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Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal 33 LE MINISTERE D’AVOCAT DANS LE CONTENTIEUX FISCAL Sami KRAIEM * Assistant à la Faculté de Droit de Sfax Sommaire I- Une évolution timide à travers le CDPF A- Caractère non obligatoire du ministère d’avocat d’après le texte initial du CDPF B- Consécration de l’obligation du ministère d’avocat par la loi du 6 mars 2006 II- Un régime dualiste en dehors du CDPF A- La faculté du ministère d’avocat B- L’obligation du ministère d’avocat ********** L’assistance d’un avocat lors des instances juridictionnelles est un procédé nécessaire tant pour orienter le justiciable que pour faciliter le travail du juge lui-même. De par sa profession qui consiste à donner des consultations juridiques, à représenter les justiciables, les assister et les défendre devant les juridictions, l’avocat contribue à l’instauration de la justice 1 . Dans le contentieux fiscal, la présence de l’avocat peut avoir une importance particulière et ce compte tenu de la particularité de cette branche du contentieux administratif 2 qui se caractérise par la * E-mail : [email protected] 1 Voir article premier et article 2 de la loi n°89-87 du 7 septembre 1989, portant organisation de la profession d’avocat, insérés sous le titre « De la profession d’avocat et de ses objectifs ». 2 Le Tribunal Administratif a affirmé que « … compte tenu de leur nature, les litiges fiscaux doivent être considérés comme faisant partie du contentieux administratif et donc exclus du domaine de la juridiction civile ». TA, Cass. N°95, 30 octobre 1980. Recueil des arrêts du Tribunal Administratif, 1980. p. 345. Voir dans le même sens, TA, Cass. N° 32763, 30 septembre 2002 (inédit).

LE MINISTERE D’AVOCAT DANS LE CONTENTIEUX FISCAL … · 2017-10-28 · Mais, l’attribution de la compétence dans le contentieux fiscal au juge judiciaire n’a pas empêché

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Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

33

LE MINISTERE D’AVOCAT DANS LE CONTENTIEUX FISCAL

Sami KRAIEM*

Assistant à la Faculté de Droit de Sfax

Sommaire

I- Une évolution timide à travers le CDPF

A- Caractère non obligatoire du ministère d’avocat d’après le texte initial du CDPF B- Consécration de l’obligation du ministère d’avocat par la loi du 6 mars 2006

II- Un régime dualiste en dehors du CDPF A- La faculté du ministère d’avocat B- L’obligation du ministère d’avocat

**********

L’assistance d’un avocat lors des instances juridictionnelles est un procédé nécessaire tant pour orienter le justiciable que pour faciliter le travail du juge lui-même. De par sa profession qui consiste à donner des consultations juridiques, à représenter les justiciables, les assister et les défendre devant les juridictions, l’avocat contribue à l’instauration de la justice1.

Dans le contentieux fiscal, la présence de l’avocat peut avoir une importance particulière et ce compte tenu de la particularité de cette branche du contentieux administratif2 qui se caractérise par la * E-mail : [email protected] 1 Voir article premier et article 2 de la loi n°89-87 du 7 septembre 1989, portant

organisation de la profession d’avocat, insérés sous le titre « De la profession d’avocat et de ses objectifs ».

2 Le Tribunal Administratif a affirmé que « … compte tenu de leur nature, les litiges fiscaux doivent être considérés comme faisant partie du contentieux administratif et donc exclus du domaine de la juridiction civile ». TA, Cass. N°95, 30 octobre 1980. Recueil des arrêts du Tribunal Administratif, 1980. p. 345. Voir dans le même sens, TA, Cass. N° 32763, 30 septembre 2002 (inédit).

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lourdeur de ses procédures et par la complexité de la matière fiscale objet de ce contentieux.

Du côté du justiciable, qui est généralement demandeur devant les juridictions fiscales de premier ressort, le recours aux services d’un avocat est une garantie pour le respect des différentes procédures et formalités exigées lors de la présentation de l’action devant le juge fiscal. La représentation du contribuable par un avocat constitue une garantie fondamentale en ce sens que l’avocat assure la défense du contribuable, d’autant plus que le litige fiscal se caractérise par un déséquilibre manifeste entre les parties. Ce litige met en présence le contribuable, le plus souvent un simple particulier, face à une administration qui, outre les prérogatives de puissance publique qui lui sont conférées, maîtrise généralement les techniques fiscales.

Du côté du juge, l’intervention de l’avocat dans le litige fiscal est d’une importance non négligeable. L’avocat peut contribuer à l’éclaircissement de l’objet du litige et à la détermination des prétentions du demandeur à l’action. Il peut également contribuer à la clarification des éléments de l’affaire et faciliter ainsi la mission du juge dans l’examen du litige.

En dépit de l’importance du rôle de l’avocat, le législateur tunisien ne semble pas, jusqu’à une date récente, avoir accordé un intérêt particulier au régime juridique du ministère d’avocat dans le contentieux fiscal.

D’une part, le législateur n’avait que rarement consacré l’obligation du ministère d’avocat. Il n’a dès lors pas contribué à l’émergence d’un corps d’avocats spécialisés en fiscalité.

D’autre part, le législateur a dispensé l’administration fiscale de l’obligation de se faire représenter par un avocat et ce quelle que soit l’étape de l’affaire fiscale et quel que soit le degré de la juridiction chargée de cette affaire. En effet, outre la non consécration à la charge de l’administration fiscale d’une obligation de ministère d’avocat lors des recours devant les juges de l’ordre judiciaire, le législateur a

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dispensé l’administration de se faire assister par un avocat lors de ses recours devant le Tribunal Administratif3.

L’adoption depuis l’année 2000 du code des droits et procédures fiscaux (CDPF) constitue certes un volet important dans le renforcement des garanties des justiciables, surtout à travers la consécration de leur droit de recourir aux tribunaux4. Mais, le législateur n’a pas consacré l’obligation du ministère d’avocat alors que le contentieux fiscal relève aujourd’hui de la compétence de la quasi-totalité des juridictions de l’ordre judiciaire. La non consécration de cette obligation, permettra de faire intervenir lors des litiges fiscaux d’autres professionnels n’ayant pas la qualité d’avocat, tels que les conseillers fiscaux5.

Dans ces conditions, le législateur tunisien a modifié le régime du ministère d’avocat dans le contentieux fiscal et ce à travers la loi du 6 mars 2006 portant modification de certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux6. En application des dispositions de cette loi, le ministère d’avocat est devenu obligatoire concernant certains litiges fiscaux. Cette modification devra dès lors renforcer le rôle de l’avocat dans le contentieux fiscal.

Toutefois, l’intervention du législateur par la loi du 6 mars 2006 n’a pas été décisive dans la consécration d’un régime unique concernant le ministère d’avocat lors des litiges fiscaux. Malgré leur champ d’application assez étendu, les dispositions du CDPF n’englobent pas toutes les branches du contentieux fiscal.

3 Selon l’article 33 de la loi n° 72-40 du 1er juin 1972, relative au Tribunal

Administratif, telle que modifiée par les lois subséquentes, « sont dispensés du ministère d’avocat devant tous les organes juridictionnels du tribunal administratif, les services administratifs représentés par le chef du contentieux de l’Etat ainsi que le ministère des finances en matière de contentieux fiscal ».

4 L’apport du CDPF consiste, essentiellement, dans la suppression des anciennes commissions spéciales de taxation d’office et l’attribution de leurs compétences aux tribunaux de première instance.

5 Durant les dernières années, un débat aigu s’est déclenché entre les avocats et les conseillers fiscaux concernant leur habilité à assister les justiciables devant le juge fiscal.

6 Loi n° 2006-11 du 6 mars 2006, portant modification de certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux (JORT, n° 20, 10 mars 2006, p. 1013).

