [email protected], Franziska Zydek, [email protected]

Directeur de la création: Dario Benassa, [email protected]

Concept, rédaction et conception: purpur ag, publishing and communication, Zurich, [email protected]

© 2012 PricewaterhouseCoopers. All rights reserved.

Les opinions exprimées par les différents auteurs ne correspondent pas forcément à celles de l’éditeur.

Le magazine ceo paraît deux fois par an en français, en allemand et en anglais. Tirage: 24 000 exemplaires

Commande d’abonnements gratuits et changements d’adresse: [email protected]

Lithographie, impression: ud-print AG, Lucerne. Papier: Claro Bulk mat FSC, sans bois, couché, extra-blancceo éditorial 3

Dans une économie mondialisée, il est toujours plus important de nouer des relations de confiance durables.

Vous souvenez-vous de vos débuts dans votre fonction actuelle? Il est étonnant de voir avec quelle rapidité un agenda se remplit, et il faut très vite savoir discerner ce qui est important à long terme de ce qui est simplement urgent. Actuellement, j’investis une bonne partie de mon temps dans des entretiens avec nos asso-ciés et nos collaborateurs. En contact quoti-dien avec nos clients, ils savent ce qu’il faut faire pour améliorer le soutien que nous leur apportons et qui les aidera à atteindre encore mieux leurs objectifs.Ces entretiens sont d’une grande richesse et me permettent, jour après jour, de mieux comprendre par quelles orientations et quelles décisions je pourrai, en tant que CEO, contribuer à faire de PwC un partenaire com-mercial encore plus précieux.Les relations étant actuellement primordiales pour moi, je suis heureux que le présent éditorial me permette d’entrer en contact avec vous. Vous trouverez dans ce numéro des interviews de personnalités captivantes, d’intéressantes contributions de nos experts et des reportages passionnants.Son fil rouge est, cette fois, la construction de relations de confiance durables. Nous sommes tous conscients de leur importance

Urs Honegger,CEO PwC Suisse

croissante dans notre économie mondialisée. Personnellement, j’ai été impressionné de voir que l’École hôtelière de Lausanne ne forme pas seulement des dirigeants pour l’hôtellerie mais aussi des diplômés qui, grâce aussi aux compétences sociales acquises durant leurs études, revêtent un intérêt pour maints autres secteurs. Nous aussi, nous avons compris depuis long-temps qu’il ne suffit pas d’avoir d’éminents experts parmi nous et que ce sont les capaci-tés à communiquer et à nouer des relations qui font la véritable qualité de nos audi-teurs et de nos conseillers. Ces aptitudes ne viennent pas du jour au lendemain, mais il est possible de les acquérir.Qu’en pensez-vous? Qu’attendez-vous de PwC? Ou de ce magazine? Faites-moi part de vos réactions et entamons un dialogue.

Je vous souhaite une lecture intéressante.

Urs Honegger

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Sans confiance, la société dans son ensemble ne fonctionnerait pas, déclare Jakob Tanner, histo-rien zurichois. 12

Yves Daccord, directeur général du CICR, sur l’importance du contact direct pour venir en aide aux personnes dans le besoin.16

«Si nous ne nous réinventons pas, nous n’aurons pas d’avenir», Martin Wittwer, CEO TUI Suisse.6

«J’admire surtout les gens qui décident de changer sans pres-sion extérieure», Caroline Miller, directrice HeadtoHead. 8

«Il faut savoir qui l’on est et ce que l’on peut», Walter Kielholz, président du conseild’administration de Swiss Re.10

Les valeurs inculquées par l’École hôtelière de Lausanne sont aujourd’hui demandées dans toutes les branches.36

Robert Zoellick, ancien président de la Banque mondiale, sur la nécessité de stimuler la crois-sance mondiale.46

Martin Bosshardt, CEO d’Open Systems, sur le facteur confiance dans le domaine extrêmement sensible des données. 42

Helen Keller, juge à la CEDH de Strasbourg, est la plus haut pla-cée des défenseurs suisses des droits de l’homme. 20

Dossier: ConfianceNouer des relations, créer de la confiance, mettre en place des réseaux dans des cultures différentes: mondialisée, l’économie exige beaucoup de doigté et de compétence sociale. Est-ce quelque chose que l’on peut apprendre? Des dirigeants suisses vous font part de leurs expériences.12

Valeur ajoutée

Big Data: des volumes massifs de données sont analysés au moyen de nouvelles technolo-gies et mis en connexion avec d’autres informations. Leur po-tentiel d’opportunités est impor-tant, surtout pour les entre-prises qui les utilisent pour des modèles d’affaires innovants.25

Secteur hôtelier: les plus grandes opportunités pour l’hô-tellerie suisse résultent d’une activité de construction débor-dante, de l’ouverture de nou-veaux marchés et segments de clientèle, de nouveaux canaux et stratégies de distribution, ainsi que de l’amélioration des services et de l’offre.27

Crise de l’euro: nul ne peut encore prédire quel sera le destin de l’euro. Une chose est sûre: il a une influence majeure sur les entreprises internatio-nales. 29

TTC: la contribution des entre-prises au financement de la collectivité est souvent sous-estimée par le public. Une enquête de PwC présente tous les impôts et taxes acquittés par les personnes morales.31

Service: Publications et forma-tion continue. Abonnements et adresses.34

Photo de couverture: Gerry Amstutz

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Forum se réinventer

Felix Sutter, associé de PwC, développe des stratégies pour les entreprises désireuses de réussir sur le marché asiatique.50

Room with a view

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forum se réinventer

Martin Wittwer: «Si nous ne nous réinventons pas, nous n’aurons pas d’avenir.»

Se réinventer: ce thème me préoccupe aussi bien sur le plan privé que professionnel. Privé, parce que j’ai eu 50 ans l’année dernière et que je me demande si et dans quelle mesure je suis satisfait de ma vie, et ce que j’ai fait de bien ou de moins bien. Sur le plan professionnel, je me demande pourquoi j’ai l’impression de venir tout juste de commencer, alors que j’exerce depuis 13 ans déjà la même fonction. Je peux faci-lement répondre à la dernière question: aucun jour ne ressemble à un autre. Dans mon métier, la nécessité de se réinventer est incontour-nable et je la considère depuis longtemps comme évidente, essentiel-lement pour deux raisons. Premièrement, rien ne se passe comme on s’y attend. Et, deuxième-ment, dans le tourisme, nous sommes confrontés depuis toujours à des réalités sur lesquelles nous n’avons aucune influence et face aux-quelles nous devons nous adapter et nous réinventer en permanence. Le 11 septembre, le tsunami, le Printemps arabe ou encore Fukushima – je travaille dans la branche du voyage depuis le milieu des années 80 et je n’ai pas souvenir d’une année qui se soit déroulée comme nous l’avions prévu. Un dynamisme incroyable émane d’Internet. Bien des choses dont nous avions pressenti l’arrivée, comme la transparence des prix et des offres et la concurrence mondiale, sont effectivement arrivées. D’autres non: par exemple, les agences de voyage – certes moins nom-breuses que par le passé – existent toujours bien que l’on ait prédit leur disparition. Aujourd’hui, je suis convaincu qu’elles existeront encore demain: elles seront simplement différentes, avec des offres de service adaptées au nouveau comportement des consommateurs. Mais comment – et c’est là l’un des défis de notre époque – amener les collaborateurs de nos agences de voyage à ne pas considérer Internet comme un danger, mais comme un outil utile et comme une chance?La question ne se pose pas seulement pour les conseillers en contact avec la clientèle, mais pour l’ensemble du personnel. TUI Suisse entend devenir une «online-driven company». Bien sûr, il ne suffira pas de mettre notre offre sur le Web pour y parvenir. Ni, non plus, de créer un département Internet. Il s’agit ici d’un changement fonda-mental que l’on ne peut pas commander ni imposer. Au contraire, il doit se produire en chacun d’entre nous, et j’insiste sur «doit». C’est

un fait: si nous ne nous réinventons pas, nous n’aurons pas d’avenir. La branche ne va certes pas disparaître du jour au lendemain, car les gens auront toujours envie de voyager, mais ils s’organiseront autrement, se renseigneront autrement, achèteront autrement. Nous devrons donc renoncer en partie à notre modèle commercial actuel. C’est la fin d’une époque. Tout changement a de nombreux adversaires car abandonner ce qui nous est familier au profit de l’inconnu est comme lâcher une rampe. Dans ces moments, le leadership est capital pour la participation de tous ceux qui sont concernés. J’ai d’ailleurs commencé par me faire la leçon à moi-même. J’ai eu le déclic il y a quelques années, en écoutant une conférence. L’orateur a demandé: «Qui, parmi vous, est sur Face-book? Qui est sur Twitter?» Personne dans le public – essentiellement composé de cadres de l’industrie du tourisme – ne s’est manifesté. Il a dit: «Bonne chance pour diriger vos affaires à l’avenir.» J’ai quitté la salle avec un sentiment de malaise, et j’ai commencé à m’intéresser aux médias sociaux et à m’y lancer personnellement. À la suite de quoi j’ai par exemple supprimé le règlement interdisant à nos collabo-rateurs d’utiliser Facebook pendant les heures de bureau. Comment interdire Facebook tout en visant la «online-driven company»? Pour moi, il est devenu évident que la transformation à venir est incompa-tible avec l’ancien mode de pensée. Se réinventer, nous ne faisons que cela. Mon travail est devenu encore plus varié et plus exigeant qu’il ne l’a jamais été: nos actionnaires attendent bien sûr que, même dans le changement, nous gardions commercialement le cap.

Martin Wittwer (51 ans) est le CEO de TUI Suisse Ltd depuis 1999. Originaire de l’Oberland bernois, il a été membre de la direction et responsable des ventes chez Kuoni avant de devenir le patron de TUI Suisse. Martin Wittwer est marié et père de deux enfants.

Photo: Helmut Wachter

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forum se réinventer

Caroline Miller: «J’admire surtout les gens qui décident de changer sans pression extérieure.»

Dans les entretiens que j’ai avec des CEO en tant que recruteuse de cadres dirigeants, un thème revient de plus en plus. Comment faire pour se réinventer? Cette question concerne aussi bien les carrières individuelles que les modèles d’affaires d’entreprises. Le monde change à une vitesse folle et entraîne avec lui la vie professionnelle. Ma propre entreprise n’est pas épargnée. Si vous n’avez pas la capacité de changer et de reconstruire des relations, vous êtes voué à l’échec. Je conçois mon rôle comme celui d’une «tisseuse de contacts». Par exemple, je mets en relation des personnes qui ne se seraient jamais rencontrées dans d’autres circonstances, alors qu’elles ont pourtant beaucoup à apprendre l’une de l’autre. Ce rôle me permet de contri-buer à générer de nouvelles activités. En général, j’organise un déjeu-ner en tête-à-tête. C’est un contexte tout à fait différent de l’échange de quelques mots en marge d’une conférence.La crise actuelle contraint de nombreux dirigeants, même parmi ceux qui réussissent, à se réinventer. Sur la place bancaire de Genève, des personnes se retrouvent sans emploi du jour au lendemain. Alors qu’elles s’étaient confortablement installées dans un monde apparem-ment sécurisé, elles perdent brusquement leurs repères et leur iden-tité sociale. Elles expriment des angoisses face à l’avenir que je n’avais jamais entendues auparavant dans la bouche de cadres supérieurs.La plupart des individus ne se réorientent que lorsque leur vie est secouée par des événements dramatiques. J’admire surtout les gens qui décident de changer sans pression extérieure. Les personnes qui se réinventent parce qu’elles sont curieuses et veulent enrichir leur vie. Cela demande du courage et une capacité à prendre des risques. En Suisse, c’est une qualité plutôt rare. Au fil de ma carrière, j’ai rencon-tré des personnes de toutes les cultures possibles et je me suis rendue compte que les Suisses forment la société la moins disposée à prendre des risques.Je pense avoir un certain talent pour mettre en relation les bonnes personnes. C’est ainsi que j’ai formé une équipe de douze femmes d’affaires qui écrivent des chroniques pour le quotidien de Suisse

romande «Le Temps». Nous ne nous connaissions pas auparavant. Aujourd’hui, nous nous réunissons une fois par mois pour discuter de la façon dont nous pouvons contribuer personnellement à l’avenir de la planète.Je remarque que les femmes ont beaucoup plus de facilité à se réin-venter que les hommes. Les femmes considèrent que les ruptures de carrière relèvent de l’ordre naturel des choses. Même si elles n’ont jamais quitté la vie professionnelle, elles ont souvent un double rôle de mère et de personne active. À cela s’ajoute le fait que les femmes sont généralement moins intéressées par le pouvoir. Elles savent qu’elles font partie d’un système concentrique dans lequel tout tourne autour de l’équipe. Les femmes fonctionnent très bien au sein de réseaux et se lancent d’ailleurs plus fréquemment que les hommes dans une carrière indépendante. L’avenir du monde du travail se situe dans la collaboration en réseaux, un modèle où le pouvoir n’est plus la priorité. J’essaie d’inculquer cette approche dans les entreprises, car je suis convaincue que les per-sonnes qui se réinventent finissent par tirer profit de ce changement.

Caroline Miller (45 ans) est la fondatrice et la directrice de la société HeadtoHead, cabinet de recrutement basé à Genève et spécifiquement dédié aux cadres dirigeants internationaux. Elle est divorcée et mère de deux filles.

Photo: Cédric Widmer

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forum se réinventer

Walter Kielholz: «Il faut savoir qui l’on est et ce que l’on peut.»

Se réinventer... peut-être une idée séduisante dans certaines situa-tions. Mais pas plus: personne ne peut vraiment se réinventer. On est ce que l’on est. Il est donc sans doute plus approprié de parler de se «transformer» plutôt que de se «réinventer» car, comme on le dit si joliment, «il n’existe rien de constant si ce n’est le changement». Et celui qui ne suit pas le rythme du changement est vite dépassé. Se transformer, s’adapter ne nécessite pas impérativement de la richesse créative mais avant tout un certain discernement, une apti-tude à distinguer un changement effectif d’un phénomène de mode. Toutefois, rien n’est possible sans ouverture: ouverture aux nouveau-tés et aux changements, ouverture à ce qui se passe autour de soi. Celui qui veut apporter sa contribution et exercer de l’influence doit accepter la nouveauté et être prêt à évoluer. C’est la seule façon de rester dans le coup. En effet, bien des choses ont changé ces 40 dernières années, y com-pris dans la vie professionnelle. Nous avons dû nous adapter, sans devoir pour autant nous réinventer. Autrefois, on envoyait des télé-grammes, on communiquait par télex. Je me souviens du premier PC, il semblait relever de la science-fiction: personne n’osait y toucher, personne ne savait que faire avec. Les nouvelles technologies ont apporté de nombreux changements et ont été à l’origine de profonds bouleversements sociaux. Mais nos activités n’ont pas été réinventées pour autant. Que ce soit dans l’industrie des loisirs, les assurances ou la construction mécanique, les spectacles permettent aujourd’hui encore de se cultiver et de se divertir, les assurances nous couvrent toujours et les constructeurs continuent à fabriquer des machines. La substance de nos affaires est restée la même. Chez Swiss Re aussi, nous faisons toujours, pour l’essentiel, la même chose que depuis notre fondation il y a 150 ans: nous mettons des capitaux à la dis-position des assurances. L’organisation concrète, les problèmes, les modèles, tout cela a changé, mais pas l’essence de notre activité. Il en va de même avec le leadership. Le style de direction a évolué au fil des ans, mais la substance reste la même. Il s’agit d’avancer, de décider, d’être entendu, d’assumer des responsabilités. Il n’est pas possible de diriger sans écouter. Le leadership fonctionne par son

efficacité laquelle, à son tour, relève beaucoup de la crédibilité et aussi, parfois, du charisme. Un dirigeant doit savoir de quoi il parle et être capable de transmettre ses connaissances. Sur le long terme, il ne suffit pas de s’entourer de quelques personnes qui vous soufflent des idées intelligentes. Il faut des expériences personnelles qui vont au fond des choses. La superficialité n’a pas sa place lorsqu’il s’agit de diriger. Il faut avoir une sorte de boussole dans la tête, une échelle des valeurs claire sur laquelle se repérer, indépendante des théories ou des styles de direction momentanément à la mode. Rester dans le coup s’applique aussi aux entreprises. Mais il ne s’agit pas non plus de «se réinventer», surtout pour des entreprises floris-santes. Il faut savoir qui l’on est et ce que l’on peut. Et surtout, il faut s’y tenir. Celui qui recherche de la croissance en élargissant le champ des activités «historiques» de l’entreprise ne la trouvera pas forcé-ment. Pourquoi? En général, élargir le champ d’activités signifie que l’on s’éloigne précisément de ce qui a fait le succès. Certes, la pression venant de l’extérieur est souvent forte. La question de savoir si des changements fondamentaux sont en marche qui rendront peut-être un jour négligeables les activités «historiques» est omniprésente. Nous devons nous poser ces questions et, si la réponse est positive, nous devons nous adapter, pas nous réinventer. Mais nous ne pou-vons y parvenir que si nous sommes ouverts et réactifs, si nous avons une certaine capacité de discernement, et aussi une bonne boussole interne.

