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7. Crise de la lecture ? Le marché du livre confronté à la « crise de la lecture » Par Nicole Vulser – Publié le 10 janvier 2018 http://www.lemonde.fr/livres/article/2018/01/11/le-marche-du-livre-confronte-a-la-crise-de-la-lecture_5240107_3260.html Contexte électoral peu favorable, cristallisation des ventes sur les prix littéraires, concurrence des séries télévisées... En 2017, le secteur de l’édition a souffert. Lourds nuages, houle énorme, c’est sur une mer bien hostile que les éditeurs français ont dû naviguer en 2017. « Le premier semestre s’est révélé apocalyptique », affirme l’éditrice Héloïse d’Ormesson, patronne de la maison du même nom. « Désastreux », selon Pierre Conte, directeur général du groupe Editis (Robert Laffont, Plon, Belfond, La Découverte…). « Horribilis », aux yeux de Sébastien Rouault, directeur du panel Livres de l’institut d’études de marché GFK, selon qui « le marché a chuté de 6 % en volume comme en chiffre d’affaires au cours des six premiers mois, du jamais- vu ». [..] Trou d’air Les rebondissements qui ont scandé sans relâche la campagne électorale, des primaires de novembre 2016 aux législatives de juin 2017, expliquent largement le grave trou d’air des six premiers mois de 2017. « La fiction avait lieu dans la réalité, in vivo, de façon invraisemblable, si bien que le public est resté englué devant sa télévision », explique Olivier Nora, PDG des éditions Grasset (groupe Hachette Livre). « Le contexte électoral et le “Penelopegate” ont détraqué la fréquentation en librairies », ajoute Bertrand Py, directeur éditorial d’Actes Sud. Si, historiquement, les années d’élection présidentielle sont toujours mauvaises pour l’édition, ce cru s’est révélé particulièrement dévastateur. « Des livres mort-nés » […] A ces aléas s’ajoute un faisceau de phénomènes structurels qui fragilisent chaque année davantage l’édition française. « Ce décrochage brutal sonne comme une sommation », tranche Jean-Guy Boin, directeur général du Bureau international de l’édition française (BIEF). « Les comportements de lecture changent et ne s’expliquent pas uniquement par des facteurs conjoncturels », dit-il. En premier lieu, la bipolarisation du secteur s’accélère avec, d’un côté « de moins en moins de références qui se vendent de plus en plus et, de l’autre, de plus en plus de références qui se vendent de moins en moins », analyse Olivier Nora. Derrière les baobabs que constituent les best-sellers, la déforestation générale se poursuit, ajoute-t-il. […] Les best-sellers, soutenus par d’énormes campagnes de marketing, réussissent à s’imposer dans la durée. A contrario, les échecs deviennent plus cruels pour bon nombre d’ouvrages destinés à un public plus exigeant. « On a vu cette année des livres mort- nés », déplore Sabine Wespieser, à la tête de sa maison d’édition indépendante. […] Un public qui devient myope D’où l’inévitable question : y a-t-il une surproduction de livres ? Cette avalanche de nouveautés – qui perturbe la mécanique des ventes mais permet aussi d’éditer de rares merveilles – n’épargne aucune catégorie. Ni les romans, ni les essais, ni les livres de cuisine… « La concurrence s’exacerbe même dans le polar. Toutes les maisons d’édition s’y sont lancées et rivalisent de façon saignante. Les morts sur le champ de bataille n’ont jamais été si nombreux », affirme Laurent Laffont, directeur général de JC Lattès. […] « Nous étions dans un marché de l’offre, on arrive dans un marché de la demande », prédit Vincent Monadé, président du Centre national du livre. Comme aux Etats-Unis, où Amazon impose le succès par les algorithmes. En raison d’un système d’entonnoir, le public devient myope, ne distingue plus rien hormis les best-sellers et les livres primés. « A la rentrée, après la sélection des libraires et des critiques, cinquante des 581 romans se sont détachés. Mais au final, on n’a parlé que de cinq titres. Ce filtre devient de plus en plus sévère », dit Sébastien Rouault. La concurrence des autres loisirs […] La concurrence entre la lecture et les autres loisirs est indéniable. « Le livre, déjà en concurrence avec le théâtre, les concerts et la télévision, affronte aussi le jeu vidéo, les réseaux sociaux, les séries… alors que le temps consacré aux loisirs reste le même », note Vincent Monadé. « Dans les dîners en ville, on parle davantage des séries que l’on a vues que des livres que l’on vient de lire », ajoute Laurent Laffont. La compétition s’envenime. « Force est de constater qu’un roman coûte le prix de deux mois d’abonnement à Netflix », dit Pierre Conte. L’arbitrage financier ne s’effectue plus forcément en faveur de la littérature. « On assiste à un changement de paradigme. La crise de la lecture n’est pas un vain mot », explique Sabine Wespieser. « Il n’y a plus de gros lecteurs, de ceux qui lisent tout Zola », déplore Claude de Saint-Vincent, directeur général de Média Participations. « Jadis, à 18 ans, on avait forcément lu Le Comte de Monte- Cristo. Aujourd’hui, les adolescents peuvent rester treize heures devant un écran à dévorer Le Bureau des légendes. » Et pour les plus jeunes, « l’utilisation du passé simple dans Le Club des Cinq, d’Enid Blyton, a été supprimée et l’histoire encore simplifiée », constate-t- il, en se demandant s’il faut hurler de rire ou en pleurer… « On n’a pas réussi à démontrer que le livre peut être sexy », regrette Vincent Monadé. C’est sans doute à cette tâche à la fois complexe et grisante que devront s’atteler les éditeurs, pour enfin redonner de l’appétit aux lecteurs.