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Certes, les dispositions du CDPF constituent aujourd’hui une référence de base en matière de contentieux fiscal. Mais, ce code ne constitue pas la référence unique en la matière. Les textes juridiques relatifs au contentieux fiscal demeurent éparpillés. Cet éparpillement rend difficile la démarche à suivre pour savoir le régime du ministère d’avocat. Il convient dès lors de savoir dans quelle mesure les dispositions relatives au ministère d’avocat, y compris celles apportées par la loi du 6 mars 2006, ont contribué au renforcement des garanties du justiciable devant le juge et ce afin d’assurer le bon fonctionnement de la justice fiscale.

La lecture des différentes dispositions relatives aux diverses branches du contentieux fiscal aussi bien celles relevant de la compétence du juge de l’ordre judiciaire, en tant que juge du fond, que celles relevant de la compétence du juge administratif, en tant que juge de cassation, révèle l’hétérogénéité du régime du ministère d’avocat dans le contentieux fiscal. Un régime déterminé par divers textes juridiques à travers lesquels le législateur n’a pas adopté une position uniforme sur le caractère obligatoire du ministère d’avocat. Cette hétérogénéité apparaît à travers l’évolution timide du régime du ministère d’avocat tel qu’organisé par le CDPF (I) et à travers la dualité de ce régime en dehors du CDPF (II).

I- UNE EVOLUTION TIMIDE A TRAVERS LE CDPF Le CDPF tel qu’adopté en 2000, ne contient pas de

dispositions expresses relatives au ministère d’avocat dans les litiges fiscaux régis par ce code. Mais, la lecture des dispositions insérées dans ledit code qui concernent les formalités et les procédures contentieuses, permet de constater que le législateur n’a pas consacré l’obligation du ministère d’avocat (A). Ce n’est qu’à partir de la modification apportée par la loi du 6 mars 2006, que le législateur a rendu obligatoire le ministère d’avocat, mais uniquement pour certains litiges fiscaux régis par le CDPF (B).

A- Caractère non obligatoire du ministère d’avocat dans le texte initial du CDPF

Le CDPF a apporté des modifications profondes au régime du contentieux fiscal en Tunisie. L’essentiel de ces modifications consiste dans la suppression des anciennes commissions de taxation d’office et

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le transfert de leurs compétences aux tribunaux de première instance. Mais, l’attribution de la compétence dans le contentieux fiscal au juge judiciaire n’a pas empêché le législateur de soumettre les procédures et les formalités de recours devant le juge à certaines règles particulières différentes de celles consacrées par le CPCC. Parmi les particularités procédurales du CDPF, celle de la non consécration de l’obligation du ministère d’avocat a été la plus importante quant à ses effets7.

Devant le tribunal de première instance, l’article 55 du CDPF prévoit que « le recours, formé contre les services de l’administration fiscale, est porté devant le tribunal de première instance … au moyen d’une requête écrite établie par le contribuable ou par un mandataire désigné à cet effet conformément à la loi… ». Il en découle que l’action devant le tribunal de première instance peut être entamée sans que le contribuable ne soit tenu de se faire représenter par un avocat. La solution adoptée par le législateur dans l’article 55 du CDPF s’écarte de la règle posée par le CPCC en vertu de laquelle le recours devant le tribunal de première instance doit être fait par requête établie par un avocat. Selon l’article 68 du CPCC « le ministère d’avocat est obligatoire devant le tribunal de première instance, sauf en matière de statut personnel ». Cette obligation a été rappelée par les dispositions de l’article 69 du même code ayant prévu expressément que « le tribunal de première instance est saisi par requête écrite présentée par l’avocat du demandeur… ».

Pour le recours devant la cour d’appel, les dispositions du second paragraphe de l’article 67 initial du CDPF ont prévu que « l’appel est interjeté au moyen d’une requête écrite rédigée par l’appelant ou par un mandataire désigné à cet effet conformément à la loi »8. Ces dispositions apportaient ainsi une dérogation à la règle de procédure prévue par l’article 130 du CPCC en vertu duquel le

7 Voir : Taoufik BACCAR, alors ministre des finances, « Le code de procédures

et des obligations fiscales : l’accomplissement d’une réforme », L’économiste maghrébin, n° 267, du 16 au 30 août 2000, p.19.

8 Dans ce cas le mandat est soumis aux dispositions des articles 1104 et s. du COC. A ce sujet, l’administration fiscale a affirmé dans sa note commune n° 9/2002 que « tout mandataire désigné, à l’exception de l’avocat, doit avoir un mandat écrit pour représenter le contribuable en justice».

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législateur a exigé que « l’appel est interjeté au moyen d’une requête écrite déposée par l’avocat de l’appelant au greffe de la juridiction d’appel compétente ».

Il y a lieu de remarquer que les dispositions insérées dans les articles 55 et 67 du CDPF ne constituent pas uniquement une dérogation aux règles prévues par le CPCC. Ces dispositions constituent également des règles dérogatoires par rapport à la règle générale applicable en matière de contentieux administratif. En effet, conformément aux règles de procédure prévues par la loi du 1er juin 1972 relative au Tribunal Administratif, le ministère d’avocat est obligatoire aussi bien devant les chambres de première instance9 que devant les chambres d’appel10, sauf en matière de recours pour excès de pouvoir autres que ceux relatifs aux décrets réglementaires11.

L’exclusion du contentieux fiscal du champ d’application de la règle de l’obligation du ministère d’avocat n’est pas sans fondement. Cette exclusion peut être justifiée par les particularités qui caractérisent l’objet des litiges fiscaux. En effet, dans le contentieux relevant de la compétence des tribunaux de première instance, l’objet du recours consiste essentiellement en une contestation d’une décision administrative comportant soit une taxation d’office soit un refus de restitution des impôts payés par le contribuable. Or, pour ce type de décisions administratives, le législateur a prévu un régime contentieux particulier et ce en excluant ces actes administratifs du domaine du recours pour excès de pouvoir et en les soumettant au régime de plein contentieux. En revanche, le législateur a voulu soumettre les recours contre les arrêtés de taxation d’office ainsi que ceux relatifs au refus

9 Selon l’article 35 (nouveau) de la loi du 1er juin 1972 relative au Tribunal

Administratif « La requête introductive d’instance et les mémoires en défense doivent être signées par un avocat à la cour de cassation ou à la cour d’appel».

10 Selon l’article 59 (nouveau) de la loi relative au Tribunal administratif « l’appel est interjeté … devant les chambres d’appel du tribunal administratif au moyen d’une demande déposée au greffe du tribunal par l’intermédiaire d’un avocat auprès de la cour de cassation ou d’appel …».

11 Selon l’article 35 (nouveau) de la loi du 1er juin 1972 relative au Tribunal Administratif « … le recours pour excès de pouvoir est dispensé du ministère d’avocat…les recours pour excès de pouvoir concernant les décrets à caractère réglementaire sont présentés par l’intermédiaire d’un avocat auprès de la cour de cassation».

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de restitution, à certaines procédures qui se rapprochent de celles applicables en matière de recours pour excès de pouvoir. C’est pourquoi, le législateur n’a pas imposé l’obligation de ministère d’avocat dans le contentieux fiscal et ce en transposant le régime applicable en matière de recours pour excès de pouvoir12.

La non soumission des recours formés en matière fiscale à l’obligation de ministère d’avocat peut être considérée comme une solution conçue dans l’intérêt du justiciable puisqu’elle constitue un allégement des formalités exigées lors du recours au juge fiscal. Mais, cette solution n’est pas sans inconvénients pour le justiciable. En effet, le contribuable qui choisit de ne pas recourir aux services d’un avocat et de présenter personnellement son action, risque de minimiser ses chances de remporter l’affaire devant le juge d’autant plus que le contentieux fiscal nécessite une maîtrise non seulement des formalités et des procédures exigées, mais également de la matière fiscale qui se caractérise par sa technicité accentuée. D’ailleurs, les avocats eux-mêmes se trouvent obligés, à l’occasion de certaines affaires fiscales, de recourir à des experts en matière de fiscalité afin d’assurer la qualité de la défense de leurs clients.