Walter Kielholz (61 ans) est président du conseil d’adminis-tration de Swiss Re depuis 2009. Entré dans cette entreprise en 1989, il a fait partie de son équipe dirigeante dès 1993 et en a été le CEO de 1997 à 2002. À compter de 1999, il a parallèle-ment siégé au conseil d’administration du Credit Suisse, dont il a été le président de 2003 à 2009.

Photo: Marc Wetli

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Professeur Tanner, à qui faites-vous confiance?J’ai confiance dans la réalité. Je constate que beaucoup de choses fonctionnent, bien qu’il y ait maintes raisons pour que l’une ou l’autre puissent aussi aller de travers. Le monde est complexe et comporte de nombreuses facettes improbables et incertaines. Nous devons simplement poser l’hypothèse qu’il est fiable dans les secteurs déterminants. Si l’on remet en question tout ce qui va de soi, on n’avance pas. La confiance traduit donc une attitude déterminée face au monde.

Vous n’avez pourtant cité personne, que ce soit votre épouse, votre meilleur ami ou votre père, mais décrit concep-tuellement la confiance que vous avez. Pourquoi? Pour moi, il s’agit de ne pas voir simple-ment dans la confiance quelque chose qui se limite aux relations privées. Bien sûr que j’ai confiance en ma femme. Mais puis-je aussi

faire confiance au commandant de bord que je ne connais pas et qui me transporte dans son avion? Dois-je avoir confiance dans les actions, dans les emprunts d’État, dans un avoir bancaire? Ne vaudrait-il pas mieux, dans ce domaine, avoir une attitude vigilante de méfiance, qui est l’envers de la confiance?

Qu’est donc la confiance? Pouvez-vous la définir?La confiance est une attitude absolument rationnelle. Toutefois, on ne peut pas la réduire à ce que l’on sait de sur quoi elle s’appuie. Si je savais, je ne devrais plus du tout avoir confiance. On ne peut pas non plus calculer la confiance, elle ne fonc-tionne pas comme une assurance. Ainsi, dans la confiance, il reste toujours un point obscur, pour lequel les diverses disciplines scientifiques ont une explication différente.

dossier confiance

Jakob Tanner est professeur d’histoire générale et d’histoire suisse moderne et contemporaine à l’Université de Zurich (UZH). Il est membre du Centre de recherches en histoire sociale et économique et du Centre d’histoire des connais-sances (UZH et EPF de Zurich). En tant que co-directeur du projet de recherches interdisciplinaire «Comprendre la confiance», il analyse avec ses collègues Ingolf Dalferth (théologie et phi-losophie des religions) et Ernst Fehr (Department of Economics) les aspects et les formes de la confiance. L’objectif de ce pro-jet, financé par le Fonds national suisse et la fondation Mercator, qui, en plus des disciplines men-tionnées, comprend également des psychologues, des neurobio-logistes, des anthropologues de la culture et des behavioristes, est d’apporter sa contribution à une nouvelle compréhension de la notion de confiance.

Photo: Gerry Amstutz

Accorder sa confiance à quelqu’un, c’est prendre des risques, dit l’historien Jakob Tanner. Pourtant, sans confiance, ni les relations entre les hommes, ni la société dans son ensemble ne fonctionneraient.

«Dans la crise des marchés financiers, la grande perdante a été la confiance»

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Les neurobiologistes croient pouvoir expli-quer la confiance en étudiant les fonctions cérébrales. Les historiens pensent que la confiance va de pair avec des situations his-toriques et évolue au fil du temps. Les théo-logiens parlent quant à eux de confiance en Dieu.

La confiance maintient-elle la cohésion du monde?C’est par exemple le point de vue de Georg Simmel, un grand sociologue de la fin du XIXe siècle. Il dit que la confiance est l’une des principales forces de synthèse de la société et de l’économie. Lorsqu’elle cesse d’être un facteur de cohésion, institutions politiques et marchés plongent dans une crise.

Quel rôle la confiance joue-t-elle au sein de la société? Les sociétés modernes, fortement différen-ciées, ont besoin de mécanismes pour réduire la complexité sociale. Le sociologue Niklas Luhmann a écrit un livre pertinent sur le sujet. Il définit la confiance comme une prise de risques. Des hypothèses probabilistes entrent en jeu avec la notion de risque. Cela veut dire que l’on peut aussi toujours se trom-per. Celui ou celle qui a confiance a aussi conscience des limites du prévisible.

Doit-on se fier à son intuition?Oui, mais sentiments et cognition ne sont pas contradictoires. La confiance se rapporte aux images que donnent les hommes d’eux-mêmes: si vous me faites confiance, vous vous fiez à l’image que vous avez de moi. Je peux essayer d’influer sur l’impression perceptible que j’exerce. Mais je ne peux pas la maîtri-ser complètement car vous voyez peut-être aussi en moi quelque chose dont je ne suis absolument pas conscient. Dans tous les cas, vous partez de l’hypothèse qu’aucune action inquiétante ne risque de survenir tout à coup, ce qui vous confronterait alors à un individu qui ne correspondrait absolument plus à l’image en laquelle vous avez confiance. La confiance a-t-elle aussi un rapport avec la foi?Croyants et athées ont manifestement des opinions très différentes. Cependant, quelqu’un de tolérant leur reconnaîtra un

Revenons à la cupidité…Le problème n’est pas que des individus soient cupides. Historiquement parlant, le capitalisme repose à la fois sur l’ascèse et sur la consommation ostentatoire. Je ne crois pas non plus que l’on disposerait d’un système économique idéal si l’on parvenait à éradiquer la cupidité. Le fait que, dans un environnement compétitif, les entreprises doivent réaliser des profits pour survivre est une contrainte du système. Celles qui n’y par-viennent pas sont éliminées de la course. Le montant exorbitant des salaires et des indem-nités accordés aux managers, même à des époques où des économies entières souffrent, ne dépend pas au premier chef de la cupidité humaine. Ce qui est déterminant, c’est plutôt le fait que, dans le secteur financier, ceux qui prennent des risques entrepreneuriaux puissent compter sur l’État pour les sauver lorsque les affaires vont mal. Il s’agit de poli-tique et non de morale. Il faut donc changer les règles du jeu, pas les hommes.

Faudrait-il, à votre avis, donner à la poli-tique la primauté sur l’économie? Nous vivons dans une démocratie et sommes, justement en Suisse, fiers des possibilités d’intervention dans le mécanisme poli-tique qu’offre la démocratie directe. Dans ce contexte, cela donne à réfléchir lorsque des décisions de grande portée, comme par exemple le sauvetage d’UBS ou la fourni-ture de données de clients des banques aux États-Unis, ne peuvent être approuvées qu’a posteriori par le Parlement. Bien entendu, la politique nationale ne peut pas résoudre les principaux problèmes de l’économie mon-diale, il faut pour cela des approches trans-nationales et supra-étatiques. En général, les acteurs politiques ne sont pas en mesure de saisir la portée des dynamiques libérées sur les marchés. Ils doivent cependant fixer les règles du jeu. C’est comme au football: même si l’on ne sait pas comment elle va se pro-duire, on doit savoir au niveau international ce qu’est une faute.

point commun: qui a confiance croit en quelque chose. Les individus athées, comme moi, sont souvent agnostiques. Ils savent que toute chose au monde n’a pas une explication rationnelle. De leur côté, des théologiens esti-ment que la grandeur de Dieu tient précisé-ment au fait que les hommes ne peuvent pas tout savoir de lui. L’idée d’une «théocratie» leur est étrangère. Cette année, au festival de Lucerne, le théologien catholique Hans Küng a prononcé un discours d’ouverture impressionnant sur le thème de la foi, dont le premier point était: «Nous avons besoin d’une confiance de base dans la réalité.» Je ne parlerais pas de «confiance de base», mais je peux être d’accord avec cela, de même qu’avec la constatation que «la plupart des hommes aimeraient croire à quelque chose, et le font en réalité». Pour cela, il n’est abso-lument pas nécessaire de faire une fixation sur une divinité. Pour Küng, la question principale n’est pas non plus de savoir si, dans une époque séculière caractérisée par la science, on peut encore croire à un dieu, mais de savoir comment on doit le faire. De telles interrogations sur le comment sont produc-tives. Elles sont source de débats.

La confiance c’est bien, mais le contrôle c’est mieux. Que faut-il penser de la devise du révolutionnaire russe Lénine? Lénine n’a pas inventé cette devise, il faisait référence au proverbe russe «Fais confiance, mais vérifie». Après 2007, dans la crise des marchés financiers, la confiance a été la grande perdante. Du point de vue historique, ces événements montrent qu’il faut mettre l’accent sur le contrôle. Une économie de marché capitaliste ne fonctionne qu’avec des entreprises axées sur le profit, qui partent en voyage d’exploration. Un tel système a besoin de règles claires et efficaces, c’est-à-dire de réglementations politiques dans lesquelles

s’exprime un scepticisme institutionnalisé et qui doivent elles-mêmes, à leur tour, être prêtes à apprendre. Partir de l’hypothèse que «le marché» va mettre de l’ordre partout et toujours, c’est se montrer naïf.

Le quasi-éclatement des marchés finan-ciers aurait-il pu, à votre avis, être évité par davantage de contrôle?Je pense qu’il n’existe pas d’époque moderne sans crise. Toutefois, cela n’est pas une excuse pour ne rien faire au niveau politique. Il y a tout de même des possibilités qui permettent d’éviter certains types de crises ou d’en restreindre les conséquences grâce à une réglementation habile. Pour le moment, les économies nationales développées sont tout simplement inondées d’argent et les intérêts sont au plus bas. Comme la confiance en l’avenir fait défaut, cela ne se répercute pas sur la reprise conjoncturelle dans la mesure attendue. C’est ce que l’on appelle le piège de la liquidité. Des tendances à l’inflation apparaissent sur les marchés des capitaux et surtout sur ceux de l’immobilier. Cela peut engendrer saturations et bulles, et donc de nouveaux crashs. Le système bancaire et financier doit être réglementé de façon qu’au-cun nouvel incendie dévastateur comme celui de 2007 ne puisse se déclarer.

La crise est souvent mise en relation avec la cupidité. Est-il possible de faire confiance à des individus cupides?Je suis assez sceptique lorsqu’il s’agit d’expli-quer la sensibilité du capitalisme aux crises par le terme de «cupidité». La cupidité est une notion très à la mode – tout comme le mot confiance. Dans la presse quotidienne, le mot confiance apparaît quelquefois dans trois titres d’articles successifs…

… et l’expression crise de confiance est partout.Oui, ces mots connaissent un véritable boom. Nombreux sont ceux qui croient que la confiance peut être réparée, comme n’im-porte quel produit.

14 ceo confiance ceo confiance 15

En économie ou en politique, com-ment une personne peut-elle gagner la confiance?Elle doit être fiable. La confiance peut être accordée spontanément, sur la base d’impres-sions fulgurantes. Une relation de confiance se tisse cependant sur une période relative-ment longue. C’est une affaire de familiarité et de continuité. Cependant, les différents individus ne maîtrisent pas toutes les condi-tions de leurs actes. Lorsque la confiance dans le système se brise, ils peuvent rapide-ment devenir impuissants. Le conseiller en placements digne de confiance a peut-être encore sincèrement cru aux modèles d’éva-luation des risques de sa banque et au triple A des agences de notation: lorsqu’une cas-cade de crises plonge son établissement dans l’abîme, il n’est pas le seul à perdre rapide-ment confiance, c’est également le cas de sa clientèle.

Que peut faire une entreprise pour deve-nir, être ou rester digne de confiance?Les entreprises, notamment les banques, qui dépendent particulièrement du crédit s’efforcent d’entretenir leur crédibilité en mettant sciemment en scène leur Corporate Identity. En même temps, elles avivent la méfiance par des activités contournant la légalité: souvenons-nous du gigantesque sys-tème d’intermédiaires qui a aggravé la crise financière. Le bruit court que les services de relations publiques de certaines banques cherchent à favoriser la bonne marche de leurs affaires par un marketing efficace tout en entretenant des services à la recherche de toutes les failles possibles, en arguant que «la concurrence le fait aussi», etc. On ne peut pas, d’une part, promettre une attitude plus soucieuse des risques et, d’autre part, faire miroiter aux investisseurs des rendements de 15 à 20%, comme avant la crise. Cela n’en-courage pas la confiance. Que la confiance accordée à la place financière suisse, compte tenu de la crise de l’euro, soit étonnamment grande est plutôt dû à la stabilité sociale et politique et aux bonnes performances de l’économie nationale dans son ensemble. Je défends la thèse selon laquelle les banques se comportent aujourd’hui comme des profi-teurs de la confiance accordée à la Suisse.

La confiance ne fonctionne

pas comme une

assurance.

La plupart des hommes

aimeraient croire à quelque chose,

et le font en réalité.

Qui a confiance croit

en quelque chose.

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16 ceo confiance ceo confiance 17

dossier confiance

Si l’on s’est fixé pour objectif de maintenir une relation, on doit se donner les moyens d’y arriver. C’est la conviction d’Yves Daccord, le directeur général du CICR. Son organisation entretient des contacts avec divers groupes armés – dont cer-tains illégaux – dans les régions de crise, afin de venir en aide aux personnes dans le besoin.

Yves Daccord (48 ans), licencié en sciences politiques, s’est d’abord lancé dans une car-rière de journaliste. Entré comme délégué au CICR en 1992, il a tra-vaillé en Israël, dans les territoires occupés, au Soudan, au Yémen, dans le Caucase et en Géorgie. En 1998, il a rejoint Genève pour occuper des fonctions dirigeantes au siège social de l’organisation, avant d’être nommé directeur général en 2010. Il est marié à une ancienne déléguée du CICR et a trois filles.

Photo: Cédric Widmer

Monsieur Daccord, lors de ses interven-tions, le CICR observe une règle fonda-mentale, celle d’entretenir des contacts avec toutes les parties au conflit. Com-ment construisez-vous ces relations?Nous misons sur la proximité. Le CICR ne peut agir qu’à partir du niveau local, là où les gens sont directement touchés. Nous ne cherchons pas seulement la proximité avec les victimes, mais aussi – et cela nous dis-tingue d’autres organisations – avec les per-sonnes qui influencent leur destin. Prenons l’exemple de l’Afghanistan. Nous ne venons pas de découvrir les talibans, nous nous effor-çons depuis toutes ces années de maintenir le contact avec eux. Non pas par considéra-tion politique, mais parce que nous savons pertinemment que c’est la seule possibilité d’avoir accès aux personnes touchées par la guerre. Les déplacements des ambulances en dépendent. C’est une approche très prag-matique, mais c’est notre façon de travailler. Elle a permis au CICR d’entretenir des rela-tions, au cours des 30 dernières années, non seulement avec le gouvernement afghan,

«Le contact direct restera prépondérant à l’avenir»

mais aussi avec les moudjahidines, puis aujourd’hui avec les talibans, sans oublier évi-demment les troupes internationales.

De quel type de relations s’agit-il?Aujourd’hui encore, à l’ère de l’électronique et du virtuel, nous misons surtout sur le contact personnel. Nous gardons la conviction que le «face à face» est essentiel. Je suis intime-ment convaincu que le contact direct restera prépondérant à l’avenir. Il joue un rôle décisif dans tous nos pourparlers, par exemple lors de nos discussions avec le gouvernement américain. Parallèlement, l’importance des contacts virtuels augmente également. C’est une évolution que nous devons prendre en compte, même s’il faut bien admettre qu’elle nous pose encore quelques difficultés. En Syrie, par exemple, nous avons de nombreux contacts avec des gens qui nous écrivent sur Facebook ou par SMS. C’est nouveau et pas du tout simple pour nous.

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Comment gérez-vous cette situation nouvelle?Nous n’avons pas d’autre choix que de conti-nuer à améliorer l’intégration des médias sociaux dans nos activités. Nous ne nous y investissons pas coûte que coûte, mais toujours en fonction d’une intervention bien précise.

Vous répondez aux messages Facebook?Oui, nous maintenons le dialogue. Récem-ment, un groupe de personnes nous a contac-tés pour nous signaler une grève de la faim dans des prisons israéliennes. Nous avons réagi en plaçant une brève interview vidéo sur YouTube. Pas de communiqué de presse, mais une réaction immédiate sur Internet.