Le marché du livre confronté à la « crise de la lecture

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Page 1: Le marché du livre confronté à la « crise de la lecture

7. Crise de la lecture ? Le marché du livre confronté à la « crise de la lecture » Par Nicole Vulser – Publié le 10 janvier 2018 http://www.lemonde.fr/livres/article/2018/01/11/le-marche-du-livre-confronte-a-la-crise-de-la-lecture_5240107_3260.html

Contexte électoral peu favorable, cristallisation des ventes sur les prix littéraires, concurrence des séries télévisées... En 2017, le secteur de l’édition a souffert.

Lourds nuages, houle énorme, c’est sur une mer bien hostile que les éditeurs français ont dû naviguer en 2017. « Le premier semestre s’est révélé apocalyptique », affirme l’éditrice Héloïse d’Ormesson, patronne de la maison du même nom. « Désastreux », selon Pierre Conte, directeur général du groupe Editis (Robert Laffont, Plon, Belfond, La Découverte…). « Horribilis », aux yeux de Sébastien Rouault, directeur du panel Livres de l’institut d’études de marché GFK, selon qui « le marché a chuté de 6 % en volume comme en chiffre d’affaires au cours des six premiers mois, du jamais-vu ». [..] Trou d’air

Les rebondissements qui ont scandé sans relâche la campagne électorale, des primaires de novembre 2016 aux législatives de juin 2017, expliquent largement le grave trou d’air des six premiers mois de 2017. « La fiction avait lieu dans la réalité, in vivo, de façon invraisemblable, si bien que le public est resté englué devant sa télévision », explique Olivier Nora, PDG des éditions Grasset (groupe Hachette Livre). « Le contexte électoral et le “Penelopegate” ont détraqué la fréquentation en librairies », ajoute Bertrand Py, directeur éditorial d’Actes Sud. Si, historiquement, les années d’élection présidentielle sont toujours mauvaises pour l’édition, ce cru s’est révélé particulièrement dévastateur.

« Des livres mort-nés » […] A ces aléas s’ajoute un faisceau

de phénomènes structurels qui fragilisent chaque année davantage l’édition française. « Ce décrochage brutal sonne comme une sommation », tranche Jean-Guy Boin, directeur général du Bureau international de l’édition française (BIEF). « Les comportements de lecture changent et

ne s’expliquent pas uniquement par des facteurs conjoncturels », dit-il.

En premier lieu, la bipolarisation du secteur s’accélère avec, d’un côté « de moins en moins de références qui se vendent de plus en plus et, de l’autre, de plus en plus de références qui se vendent de moins en moins », analyse Olivier Nora. Derrière les baobabs que constituent les best-sellers, la déforestation générale se poursuit, ajoute-t-il. […]

Les best-sellers, soutenus par d’énormes campagnes de marketing, réussissent à s’imposer dans la durée. A contrario, les échecs deviennent plus cruels pour bon nombre d’ouvrages destinés à un public plus exigeant. « On a vu cette année des livres mort-nés », déplore Sabine Wespieser, à la tête de sa maison d’édition indépendante. […] Un public qui devient myope

D’où l’inévitable question : y a-t-il une surproduction de livres ? Cette avalanche de nouveautés – qui perturbe la mécanique des ventes mais permet aussi d’éditer de rares merveilles – n’épargne aucune catégorie. Ni les romans, ni les essais, ni les livres de cuisine… « La concurrence s’exacerbe même dans le polar. Toutes les maisons d’édition s’y sont lancées et rivalisent de façon saignante. Les morts sur le champ de bataille n’ont jamais été si nombreux », affirme Laurent Laffont, directeur général de JC Lattès. […]

