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Mardi 11 août 2015 - 71 e année - N o 21948 - 2,20 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Jérôme Fenoglio Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA C haque matin, il a dé- posé un bouquet de fleurs dans le panier d’un vélo garé devant son studio, à Pékin. L’artiste chi- nois Ai Weiwei inaugure la série « Imaginer le monde de demain » : Le Monde a de- mandé à plusieurs photogra- phes de choisir une de leurs images et de la commenter. Ai Weiwei, artiste contesta- taire, surveillé et assigné à résidence par le pouvoir chi- nois, a choisi ce vélo fleuri, dont il a fait depuis novem- bre 2013 un symbole de sa ré- sistance au régime. « Je fleu- rirai ce vélo chaque matin jusqu’à ce que je retrouve le droit de circuler librement », écrit l’artiste. Fin juillet, il a récupéré son passeport con- fisqué depuis 2011 et s’est rendu à Berlin. LIRE PAGE 22 AI WEIWEI L’ÉTÉ EN SÉRIES AI WEIWEI , LE VÉLO AU BOUQUET DE FLEURS LA MENACE TERRORISTE ET LES LEÇONS DE TARNAC E nlisée depuis sept ans dans les méandres d’une en- quête incohérente, l’« af- faire de Tarnac » est désormais menacée de tourner au fiasco poli- cier et à la pantalonnade politique. Elle n’en est que plus instructive. Depuis novembre 2008, en effet, une huitaine de jeunes alors ins- tallés dans le village corrézien de Tarnac sont poursuivis pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la prépa- ration d’un acte terroriste ». Ap- partenant à la mouvance anarcho- autonome et se revendiquant d’un opuscule radical publié en 2007 (L’Insurrection qui vient, La Fabrique), plusieurs membres de ce groupe sont soupçonnés d’avoir saboté cinq lignes de TGV à l’automne 2008 en posant des fers à béton sur des caténaires. LIRE LA SUITE P. 13 ET NOS INFORMATIONS P. 7 BETTE DAVIS ET JOAN CRAWFORD, LES VIPÈRES D’HOLLYWOOD ENNEMIS INTIMES LIRE PAGE 19 L’OLIVIER EN GUERRE DANS LES POUILLES ARBRES MALADES LIRE PAGE 20 BAL D’IMPOSTEURS AU PÔLE NORD LA VIE APRÈS LE MENSONGE LIRE PAGE 21 Un djihadiste français sur sept trouve la mort en Syrie Selon le ministère de l’intérieur, 910 Français sont partis faire le djihad en Syrie depuis le début du conflit. 126 y ont trouvé la mort, soit un sur sept Parmi eux, Omar Diaby, considéré comme l’un des principaux recruteurs français, serait mort vendredi 7 août des suites de blessures par balles Le taux de mortalité des recrues françaises a explosé : il a augmenté de 280 % depuis juillet 2014. En moyenne, sept d’entre elles meurent chaque mois Les Français montent dans la hiérarchie de l’Etat islamique et sont envoyés au combat, ce qui accroît le risque qu’ils soient tués FRANCE LIRE PAGE 6 Tensions aux Etats-Unis, un an après Ferguson Manifestants à Ferguson (Missouri), le 9 août. MICHAEL B. THOMAS/AFP Un manifestant a été blessé grièvement pendant la commémoration de la mort de Michael Brown, tué par un policier en 2014 Au Texas, un jeune Noir a été abattu par la police dans la nuit du 6 au 7 août LIRE PAGE 4 LALOU BIZE-LEROY, UNE GRANDE DAME DU VIN VIGNERONNES NATURE LIRE PAGE 22 EUROPE LA GRÈCE PROCHE D’UN ACCORD AVEC SES CRÉANCIERS LIRE PAGE 9 FOOTBALL PSYCHODRAME À MARSEILLE APRÈS LA DÉMISSION DE BIELSA LIRE PAGE 16 ÉGYPTE AU CAIRE, LE COMMISSARIAT DE LA TERREUR LIRE PAGE 2 CLIMAT SÉGOLÈNE ROYAL EN TOURNÉE AFRICAINE AVANT LA COP21 LIRE PAGE 5 RESTAURATION DANS UN MARCHÉ SATURÉ, LES SUSHIS NE FONT PLUS RECETTE LIRE PAGE 11 La qualité italienne à 1990€ * Je dis Offre valable jusqu’au 31 août sur les canapés Caroline (L210 x H96 x P90) et Space (L205 x H90 x P85 ) 50 coloris de tissus au choix Design & fabrication italienne *dont 7€ d’éco-participation. structure hêtre massif et multiplis, suspension sangles, assise HR bidensité 35kg/m 3 , dossier options plumes. Prix hors livraison. PARIS 15 e • 7j/7 • M° Boucicaut • P. gratuit • topper.fr Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40 Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10 Armoires lits : 60 rue de la Convention, 01 45 71 59 49 Mobilier Design : 145 rue St-Charles, 01 45 75 06 61 Meubles Gautier : 147 rue St-Charles, 01 45 75 02 81 CANAPÉS, LITERIE, MOBILIER : 3 000 M 2 DENVIES ! CAROLINE SPACE si!

Le Monde 11 Aout 2015

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Le journal francais Le Monde du 11 aout 2015

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Mardi 11 août 2015 ­ 71e année ­ No 21948 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry ­ Directeur : Jérôme Fenoglio

Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA

C haque matin, il a dé­posé un bouquet defleurs dans le panier

d’un vélo garé devant son studio, à Pékin. L’artiste chi­nois Ai Weiwei inaugure lasérie « Imaginer le monde dedemain » : Le Monde a de­mandé à plusieurs photogra­phes de choisir une de leurs images et de la commenter.

Ai Weiwei, artiste contesta­taire, surveillé et assigné à

résidence par le pouvoir chi­nois, a choisi ce vélo fleuri, dont il a fait depuis novem­bre 2013 un symbole de sa ré­sistance au régime. « Je fleu-rirai ce vélo chaque matin jusqu’à ce que je retrouve le droit de circuler librement », écrit l’artiste. Fin juillet, il a récupéré son passeport con­fisqué depuis 2011 et s’est rendu à Berlin.

→ LIRE PAGE 22

AI WEIWEI

L’ÉTÉ EN SÉRIESAI WEIWEI , LE VÉLO AU BOUQUET DE FLEURS

LA MENACE TERRORISTE ET LES LEÇONS DE TARNAC

E nlisée depuis sept ans dansles méandres d’une en­quête incohérente, l’« af­

faire de Tarnac » est désormais menacée de tourner au fiasco poli­cier et à la pantalonnade politique.Elle n’en est que plus instructive.

Depuis novembre 2008, en effet,une huitaine de jeunes alors ins­tallés dans le village corrézien de Tarnac sont poursuivis pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la prépa-ration d’un acte terroriste ». Ap­partenant à la mouvance anarcho­autonome et se revendiquant d’un opuscule radical publié en 2007 (L’Insurrection qui vient, La Fabrique), plusieurs membres de ce groupe sont soupçonnés d’avoir saboté cinq lignes de TGV àl’automne 2008 en posant des fersà béton sur des caténaires.

→ LIRE L A SUITE P. 13

ET NOS INFORMATIONS P. 7

BETTE DAVIS ET JOAN CRAWFORD, LES VIPÈRES D’HOLLYWOOD ENNEMIS INTIMES → LIRE PAGE 19

L’OLIVIEREN GUERREDANS LES POUILLES ARBRES MALADES→ LIRE PAGE 20

BAL D’IMPOSTEURS AU PÔLE NORDLA VIE APRÈS LE MENSONGE→ LIRE PAGE 21

Un djihadiste français sur sept trouve la mort en Syrie ▶ Selon le ministère de l’intérieur, 910 Français sont partis faire le djihad en Syrie depuis le début du conflit. 126 y ont trouvé la mort, soit un sur sept

▶ Parmi eux, Omar Diaby, considéré comme l’un des principaux recruteurs français, serait mort vendredi 7 août des suites de blessures par balles

▶ Le taux de mortalité des recrues françaises a explosé : il a augmenté de 280 % depuis juillet 2014. En moyenne, sept d’entre elles meurent chaque mois

▶ Les Français montent dans la hiérarchie de l’Etat islamique et sont envoyés au combat, ce qui accroît le risque qu’ils soient tués

FRANCE → LIRE PAGE 6

Tensions aux Etats-Unis, un an après Ferguson

Manifestantsà Ferguson(Missouri),

le 9 août.MICHAEL B. THOMAS/AFP

▶ Un manifestant a été blessé grièvement pendant la commémoration de la mort de Michael Brown, tué par un policier en 2014

▶ Au Texas, un jeune Noir a été abattu par la police dans la nuit du 6 au 7 août

→ LIRE PAGE 4

LALOU BIZE-LEROY, UNE GRANDEDAME DU VINVIGNERONNES NATURE→ LIRE PAGE 22

EUROPELA GRÈCE PROCHE D’UN ACCORD AVEC SES CRÉANCIERS → LIRE PAGE 9

FOOTBALLPSYCHODRAME À MARSEILLE APRÈS LA DÉMISSION DE BIELSA → LIRE PAGE 16

ÉGYPTE AU CAIRE, LE COMMISSARIAT DE LA TERREUR → LIRE PAGE 2

CLIMAT SÉGOLÈNE ROYAL EN TOURNÉE AFRICAINE AVANT LA COP21 → LIRE PAGE 5

RESTAURATIONDANS UN MARCHÉ SATURÉ, LESSUSHIS NE FONT PLUS RECETTE→ LIRE PAGE 11

La qualitéitalienne à 1990€*

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Offre valable jusqu’au

31 août sur les canapés

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PARIS 15e • 7j/7 • M° Boucicaut • P. gratuit • topper.frCanapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40

Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10Armoires lits : 60 rue de la Convention, 01 45 71 59 49Mobilier Design : 145 rue St-Charles, 01 45 75 06 61Meubles Gautier : 147 rue St-Charles, 01 45 75 02 81

CANAPÉS, LITERIE,MOBILIER : 3 000M2 D’ENVIES!

CAROLINE

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si!

2 | international MARDI 11 AOÛT 2015

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Dans l’« abattoir » de la police égyptienneSymbole de la répression du régime Moubarak, le poste de Matareya reste un lieu de violence et de torture

REPORTAGEle caire - envoyée spéciale

Les habitants de Matareyal’ont surnommé « l’abat-toir ». Le poste de police dece quartier populaire dans

le nord du Caire est connu pour sa violence et ses actes de torture. Dissidents politiques, délinquants ou revendeurs de drogue y ont connu les pires heures sous l’an­cien président Hosni Moubarak. Lorsque la révolution a éclaté le 25 janvier 2011, il a été l’un des pre­miers commissariats du pays atta­qués par des jeunes armés jus­qu’aux dents.

Depuis, le quartier vit au rythmedes manifestations et des violen­ces policières, qui ont fait plus de 500 « martyrs » et 5 000 blessés, selon les militants locaux. Bastion des Frères musulmans, durement réprimés par le régime du prési-dent Abdel Fattah Al-Sissi depuis ladestitution du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, Matareya est devenu un foyer de radicalisation, sur fond de flambéed’actes terroristes.

Les photos des « martyrs » trô-nent dans les ruelles du quartier, où trois millions d’habitants vi-vent comme dans un village. Tous ont un proche ou un voisin parmi les victimes des violences postrévolutionnaires. Après les affrontements qui ont fait12 morts le jour du quatrième an-niversaire de la révolution, le25 janvier, le ministère de l’inté-rieur a appelé ses forces à la rete-nue. Mais les arrestations n’ontpas cessé, effectuées par des hom-mes en civil ou lors de raids à do-

micile. Au sein du commissariat, les tortures sont monnaie cou-rante. « Ils torturent pour obtenir des confessions ou humilier les gens. Ils utilisent des cigarettes, l’électricité, arrachent les ongles, menacent de viol ou violent », dé-crit Abderrahman Gad, chercheurau Centre égyptien pour les droitset les libertés.

Le 24 février, l’avocat KarimHamdy, 26 ans, a été déclaré dé-cédé après deux jours de déten-tion à Matareya. Le rapport d’autopsie révèle qu’il a été torturé

à mort. Outre les marques de coups et les côtes cassées, sa dé-pouille présente des blessures à la langue et aux parties génitales. Se-lon l’avocat de la famille, Montasser Al-Zayat, « il a été arrêtéau poste de police alors qu’il venait déposer plainte pour un client. Ils l’ont placé en garde à vue pour ap-partenance à une organisation illé-gale, les Frères musulmans, et fi-nancement des manifestations ».

La sévérité des tortures qu’a su-bies Karim Hamdy et la mobilisa-tion de ses confrères ont donné un écho à l’affaire. Deux officiers de la sécurité nationale suspectésd’être impliqués dans sa mort sont en procès. Un fait rare, alors que 80 à 98 cas ont été signalés par le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) entre juin 2013 et décembre 2014. AMatareya comme ailleurs dans le pays, d’autres cas sont depuis ap-parus.

Le 22 avril, Imam El-Efify, un avo-cat de 63 ans, est mort à l’hôpital de Matareya des suites d’une hé-morragie crânienne causée par des coups. Il avait été transféré

après son interpellation, le 10 avril,lors d’une manifestation dans le quartier. La police affirme qu’il a été frappé par des « honorables ci-toyens ».

Sa famille et d’autres manifes-tants pointent la responsabilité depoliciers en civil et s’interrogent sur les trois heures que M. El-Efify a passées au poste de police. « Il m’a appelé à 13 heures pour me direqu’il venait d’être arrêté. Il était en forme. Quand je l’ai vu le soir à l’hô-pital, il divaguait et avait des mar-ques au visage ressemblant à des coups de crosse et des brûlures aux mains », raconte son fils Ahmed, qui accuse le procureur d’avoirempêché son transfert dans un meilleur hôpital.

Cycle de représailles

Cette longue liste d’abus policiers a créé un sentiment de solidarité parmi les habitants de Matareya et suscité le désir de vengeance decertains. « Malgré la répression et les divisions politiques qui ont af-faibli le mouvement de protesta-tion, les manifestants pro-Morsi ont été rejoints par des proches des

Manifestationau Caire,le 1er mars,après la mortde l’avocat Karim Hamdyen prison. MOSTAFA

SABRY/ANADOLU AGENCY

victimes réclamant justice et des jeunes désireux d’en découdre avecles forces de sécurité », indique Abderrahman Gad.

Ces jeunes, âgés de 17 à 19 ans,parfois instrumentalisés par desgroupes, attaquent la police avecdes cocktails Molotov. « Les vio-lences policières vont susciter unevague de vengeance personnelle contre les agents de police et les magistrats », prévient Hala, une quadragénaire pro-Morsi qui ma-nifeste tous les vendredis pour ceux qui ont été emprisonnés, torturés et tués.

Le cycle de représailles est déjàenclenché. A Matareya, le 21 avril, le colonel Wael Tahoun, l’ancienchef du poste de police, a été abattu avec son chauffeur par deux hommes cagoulés. La liste des suspects est longue tant l’homme était haï dans le quar-tier. « Il était connu pour humilier les prisonniers et torturer les déte-nus politiques », raconte M. Gad.Le 28 janvier 2011, il avait échappé de peu à la vindicte populaire lors de l’attaque du commissariat. Il avait ensuite été blanchi par la jus-tice pour son rôle dans la mort de révolutionnaires.

Son assassinat a été revendiquépar le Bataillon de l’exécution, un groupe nébuleux qui a promis « une campagne de vengeance contre les officiers de police impli-qués dans la mort des martyrs du 25 janvier ». Dans le pays, plus un jour ne passe sans qu’un policier ne soit la cible d’une attaque. Le 29 juin, un cap a été franchi avec l’attentat qui a coûté la vie au pro-cureur général, Hicham Barakat, au Caire. p

hélène sallon

Ahmed Ziyada raconte l’enfer de la prison d’Abou Zaabal

A hmed Ziyada a le souriregêné de ceux qui ontvécu l’enfer et se sentent

coupables d’en être sortis. Attablé à une terrasse de café au Caire, lephotojournaliste de 27 ans pense à ses codétenus avec qui il a par-tagé une cellule de la prison d’Abou Zaabal, au nord du Caire. Le 29 avril, il a été acquitté après 496 jours de détention provisoire.

Ahmed Ziyada avait été arrêté le28 décembre 2013 alors qu’il cou-vrait une manifestation de sym-pathisants de l’ancien président islamiste Mohammed Morsi àl’université d’Al-Azhar : 63 des 75 étudiants qui ont été arrêtés ce jour-là ont été condamnés à despeines allant jusqu’à sept ans deprison pour manifestation illé-gale et émeutes. « 90 % d’entre euxsont innocents et ne connaissent

rien à la politique. A leur place, je serais déjà devenu extrémiste et pourtant j’aime mon pays. »

Le jeune homme regrette le si-lence qui entoure leur sort. « Cequi m’a permis d’être libre, ce sont les personnes qui m’ont soutenu et ont partagé mes lettres », dit-il. Pendant un an et demi, il a réussi àfaire passer à l’extérieur des lettresdécrivant les mauvais traitementsen détention. Ces témoignages lui ont valu, ainsi qu’à ses proches, lesbrimades des autorités pénitenti-aires. « Pour survivre en prison, il ne faut pas se plaindre, explique-t-il. Mais rester silencieux est un en-fermement supplémentaire. »

Une de ses lettres a trouvé unécho. Elle raconte une fouille qui adégénéré, le 18 mars. « Les officierset les conscrits nous ont déclaré la guerre. Ils nous ont attaqués avec

des bâtons et des chiens et nous ont lancé des gaz lacrymogènes », raconte-t-il. Certains de ses codé-tenus ont été torturés pendanttrois heures.

« La tombe des vivants »

Ahmed Ziyada a, lui, passé sept jours à l’isolement, dans une cel-lule étroite et suffocante, sans lu-mière, ni eau, ni toilettes, à dor-mir à même le béton, vêtu d’une serviette. « C’est la tombe des vi-vants, assure-t-il. Il y a des gens quiy ont passé des mois, dont vous n’entendez plus jamais parler. C’estune torture, une mort lente. »

L’affaire a alerté le Conseil na-tional pour les droits de l’homme(CNDH), qui a obtenu un droit de visite, après des démarches labo-rieuses, auprès de quatre desdouze victimes, dont M. Ziyada.