Le CICR se veut une organisation impar-tiale. Comment appliquez-vous ce prin-cipe dans la pratique? Vos collaborateurs ont aussi leurs propres sympathies et classent les gens en victimes et bour-reaux.Lors de leur formation, nos collègues – en particulier au niveau des cadres – reçoivent des outils qui leur permettent de garder de la distance lorsque c’est nécessaire. Ce sont surtout les chefs d’équipe qui sont soumis à une pression considérable. Le cas échéant, nous les aidons par conséquent à mobiliser les forces nécessaires. Ajoutons à cela que nos procédures sont très structurées. Nous avons mis en place des freins et des contre-poids. Avant de prendre part à une discussion

importante, nos collaborateurs doivent pré-parer cet entretien avec une autre personne au sein de l’organisation, et ce afin de pré-server leur propre impartialité. Mais le plus important est que nous n’oublions jamais les raisons pour lesquelles nous sommes neutres, indépendants et impartiaux: c’est l’unique moyen d’avoir accès aux gens et aux lieux où personne d’autre ne peut aller. Dans toutes les grandes crises actuelles (Somalie, Mali, Lybie, Syrie), l’accès à la population n’est autorisé qu’à quelques rares organisations humanitaires. À l’exception de Médecins Sans Frontières, nous sommes souvent la seule organisation sur place, et nous sommes par conséquent très exposés. C’est souvent pour moi une grande source d’inquiétude.

Comment rester distant et impartial quand on a devant soi un individu qui a commis des actes de cruauté?La seule question à se poser est la suivante: cet individu vous permet-il d’avoir accès à des populations que vous voulez protéger ou soigner?

C’est le côté rationnel des choses, mais qu’en est-il du côté émotionnel?Si vous arrivez à convaincre votre interlocu-teur de votre projet, vous passez outre ces difficultés. Par contre, l’impuissance est un sentiment extrêmement difficile à suppor-ter. Lorsqu’on réalise qu’il n’est plus possible d’aider les victimes, le choc psychologique est énorme. Mes collègues ont vécu ce cas de figure par exemple lors du génocide au Rwanda.

Le CICR a de plus en plus souvent affaire à des criminels de guerre. Y a-t-il des limites éthiques en matière de gestion relationnelle?Si l’on s’est fixé pour objectif de maintenir une relation, on doit s’en donner les moyens. Cela implique parfois, par exemple, de prendre un verre avec son interlocuteur. Un délégué du CICR se doit d’observer les règles de convivialité, je ne vois aucun problème à cela. La question importante se pose bien avant: est-ce que je pense pouvoir atteindre

un résultat? Et surtout: est-ce que j’aboutirai réellement à quelque chose? La stratégie peut changer en fonction des situations. Mais il y a certaines règles de comportement à toujours respecter.

Il y a longtemps que le CICR n’inter-vient plus uniquement en situation de guerre. Vous êtes également présents, par exemple, dans des bidonvilles soumis à la violence des bandes, où vous êtes confron-tés à des criminels ordinaires. Les objectifs de ces gangs sont en effet éco-nomiques et nullement politiques, mais les conséquences pour la population sont très similaires à celles observées lors d’un conflit. Prenons l’Amérique centrale. Il n’y a pas de guerre là-bas, mais le niveau de violence est extrêmement élevé. Le taux de décès par millier d’habitants y est supérieur à celui de l’Afghanistan. Nous avons remarqué que, paradoxalement, les chefs de gang sont relativement bien informés des besoins de la population des régions qu’ils contrôlent. Nous pouvons donc nous adresser à eux, mais par rapport à une guerre classique, nous devons continuellement nous interroger sur la légi-timité de notre présence sur place. Si cette question n’est pas clarifiée, nous soumettons nos délégués à d’énormes risques inutiles.

Vous voulez dire que les gangs doivent comprendre les règles selon lesquelles le CICR fonctionne?Oui. Car si la personne avec qui vous négociez n’est pas informée de ce que vous cherchez à obtenir, la situation devient vite très peu confortable.

Le contexte dans lequel vous travaillez a donc fortement évolué?On observe une nette fragmentation des acteurs au conflit, et les convoitises écono-miques jouent aussi un rôle de plus en plus important. Comment devons-nous procéder? Ne pas discuter avec un leader moudjahidine parce qu’il contrôle également le trafic de drogues? Non. Notre stratégie est relative-ment simple. Nous nous demandons si cette personne contrôle l’accès aux populations qui ont besoin de notre aide.

Évoquez-vous avec ces personnes les Conventions de Genève, qui constituent le fondement des interventions du CICR?Ce qui compte, ce ne sont pas les Conventions de Genève en elles-mêmes, mais bien leur esprit. Et il est tout à fait possible d’avoir une discussion à ce sujet avec des chefs de bande. Ils savent très bien ce qu’est un blessé ou un prisonnier et ce qu’implique l’exécution d’un détenu. Nous basons notre dialogue avec les bandes sur l’épine dorsale du droit huma-nitaire international, et nous invoquons la notion de responsabilité. La responsabilité d’un chef de bande de garantir l’accès de la population, par exemple, aux soins médi-caux et à l’eau. Par ailleurs, on peut aussi faire comprendre à un gouvernement qu’un minimum de dialogue est nécessaire avec les gangs.

Vous avez parlé de la fragmentation des acteurs du conflit. Comment cette évolu-tion influence-t-elle votre travail?Nous avons l’habitude de rencontrer des interlocuteurs qui sont organisés en struc-tures de commande claires. Nous savons généralement à quel niveau de hiérarchie nous devons classer ces personnes. Or, aujourd’hui, notamment en raison des révolu-tions au Proche-Orient, nous vivons dans un monde dont les structures sont de moins en moins claires. Comment pouvons-nous entrer en contact avec des groupes qui ne sont pas structurés? C’est pour nous un véritable défi. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles le contact personnel, dès l’instant où l’on peut identifier les interlocuteurs, est absolument essentiel.

Vous êtes le patron d’une organisation qui emploie 13 000 collaborateurs à tra-vers le monde. Quelle est la stratégie du CICR en matière de gestion du personnel?

«Aujourd’hui, nous vivons dans un monde dont les structures sont de moins en moins claires. Comment pouvons-nous entrer en contact avec des groupes qui ne sont pas structurés? C’est pour nous un véritable défi.»

Au cœur de cette stratégie figurent la façon dont nous traitons notre personnel ainsi que les perspectives que nous lui offrons. Il y a encore dix ans, nos collaborateurs, et surtout notre personnel international, ne faisaient pas une longue carrière au CICR. La situation a changé, les gens restent maintenant plus longtemps chez nous. L’âge moyen est de 40 ans. Nous devons par conséquent donner à ces personnes des réponses précises quant aux perspectives qui existent au CICR. En outre, nous avons aujourd’hui à cœur de valoriser nos collaborateurs locaux. Ils ont une importance primordiale pour l’organi-sation et ils méritent d’être reconnus à leur juste valeur. Notre présence sur les lieux d’un conflit est beaucoup plus longue qu’aupa-ravant, et ce sont souvent les collaborateurs locaux du CICR qui disposent de contacts et de relations sur place.

Au début de votre mandat de directeur général, vous avez déclaré que vous sou-haitiez réduire le nombre de décisions prises en solitaire par les supérieurs hié-rarchiques au CICR.Notre objectif est d’accélérer la prise de décision si la situation l’impose. Notre orga-nisation produit de nombreuses informations et nous sommes relativement décentralisés. Il est donc important de réunir sur place les personnes adéquates qui prendront des déci-sions univoques. Cela exige une gestion intel-ligente de l’information, mais aussi une clari-fication du rôle des supérieurs hiérarchiques. Les chefs de délégation – et c’est également valable pour moi – doivent rassembler les dif-férentes expertises. Ce qui distingue le CICR, c’est la combinaison des connaissances et des expériences dont nous disposons.

Avec un budget annuel de CHF 1,5 milliard, le Comité interna-tional de la Croix-Rouge (CICR) est l’une des plus importantes organisations humanitaires inter-nationales. Il emploie quelque 13 000 personnes dans plus de 80 pays. Fondée en 1863 à Genève, l’organisation est financée en grande partie par des contribu-tions volontaires des États. Le CICR est indépendant et joue le rôle d’intermédiaire neutre en cas de conflit. Il offre assistance et protection aux victimes de guerre, distribue des denrées alimentaires et du matériel dans les zones de conflit et organise l’aide médicale. Les fondements juridiques de son travail sont constitués par les Conventions de Genève, dans lesquelles la communauté inter-nationale s’est engagée à respec-ter des principes humanitaires dans les conflits armés.

Le CICR en intervention: dans toutes les grandes crises actuelles, l’accès à la population n’est autorisé qu’à quelques rares organisations humanitaires.

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Juge à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, Helen Keller est la plus haut placée des défenseurs suisses des droits de l’homme. Elle explique pourquoi la Suisse n’est pas un pays modèle, comment la crise de la dette se répercute sur son travail et quel rôle jouent les relations dans sa carrière.

Helen Keller est une femme menue qui porte de robustes chaussures. Son imperméable et son pantalon de pluie sont suspendus dans le vestiaire du département de sciences juri-diques de l’Université de Zurich et son casque de vélo est posé sur un placard. Elle n’a pas de voiture et se déplace à bicyclette par tous les temps. À Strasbourg, où elle habite et travaille pendant la semaine, elle circule exclusivement à vélo, ne changeant pour la trottinette que dans les grandes villes comme New York, par souci de sécurité. Son apparence modeste contraste avec les hautes fonctions qu’elle occupe. Helen Keller est professeure ordinaire de droit internatio-nal public à l’Université de Zurich et, depuis octobre 2011, juge à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, l’une des plus lourdes responsabilités à assumer par un(e) juriste. La Cour est l’instance suprême pour les plus de 800 millions de citoyens des 47 États membres du Conseil de l’Europe et elle veille au respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Chaque État membre dispose d’un siège de juge.

Helen Keller (48 ans)est, depuis octobre 2011, juge à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, qui exa-mine et sanctionne les violations de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a fait des études de droit à l’Université de Zurich et a complété sa formation au Collège d’Europe de Bruges, à la Harvard Law School de Cam-bridge et à l’European University Institute de Florence. Avant d’être nommée à Strasbourg, elle a été professeure de droit public, de droit européen et de droit inter-national public à l’Université de Zurich et a été élue à la Commis-sion des droits de l’homme de l’ONU. Helen Keller est mariée au professeur de langues slaves Ulrich Schmid et a deux fils en âge scolaire.

Photo: Gerry Amstutz

«Le peuple n’a pas toujours raison»

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Madame Keller, vous êtes juge à la Cour européenne des droits de l’homme depuis un an. Qu’en retirez-vous aujourd’hui? J’entretiens un dialogue permanent avec des juges de tous les pays d’Europe et je travaille en liaison particulièrement étroite avec des collègues italiens, belges, portugais, litua-niens, serbes et turcs. Les échanges avec les différentes nationalités sont aussi intenses qu’astreignants. Il m’a fallu un moment pour comprendre la dynamique de groupe, faire attention à qui était le tour de parler et savoir quand était venu pour moi le moment d’émettre mon vote. Aujourd’hui, je com-prends ces procédures ritualisées. Le dialogue avec les différentes nationalités est enrichis-sant et m’impose des défis – linguistiques, humains et juridiques.

Face à la diversité des cultures, quelle a été la plus grande surprise pour vous?Le fait qu’il n’existe en Europe aucun consen-sus sur de nombreuses questions de société comme, par exemple, la liberté d’expression, l’égalité des sexes, les couples homosexuels ou l’accès à l’adoption. Les opinions des juges sont parfois diamétralement opposées. Les traditions juridiques étant très différentes, les verdicts font l’objet de délibérations parfois houleuses. C’est là qu’il faut savoir encaisser. Il arrive aussi que l’on soit mis en minorité.

Quels sont vos pouvoirs, au juste?Je considère mon travail comme un service rendu à l’humanité et à la Suisse. Pour mes compatriotes, la Cour représente la dernière instance; pour les ressortissants de nom-breuses nations dans lesquelles les droits de l’homme ne sont pas aussi bien respec-tés, elle est par contre la première instance à les prendre au sérieux et à leur donner une chance de faire valoir leurs droits. Par exemple, les Tchétchènes ne peuvent obtenir justice que chez nous.

Est-il justifié de dire que le nombre rela-tivement modeste de plaintes venant de Suisse est la preuve que le pays est un modèle en matière de droits de l’homme?Du point de vue des droits de l’homme, la Suisse est loin d’être un pays modèle. Elle a été l’un des derniers à ratifier la Convention européenne des droits de l’homme. Toutefois, en Suisse, il n’y a pas de violations systéma-tiques ni gravissimes des droits de l’homme. Ceci est dû au niveau de vie élevé, à la protec-tion sociale, mais aussi et surtout à l’existence

d’un État fort. Toutefois, de nombreux cas relevant du droit des étrangers ou du droit de procédure parviennent à Strasbourg, venant de Suisse. L’initiative sur le renvoi, acceptée l’an dernier, est-elle conforme aux droits de l’homme?Je ne peux pas m’exprimer concrètement sur ce sujet car aucun jugement n’a encore été rendu. Cette initiative soulève sans aucun doute des questions difficiles en termes de droits de l’homme.

Le peuple a pourtant toujours raison.Non. Les majorités politiques n’ont pas le droit de faire fi des droits de l’homme. Nous sommes là pour protéger les individus et non la majorité du peuple. Pour formuler cela de manière plus percutante: même si la majorité du peuple est pour le lynchage de quelqu’un, nous ne pouvons pas l’accepter. Chez nous, les plaintes selon lesquelles les conventions internationales sapent le droit suisse se font de plus en plus nom-breuses. C’est surtout dans les périodes économique-ment difficiles que les droits de l’homme doivent être particulièrement protégés.

L’histoire montre qu’en période de crise, ce sont justement les étrangers qui sont mis au ban de la société. C’est là qu’une instance indépendante telle que la Cour de Strasbourg est nécessaire. On ne peut pas expulser des étrangers pour la simple raison que la crimi-nalité est par exemple particulièrement forte dans un groupe ethnique.

De nombreux pays européens sont finan-cièrement au bord du gouffre: où trouver l’argent nécessaire pour honorer les créances supplémentaires?Il ne nous appartient pas de remettre de l’ordre dans les budgets nationaux. Lorsqu’on diminue à 10% la retraite à laquelle a droit un individu, c’est une violation manifeste des droits de l’homme. Si l’on fait des économies drastiques sur l’enseignement en n’ouvrant plus les écoles, par exemple, qu’un jour par semaine, cela ne va pas non plus. Le droit à l’éducation est l’un des droits de l’homme. Si nous ne le protégeons pas, nous privons les enfants de leurs chances.

En raisonnant de la sorte, vous allez déclencher une avalanche d’exigences. J’en suis consciente. Cela sera aussi une dure leçon pour l’UE et ses consignes d’économie.

D’où vient votre sensibilité marquée aux questions relatives aux droits de l’homme?

Enfant, je ne faisais moi-même pas partie des privilégiés. J’ai grandi en nourrice dans une famille ouvrière, avec des influences méri-dionales et musulmanes. Mon père nourricier était un réfugié polonais. J’ai donc commencé ma carrière juridique sans relations, mais avec d’autant plus d’application et d’opiniâ-treté.

Dans le monde universitaire, les réseaux sont essentiels. Comment avez-vous tissé le vôtre?Je suis partie tôt à l’étranger et j’ai ainsi fait la connaissance de beaucoup de gens. Ma notoriété est probablement plus grande à l’étranger qu’en Suisse. À côté de cela, mes activités de conférencière ont attiré l’atten-tion sur moi. Mon premier poste de profes-seure m’a été proposé par un doyen qui avait assisté à l’une de mes conférences. J’ai obtenu ma première bourse car j’avais dû remplacer mon chef à un congrès. J’avais consacré tel-lement de temps et d’énergie à la préparation de mon exposé que celui-ci s’est terminé par une standing ovation. Aujourd’hui encore, j’attache beaucoup d’importance à la prépa-ration de mes interventions car je ne veux pas décevoir le public qui, en définitive, a pris sur son temps pour venir m’écouter. Je dois ma nomination à Strasbourg notamment au fait d’avoir l’habitude de parler devant un public nombreux et de savoir ramener des problèmes complexes à un niveau compré-hensible.

Chaque année, quelque 50 000 nouvelles plaintes parviennent à Stras-

bourg et 150 000 cas environ sont en instance. La Russie est le client

le plus assidu, suivie par la Turquie. Bon an, mal an, à peu près 300

plaintes arrivent de Suisse. Sur le bureau d’Helen Keller passent de

nombreux dossiers de routine concernant des procédures trop longues

ou des retraites non payées. Mais elle traite aussi des cas qui l’em-

pêchent parfois de dormir: enlèvements d’enfants, violences domes-

tiques, conditions de détention, décès inexpliqués. Si la Cour constate

une violation des droits de l’homme ou prononce le paiement d’indem-

nités, les États condamnés ont l’obligation de respecter ses décisions.