En dépit du caractère non obligatoire du ministère d’avocat, les justiciables se trouvent souvent amenés à se faire représenter par un avocat et ce afin d’éviter que leurs recours soient rejetés du moins quant à la forme13. D’ailleurs, il s’avère d’après les statistiques établies par le ministère de la justice que le nombre des affaires fiscales à l’occasion desquelles les justiciables ont chargé des avocats pour les faire représenter, a dépassé 60 % du nombre total des affaires fiscales portées devant les tribunaux durant les années 2001-2002 et 2004-200514. 12 Par application des dispositions de l’article 35 de la loi du 1er juin 1972 relative

au tribunal administratif, le législateur a exclu de la règle de l’obligation du ministère d’avocat, les recours pour excès de pouvoir sauf ceux relatifs aux décrets à caractère réglementaire.

13 Voir : débats de la chambre des députés lors de la discussion du projet de la loi de promulgation du code des droits et procédures fiscaux. Séance du mercredi 26 juillet 2000, JORT, n°39, p. 2110.

14 Voir : débats de la chambre des députés lors de la discussion du projet de la loi du 6 mars 2006 ayant modifié certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux. Séance du mardi 21 février 2006, JORT, n° 15, p.713.

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La solution retenue par les rédacteurs du CDPF a suscité certaines réserves aussi bien lors de l’étude et l’évaluation du projet du CDPF15 que pendant la discussion de ce projet par les membres de la chambre des députés16. Cette solution a également suscité le débat entre les avocats17 et les conseillers fiscaux18 au lendemain de l’entrée en vigueur du CDPF.

La non obligation du ministère d’avocat dans le contentieux fiscal est une solution consacrée par les législations comparées, en particulier le droit français. En effet, concernant le contentieux de l’imposition, le législateur français a consacré la règle de la non obligation du ministère d’avocat d’autant plus que l’essentiel de cette branche du contentieux fiscal relève de la compétence du juge judiciaire19. La dispense du ministère d’avocat a été par conséquent conçue dans le but d’alléger les procédures de recours devant le juge compétent en matière fiscale20. Cette solution a été également adoptée 15 Voir en particulier l’avis du conseil économique et social concernant le projet

de la loi de promulgation du code des droits et procédures fiscaux. Assemblée plénière, 11 février 1998 (Inédit). A travers cet avis, la question posée était celle de savoir pour quelle raison les auteurs du projet du CDPF n’ont pas consacré l’obligation du ministère d’avocat, alors que les procédures du contentieux fiscal se caractérisent par leur complexité.

16 Voir : débats de la chambre des députés. Séance du mercredi 26 juillet 2000, op.cit. p. 55 et s.

17 De leur côté, les avocats considèrent qu’il est nécessaire pour le justiciable de se faire représenter par un avocat lors des différentes étapes du procès fiscal. Voir journal « Essabah » du 17 janvier 2003, p. 4 et du 4 juillet 2003, p. 6.

18 De leur côté, les conseillers fiscaux ont considéré qu’il est dans l’intérêt du justiciable de se faire assister durant le procès fiscal non pas par un avocat, mais par un conseiller fiscal qui est un spécialiste de la fiscalité. Voir les articles parus au journal « Essabah » du 28 mars 2002, p. 7 ; du 2 février 2003, p. 7 et du 22 juillet 2005, p. 5.

19 L’article R. 202-2 du Livre de Procédures Fiscales, situé sous le titre relatif à la « Procédure devant le tribunal de grande instance » prévoit que « La demande en justice est formée par assignation. L’instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés. Toutefois, le redevable a le droit de présenter, par lui-même ou par le ministère d’un avocat inscrit au tableau, des explications orales… Les parties ne sont pas obligées de recourir au ministère d’un avocat… ». Voir : Jean-Pierre CASIMIR, « Le code annoté des procédures fiscales », Paris, éd. La Villeguérin, 1996, p. 347.

20 Voir : Jacques GROSCLAUDE et Philippe MARCHESSOU, « Procédures fiscales », Paris, Dalloz, 2001, p. 223.

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en ce qui concerne les litiges entre les contribuables et les services fiscaux relevant de la compétence de l’ordre juridictionnel administratif français21.

B- Consécration de l’obligation du ministère d’avocat par la loi du 6 mars 2006 Dans son discours du 7 novembre 2002, c'est-à-dire au cours

de la même année de l’entrée en vigueur du CDPF, le Président de la République a insisté sur la nécessité de revoir les procédures fiscales afin de renforcer davantage les garanties des justiciables. Faisant suite à cette suggestion, il a été proposé de consacrer l’obligation du ministère d’avocat dans les affaires fiscales dont la valeur dépasse un montant déterminé22.

Mais il a fallu attendre un peu plus que quatre ans pour que cette suggestion soit officiellement adoptée à travers la loi n° 2006-11 du 6 mars 2006, portant modification de certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux. L’examen de cette loi permet de déterminer à la fois le domaine de l’obligation du ministère d’avocat (1) et le critère adopté par le législateur dans l’imposition de cette obligation (2).

1- Domaine de l’obligation du ministère d’avocat La modification apportée par la loi du 6 mars 2006 a concerné

les dispositions de l’article 57 du CDPF insérées sous le titre relatif aux « procédures devant les tribunaux de première instance » ainsi que les dispositions de l’article 67 du même code, relatives à l’appel.

S’agissant de l’obligation du ministère d’avocat devant le tribunal de première instance, les nouvelles dispositions de l’article 57 du CDPF, ajoutées par la loi du 6 mars 2006, ont prévu que « le ministère d’avocat est obligatoire lorsque le montant de la taxation d’office ou celui relatif à la demande en restitution est supérieur à

21 Voir : Daniel RICHER, « Les droits du contribuable dans le contentieux

fiscal », Paris, LGDJ, 1997, p. 95 et s. et Jacques GROSCLAUDE et Philippe MARCHESSOU, « Procédures fiscales », op. cit., p. 223.

22 Voir : débats de la chambre des députés lors de la discussion du projet de la loi du 6 mars 2006 ayant modifié certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux, op.cit., p.712.

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vingt cinq mille dinars ». Il découle de ces dispositions que le législateur a imposé une règle générale en vertu de laquelle le ministère d’avocat devient obligatoire lorsque l’objet des affaires portées devant le tribunal de première instance dépasse un montant déterminé. Dans ces affaires, le contribuable, en sa qualité de demandeur à l’action, se trouve obligé de se faire représenter par un avocat aussi bien pour présenter la requête introductive d’instance que pour le suivi du déroulement de l’instance y compris l’audience de conciliation assurée par le juge rapporteur23.

Il y a lieu de remarquer qu’à l’occasion de la modification des dispositions de l’article 57 du CDPF, les dispositions de l’article 55 du même code n’ont pas été touchées alors que ces dernières concernent également la procédure de recours devant le tribunal de première instance. En effet, l’article 55 du CDPF prévoit toujours que « le recours, formé contre les services de l’administration fiscale, est porté devant le tribunal de première instance … au moyen d’une requête écrite, établie par le contribuable ou par un mandataire désigné à cet effet conformément à la loi ». Il en résulte qu’à partir de l’entrée en vigueur de la loi du 6 mars 2006, ces dispositions ne sont plus en parfaite cohérence avec les dispositions de l’article 57 telles que modifiées par la loi précitée.

