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Le manuel du généraliste 2 de l'antibiotique a l'antibiothérapie

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  • 1. Mieux prescrire les antibiotiques Prvenir le risque dun traitement inefficace dans les infections courantes Benot Schlemmer *Le mdecin a, par essence et par vocation, le souci de bienveillance lgard de son malade. Cest cette proccupation de bien faire pour un individu qui gouverne la majorit de ses actes et de ses prescriptions. Des proccupations de sant publique doivent aussi dsormais le guider. Le bilan a t fait, dans notre pays, dune volution proccupante des rsistances bactriennes aux antibiotiques, y compris parmi les espces bactriennes les plus banales, mais aussi dun usage excessif et dsordonn des antibiotiques, pchant en quantit comme en qualit. Il faut y remdier, dans le cadre dun vaste mouvement international de promotion du bon usage des antibiotiques. Les milieux vtrinaires sy attachent pour ce qui est de la sant animale et de lindustrie agro-alimentaire. Nous devons nous y attacher dans tous les aspects de nos divers mtiers en sant humaine. Un traitement peut tre inutile ; il peut aussi tre nuisible,pour lindividu, court ou long terme, mais aussi pour la collectivit, les sujets sains comme les malades de demain, du fait de limpact des antibiotiques sur les ores bactriennes endognes et les souches de portage. Il y a urgence, car la menace est relle de voir maintenant des pathologies courantes chapper lefcacit des traitements. Plus de 80 % des prescriptions antibiotiques se font en ville. Si lhpital doit aussi tablir des politiques antibiotiques matrises, la mdecine praticienne, ambulatoire, ne peut ignorer une ralit laquelle les mdecins, mais aussi les usagers doivent se familiariser. Les actuels checs de traitement dans certaines otites du nourrisson prludent, peut-tre dans un avenir proche, des impasses thrapeutiques dramatiques dans les mningites, les pneumonies ou dautres infections de pratique quotidienne. Rserver les antibiotiques aux seuls patients dont ltat le justie et donc mieux assurer les diagnostics, amliorer* Service de ranimation mdicale, Hpital Saint-Louis et Universit Paris-7, Prsident du Comit national de suivi du plan pour prserver lefficacit des antibiotiques, 75475 Paris Cedex 10. Ml : [email protected]

2. la qualit des traitements par le choix des antibiotiques les plus adapts chaque situation, le respect des doses efcaces et des dures de traitement, cest assurer une matrise de lantibiothrapie qui prserve pour lavenir lefcacit de ces mdicaments irremplaables. Bien des professionnels, alerts depuis plusieurs annes, en sont maintenant bien convaincus. Il faut cependant encore assurer la sensibilisation de tous, la formation initiale et continue, dvelopper les outils daide la prescription, mettre en place dans notre pays les indispensables outils de surveillance des consommations antibiotiques, des diagnostics qui y sont relis et de lvolution des rsistances bactriennes aux antibiotiques. Lobjectif du Plan national daction pour prserver lefcacit des antibiotiques est de rduire de moiti les prescriptions antibiotiques inutiles, et de contribuer une diminution sensible de la rsistance bactrienne aux antibiotiques.Il sagit dun vritable enjeu de sant publique. Il trouvera son cho dans la future loi de sant publique, actuellement en prparation. Il est laffaire de tous : des professionnels de sant bien sr, mais aussi des usagers. Leurs comportements, particulirement vis--vis des enfants et des nourrissons, et vis--vis des infections otorhino-larynges et respiratoires qui motivent, souvent tort, 4 prescriptions antibiotiques sur 5, doivent faire lobjet dune vritable campagne grand public de sensibilisation et dducation au