La crise de la dette et la crise financière ont d’importantes répercus-

sions sur le travail de la Cour, essentiellement à cause d’un protocole

additionnel sur la garantie de la propriété, qui a été ratifié par la plu-

part des pays, mais pas par la Suisse. De l’avis de la Cour, les droits à

la retraite font partie de la propriété d’un individu. Cela signifie que

les réductions du montant des retraites peuvent être contestées en jus-

tice. Pour la Grèce et l’Italie, par exemple, des jugements selon lesquels

l’État doit respecter les droits à la retraite ont déjà été rendus.

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Axel Timm Responsable Technologie

Holger GreifResponsable Consulting

Big DataLorsque les informations sont un facteur de succès

Les Big Data sont des volumes massifs de données analysées au moyen de nouvelles technologies et mises en connexion avec d’autres informations. Leur potentiel d’opportunités est important – surtout pour les entreprises qui les utilisent pour des modèles d’affaires innovants et acquièrent ainsi des avantages concurrentiels décisifs.

L’information est la monnaie de demain, ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau en revanche, c’est le profit généré par l’exploi-tation des informations – grâce aux technologies de l’information les plus modernes. Le résultat: les Big Data. Aucune industrie ni aucun secteur en Suisse qui ne soit concerné à moyen terme par les bouleversements induits par les technologies Big Data.Les volumes de données ont lit-téralement explosé depuis l’an 2000, sous l’impulsion de deux conditions-clés soudainement remplies: d’une part, chacun

pouvait publier des blogs, des photos ou des vidéos via un moyen électronique. D’autre part, le Web offrait pour la première fois la possibilité d’effectuer ses achats en ligne. Fortes des infor-mations qu’elles récoltaient, des entreprises telles qu’Amazon ou eBay adaptaient alors exacte-ment leurs offres aux besoins de leurs clients. De telles entreprises fortement dépendantes de la technologie ont été confron-tées à de grandes quantités de données beaucoup plus tôt que l’industrie traditionnelle ou les banques. Elles ont développé des solutions techniques puissantes, aujourd’hui à la disposition d’autres secteurs.

Bien utilisé = à moitié gagnéLes Big Data sont une nouvelle manière d’analyser des infor-mations et de les connecter judicieusement. La clé du succès réside ici dans la valorisation et l’utilisation intelligentes des données, tant pour l’entreprise elle-même que pour ses groupes d’intérêt. Une entreprise peut ainsi s’octroyer une avance straté-gique déterminante. En effet, ses données ne répondent plus uni-quement à des questions d’ordre financier. Elles fournissent aussi des informations sur les besoins des clients et sur la chaîne de création de valeur. Un exemple:

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Le secteur hôtelier Invité à se réinventer Page 27

Crise de l’euro Ce qui est envisageable et ce qui est réalisable Page 29

Total Tax ContributionLa contribution des entreprises à la collectivité Page 31

ServicePublications et formation continue Page 34

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Soutien au développement de modèles d’affaires innovantsDébut 2012, PwC a conclu un partenariat avec Teraly-tics. Créée par le professeur Donald Kossmann et par Georg Polzer, cette spin-off de l’EPF Zurich s’occupe essentiellement de Big Data. Ensemble, Teralytics et PwC soutiennent leurs clients dans la mise en œuvre de modèles d’affaires innovants. Tel a par exemple été le cas des analyses de données de cash-flow dans le cadre de l’administration de la faillite de la banque d’investivement Lehman Brothers en Suisse. Grâce à ces analyses, les liquidateurs ont pu exploiter plus rapidement les volumineuses données de systèmes de transactions différents et reconstituer plus facilement les transactions financières. Le professeur Kossmann est convaincu qu’«à l’avenir, chaque entreprise, du Global Player à la PME, disposera d’un cluster de calcul pour des analyses Big Data».

ConclusionBien que les entreprises aient aujourd’hui déjà accès à des données pré-cieuses telles que des pro-fils d’achat, des e-mails de clients, des tweets ou des prévisions météorolo-giques, elles tirent encore trop peu profit de ces élé-ments d’information. Et pourtant, pour nombre d’entre elles, c’est le recours aux technologies Big Data qui déterminera si elles pourront atteindre ou non leurs objectifs straté-giques. Réussiront celles qui développent des modèles d’affaires et des services innovants à partir des Big Data – et les exploiteront comme Big Opportunity.

les Big Data permettent non seulement à une entreprise de savoir combien de glaces elle a vendu l’année précédente, mais aussi combien elle en vendra – s’il pleut – un jour précis. Les Big Data conduiront à de nouveaux modèles d’affaires qui supplanteront les modèles actuels.Ci-après quelques exemples clas-siques d’une exploitation intelli-gente des données: • définition optimale des prix de produits et de services sur la base des chiffres actuels des besoins; • meilleure prévision de la demande grâce à des infor-mations météorologiques, par exemple pour la vente de billets d’entrée à un événement ou pour la quantité de billets à mettre dans les bancomats; • définition du bon moment pour le lancement d’offres spéciales et de rabais; • adaptation parfaite des offres spéciales sur la base du profil d’achat du consommateur.

Adieu l’étude de marché classique Autrefois, les décideurs se repo-saient sur l’expérience et les connaissances du marché des analystes. À l’avenir, ils s’appuie-

ront sur des faits étayés par des données de sources très diverses. Les analyses des informations issues du Web remplaceront les études de marché. Plus besoin de demander leur avis aux consom-mateurs. C’est ainsi qu’un détail-lant suisse a constaté que les mamans de jeunes enfants évi-taient son magasin parce que les rayons destinés à leurs rejetons leur déplaisaient. Autre avantage: le management sera renseigné sur le succès de ses stratégies de marché quasi-ment en temps réel. Il ne devra donc plus attendre les chiffres trimestriels pour savoir s’il a pris la bonne décision.

Profonde mutationDans l’industrie mécanique, les systèmes à capteurs remplacent toujours plus les systèmes de maintenance traditionnels. Dans le domaine du recrutement du personnel, le recours à des données historiques de CV, de profils d’emploi et de feed-backs de clients permet d’accroître la qualité des nouveaux recrute-ments. Dans d’autres secteurs tels que celui de la santé, les répercussions des Big Data seront encore plus importantes, car elles ouvrent des perspectives entière-

ment nouvelles pour améliorer le développement de médicaments grâce aux informations sur les différentes méthodes de traite-ment. Cette mutation transformera aussi radicalement les profils professionnels actuels tel celui du Knowledge Worker et fera des technologies Big Data un outil indispensable. De nouveaux pro-fils professionnels apparaissent, comme celui du Data Scientist.L’importance des technologies Big Data va croître dans des domaines traditionnels comme la sécurité IT. Autrefois, on se contentait de sauvegarder des fichiers log et, en cas de soupçon d’irrégularités, de chercher des traces exploitables. Aujourd’hui, les banques analysent systémati-quement ces fichiers et toute ano-malie déclenche immédiatement une alarme ou bloque l’accès.

Pas de crainte quant aux coûtsGrâce aux fournisseurs de capacités de calcul Big Data dans le Cloud, les coûts fixes IT n’exploseront pas forcément. Si les données sont très sensibles, l’entreprise devra obligatoi-rement disposer d’un cluster spécifique. Pourtant, ici aussi, les technologies Big Data permet-tront une croissance organique de l’infrastructure et offriront des structures de coûts attrayantes. Pour les données moins sensibles, les entreprises pourront louer des capacités de calcul dans le Cloud. Elles ne paieront ainsi que les heures de calcul effectivement utilisées.

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Le secteur hôtelier Invité à se réinventer

L’hôtellerie suisse subit actuellement un changement structurel, qui pourrait se révéler à son avantage. En effet, les plus grandes opportuni-tés ne résultent pas seulement d’une activité de construction débordante mais de l’ouverture de nouveaux marchés et segments de clientèle, de nouveaux canaux et stratégies de distribution ainsi que de l’améliora-tion des services et de l’offre sur place.

La Suisse dispose de destina-tions touristiques de renommée mondiale: St-Moritz, Davos ou Zermatt par exemple se sont imposées comme marques inter-nationales. Des villes telles que Zurich, Lucerne ou Genève ne sont pas uniquement des lieux de réunion attrayants pour les hommes et femmes d’affaires, mais aussi des destinations de rêve pour les touristes. La Suisse dispose d’hôtels qui se classent régulièrement parmi les meil-leures adresses européennes. Les clients des régions émergentes apprécient toujours plus ces atouts. Un examen plus poussé que la seule statistique d’hébergement permet de dégager une tendance prometteuse pour l’hôtellerie suisse: au premier semestre 2012, le nombre de visiteurs venus d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud a enregistré – en termes de nuitées – un accroissement considérable: +27% pour la Chine (sans Hong Kong), +15% pour Singapour, +14% pour le Japon, +41% pour les États du

Golfe, +37% pour l’Afrique du Nord et +5,7% pour le Brésil. Les chiffres confirment la ten-dance de l’année précédente: les clients potentiellement intéres-sants proviennent davantage des autres continents. En chiffres absolus, ils ne peuvent certes pas (encore) compenser le recul des nuitées des clients originaires de l’Europe en crise, mais les taux de croissance ouvrent à l’hôtellerie suisse des potentiels entièrement nouveaux.

Développer des concepts pour les clients d’autres culturesUn changement de clientèle impose de nouvelles réflexions sur le type de prestations. L’époque où les hôtels suisses orientaient principalement leurs services, leur logistique et leur infrastructure sur les touristes et les hommes d’affaires occi-dentaux tire à sa fin. Les clients d’autres cultures ont d’autres besoins et habitudes – de la nature de l’accueil aux menus

Nicolas MayerTourisme & Hôtellerie

proposés, en passant par le type de shampoing. Contrairement à ceux des pays voisins, les visiteurs de pays lointains ne séjournent la plupart du temps qu’une seule fois en Suisse; ils sont cependant des multiplica-teurs d’opinion dans leur pays d’origine. Les clients d’Asie, du Moyen Orient et d’Afrique ont, tout comme les Européens, des besoins individuels différents. Les touristes venant d’Inde ou des États du Golfe par exemple attendent un service hôtelier aussi attentif qu’ils l’attendraient d’une banque privée suisse en tant que «high-net-worth indi-viduals». À Genève, Zurich et Interlaken par exemple, certains hôtels ont déjà joué un rôle de pionniers et intégré la diversité culturelle et individuelle dans leur offre. Ils ont adapté leur offre de services, voire en partie leur architecture, aux besoins de leur clientèle arabe. Qui dit nouveaux concepts dit aussi connaissance des attentes nourries par les segments de

clientèle d’autres cultures. Ce n’est pas simple. Il est possible, dans un premier temps, de se renseigner directement auprès des clients. Mais les informa-tions obtenues offrent un profit limité, car certaines réponses ne sont données que par pure politesse. Une démarche plus professionnelle consiste à explo-rer soi-même le pays en question et à participer par exemple à des salons du tourisme sur place ou à s’allier avec des prestataires locaux. Il incombe aux associa-tions de tourisme de récolter ces informations et de les trans-mettre aux différents hôtels et exploitations d’infrastructures. La diversité des origines cultu-relles des clients n’est que l’un des défis qui se posent aux hôte-liers suisses. Deux autres cou-rants modifient la structure de la branche: le niveau d’exigence des voyageurs en général et la tendance à la réservation électro-nique en particulier.

Investir dans la qualité des servicesLes touristes sont aujourd’hui bien informés et peuvent com-parer les destinations et les hôtels. Ils attendent un service personnalisé et un rapport prix-performance optimal. De nou-velles stratégies et des concepts

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ConclusionL’hôtellerie suisse est en mutation. De nombreux nouveaux projets vont voir le jour, d’autres acteurs du marché procèderont à des rénovations ou des agran-dissements de structures existantes. Mais il faudrait aussi dépenser au moins autant d’énergie pour les opportunités qui s’offrent: nouveaux segments de clientèle, nouveaux mar-chés, nouveaux canaux de vente et nouvelles offres innovantes dans les régions touristiques.

innovants, associés à des calculs réalistes, peuvent ouvrir de nouvelles opportunités de ren-dement. Chercher à satisfaire le client en tout temps est certes un investissement, mais celui-ci utilisera ainsi davantage d’offres de l’hôtel et reviendra proba-blement. Un service laissant à désirer ne peut trouver aucune justification financière. Les investissements nécessaires à une excellente qualité de service sont nettement moins importants – du moins en termes financiers – que ceux requis par la construction. Deux facteurs sont déterminants: une philoso-phie de service mise en œuvre avec cohérence et un personnel motivé, en mesure de répondre à cette exigence de qualité. En la matière, la gestion du personnel illustre parfaitement l’impor-tance de la vision économique. Sélectionner les collaborateurs avec soin, les former et les rému-nérer correctement sont la clé

d’une excellente qualité de ser-vice. Mais en pratique, force est de constater aujourd’hui que la recherche de main-d’œuvre bon marché prime sur celle de talents motivés. Souvent, la politique du personnel n’obéit même à aucun critère contraignant.

Obtenir de bonnes évaluations plutôt que des étoilesLa technologie moderne impose non seulement aux agences de voyages et aux tour-opérateurs, mais aussi aux hôtels, de dévelop-per de nouveaux modèles d’af-faires. Aujourd’hui, de nombreux voyageurs ne se fient plus au clas-sement traditionnel par étoiles et se passent de l’aide d’une agence de voyages pour leurs réservations. Celui qui réserve un hôtel tient toujours plus compte des évaluations personnelles en ligne d’autres clients. Quelques clics sur un portail d’évaluation suffisent aujourd’hui à un client pour constater si une offre d’hôtel correspond à ses attentes.

Une enquête réalisée en Alle-magne a révélé que 48% de tous les internautes lisent une évalua-tion en ligne avant de réserver un hôtel ou une destination. Et bien que les portails d’évaluation d’hôtels ne soient pas à l’abri de manipulations, ils jouissent d’une crédibilité élevée. Les hôteliers eux-mêmes accordent une grande attention aux éva-luations. Selon l’étude, trois quarts des personnes interrogées les considèrent comme impor-tantes voire très importantes. En effet, la réputation d’un hôtel se mesure au nombre de clients qui ont bénéficié d’un bon service et qui le communiquent à d’autres. Les hôteliers doivent davantage orienter sur Internet leurs pro-cessus de vente et d’acquisition de clientèle ainsi que leur mar-keting.

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Crise de l’euro Ce qui est envisageable et ce qui est réalisable

Nul ne peut prédire à l’heure actuelle quel sera le destin de l’euro. Mais une chose est sûre: il a une influence majeure sur les entre-prises internationales, et pas seulement au niveau de la politique en matière de devises et de liquidités. La sortie de pays en crise de la zone euro aurait des effets secondaires lourds de consé-quences et soulèverait d’innombrables questions. Voici quelques suggestions pour les entreprises qui cherchent des réponses – aujourd’hui déjà.

La crise de l’euro n’est pas apparue subitement; elle est le fruit d’un processus qui s’est construit progressivement ces dernières années. Des pays tels que la Grèce, l’Espagne ou l’Italie ont, dès leur entrée dans l’UE, calqué leurs taux d’intérêt sur le niveau allemand et ont ainsi favorisé les emprunts d’acteurs tant publics que privés. De fait, l’Europe du Sud a vécu un boom économique financé à crédit. Les conséquences ne se sont pas fait attendre: augmentation des prix et des salaires, importations en hausse, exportations en baisse, pour aboutir finalement à un déficit de la balance commer-ciale. Par ailleurs, un mécanisme capable de compenser les dés-équilibres des taux de change ainsi que de réelles adapta-

tions en matière de mobilité de la main-d’œuvre, de prix, de salaires ou de transferts finan-ciers n’ont pu être mis en place. La crise de l’euro présente désor-mais la facture de ces lacunes: les paiements issus du fonds de sau-vetage de l’euro sont exorbitants et les mesures d’économie dans les pays en crise drastiques. Nous sommes en présence de quantités d’argent colossales et d’une véri-table question de survie. Dès lors, comment ne pas comprendre, que la construction de l’euro soit remise en question, tant par les médias et la population que par les experts. La Banque nationale suisse, mais aussi la Banque centrale européenne (BCE) et d’autres banques nationales pratiquent actuellement une politique

monétaire des plus expansion-nistes. Elles vont parfois jusqu’à quadrupler leurs réserves de monnaie. À supposer que la théo-rie quantitative de la monnaie de Friedman soit encore valable et que l’on se souvienne de l’évolu-tion de la situation des années 30 aux États-Unis, nous connaîtrons alors une inflation d’ici deux à quatre ans avec une adaptation des prix, une augmentation des taux d’intérêt et un marché de l’immobilier qui souffrira. Les entreprises devront se demander comment rester productives et se financer, même si elles ont la pos-sibilité de réduire leurs dettes en période d’inflation accrue.Il est difficile de prédire le destin de l’euro. Pour illustrer les éven-tualités, nous avons développé trois scénarios susceptibles de se produire de manière combinée.