« Les détenus nous ont dit que les autres, dont certains gravementblessés à la suite de tortures,avaient été transférés. Le minis-tère a refusé que nous voyions les cellules d’isolement », commente George Isaac, du CNDH. Lors de lavisite, M. Ziyada est mutique, ef-frayé. « Le chef des enquêtes m’avait menacé de me coller uneenquête pour possession de dro-gues ou insulte à un officier si jeparlais », explique-t-il.

Chuchotant, il raconte sa déten-tion – l’interdiction de promena-des, de livres et de journaux, les cellules surpeuplées de 30 à 50 personnes sans lit ni couverture ni aération – et les mauvais traite-ments. Le docteur Salah Salem, du CNDH, a confirmé la présencede traces de coups causées par unbâton sur son dos.

Dans son rapport, publié fin mars,le CNDH a dénoncé les mesures punitives inhumaines observées lors de la visite. « Ils traitent les gens comme avant le 25 jan-vier 2011. C’est le retour de l’Etat po-licier », estime M. Isaac. Le rapporta donné lieu à une enquête duprocureur général dans neuf pri-sons et centres de détention du Caire et de Gizeh. Elle a conclu à des conditions de détention in-humaines mais s’est arrêtée là.

Le ministère de l’intérieur parle,lui, de cas isolés. Les plaintes pourmauvais traitements en déten-tion et harcèlement des prochessont pourtant en augmentation.« Les abus se sont systématisés », pointe Abderrahman Gad, de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés. p

hé. s.

Mort d’un dirigeant islamiste en prison

Essam Derbala, 58 ans, un responsable de la Al-Gamaa Al-Isla-miya, une organisation salafiste qui a soutenu l’ancien président égyptien Mohamed Morsi, est mort en détention, dimanche 9 août. De maladie, selon le ministère de l’intérieur égyptien, mais la Al-Gamaa Al-Islamiya accuse les autorités d’« assassi-nat », de déni de soins médicaux et de torture psychologique. La Commission égyptienne pour les droits et les libertés a docu-menté plus de 270 morts en détention, dont 143 pour négligence médicale, depuis la destitution par l’armée de M. Morsi, en juillet 2013. Début août, un autre membre de l’organisation, Ez-zat Al-Salamouni, ainsi qu’un responsable des Frères musul-mans, Ahmed Hussein Ghozlan, sont morts en prison.

La longue liste

d’abus policiers a

créé un sentiment

de solidarité

et suscité le désir

de vengeance

de certains

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ISRAËLPremiers raidsdans des coloniesIsraël a lancé dimanche 9 août des raids dans des co-lonies et placé plusieurs figu-res de l’activisme antipalesti-nien en détention sans inculpation. Ces actions font suite à l’attaque meurtrière, le 31 juillet en Cisjordanie, d’une maison palestinienne. – (AFP.)

Les divisions du mouvement taliban aggravent la violence en AfghanistanPlusieurs attentats en quelques jours ont ensanglanté Kaboul et le nord du pays

L e retrait d’Afghanistan, fin2014, des troupes de l’OTANet la volonté du nouveau

président afghan, Ashraf Ghani, denégocier avec les talibans pou­vaient résonner comme une forme de victoire pour ces der­niers. Mais, paradoxalement, l’ab­sence d’ennemis semble être un plus grand péril pour le principal mouvement insurgé afghan, di-visé et engagé dans une guerre de succession après l’annonce offi-cielle, le 29 juillet, de la mort du mollah Omar, son chef spirituel et historique.

Les rivalités internes apparais-sent en pleine lumière et seraient déjà, selon plusieurs sources sécu-ritaires occidentales et afghanes à Kaboul, une source d’aggravation de la violence dans le pays. La capi-tale afghane a été la cible de plu-sieurs attentats et attaques-suici-des en quelques jours après la no-mination contestée, le 30 juillet, du mollah Mansour comme le successeur du mollah Omar.

A Kaboul, dont la sécurisationétait présentée comme un succès par les autorités afghanes et occi-dentales, un nouvel attentat sui-cide a été perpétré, lundi 10 août

dans la matinée, aux abords de l’aéroport, et a fait plusieurs victi-mes. Il intervient quatre joursaprès l’explosion d’un véhiculedans un quartier résidentiel, près d’un bâtiment des services de renseignement afghans, surpre-nant de nombreuses personnesdans leur sommeil. Le dernier bi-lan fait état de 15 morts et de 248blessés. Des victimes pourraient encore se trouver sous les décom-bres des bâtiments touchés par le souffle de l’explosion. L’acte n’a pas été revendiqué par les tali-bans, qui se refusent générale-ment à le faire lorsque des civils sont touchés.

Trois attaques revendiquées

Le mouvement taliban a, en revan-che, confirmé avoir commandité trois autres opérations réalisées le vendredi 7 août. Les deux premiè-res se sont déroulées à Kaboul dont le ciel était, jusqu’à samedi, encombré d’hélicoptères de se-cours et des quartiers entiers ont été bouclés jusqu’à tard dans la journée. Le camp « Integrity », si-tué près de l’aéroport, abritant des forces spéciales américaines, a été attaqué par plusieurs assaillants.

Le premier a fait exploser sa cein-ture d’explosifs avant que plu-sieurs complices ne tentent de pé-nétrer dans l’enceinte de la base. Un soldat américain, deux as-saillants et neuf civils sont morts au cours de cette action.

Les autorités afghanes ont dûfaire face, le même jour, à un autreattentat-suicide qui a visé, dans la soirée du 7 août, toujours dans la capitale, l’académie de police. Un kamikaze, ayant revêtu une tenued’élève policier, s’est glissé parmi les recrues avant de déclencherses explosifs. Le ministère de l’in-térieur indiquait, dimanche 9 août, que cette attaque avait fait 26 morts et 28 blessés, tout en pré-cisant que ce bilan risquait d’être plus lourd.

Enfin, samedi 8 août, dans le dis-trict de Khanabad, près de la ville de Kunduz, dans le nord du pays,un autre kamikaze s’est fait explo-ser dans un local qui réunissaitdes membres d’une milice localeanti-talibane. Cette attaque, dans une zone historiquement libre de toute emprise talibane, symbolisel’avancée du mouvement sur qua-siment l’ensemble du territoire. D’après le ministère de l’intérieur,

« 21 civils » sont morts dans cette opération. Les talibans estimentpour leur part que « 31 miliciens dont 7 commandants locaux » ontpéri.

« Nous nous gardons pour l’ins-tant d’attribuer cette hausse de la violence, notamment dans la capi-tale, à la succession du mollah Omar plutôt qu’à la guerre en coursdes talibans contre Kaboul », as-sure, prudent, un diplomate de l’ONU à Kaboul. Pour Antonio Giustozzi, analyste reconnu du mouvement taliban, cette vio-lence reflète les tensions existant entre les différents centres de pou-voir taliban dans le cadre de la suc-cession. Dans un texte publié par le site de la revue américaine Fo-reign Affairs, il explique que les chouras (conseils) talibanes de Peshawar et de Miran Shah se-raient derrière ces attaques, alors que la choura de Quetta, contrôlée par le mollah Mansour, serait, elle, peu active. Une ligne de fracture reflétant l’opposition ouverte en-tre Mansour et le fils du mollah Omar, le mollah Yacoub, âgé de 26 ans, allié à l’ancien bras droit de son père, le mollah Baradar. p

jacques follorou

L’amertume des Kurdes engagés contre l’Etat islamiqueVisés par l’aviation turque, les militants du PKK accusent Ankara de « tromper les Occidentaux »

REPORTAGEbasverimli (turquie) -

envoyé spécial

Des centaines de ca-mions turcs traversentchaque jour le poste-frontière d’Ibrahim-

Khalil, unique passage légal entre le territoire turc et le Kurdistan ira-kien. Leurs cargaisons nourrissent quotidiennement l’économie de cette région autonome du nord de l’Irak en matériaux de construc-tion et en biens de consommation.Dans l’autre sens roulent des tan-kers chargés du pétrole brut ex-trait des gisements contrôlés par les Kurdes d’Irak et, de manière ré-gulière, des camions réfrigérés qui transportent les dépouilles de jeu-nes Kurdes de Turquie ayant re-joint les rangs du Parti des tra-

vailleurs du Kurdistan (PKK) avant de tomber au combat contre l’Etat islamique (EI) dans les plaines ira-kiennes et syriennes qui s’éten-dent plus au sud.

Le 5 août, après onze jours de blo-cage par les autorités turques, l’un de ces camions contenant les treize cadavres de combattants kurdes et d’un volontaire alle-mand a enfin été autorisé à passer.Au cours de ces journées d’attente,le village de Basverimli situé à proximité de Silopi, dans le dépar-tement de Sirnak, à 2 kilomètres dela frontière a accueilli plusieurs centaines de Kurdes venus récla-mer leurs « martyrs ». Sous le vol sombre d’hélicoptères décollant vers les positions du PKK des monts Joudi, leurs rassemble-ments au poste-frontière ont été dispersés par les gaz lacrymogè-

nes de la gendarmerie. Contraints de se réfugier dans les maisons mi-ses à leur disposition par les villa-geois, ils ont tâché, tant bien que mal, de faire pression sur les auto-rités turques avant d’obtenir gain de cause.

Scènes de guerre urbaine

L’attentat de Suruç contre des mi-litants prokurdes, le 20 juillet,suivi de l’assassinat de policiersdécidé en représailles par le PKKet la reprise consécutive des frap-pes aériennes sur les bases de la guérilla kurde dans le nord de l’Irak ont ouvert une nouvellephase de conflit, après deux ans de processus de paix.

Dans les villes kurdes, des affron-tements meurtriers opposent les jeunes militants du PKK aux for-ces de sécurité et donnent parfois lieu à des scènes de guerre ur-baine. Vendredi 7 août, à Silopi, trois civils kurdes ont été tués par la police. Les affrontements, dé-clenchés lorsque des bulldozers dela police sont venus combler les tranchées creusées par les mili-tants en travers des rues de leur quartier, ont occasionné des cas deblessures graves par balles et la

destruction de plusieurs maisons. En représailles, un policier et deux soldats ont été tués dans les villes de Cizre et dans les provinces de Van et d’Agri. Largement diffusées sur les réseaux sociaux, les imagesde maisons en flammes à Silopi ont renforcé la crainte des habi-tants du sud est kurde de la Tur-quie de voir leur région sombrer dans une violence sans retour.

Le mouvement kurde dénonceune « manipulation » du présidentde la République turque, Recep Tayyip Erdogan. La percée du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde de gauche) ayant privé le Parti de la justice et du développe-ment (AKP) de majorité, les résul-tats des dernières élections législa-tives devaient se traduire soit par la formation d’un gouvernement de coalition, qui paraît à ce stade impossible à négocier, soit par l’or-ganisation d’un nouveau suffrage. « Le gouvernement turc veut inciterle PKK à déclencher une nouvelle guerre afin de discréditer le HDP et d’obtenir lors des élections antici-pées une majorité suffisante pour gouverner seul », explique Faysal Sariyildiz, député HDP de Sirnak.

La proximité des champs de ba-

taille syrien et irakien, où les forceskurdes combattent l’Etat islami-que, n’est pas sans conséquence. Depuis le déclenchement de la guerre civile syrienne, les Kurdes de Turquie ont les yeux tournés vers le Rojava, les régions kurdes de Syrie où le PKK a réussi à impo-ser son modèle politique et conti-nue à combattre les djihadistes de l’EI. Et l’engagement récent de la Turquie contre le groupe djiha-diste ne convainc personne à Bas-verimli, comme ailleurs dans les régions kurdes. « Daech [acro-nyme arabe de l’EI] est l’instrumentqu’utilise l’Etat turc pour faire la guerre aux Kurdes. Les avions turcs bombardent nos combattants et Daech nous tue au Rojava et en Irak », accuse Rasul Tas, un habi-

tant de Basverimli, reprenant une idée largement partagée au sein dela population kurde. « La Turquie est en train de tromper les Occiden-taux : ce gouvernement déclare s’attaquer à Daech, mais c’est un prétexte pour faire la guerre aux Kurdes », regrette Salih Gulenç, un cadre du mouvement kurde du dé-partement de Sirnak.

Les combattants dont les dé-pouilles étaient bloquées à la fron-tière turque sont morts au début du mois de juillet dans les régions d’Hassaké en Syrie et de Sinjar enIrak, deux zones où l’aviation amé-ricaine soutient directement les combattants kurdes au sol. L’in-compréhension et la confusion n’en sont que plus grandes parmi les Kurdes de Turquie, qui s’éton-nent de voir les gouvernements occidentaux ne pas s’opposer plus fermement à la politique turque. « Nos martyrs sont morts en com-battant Daech au nom de l’huma-nité, lance le frère aîné d’un com-battant tué en Syrie, venu à la fron-tière depuis Diyarbakir, pour at-tendre son corps. Aujourd’hui, la Turquie nous attaque et le monde nous a oubliés. » p

allan kaval

A Silopi, à la frontière entre la Turquie et le Kurdistan irakien, le 29 juillet. EMILIEN URBANO/MYOP POUR « LE MONDE »

100 km

SYRIE

IRAKLIBAN

IRAN

ARMÉNIE AZERB.

Mer Noire

Mer

Méditerranée

Ankara

Damas

TURQUIE

GaziantepSanliurfa

Ibrahim Khalil

BasverimliSilopi

Cizre

Suruç

Rakka Mossoul

Incirlik

Diyarbakir

Malatya Batman

SOURCES : INSTITUTE FOR THE STUDY OF WAR ; LE MONDE

Zone d’influence de l’EI ( juin 2015)Bases aériennes turquesutilisées par les Américains

Peuplement kurde« Capitales » de l’Etat islamique

Base arrière des djihadistes en Turquie

TURQUIEAttaques contre le consulat américain et un commissariat à IstanbulLe consulat américainà Istanbul a été la cible de coups de feu, lundi 10 août. L’agence de presse turque Ci-han précise qu’une fusilladea opposé les forces de l’ordre et deux assaillants, qui ont pris la fuite. Quelques heures plus tôt, dans la nuit de di-manche à lundi, un commis-sariat de la ville avait été visépar une attaque à la bombe, suivie par de violents heurts avec la police. Deux militants présumés ont été tués, selon l’agence turque Dogan. – (AFP.)

IRAKLe gouvernement adopte des réformes pour calmer la contestationLe gouvernement de Haïder Al-Abadi a approuvé, diman-che 9 août, des réformes prévoyant la suppression d’importants postes et des privilèges. La mesure la plus drastique est la suppression « immédiate » des postes des trois vice-premiers ministres et des trois vice-présidents. Le plan prévoit aussi l’aboli-tion « des quotas confession-nels ». Ces annonces visent à calmer le mécontentement populaire qui s’est exprimé dernièrement lors de rassem-blements contre la corrup-tion et l’incompétence de la classe politique. – (AFP.)

« Daech est

l’instrument de

l’Etat turc pour

faire la guerre

aux Kurdes »

RASUL TAS

habitant de Basverimli

- CESSATIONS DE GARANTIE

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRETD’APPLICATION N° 72-678 DU 20

JUILLET 1972 -ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour A– 110 esplanade du Général de Gaulle – 92931LA DEFENSE CEDEX (RCS NANTERRE414 108 708), succursale de QBE Insurance(Europe) Limited, Plantation Place dont le siègesocial est à 30 Fenchurch Street, London EC3M3BD, fait savoir que, la garantie financière dontbénéficiait la:

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4 | international MARDI 11 AOÛT 2015

0123

Etats-Unis : un blessé grave à FergusonLe niveau de violences policières visant des Noirs reste élevé, un an après la mort de Michael Brown

washington - correspondant

La commémoration de lamort de Michael Brown adégénéré dimanche9 août, dans la nuit, à Fer-

guson, ville de la banlieue de Saint-Louis (Missouri), après unemarche qui s’était déroulée dansle calme. Tué par un policier blancil y a un an après une altercation survenue quelques minutes aprèsun larcin commis dans une supé-rette, Michael Brown était devenule symbole des violences policiè-res visant les jeunes Noirs aux Etats-Unis. Sa mort avait entraîné des manifestations ponctuées de nuits d’émeutes qui avaient pro-voqué à deux reprises la déclara-tion de l’état d’urgence par le gou-verneur démocrate de l’Etat, Jay Nixon, ainsi que le déploiementde la garde nationale.

Dimanche soir, vers 23 h 15, descoups de feu ont été tirés, alorsqu’une centaine de personnes étaient encore réunies, dans une rue commerçante de la ville. Au moins un manifestant a été blessé. La police de Saint-Louis a annoncé qu’un policier avait ouvert le feu après s’être trouvésous « des tirs nourris ». Deux vé-hicules de police ont reçu des im-pacts de balles.

« Ils ont tué mon frère »

Un journaliste de l’AFP a entenduune vingtaine de tirs et a vu unmanifestant en sang allongé sur le sol. « Pourquoi ont-ils fait ça ? »,a crié une femme, devant un re-porter d’Associated Press, tandis qu’un homme se lamentait : « Ilsont tué mon frère. » Le blessé a étéhospitalisé dans un état critique.Selon la police de Saint-Louis, il tirait sur des agents, avec unearme volée. Les quatre policiersimpliqués dans la fusillade ontété suspendus.

La mort de Michael Brown le9 août 2014 a été suivie par d’autres cas de violences policiè-

res à Cleveland, Rhode Island, North Charleston et Baltimore. LeWashington Post, qui a dressé la comptabilité de ces incidents mortels dans le pays depuis le dé-but de l’année, chiffre à 585 le nombre de personnes tuées par la police. Il s’agit notamment de 291 Blancs, de 147 Noirs et de 92 Hispa-niques. Pour une écrasante majo-rité, les personnes tuées étaient ar-mées. Les Noirs (13 % de la popula-tion) comptent pour 40 % (24) des 60 cas de personnes tuées alors qu’elles n’étaient pas armées.