S’agissant de l’obligation du ministère d’avocat devant la cour d’appel, l’article 67 du CDPF a prévu dans son paragraphe 3 nouveau que « le ministère d’avocat est obligatoire lorsque le montant de la taxation d’office ou celui relatif à la demande en restitution est supérieur à vingt cinq mille dinars…». Compte tenu de ces nouvelles dispositions ajoutées par la loi du 6 mars 2006, l’article 67 du CDPF contient désormais une règle de principe et une exception à cette règle. En effet, l’article 67 du CDPF a prévu dans ses deux premiers 23 Conformément aux dispositions de l’article 60 du CDPF le contribuable peut se

faire assister durant l’audience de conciliation par une personne de son choix ou se faire représenter par un mandataire conformément à la loi. Mais, par une lecture combinée des dispositions de cet article et celles de l’article 57 nouveau, le contribuable serait tenu, au cas où la somme litigieuse dépasse un montant déterminé, de se faire représenter par un avocat lors de l’audience de conciliation. Voir : débats de la chambre des députés lors de la discussion du projet de la loi du 6 mars 2006 ayant modifié certaines dispositions du code des droits et procédures fiscaux, op. cit., p.714.

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paragraphes un principe suivant lequel l’appel peut être interjeté par l’appelant lui-même. Par conséquent, le ministère d’avocat est par principe facultatif. Toutefois, si le montant en jeu dépasse une certaine somme, l’appelant serait tenu de se faire représenter par un avocat. Dans cette hypothèse le ministère d’avocat devient obligatoire.

Par ailleurs, aussi bien dans l’article 57 nouveau du CDPF que dans l’article 67 nouveau du même code, le législateur n’a pas déterminé le sort de l’affaire en cas d’inobservation de la part du justiciable de l’obligation du ministère d’avocat. En l’absence de dispositions particulières relatives à la sanction de l’inobservation de l’obligation du ministère d’avocat, il revient au juge de dégager la solution adéquate qui devra être la plus conforme aux exigences de la bonne administration de la justice tout en prenant en considération l’intérêt du justiciable.

2- Critère de l’obligation du ministère d’avocat Contrairement à la règle consacrée en droit français en vertu de laquelle le ministère d’avocat est facultatif24, le législateur tunisien distingue, depuis la loi du 6 mars 2006, entre deux catégories de litiges fiscaux et ce en fonction du critère du montant du litige. Par application de ce critère, le législateur a rendu obligatoire le ministère d’avocat pour les litiges fiscaux dont le montant objet de la contestation dépasse 25 mille dinars. S’agissant des litiges dont la valeur est inférieure à ce montant, le législateur donne au justiciable la liberté de recourir ou non à un avocat.

D’après les débats de la chambre des députés au sujet de la loi du 6 mars 2006, le critère du montant enjeu du litige a été retenu après études et réflexions.

D’une part, le choix du montant du litige comme critère pour exiger le ministère d’avocat, correspond aux critères généraux déjà adoptés par le CPCC dans la détermination de la compétence d’attribution des juridictions, dont notamment le critère du montant de la demande25. D’ailleurs, la valeur de 25 mille dinars utilisée comme

24 Article R. 202-2 du Livre de Procédures Fiscales. 25 Par application des dispositions de l’article 21 du CPCC, la compétence est

déterminée par la nature et par le montant de la demande. Tel a été le critère

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critère pour imposer le ministère d’avocat peut être dégagée à partir d’une lecture combinée de certaines dispositions du CPCC avec celles du CDPF. Il s’agit des dispositions du CPCC relatives à la compétence d’attribution du tribunal de première instance pour les affaires dont le montant dépasse 7 mille dinars, ainsi que les dispositions du CDPF relatives au droit de reprise et au délai de prescription qui s’étend sur une période de 4 ans. Ainsi, « par référence au critère de l’obligation du ministère d’avocat dans les litiges fiscaux dont la valeur dépasse 7 mille dinars, il peut être obtenu suite à une opération mathématique que le ministère d’avocat devient obligatoire lorsque le montant de l’impôt dépasse 28 mille dinars dans les cas où la déclaration est soit erronée, soit insuffisante »26.

D’autre part, lors de la détermination du critère de l’obligation du ministère d’avocat, les auteurs de la loi du 6 mars 2006 ont pris en considération l’enjeu financier des affaires dont la valeur dépasse 25 mille dinars. Dans ces affaires le ministère d’avocat devient nécessaire, voire obligatoire, et ce « … compte tenu de ce qui caractérise la matière fiscale dont la technicité et les repères sont difficiles à maîtriser par un simple contribuable qui n’a pas reçu de formation dans cette matière d’autant plus que les dispositions relatives au contentieux fiscal sont d’une complexité non négligeable… sur le plan des procédures aggravée par la complexité des règles de fond et la multiplicité des textes régissant les litiges fiscaux… »27.

adopté pour la détermination du critère de l’obligation du ministère d’avocat. Voir : Débats de la chambre des députés, séance du 21 février 2006, op.cit. p. 715.

26 Débats de la chambre des députés, séance du 21 février 2006, op.cit. p. 715. آالف 7بالرجوع إلى معيار النيابة الوجوبية للمحامي في النزاع الجبائي الذي يتجاوز فيه قيمة المبلغ "

دينارا فإنه بعملية حسابية يفترض حسابيا وقياسا بالقواعد العامة لإلجراءات أن تكون نيابة المحامي ي يكون فيها التصريح مغلوطا أو ألف دينار في الحاالت العادية الت 28وجوبية إذا تجاوز مقدار األداء

". منقوصا27 Voir les réponses du ministre de la justice et des droits de l’homme, lors de la

discussion du projet de la loi du 6 mars 2006. Débats de la chambre des députés, séance du 21 février 2006, op.cit. p. 713 :

االستعانة بمحام نظرا لما تتميز به المادة الجبائية من تقنيات ومعايير يصعب على المطالب يفترض" باألداء فهمها نظرا الفتقاره ألي تكوين في هذه المادة إلى جانب أن األحكام المنظمة للنزاعات الجبائية

على مستوى القواعد على مستوى اإلجراءات يوازيه تعقيد ... هي على قدر ال يستهان به من التعقيد ..."األصلية أو الموضوعية، إلى جانب تعدد النصوص المنظمة للنزاعات الجبائية

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La justification du critère de l’obligation du ministère d’avocat par le recours aux règles générales de procédure peut paraître raisonnable. Mais, la justification de ce critère par la complexité des affaires fiscales semble être discutable dans la mesure où la liaison entre la nécessité du ministère d’avocat et le montant objet du litige, d’un côté, et la complexité des procédures de recours ainsi que la particularité de la matière fiscale, d’un autre côté, semble être difficilement justifiable.

Certes, les litiges fiscaux requièrent une importance encore plus grande en fonction de l’enjeu financier qu’ils représentent tant pour le contribuable que pour la trésorerie générale de l’Etat. Toutefois, l’exigence du ministère d’avocat ne peut en aucune manière être expliquée par la complexité aussi bien des affaires fiscales que de la matière fiscale elle-même. En effet, si l’on prend en considération cette complexité, toutes les affaires fiscales nécessitent le ministère d’avocat abstraction faite de l’importance du montant du litige. La complexité des affaires fiscales n’est pas liée au montant de la demande. Elle est plutôt due à la technicité de la matière fiscale quant au fond28, à la rigueur des règles de procédures et au formalisme excessif du droit procédural applicable aux litiges fiscaux.

Par ailleurs, il est vrai que la complexité de la matière fiscale crée un déséquilibre entre le contribuable et les représentants de l’administration dont la formation en matière fiscale est telle qu’ils peuvent même exercer une influence sur la position du juge fiscal. Mais, l’intervention de l’avocat ne constitue pas nécessairement la solution adéquate pour résoudre le problème du déséquilibre entre les parties en litige. Le recours aux services d’un conseiller fiscal ou d’un expert-comptable peut être plus indiqué pour comprendre la technique fiscale et pouvoir contrer l’administration moyennant des arguments fondés.