1. Évolution de la zone euroLa zone euro peine toujours face à la crise, notamment au travers des interventions de la BCE. Si la BCE gagne du temps en agissant ainsi, elle met aussi sa crédibilité en jeu et accroît le risque d’infla-tion. Parallèlement, les politiques s’attèlent à des modifications à long terme des conditions-cadres comme le pacte fiscal, l’union

Peter RenggliTreasury & Financial Risk Management

ceo valeur ajoutée 2928 ceo valeur ajoutée

Chine +27%

Brésil+5,7%

Etats du Golfe +41%

Afrique du Nord+37%

Singapour+15%

Japon+14%

Taux de croissance considérables pour l’hôtellerie suisse

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bancaire ou une plus forte inté-gration. La croissance pourrait reculer temporairement, mais à plus long terme, les marchés retrouveraient leur calme.

2. Faillite de certains États et rééchelonnement des dettesDes pays en crise tels que la Grèce, l’Italie ou l’Espagne deviennent insolvables: les créan-ciers privés, tels les particuliers, les fonds de pension, les assu-rances ou les banques, seraient en défaut de paiement. Par la suite, ces pays tomberaient dans la récession, le chômage augmen-terait et les banques glisseraient dans une crise.

3. Sortie de l’euroLa Grèce et d’autres pays à risque quittent la zone euro et retournent à leurs monnaies nationales ou à des monnaies parallèles: l’euro serait dévalué,

les capitaux quitteraient ces pays. L’endettement des pays dissidents augmenterait, de même que l’inflation et le chômage. Mais les pays contrôlant leur mission publique première pourraient se rétablir à long terme. Ce scénario a le mérite d’attaquer le pro-blème à la racine.

Quel que soit le scénario qui se réalisera, les groupes inter-nationaux implantés en Suisse peuvent agir concrètement dès aujourd’hui. Le Treasury est capable d’éva-luer les risques de change, non seulement par monnaie mais aussi par pays, et de les compa-rer les uns aux autres. En cas de sortie d’un pays, des «natural

hedges» peuvent se dissoudre. Cette vision des choses requiert en outre une analyse critique du hedging. Le management doit évaluer de manière critique la répartition de ses ventes et, le cas échéant, pro-

céder à certaines délocalisations, par exemple avec un déplace-ment ou une augmentation des lieux de production. La sensibi-lité au prix de la marchandise produite devra également faire l’objet d’une réflexion.

Le financement est également un thème important: la struc-ture centrale de holding est-elle toujours préférable à un finan-cement local? À quel point les dettes doivent-elles être à court terme? Et quelle sécurité les rela-tions bancaires offrent-elles? Les contrats ne doivent pas être négligés non plus: l’entreprise doit réexaminer à temps ses contrats d’achat, de vente et de leasing ainsi que ses engage-ments à long terme et doit adap-ter les conditions de paiement là où cela est nécessaire ou, en cas de nouveaux contrats, introduire des clauses appropriées de réaf-fectation et de résiliation.

Avec clairvoyance et systèmeDevant l’incertitude qui plane sur l’avenir de l’euro, de nombreuses entreprises s’interrogent: quel avenir? Nous pensons que la question devrait plutôt être: que faire? Pour se préparer correc-tement aux changements immi-nents, une démarche progressive s’impose: 1. Déterminer dans un premier temps les scénarios euro qui, du point de vue du management, seraient les plus vraisemblables et ceux qui auraient le plus grand impact sur l’entreprise. Puis, pour chaque scénario, évaluer les risques et déterminer les situa-tions qui doivent conduire l’en-treprise à élaborer des mesures appropriées. 2. Mettre en place des plans d’urgence lorsque les déclen-cheurs identifiés interviennent, et définir des mesures concrètes qui permettront à l’entreprise d’affronter au mieux la nouvelle situation. Définir par ailleurs les événements dont l’appari-tion doit déclencher la mise en œuvre concrète et sans délai des mesures adaptées. 3. Appliquer les mesures arrêtées si la situation évolue conformé-ment au scénario.

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ConclusionLa réorganisation imminente de la zone euro recèle, certes, des risques et de nouvelles tâches, mais elle com-porte aussi des opportunités. Pour les identifier à temps et les exploiter de manière profitable, les plus hauts diri-geants devront y prêter attention et faire preuve d’esprit de décision. Les responsables du Treasury et de la planifi-cation financière devront alors utiliser leur expérience de la gestion des risques pour sensibiliser leur management à l’ampleur de la crise de l’euro et proposer une démarche ciblée. Celui qui, aujourd’hui déjà, est présent dans les bons pays, pourra demain exploiter l’avantage du prix. Celui qui, aujourd’hui déjà, conçoit intelligemment son financement, disposera demain des fonds nécessaires pour réussir économiquement. Bref: celui qui réagit aujourd’hui pourra agir demain – avec une bonne lon-gueur d’avance sur la concurrence.

Comment se préparer au mieux aux changements dans l’espace euro

Analyse de la situation

Vis

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Domaines dans lesquels il faut agir

Mesures par importance et par risque

10 mesures essentielles

Plan à 100 jours

Chiffre d’affaires

Treasury

Droit

Contrats de fournisseurs

IT/IS

Finances

RH/Personnel

Fiscalité

Élevé

Moyen

Faible

Données

Processus

Systèmes

Personnel

Risques

Solution à court terme

Solution à long terme

Armin MartiInternational Tax Structuring Suisse

Total Tax ContributionLa contribution des entreprises à la collectivité

La contribution des entreprises au financement de l’État et des collectivités est souvent sous-estimée par le public. Une enquête de PwC parvient aux résultats suivants: en 2010, les impôts et les taxes acquittés par les personnes morales ont contribué pour plus de la moitié aux recettes des collectivités locales.

Le thème de la fiscalité a déclen-ché des débats publics animés, en particulier depuis la crise écono-mique et financière. Dans la dis-cussion, les arguments fiscaux et éthiques se rejoignent. D’un point de vue fiscal, il est impératif de réduire l’endettement de l’État et les déficits des budgets publics et, ainsi, d’augmenter les recettes de l’État, ou les impôts. D’un point de vue éthique, l’argument de la justice fiscale est mis dans la balance: toutes les composantes de la société et de l’économie contribuent-elles équitablement au bien collectif?

En Suisse, les débats sont domi-nés par la question du traite-ment des avoirs de particuliers étrangers ayant échappé au fisc de leur pays, reléguant ainsi quelque peu la question de la «juste» imposition des entreprises au second plan. Mais le thème est de nouveau d’actualité: le Conseil fédéral veut faire avan-cer la réforme de l’imposition des entreprises III. L’important est de trouver des modèles pour l’imposition des sociétés holding, des sociétés de domicile et des sociétés mixtes qui, d’une part, soient acceptables pour l’UE et ses États membres et, d’autre part, préservent l’attrait du site d’implantation suisse.

ceo valeur ajoutée 3130 ceo valeur ajoutée

Principales étapes de la stratégie préparatoire: Définition des scénarios importants pour l’entreprise. Pondération par importance et par risque. Préparation de mesures concrètes qui, le cas échéant, peuvent être rapidement mises en œuvre.

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«Profit»60,96%Impôt anticipéFiscalité de l’épargne de l’UE

«Product»- 6,58%TVA nette

Droits de timbre sur les primes d’assurance

Droits d’entréeImpôts sur le tabac et l’alcool

Autres impôts

«People»25,42%

Impôts à la source sur les salaires

Cotisations aux assurances sociales

(employeur)

«Property»7,04%

Droits de timbre

«Profit»44,14%Impôts sur les bénéficesImpôt anticipéImpôt sur les gains immobiliers

«Planet»0,77%Impôt sur les huiles minéralesRPLPTaxe sur le CO2

«Product»12,56%

TVA non récupérableDroits de timbre sur les

polices d’assuranceDroits d’entrée

Impôts sur les jeux de hasardDroits de monopoles

Droits de timbre cantonauxDroits d’enregistrement

Autres impôts

«People»37,65%

Cotisations aux assurances sociales

(employé)

«Property»4,88%Impôts sur le capitalDroits de timbreImpôts fonciersImpôts sur les véhicules à moteurImpôts sur les bateaux

«Taxes borne»Impôts et taxes supportés par l’entreprise elle-même

«Taxes collected»Impôts et taxes perçus par l’entreprise pour le compte de l’État

Le concept de la Total Tax ContributionEn 2005, PwC a développé le concept de la Total Tax Contribu-tion (TTC) afin d’améliorer la transparence en matière de fiscalité des entreprises. La TTC est un modèle qui recense et présente l’ensemble des impôts payés par une entreprise. Elle inclut tous les types d’impôts applicables à une personne morale et repose sur une pure observation des paiements effectifs. On peut ainsi établir une comparaison directe avec les données publiées par l’Office fédéral de la statistique sur le montant des recettes de l’État. PwC conduit des enquêtes sur la Total Tax Contribution non seulement en Suisse, mais aussi en Afrique du Sud, en Angle-terre, en Australie, en Belgique, au Canada, aux États-Unis, en Inde, au Japon et au Luxembourg.

L’étude TTC est disponible sous www.pwc.ch/ttc. Exemplaires imprimés

à commander auprès de: [email protected].

ConclusionPar ses enquêtes sur le thème de la TTC, PwC entend rendre plus trans-parent un sujet aussi com-plexe que l’imposition des personnes morales. Les recommandations d’agir fournies aux entreprises sont les suivantes: une publication différenciée de leurs diverses contri-butions fiscales et une communication ouverte avec leurs groupes d’intérêt leur permettront d’afficher leur contribution effective à la collectivité. Grâce à de bons arguments, elles pourront communiquer avec assurance leur rôle de partie prenante à la société. La transparence fournit à la politique et à l’administration la base nécessaire pour poursuivre le développement d’un système juridique et fiscal apte à promouvoir la pros-périté de la société. Pour la Suisse, être reconnue à la fois comme site économique attrayant et comme «fair player» dans la compétition fiscale internationale est un numéro de haute voltige qu’elle se doit de réussir.

Les entreprises financent plus de la moitié des recettes publiquesPwC souhaite alimenter le débat – parfois émotionnel – sur la fis-calité en apportant des données et des faits. L’étude «Total Tax Contribution» (TTC) récem-ment publiée fournit à cet égard des arguments objectifs. PwC a enquêté sur tous les impôts payés par une entreprise. Habituel-lement, l’analyse de la perfor-mance fiscale des entreprises se concentre sur les impôts sur les bénéfices, seule catégorie fiscale qui doit être inscrite séparément dans les comptes annuels. Les impôts sur les bénéfices ne repré-sentent toutefois que 40% envi-ron de tous les impôts et taxes versés par les entreprises à la

collectivité publique. L’étude TTC fait la différence entre les impôts supportés directement par les entreprises («taxes borne») et les impôts qu’elles perçoivent auprès de tiers pour les reverser à l’État («taxes collected»).L’étude actuelle est la deuxième enquête conduite par PwC sur la TTC en Suisse. La première, publiée en 2009, s’appuyait pour l’essentiel sur des données de 2007. La dernière enquête se base sur des chiffres de 2010 et 2011. Entre deux, la crise financière est venue bouleverser le monde. Les résultats de l’étude TTC sont donc intéressants à double titre: premièrement, les informations issues de l’étude précédente sont-

elles confirmées? Deuxième-ment, quelles ont été les réper-cussions de la crise financière sur l’ensemble de la charge fiscale des entreprises et sur les contri-butions des différents secteurs?Pour commencer, force est de constater que la crise financière a bien moins réduit la contribu-tion globale versée par les entre-prises aux pouvoirs publics qu’on pourrait le penser. Un examen de quelques éléments éclaire la situation:• En 2010, les recettes de toutes les collectivités locales se mon-taient à CHF 197 milliards, dont CHF 111 milliards apportés par des personnes morales. Ces dernières ont donc contribué à hauteur d’au moins 56% au financement de l’État.• Les entreprises supportent elles-mêmes environ un quart des recettes de l’État (CHF 51 milliards), et encaissent une part encore plus importante (CHF 60 milliards) reversée à l’État. • Les cotisations d’assurances sociales que la méthode TTC qualifie d’impôts en rapport avec le personnel sont au moins aussi importantes que les impôts sur les bénéfices. Ces «people taxes» représentent, avec les impôts sur les bénéfices, quatre cinquièmes de la charge fiscale totale des entreprises. Ces chiffres, parmi d’autres, confirment que les entreprises ont une fonction éminemment importante dans le financement du budget de l’État, fonction sous-estimée si seuls les impôts sur les bénéfices sont intégrés dans l’analyse.

Peu de changement dans le taux d’imposition effectifLa crise financière a-t-elle modi-fié ce taux? Une comparaison entre les 31 entreprises qui ont participé aux deux enquêtes TTC permet de répondre. En 2007, elles ont payé un peu moins de CHF 4 milliards d’impôts sur les bénéfices. Ce montant est retombé à CHF 800 millions en 2010, pour remonter à CHF 1,4 milliard en 2011. Cette fluctua-

tion ne s’est toutefois répercutée que partiellement sur les recettes fiscales globales car les impôts non liés aux bénéfices ne sont que très peu dépendants du cycle économique. C’est la raison pour laquelle les taxes en rapport avec le personnel ont augmenté pen-dant la même période. Du point de vue de l’entreprise, les impôts non liés aux bénéfices sont considérés comme des coûts fixes et ils n’ont que très peu varié durant la crise.

Le secteur financier reste une source de recettes importanteLe recul des impôts sur les béné-fices est imputable pour trois quarts aux banques. Au total pourtant, les établissements financiers fournissent une part considérable des recettes fiscales, au-dessus de la moyenne des autres secteurs. La branche des assurances a démontré sa résis-tance à la crise. Sa contribution aux impôts sur les bénéfices a régulièrement augmenté durant celle-ci.L’étude montre aussi que l’indus-trie pharmaceutique a eu un effet stabilisateur sur les recettes de l’État durant la crise. Dans les autres secteurs, les traces de la crise sont visibles. Si l’on com-pare les années 2007 et 2011, on voit que les pertes de renta-bilité ont entraîné une baisse des impôts sur les bénéfices de 31%. Le montant total de tous les impôts supportés par les entreprises et de ceux collectés pour être reversés à l’État a en revanche augmenté de 1%. Les autres impôts non liés aux béné-fices ont ainsi compensé entière-ment le recul des impôts sur les bénéfices. Pour la plupart des entreprises (hors banques, assurances et entreprises pharmaceutiques), cela se traduit par une hausse du Total Tax Rate, qui est passé de 38% en 2007 à 78,4% en 2010, pour revenir en 2011 à 59,6%, un chiffre toujours considérable.

Recettes en hausse grâce à l’attrait de la Suisse en tant que site d’implantationUne analyse de toutes les perfor-mances fiscales est importante, particulièrement en période de crise, pour pouvoir évaluer la contribution des entreprises à la collectivité. Une entreprise qui ne réalise pas de bénéfice et ne paie donc pas d’impôt sur les béné-ficesß n’en fournit pas moins une contribution élevée aux recettes de l’État par le biais d’autres types d’impôts, notamment en rapport avec le personnel. Bien que les entreprises aient, dans l’ensemble, versé nettement moins d’impôts sur les béné-fices la part des recettes qui en est issue n’a que peu reculé en pourcentage. Cette situation s’ex-plique en partie par l’effet stabi-lisateur de secteurs forts comme l’industrie pharmaceutique. Mais aussi par une base d’enquête élargie: le nombre plus impor-tant d’entreprises imposables, dû aussi à l’arrivée de groupes inter-nationaux en Suisse, compense les pertes par le biais de l’élargis-sement de la base de calcul. Si le régime fiscal n’est pas le seul facteur à faire de la Suisse un site d’implantation attrayant, il en est néanmoins le principal. La réforme de l’imposition des entreprises III devrait renforcer judicieusement cet atout. Ce fai-sant, il faudra tenir compte de la mobilité de certaines fonctions de l’entreprise. Par exemple par une différenciation selon les types de revenus. Les «box solutions», bien connues aussi dans l’espace UE, pourraient prévoir des taux fis-caux privilégiés notamment pour les revenus des capitaux ou ceux de biens immatériels. En outre, le système fiscal devrait rester aussi simple que possible. Moins il sera complexe, moins son application nécessitera d’investissements – pour les entreprises comme pour l’administration.