Cette dernière liste inclut Chris-tian Taylor, 19 ans, tué à Arlington, au Texas, dans la nuit du jeudi 6 auvendredi 7 août. Selon les premiè-res déclarations de la police, le jeune homme a été repéré par les caméras de surveillance d’une concession automobile en train dedéfoncer un pare-brise pour mon-ter à bord d’une voiture parquée à l’extérieur. Il s’est ensuite servi de son propre véhicule pour briser la vitrine de la concession et s’y in-troduire. Des policiers dépêchéssur place ont encerclé le bâtiment. Deux d’entre eux y ont pénétré pour arrêter l’adolescent, qui n’avait pas obtempéré à leurs or-dres et avait essayé de s’enfuir. L’un des fonctionnaires a tiré sur lejeune homme alors que son équi-pier avait utilisé un Taser, sans quel’on connaisse encore précisémentl’enchaînement des faits.

Les villes de Ferguson et d’Ar-lington ne sont guère compara-

En revanche, le drame a mis aujour un dévoiement des pratiques policières locales et un harcèle-ment visant plus particulier les Noirs, notamment pour les infrac-tions routières. Le produit de ces amendes contribuait en effet pourune part significative (23 % dans leprojet de budget 2015) aux reve-nus de la municipalité.

« Transparence » pour l’enquête

Les conclusions sévères du minis-tère de la justice ont entraîné les démissions du chef de la police, dujuge municipal et du city manager,qui exerce les fonctions exécuti-

ves au profit du conseil municipal.La police et ce conseil étaient alorscomposés en majorité de Blancs.

Samedi, le chef de la police d’Ar-lington, Will Johnson, a noté que la mort de Christian Taylor inter-vient alors que la « nation est aux prises avec les thèmes de l’injusticesociale, des inégalités, du racisme et de mauvaises pratiques de lapolice ». Will Johnson a garanti la « transparence » pour l’enquête en cours et annoncé avoir de-mandé l’aide du FBI. Le policier à l’origine des coups de feu, BradMiller, 49 ans, suspendu confor-mément au règlement pour la du-

rée de l’enquête, était sorti di-plômé de l’académie de police en mars 2014. Il parachevait sa for-mation au sein de la police d’Ar-lington, qu’il avait rejointe enseptembre.

Dans un long portrait qu’il aconsacré à Darren Wilson, publié dans son numéro daté du 10 août,le magazine The New Yorker rap-pelle que ce dernier, 29 ans, avaitété employé tout d’abord dans le secteur de la construction avant d’entrer dans une académie depolice après l’éclatement de labulle immobilière. p

gilles paris

La police se met à l’abri, alors que des coups de feu sont tirés, dimanche 9 août, à Ferguson. SCOTT OLSON/AFP

L’opposition russe interdite de scrutin localPlusieurs listes de la Coalition démocratique d’Alexeï Navalny ont été invalidées

moscou - envoyé spécial

L es élections régionales du13 septembre se déroulerontsans la participation de l’op-

position libérale. Deux décisions, vendredi 7 et samedi 8 août, empê-chent la Coalition démocratique, alliance entre le parti d’Alexeï Na-valny, interdit, et celui de l’ancien premier ministre Mikhaïl Kassia-nov, de participer au scrutin. Ven-dredi, la Commission électorale centrale, à Moscou, a confirmé l’interdiction faite à la Coalition démocratique de présenter une liste à Novossibirsk. La ville, la troi-sième de Russie avec près de deux millions d’habitants, constituait une cible de choix pour l’opposi-tion, avec une population jeune, urbaine et éduquée.

Pour obtenir le droit de concou-rir, la Coalition démocratique de-vait recueillir les signatures de 11 000 citoyens de la région en ap-pui de sa candidature. Trois cent treize de ces signatures ont été ju-gées litigieuses, un chiffre que l’op-position conteste. Elle entend dé-sormais, sans réel espoir de succès,se tourner vers les tribunaux rus-ses, avant de s’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme.

« Cette décision est sans précé-dent, s’insurge Leonid Volkov, di-recteur de la campagne de la Coa-lition démocratique, à la fois auniveau national et à Novossibirsk.Depuis des années, le Kremlin en-voie le même message : “Au lieu de

se plaindre, que l’opposition com-mence par montrer ce qu’elle vaut dans les instances locales.” Nousavons pris ce message au mot, mais désormais, même le niveau local nous est fermé. »

M. Volkov et quatre autres mili-tants locaux sont en grève de la faim depuis douze jours. Lui-même fait l’objet d’une enquête criminelle pour ne pas avoir versé7 500 roubles (106 euros), à un desvolontaires chargés de recueillir les signatures. Selon M. Volkov, uncompagnon de route de longue date d’Alexeï Navalny, le volon-taire en question était un provo-cateur chargé de produire à des-sein de fausses signatures pourfaciliter l’interdiction de la liste.

« Collecteurs toxiques »

Cette pratique dite des « collec-teurs toxiques » est répandue. A Kalouga, non loin de Moscou, l’une des trois autres régions vi-sées par l’opposition, celle-ci a préféré retirer d’elle-même sacandidature, estimant avoir étévictime d’un tel piège et préférantéviter des poursuites judiciaires. A Magadan (Est), les autorités ont fait appel aux services d’un gra-phologue qui a invalidé 19 % des signatures.

Samedi, la commission électo-rale locale a invalidé la liste de la Coalition démocratique à Kos-troma (Centre-Ouest). En cause, 75 signatures invalides, « la plu-part pour des raisons délirantes », assure Ilia Iachine, qui dirige la

campagne dans cette région. « Onnous a par exemple reproché un“n” mal dessiné dans le patronyme“Vassilievna”. » La tête de liste, An-dreï Pivovarov, est lui en prison, accusé d’avoir accepté l’offre d’un policier local de vérifier la validitédes signatures.

L’enjeu pour l’opposition allaitau-delà de la seule conquête de siè-ges au Parlement régional : un parti possédant ne serait-ce qu’un seul élu en région a le droit de con-courir aux élections législatives prévues en septembre 2016 sans passer par la périlleuse étape de la collecte des signatures.

Les déboires de l’oppositionn’ont rencontré que peu d’écho. Les rares journaux à avoir fait part des interdictions ont, à l’image du quotidien Moskovski Komsomo-lets, proche du pouvoir, laissé en-tendre que ces décisions étaient « le résultat d’un excès de zèle des pouvoirs locaux ». Dans plusieurs villes, dont Nijni-Novgorod, Perm ou Ijevsk, des candidats de l’oppo-sition à des élections municipales

qui se tiennent également en sep-tembre ont aussi été empêchés de concourir.

« Jusqu’à la décision prise ven-dredi par la Commission électorale centrale, à Moscou, il pouvait sub-sister un doute, rétorque Leonid Volkov, à Novossibirsk. Ce doute n’existe plus : c’est bien le pouvoir central qui a décidé de nous barrer la route dans tout le pays. » « Cette décision a été prise par Vladimir Poutine », a également estimé Alexeï Navalny dans un entretien àAmerican Press, jugeant que « ce scénario risque de se reproduire pour les élections législatives ».

Si la popularité du présidentrusse dépasse les 80 %, le parti Russie unie a enregistré plusieurs défaites au niveau local ces der-niers mois au profit de candidats indépendants. Pour nombre d’ob-servateurs, c’est le très bon score obtenu par M. Navalny (27,2 % des voix) lors de l’élection municipale de Moscou en 2013, qui a poussé le Kremlin à durcir son attitude vis-à-vis des voix discordantes.

« 2013 a été un tournant, con-firme l’analyste politique Maria Li-pman. Depuis, de nombreuses mu-nicipalités ont été jusqu’à changer les règles pour faire en sorte que les maires ne soient plus des élus. Du haut en bas de l’échelle, les fonction-naires ont le pouvoir de contrôler les élections. Et tant pis si cela décré-dibilise l’idée même d’élection : la priorité est pour eux de garder le monopole du pouvoir. » p

benoît vitkine

« C’est le pouvoir

central qui a

décidé de nous

barrer la route

dans tout le pays »

LEONID VOLKOV

directeur de la campagnede la Coalition démocratique

bles. La seconde est dix fois plus peuplée que la première, plus ri-che et plus dynamique, et ses ha-bitants sont en majorité desBlancs, à l’inverse de Ferguson.Dans le cas de Michael Brown, le policier auteur des coups de feu, Darren Wilson, a été disculpé à deux reprises, par un grand jury du comté de Saint-Louis, puis par le ministère de la justice (qui s’était saisi du dossier), lesquels n’ont pas retenu la version initialedu drame selon laquelle le policieravait tiré alors que Michael Brownavait les mains en l’air. La légitimedéfense lui a été reconnue.

L’HISTOIRE DU JOURLes Ukrainiens privésde Gérard « Dépardié »

E ntre Gérard Depardieu – prononcer « Dépardié » – et l’ex-URSS, l’histoire d’amour ne s’est jamais démentie. Les ci-néphiles de l’ancienne Union soviétique aiment l’acteur

autant que celui-ci aime leurs dirigeants. Depardieu est un« ami » de Vladimir Poutine, le président russe, il fréquente les dictateurs tchétchène, kazakh, ouzbek, azerbaïdjanais… Finjuillet, il fauchait les foins avec le Biélorusse Alexandre Louka-chenko, président depuis vingt et un ans, l’occasion de décou-vrir un pays « qui doit être très agréable à vivre ».

Avec l’Ukraine, les choses sont diffé-rentes. L’heure est même à la rupture.Moins de dix jours après avoir été in-terdit de territoire par Kiev, Depardieuvoit désormais son nom inscrit surune liste noire émise par le ministèrede la culture ukrainien, samedi 8 août,qui interdit la diffusion à la télévisionet au cinéma des films dans lesquels ilapparaît.

Le nom de Depardieu est au côté decelui de treize artistes russes considé-rés par Kiev comme « une menace pourla sécurité nationale ». On y trouve ledéputé et chanteur Yossif Kobzon, qui

avait donné un récital dans les régions rebelles du Donbass. L’acteur Mikhaïl Poretchenkov, lui, s’était fait filmer, hilare, ti-rant à la mitrailleuse sur des positions ukrainiennes, un gilet pare-balles siglé « Presse » sur les épaules.

A côté de ces faits d’armes, le dossier de Depardieu paraît bienléger. Au moment de recevoir sa nationalité russe, en 2013, l’ac-teur avait certes salué « la grande démocratie russe », mais il s’est, depuis, montré peu disert sur la politique russe en Ukraine. « Les conflits, ce n’est pas de mon ressort », avait-il ex-pliqué en mai 2014 à Cannes, distillant tout de même un com-mentaire relativement mystérieux : « Je sais que si la Crimée avait été américaine, ce serait différent. »

Les Ukrainiens ont sans doute peu apprécié les publicités,qu’il tourne à un rythme effréné dans toute la région. Enmars 2014, quelques jours après l’annexion de la Crimée parMoscou, il faisait la promotion d’une marque de montres de luxe sous le slogan « Fier d’être russe ». p

b. vi.

EN PLUS DE L’ACTEUR FRANÇAIS, TREIZE AR-TISTES RUSSES SONT CONSIDÉRÉS PAR KIEV COMME « UNE ME-NACE POUR LA SÉCU-RITÉ NATIONALE »

« Notre nation est

aux prises avec

le racisme

et les mauvaises

pratiques

de la police »

WILL JOHNSON

chef de la police d’Arlington

0123MARDI 11 AOÛT 2015 planète | 5

Des parlementaires se mobilisent contre le broyage de poussins vivantsConsidérés comme inutiles par la filière avicole, près de 50 millions de gallinacés mâles sont tués à la naissance chaque année

M âle ou femelle ? Pournombre d’espèces laquestion est détermi-

nante. Pour les poules et les coqsd’élevage, elle a un effet immé-diat. Quelques heures après être sortis de leur œuf, futures pon-deuses et poussins mâles sont sé-parés. Les seconds sont considé-rés comme inutiles. Comme ils n’ont pas les mêmes caractéristi-ques que les poulets élevés pourleur chair, ils sont directement éli-minés : gazés, jetés vivants dans une broyeuse mécanique – ce qui est légal – ou bien entassés dansun sac-poubelle où ils vont pro-gressivement étouffer – ce qui ne l’est pas.

Ces dernières semaines, trente-six parlementaires ont interpellé le ministre de l’agriculture, Sté-phane Le Foll, sur ces pratiques.Ces vingt-six députés et dix séna-teurs, membres d’Europe Ecolo-gie-Les Verts (EELV), mais aussi duParti socialiste (PS) et du groupeLes Républicains (LR), ont ex-primé peu ou prou leur stupéfac-tion d’apprendre ce qui se passe dans les couvoirs, où l’on met à mort sans aucune considérationdes millions de gallinacés chaque année. Pour ne prendre qu’un exemple, François Loncle (PS), dé-puté de l’Eure, appelait de ses vœux une solution pour parvenirà « un abandon de la pratique abo-minable du broyage des pous-sins », dans une question écrite augouvernement publiée au Journalofficiel le 30 juin. On pourraitaussi citer Jean-Vincent Placé (EELV), Jean-Marie Bockel (UDI) ouOlivier Dassault (LR).

Une telle mobilisation en faveurde toutes jeunes volailles n’a pas fini de surprendre l’associationL214, qui milite pour que les ani-

maux ne soient plus traités « comme des déchets ». « Nous avons écrit à tous les parlementai-res à ce sujet, c’est la première foisque nous rencontrons un tel succèsauprès d’eux, confie Brigitte Go-thière, porte-parole de l’organisa-tion. Je pense que si les poussins lesont fait réagir, c’est que dans le mi-lieu politique comme le grand pu-blic on est loin d’imaginer les réali-tés de l’élevage industrielaujourd’hui. Chaque année, plus de 90 millions d’œufs éclosentdans les couvoirs, la moitié envi-ron, près de 50 millions, sont élimi-nés. » La cruauté certes, maisaussi une forme de gaspillage dela vie animale : ces pratiques fi-nissent par choquer.

Détermination du sexe dans l’œuf

Le mouvement d’indignation ac-tuel est né d’une vidéo tournée clandestinement par un employé d’un couvoir de Bretagne. On yvoit des poussins agonisant aumilieu d’une benne à ordures oumême écrabouillés sur le sol. Après l’avoir postée sur son siteen novembre, L214 avait écrit à Stéphane Le Foll et lancé une péti-tion qui a engrangé 85 000 signa-tures. « Ses services avaient alors indiqué qu’ils allaient se pencher

Une vidéo tournée

clandestinement

dans un couvoir

montre des

poussins

agonisant dans

une benne

à ordures

sur cette question, remettre à plat des normes de la mise à mort en dehors des abattoirs, témoigne Brigitte Gothière. Comme rien ne s’est passé depuis, nous lui avonsécrit à nouveau en avril en lui pro-posant de détailler les avancées de l’Allemagne sur cette question. »

Le ministre allemand de l’agri-culture, Christian Schmidt, a eneffet annoncé une interdiction prochaine de l’élimination despoussins mâles dans les couvoirsoutre-Rhin. Car l’université de Lei-pzig a mis au point une méthodede détermination du sexe des vo-lailles dans l’œuf, au troisième jour de leur développement, grâce à une technique de spectro-métrie, ce qui permet de trier les embryons avant leur éclosion. Lesmâles n’en réchappent pas pour autant. Si le principe s’avère géné-ralisable, des mesures réglemen-taires pourraient s’appliquer dès 2017.

Le ministère de M. Le Foll assure,lundi 10 août, qu’une réponsesera apportée aux parlementai-res, dans laquelle seront rappelésle cadre réglementaire européenmais aussi le souhait de « faire évoluer les pratiques dans l’avicul-ture française ». Le cabinet précisequ’il finance en outre actuelle-ment « des études sur des outils permettant le sexage des poussins avant l’éclosion ».

L214 note pour sa part que l’opi-nion publique évolue vis-à-vis dela cause animale. Près de 250 000 personnes suivent désormais ses écrits sur Facebook. Tenant compte de ces évolutions, l’As-semblée nationale a modifié le code civil en janvier 2015 pour éle-ver les bêtes au rang d’« êtres vi-vants doués de sensibilité ». p

martine valo

Ségolène Royal en tournée africaine avant la COP21La ministre de l’écologie mène des entretiens sur l’énergie et le climat dans des pays « négligés » par la France

PARIS CLIMAT 2015windhoek (namibie) -

envoyé spécial

Contactée début aoûtpour un reportage surles lieux de villégia-ture des membres du

gouvernement, Ségolène Royal a répondu par texto, invitant le photographe à la rejoindre… en Namibie. Sa délégation se rendensuite en Zambie du 5 au 9 août, au Botswana où elle est attendue lundi 10 août, puis au Ghana, ven-dredi 14 août dans l’après-midi, a précisé la ministre de l’écologie,du développement durable et de l’énergie, ravie de signaler qu’elle continuait à travailler pendantque ses collègues s’accordaient une pause estivale.

Emissaire du président de la Ré-publique dans le cadre de la pré-paration de la conférence mon-diale sur le climat (COP21) en dé-cembre à Paris, la ministre sillonne l’Afrique australe jus-qu’au 14 août, où elle devrait par-ticiper le matin à Gaborone

(Botswana) à la réunion de la Communauté de développement de l’Afrique australe, l’instance de coopération entre les pays de la région et de l’océan Indien.

« Lors de la conférence sur le cli-mat de Copenhague et celle deLima, j’ai été frappée par le peu de prise en compte du continent afri-cain, analyse Ségolène Royal.L’Europe est trop tournée sur elle-même, elle ne regarde pas assez les pays en développement alorsqu’ils subissent l’impact du ré-chauffement et qu’ils ont des solu-tions à proposer. »

Des trois ministres mobiliséspar la COP21, elle était la mieux placée pour venir à la rencontre decette Afrique négligée puisque,explique-t-elle, « Annick Girardin[secrétaire d’Etat au développe-ment et à la francophonie] est à Saint-Pierre-et-Miquelon et Lau-rent Fabius [ministre des affaires étrangères] n’aime pas les déplace-ments où l’on passe beaucoup detemps à rencontrer les gens » !

Après une visite au Sénégal finjuillet en compagnie du vice-pré-sident de la Commission euro-péenne Maros Sefcovic, c’est en délégation restreinte, avec quatre conseillers, qu’elle a entamé en Namibie cette tournée sur le cli-mat, l’énergie et la biodiversité.