bon usage des antibiotiques . Tous les relais doivent y contribuer. Puissions-nous, par les donnes rassembles dans ce numro de La Revue du Praticien, aider un peu plus encore nos confrres et leur fournir les rponses aux questions quils se posent encore, comme celles aux questions qui leur sont poses quotidiennement, sur la vre, linfection, les bactries et les antibiotiques BMieux prescrire les antibiotiques : le rpertoire RECOMMANDATIONS, RAPPORTS DEXPERTSAFSSAPS www.afssaps.fr B Le Rpertoire de mdicaments gnriques, mis jour le 27 juillet 2003, est accessible la rubrique Documentation et publication par ordre alphabtique et en classification ATC ou http://agmed.sante.gouv.fr/ pdf/5/alpha.pdf et http://agmed.sante.gouv.fr/ pdf/5/atc.pdf B En juin 2003, la rvaluation des mdicaments vise ORL (utiliss par voie nasale ou sinusienne), mene par lAfssaps, a donn lieu une mise jour de la Matrise du risque de rsistance bactrienne pour des antibiotiques administrs par voie nasale. La lettre adresse aux professionnels de sant et la liste des mdicaments concerns (ce travail a conclu leur absence dintrtthrapeutique et conduit leur retrait du march le 30 juin 2003) sont en ligne ladresse (http://agmed. sante. gouv.fr/htm/11/11000.htm). B En janvier 2003 lAfssaps a publi une mise jour des Recommandations de bonne pratique de lantibiothrapie par voie gnrale en pratique courante concernant des textes de 1999, 2001 et 2002 : Infections respiratoires basses de ladulte ; Angine. Exacerbations de bronchite chronique ; Otite moyenne aigu ; Sinusite aigu de lenfant ; Sinusite aigu de ladulte ; Infections respiratoires basses de lenfant. Rhinopharyngite aigu. Ces textes sont accessibles ladresse (http://agmed. sante.gouv.fr/htm/5/rbp/ antibio.htm). B la rubrique Documentation et publications de lAfssaps se trouventaussi diffrents rapports (http://agmed. sante.gouv. fr/htm/5/5000.htm) : tude de la prescription et de la consommation des antibiotiques en ambulatoire (http://agmed.sante.gouv.fr /pdf/5/5013.pdf) et tude sur la dispensation des antiobiotiques dans les tablissements de sant (janv. 2002).ANAES www.anaes.fr la rubrique Publications puis Infectiologie, diffrents rapports sont consultables en ligne ; parmi eux les plus rcents sont : B Infections nosocomiales : comment interprter les taux ? Lexemple des infections du site opratoire (mars 2003). B Les pneumonies aigus communautaires (dc.2001).DGS www.gouv.sante.fr Sur ce site, le mot antibiotique dans lacase Recherche directe donne accs de nombreux documents, guides et recommandations, plans nationaux et autres bulletins officiels ayant trait lantibiothrapie et aux infections nosocomiales. Taper DGS , dans cette mme case de recherche directe, permet de trouver en page daccueil de nombreux rapports DHOS/DGS. Le 2e rapport prsent ce jour (8/10/03) est celui sur la Surveillance microbiologique de lenvironnement dans les tablissements de sant. Air, eaux et surfaces (ministre charg de la Sant, DGS/ DHOS, CTIN, 2002). Avant de le consulter, cliquer sur Documents semblables ( droite sous lintitul de ce rapport) et vous dcouvrirez tous les rapports concernant linfectiologie (hygine, lgionellose, scurit (Suite p. 1571) sanitaire). 3. Utilisation des antibiotiques: excs et consquences Malgr toutes les rgles de bon usage, la prescription des antibiotiques a doubl en France ces 20 dernires annes favorisant, fortement le dveloppement des rsistances bactriennes. Est-il vraiment possible dinverser la tendance et de rduire le nombre de prescriptions inadaptes ?Patrick Choutet*Le bon usage des antibiotiques se dfinit comme un traitement ayant une efcacit optimale, une bonne tolrance, des consquences cologiques les plus rduites possible et un cot acceptable par la socit. Or tous ces impratifs concilier rendent