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ceo valeur ajoutée 3332 ceo valeur ajoutée

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Chiffre d’affairesCHF 742 millions (brut), CHF 631 millions (net)

Collaborateurs• 2’768 personnes (57% hommes/43% femmes)

• 60 nationalitiés

• Age moyen: 33 ans

• 10% du chiffre d’affaires est investi dans la formation et la formation continue des collaborateurs

Offre de prestations • Audit (1’319 collaborateurs)

• Conseiljuridiqueetfiscal(736collaborateurs)

• Conseil économique (327 collaborateurs)

• Services internes (386 collaborateurs)

par division brut en millions CHF

net en millions CHF

Audit 383 355

Conseiljuridiqueetfiscal 247 186

Conseil économique 112 90

par branche

Commerce de détail et biens de consom-mation, production industrielle, indus-trie pharmaceutique et biotechnologie

345

Banques, Asset management, assurances 263

Secteur public, secteur de la santé 72

Technologie, télécommunications, médias et loisirs

62

Clients13’000 clients dont près de 8’000 PME99 entreprises cotées au SIX Swiss Exchange (42%)

Directoire• Urs Honegger CEO

• Heinz Hartmann COO/CFO

• Urs Landolf Responsable Marchés

• Peter Ochsner Responsable Audit

• Andreas Staubli Responsable Conseil juridiqueetfiscal

• Markus Bucher Responsable Conseil économique

Directoire élargi• Matthias Jeger Assurance ChiefQualityOfficer

• Hanspeter Plozza Assurance Risk Management Partner

Conseil d’administration• Markus R. Neuhaus (président du Conseil d‘administration

et membre du Global Network Executive Team)

• Urs Honegger (délégué du Conseil d‘administration)

• Heinz Hartmann (COO/CFO, membre du Conseil d‘administration)

Forme juridiquePartenariat«PwC» fait référence au réseau international d’entreprises de PricewaterhouseCoopers International Limited. Chaque membre de ce réseau est une entité distincte et indépendante.

Valeurs• Excellence

• Leadership

• Teamwork

PwC Global• Pays: 158

• Sites: 771

• Collaborateurs: 169’000

PwC Suisse – faits et chiffres (situation au 30.6.2012)

Tout sur nous – en bref

Rapport annuel 2011/2012

Cette année encore, nous vous informons dans notre rapport annuel sur l’orientation stratégique de notre entreprise et de ses diffé-rentes divisions, sur la gestion des moteurs de valeur et sur la performance.

Vous trouverez l’édition online du rapport annuel 2011/2012 de PwC en français, en allemand et en anglais sur notre site Web sous www.pwc.ch/rapport, www.pwc.ch/bericht et www.pwc.ch/review.

Executive Compensation & Corporate Governance

Les CEO des entreprises du SMI gagnent aujourd’hui 25% de moins qu’il y a cinq ans. Dans les entreprises du SMIM, les salaires des CEO ont également baissé de 15% depuis 2007. En revanche, depuis lors, la rémuné-ration moyenne des présidents de conseils d’administration a augmenté de 25% dans les entreprises du SMI et de 35% dans les entre-prises du SMIM. Les dirigeants de grandes entreprises gagnent plusieurs fois le salaire des dirigeants d’entreprises de plus petite taille. Tels sont les principaux résultats de l’étude «Executive Compensation & Corporate Governance» de PwC Suisse.

L’étude (en allemand) peut être téléchargée gratuitement au format PDF sous www.pwc.ch.

Key trends in human capital 2012

Les collaborateurs des entreprises euro-péennes sont moins productifs qu’il y a un an. La productivité est à son plus bas niveau des cinq dernières années. La réduction des postes dans les catégories salariales infé-rieures a entraîné une hausse des frais de personnel. En outre, une pénurie de talents menace les entreprises dans le futur, car celles-ci engagent toujours moins de jeunes. Telles sont les principales conclusions de l’étude PwC «Key trends in human capital 2012 – A global perspective», qui repose sur l’analyse de 2400 entreprises dans plus de 50 pays.

L’étude (en anglais) peut être téléchargée gratuitement au format PDFsous www.pwc.ch.

Apéritifs pour les banques et les négociants en valeurs immobilières

22 janvier 2013 St-Gall, Pfalzkeller22 janvier 2013 Lucerne, Hochschule Luzern24 janvier 2013 Berne, PostFinance-Arena 30 janvier 2013 Zurich, Aura31 janvier 2013 Genève, Mandarin Oriental Hôtel du Rhône31 janvier 2013 Bâle, Hotel Hilton Basel05 février 2013 Lugano, Hotel Dante

Elisabeth Roggli ([email protected]) vous fournira volontiers toutes les informations utiles.

Tendances pour les décideurs de PME

15 janvier 2013 Lucerne28 janvier 2013 Zurich23 janvier 2013 Aarau24 janvier 2013 St-Gall29 janvier 2013 Bâle31 janvier 2013 Winterthur

Jacqueline Meyer ([email protected]) enregistrera volontiers votre inscription.

Abonnements:ceo, le magazine des décideurs publié par PwC, paraît deux fois par an (français, allemand, anglais). Abonnement gratuit (indiquer la langue souhaitée) auprès de: [email protected]. Adresse: PwC, magazine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich.

Service lecteurs:Pour plus d’informations, les auteurs des thèmes techniques sont à votre disposition pour un entretien (l’adresse e-mail est toujours indiquée). Vous trouverez une liste complète de nos publications sous www.pwc.ch. Commande de publications PwC et abonne-ments ou changements d’adresse: [email protected] ou fax 058 792 18 65.

Étude IT Sourcing 2012

Nous fondant sur l’étude IT Sourcing 2009 relative au secteur financier, nous avons réalisé toute une série d’interviews en Allemagne, en Autriche et en Suisse sur la pratique actuelle en matière de fourniture externe de prestations IT à des entreprises. Les résultats de l’étude donnent un aperçu, à l’échelle internationale et par secteur, des activités d’IT Sourcing actuelles et présente les tendances à venir dans ce domaine.

Les tendances actuelles telles que le Cloud Computing ou le Multi-Vendor Sourcing, pro-mettant toutes deux une réduction des coûts et une flexibilité accrue, ouvrent d’intéres-santes perspectives. Les managers IT doivent souvent faire face à de nouveaux défis: • Comment mettre en place une réelle fonc-tion de gouvernance? • Comment gérer différents prestataires de service internes et externes dans un environ-nement Multi-Provider? • Quels services déplacer sur le Cloud?

Les responsables IT sont en outre régulière-ment confrontés à d’autres décisions straté-giques, comme le choix d’actions alternatives à l’expiration d’un contrat d’outsourcing. À cet égard, l’étude entend faire la lumière sur l’état actuel de l’IT Sourcing et sur les déve-loppements futurs dans ce domaine.

L’étude (en allemand) peut être téléchargée gratuitement au format PDF sous www.pwc.ch.

China Compass

Les experts du China Business Group com-mentent pour vous l’évolution du marché chinois et vous présentent les opportunités qui en résultent pour vos investissements. Vous découvrirez dans cette édition• quels sont les thèmes-clés abordés par le Premier ministre chinois dans son rapport devant le Congrès National du Peuple;• quels sont les avantages fiscaux existants pour les investissements dans les régions de Chine occidentale et• quelles sont les innovations apportées par l’introduction d’un système de TVA uniforme.Le «China Compass» entend être pour vous un outil de référence au quotidien. Notre China Business Group se tient à vos côtés pour vous conseiller et vous accompagner tout au long de votre engagement en Chine.

Le «China Compass» (en allemand) peut être téléchargé gratuitement au format PDFsous www.pwc.ch. Des exemplaires imprimés peuvent être commandés auprès de [email protected].

ceo valeur ajoutée 3534 ceo valeur ajoutée

Publications et formation continue

Academy Newsletter

La Newsletter de l’Academy de PwC vous informe régulièrement des dernières manifestations et offres de formation continue. Abonnez-vous sous pwc.ch/academy_newsletter.

Substance 2.0

Le thème de la substance économique en lien avec la planification fiscale a gagné en impor-tance ces derniers temps. Face à l’insécurité permanente du marché, les autorités fiscales et les décideurs politiques ont commencé à passer au crible les constructions fiscales qu’ils jugent «artificielles». La tendance ne semble pas près de s’arrêter. La publication «Substance 2.0» met en lumière le concept de substance en lien avec des structures entrepreneuriales et des modèles d’affaires. L’ouvrage offre également un aperçu de la législation fiscale nationale dans 48 pays et se penche en détail sur l’interaction de ces réglementations avec les règles actuelles de l’OCDE et les dispositions de l’UE.

Le livre (en anglais) peut être commandé sous www.pwc.ch/tax.

www.pwc.ch/hrs

A look at the key workforce trends from around the world using data from PwC’s Saratoga benchmarking database.

Key trends in human capital 2012A global perspective

pwc.ch/reward

Executive Compensation & Corporate Governance

2012 survey examining compensation structures in SMI, SMIM and small-cap companies as well as SIX Disclosure

www.pwc.ch/reward

AppendixCompanies surveyed (in alphabetical order)

SMICompany Name 2007 2008 2009 2010 2011ABB • • • • •Actelion • • • •Adecco • • • • •Baloise • • Clariant • Credit Suisse • • • • •Givaudan •Holcim • • • • •Julius Bär • • • • •Lonza • • Nestlé • • • • •Nobel Biocare • • Novartis • • • • •Richemont • • • • •Roche • • • • •SGS • • •Swatch • • • • •Swiss Life • • • Swiss Re • • • • •Swisscom • • • • •Syngenta • • • • •Synthes 15 • • • • Transocean • •UBS • • • • •ZFS • • • • •SMIMAryzta • • •Baloise • • •Barry Callebaut • • •Basilea • • •Ciba • •Clariant • • • •Dufry •EFG International • • •Fischer • • • • •Galenica • • • • •GAM • • •Geberit • • • • •Givaudan • • • •Helvetia • • • • •Kühne & Nagel • • • • •Lindt • • • • •Logitech • • • • •Lonza • • •Meyer Burger • •Nobel Biocare • • •OC Oerlikon • • • •Panalpina • • • •Pargesa • • • • •Partners Group •Petroplus • • • •PSP • • • • •Rieter • •Schindler • • • • •SGS • •Sika • • • • •Sonova • • • • •Straumann • • • • •Sulzer • • • • •Swiss Life • •Swiss Prime Site • •Temenos • • • • •Valiant • • • • •

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15) Synthes was exempted from publishing an annual report in 2012 due to the delisting in June 2012 in connection with a merger.

IT-Sourcing-Studie 2012Aktuelle IT-Sourcing-Perspektiven erkennen und nutzen

Eine branchenübergreifende Studie zum aktuellen Stand und zukünftigen Trends von IT-Sourcing.

www.pwc.ch/china

China Compass Aktuelle Nachrichten für Expertinnen und Experten

Ausgabe Schweiz, Sommer 2012

Freihandel Abkommen erweitert Spielräume

Börsentipp Shanghai bald internationales Finanzzentrum?

Wohnungsmarkt Reformen zeigen Wirkung

Holdingstandorte Steueranreize in Singapur und Hongkong im Vergleich

Mehrwertsteuer Pilotprogramm in Shanghai

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Les bonnes manières et les valeurs inculquées par l’École hôtelière de Lausanne s’avèrent être un bon capital de départ, et pas uniquement pour une carrière dans l’hôtellerie. En effet, compétence sociale et tact dans les rapports avec d’autres cultures sont aujourd’hui demandés dans toutes les branches. Photos: Gerry Amstutz

Multiculturalité: les jeunes qui étudient à l’EHL sont issus de plus de 90 pays.

La valeur du capital social

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Dans le monde des chasseurs de têtes, le tran-quille village du Chalet-à-Gobet, au-dessus de Lausanne, est devenu une destination secrète. Deux fois par an a lieu là-haut, dans les locaux de la célèbre École hôtelière de Lau-sanne, une foire aux jobs au cours de laquelle se présentent aux diplômés de l’établissement non seulement les grandes chaînes hôtelières, mais aussi, de plus en plus, des banques, des cabinets de conseil et des fabricants de pro-duits de luxe. Cette année, pour la première fois, UBS était aussi représentée. L’objectif de la grande banque était de recruter des candi-dats pour le private banking parmi les futurs «hospitality managers». «Ce sont surtout les compétences au niveau relationnel développées à l’EHL qui nous inté-ressent», explique Anna-Katharina Mörike, du service du personnel d’UBS à Genève, «par exemple le comportement face aux clients.» D’autres responsables du personnel louent les «bonnes manières» des diplômés de l’EHL ou «les rapports décomplexés avec des personnes aux origines les plus diverses». En d’autres termes, qui a fréquenté l’École hôtelière de Lausanne est, à la différence de beaucoup d’autres diplômés de hautes écoles, non seulement professionnellement qualifié, mais aussi et en plus, socialement très compé-tent. Des aptitudes demandées sur le marché du travail: après le diplôme, seuls 40% des

étudiants de l’EHL travaillent dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie, les autres trouvent un emploi dans les secteurs déjà évoqués: banques, conseil ou commerce de luxe. Un tour sur le campus offre l’image tradi-tionnelle d’une haute école: amphithéâtres, bibliothèque, cafétéria, grappes d’étudiants palabrant un peu partout. Le respect d’un code vestimentaire ne frappe qu’après coup: les jeunes gens suivent les cours dans une impeccable tenue «business». Sans exception. «Ce qui distingue cette école», dit Rémi Cha-del, enseignant en marketing, «c’est un degré de raffinement bien supérieur à celui d’autres instituts. Ici, nous ne nous contentons pas d’enseigner, nous accueillons.»En se renseignant auprès des enseignants et des étudiants, on découvre maintes raisons qui font de l’EHL quelque chose de particu-lier. Les plus souvent citées: l’orientation pratique – ceux qui étudient ici doivent mettre la main à la pâte – et le plaisir d’avoir des contacts avec d’autres. «À vrai dire, je voulais étudier l’économie d’entreprise», avoue par exemple Jörg Lindenmann, étu-diant en programme bachelor, «mais d’une certaine façon, cela m’a paru trop ennuyeux, trop théorique.» Effectivement, l’EHL se voit volontiers en concurrente des meilleures écoles de commerce. S’il n’y avait pas l’orien-tation pratique. En effet, les jeunes gens doivent vérita-blement se salir les mains dès la première année, passant une semaine dans le bruit de la plonge, à servir au comptoir du fast-food dans le stress de midi, à faire le ménage dans les chambres du foyer étudiant ou à découvrir dans la cuisine de la haute école l’effet que cela fait de commencer tout en bas, avec des chefs qui ne se gênent pas pour hurler. «Dans l’environnement de la cuisine, fortement hié-rarchisé, les étudiants apprennent avant tout la modestie», explique Anouck Weiss, respon-sable de la communication à l’EHL. Et Michel Rochat, directeur général de l’EHL, insiste sur le fait que cette façon de faire des expériences personnelles favorise la compétence sociale. Tout comme le travail en équipe. Et comment acquérir de surcroît un solide savoir-faire dans le domaine relationnel?

L’École hôtelière de Lausanne (EHL) a été fondée à la fin du XIXe siècle. Elle fait actuellement partie de la Haute école spécia-lisée de Suisse occidentale et compte 1800 étudiants originaires de 90 pays différents, dont envi-ron 40% venant de Suisse. L’EHL souhaite arriver à un effectif de 2500 étudiants d’ici cinq ans. La haute école collabore étroi-tement avec le monde écono-mique et effectue également des recherches pour le compte d’en-treprises en dehors du secteur de l’hôtellerie et de la restauration.

Plus de 25 000 diplômés de l’EHL vivant dans 120 pays entre-tiennent des contacts allant lar-gement au-delà de leurs études dans un réseau d’anciens élèves. Ces contacts sont favorisés notamment par les rencontres régulières des 70 branches régionales dispersées dans le monde entier. Des manifestations sociales et des prestations de services telles qu’une plate-forme d’emplois en ligne et des ses-sions de formation continue sont proposées.

«Nos parents veulent être sûrs que les frais d’études sont de l’argent bien investi.»Alain Le Boursier, étudiant

«Tous les étudiants de l’EHL doivent mettre la main à la pâte – chacun aura à nettoyer les toilettes durant sa formation.»Jörg Lindenmann, étudiant et ambassadeur de l’EHL

«Dans leur quotidien professionnel, nos étudiants devront de plus en plus être à même de travailler dans différents contextes culturels.» Samad Laaroussi

Pas question de se présenter au cours sans être impeccablement habillé.

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Monsieur Rochat, votre école forme des spécialistes en gestion de l’accueil. Quelle est l’importance des relations entre l’hôte et le client dans le secteur de l’hôtellerie?Elles en constituent l’élément central; les relations sont à la base de notre secteur d’activité. C’est la raison pour laquelle nous y accordons une telle importance. Nous apprenons à nos étudiants à agir serei-nement dans la vie professionnelle comme dans la vie sociale – c’est une plus-value majeure de notre formation. Nos cursus sensibilisent les étudiants à l’adoption dans leur vie professionnelle d’un code de conduite qui prône l’ouverture, la responsabilité et le respect d’autrui. Ce «savoir-être» est à la base du succès de nos diplômés. Nous nous efforçons de développer des aptitudes sociales de nos étudiants tout en développant au maximum leurs compétences spécifiques.