La jeune République de Namibie– indépendante de l’Afrique du Suddepuis 1990 – subit de plein fouet les effets du changement climati-que. Territoire le plus aride de l’Afrique subsaharienne, peuplé de2,5 millions d’habitants seule-ment, la Namibie traverse depuis

2013 des épisodes de sécheresse très sévères. « Ces phénomènes al-ternent avec des pluies violentes quimettent à mal l’agriculture et l’éle-vage extensif, l’une des ressources du pays avec l’extraction minière, lapêche et le tourisme », témoigne Justine Braby, consultante auprès de la Namibia Nature Foundation (NNF), l’une des ONG invitées à échanger avec Ségolène Royal lors de son séjour à Windhoek.

Autour de la capitale, traverséepar la Nelson Mandela Avenue ou la Fidel Castro Street, c’est la sa-vane, une terre ocre et une végéta-tion clairsemée, qui dominent le paysage. En poursuivant la route vers l’ouest, un autre décor im-pose sa présence, le désert du Na-mib, plus vieille étendue déserti-que au monde, nimbé d’un brouillard tenace formé au con-tact de la terre chaude et du cou-rant océanique froid de Benguela.

Mais ce vaporisateur naturels’épuise. « Le fog est moins présentque les années passées », observe Mary Seely, qui a étudié pendant

plus de cinquante ans cette aire désertique unique. « On assiste àla disparition progressive d’une partie de la faune et de la flore, s’inquiète la scientifique. Mais quis’intéresse aux insectes ou aux pe-tits animaux du désert, lorsque desintérêts miniers sont en jeu ? »

Fort potentiel éolien

Pays producteur de sorgho, de milet de maïs dans sa partie nord, terre d’élevage dans les immensesexploitations de l’intérieur, la Na-mibie développe depuis 1998 un programme confiant aux com-munautés locales la gestion desressources naturelles. Elle est aussi le premier extracteur de dia-mants en mer et le cinquième ex-tracteur d’uranium de la planète. Son sous-sol regorge également d’or, de cuivre, de zinc, de manga-nèse. La prospection de pétrole oude charbon n’a, en revanche, riendonné jusqu’à présent.

« A partir de 2016, nous nous re-trouverons face à un risque de pé-nurie énergétique », admet Korne-lia Shilunga, la vice-ministre des mines et de l’énergie, en début d’entretien avec la délégation fran-çaise. Le contrat d’approvisionne-ment électrique conclu avec l’Afri-que du Sud expire à cette date et nesera pas renouvelé, compte tenu des besoins énergétiques crois-sants du voisin sud-africain.

Le barrage hydraulique de Rua-cana, qui comble aujourd’hui la majeure partie de la demande na-mibienne, ne fonctionne que pendant la saison des pluies. Le site gazier de Koudou – un gise-

ment offshore à l’extrême sud-ouest – pourrait produire à lui seul 800 mégawatts, mais saconstruction a été reportée à plu-sieurs reprises.

« Comptez-vous vous engagerdans la transition vers les énergies renouvelables ? Vous avez un fort potentiel pour le solaire et l’éo-lien », rebondit dans un anglaisapproximatif Ségolène Royal. Un peu plus tôt, elle a arpenté le quar-tier populaire de Katutura, où un centre de formation pour jeunesdéscolarisés produit son électri-cité à partir des panneaux solairesofferts par Innosun. Cette entre-prise franco-namibienne a inau-guré en mai une centrale solairede 33 000 panneaux d’une capa-cité de 4,5 mégawatts.

Elle a dans ses cartons d’autresprojets solaires et éoliens, dont unchamp de 100 éoliennes à Lüde-ritz, sur la côte sud-ouest, d’une capacité maximale de 500 mé-gawatts. « Les vents y sont trèsforts et bien établis, les conditionssont idéales, s’enthousiasme Tho-mas Verhaeghe, le dirigeant fran-

çais d’Innosun. Avec les énergies renouvelables, la Namibie pourraitêtre rapidement indépendante à 100 % et compétitive. » Une pers-pective prometteuse alors qu’un Africain sur deux, soit quelque600 millions d’individus, n’a tou-jours pas accès à l’électricité, selonles auteurs du rapport 2015 sur les progrès en Afrique, coordonné par Kofi Annan.

« Qu’attendez-vous de laCOP21 ? », a demandé systémati-quement Ségolène Royal à ses in-terlocuteurs. Le président Hage Geingob espère un geste de la Ban-que mondiale, qui classe son pays dans la tranche supérieure des pays à revenus intermédiaires, le condamnant à des prêts à taux élevé « alors que nos besoins d’in-vestissement sont énormes ».

« Nous n’avons pas été retenuspour accueillir le Fonds vert, a réagipour sa part la vice-première mi-nistre et ministre des affaires étrangères Netumbo Nandi-Ndai-twah. Soutenez-nous dans notre démarche pour obtenir le siège ré-gional du fonds. » « Réussir la COP21 est une ardente obligation »,a martelé la ministre de l’écologie avant de s’envoler pour Lusaka.

La Zambie, qui accumule 40 %des réserves en eau de toute l’Afri-que australe, a bâti sa politique énergétique sur l’hydroélectri-cité. Mais la sécheresse provoque une baisse du niveau des rivières, obligeant le pays à planifier le dé-marrage d’une centrale à charbonet le développement de projets dans le solaire. p

simon roger

« L’Europe est

trop tournée sur

elle-même, elle

ne regarde pas

assez les pays en

développement »

SÉGOLÈNE ROYALministre de l’écologie

« Avec les énergies

renouvelables, la

Namibie pourrait

être rapidement

indépendante

à 100 % »

THOMAS VERHAEGHEdirigeant d’Innosun

OUGANDA TANZANIE

ZAMBIEANGOLA

NAMIBIEBOTSWANA

AFRIQUE DU SUD

LESOTHO

SWAZILAND

ZIMBABWE

MALAWI

MOZAMBIQUE

WindhoekGaborone

Lusaka

6 | france MARDI 11 AOÛT 2015

0123

Sept Français sont tués chaque mois en SyrieLe nombre de djihadistes français a augmenté de 44 % en un an, celui des morts dans leurs rangs de 280 %

Nous aimons la mortautant que vous aimezla vie. » Quatre ansavant les attentats du

11­Septembre, Oussama Ben La­den avait annoncé, dans un entre­tien à CNN, que le martyr était à lafois un outil et un horizon de la doctrine djihadiste. Deux décen-nies plus tard, son avatar et princi-pal rival, l’Etat islamique (EI), a élargi l’ambition de ce sinistre programme. Le message nes’adresse plus seulement aux ka-mikazes, mais à l’ensemble des combattants du « Califat », aux confins de l’Irak et de la Syrie.

Dans ses campagnes de recrute-ment, l’EI présente le « Califat » comme l’« arche de Noé » qui sau-vera les « vrais musulmans » lors de l’affrontement final contre les forces du mal. Depuis le début du conflit, 910 Français ont été sé-duits par ce discours apocalypti-que et ont rejoint la Syrie. Selon ledernier bilan du ministère de l’in-térieur, fin juillet, 494 sont tou-jours sur place et 126 y ont perdu la vie : un djihadiste français sursept est mort en Syrie.

Pour l’essentiel, ces « martyrs »sont des hommes. Sur les 158 Françaises actuellement sur place, une seule aurait succombé des suites d’une maladie. Ce sont paradoxalement les mineurs qui payent le plus lourd tribut. Cinqdes seize adolescents françaispartis combattre sont morts, soit près du tiers. On estime par ailleurs que plusieurs dizainesd’enfants français en bas âge, pour lesquels n’existe aucun chif-fre officiel, ont été emmenés par leurs parents pour peupler le« Califat ».

« Un voyage vers la mort »

Le taux de mortalité des recrues françaises a explosé ces derniersmois. Entre janvier et juillet, il est passé de 11 % à 14 %. Si le nombrede Français en Syrie a augmenté de 44 % depuis juillet 2014, le nombre de morts a ainsi grimpé de 280 %, pour atteindre une moyenne de sept décès mensuels depuis janvier. Plus de 50 Françaissont morts depuis le début del’année, soit autant que pour toute l’année 2014. « Ces chiffres montrent, si c’était nécessaire, que le départ en Syrie est un voyage vers la mort », souligne le minis-tère de l’intérieur.

Les frappes aériennes de la coali-tion y sont pour beaucoup. En juin, l’état-major américain a avancé le chiffre de 10 000 morts dans les rangs de l’EI depuis le dé-but des bombardements, en

août 2014. Les combats contre les rebelles syriens et les islamistes de Jabhat Al-Nosra, ainsi que la terrible bataille face aux Kurdes pour le contrôle de la ville de Ko-bané, sont également en cause.

Mais la mortalité des Françaiss’explique aussi par leur progres-sion dans la hiérarchie de l’EI. Guère préparés au combat, lespionniers se voyaient souvent cantonnés aux tâches subalter-nes, telles que le gardiennage des otages. La guerre est longtemps restée l’affaire des moudjahidin venus de Tchétchénie, de Bosnie

ou des pays de la région. Le temps a passé. En janvier 2013, une ving-taine de volontaires français étaient présents en Syrie. Ils cons-tituent aujourd’hui l’un des pre-miers bataillons de la légion étrangère de l’EI et ils sont aufront.

Une centaine de pays concernés

Les comparaisons internationales ont leur limite, chaque service derenseignement ayant son mode de calcul. Elles donnent néan-moins un ordre de grandeur. Se-lon un rapport de l’ONU de mai,

une centaine de pays, soit la moi-tié des Etats de la planète, alimen-tent le contingent de 25 000 com-battants étrangers dans la zone irako-syrienne. La France apparaît dans le cercle très fermé – avec laRussie, le Maroc et la Tunisie – des pays non frontaliers de la Syrie ou de l’Irak dont la contribution to-tale approche le millier d’hommesdepuis le début du conflit.

Premier fournisseur européen,son poids relatif est cependant à nuancer. Rapporté au nombre d’habitants, la France glisse en treizième position, derrière dix

126 Français morts en Syrie

SOURCE : MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Cumul du nombre de Français partis en Syrie Forte augmentation des morts

RÉPARTITION DES COMBATTANTS

Les Français en Syrie* Janvier 2015 Juillet 2015

FRANÇAIS PRÉSENTS EN SYRIE

+ 68 %

depuis janvier Sur un an

Sur un an

+ 280 %

+ 44 %+ 26 %depuis janvier

FRANÇAIS MORTS EN SYRIE

PARMI LES MORTS

ACTIFS EN SYRIE FIN JUILLET 2015

Juillet 2014

126

494

910

290

391

700

234

343

180

556

75

33

TAUX DE MORTALITÉ

1femme

Attentats suicides

impliquant des Français,dont 8 en 2015.Plus de la moitiécommis par des convertis.

Hommes

FemmesMineurs

6 %

X %

11 %

14 %

11

PARTIS DE SYRIE

PRÉSENTS

PRÉSUMÉS MORTS

325

158

11

mineurs

5

Total

494

En janvier 2013,

une vingtaine de

Français étaienten Syrie. Ils sontaujourd’hui 494

et constituent l’un des premiers

bataillons étrangers de l’EI

pays à majorité musulmane comme le Liban, le Kosovo, l’Alba-nie ou la Bosnie, et deux pays del’Union européenne : la Belgiqueet le Danemark. Sans le précieuxrenfort de ces combattants étran-gers, les experts estiment que les troupes de l’EI auraient déjà perdu la bataille.

Plus encore que leur nombre,c’est l’implication croissante des djihadistes français dans les com-bats qui inquiète les autorités : sur les onze attaques-suicides me-nées par des Français, huit ont eu lieu en 2015. Plus de la moitié ont été commises par des convertis,qui représentent le quart des combattants français. Pierre C., 19 ans, est parti en octobre 2013 enlaissant ce mot à ses parents : « Papa, maman, je suis parti aider les Syriens et les Syriennes, mais nevous inquiétez pas, je vous donne-rai des nouvelles dès que possi-ble. » Sous le nom de guerre d’Abu-Talha Al-Faransi, ce jeunehomme originaire d’un village de Haute-Saône s’est fait exploser enfévrier contre une base militaire de Tikrit, en Irak.

Sur les 910 Français à être allésen Syrie depuis le début du con-flit, près de 500 sont toujours sur place, 290 ont préféré rentrer – dont 223 sont aujourd’hui en France : ce sont donc potentielle-ment 800 citoyens français, dont beaucoup ont vu ou commis des atrocités, qui seront un jour sur le sol français. La question de leur surveillance et de leur accompa-gnement psychologique se pose.Quand bien même seule une mi-norité songerait à commettre des attentats en France, la plupart se-ront victimes d’un syndrome destress post-traumatique, qui en fera des dangers potentiels, poureux-mêmes et leur environne-ment. p

soren seelow

LE CONTEXTE

LA MORT D’OMAR DIABYOmar Diaby, considéré comme un des principaux recruteurs français, serait mort vendredi 7 août des suites de blessures par balles, selon le journaliste spécialisé David Thomson. Un de ses proches en Syrie a con-firmé la nouvelle sur Twitter, ap-portant nombre de détails sur son agonie. Ce djihadiste était l’auteur des vidéos 19HH, qui ont contribué à enrôler des dizaines de jeunes gens originaires de la région niçoise au sein de la bri-gade de Français pro-Al-Qaida qu’il a fondée fin 2013.

MEHDI BELHOUCINEUne autre connaissance des ser-vices serait morte récemment, selon les déclarations sur pro-cès-verbal, non recoupées, d’un djihadiste de retour de Syrie rap-portées par Le Point : il s’agit de Mehdi Belhoucine, 24 ans, qui avait rejoint l’EI avec Hayat Bou-meddiene, l’épouse d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Ca-cher à Paris en janvier. Il aurait succombé à ses blessures après une explosion.

La France, principale cible et vivier de l’« Etat islamique »

D epuis la proclamation del’« Etat islamique » (EI) le29 juin 2014, la France ap-

paraît, aux côtés des Etats-Unis, comme la principale cible de la propagande djihadiste. Plus en-core que les appels au meurtre,c’est dans le recrutement de for-ces vives que se concentrent aujourd’hui les efforts de l’EI, en-gagé dans une guerre territorialede longue haleine.

La France intéresse l’EI à plusd’un titre. Elle abrite la plus im-portante communauté musul-mane d’Europe ; elle est prochedu théâtre de guerre syrien ; etelle jouit d’un fort potentiel fan-tasmagorique en raison de son passé colonial, de ses interven-tions militaires jugées hostiles aux musulmans et de sa pratique de la laïcité. Elle constitue dès lorsune cible potentielle d’attentats, autant qu’un vivier de soldats.

Les candidats au djihad sont sol-licités à travers trois vecteurs de propagande : les réseaux sociaux,les revues en ligne et les vidéos.

Twitter apparaît comme la princi-pale plate-forme de communica-tion de l’EI grâce à des dizaines de milliers de comptes qui attirent l’internaute vers ses publications. Le français y est la troisième lan-gue la plus employée – avec 6 % des comptes diffusant de la pro-pagande djihadiste – derrière l’an-glais (18 %) et l’arabe (73 %), selonune étude publiée en mars de la Brookings Institution.

La revue en ligne la plus célèbrede l’EI est Dabiq, dont le premier numéro a été publié le 5 juillet 2014. Comme toutes les re-vues djihadistes, elle reprend les canons graphiques de la revue his-torique d’Al-Qaida, Inspire. Mais son objectif est différent. Si Al-Qaida vise à la formation à dis-tance des « loups solitaires », Da-biq met l’accent sur le recrute-ment. Initialement publiée en an-glais, la revue est désormais disponible en arabe, allemand, es-pagnol, russe et… français.

Le 23 décembre 2014, l’EI est alléplus loin avec la diffusion d’une

nouvelle revue, Dar Al-Islam (« De-meure de l’islam »), son premier magazine conçu en français. « Son contenu, intelligible, simple et at-tractif vise à persuader les lecteurs francophones d’accomplir leur hi-jra (« expatriation ») afin de rejoin-dre le Califat », commente une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Vidéos de propagandeDans sa dernière édition, on trouve pêle-mêle un publi-repor-tage sur la qualité des « services hospitaliers » de l’EI, un article jus-tifiant l’esclavage des femmes et des enfants yazidis, des conseils en sécurité informatique, un hommage illustré à trois djihadis-tes français morts en Syrie et un récit de l’attaque menée par Yas-sin Salhi, qui a décapité son em-ployeur avant de tenter de faireexploser une usine de l’Isère, le26 juin.

Mais la grande innovation de l’EIpar rapport à Al-Qaida réside dans ses vidéos, à l’esthétique soignée

et à la violence outrancière. Depuisla proclamation du « Califat », un nombre croissant de Français ont été mis en scène dans des films de propagande. Le 14 octobre 2014, le Nîmois Brahim El-Khayari ouvrait le bal en déclarant que la France était en guerre contre l’EI.

Le lendemain, trois combattantseuropéens, dont le Francilien Ya-nis Belhamra, menacent explicite-ment le président français. La dif-fusion, le 16 novembre, de la vidéo de décapitation de l’otage améri-cain Peter Kassig et de dix-huit sol-dats syriens marque une grada-tion dans l’horreur. Pour la pre-mière fois, un Français apparaît à visage découvert parmi les bour-reaux : Maxime Hauchard, un converti de 22 ans originaire d’un petit village de l’Eure.

Trois jours plus tard, le 19 no-vembre, trois combattants origi-naires de Toulouse et Montpellier – Quentin Lebrun, Kevin Chassin et Othman Garrido – brûlent leurs passeports et exhortent les musul-mans de France à les rejoindre. Le

19 décembre, une nouvelle vidéo met en scène des combattants étrangers, dont un individu mas-qué s’exprimant en français, que laDGSI pense avoir identifié.

En février, un autre combattantfrançais s’exprime dans un repor-tage de l’EI. « Si vous ne pouvez pas aller en Syrie, agissez sur place », lance-t-il. En mars, une vidéo pré-sente un enfant dans une mise en scène d’exécution d’un Arabe is-raélien, présenté comme un es-pion d’Israël. L’homme qui l’ac-compagne a été identifié comme étant Sabri Essid, le beau-frère de Mohamed Merah. L’enfant pour-rait être le fils de sa femme.