en pratique le bon usage des antibiotiques particulirement difcile. Malgr ou cause de cette difcult, lutilisation des antibiotiques en France est excessive. La comparaison avec lutilisation dans les autres pays europens,1 la frquence dutilisation dans des infections virales, le msusage, notamment en terme de dure de traitement, en apportent facilement la preuve. Or les liens entre consommation des antibiotiques et rsistance bactrienne sont bien prouvs.2 LUSAGE DES ANTIBIOTIQUES EST TROP IMPORTANTLa France fait partie des pays les plus forts consommateurs dantibiotiques.1, 3-5 En 20 ans le nombre des prescriptions antibiotiques a plus que doubl. En 2002, il y a eu 75 millions de prescriptions ambulatoires dantibiotiques et 560 millions de journes de traitement. Parmices prescriptions antibiotiques, 79 % concernaient les infections oto-rhino-larynges (ORL) et broncho-pulmonaires. Les prescriptions antibiotiques pour 1 000 habitants taient en 1993 de 1 700 pour lEspagne, de 1 300 pour la France, de 1 100 pour la Grande-Bretagne, de 1 000 pour lItalie, de 600 pour lAllemagne (RFA). Les ventes extrahospitalires des antibiotiques en France pour 1 000 habitants taient, en 1997, 4 fois plus importantes quaux Pays-Bas, le triple de celles du Danemark, de Sude ou dAllemagne. La prvalence globale des prescriptions apparat lie celle de lutilisation des antibiotiques dans les infections ORL (53 % en France, 47 % en Espagne, 38 % en Grande-Bretagne, 30 % en Allemagne). Cette utilisation en ORL concerne pour une grande part des infections virales ne justiant pas a priori dantibiotique : 50 % des rhino-pharyngites et des laryngites/trachites, plus de 80 % des bronchites aigus du sujet jeune sont traites inutilement par des antibiotiques. En labsence de test de diagnostic rapide du streptocoque (TDR), une antibiothrapie est prescrite dans 93 % des angines aigus. lhpital, les enqutes rapportent une prvalence de 25 30 % de malades recevant une antibiothrapie titre* Service des maladies infectieuses, centre hospitalier universitaire Bretonneau, 37044 Tours Cedex. Ml : [email protected] 4. MIEUX PRESCRIRE LES ANTIBIOTIQUES E XC S E T CO N S Q U E N C E S D E L E U R U T I L I SAT I O Ncuratif ou en antibioprophylaxie.6, 7 Le nombre de journes de traitement y a t estim, en 1999, 40 millions. POURQUOI CET EXCS DUTILISATION ? Les raisons sont multiples. Elles impliquent les prescripteurs mais aussi les malades. Les antibiotiques reprsentent lexemple mme du pouvoir de gurison du mdecin qui a contribu la rduction de la mortalit par maladies infectieuses et laugmentation de lesprance de vie depuis moins dun sicle. De plus, les proprits intrinsques des antibiotiques et la dure habituellement courte des traitements leur donnent souvent une image de facilit de prescription, de bonne tolrance apparente. Aucune qualication spcique nest requise pour prescrire un traitement antibiotique. Le traitement et la prvention des infections sont des motifs frquents de consultation et dhospitalisation et concernent toutes les spcialits mdicales. Les prescripteurs dantibiotiques sont de ce fait nombreux et divers, et leur expertise en infectiologie clinique est trs ingale.Effet de la rduction dutilisation des antibiotiques sur la rsistance: une exprienceEn Finlande, la frquence des souches de streptocoques du groupe A rsistants lrythromycine avait augment de 5 % en 1988 13 % en 1990. Pendant les annes 1980, avant laugmentation de cette rsistance, la consommation drythromycine avait tripl. Pour lutter contre ce phnomne, une recommandation nationale tait publie pour la rduction de lutilisation des macrolides dans les infections respiratoires et cutanes. La consommation de macrolides avait alors diminu de 2,4 doses dfinies journalires (DDD) pour 1 000 habitants en 