Comment leur transmettez-vous ces valeurs?Nous travaillons tout d’abord au développement de la personnalité des étudiants. Puis nous développons leurs compétences profession-nelles, et, enfin, nous leur apprenons des techniques de management spécifiques. Mais dès la fin de l’année préparatoire, les étudiants ont saisi l’importance du souci du détail. Ils auront appris à écouter le client et à se montrer proactifs. Nous faisons naître en eux l’envie d’anticiper les besoins du client.

Qu’y a-t-il de particulier dans la relation entre hôte et client?La confiance! Elle passe avant tout le reste. Pour bâtir cette confiance, il est important de comprendre les besoins des clients et de savoir comment les satisfaire. C’est une condition indispensable à la mise en place d’une relation durable. Il faut comprendre cela pour réussir dans notre secteur.

Peut-on inculquer cette gestion relationnelle dans une école?Pas dans le cadre d’un cours spécifique, ce serait voué à l’échec. Ces aspects du «savoir-être» doivent être intégrés dans tous les cours. Le travail en groupe a également son importance, car il apprend aux étu-diants à aborder la notion de responsabilité sociale.

«Servir» n’est pas une notion populaire dans notre société...C’est vrai. Nos étudiants ne sont pas vraiment habitués à fournir des services. En général, ce sont plutôt eux qui en bénéficient. Que ce soit par exemple en tant que clients de services de communication ou en tant que consommateurs dans des hôtels, des bars ou lors d’un voyage. Les rôles sont soudainement inversés et c’est à eux qu’il revient d’assurer un service parfait. Les étudiants sont très curieux de voir ce qui se passe de l’autre côté de la barrière. Et cette curiosité ne se limite pas au côté professionnel, elle s’étend aussi aux relations sociales. Comprendre le comportement de l’autre, adopter une atti-tude ouverte à l’égard d’autres cultures – pour tous ces aspects, l’envi-ronnement international de notre école offre un formidable terrain d’exercice. Les jeunes gens ne viennent pas seulement chez nous pour suivre une formation professionnelle, mais aussi pour développer leur personnalité.

D’autres établissements d’enseignement réputés s’implantent dans d’autres pays. Prévoyez-vous d’ouvrir une filiale à l’étran-ger?Il est encore trop tôt, cela ne fait pas partie de notre stratégie actuelle. Avant de nous installer à l’étranger, nous voulons améliorer notre offre de formation.

Les connaissances techniques sont bien plus faciles à transmettre que les compétences au niveau du comportement, concède Rémi Chadel. C’est pourquoi, dès la sélection de ses étudiants, l’EHL veille aux conditions de base. Une partie de la procédure de sélection – seul un postulant sur trois est admis comme étudiant – consiste en des jeux de rôles, les candidats devant montrer comment ils se comportent face à un client en colère. Celui qui se sent dépassé par ce genre de situation n’est pas à sa place. «Tout le monde n’est pas fait pour être un bon ‹hospitality manager›», résume Rémi Chadel. Samad Laaroussi, directeur du programme bachelor, explique l’importance que revêt le développement de la compétence sociale à l’EHL à l’aide d’un tableau. Celui-ci recense les capacités à acquérir durant les études, de la «sensibilité interpersonnelle et multicultu-relle» au «leadership» en passant par «l’auto-gestion», et indique quand le travail relation-nel est particulièrement encouragé: comme contenu interdisciplinaire dans l’enseigne-ment, comme élément du feed-back pendant les travaux de groupe et aussi, sur demande, dans le contact avec un coach personnel.

Une forte compétence sociale n’est pas seule-ment «nice to have»; elle sert aussi à atteindre des objectifs bien précis: «Dans leur quotidien professionnel, nos étudiants devront de plus en plus être à même de travailler dans diffé-rents contextes culturels», souligne Samad Laaroussi. Et de citer l’exemple d’un étudiant auquel un stage en Chine a douloureusement ouvert les yeux sur les différences culturelles. Ce jeune manager a réprimandé un employé de cuisine d’un ton rude, et le subordonné chinois ne s’est plus jamais présenté sur son lieu de travail car il avait perdu la face. L’EHL attache aussi une importance parti-culière aux activités extrascolaires. Les étu-diants font preuve d’initiative personnelle au sein de plus de 30 associations: cela va des formations en hôtellerie et restauration dans le Tiers-Monde au comité d’organisation de la fête de fin d’année de l’école. Les expériences acquises dans la pratique figurent également dans le portefeuille de compétences avec lequel les diplômés de l’EHL se mettent à la recherche d’un emploi, de même que dans les travaux de fin d’étude, qui apportent à chaque fois la preuve de l’esprit d’entreprise animant les futurs «hospitality managers». À l’école, on est particulièrement fier de HouseTrip, un service Internet de location

de logements de vacances, né d’un projet proposé à l’EHL. Pour la création de son entreprise, le fondateur a trouvé les premiers investisseurs parmi ses camarades d’études. L’histoire de cette start-up à succès est typique d’une caractéristique qui rend l’EHL attractive au-delà de l’orientation pratique et du développement de la personnalité: un networking des plus efficaces. Celui-ci ne se contente pas d’exploiter un réseau d’anciens élèves qui n’a pas son pareil, mais aussi ce que Rémi Chadel appelle un «capital social extrêmement précieux». Entre les étudiants et leurs familles se sont tissés des microré-seaux sur lesquels il sera possible de compter plus tard, même dans la vie professionnelle. «Lorsque le propriétaire d’un hôtel recherche un nouveau directeur général pour l’un de ses établissements, il regarde d’abord parmi les camarades d’études de sa fille ou de son fils.» Une enquête menée auprès des étudiants a aussi montré que les avantages du réseau pour la recherche d’un emploi constituaient le deuxième motif, par ordre d’importance, pour fréquenter l’EHL. La réputation figurait à la première place.

«Nous travaillons tout d’abord au développement de la personnalité des étudiants»,

explique Michel Rochat, qui dirige depuis 2010 l’École hôte-lière de Lausanne. «Puis nous développons leurs compétences professionnelles et, enfin, nous leur transmettons les techniques plus spécifiques de management.»

La compétence sociale est demandée sur le marché du travail: seuls 40% des étudiants de l’EHL travaillent dans la restauration et l’hôtellerie, les autres trouvent un emploi dans les secteurs banques, conseil ou commerce de luxe.

Travail pratique: dans la cuisine et au restaurant de l’école, les étudiants découvrent l’effet que cela fait de commencer tout en bas.

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L’entreprise zurichoise Open Systems est spécialisée dans la sécurité IT. Son CEO, Martin Bosshardt, explique pourquoi, dans le domaine extrêmement sensible des données, rien ne peut se faire sans la confiance, et pour-quoi le contrôle est malgré tout judicieux.

Monsieur Bosshardt, des entreprises et des organisations opérant partout dans le monde ont sous-traité le thème capital de la sécurité et de la disponibilité IT à Open Systems. La confiance que l’on vous accorde doit être énorme. Notre activité repose tout entière sur la confiance.

Un modèle d’affaires exigeant.Oui, car il est bien connu que l’on ne peut ni demander, ni acheter la confiance. Il faut la mériter. Et quand on l’a méritée, il faut en prendre très grand soin. Nous procédons conformément à la devise «La confiance c’est bien, le contrôle c’est mieux», et nous donnons à nos clients le contrôle sur tous les processus que nous exécutons pour eux. Nous documentons minutieusement ce que nous faisons pour un client et assurons ainsi la tra-çabilité.

Vous faire confiance signifie-t-il com-prendre ce que vous fournissez? Les pro-cès-verbaux suffisent-ils pour cela?Les procès-verbaux sont en tout cas une mesure importante pour instaurer la confiance! À mon avis, c’est la principale. La confiance sur laquelle nous nous appuyons

provient du fait que nous sommes sur la même longueur d’onde que nos clients.

Pour quelles prestations vos clients vous font-ils donc confiance?Pour la sécurité que, grâce à la technologie, nous apportons à leurs réseaux IT, et pour la disponibilité et le fonctionnement irrépro-chable de leur infrastructure de communica-tion, que nous garantissons 24 heures sur 24 partout dans le monde. Pour de nombreuses entreprises, la communication via Internet est devenue une partie essentielle de la création de valeur et la disponibilité per-manente des systèmes est tout simplement vitale. Nous sommes les spécialistes dans ce domaine. Nous connaissons les menaces et les tendances, et suivons aussi le rythme des évolutions technologiques. Les changements sont si rapides que la technologie doit être remplacée tous les deux ans pour ne pas être dépassée. Comme c’est quelque chose que nous pouvons proposer sous forme standardi-sée, il est plus avantageux pour la plupart des entreprises de maintenir leur infrastructure à jour en passant par notre intermédiaire que de le faire toutes seules.

Est-ce l’argument décisif?C’est un argument important, mais qui en soi ne nous amène pas un seul client car, même

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Martin Bosshardt (44 ans), CEO, membre du conseil d’ad-ministration et copropriétaire d’Open Systems, a fait ses études à l’EPF de Zurich et à l’Université Todai de Tokyo. Il a commencé sa carrière comme ingénieur électri-cien chez ABB, avant de travailler pour Futurecom Interactive, une société de conseil pour la com-munication numérique. Il est entré chez Open Systems en 2002.

Photos: Gerry Amstutz

«Nous formons presque une famille»

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pour nous, la technologie n’est qu’un moyen de parvenir au but. Notre travail consiste à en garantir le fonctionnement. Pour cela, nous dépendons aussi des matériels et logiciels, c’est évident, mais bien plus encore de nos collaborateurs.

Et comment garantissez-vous que vos collaborateurs n’abusent pas de la confiance accordée à Open Systems?Dans notre domaine, la gouvernance est primordiale. Ce n’est pas nous qui accordons l’accès, pas plus que nous ne le contrôlons nous-mêmes ensuite. Ce sont nos clients qui décident de la «policy»; notre travail consiste à l’appliquer et à la vérifier. Aucun de nos collaborateurs ne peut accéder à des données auxquelles il ne doit pas avoir accès sans que cela ne se sache. S’ajoute à ces instruments notre culture d’entreprise, notre proximité du personnel. Nous formons presque une famille.

Même dans les familles, on peut abuser de la confiance…Oui, mais une entreprise peut décider qui fait partie de la famille, ce qui n’est pas le cas dans les vraies familles. Nous sélection-nons tous nos collaborateurs avec le plus grand soin. Leurs connaissances techniques sont très précieuses, mais pour nous, il est au moins aussi important que le profil d’un nouveau collaborateur s’accorde avec celui des autres. Car, en dehors de notre succursale de Sydney, tous les collaborateurs travaillent sur le site de Zurich. Mais même à Sydney, les collaborateurs sont d’ici. Tous les quelques

peut déployer énormément d’efforts pour y garantir la sécurité, mais on ne peut pas bénéficier de synergies équivalentes car cela nécessite beaucoup plus de travail au centre pour augmenter non seulement l’efficacité, mais aussi la qualité.

Pourquoi ne pas avoir appelé Open Sys-tems «Secure Systems» – que signifie Open ici? En 1990, le fondateur, Florian Gutzwiller, a créé Open Systems sans plan concret, mais en étant clairement conscient du fait qu’Internet modifierait radicalement la manière dont les hommes communiqueraient entre eux car ils pourraient, tout d’un coup, tisser des réseaux les reliant dans le monde entier. Le mot d’ordre de l’époque était «systèmes ouverts». C’est l’origine de notre nom. Aujourd’hui, il représente notre programme: nous veillons à ce que l’infrastructure de communication de nos clients fonctionne, que les canaux soient ouverts et qu’ils puissent être exploités en toute sécurité. Nous sommes pour ainsi dire les murs de l’usine et les contrôles d’accès d’autrefois.

Existe-t-il des entreprises auxquelles vous ne proposeriez pas vos services?Nous nouons des relations avec chacune des entreprises pour lesquelles nous travaillons et notre réputation est étroitement liée à celle de nos clients. Nous examinons minutieuse-ment la situation d’une entreprise avant de décider de créer de nouvelles relations avec elle. Nous ne cherchons pas des clients à tout prix. Pour répondre concrètement à votre question: oui, nous ne travaillerions jamais pour certaines entreprises.

Intéressant. Pour lesquelles?Je ne veux pas me prononcer à ce sujet.

Qui prend ce genre de décisions? Nous. Open Systems appartient à trois action-naires: au fondateur et président Florian Gutzwiller, à mon collègue Goetz von Escher et à moi-même. Nous n’avons pas d’investis-seurs extérieurs ni d’obligations vis-à-vis de banques ou d’autres parties. Nous ne devons rendre de comptes à personne, sauf à nos clients et à nous-mêmes.

mois, nous envoyons une équipe de Zurich en Australie, où le site «has to follow the sun».

Pardon?Nous garantissons à nos clients l’accès perma-nent, 24 heures sur 24, à des collaborateurs hautement qualifiés. Exiger d’ingénieurs de très haut niveau qu’ils gèrent ici une infra-structure à quatre heures du matin serait difficile. En revanche, leur proposer Sydney pendant quelques mois est très séduisant.

Comment travaille-t-on concrètement chez Open Systems?Tout consiste à garantir le fonctionnement 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Nous travaillons dans des cubes, des espaces délimités par des parois en verre et pourvus d’une porte: celui ou celle qui doit se concentrer et tra-vailler dans le calme ferme cette porte. La complexité des problèmes est très grande et une concentration extrême est nécessaire. Cela serait impossible dans un grand bureau classique. Ce que nous appelons le Mission Control, deux grands cubes situés au centre du service, est la pièce maîtresse de notre entreprise. Nous y travaillons par roulement et en équipes, avec des rôles précisément définis. Les cubes reposent sur un petit socle illuminé en bleu, et parfois en rouge: dans ce cas, l’équipe ne doit sous aucun prétexte être dérangée.

Vos clients attendent de vous une protec-tion de leur infrastructure de communi-cation. Quel taux de protection pouvez-vous garantir? Pas 100% – la sécurité totale n’existe pas – mais le taux le plus élevé possible: beaucoup d’attaques de systèmes ne sont possibles que parce que ces systèmes sont mal entretenus. Il faut travailler en permanence sur l’infrastruc-ture d’un groupe, sinon elle se crible de trous, devient instable et vulnérable. Dès que les vulnérabilités sont connues, les attaques com-mencent. Une bonne maintenance est donc la meilleure des protections pour un système.

Quel rôle Open Systems joue-t-elle en la matière? Nous veillons à ce que le temps séparant la découverte d’une vulnérabilité de sa correc-tion soit le plus court possible.

Pouvez-vous être plus concret? Aujourd’hui, nous découvrons chaque jour 15 à 20 vulnérabilités pouvant être éliminées. Selon la nature du problème, nous pouvons le corriger en quelques minutes, mais cela peut aussi prendre des semaines.

À propos de l’élimination des vulnérabi-lités: Open Systems peut-elle avoir de l’in-fluence, par exemple sur les fabricants de logiciels?Maintenant oui, car nous avons grandi et il faut donc compter avec nous. Les fabri-cants savent que nous avons ici de très bons employés qui scrutent leurs produits.

Les risques venant de l’extérieur sont une chose. Comment diminuez-vous les risques internes à un système? Dans ce contexte, tout tourne autour du design du dispositif de sécurité. Il doit être conçu de manière à éviter toute interdépen-dance des différents éléments afin de pouvoir limiter et isoler les dommages. En informa-tique, les dommages véritablement impor-tants tiennent souvent au fait que l’on veut tirer le plus d’efficacité possible des systèmes. Qu’un système extrêmement efficace soit moins robuste est une loi fondamentale.

La fragilité est donc le prix de l’efficacité? Dans une infrastructure centralisée, il existe des dépendances par rapport au centre. On

Open Systems,fondée à Bâle en 1990 par Florian Gutzwiller, a aujourd’hui son siège à Zurich et des suc-cursales à Sydney et à New York. L’entreprise est spécialisée dans la sécurité IT, emploie plus de 70 spécialistes en informatique et est présente dans 176 pays au travers des clients pour lesquels elle travaille.

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«Les connaissances techniques sont très précieuses, mais pour nous, il est au moins aussi important que le profil d’un nouveau collaborateur s’accorde avec celui des autres.»

Le concept adopté pour les locaux du siège principal d’Open Systems allie les avan-tages d’un grand bureau au confort d’un bureau individuel.

Vous avez vous-même commencé à tra-vailler chez Open Systems en 2002, peu après l’éclatement de la bulle dot-com. C’était courageux. Avec l’éclatement de la bulle dot-com, il a fallu, pour Open Systems, effectuer un «retour à la case départ»: tout d’un coup, nous n’avions presque plus de clients. Mais nous avions une formidable infrastructure, tant en personnel que sur le plan technolo-gique. J’ai trouvé cela très attirant. Jusque-là, nous nous considérions aussi nous-mêmes comme une entreprise dot-com mais, ensuite, nous avons changé notre façon de voir les choses et commencé à gagner à nos idées et à nos services des entreprises d’horizons com-plètement différents. Cela a été un important travail de construction. Aujourd’hui, nos clients sont notre meilleure référence, pour revenir à la question posée au début de savoir pourquoi on nous fait confiance.