Cette politique de recrutement àl’international satisfait un impéra-tif militaire autant qu’une visée à plus long terme : créer, avec le con-cours des médias et des forces po-pulistes occidentales, les condi-tions d’un « choc des civilisa-tions » entre l’oumma, la commu-nauté des musulmans, et les « mécréants ». p

so. s.

0123MARDI 11 AOÛT 2015 france | 7

Le groupede Tarnac n’est plus terroristeLa juge d’instruction a renvoyé huit personnes devant le tribunal pour une simple « association de malfaiteurs »

Il aura fallu sept ans. Sept ansd’une enquête erratique etpolitisée à l’excès pour abou-tir à l’un des plus retentis-

sants déraillements de la justice antiterroriste. Vendredi 7 août, la juge d’instruction chargée de l’en-quête sur les sabotages de plu-sieurs lignes de TGV en 2008 a es-timé que l’affaire dite « de Tar-nac » – du nom du village corré-zien autour duquel gravitait unepetite communauté issue de la mouvance anarcho-autonome – n’était pas un dossier terroriste.

La magistrate, Jeanne Duyé, a dé-cidé de renvoyer quatre membresdu groupe, dont son principal ani-mateur Julien Coupat, devant un tribunal correctionnel pour « as-sociation de malfaiteurs », rejetantla circonstance aggravante d’« en-treprise terroriste » réclamée par leparquet. Quatre autres personnes sont renvoyées pour avoir refusé de donner leur ADN et, pour deux d’entre elles, pour « falsification dedocuments administratifs ».

Pour le ministère public, cette or-donnance de renvoi est un désa-veu cinglant. Dans son réquisi-toire du 6 mai, le parquet avait de-mandé que la circonstance aggra-vante d’« entreprise terroriste » soit retenue à l’encontre des trois principaux mis en examen : JulienCoupat, sa compagne Yildune Lévy et son ex-petite amie Ga-brielle Hallez.

La juge d’instruction balaye sans

doute définitivement le spectredu terrorisme qui planait depuis ledébut de l’enquête sur ces sabota-ges. « Après près de sept années d’instruction à charge, nous avons enfin une décision de justice coura-geuse. C’est un désaveu total pour le parquet », ont réagi Marie Dosé et William Bourdon, avocats des prévenus.

« Le couac de Tarnac »

Cette affaire avait, dès sa genèse,suscité une vive polémique, le gouvernement et la ministre de l’intérieur de l’époque, Michèle Al-liot-Marie, étant soupçonnés d’instrumentaliser son caractère terroriste. Cette politisation du dossier intervenait alors que Nico-las Sarkozy s’apprêtait à créer la Direction centrale du renseigne-ment intérieur (DCRI), née le 1er juillet 2008 de la fusion des ren-seignements généraux avec la Di-rection de la surveillance du terri-toire. Une concomitance qui avait

pose d’un crochet sur une caté-naire – un dispositif emprunté aux techniques des militants anti-nucléaires allemands dans les an-nées 1990 – ne peut porter atteinteà la sécurité des voyageurs. Le mi-nistère public estimait en revan-che, en se fondant sur l’article 421-1du code pénal, que « les atteintes aux biens » pouvaient constituer des actes de terrorisme pour peuqu’elles aient « pour but de trou-bler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Cette volonté de « troubler grave-ment l’ordre public », le ministère public la motivait par l’idéologie etles relations des membres du groupe de Tarnac avec la « mou-vance anarchiste internationale ».Le pivot de l’accusation reposait sur les écrits de Julien Coupat, con-sidéré comme la « plume princi-

pale » – ce qu’il a toujours démenti– d’un « pamphlet » intitulé L’In-surrection qui vient, publié en 2007 par le Comité invisible.

« Renverser l’Etat par la violence »

Ce texte préconise un « blocage organisé des axes de communica-tion », au premier rang desquelsles chemins de fer, par des grou-pes ayant adopté un mode de vie communautaire, afin de faire tomber « l’architecture de flux » qu’est devenu le monde moderne.Pour le parquet, cet « opuscule pré-senté de façon faussement béate par plusieurs témoins comme unsimple livre de philosophie » étaiten réalité un guide théorique vi-sant à « renverser par la violence l’Etat ».

Dans leurs remarques sur ce ré-quisitoire, envoyées le 5 juin à la

juge Jeanne Duyé, Mes Bourdon et Dosé dénonçaient « l’instrumen-talisation » de ce livre qui, rappe-laient-ils fort opportunément, « n’a jamais fait l’objet de poursui-tes », ce qui peut en effet surpren-dre pour un opuscule terroriste. Dénonçant « l’impuissance du parquet à articuler le moindre commencement de preuve de la suffisance des charges après sept années d’une construction intellec-tuelle acharnée », ils demandaientun non-lieu.

La juge d’instruction n’a pas étéjusque-là. Elle a estimé que les preuves étaient suffisantes pour la tenue d’un procès. Le parquetdispose de cinq jours après la si-gnature de l’ordonnance pour faire appel devant la chambre de l’instruction. p

soren seelow

Perquisition de la police judiciaire à Tarnac (Corrèze), en novembre 2008. THIERRY ZOCCOLAN/AFP

926 MILLIONS d’euros de remboursements dus au plafonnement de l’ISF

L’Etat a remboursé 926 millions d’euros à 8 872 contribuables redevables de l’impôt sur la fortune en 2014, soit 27 % de plus qu’en 2013. Pour les bénéficiaires de cette ristourne – environ 3 % des personnes concernées par cet impôt –, la réduction moyenne de leur impôt s’est élevée à 104 500 euros. Depuis 2011, un dispositif de plafonnement de l’ISF à 75 % des revenus s’est substitué au bouclier fiscal. Cette année-là, l’Etat avait dû débourser 700 millions d’euros pour le remboursement.

GOUVERNEMENTFrançois Rebsamen démissionnera le 19 aoûtLe ministre du travail, François Rebsamen, qui devait redevenir maire de Dijon lundi 10 août, prévoit de remettre sa démission du gouvernement au président de la République « le 19 août, à la fin du prochain conseil des ministres », a-t-il indiqué lundi au Parisien. « Je n’ai jamais envisagé de cumuler les charges de maire de Dijon et de ministre du Travail », a-t-il précisé. – (AFP.)

FRONT NATIONALJean-Marie Le Pen ne votera pas pour sa fille en 2017« Sans changement, je ne voterai pas pour Marine en 2017 », a déclaré Jean-Marie Le Pen au Journal du diman-che le 9 août. Il estime que sa fille « ne s’est pas améliorée » depuis qu’elle a accédé à la présidence du Front national il y a quatre ans et « qu’elle scie la branche sur laquelle elle est assise ». Le fondateur du FN s’attend à être exclu du parti le 20 août par le bureau exécutif exceptionnel. – (AFP.)

FAIT DIVERSL’enfant retrouvé dans le désert américain est arrivé à ParisLe garçon de 9 ans dont les parents sont morts dans le désert américain, probable-ment victimes de la chaleur, est arrivé dimanche 9 août à l’aéroport de Roissy. Il avait été retrouvé mardi 4 août dans le parc national de White Sands, dans le sud-ouest des États-Unis, non loin des corps de ses parents, partis vers 13 heures dans le désert avec 1,2 litre d’eau pour trois, par une tempéra-ture de 38° C. – (AFP.)

MH 370Des fouilles « minutieuses » sur le littoral de la RéunionUne « fouille minutieuse » a dé-buté lundi 10 août à 8 heures le long du littoral de Saint-An-dré, commune du nord-est de La Réunion où a été retrouvé le fragment d’aile qui pourrait appartenir au vol MH370 disparu en mars 2014. Ces re-cherches sont menées par des personnels d’associations chargées de la protection de l’environnement. – (AFP.)

alimenté le soupçon d’un dossier terroriste « gonflé » sur mesure pour la nouvelle plate-forme des services de renseignement.

Le 30 mai 2009, François Hol-lande, alors président du conseilgénéral de Corrèze, où se situe Tar-nac, avait à son tour pris position dans une tribune publiée sur Slate.fr : « Il apparaît de plus en plus clai-rement que la qualification de ter-rorisme a été utilisée bien impru-demment », écrivait-il, évoquant tour à tour un « ratage policier » etune « palinodie judiciaire », avant de résumer sa pensée d’une phrase choc : « Le couac de Tarnac est devenu une affaire politique. »

L’intention terroriste prêtée parl’accusation aux membres du groupe de Tarnac ne reposait pas sur la dangerosité des sabotages. De l’aveu même des experts, la

Après sept ans

d’enquête,

cette ordonnance

de renvoi est

un désaveu

cinglant pour le

ministère public

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COMMUNIQUE - 105830En application de l’article R.211-33 du livre II du code du tourisme,

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dont le siège est situé : 15, ave-nue Carnot - 75017 PARIS, an-nonce qu’elle cesse d’accorder sagarantie à :AZUR PROVENCE AGENCYImmatriculation : IM 083 13 0013

SAS au capital de 7500 €

Siège social : 1514 Cheminde la Motte – 83300

DRAGUIGNANL’association précise que la cessa-tion de sa garantie prend effet 3jours suivant la publication de cetavis et qu’un délai de 3 mois estouvert aux clients pour produireles créances.

8 | france MARDI 11 AOÛT 2015

0123

Nord : vers une alliance EELV-Front de gaucheDans cette région promise à la droite ou au FN, l’écologiste Sandrine Rousseau refuse l’union avec le PS

lille - correspondance

C’est un petit poucetqui rêve de devenirun géant vert ornéd’un bonnet rouge.

Sandrine Rousseau, porte-parole nationale d’Europe-Ecologie Les Verts (EELV), refuse de voir la nou-velle région Nord - Pas-de-Calais - Picardie aux mains de Marine Le Pen (FN) ou Xavier Bertrand (LR),grands favoris de l’élection de dé-cembre prochain. « Quand j’en-tends Xavier Bertrand dire “il faut mettre les gens au travail”, comme si c’étaient des fainéants, c’est scandaleux ! », lance-t-elle.

La conseillère régionale écolo-giste a donc chaussé ses bottes pour battre la campagne autourd’une idée : faire une alliance avecle Front de gauche et constituer laseule alternative crédible dansune région qui pourrait basculer àl’extrême droite. Une stratégieégalement mise en place en Midi-Pyrénées - Languedoc-Roussillon,

où EELV, le PCF et le Parti de gau-che ont annoncé leur intention de s’unir.

Sans avoir fermé la porte au PS,Sandrine Rousseau, économiste âgée de 43 ans, a brisé les espoirs du candidat socialiste Pierre de Saintignon de créer une grande union de la gauche. « Au-delà de nos approches différentes, nous avons pu mesurer le risque que no-tre territoire soit dirigé au mois de décembre par la droite ou pire, par l’extrême droite », s’est-il alarmé fin juin, alors que Marine Le Penfinalisait l’annonce de sa candida-ture. Las ! Le bras droit de MartineAubry, qui prônait « un large ras-semblement des forces de gauche et des écologistes dès le premier tour », n’a pas convaincu Mme Rousseau.

Après maintes discussions, cel-le-ci en a conclu que chacun avait deux orientations et deux pro-grammes « pas opposés, mais dif-férents ». Chiffres des dernières élections départementales à l’ap­

pui, Sandrine Rousseau estime « que ce serait suicidaire de faire une union au premier tour sur une espèce de programme mou, qui n’aura pas de sens ». Les premiers sondages l’ont confortée dans sonprojet. Créditée de 14 % au pre-mier tour, la liste EELV-FDG est trois points au-dessous de la liste PS. En cas de fusion au second tour, l’addition des deux listespermettrait de faire jeu égal avec le FN (crédité de 31 %). Des calculs largement partagés par le Parti de

gauche et la nouvelle organisa-tion Ensemble ! « Cette liste rouge-verte a vraiment un sens, insisteLaurent Matejko, conseiller régio-nal du Parti de gauche. Une al-liance avec le PS au premier tour est dénuée de sens car on est tous sur une ligne critique par rapport au gouvernement. »

« Changer de braquet »

Dans une région en souffrance, touchée de plein fouet par les pro-blèmes de chômage et de santé, la lutte contre l’austérité est deve-nue un axe majeur des négocia-tions rouges-vertes. « On a besoin de changer de braquet, explique Fabien Roussel, candidat à la tête de liste PCF, et la révolution, on ne la fera pas tout seuls. » Mais le pa-tron du PCF Nord émet encore quelques réserves sur la ligne d’EELV. « Ils ont besoin de faire duchemin car ils sont partagés entre ceux qui soutiennent la politique du gouvernement et les autres. » Le12 septembre, les militants EELV

voteront leur stratégie. En atten-dant, le discours de Sandrine Rousseau paraît clair. La vice-pré-sidente de la région Nord - Pas-de-Calais veut proposer aux électeursun programme autour de valeurs de gauche, citoyennes et alternati-ves au gouvernement. L’élue veut bousculer les socialistes. Et elle ne se prive pas de dénoncer l’absencede « réel soutien à l’agriculture biologique » du duo Hollande-Valls ou l’enfouissement des dé-chets nucléaires « passé en cati-mini par le 49-3 et la loi Macron ».

Problème : si tous ces déçus dela politique gouvernementale onttrouvé un axe de programme commun, le choix de la tête de liste est loin d’être entériné. « C’est un point épineux, confirme Nicole Taquet-Leroy, d’Ensem-ble !, mouvement pour une alter-native de gauche, écologiste et so-lidaire. On va essayer de faire que ce ne soit pas un préalable. » Face au communiste Fabien Roussel, Sandrine Rousseau va devoir con-vaincre. Auteure de l’ouvrage Ma-nuel de survie à l’usage des fem-mes en politique (Les Petits Ma-tins, 108 p., 9,90 euros), ellebénéficie d’une certaine noto-riété depuis la parution, en 2013,d’un texte sur le suicide assisté

après la disparition de sa mère.La porte-parole d’EELV veut éga-

lement frapper fort lors des Jour-nées d’été de son parti qui seront organisées à Lille du 19 au 22 août.Sont annoncés Edward Snowden, Jérôme Kerviel et, par visioconfé-rence, Julian Assange, le fonda-teur de WikiLeaks. Les ministres socialistes Marisol Touraine et Laurent Fabius seront également présents pour débattre de ques-tions de santé et d’environne-ment. La COP21, en pleine campa-gne des régionales, est un atout supplémentaire à l’émergence de cette liste rouge-verte. « Tout le monde a conscience qu’il y a un coup historique à jouer dans cette région », confie Laurent Matejko. Une région qui, de 1992 à 1998, futdirigée par l’écologiste Marie-Christine Blandin. La première et la seule encore aujourd’hui. p

laurie moniez

« Tout le monde

a conscience

qu’il y a un coup

historique

à jouer dans

cette région »

LAURENT MATEJKOélu du Parti de gauche

L’HISTOIRE DU JOUR« Tel-Aviv sur Seine » affole les réseaux sociaux

L’ opération « Tel-Aviv sur Seine », prévue jeudi 13 aoûtdans le cadre de Paris Plages, suscite une vive polémi-que, alimentée principalement par les réseaux sociaux.

« Nous ne saurions imaginer que la Ville de Paris puisse servir àredorer l’image d’un Etat qui bafoue le droit international », dé-nonce une pétition en ligne, qui a déjà recueilli près de 12 000 signatures et demande à la maire (PS) de Paris, Anne Hi-dalgo, de déprogrammer cet événement « en totale inadéqua-tion avec les valeurs de notre République ».

Conseillère de Paris du Parti de gauche, Danielle Simonnets’est élevée contre l’« indécence » et le « cynisme » de cette jour-née que la municipalité prévoyait « festive et ludique », dans le cadre de son partenariat avec la cité balnéaire israélienne, répu-tée pour sa tolérance et son ouverture. Cette prise de position

n’a cependant été relayée par aucuneformation politique. En revanche, leséchanges publiés sur Twitter don-nent lieu à un déferlement nauséa-bond de haine antisémite, mélangéeà des réactions condamnant la politi-que de colonisation de l’Etat israélien.

Réactions disproportionnées

« Malheureusement, dès qu’il est ques-tion d’Israël et de la Palestine dans ledébat public, cela se traduit par desréactions disproportionnées. Je n’ai pasde doute sur la bonne foi de Danielle Si-monnet mais je constate aussi que cela

suscite des dérapages inacceptables, déplore Bruno Julliard, pre-mier adjoint à la maire de Paris, chargé de la culture. Nous assu-mons pleinement de refuser cette assimilation entre Tel-Aviv, sapopulation et la politique du gouvernement israélien. »

Pour la Mairie de Paris, il n’est absolument pas question d’an-nuler l’événement, « même si, malheureusement, ce sera peut-être moins festif que prévu », regrette M. Julliard. « Nous feronstout pour assurer la sécurité de cette manifestation », prévue de 10 heures à 22 heures entre les ponts d’Arcole et Notre­Dame, in­dique le premier adjoint. Le dispositif de sécurité va donc être renforcé, en liaison avec la Préfecture de police.

La Mairie de Paris rappelle qu’elle a mis en place, dans le cadrede sa politique de coopération décentralisée, des actions de coo-pération avec des villes palestiniennes, comme Bethléem, et que le boycott d’Israël n’a jamais été sa position. « Il serait im-pensable que nous renoncions à manifester notre solidarité avec ceux qui œuvrent pour la paix », insiste M. Julliard, pour qui « laradicalité exprimée par certains dessert la cause qu’ils prétendentdéfendre plus qu’elle ne la sert ». p

patrick roger

« NOUS REFUSONS CETTE ASSIMILATION ENTRE TEL-AVIV ET LA POLITIQUE ISRAÉLIENNE »BRUNO JULLIARDpremier adjoint à la maire de Paris

LE CONTEXTE

CANDIDATS DÉCLARÉSLes trois principaux partis ont choisi leur candidat pour les élections régionales des 6 et 13 décembre, dans la région Nord - Pas-de-Calais - Picardie.Les Républicains Xavier Ber-trand, député de l’AisneParti Socialiste Pierre de Sainti-gnon, premier vice-président sortant de la région Nord - Pas-de-CalaisFront national Marine Le Pen, eurodéputée et présidente du FN

L’élue ne se prive

pas de dénoncer

l’absence de

« réel soutien

à l’agriculture

biologique » du

couple exécutif

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11 - 26 août Bagdad Caféde Percy Adlon

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L’HOMMEAU BRAS D’OR

0123MARDI 11 AOÛT 2015 économie & entreprise | 9

La Grèce près d’un accord avec ses créanciersLes négociateurs pourraient s’entendre d’ici au mardi 11 août sur un troisième plan d’aide de 86 milliards d’euros

Est­ce l’effet de la torpeurestivale ? Ou bien l’ab­sence de Yanis Varoufa­kis, le turbulent ex­mi­

nistre grec des finances, remplacépar le discret Euclide Tsakalotos à la table des négociations ? Ces der-niers jours, les discussions entre Athènes et ses créanciers ont pro-gressé à un rythme soutenu, dansune ambiance apaisée. Pour ne pas dire optimiste.