Toutefois, en recourant à un avocat, le justiciable peut éviter le risque de rejet de sa demande, soit pour vice de forme soit pour erreur de procédure, avec toutes les implications financières qui peuvent en

28 La matière fiscale se caractérise par une technicité déroutante qui exige souvent

une maîtrise profonde des principes et des techniques comptables.

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

46

résulter. Par conséquent, la question du ministère d’avocat ne peut pas être justifiée par des considérations purement matérielles et financières, elle s’explique plutôt par des exigences formelles et procédurales dont notamment celles relatives à la détermination de la compétence du juge fiscal, aux délais et aux procédures de recours devant ce juge.

II- UN REGIME DUALISTE EN DEHORS DU CDPF En dépit de la formule générale employée par le législateur

dans la détermination du champ d’application du CDPF, ce code ne constitue pas la référence unique en matière de contentieux fiscal. D’autres textes éparpillés doivent être pris en considération dans la conduite d’un procès fiscal. Ces textes concernent soit le régime contentieux applicable à des prélèvements fiscaux non soumis au CDPF, soit celui relatif à des branches de contentieux fiscal non régies par les dispositions de ce code.

L’examen des différentes dispositions insérées dans certains codes fiscaux ou dans certaines lois régissant la matière fiscale, permet de constater que le législateur tunisien n’a pas adopté une position uniforme quant à la question du ministère d’avocat dans le contentieux fiscal non régi par le CDPF. Dans certains textes le législateur a rendu facultatif le ministère d’avocat (A), alors que dans d’autres dispositions il impose l’obligation du ministère d’avocat (B).

A- La faculté du ministère d’avocat La liberté accordée au justiciable dans la présentation de sa

demande, soit personnellement soit par l’intermédiaire d’un avocat, n’est pas une nouveauté du CDPF. Avant l’adoption de ce code, le caractère non obligatoire du ministère d’avocat a été consacré par des dispositions particulières qui demeurent encore en vigueur. Cette solution est consacrée aussi bien en matière de contentieux du recouvrement qui relève de la compétence des cours d’appel (1), qu’en matière de contentieux des impôts locaux relevant de la compétence des juges cantonaux (2).

1- Dans le contentieux du recouvrement Les rédacteurs du CDPF ont limité le domaine d’application

des dispositions de ce code à deux branches du contentieux fiscal,

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

47

celle du contentieux de l’imposition et celle du contentieux de la restitution29. Par conséquent, les dispositions du CDPF ne régissent pas le contentieux du recouvrement des impôts. Ce dernier demeure régi par les dispositions du code de la comptabilité publique (CCP).

A travers le CCP le législateur a attribué à la cour d’appel une compétence générale pour statuer, en tant que juge du fond, dans le contentieux du recouvrement. En effet, selon l’article 27 du CCP, la cour d’appel statue sur les recours portant contestation des différents titres de poursuites pouvant être pris par l’administration compétente.

L’attribution du contentieux du recouvrement aux cours d’appel, relevant organiquement de l’ordre juridictionnel judiciaire, n’a pas empêché le législateur de soumettre cette branche du contentieux fiscal à certaines règles de procédures spéciales qui s’écartent parfois de celles habituellement suivies devant les cours d’appel dans le contentieux privé. En effet, à la différence de la règle applicable en matière de procédure civile et commerciale en vertu de laquelle le ministère d’avocat est obligatoire30, les dispositions de l’article 27 du CCP ont explicitement consacré le caractère facultatif du ministère d’avocat. Cet article prévoit que « le ministère d’avocat n’est pas obligatoire».

Toutefois, le caractère facultatif du ministère d’avocat dans le contentieux du recouvrement relevant de la compétence de la cour d’appel doit être relativisé. Certes, les dispositions de l’article 27 du CCP ont clairement prévu que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Mais en réalité les contribuables se trouvent amenés à se faire représenter par un avocat puisque le même article oblige les contribuables ayant formulé leur opposition devant la cour d’appel à

29 En application des dispositions des articles 53 et 54 du CDPF, situées sous le

titre relatif au « contentieux de l’assiette de l’impôt », cette branche du contentieux fiscal englobe les recours portant oppositions contre les arrêtés de taxation d’office ainsi que ceux relatifs à la restitution de l’impôt.

30 Selon l’article 130 du CPCC « l’appel est interjeté au moyen d’une requête écrite déposée par l’avocat de l’appelant au greffe de la juridiction d’appel compétente ». Ce même article ajoute que « l’appelant est considéré comme ayant élu domicile en l’étude de son avocat ».

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

48

« … l’élection de domicile dans la ville où siège la cour »31.

Abstraction faite des justifications de la solution adoptée dans l’article 27 du CCP, cette solution n’est pas aujourd’hui cohérente avec les nouvelles dispositions ayant consacré l’obligation du ministère d’avocat en matière de contentieux de l’imposition et du contentieux de la restitution régis par le CDPF. Il est logique de consacrer cette obligation concernant le contentieux du recouvrement lorsque le montant du litige dépasse un montant fixé par le CDPF. En principe, les différentes branches du contentieux fiscal doivent être soumises aux mêmes règles de procédure et aux mêmes principes quelle que soit la juridiction compétente. Mais, le législateur ne semble pas avoir suivi une démarche globale et cohérente dans l’organisation des différents aspects du contentieux fiscal.

2- Dans le contentieux des impôts locaux Le contentieux des différents prélèvements locaux est

aujourd’hui soumis à un régime insuffisamment homogène. D’un côté, ce contentieux a été écarté du champ d’application du CDPF qui ne régit que les impôts au profit de l’Etat et ce par application de l’article premier de ce code32. D’un autre côté, l’article 4 de la loi de promulgation du CDPF a modifié certaines dispositions du code de la fiscalité locale ayant rendu applicables certains prélèvements locaux le régime contentieux organisé par le CDPF33.

31 Voir : Abdelkader FATHALLAH, La réforme des droits d’enregistrement,

Mémoire pour l’obtention du DEA en droit public, Faculté de Droit et des Sciences Economiques et Politiques de Sousse, 1994, p.141. Voir également : Moez HASSAYOUN, L’opposition aux titres de poursuite en matière fiscale, Mémoire pour l’obtention du DEA en droit public, Faculté de Droit et des Sciences Economiques et Politiques de Sousse, 1994, p. 73.

32 Conformément aux dispositions de l’article premier du CDPF, « le présent code fixe les dispositions relatives aux droits et obligations du contribuable et aux procédures y afférentes au niveau du contrôle et du contentieux des impôts, droits, taxes, redevances et autres prélèvements fiscaux au profit de l’Etat et qui sont désignés dans ledit code par le terme " impôt " »

33 L’article 4 de la loi du 9 août 2000 portant promulgation du CDPF a apporté certaines modifications aux dispositions du paragraphe premier de l’article 40 du CFL relatif à la TCL. Par cette modification le législateur a rendu applicable à la TCL les dispositions relatives aux obligations au contrôle et au contentieux

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

49

Mis à part le contentieux relatif à certains prélèvements locaux soumis au même régime applicable au contentieux de l’impôt sur le revenu34, le contentieux de la fiscalité locale relève de la compétence du juge cantonal telle que déterminée par les dispositions de l’article 26 du CFL. Ces dispositions relatives à la taxe sur les immeubles bâtis s’appliquent aussi en matière de taxe sur les terrains non bâtis35. Elles s’appliquent également, mais uniquement dans certains cas, en matière de taxe sur les établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel (la TCL)36.