Vous avez dit que vous aviez mérité cette confiance. Comment avez-vous fait?La qualité est notre priorité absolue, non seulement à l’extérieur, mais aussi en interne. Nous avons donc également investi en interne de façon très volontaire, par exemple en concevant notre monde professionnel de manière qu’il nous convienne de A à Z et qu’il soit aussi adapté à ce que nous représentons. Nous portons également une grande atten-tion au choix de nos collaborateurs. Ils fonc-tionnent très bien entre eux en tant qu’équipe et cela n’a fait que s’améliorer au fil des ans, non seulement en termes de rentabilité, mais aussi de plaisir d’œuvrer ensemble.

La rentabilité concerne la marche des affaires, comment évolue celle-ci?Au cours de la dernière décennie, la crois-sance annuelle a été de 25 à 30%. C’était un peu plus simple quand nous étions encore petits. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 176 pays et nous sommes leader en Europe dans notre branche.

Existe-t-il des facteurs pouvant limiter la croissance à l’avenir?Je n’en vois pas.

The sky is the limit?Du point de vue actuel et sur ce marché, il serait dommage de penser le contraire.

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Robert Zoellick, qui a quitté en juin ses fonctions de président de la Banque mon-diale, à propos de la nécessité de stimuler la croissance mondiale et des initiatives que les entreprises peuvent mettre en place pour favoriser la compréhension et l’acceptation de leur rôle dans la société.Interview: Lucy Parker, Photo: Max Lautenschlaeger / VISUM

dossier confiance

Monsieur Zoellick, quelques mois après la fin de votre mandat, quelle est votre analyse de la situation mondiale?Le monde est en train de vaciller. Mais il vacille du bon côté, et les mesures exception-nelles de la Federal Reserve et de la Banque centrale européenne ont permis d’éliminer le risque de variations extrêmes du marché et de gagner un peu de temps dans l’optique de mesures ultérieures. Je pense que le temps qui a été gagné doit être utilisé pour défi-nir les aspects structurels de la croissance. D’après mon expérience, il est manifeste que de nombreux pays émergents, qui ont tra-versé les périodes mouvementées des années 1980 et 1990, ont davantage conscience de la nécessité de se concentrer sur les fondements de la croissance et de la productivité que les pays développés. Ces derniers ont misé, et c’est compréhensible, sur la stabilisation de la

situation macroéconomique, c’est-à-dire sur les instruments de politique fiscale et moné-taire. Or, s’il s’agit d’éléments importants qui peuvent remettre une économie sur les bons rails, ils ne sont pas suffisants. En effet, lorsque cette orientation échoue à générer de la croissance, les décideurs politiques sont tentés de recourir aux instruments qui sont à leur disponibilité – et cela entraînera pro-bablement une poursuite des mesures excep-tionnelles de politique monétaire. Je crains que cela ne soit un terrain fertile pour des problèmes futurs.

La Banque mondiale a pour objectif la diminution de la pauvreté et l’aide au développement. Quelle est l’importance du secteur privé à cet égard?Elle est absolument fondamentale. Et ce tant dans les pays développés que dans les pays en développement. L’un des principaux change-ments de notre époque, et il s’est imposé en peu de temps, c’est la progression des pays émergents. Ceux-ci ont généré deux tiers

Robert Zoellick (59 ans)a derrière lui une longue car-rière au sein de l’administration publique, en dernier lieu en tant que président du Groupe de la Banque mondiale, une institu-tion qui a été chargée, après la Deuxième Guerre mondiale, de stimuler le développement dans les pays les plus pauvres. Après avoir travaillé au sein de gouvernements républicains et démocrates aux États-Unis, Zoel-lick s’est fait un nom dans ses fonctions de représentant améri-cain au commerce en signant un nombre record d’accords de libre-échange au début des années 2000.

«Finalement, ce sont les actions qui comptent»

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de la croissance mondiale durant les cinq dernières années. Dans les pays émergents, le rôle du secteur privé est indiscutable; il convient d’en tirer profit et de prendre conscience qu’il est la base d’une producti-vité accrue, une source d’innovation et une machine à créer des emplois. Face à une crise, la politique publique peut instaurer des règles du jeu plus justes pour assurer le caractère équitable du marché, mais rien ne remplace la dynamique du secteur privé.

D’aucuns affirment que ce sont juste-ment les entreprises qui constituent un problème dans les pays en développe-ment. Est-ce également votre avis?Non. Je pense que les pays en développement font preuve d’un pragmatisme sans conces-sion pour évaluer ce qui fonctionne. Ainsi, certaines barrières idéologiques auxquelles se heurte le monde développé tombent plus rapidement dans les pays en développe-ment. Prenons un exemple. Si l’on observe le modèle de développement performant des pays est-asiatiques au cours des 30 à 40 dernières années, on remarque que leur défi consistait notamment à s’arrimer aux chaînes d’approvisionnement et aux cycles logistiques de groupes multinationaux. Ce n’est pas seulement une question d’accès au marché, mais aussi de transfert de connaissances et de technologie, qui est essentielle pour renforcer la productivité. Et ce n’est pas seulement une question de machines, mais aussi de savoir-faire pour améliorer la productivité des tra-vailleurs en les intégrant dans des systèmes plus efficaces. J’en conclus que l’entreprise n’est pas une partie du problème, mais bien la pièce centrale de la solution.

Comment les entreprises peuvent-elles réagir face à une opinion publique défa-vorable?Ma perspective est celle d’un cadre dirigeant, car je me suis également intéressé à cette question dans mes fonctions à la Banque mondiale. Nous ne sommes pas une société

d’actionnaires privés, mais nous générons des recettes que nous réinvestissons dans l’institution, et nous sommes une très grande institution. Nous avons donc également dû faire face au mouvement altermondialiste. Je pense que la clé réside dans une attitude plus rigoureuse des entreprises et des organisa-tions dans leur stratégie de création de valeur ajoutée.Elles doivent en outre faire preuve d’ouver-ture dans leurs discussions avec leurs détrac-teurs. Il est important que les entreprises incluent leurs travailleurs et, à travers eux, la communauté, dans le rôle qu’elles jouent dans la société. Parfois, il leur est également nécessaire d’admettre le caractère impératif du changement. Leur façon d’aborder ce changement aura un impact sur la valeur de leur marque, ainsi que sur leur réputation à l’international. Il arrive que les entreprises réduisent cette transition à un simple exercice de relations publiques. Je ne suis pas d’accord. La création de valeur ajoutée doit faire partie intégrante de leur compréhension du rôle qui est le leur dans la société et pour leurs actionnaires. J’estime personnellement que les entreprises apportent diverses formes de valeur ajoutée à leurs actionnaires, leurs collaborateurs, leurs communautés et leurs consommateurs, mais peut-être différemment d’il y a 50 ans. Je pense qu’elles doivent être plus actives aujourd’hui à s’engager en faveur du change-ment et à l’expliquer aux autres.

Comment les entreprises peuvent-elles faire la publicité de leur création de valeur?À la Banque mondiale, j’ai essayé de promou-voir ce que nous appelons le «développe-ment démocratisé». Nous avons commencé à rendre nos informations accessibles, à construire des réseaux et des partenariats, et à faire fonction de catalyseur dans notre collaboration extérieure. Lors de mes débuts, il y a cinq ans, de nombreux groupes de pro-tection de l’environnement considéraient la Banque mondiale comme un obstacle. Aujourd’hui, je pense qu’ils voient en elle un partenaire qu’ils apprécient. Lorsque nous collaborons sur un thème, ils sont satisfaits

de la contribution que nous pouvons appor-ter. Ce type de relation demande toutefois l’établissement d’un rapport de confiance.

Vous voulez dire que la construction consciente de relations devient au fil du temps la clé de la confiance?Il s’agit de relations, mais cela va aussi au-delà. D’aucuns pensent peut-être qu’il suffit de dialoguer avec les autres, de maintenir un contact amical. Mais finalement, ce sont les actions qui comptent. Et il est également important de communiquer franchement sur ce que l’on fait moins bien. Il convient d’adop-ter une attitude ouverte à la critique et à la discussion. Certaines entreprises commettent l’erreur de penser qu’il n’existe que deux pos-sibilités de réaction face à leurs détracteurs, à savoir céder aux critiques ou tenter de les séduire. Or, un désaccord doit se régler à tra-vers une discussion réfléchie et la confronta-tion d’arguments probants.

Nous vivons dans une société globale, mais aussi dans une société de plus en plus ouverte...En effet. Même dans des pays à régime auto-ritaire, les gens réfléchissent à la prise en compte de l’environnement dans les entre-prises et au traitement réservé aux travail-leurs. Un cadre dirigeant doit par conséquent avoir une vision pluridimensionnelle de tous les enjeux.

Est-ce compatible avec la création de valeur actionnariale?Je pense qu’il est de la responsabilité de tout cadre dirigeant moderne de prendre ces questions en considération. Je n’affirme pas que l’on doit perdre de vue les notions fonda-mentales de performance, les coûts, la satis-faction des clients et la rentabilité. Mais vous porteriez à votre marque un grand préjudice

mondial – qui serait très long à réparer! – si vous négligiez tous ces thèmes. En effet, l’im-portance de ces questions ne cesse de croître dans le cadre des relations avec les clients, les fournisseurs, le monde politique ainsi que dans les réglementations légales. Même dans un modèle traditionnel de valeur actionna-riale, elles jouent un rôle important.

Quelle est l’incidence de ces changements sur les institutions internationales, par exemple la Banque mondiale?Je suis arrivé dans une institution qui devait faire face à une crise. Nous étions dans une période de mutation marquée par une crise alimentaire, énergétique et financière. Cette situation nous a contraints d’intensifier nos efforts. Durant mon mandat, j’ai eu pour mis-sion de moderniser l’institution. Cela consis-tait par exemple à apporter des changements en matière de planification des ressources humaines, à relocaliser nos activités, à gérer les procédures de vote. Dans une certaine mesure, nous sommes comme un groupe multinational qui accumule des expériences à travers le monde et les adapte aux conditions locales. Le spectre s’étend ainsi de la Chine – qui présente un très bon exemple de dévelop-pement et attend essentiellement de nous que nous examinions avec elle les changements structurels dont elle aura besoin pour les 30 prochaines années – au Libéria et à l’Afgha-nistan, des pays qui ont traversé un conflit et ont besoin des ressources les plus fondamen-tales. Nous devons donc nous adapter aux spécificités de chacun.

Quel était le concept de cette modernisa-tion?Il s’agissait tout d’abord de prendre conscience que les pays en développement sont des clients. Nous n’arrivons pas avec la science infuse d’universitaires d’élite et d’économistes du développement, mais nous essayons de comprendre nos clients et de résoudre des problèmes. L’objectif était non seulement d’analyser la situation en question,

mais aussi de s’attaquer réellement au pro-blème. Ensuite se posait la question de savoir comment nous pouvons mobiliser efficace-ment notre expertise financière et nos rela-tions avec les pays en développement pour être un partenaire de qualité au sein d’un réseau composé d’acteurs les plus divers – des fonds de pension à des organisations liées aux Nations Unies. La troisième partie de ce processus consistait à favoriser une ouverture générale de l’institution à travers une nou-velle politique d’information et une politique ouverte en matière de données, de manière à faire évoluer notre réputation extérieure. Je suis fermement convaincu que nous devons nous concentrer sur les résultats. C’est pour-quoi nous devons essayer, dans le cadre du volet final de cette modernisation, d’évaluer ce que nous avons accompli. Cette dernière étape est plus compliquée dans une organi-sation du secteur public que dans une entre-prise privée, car le secteur privé est piloté par des résultats en termes de bénéfice.

Vous avez dirigé la Banque mondiale pen-dant cinq ans. Qu’adviendra-t-il au cours des cinq prochaines années?Je dois établir un constat: ce qui était considéré il y a encore douze ans comme un échange de connaissances Nord-Sud se transforme progressivement en un échange Sud-Sud. J’espère que le Nord se rendra compte qu’il y a également certaines choses à apprendre dans le sens Sud-Nord. Il y a beau-coup d’innovations et d’idées intéressantes dans les pays émergents, et celles-ci peuvent non seulement profiter à d’autres pays en développement, mais aussi aux pays dévelop-pés.

Cette interview a été initialement publiée dans la «Brunswick Review», www.brunswickgroup.com.

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Les pays en développe-ment ont généré deux tiers de la croissance mondiale durant les cinq dernières années.

«Nous n’arrivons pas avec la science infuse d’universitaires d’élite et d’économistes du développement, mais nous essayons de comprendre nos clients et de résoudre des problèmes.»

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«L’avenir est en Asie»Felix Sutter a vécu de nombreuses années à Pékin et à Sin-gapour et il a été vice-président de la Chambre de commerce Suisse-Chine. Aujourd’hui, cet associé de PwC fait la navette entre l’Extrême-Orient et la Suisse. Sa spécialité: le conseil en stratégie pour les entreprises désireuses de réussir sur le mar-ché asiatique.

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Pour moi, métaphoriquement parlant, il existe deux fenêtres avec vue: par la pre-mière, je regarde l’espace asiatique depuis la Suisse et, par la seconde, je regarde la Suisse depuis l’espace asiatique. Les deux points de vue me sont familiers. Je me sens chez moi dans les deux environnements. Mon épouse est originaire de Pékin et nous avons vécu dans cette ville. Pour moi, cela a été une chance exceptionnelle de découvrir vraiment la culture locale. Nous vivions avec les Chinois – et non dans l’un de ces quartiers résidentiels pour expatriés –, j’avais appris un peu de mandarin et pouvais me déplacer dans le pays sans interprète. Pendant cinq ans, j’ai conseillé des entre-prises chinoises qui, pour être cotées en bourse aux États-Unis, devaient disposer de systèmes de contrôle interne conformes à la loi Sarbanes-Oxley. À cette époque, l’équipe PwC chargée de ce projet en Chine est pas-sée de 150 à 600 collaborateurs. Quand on déploie en Chine une stratégie de croissance, on apprend à négocier avec les autorités. Je tire aujourd’hui profit de ces expériences.

Je me suis maintenant spécialisé dans le conseil en stratégie pour les entreprises qui veulent exploiter avec succès en Asie des modèles d’affaires pour l’espace asiatique. Parmi ces entreprises, nombreuses sont celles qui ont leur siège social en Suisse. J’ai donc transféré mon lieu de travail à Zurich pour être plus proche des décideurs. Pour créer un secteur d’activités en Extrême-Orient, il est capital d’avoir accès aux mar-chés des cadres dirigeants asiatiques. En raison du décalage horaire et des différences

culturelles, il est impossible de gérer une affaire à distance. Ajoutons à cela que nous n’avons en Suisse aucune idée du dynamisme qui règne en Asie: le rythme est incroyable, et il se maintient sans faiblir 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les gens sont motivés, ils ont faim de réussite, ils travaillent davantage, mais ils sont (encore) moins efficaces que nous. Par rapport à l’Europe, les besoins sont complète-ment différents. Si l’on identifie et analyse ces besoins, il y a là, à mon avis, un potentiel considérable pour les entreprises suisses. Dans toute l’Asie, le «made in Switzerland» est considéré comme la quintessence du label de qualité. C’est surtout la classe moyenne émergente qui est intéressée par les produits haut de gamme, notamment dans les secteurs de la santé, de l’alimentation et du commerce de détail. Les Asiatiques font tout pour leurs enfants. Ici, la mention «Swiss recipe made in Singapore» exerce une grande force d’attraction. Les gens sont prêts à payer plus cher pour des produits de qualité qui, grâce au «made in Singapore», sont aussi politiquement corrects. Je vois également de grandes opportunités dans le transfert du savoir-faire, par exemple dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Pourquoi n’exporterions-nous pas nos remar-quables structures pour le dépistage, le traite-ment prophylactique et le suivi des maladies? Ou encore notre transmission du savoir et nos concepts de formation? Nous pourrions même commercialiser notre exotisme, par exemple sous forme de produits agricoles de niche, sans production de masse. Les possibilités sont nombreuses. Cela pour-rait stimuler l’économie chez nous et l’asseoir sur une base plus large. En effet, une chose est claire: la croissance a lieu en Asie, et tel sera encore le cas dans les années à venir.

Photos: Vera Hartmann

Le transfert du savoir-faire offre des opportunités, par exemple en matière de santé et d’éducation.

Échange d’expériences entre l’Europe et l’Extrême-Orient: les deux mondes lui sont familiers.

Le couple Sutter chez lui en Suisse et en Asie.

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Le secteur hôtelier Invité à se réinventer Page 27

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Total Tax ContributionLa contribution des entreprises à la collectivité Page 31

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