De fait, les deux parties s’enten-dent pour dire qu’un accord sur letroisième plan d’aide à la Grèce, de 86 milliards d’euros, pourrait être conclu lundi 10 août au soirou mardi 11 dans la matinée. Les tractations sont « dans la dernière ligne droite », indiquait samedi Georges Stathakis, le ministre grec de l’économie, en écho aux propos encourageants tenus par le premier ministre, Alexis Tsi­pras, deux jours plus tôt. De son côté, une source européenne con-fie au Monde : « Tout le monde a travaillé d’arrache-pied et en bonne entente pour que le calen-drier soit tenu, les progrès sont in-discutables. »

Voilà qui tranche avec l’atmos-phère houleuse des deux derniersmois, où les volte-face du gouver-nement Tsipras et les réticencesde certains partenaires euro-péens laissaient craindre une sor-tie grecque de la zone euro.

« Actions prioritaires »

Le calendrier reste malgré tout très serré. Les autorités hellènes etleurs créanciers, la Banque cen-trale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI), laCommission européenne et le Mécanisme européen de stabilité (MES), doivent en effet boucler le compromis avant le 20 août, afin qu’Athènes puisse toucher une première tranche du plan d’aide – soit 25 milliards d’euros, dont 10 pour recapitaliser les banques –ou, a minima, bénéficier d’unnouveau prêt-relais. Ce jour-là, lepays doit en effet rembourser à la BCE 3,5 milliards d’euros d’obliga-tions arrivant à échéance. Sansaide, le pays risque donc un défautde paiement, cette fois bien plus grave que le non-paiement des 1,5 milliard d’euros dus au FMI le 30 juin (et depuis remboursés).

Dans le scénario idéal, Athèneset ses partenaires tomberont d’ac-cord d’ici à mardi sur le détail et lecalendrier des réformes que laGrèce adoptera en échange de l’aide. Le projet de mémorandum encadrant le déblocage du nou-veau prêt, ainsi qu’une salve« d’actions prioritaires » – c’est-à-dire de nouvelles réformes et de coupes budgétaires –, pourraient

ainsi être adoptés jeudi 13 aoûtpar le Parlement grec, en théorie en vacances, mais qui reprendrait séance pour l’occasion. « S’il ne vote pas les mesures prioritaires dès cette semaine, les Allemands,les Finlandais, les Néerlandaisauront beaucoup de mal à accep-ter l’accord », précise une source européenne.

Dans la foulée, les ministres desfinances de la zone euro (l’Euro-groupe) tiendraient une confé-rence téléphonique vendredi 14 août pour acter l’accord, qui se-rait ensuite validé par les Parle-ments nationaux devant être consultés en la matière – c’est no-tamment le cas, donc, en Fin-lande, aux Pays-Bas et en Allema-gne. Une première enveloppe de l’aide serait alors versée, juste à temps pour l’échéance du 20 août.

En cas d’échec ou de retard dansle processus, la Grèce pourrait se voir accorder un nouveau prêt-re-lais du MES, comme celui de 7 milliards d’euros accordé en

juillet. Une option défendue par les responsables allemands, sou-vent prompts à doucher les es-poirs d’accords rapides dans ledossier grec, et doutant de la capa-cité d’Athènes à appliquer les ré-formes promises. « Un nouveau crédit-relais vaut mieux qu’un pro-gramme mal conçu », a dit, ven-dredi 7 août, une source du minis-tère allemand des finances auquotidien Süddeutsche Zeitung.

Tenant d’une ligne dure enversAthènes, le ministre finlandais des affaires étrangères, l’euros-

ceptique Timo Soini, a pour sa part annoncé samedi 8 août àReuters que son pays pourrait « rester à l’écart d’un troisième pro-gramme d’aide ». Un rejet du plan par le Parlement finlandais n’em-pêcherait néanmoins pas son adoption.

De son côté, en Grèce, la gaucheradicale de Syriza ne veut pas en-tendre parler d’un nouveau prêt-relais. C’est d’ailleurs aussi la posi-tion de la BCE. Car le temps presse : les banques grecques, mi-ses à mal par le retournement de la conjoncture et l’explosion des créances douteuses, ont besoin d’une recapitalisation rapide.

Des rumeurs ont un temps laissépenser que de l’argent frais pour-rait être injecté dans le capital desbanques dès cet été. Mais une telle option semble peu probable avant que la revue de la qualité des actifs des banques (l’AQR) et les tests de résistance ne soient achevés. Me-nés par le superviseur bancaire unique européen et la Banque de

Grèce, ces examens permettront de connaître l’état de santé exact des établissements et leurs be-soins en capitaux. Leurs résultats seront connus à l’automne. D’ici là, le système bancaire restera souscontrôle des capitaux, mesure ins-taurée le 29 juin pour ralentir la fuite des dépôts.

Si peu de détails sur le contenudu mémorandum ont filtré, lesdiscussions de samedi, qui ont duré plus de six heures, se sont concentrées sur les « actions prio-ritaires », selon nos informations. La question de la niche fiscale des agriculteurs était sur le point d’être réglée, tandis qu’un accord aurait été trouvé sur la réforme des retraites et sur le fonds de pri-vatisation de 50 milliards d’euros,dont le fonctionnement se rap-procherait de celui du fonds sou-verain norvégien. Ce qui fait dire ànotre source : « Le marathon était intense, mais il est enfin sur le point de s’achever. » p

marie charrel

Le FMI pousse le Portugal à accélérer ses réformesPour l’institution internationale, la reprise économique du pays est encore fragile et nécessiterait de nouvelles coupes budgétaires

madrid - correspondance

L e Fonds monétaire interna-tional (FMI) s’est rappeléaux bons souvenirs des

Portugais à quelques mois des élections législatives qui auront lieu le 4 octobre. Dans un rapport publié le 6 août, il se félicite del’amélioration des indicateurs économiques du pays mais émet des réserves sur l’endettement duPortugal et appelle à de nouvelles réformes, laissant entendre que l’actuelle reprise reste fragile.

« Les efforts pour réformer le mar-ché du travail et améliorer l’effica-cité du secteur public semblent être au point mort, » regrette le FMI, qui défend « un plus ample ajuste-ment budgétaire », en particulier dans la santé publique et les re-

traites, pourtant déjà largement mises à contribution par les pré-cédentes politiques d’austérité.

Faisant référence au prochainscrutin, le FMI prévient qu’« il seraessentiel de redonner de l’élan aux réformes lorsqu’un gouvernement nouvellement élu sera formé. » Objectif : conserver la confiancedes marchés. « Il est essentiel de maintenir la crédibilité pour assu-rer des conditions de financement favorables », ajoute l’ancien bailleur de fonds du Portugal.

Cela fait plus d’un an qu’a prisfin le plan de sauvetage du pays. Entre 2010 et 2014, il avait étéplacé sous assistance par la« troïka » – FMI, Banque centraleeuropéenne (BCE) et Commissionde Bruxelles –, qui lui avait injecté78 milliards d’euros de fonds en

échange d’un sévère plan de rigu-eur. Considéré depuis comme le bon élève de l’Europe, Lisbonneétait posé en exemple par l’Alle-magne, la Commission euro-péenne ou le FMI face à une Grècerefusant de mettre en œuvre desmesures d’austérité.

La dette publique s’envole

Non seulement le Portugal a re-noué avec la croissance – son pro-duit intérieur brut (PIB) a pro-gressé de 0,9 % en 2014 –, mais letaux de chômage s’est réduit àgrande vitesse, passant de 17,5 %des actifs début 2013, à 11,9 % audeuxième trimestre 2015. Le défi-cit budgétaire a été diminué deplus de la moitié, chutant de 11,2 %du PIB en 2010 à 4,5 % en 2014. Lesexportations ont bondi, le tou-

risme tire l’économie et les inves-tissements repartent. Mais mal-gré ces bons résultats, le pays reste fragile, comme le laissait en-tendre l’ancien ministre grec de l’économie Yanis Varoufakis, lors-qu’il prédisait une contagion auPortugal en cas de sortie de la Grèce de la zone euro.

Ces dernières années, la dettepublique a explosé, passant de 83,6 % du PIB en 2010 à 130,2 % en 2014. Si l’on y ajoute la dette desentreprises publiques et privées et celle des familles, le montant total de l’endettement de l’économie portugaise s’élève à 402 % du PIB. Or, avec une croissance de 1,6 % prévue en 2015 et d’à peine plus en 2016 et 2017, il sera difficile de résorber ce passif qui laisse planer une menace sur l’économie.

La chute de la Banque EspiritoSanto en 2014, après des soupçonsde fraude, a déjà fait craindre une rechute, Lisbonne ayant dû injec-ter 4,9 milliards d’euros dans cette institution qui fut la pre-mière banque du pays.

D’autre part, les mesures d’aus-térité du gouvernement de centredroit de Pedro Passos Coelho ontasphyxié la classe moyenne, dont le pouvoir d’achat a été réduit. Lapression fiscale est passée en qua-tre ans de 33,4 % à 37,1 % du revenubrut, la TVA a augmenté à 23 %. Lesprimes des fonctionnaires et des retraités ont été supprimés. Plus généralement, les salaires ont baissé. Et l’emploi créé est sou-vent précaire. L’opposition socia-liste a d’ailleurs accusé l’exécutifde « donner l’illusion » de créer des

emplois, notamment en finan-çant des stages de courte durée.

Après quatre ans d’austérité etde sacrifices, le résultat peut appa-raître décevant alors que derrièrela vigueur de la reprise intervien-nent un certain nombre de fac-teurs conjoncturels – comme la faiblesse de l’euro ou du prix dupétrole – et extérieurs – l’inter-vention en 2012 de la BCE sur lemarché de la dette, permettant une baisse des taux et un regainde confiance des investisseurs.

Le 4 octobre, il n’est pas dit queles Portugais plébiscitent la mise en œuvre de nouvelles réformes,comme celles préconisées par leFMI. Les sondages placent pour le moment le Parti socialiste en tête,mais sans majorité absolue. p

sandrine morel

Le ministre grec des finances, Euclide Tsakalotos, à Athènes, le 5 août.ANGELOS TZORTZINIS/AFP

En cas d’échec

ou de retard dans

le processus,

Athènes pourrait

se voir accorder

un nouveau

prêt-relais

LES DATES

20 AOÛTLa Grèce doit rembourser à la Banque centrale européenne 3,5 milliards d’euros d’obliga-tions arrivant à échéance.

4 SEPTEMBRELe pays est tenu de verser 305,6 millions d’euros au Fonds monétaire international (FMI).

4 ET 11 SEPTEMBREArrivent à échéance, 1,4 milliard puis 1,6 milliard d’euros de bons du Trésor, principalement déte-nus par les banques grecques.

14 SEPTEMBREAthènes doit rembourser 343,8 millions d’euros au FMI.

10 | économie & entreprise MARDI 11 AOÛT 2015

0123

Le commerce extérieur chinois ralentit à son tourLes ventes à l’étranger ont chutéde 8,3 % en juillet, alors que la demande intérieure fléchit aussi

shanghaï - correspondance

Sale temps pour les usineschinoises, prises en te­naille entre leurs propressurcapacités et la faiblesse

de la demande mondiale. Selon les statistiques publiées, samedi 8 août, par les douanes chinoises, les exportations de la Chine au reste du monde ont chuté de 8,3 %en juillet, comparées au même mois de 2014, un recul bien plus net que le 1,5 % de baisse déjà en-registré en juin. De plus, les achatsde la Chine à l’étranger chutent également, de 8,1 % sur un an, si-gne de la baisse du coût des matiè-res premières, mais aussi de la morosité de sa propre demande.

La faiblesse du marché intérieuraccentue la pression sur Pékin,appelé à faire davantage pour sti-muler l’économie après déjà qua-tre baisses des taux directeurs de la Banque centrale depuis le mois de novembre 2014, accompa-gnées d’une série de mesures derelance par l’investissement dans les infrastructures. La demande

ne s’est pas stabilisée pour l’heure, comme l’illustrent les prix au sortir des usines et mines du pays, qui chutent de 5,4 % surun an, un plus bas depuis octo-bre 2009 après quarante etun mois de déclin.

Pour Julia Wang, économiste dela banque HSBC à Hongkong, cesdonnées mettent en évidence les défis auxquels est exposé le com-merce extérieur chinois et la réac-tion qu’elles imposeront aux autorités : « Nous anticipons une croissance restant davantage tirée par la demande intérieure au cours du second semestre. Nous prévoyons davantage d’assouplis-sement monétaire et fiscal sur les mois qui viennent. »

Des entrepreneurs mécontents

Les mauvaises performances du commerce extérieur du premierexportateur de la planète consti-tuent une autre épine, s’ajoutantnotamment à un marché bour-sier qui peine à se stabiliser après un bond de 150 % jusqu’à la mi-juin suivi d’une dégringolade de

30 %, endiguée au prix d’un coû-teux coup de pouce de l’Etat et desgrandes banques du pays.

La Chine paye en partie l’appré-ciation du yuan, qui affecte la compétitivité de ses ventes à l’étranger, au profit par exemplede l’Asie du Sud-Est, même si la chaîne d’approvisionnement et l’expérience chinoises la protè-gent encore d’un basculement ra-dical. Au cours du seul mois de juillet, le renminbi a gagné 1,9 % contre l’euro et 1,1 % contre le yen.La politique de Pékin visant à lais-ser sa monnaie s’apprécier face aux grandes devises afin d’ap-puyer la consommation inté-rieure suscite le mécontentementdes entrepreneurs qui ont fondé leur modèle sur les exportations bon marché et se sentent aban-donnés par le pouvoir. Les livrai-sons de la Chine aux trois plus im-portantes régions développéesque sont les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon ont chuté de 7,8 % sur un an.

Ces chiffres se traduisent de ma-nière concrète, dans la province du Guangdong, dans le sud-est dupays, région souvent qualifiée d’usine du monde. Dans la cité-usine de Dongguan, des centainesd’ouvriers travaillant chez unfournisseur de Mattel, le leader américain du jouet, ont protestédu lundi 3 au jeudi 6 août, après

avoir entendu dire que leur pa-tron avait pris la fuite et que l’usine, gérée par un groupe deHongkong, Ever Force, allait fer-mer. Ils exigeaient le paiement de trois mois de salaire. Les ouvriers, dont une vingtaine ont été déte-nus, ont expliqué à l’organisation de défense des droits des tra-vailleurs China Labor Watch avoir tenté sans succès de saisir lapresse locale et le syndicat officiel,le seul toléré en Chine.

Pour mettre fin au conflit, outrela répression, l’administration de Dongguan s’est engagée à régler elle-même 90 % des salaires. Indi-cation du lien direct qui existe en-tre ralentissement économiqueet hausse du mécontentement so-cial, une autre association, China Labour Bulletin, relève 1 223 grè-ves et autres formes de protesta-tion de travailleurs sur les six pre-miers mois de l’année 2015, tandis

qu’elle en constatait 437 sur lamême période en 2014.

Alors que les dirigeants chinoisplanchent actuellement sur la ré-daction du treizième plan quin-quennal, qui donnera les grandes orientations pour la deuxième économie de la planètede 2016 à 2020, l’économie chi-noise traverse une difficile phase d’adaptation et est en attente d’une ligne directrice afin d’ac-compagner ce changement.

Le marasme de l’industrie lourde

En novembre 2013, un an aprèsson arrivée à la tête du Parti com-muniste, Xi Jinping s’était engagé en particulier à accélérer la ré-forme des entreprises d’Etat. A part la campagne anticorruptionau cours de laquelle sont tombés nombre de dirigeants de groupes étatiques, surtout issus de fac-tions opposées au président, et la fusion de deux constructeurs de trains, l’appareil industriel aux mains de Pékin n’a pour l’heure pas subi de grands changements sous M. Xi. Sa capacité à moderni-ser cet outil demeure un point d’interrogation majeur.

L’industrie lourde, pilier histori-que, est aussi en plein marasme. Lacrise qu’a traversée le marché im-mobilier chinois et le ralentisse-ment du PIB ont placé les hauts-fourneaux dans l’impasse. Les offi-

ciels locaux doivent à tout prix maintenir le niveau de l’emploi, tout en faisant fermer les centralesau charbon et usines de sidérurgie trop polluantes, à l’heure où la qualité de l’air est devenue une préoccupation majeure.

Pour tenter de se débarrasser deses inventaires, la métallurgie chi-noise brade les prix, de sorte que ce secteur d’exportation est l’un des rares à progresser. La Chine produit la moitié de l’acier de la planète et exporte l’équivalent de l’ensemble de la production du Ja-pon, deuxième acteur mondial.