Concernant les procédures à suivre devant le juge cantonal statuant sur les litiges relatifs aux impôts locaux, les dispositions du CFL n’ont pas prévu de dispositions particulières sauf en ce qui concerne le délai de recours devant le juge compétent37 et la nature définitive du jugement rendu par ce juge38. Pour le reste, le législateur est muet sur les procédures qui doivent être respectées lors de la présentation de la demande ainsi que celles relatives au déroulement du procès devant le juge.

En l’absence de dispositions dérogatoires, il convient de se référer aux dispositions générales insérées dans le CPCC relatives aux procédures devant le juge cantonal. En se référant à ces dispositions il s’avère que le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant le juge

applicables en matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques et d’impôt sur les sociétés.

34 Les litiges relatifs à certains prélèvements locaux dont la compétence revient au tribunal de première instance sont ceux soumis au même régime contentieux applicable en matière d’impôt sur le revenu. Il s’agit du contentieux de la TCL (voir article 40 I du CFL), du contentieux de la taxe hôtelière (voir article 45 du CFL) et du contentieux des droits de licence sur les débits de boissons (voir article 63 du CFL).

35 Voir article 34 du CFL. 36 Le contentieux de la TCL est soumis au même régime contentieux applicable en

matière de la taxe sur les immeubles bâtis au cas où le montant de la TCL correspond au minimum prévu par l’article 38 (II)du même code. En dehors de cette hypothèse le contentieux de la TCL relève de la compétence du tribunal de première instance et ce par application des dispositions du paragraphe premier de l’article 40 du CFL.

37 Voir article 26 du CFL. 38 Conformément aux dispositions de l’article 26 du CFL, le jugement rendu par le

juge cantonal est définitif.

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

50

cantonal. C’est ce qui découle en particulier des dispositions de l’article 43 du CPCC relatives à la requête introductive d’instance39 ainsi que celles de l’article 49 du même code relatives à la comparution devant le juge cantonal40.

La non exigence du ministère d’avocat comme condition de recours devant le juge cantonal, peut s’expliquer par la particularité qui caractérise la juridiction cantonale et la procédure à suivre devant cette juridiction. Outre la particularité de la composition du tribunal cantonal qui est formé d’un juge unique, les procédures devant ce tribunal se caractérisent par leur simplicité et ce afin de rapprocher cette juridiction des justiciables41. L’enjeu de ces litiges est relativement mineur.

En dépit de la clarté de la solution retenue par le législateur concernant le ministère d’avocat devant le juge cantonal, y compris en matière de contentieux de la fiscalité locale, cette solution n’est pas toujours évidente. En effet, concernant la TCL, il existe deux régimes contentieux différents.

D’une part, les dispositions du paragraphe premier de l’article 40 du CFL ont institué une règle générale en vertu de laquelle le contentieux de la TCL est soumis au même régime applicable en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés.

D’autre part, le paragraphe 2 de l’article 40 du CFL a prévu un régime contentieux particulier lorsque le montant de la TCL correspond au minimum prévu par l’article 38 du même code. Dans cette hypothèse, le contentieux de la TCL serait soumis au même régime applicable à la taxe sur les immeubles bâtis.

39 Selon l’article 43 du CPCC « le juge cantonal est saisi par requête écrite

présentée par le demandeur ou son mandataire au Greffe de la justice cantonal, avec justification du paiement des droits».

40 Selon l’article 49 du CPCC « les parties comparaissent en personne ou chargent un avocat de les représenter devant le juge cantonal, au jour fixé par la convocation ou convenu entre elles ».

41 Voir Hatem KOTRANE, Introduction à l’étude du droit. Cadre juridique des relations économiques, Tunis, CERP, 1994, p. 188.

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

51

Il découle des dispositions de l’article 40 du CFL que le juge compétent en matière de la TCL n’est pas toujours le même. En effet, par application du paragraphe premier de l’article 40, la compétence revient au tribunal de première instance, avec la possibilité d’interjeter appel devant la cour d’appel compétente. Par contre, l’application du paragraphe 2 de l’article 40, fait que le litige relatif à la TCL relève de la compétence du juge cantonal dont le jugement est définitif et par conséquent non susceptible d’appel. Parallèlement à cette dualité du régime contentieux applicable en matière de TCL, il existe une différence au niveau des règles de procédure y compris celles relatives au ministère d’avocat. En effet, au cas où le contentieux de la TCL relève de la compétence du juge cantonal, le ministère d’avocat est facultatif. Mais, au cas où le litige relève de la compétence du tribunal de première instance, le ministère d’avocat devient obligatoire lorsque le montant, objet du litige, dépasse 25 mille dinars et facultatif lorsque cette valeur est inférieure à ce montant.

Le régime du ministère d’avocat dans le contentieux de la TCL est soumis à un double critère déterminé en fonction du montant de l’impôt litigieux. Le ministère d’avocat est facultatif lorsque la valeur du prélèvement rend le litige de la compétence du juge cantonal. Par contre, le ministère d’avocat peut être soit facultatif soit obligatoire lorsque le montant de la TCL fait que le litige relève de la compétence du tribunal de première instance. Ainsi, le régime contentieux en matière de TCL constitue une illustration du degré de la complexité aussi bien des règles de détermination de la compétence que celles relatives aux procédures régissant le contentieux fiscal en Tunisie. Il illustre aussi les particularismes difficilement justifiables des règles de procédure contentieuse.

B- L’obligation du ministère d’avocat Outre les cas prévus par le CDPF tel que modifié par la loi du 6 mars 2006, le ministère d’avocat est obligatoire dans deux compartiments du contentieux fiscal qui sont d’inégale importance. Le premier concerne les litiges relatifs aux droits de douane (1). Le second concerne le contentieux fiscal dans la phase de cassation qui relève de la compétence du Tribunal Administratif (2).

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

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1- Dans les litiges relatifs aux droits de douane Les droits de douane sont soumis à un régime contentieux

particulier. En effet, les droits de douane, étant exclus expressément du champ d’application du CDPF42, demeurent régis quant à leur régime contentieux par les dispositions spéciales insérées dans le code des douanes.

Par application des dispositions de l’article 227 du code des douanes, les litiges relatifs aux droits de douane relèvent de la compétence du tribunal de première instance. La compétence de ce tribunal s’étend à la fois aux litiges relatifs à l’assiette des droits de douane qu’à ceux ayant pour objet l’opposition aux états de liquidation émis à l’occasion du recouvrement desdits droits. En effet, conformément aux dispositions de l’article 227 du code des douanes « Les tribunaux de première instance, statuant en matière civile sont seuls compétents pour juger les contestations concernant le refus de payer les droits, les oppositions aux états de liquidation … et les autres affaires de douane ».

Les procédures de recours devant le tribunal de première instance statuant en matière de droits de douane sont essentiellement régies par les dispositions du CPCC. En effet, à travers les articles du code des douanes situés sous le titre « Procédure devant les juridictions civiles »43, le législateur s’est contenté de renvoyer aux règles prévues par le CPCC. Ainsi, en l’absence de dispositions particulières, le ministère d’avocat dans le contentieux des droits de douane est obligatoire et ce par application de la règle générale prévue par l’article 68 du CPCC selon lequel « le ministère d’avocat est obligatoire devant le tribunal de première instance…».

Il y a lieu de remarquer que le caractère obligatoire du ministère d’avocat ne concerne pas uniquement les litiges relatifs aux droits de douane mais également ceux relatifs aux différents prélèvements fiscaux perçus à l’importation. En effet, ces prélèvements sont soumis aux dispositions du code de douane et ce à 42 Selon l’article premier du CDPF « les dispositions du présent code ne sont pas

applicables aux droits de douane et autres droits, impôts et taxes perçus à l’importation qui demeurent régis par les dispositions du code des douanes ».

43 Voir les articles 230 à 232 du code des douanes.

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

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la suite de leur exclusion explicite du champ d’application du CDPF. En effet, selon l’article premier du CDPF «les dispositions du présent code ne sont pas applicables aux droits de douane et autres droits, impôts et taxes perçus à l’importation qui demeurent régis par les dispositions du code des douanes ».