« Nous étions dans un marché de l’offre, on arrive dans un marché de la demande », prédit Vincent Monadé, président du Centre national du livre. Comme aux Etats-Unis, où Amazon impose le succès par les algorithmes. En raison d’un système d’entonnoir, le public devient myope, ne distingue plus rien hormis les best-sellers et les livres primés. « A la rentrée, après la sélection des libraires et des critiques, cinquante

des 581 romans se sont détachés. Mais au final, on n’a parlé que de cinq titres. Ce filtre devient de plus en plus sévère », dit Sébastien Rouault. La concurrence des autres loisirs

[…] La concurrence entre la lecture et les autres loisirs est indéniable. « Le livre, déjà en concurrence avec le théâtre, les concerts et la télévision, affronte aussi le jeu vidéo, les réseaux sociaux, les séries… alors que le temps consacré aux loisirs reste le même », note Vincent Monadé. « Dans les dîners en ville, on parle davantage des séries que l’on a vues que des livres que l’on vient de lire », ajoute Laurent Laffont. La compétition s’envenime. « Force est de constater qu’un roman coûte le prix de deux mois d’abonnement à Netflix », dit Pierre Conte. L’arbitrage financier ne s’effectue plus forcément en faveur de la littérature.

« On assiste à un changement de paradigme. La crise de la lecture n’est pas un vain mot », explique Sabine Wespieser. « Il n’y a plus de gros lecteurs, de ceux qui lisent tout Zola », déplore Claude de Saint-Vincent, directeur général de Média Participations. « Jadis, à 18 ans, on avait forcément lu Le Comte de Monte-Cristo. Aujourd’hui, les adolescents peuvent rester treize heures devant un écran à dévorer Le Bureau des légendes. »

Et pour les plus jeunes, « l’utilisation du passé simple dans Le Club des Cinq, d’Enid Blyton, a été supprimée et l’histoire encore simplifiée », constate-t-il, en se demandant s’il faut hurler de rire ou en pleurer… « On n’a pas réussi à démontrer que le livre peut être sexy », regrette Vincent Monadé. C’est sans doute à cette tâche à la fois complexe et grisante que devront s’atteler les éditeurs, pour enfin redonner de l’appétit aux lecteurs.

Page 2: Le marché du livre confronté à la « crise de la lecture

A) Lecture du texte et résumé

B) Problématiques - Quelles sont les causes de la chute du marché de 2017 ?

- Quelles sont les conséquences de la crise de la lecture ?

C) Dire autrement : l’expression de la cause et de la conséquence Conjonctions Prépositions +

substantif Mots de liaison

CAUSE

CONSÉQUENCE

La cause : exercices1

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1 DELATOUR, JENNEPIN, Cours de civilisation française de la Sorbonne (350 exercices de grammaire), Hachette, 1987, p.129.

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La conséquence : exercices2

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Exprimer les causes et conséquences des sujets suivants :

1. Les Français regardent de plus en plus de séries. 2. La campagne présidentielle de 2017 a passionné les Français. 3. Amazon monopolise le marché du livre. 4. Les adolescents passent de plus en plus de temps devant un écran. 5. Le passé simple commence à disparaitre de la littérature jeunesse.

D) Dire autrement : l’expression de la restriction De combien de livres a-t-on parlé à la rentrée ?

E) Dire autrement : l’expression du but

Conjonctions Prépositions + infinitif

2 Id, pp. 134-135.

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Exercices3

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Pourquoi est-il important de lire ? -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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F) Compréhension orale : 1. « Salon du livre : les Français amoureux de la lecture » (Diffusion : 24 mars 2017)4

À l'occasion du 37e Salon du livre, France 2 revient sur une étude consacrée aux amoureux de la lecture.

2. Librairies en liquidation: les Français lisent-ils toujours?5

G) Exprimer un point de vue : - Selon vous, la crise de la lecture s’observe-t-elle également en Italie ?

- Si oui, quelles en sont les causes et les conséquences ?

- Doit-on parler d’une « crise de la lecture » ou d’une « crise du livre » ? - Pourquoi et comment inciter les jeunes à lire?

3 Id, p.136. 4 https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/art-culture-edition/salon-du-livre-les-francais-amoureux-de-la-lecture_2112701.html 5 https://actu.orange.fr/societe/videos/librairies-en-liquidation-les-francais-lisent-ils-toujours-03-12-VID0000001npt0.html