La Commission européenne aouvert en mai une enquête pour établir si la Chine vend son métal àperte. Aux Etats-Unis, les produc-teurs effectuent un lobbying in-tense auprès du gouvernement afin qu’il impose de nouvelles taxes douanières sur le fer chinois,alors que certaines pièces sont déjà visées. En Afrique du Sud, la branche locale d’ArcelorMittal soutient auprès des autorités que les concurrents chinois livrent à des coûts inférieurs de 25 % aux leurs et mettent en danger l’indus-trie locale. Les ventes de métal dela Chine à l’étranger ont gagné 9,5 % en juillet après déjà 27 % deprogression sur les six premiersmois de l’année, mais cette perfor-mance a un coût diplomatique. p

harold thibault

Le mariage Wind-3 Italia bouleverse le secteur italien des télécomsLa fusion entre le troisième et le quatrième opérateur de téléphonie donne naissance au leader d’un marché affaibli par la guerre des prix

rome - correspondance

L es préparatifs de mariageont pris du temps mais lebig bang qui en résulte est

de taille en Italie. Après cinq ans de contacts et huit mois de pour-parlers intenses, le russe Vimpel-Com et le chinois CK Hutchisonont annoncé, jeudi 6 août, avoir trouvé un accord pour fusionnerleurs activités italiennes, respecti-vement Wind et 3 Italia. Si elle est menée à son terme, l’opération,qui revient à marier les actuelsnuméros trois et quatre du sec-teur dans la Péninsule, donnera naissance au premier groupe detélécommunications sur un mar-ché italien arrivé à un nouveau point d’équilibre.

Avec plus de 31 millions declients dans le mobile et 2,8 mil-lions dans la téléphonie fixe, la nouvelle coentreprise devancera ses rivaux, l’ancien opérateur his-torique Telecom Italia et le britan-nique Vodafone. Elle pourra reven-diquer une part de marché dans le

mobile de 33,5 %, contre 32,3 % pour Telecom Italia et 27 % pour Vodafone. Telecom Italia, dont le français Vivendi est l’actionnaire de référence avec 14,9 % du capital,restera leader sur le marché des cartes SIM vendues sur abonne-ment (45,1 % contre 28,4 %).

Cette transaction illustre unetendance à l’œuvre en Europe, à savoir le passage du nombred’opérateurs de quatre à trois parpays sous un double impératif : la convergence fixe-mobile et la course à la taille pour réduire la pression concurrentielle, restau-rer les marges et faire face aux in-vestissements nécessaires dans

ce secteur très capitalistique. Avecseulement 10 % de part de mar-ché, 3 Italia était un acteur trop pe-tit et Wind, pénalisé par une dettede 10 milliards d’euros, peinait à se développer. Leur rapproche-ment fait donc sens pour faire pièce aux deux autres mastodon-tes du marché.

Avec cette concentration, l’Italieprend un chemin déjà suivi par l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande etbientôt le Royaume-Uni. Dans cecontexte, la France se singularise. Après l’échec du rachat de Bou-ygues par Numericable-SFR en juin, le marché tricolore s’articule toujours autour de quatre acteurs.Mais pour de nombreux observa-teurs, ce statu quo ne devrait pasperdurer. Car en Italie, comme en France, les opérateurs doivent faire face à des plans d’investisse-ments importants, alors même que leur situation financière s’est dégradée sous l’effet de la guerre des prix qu’ils se livrent. Ainsi la dette de Telecom Italia atteint 30 milliards d’euros.

Quasi simultanément à l’an-nonce du mariage entre Wind et 3Italia, Rome a présenté un pro-gramme de développement de l’Internet à haut débit avec des in-vestissements de 12 milliardsd’euros dont plus de la moitié de fonds publics. Mais il nécessiterala contribution des opérateursprivés. Vincent Bolloré, président du directoire de Vivendia d’ailleurs été récemment reçupar le président du Conseil italien,Matteo Renzi.

« Rationalisation »

Les spécialistes s’accordent pourdire qu’une consolidation à trois opérateurs est favorable non pas à l’investissement en valeur, maisà une meilleure rationalisation del’investissement. « Les conséquen-ces de la disparition d’un acteur et de ses investissements peuvent être compensées par une accéléra-tion de ceux des groupes restants dans le déploiement des réseauxen fibre ou du haut débit mobile », dit Didier Pouillot, responsable

secteur industrie des télécommu-nications à l’Institut de l’audiovi-suel et des télécommunications en Europe (Idate).

Reste la question de la consé-quence sur les prix. En Italie, l’as-sociation nationale des consom-mateurs (UNC) a appelé les autori-tés de la concurrence italienne et européenne à enquêter sur unefusion qui, à ses yeux, risque de conduire à une trop forte concen-tration. Carlo Alberto Carnevale Maffé, professeur de stratégied’entreprises de l’université Boc-coni de Milan, interpellé par le quotidien Milano Finanza, estconvaincu, au contraire, que « la réduction de la pression compéti-tive sera compensée par les bénéfi-ces provenant de la rationalisationdes infrastructures ». Pour l’heure,les consommateurs pourraient vite constater la fin de la guerre des prix. En Italie, les tarifs ont baissé de près de 16 % entre 2004 et 2014. p

salvatore aloïse

avec anne eveno

En Europe,

la tendance

est au passage

de quatre à trois

acteurs par

marché national

L’appareil

industriel

aux mains

de Pékin n’a pas

subi de grands

changements

sous Xi Jinping

Une fabrique de voitures télécommandées à Shantou, dans la province du Guangdong, au sud-est de la Chine. XINHUA/ZUMA/REA

EVOLUTION MENSUELLE SUR UN AN DES EXPORTATIONS CHINOISES,

EN %

SOURCE : BLOOMBERG

31 AOÛT 2009

2011 2010 2012 2013 2014 2015

31 JUIL. 2015

Glissade

50

30

40

10

20

0

– 20

– 30

– 10

48,348,5

25

– 18,1

– 0,5

– 8,3

– 23,4

LES CHIFFRES

33,5 %C’est la part de marché sur le marché transalpin de la télépho-nie mobile de Wind-3 Italia, la nouvelle entité née de la fusion de Wind (propriété du groupe russe VimpelCom) et de 3 Italia (qui appartient au chinois Hut-chison). Celle de Telecom Italia s’élève à 32,3 % et celle du groupe britannique Vodafone s’établit à 27 %.

6,4C’est, en milliards d’euros, le chif-fre d’affaires combiné de Wind et de 3 Italia en 2014. La nouvelle entreprise issue de leur rappro-chement devient ainsi le qua-trième opérateur de téléphonie mobile à l’échelle européenne.

0123MARDI 11 AOÛT 2015 économie & entreprise | 11

Les restaurants de sushisne font plus recetteDernière victime d’un marché saturé, la chaîne Matsuri vient d’être placée en sauvegarde

Si vous passez aux GaleriesLafayette de Toulouse,n’espérez plus marquerune pause zen en y dégus-

tant des sushis au foie gras et aux figues ou des makis au fromage frais : le superbe Sushi Shop ins-tallé au sixième étage vient de fer-mer. Il perdait de l’argent ; le pro-priétaire a arrêté les frais. Les deuxpoints de vente de la Défense ont également disparu. Le même sort attend celui de Vélizy.

Quatre fermetures symptoma-tiques d’une crise qui touche tout le marché français du sushi. Pen-dant des années, le succès de cetteboulette de riz vinaigré recou-verte d’une tranche de poisson cru a tenu du miracle. « Vousouvriez un restaurant, cela mar-chait à tous les coups », se sou-vient un professionnel. A présent,les chaînes spécialisées sont au contraire à la peine. « Désormais, on ne parle plus que des bagels, desburgers et des “food trucks” », gri-mace le patron de l’une d’elles.

Dernière victime en date, Mat-suri. Incapable de rembourser ses dettes en temps et en heure, l’en-seigne, qui avait importé enFrance le principe du comptoirtournant, a été placée en procé-dure de sauvegarde par le tribunalde commerce en juillet, avec ses quatorze restaurants. Elle a six mois pour présenter un plan à même d’assurer sa pérennité.

Son grand rival Planet Sushi, lenuméro deux du secteur derrière Sushi Shop, est déjà en sauve-garde depuis un an. Il devrait en sortir sous peu. Au tribunal, tou-tes les parties prenantes ont pris position en faveur du plan d’étale-ment des remboursements et de redressement des comptes pré-senté par la direction. La décision est attendue jeudi 13 août.

Leur rival Eat Sushi souffre luiaussi, même si aucune procédure

collective n’a été ouverte. Il y a quelques années, le numéro trois du marché avait l’ambition depasser de trente-cinq à soixante-dix établissements à l’horizon2015. Il est au contraire revenu à quatorze points de vente seule-ment. Face aux difficultés, ses fondateurs, les frères Benamer, ont laissé le fonds d’investisse-ment Citizen Capital prendre lamajorité des parts en 2014. Un manageur de crise, Philippe Pi-chlak, a été appelé à la rescousse,et un rapprochement avec unautre opérateur n’est pas exclu. « Il faudrait être obtus pour ne pas mener ce type de discussions, es-time le nouveau PDG. L’évolutiondu marché nécessite de revoir lemodèle économique des chaînes etde les faire grandir afin d’atteindre la taille critique. »

« Pas un produit de masse »

Dans les années 2000, la cuisine japonaise a bénéficié d’un en-gouement spectaculaire. Sain,diététique, original, le sushi a con-quis la France, en commençant par séduire la bourgeoisie pari-sienne. « Les fonds d’investisse-ment ont pensé que cela pouvait devenir un produit de masse, comme la pizza », relate BernardBoutboul, directeur du cabinet Gira Conseil. Céréa Capital, Azulis Capital ou encore Naxicap Par-tners ont investi dans le secteur.

Avec leur appui, les points devente se sont multipliés. Des res-taurants chinois se sont mis à pro-poser eux aussi sushis et sashi-mis. Plus récemment, des centai-nes de stands de cuisine nippone ont essaimé dans les grandes sur-faces telles que Carrefour, Auchanou Leclerc.

Problème : la concurrence a ex-plosé au moment précis où lacrise économique amenait les Français à aller moins souvent au restaurant. En trois ans, de la mi-2012 à la mi-2015, le chiffre d’affai-res de la restauration (hors fast-food) a reculé de 7 %, selon l’Insee.« Nous n’y avons pas échappé », constate avec dépit le dirigeantd’une enseigne japonaise.

« De toute façon, le sushi ne pou-vait pas devenir un produit demasse, estime M. Boutboul. Il est trop cher pour cela, compte tenu du coût des matières premières comme le saumon et le thon. Etpuis, les Français restent rétifs vis-à-vis du poisson cru. »

Plus d’offre, moins de de-mande : les restaurants japonais

se sont retrouvés face à une équa-tion meurtrière. Un exemple ?Matsuri. Misant sur l’essor dumarché, l’enseigne haut de gamme s’était endettée pour s’of-

frir de bons emplacements et les aménager de façon chic. Quelque 18 millions d’euros investis en quelques années. « Le projet avait été conçu à un moment où le chif-

fre d’affaires annuel atteignait 21 millions d’euros et le résultat d’exploitation 3 millions, explique Me Stéphane Cavet, l’avocat del’entreprise. Avec des ventes infé-rieures et un résultat deux foismoindre, cela ne passait plus. »

Matsuri a d’abord tenté de trou-ver un accord amiable avec ses banques. Mais elles ont refusé, etla direction a demandé à bénéfi-cier de la sauvegarde, ce qui gèleles dettes et permettra au tribunald’imposer aux créanciers un ca-lendrier de remboursement. L’en-seigne a déjà entamé un impor-tant travail pour comprimer sescoûts et attirer de nouveau les clients. Les prix ont été abaissésde 12 %. Résultat : « La fréquenta-tion remonte depuis neuf mois, et le chiffre d’affaires est lui aussi en hausse depuis deux mois et demi »,se réjouit le directeur financierAlex Boutelout.

De la même façon, Eat Sushi afait le choix d’arrêter des poissonscomme la daurade, dont le coûtétait jugé trop élevé par rapport à son rendement, et réduit ses ta-rifs de 5 % à 10 %. Bref, la guerredes prix fait rage.

Dans ce genre de jeu, « seuls lesplus costauds survivent », com-mente Charles-Henri Carboni,l’administrateur judiciaire chargé du dossier Planet Sushi. Certains ont déjà disparu, comme la chaîne Sushi West.

D’autres s’en sortent beaucoupmieux, à l’image du leader Sushi Shop. « Nous tablons sur 7 % de croissance cette année, avec unchiffre d’affaires qui devrait mon-ter à 165 millions d’euros », précise son cofondateur et directeur gé-néral Grégory Marciano. Tout enfermant ses restaurants situésdans des centres commerciaux français, l’enseigne se développe àl’étranger. Prochaine ouverture : Londres, dès le 9 septembre. p

denis cosnard

La concurrence

a explosé

au moment où la

crise amenait les

Français à aller

moins souvent

au restaurant

tion pourrait atteindre 30 milliards de dollars (27,34 milliards d’euros), ce qui en ferait la plus importante jamais réalisée par M. Buffet.

TRANSPORTSAir France-KLM porté par l’essor du low costLe nombre de passagers de Air France-KLM a progressé de 2,4 % en juillet, à 8,9 mil-lions de personnes, grâce à une croissance sur tous les réseaux et au développement de sa filiale à bas coûts Tran-savia. Celle-ci a transporté 1,3 million de passagers.

PHARMACIESanofi signe un accord avec Evotec et Apeiron BiologicsSanofi a annoncé lundi 10 août un accord de coopéra-tion avec la société allemande Evotec et l’autrichien Apeiron Biologics pour mettre au point de nouveaux anticancé-reux. Sanofi financera les re-cherches et commercialisera les produits qui en sortiront. Evotec recevra des fonds qui pourraient dépasser 200 mil-lions d’euros, ainsi que des royalties sur les ventes.

+ 0,3 %Telle est la croissance du produit intérieur brut prévue par la Banque de France (BdF) au troisième trimestre 2015, dans une première esti-mation issue de données portant sur le mois de juillet et publiée lundi 10 août. L’institut d’émission a observé une activité en légère hausse dans l’industrie et dans les services et un maintien de l’activité dans le bâtiment le mois dernier. Début juillet, la BdF avait abaissé de 0,1 point, à + 0,2 %, sa prévision de croissance de l’économie française au deuxième trimestre 2015. Cela représentait un net ralentissement par rapport à la progression de 0,6 % enregistrée au premier trimestre.

TÉLÉCOMMUNICATIONSAltice a transféréson siège aux Pays-BasLe groupe de médias et télé-communications Altice, mai-son mère entre autres de Nu-mericable-SFR, a annoncé lundi 10 août avoir transféré son siège social de Luxem-bourg à Amsterdam. Ce mou-vement s’accompagne d’une nouvelle structure du capital – les parts d’Altice NV sont composées de deux classes d’actions, A et B, offrant un nombre de droits de vote dif-férent – qui permettra au groupe de financer de nou-velles acquisitions par

échange d’actions, tout en préservant le contrôle exercé par Patrick Drahi.

INDUSTRIEWarren Buffetten passe de bouclerune acquisition recordLa société Berkshire Ha-thaway du milliardaire War-ren Buffett est en passe d’ac-quérir Precision Castparts, spécialisée dans les pièces dé-tachées notamment pour l’aéronautique, ont indiqué des sources concordantes di-manche 9 août, confirmant une information du Wall Street Journal. Cette acquisi-

Un bar à sushis dans un supermarché de la région parisienne. PASCAL SITTLER/REA

0123présentent

N°7. Si près du malheur à LilledeMichel Quintillustré par Pozla

N°6. Le soleil se couche parfoisà Montpellierd’Antoine Chainasillustré par Anthony Pastor

+MINI GUIDESURUNEVILLE

N°5. Bloody Parisde Tito Topinillustré par Vincent Gravé

N°4. Les Filles du Touquetde Karim Miskéillustré par Florence Dupré La Tour

N°8. Retour à Biarritzde Ian Manookillustré par Hervé Bourhis

N°9. Paris-Colmarde Nicolas Mathieuillustré par Florent Chavouet

9 nouvelles inédites tout l’été1. JÉRÉMIE GUEZ

JACQUES FERRANDEZLà-bas, c’est Marseille

2. EMMANUEL GRANDPIERRE PLACEPavillon rouge à La Baule

3. CHANTAL PELLETIERLOUSTALI ♥ Lyon

4. KARIM MISKÉFLORENCE DUPRÉ LA TOURLes Filles du Touquet

5. TITO TOPINVINCENT GRAVÉBloody Paris

6. ANTOINE CHAINASANTHONY PASTORLe soleil se couche parfois à Montpellier

7. MICHEL QUINTPOZLASi près du malheur à Lille

8. IAN MANOOKHERVÉ BOURHISRetour à Biarritz

9. NICOLAS MATHIEUFLORENT CHAVOUETParis Colmar

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EN PARTENARIATAVEC

12 | débats MARDI 11 AOÛT 2015

0123

par dominique pestre

Le 6 août 1945, la premièrebombe atomique exploseau-dessus d’Hiroshima –manifestation ultime de lapuissance des savoirsscientifiques et techniques

lorsqu’ils sont mis en œuvre par les mondes économiques et militaires.Les guerres et leurs préparations sontdes moments d’intense innovation, cela est bien connu, mais le développe-ment technique ne se réduit évidem-ment pas à ces moments. L’ampleur, lavariété et le renouveau de nos savoirs,technologies et productions dans la période récente en est une preuve éclatante.

Le développement techno-industrielaffecte les sociétés en profondeur. Il transforme les modes d’existence (le travail et les activités économiques), il offre de nouvelles possibilités aux indi-vidus (qui peuvent aujourd’hui s’« aug-menter »), il transforme la vie et en fa-cilite nombre d’aspects. Mais il a aussi des conséquences qui peuvent être coûteuses. Elles peuvent l’être pour certains (empoisonnements des corpsouvriers par rejets toxiques, maladies chroniques des populations vivant àproximité de sites de production – ces problèmes ayant été largement dépla-cés dans les pays du Sud depuis quel-ques décennies) ; ou pour les popula-tions en général (pollution de l’air oudes eaux, réchauffement climatique). Dans tous les cas, ces nouveautés susci-tent craintes, critiques, demandes dechangement.

Les effets sanitaires et environne-mentaux n’apparaissent souvent qu’avec le temps – et cette différence detemporalité est capitale : elle explique la dimension essentiellement réactive des régulations. Certes des formesd’anticipation sont déployées dans cer-tains champs (pensez aux autorisa-tions de mise sur le marché des médi-caments), mais cela ne constitue en rien la règle. La masse des produits n’est mise sur le marché qu’avec un mi-nimum de précaution et les effets de la plupart des molécules créées par la chi-mie ne sont, par exemple, pas ou peu étudiées.