Abstraction faite du bien-fondé de la solution adoptée par le législateur à travers les dispositions précitées et qui risque d’aggraver davantage la complexité du contentieux fiscal, le ministère d’avocat est obligatoire dans le contentieux de la TVA due à l’importation44, ainsi que dans les litiges relatifs à l’avance au titre de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés due sur les importations des produits de consommation45. Or, en dehors de ces hypothèses, la TVA ainsi que l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés sont en principe soumis au régime contentieux prévu par les dispositions du CDPF à travers lesquelles le ministère d’avocat peut être, selon les cas, soit obligatoire soit facultatif. Là aussi, l’homogénéité des solutions adoptées par le législateur fait défaut.

2- Dans les pourvois en cassation fiscale Contrairement aux voies de recours de premier et de second degré dans lesquelles la compétence revient, selon les cas, au tribunal de première instance, au tribunal cantonal ou à la cour d’appel, la cassation en matière fiscale se caractérise par une unité. Cette unité se vérifie au niveau de la juridiction compétente et au niveau de la procédure à suivre devant cette juridiction.

D’une part, les différents litiges fiscaux, quel que soit leur contenu et quelle que soit la nature de l’impôt litigieux, relèvent de la compétence du Tribunal Administratif en tant que juge de cassation fiscale46. 44 En vertu des dispositions du paragraphe 2 de l’article premier du code de la

TVA, les importations sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. 45 Cette avance est prévue par l’article 51 ter du code de l’impôt sur le revenu des

personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés selon lequel « l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés font l’objet d’une avance au titre des importations des produits de consommation au taux de 10 % de la valeur en douane des produits … ».

46 Conformément aux dispositions de la loi du 1er juin 1972, telles que modifiées par celles de la loi organique du 24 juillet 2001, la cassation est devenue de la

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

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D’autre part, les procédures de cassation en matière fiscale sont uniformes du fait qu’elles sont régies en principe par un texte unique, à savoir la loi du 1er juin 1972 relative au Tribunal Administratif47.

En application des dispositions relatives à la cassation devant la juridiction administrative48, le ministère d’avocat est obligatoire que ce soit lors de la présentation de la requête de cassation ou en ce qui concerne la rédaction du mémoire ampliatif. Le tribunal administratif, de son côté, a exigé le ministère d’avocat même si l’auteur du pourvoi exerce lui-même la fonction d’avocat49.

Concernant la présentation de la requête de cassation, le ministère d’avocat est obligatoire et ce conformément aux dispositions de l’article 67 de la loi du 1er juin 1972 aux termes duquel « le pourvoi en cassation est porté dans les cas prévus par la présente loi par une requête rédigée par un avocat à la cour de cassation… ». A travers les dispositions de cet article, le législateur n’a fait que transposer la règle

compétence des chambres de cassation créées par cette loi. La compétence de l’assemblée plénière a été limitée aux « …pourvois formés contre les jugements rendus en dernier ressort … et qui nécessitent une harmonisation de la jurisprudence des chambres de cassation ou qui posent des questions juridiques de principe ainsi que dans les cas prévus à l’article 75 de la présente loi » (article 21 nouveau de la loi du 1er juin 1972).

47 Déjà, le Tribunal administratif a considéré qu’il convient toujours de revenir aux dispositions du CPCC qui constituent des règles générales, tant qu’elles ne se contredisent pas avec la lettre ou l’esprit des règles spéciales du droit administratif. TA, Cass. n° 992 du 17 juin 1991 :

حيث بالرجوع إلى ما درج عليه فقه قضاء هذه المحكمة يتضح انه استقر على العمل بأحكام مجلة " المرافعات المدنية والتجارية آمبادئ عامة في صورة عدم وجود نص خاص بالقانون اإلداري طالما لم

. ". تتعارض نصا و روحا مع ما جاء به من قواعد وأحكام

48 La cassation devant le Tribunal Administratif est soumise aux procédures prévues par les articles 67 à 76 bis de la loi du 1er juin 1972 telle que modifiée par celle du 24 juillet 2001.

49 Dans un arrêt qui date du 31 mai 2004 (Cass. n° 35003), le Tribunal Administratif a affirmé qu’ « … il est constamment établi en jurisprudence que même si le requérant exerce la fonction d’avocat et a la qualité d’avocat auprès de la cour de cassation, il ne lui est pas autorisé de présenter son pourvoi d’une manière personnelle et directe, le ministère d’avocat exige la séparation entre la personne du requérant et celle de son représentant ».

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

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générale de procédure selon laquelle pour les recours intentés devant le Tribunal Administratif, le ministère d’avocat est obligatoire50.

Néanmoins, l’obligation du ministère d’avocat devant le Tribunal Administratif, juge de cassation, n’est pas absolue. En effet, le législateur a dispensé explicitement l’administration fiscale du ministère d’avocat lorsqu’elle se porte auteur d’un pourvoi devant ledit tribunal. Aux termes de l’article 33 nouveau de la loi du 1er juin 1972, il est expressément prévu que « sont dispensés du ministère d’avocat devant tous les organes juridictionnels du tribunal administratif, les services administratifs représentés par le chef du contentieux de l’Etat ainsi que le ministère des finances en matière du contentieux fiscal ». La dispense de l’administration fiscale de l’obligation de se faire assister par un avocat dans l’introduction des recours en cassation fiscale a été expliquée par le fait que les agents de l’administration sont qualifiés, de par leurs fonctions, à connaître et à maîtriser la procédure contentieuse ainsi que les règles fiscales en général51.

Concernant le dépôt du mémoire de cassation, l’article 68 de la loi du 1er juin 1972 a prévu que « l’auteur du pourvoi en cassation doit, à peine de déchéance, déposer au greffe du Tribunal, … un mémoire rédigé par un avocat auprès de la cour de cassation identifiant et précisant chacun des moyens du recours, accompagné de toutes les pièces justificatives… ».

Les règles de procédures de la cassation telles que déterminées par la loi relative au Tribunal Administratif, constituent une transposition des règles applicables en matière de procédure civile et commerciale. En effet, par référence aux dispositions du CPCC relatives aux procédures devant la cour de cassation, il s’avère que le pourvoi devant cette juridiction doit être exercé au moyen d’une

50 Habib AYADI, Droit Fiscal. Taxe sur la valeur ajoutée. Droit de

consommation et contentieux fiscal, Tunis, CERP, 1996, p. 249. 51 Chawki GADDES, Le Tribunal administratif juge de cassation en matière

fiscale, Mémoire de DEA en droit public, Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis, 1987, p. 56.

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requête écrite rédigée par un avocat52 qui doit également rédiger un mémoire indiquant les moyens de cassation53.

L’exigence du ministère d’avocat aussi bien pour la présentation du pourvoi que pour la rédaction du mémoire de cassation, constitue certes une garantie pour le justiciable. En effet, la présentation des moyens de cassation par un avocat peut rendre ces moyens recevables quant à la forme et plus convaincants quant au fond. Il en découle que l’obligation du ministère d’avocat à l’occasion de la présentation de la requête de cassation et à l’occasion de l’accomplissement de la formalité du dépôt du mémoire est d’une grande importance compte tenu de ses répercussions positives sur le sort de la requête de cassation et, par conséquent, sur les droits des justiciables auteurs du pourvoi.