1991 1,38 en 1992 et restait stable pendant la dure de ltude, jusquen 1996. Pendant la mme priode, la frquence des streptocoques du groupe A rsistants lrythromycine diminuait de 16,5 % en 1992 8,6 % en 1996. Ainsi la prescription de macrolides a chut de plus de 50 %, entranant une baisse denviron 50 % de la rsistance des streptocoques du groupe A ces antibiotiques. Cette observation montre bien que la matrise de la rsistance est possible mais ne permet pas de mesurer ce qui est attribuable leffet de la politique dusage des antibiotiques et des fluctuations pidmiques naturelles. Seppala H, Klaukka T, Vuopio-Varkila J and the Finnish Study Group for Antimicrobial Resistance. The effect of changes in the consumption of macrolide antibiotics on eythromycin resistance in group A streptococci in Finland. N Engl J Med 1997; 337: 441-6. Le nombre danti-infectieux disponibles est trs important et loffre croissante. De 1987 2000, 46 nouveaux antibiotiques ont t commercialiss en ville (reprsentant plus du tiers des prescriptions antibiotiques totales) et 11 lhpital. Ces nouveaux produits commercialiss nliminent cependant pas systmatiquement les produits anciens. Malgr les confrences de consensus, les recommandations de bonne pratique, les ches de transparence et les ouvrages pdagogiques des socits savantes, la dcision dans une situation mdicale donne reste difcile, ne sappuyant pas toujours sur des accords professionnels forts ou sur des propositions simples. De plus linnovation thrapeutique (volutivit du march) et la plasticit bactrienne (volution des rsistances) rendent le concept de bon usage lui aussi volutif et non universel. Un rapport de 1998 sur la prescription et la consommation des antibiotiques en mdecine ambulatoire de lObservatoire national des prescriptions et consommations des mdicaments (Agence du mdicament - Afssaps) montre bien que laugmentation du nombre des prescriptions antibiotiques est en grande partie lie laugmentation du nombre des consultations (+ 45 % pour les rhinopharyngites et + 39 % pour les bronchites de lenfant en 10 ans, de 1984 1995) et laugmentation parallle du taux de prescriptions antibiotiques dans les infections respiratoires (par exemple de 43 54 % pour les rhinopharyngites sur la mme priode). CONSQUENCES INDIVIDUELLES Les antibiotiques, comme tout mdicament, exposent au risque deffets indsirables plus ou moins vitables, mais, surtout, ont un impact sur lcologie bactrienne.8, 9 la diffrence des effets indsirables classiques (toxicit dorgane, allergie) qui sont des consquences court terme, lamplication des rsistances bactriennes aux antibiotiques est un effet indsirable dont les consquences sont court, moyen et long termes, justiant pleinement son appellation dimpact cologique. La slection de bactries rsistantes est un effet inluctable de lutilisation des antibiotiques chez un malade et implique de nombreux facteurs: les bactries (sensibilit intrinsque aux antibiotiques, prsence avant traitement dun bas niveau de rsistance acquise ou naturelle, taille de la population), lantibiotique (sa pharmacocintique et sa pharmacodynamie, les concentrations dantibiotique au contact de la population bactrienne au site de linfection ou des ores commensales, la dure dutilisation) et le couple bactries/antibiotique (frquence de rsistance, mutation); le site des bactries (foyer infectieux ou ores commensales) et les possibilits de drainage; en effet, le risque de slection de mutants rsistants concerne les bactries 5. volution des rsistances de Streptococcus pneumoni et de Staphylococcus aureus STREPTOCOCCUS PNEUMONI Diminution de sensibilit Pnicilline Macrolides Fluoroquinolones Cotrimoxazole TtracyclinesDate de dtectionPays1967 1967 1994Australie tats-Unis Canada% France 2000 adulte / enfant 39 / 52 47 / 65