Néanmoins, le recours aux services d’un avocat expérimenté lors du pourvoi en cassation fiscale peut ne pas être profitable pour le justiciable. Malgré la rédaction de la requête et du mémoire ampliatif par un avocat auprès de la cour de cassation, n’a pas empêché le Tribunal Administratif de rejeter des centaines de pourvois pour des raisons d’ordre formel ou des erreurs d’ordre procédural. L’examen de la jurisprudence du Tribunal Administratif, montre que la requête de cassation est assez souvent rejetée pour non respect du délai de pourvoi en cassation54 ou pour inobservation de certaines formalités

52 Selon l’article 182 du CPCC « le pourvoi en cassation est formé par requête

écrite, déposée par un avocat au greffe de la cour… ». 53 Selon l’article 185 du CPCC « l’auteur du pourvoi doit à peine de déchéance,

présenter au greffe de la cour, dans un délai ne dépassant pas 30 jours à partir de la date du dépôt de sa requête : … 3) un mémoire rédigé par son avocat, indiquant ses moyens et précisant les dispositions dont il demande la cassation, ainsi que ses prétentions avec toutes les preuves à l’appui… ».

54 Voir : TA, Cass. n° 1200 du 27 février 1995 : وذلك بعد فوات أجل الثالثين يوما 1995مارس 4حيث أّن مطلب التعقيب سّجل بكتابة المحكمة يوم و"

".من قانون المحكمة اإلدارية 29المنصوص عليه ضمن الفصل Voir également : TA, Cass. n° 1335 du 27 février 1995, TA, Cass. n° 31694 du

17 mars 1997, TA, Cass. n° 31276 du 31 mars 1997, TA, Cass. n° 31507 du 29 décembre 1997 et TA, Cass. n° 32106 du 16 octobre 2000. Pour plus de détails, voir : Néji BACCOUCHE « Pour une réforme du contentieux fiscal tunisien », Tunis, publication de l’UTICA, 1992, p. 50.

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

57

exigées lors du dépôt de ladite requête55. Parfois, le Tribunal rejette le pourvoi à cause de certaines omissions ou erreurs relatives soit au contenu des moyens de cassation soit à la manière de leur présentation dans le mémoire de cassation56. Le Tribunal Administratif se permet parfois de donner de véritables « leçons » aux avocats de l’auteur du pourvoi en cassation concernant la qualification des moyens57, leur identification ou la détermination de leur objet58. Pourtant, ces avocats

55 Les formalités exigées à l’occasion de la présentation du pourvoi en cassation

sont celles prévues par l’article 68 de la loi du 1er juin 1972 selon lequel « L’auteur du pourvoi en cassation doit, à peine de déchéance, déposer au greffe du tribunal, dans un délai ne dépassant pas soixante jours à partir de la date du dépôt de sa demande, ce qui suit : - le procès verbal de la signification de l’arrêt ou du jugement attaqué si elle a eu lieu ; - une copie du jugement ou de l’arrêt attaqué ; … - une copie du procès verbal de la signification d’un exemplaire du mémoire à l’adversaire».

56 La « mauvaise présentation » des moyens de pourvoi a été toujours sanctionnée, de la part du juge de cassation, par le rejet du pourvoi. Le Tribunal Administratif rejette les moyens mal présentés chaque fois qu’il constate que « ...les reproches adressés par l’auteur du pourvoi à la décision attaquée ont été présentés d’une manière incohérente et désordonnée de telle façon qu’il est difficile de les ranger et classer dans un ou plusieurs moyens déterminés »

TA, Cass. n ° 238 du 22 décembre 1983 : وحيث أّنه في قضية الحال قد جاءت مناقشة المعقب للقرار المطعون فيه بصورة مشّوشة ومتنافرة ال "

تسمح بحشرها أو تصنيفها ضمن مطعن أو أآثر يقتضي انسجام ذلك المطعن مع ما يروم المعقب ...".االحتجاج به أو الترآيز عليه من عناصر

TA, Cass. n° 192 du 24 novembre 1982 : وحيث درج فقه القضاء في ماّدة التعقيب على رفض الطعن رفضا شكليا عندما يكون غامضا أو "

,"مجمال TA, Cass. n° 32736 du 25 février 2002 :

يستوجب تفصيل المطاعن آّل واحد ... وحيث استقّر عمل هذه المحكمة على أن تعليل مطلب التعقيب" ...".منها على حدة وبيان مواطن الخلل المنسوب للحكم المطعون فيه

57 TA, Cass. n° 33093 et 33154 du 14 juillet 2001 : عنوان المطعن عن محتواه فإّن مآله يكون وحيث استقّر فقه قضاء هذه المحكمة على أّنه إذا اختلف"

".الرفض شكال TA, Cass. n° 31503 du 18 octobre 1999. Rec. p. 658 :

وحيث أن المآخذ سالفة الذآر ال تهدف إلى إبراز تجاوز اللجنة لسلطتها بقدر ما تهدف إلى رمي قرارها " ". قد اخطأ في عنونة مطعنه هذا وتعين لذلك رده وحيث يكون المعقب والحالة ما ذآر... بضعف التعليل

58 Voir : TA, Cass. n° 31891, du 2 mai 2000 : وحيث جرى عمل هذه المحكمة على اعتبار أّن عيب تجاوز السلطة في ماّدة التعقيب إّنما يعني تجاوز "

."القاضي لصالحياته ولنفوذه بصورة جلّية وخطيرة TA, Cass. n° 32741, du 11 mars 2002 :

Le ministère d'avocat dans le contentieux fiscal

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sont des avocats à la cassation, c'est-à-dire des avocats a priori expérimentés.

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La diversité des solutions retenues par le législateur dans la consécration de l’obligation du ministère d’avocat traduit l’absence d’une politique législative quant à l’organisation même du contentieux fiscal. En dépit de son apport incontestable, la loi du 6 mars 2006 ayant imposé l’obligation du ministère d’avocat n’a pas été décisive puisque cette loi n’a concerné que certaines branches du contentieux fiscal, celles régies par le CDPF.

Le droit de la procédure fiscale contentieuse est un agrégat de régimes particuliers. Il s’agit d’un droit éclaté entre plusieurs textes, codes et solutions multiples sans que l’on ne sache pourquoi. Les juges fiscaux statuent suivant des procédures particulières et variables selon la juridiction compétente. L’hétérogénéité de ce droit ne rassure pas le contribuable et ne sécurise pas l’investisseur en particulier. La refonte du droit de la procédure fiscale contentieuse nous paraît incontournable pour soigner l’image du contentieux et du fisc59.

Une réforme de profondeur du régime du contentieux fiscal passe nécessairement par la codification, au vrai sens du terme, des textes régissant le contentieux fiscal et surtout par la simplification des règles de procédures devant le juge.

وحيث أّن مطعن هضم حقوق الّدفاع يفترض وجود خلل في سير أو تنظيم المحاآم في الطور " اإلستئنافي دون تمكين األطراف من إعداد وسائل دفاعهم وتقديم حججهم وآذلك االستماع إليهم في تقديم

...".وجهة نظرهمTA, Cass. n° 32766, du 11 février 2002 :

قضاء هذه المحكمة مستقّر على أّن تعليل األحكام ال يقتصر على إبراء طلبات الخصوم وأوجه فقه "... دفاعهم بل يتجاوز ذلك إلى تمحيص مستنداتهم ومناقشة أدلتهم واستخالص النتائج منها وتطبيق القواعد

". القانونية عليها حتى يتمّكن قاضي التعقيب من إجراء رقابته على سالمة تطبيق القانونPour plus de détails, voir : Sami KRAIEM, « Le juge compétent en matière fiscale », Thèse de Doctorat en Droit, Faculté de droit de Sfax, 2006, p.286.

59 Compte tenu de la démarche poursuivie en droit comparé, et en particulier celle du droit français qui constitue souvent une source d’inspiration pour le législateur tunisien, ce dernier est aujourd’hui appelé à simplifier davantage le régime du contentieux fiscal, y compris le régime du ministère d’avocat. Aussi convient-il pour le législateur tunisien de généraliser la solution adoptée à travers la loi du 6 mars 2006 à toutes les branches du contentieux fiscal.