Une fois dénoncées, ces atteintes auxlieux et aux personnes sont l’objet étu-des – pensez aux travaux épidémiolo-giques lancés il y a deux siècles par les

réformateurs sociaux dans les quar-tiers populaires des villes ou, aujour-d’hui, aux travaux de toxicologie sur les nanotechnologies. Elles sont aussi l’objet de vifs débats sur les solutions à promouvoir, sur les responsabilités ou les sanctions à prendre – créer des ins-tallations de dépollution, fermer des si-tes, compenser financièrement les dé-gâts occasionnés.

C’est qu’il n’est jamais simple de dé-terminer scientifiquement les causali-tés, souvent multiples et emmêlées qui sont aux sources des ces effets né-gatifs ; c’est aussi, et surtout, qu’il est de gros intérêts en jeu et que ceux-cisont âprement défendus. Une choseest toutefois certaine : ce sont ceuxqui subissent les conséquences néga-tives du progrès qui tirent en premier les sirènes d’alarme. Et c’est le plus souvent en réponse qu’experts, entre-prises, administrations et gouverne-ments négocient des solutions. Le phénomène est maintenant biendocumenté et les historiens l’ont amplement décrit, du XIXe siècle à nosjours.

SOLUTIONS AU CAS PAR CAS

Les solutions sont le plus souvent adhoc et au cas par cas ; elles visent la ré-duction des effets les plus dangereuxet envisagent rarement des modifica-tions de fond. L’interdiction des pro-duits phytosanitaires toxiques est, parexemple, rare s’il n’existe pas de pro-duit de remplacement – ce qui est constant depuis plus d’un siècle. Lepolitique est souvent l’espace où lanégociation a lieu, mais celui-ci est très sensible aux demandes des ac-teurs économiques.

La concurrence entre pays conduitsouvent à ne pas vouloir « entraver » la croissance par des règles de protec-tion trop strictes ; l’industriel préfèresouvent augmenter ses « externalitésnégatives » – ses rejets dans l’envi-ronnement, par exemple – afin de nepas perdre en compétitivité ; et les hommes politiques osent rarement s’opposer à ces pratiques, au nom de l’intérêt géopolitique et supérieur de la nation.

Les trajectoires techno-industriellesque « nous » empruntons ne sont doncpas définies à travers des débats et ré-flexions d’ensemble menées conjoin-tement par l’ensemble des citoyens. El-les sont plutôt modelées par des grou-pes spécifiques, au gré des circonstan-

ces et des moments. Cela n’impliquepas que chacun pèse de la même façon.Des asymétries profondes organisentles mondes sociaux – et dans ce do-maine, comme dit Habermas, ce sontles systèmes économiques, de produc-tion et d’innovation, ainsi que l’ordre institué du politique et de la régu-lation, qui ont la haute main. Par l’in-termédiaire de l’espace public et de laprotestation, les logiques systémiques peuvent être contestées, et cela produitindéniablement des effets majeurs. Mais, à nouveau, insistons-y, de façon réactive et plutôt « locale ».

VUES ÉTROITESLe phénomène est net si l’on considère la phase d’innovation et de mise au point des produits et procédés, mo-ment où ce sont principalement les scientifiques et ingénieurs, les milieux économiques et les milieux politiques (à travers les politiques publiques de re-cherche par exemple) qui comptent. Il est certes des champs dans lesquelsl’innovation mobilise des acteurs plus divers – pensez au logiciel libre, qui enconstitue l’exemple paradigmatique. Ces espaces d’« innovation partagée » tendent toutefois à être réintégrés as-sez vite dans de nouveaux modèleséconomiques – celui de Google par exemple, qui repose sur la mobilisa-tion et l’enthousiasme de ces mêmescommunautés de développeurs open source. Il est aussi certain que les usa-ges sont souvent redéfinis par les utili-sateurs, que ceux-ci « réinventent » les produits et contribuent ainsi à l’inno-vation.

Il n’empêche que, pour le cœur de lamodernité des deux derniers siècles –pour les transports et l’énergie, les ma-tériaux et technologies électroniques,la chimie et la pharmacie, comme pourles biotechnologies humaines, végé-tales et animales, c’est bien à partir du monde économique, de ses centres de décision, laboratoires et unités de production que surgissent les nou-veaux produits et procédés. Et les logi-ques à l’œuvre sont alors celles des op-portunités à saisir, des marchés à con-quérir, de la rentabilité – et pas centra-lement celles d’un bien commun sanitaire ou environnemental. Non qu’il puisse être ignoré, l’image de mar-que est souvent un bien précieux pour l’industriel. Mais il n’intervient que ponctuellement, « tactiquement » de-vrait-on dire.

On pourrait objecter que cette imageest trop sombre et caractérise plutôt le passé. Nous aurions aujourd’hui dé-passé ces vues étroites et serions atten-tifs aux dégâts que nous occasionnons.La « société civile » est maintenant or-ganisée – pensez aux ONG de conserva-tion et à leur puissance ; les associa-tions de patients se comptent par dizai-nes de milliers et leur expertise, comme celle des ONG, n’est plus igno-rée ; au niveau global, l’Organisation decoopération et de développement éco-

nomiques (OCDE), les Nations unies oula Banque mondiale déploient normes,paramètres et conditions de prêt pour un développement « durable » ; la vie industrielle est encadrée par nombre de règles (beaucoup trop, disent cer-tains), et les milieux économiques dé-fendent l’environnement. La responsa-bilité sociale et environnementale des Etats et des entreprises est sur toutes les lèvres et des dispositifs de partici-pation permettent l’engagement des populations. Les sciences sociales par-lent de « société du risque » et de « dé-mocratie technique », signalant par làle changement que nous avons connu depuis un demi-siècle.

Peut-être. Peut-être ceci est-il vrai, enpartie – mais ces discours demandent àêtre sérieusement nuancés. D’abord, nos ancêtres n’ont pas été ces êtres un peu simplets que nous nous plaisons à inventer – peut-être pour manifester, a contrario, notre exceptionnelle gran-deur. Ils ont eu conscience des effets négatifs du progrès, ils en ont débattu, ils ont pris des mesures – au XIXe siècleen reboisant massivement puisque les savants atrribuaient (déjà) la détériora-tion des climats à nos modes de déve-loppement.

DE VRAIS CHOIX SERONT NÉCESSAIRESSymétriquement, on peut douter que toutes nos déclarations éclairéessoient suivies d’effets ; on peut douterde l’efficacité réelle des milliers de décisions prises depuis cinq décen-nies en matière d’environnement etde climat ; et on peut questionner la nature des moyens proposés, parexemple l’efficacité des « instrumentséconomiques » (taxes et marchés dedroits à polluer) promus depuis cin-quante ans par l’OCDE et les thinktanks libéraux, et qui sont censésoptimiser la croissance et la protec-tion de l’environnement.

D’ailleurs, les données regroupéespar ceux qui ont développé l’hypo-thèse de l’anthropocène sont sans ap-pel : la plupart des courbes qu’il tra-cent (rejets de CO2, consommation d’énergie…) continuent de croîtreexponentiellement jusqu’à aujourd’hui, sans rupture de pente. Dans la réalité des choses, que nous le voulions ou non, nous avons peu fait.

Qu’est-ce à dire ? Que nous n’avonspas d’options ? Non, ce n’est pas le cas.Mais être efficace impliquera de sortir de l’idéologie bien confortable du ga-gnant-gagnant, de reconnaître que de vrais choix seront nécessaires, qu’ils nepourront pas ne pas être douloureux – et que la question de la répartition des coûts sera la plus difficile. Ce qui sup-posera une autre prise de conscience,une connaissance des logiques qui,malgré nous, nous ramènent toujours aux mêmes inefficacités, et d’autresarrangements géopolitiques. Personne ne dit que ceci sera simple à faire. Mais il n’est pas d’autre alternative, malheu-reusement. p

La connaissance face à l’emprise du marché

7|7 LES INTELLECTUELS FACE À HIROSHIMAAu-delà des technologies militaires,l’innovation dans ses applications civilespeut aussi avoir des effets négatifs, que l’industrie préfère ignorer, trop focalisée sur la rentabilité

¶Dominique Pestre est directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il est spécialiste de l’histoire des sciences physiques contemporaines. Son plus récent ouvrage est « Le Gouvernement des technosciences » (La Découverte, 2014)

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0123MARDI 11 AOÛT 2015 analyses & débats | 13

ANALYSEharold thibault

pékin – correspondance

L’ ambiguïté des célébrations organisées par la Chinepour le soixante-dixième anniversaire de la redditiondu Japon de 1945 ne pourrait être plus évidente que

dans le logo présenté par le gouvernement pour l’occasion. Enrouge et jaune, une grande muraille en forme de « V » de la vic-toire est survolée par cinq colombes qui, selon la description of-ficielle, symbolisent la paix tout autant que « le peuple chinoisvolant vers un futur de grande renaissance sous la direction du Parti communiste » chinois (PCC). L’idée du mélange des genresde ces célébrations, en rien dissimulé, vient du sommet de l’Etat, de Xi Jinping en personne. L’angle d’attaque sur le planhistorique consiste à replacer le PCC au cœur de la victoire des Alliés, afin de louer sa contribution à la paix internationale hier,étape qui doit contribuer à légitimer son rôle futur.

L’homme fort de Pékin l’a détaillé, jeudi 30 juin, devant lesmembres du bureau politique du comité central du PCC, il s’agit« d’évaluer correctement » la guerre et ses acteurs. Comprendre,selon M. Xi : « En tant que colonne vertébrale de la force de résis-tance, le PCC a joué un rôle essentiel pour s’assurer de la victoire dans la guerre. » Cette vision est en elle-même discutable, carles troupes communistes, si elles ont contribué à une guérilla anti-japonaise, étaient trop faibles à l’époque pour jouer un « rôle essentiel » pour contrer l’occupant. Le plus gros des com-bats, côté chinois, a été livré par les troupes nationalistes et c’estbien sûr la violence inédite des bombardements atomiques américains qui a mis l’empire japonais à genoux.

Au-delà de ce détail, au moins autant que la défaite du Japonhier, c’est sa nouvelle puissance que la Chine entend célébrer, et l’on serait même tenté de dire le parti unique et à sa tête son se-crétaire, M. Xi, qui se célèbrent. En nourrissant le syndrome de laforteresse assiégée et en favorisant le nationalisme, ils enten-dent créer, dans l’opinion, un soutien plus marqué au pouvoir.

Aux yeux de l’historien Su Zhiliang, qui étudie les atrocitéscommises par le Japon à l’Université normale à Shanghaï, le butofficiel est de souligner l’importance du théâtre chinois dans laguerre. Mais ce professeur, spécialiste des « femmes de con-fort », ces esclaves sexuelles violées par les soldats japonais, ajoute, ensuite, qu’il est loin d’être uniquement question du passé : « Il s’agit de démontrer que la Chine est au centre des puis-sances mondiales. Cette fois, la Chine joue la carte de l’histoire mais en fait il est question de politique internationale. »

PROPAGANDE

La propagande ne lésine pas sur les moyens et déploie à ce titre une vive créativité. A une exposition à Shanghaï, les curieux ontpu se prendre en photo aux côtés d’un étrange « robot ShinzoAbe s’excusant », une réplique de l’actuel premier ministre japo-nais effectuant automatiquement des courbettes. Vingt docu-mentaires, 12 téléfilms et trois films d’animation seront diffu-sés sur ce thème sur les écrans chinois, à quoi s’ajoutent des concours de chant ou de calligraphie. Le tout culminera, le 3 septembre, nouveau jour férié, avec une parade militaire au cours de laquelle la Chine exhibera son arsenal militaire.

L’équivoque des célébrations chinoises n’a pas échappé aux di-rigeants des puissances occidentales, qui ont hésité en recevantleurs cartons d’invitation pour assister au défilé des troupes sur la place Tiananmen. Le président russe, Vladimir Poutine, serait

de la partie mais pas d’officiel américain haut placé, pour l’heure.L’Allemagne sera représentée par son ambassadeur à Pékin.

Le dilemme est de taille. Pas question de mettre en cause le faitque la Chine a été une grande victime de la seconde guerre, maisles dirigeants occidentaux souhaitent éviter de cirer les bottes militaires de Pékin, à l’heure où il avance ses prétentions en mer de Chine méridionale et fait émerger de bancs de sable, dont la souveraineté est contestée, des îlots pour accueillir son aviation.

Les crimes japonais sont indiscutables. Mais, et le dire est de-venu banalité, le parti unique n’est pas le mieux placé pour ensei-gner l’histoire et faire l’inventaire des crimes des autres, car il a lamémoire sélective et réprime lui-même aujourd’hui ceux qui voudraient évoquer les millions de morts de la famine du GrandBond en avant, la folie de la Révolution culturelle ou la violente répression des manifestations de Tiananmen.

Le négationnisme d’une frange de la droite japonaise quantaux souffrances infligées aux peuples d’Asie, les visites d’officielsnippons au sanctuaire de Yasukuni, la modification en cours parTokyo du cadre juridique qui contraignait le Japon depuis sa dé-faite au pacifisme et l’omniprésence de l’armée américaine dans la région, offrent un terrain favorable, excitant, côté chinois, le sentiment que les massacres d’hier n’ont pas été reconnus à leurjuste valeur, comme ne l’est pas la place de la Chine d’aujourd’hui.

Le risque premier pèse sur la Chine elle-même. En confondantà dessein deux questions, les atrocités japonaises du passé et sapropre démonstration de force actuelle, elle a découragé les chefsd’Etat étrangers qui auraient pu assister aux commémorations des souffrances d’hier mais ne souhaitent pas être associés à l’autoritarisme d’aujourd’hui. p

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AU MOINS AUTANT QUE

LA DÉFAITE DU JAPON, C’ESTSA NOUVELLE

PUISSANCE QUE LA CHINE VEUT

CÉLÉBRER

Pékin confond martyre d’hier et démonstration de force actuelle

Les rencontres d’Arles | par zebombe

Outre-Manche,l’UE ne séduitplus la gaucheDans les années 1980, la gauche britannique espérait trouver dans le projet européen une alternative à Margaret Thatcher

par tariq ali

C’ est en 1988 que débuta l’histoire d’amour entre lemouvement ouvrier britannique et l’Union euro-péenne. Margaret Thatcher était au pouvoir. L’essen-

tiel de l’industrie britannique avait disparu. Trois millions depersonnes étaient sans emploi. Désemparés, les leaders syndi-caux regardèrent en direction du continent, en s’imaginant trouver en Jacques Delors une figure d’espoir. On l’invita cette année-là à s’exprimer au Congrès annuel des syndicats. L’as-semblée lui réserva une standing ovation. La foule rassemblée savait-elle que François Mitterrand et Jacques Delors avaient déjà abandonné l’idée d’une Europe sociale pour transcrire dans l’Acte unique européen de 1986 la déréglementation et la réduction des dépenses sociales chères à Margaret Thatcher ?

Puis vint l’effondrement de l’Union soviétique, la chute dumur de Berlin et la réunification allemande. Suivirent le traité de Maastricht et la création de l’eurozone. La France et l’Europeconsidéraient alors que le meilleur moyen pour limiter la do-mination économique de l’Allemagne réunifiée était d’amenerla Bundesbank à intégrer de nouvelles structures supranatio-nales. Jacques Delors avait déjà préparé un projet visant à la création d’une monnaie commune.

LE MASQUE ÉTAIT TOMBÉContrairement au rapport Werner de 1970, qui proposait que soit mise en place une politique fiscale commune à forte di-mension sociale, le projet défendu par Delors était fidèle aux idées de l’économiste Milton Friedman, très en vogue dans les années 1980, et imaginait une banque centrale européennedont l’objectif principal serait de limiter l’inflation. L’euro était présenté telle une brillante solution technocratique, qui rédui-rait l’influence allemande et contraindrait les Etats membres à améliorer leur compétitivité. Mitterrand, pour sa part, croyait que l’accord du chancelier allemand Helmut Kohl au plan De-lors constituait un triomphe diplomatique. C’est ainsi que na-quit le traité de Maastricht en 1991.

En 1992, le référendum sur ce texte coupa la France en deux,mais en permit l’adoption. En 1998, le Pacte de stabilité et de croissance vint imposer de strictes limites budgétaires. Les poli-tiques fiscales et sociales, plus sensibles, furent laissées dans les mains des gouvernements nationaux. Au cours de la première décennie de ce nouveau régime, une comptabilité créative et une offre de crédit gonflée par la spéculation permirent d’en mi-nimiser les effets. Le krach de Wall Street en 2008 mit fin à tout cela, les pays les plus faibles de la zone euro s’effondrèrent et du-rent demander de l’aide, tout en acceptant de se plier à des condi-tions des plus strictes. Le masque était tombé. Chacun peut voir comment l’UE et la « troïka » font régner la dictature du capital.

Syriza fut brisé pour cette raison. Le triomphalisme et la bru-talité alors exhibés étaient horribles à voir. Plusieurs à gauche se sont mis à douter du projet européen. La Grande-Bretagneorganisera bientôt un référendum sur une éventuelle sortie del’Union. Plusieurs à gauche, ardents défenseurs de l’Europe, mais opposés aux politiques économiques de l’UE, voteront enfaveur d’un « Brexit ». p

¶Tariq Ali est un essayiste et romancier britannique

suite de la première page

Leur chef de file, Julien Coupat, sera dé-tenu pendant six mois avant d’être remis en liberté.

A l’époque, le gouvernement Fillonavait fait de leur arrestation le symbolede sa fermeté en matière de sécurité en général, et de lutte antiterroriste en parti-culier, au moment où venait d’être créée la Direction centrale du renseignementintérieur (DCRI). Sa ministre de l’inté-rieur, Michèle Alliot-Marie, n’avait pas

hésité à dénoncer les dérives et la me-nace de l’« ultragauche ».

En sept ans, cette affaire s’est largementdégonflée, comme en témoigne l’ordon-nance conclusive de la juge d’instruction, rendue publique le 8 août. Elle a certes dé-cidé de renvoyer les huit militants liber-taires devant le tribunal correctionnel, dont quatre pour association de malfai-teurs et les autres pour des délits mineurs.Mais elle n’a pas retenu la qualification de « terroriste » dans ce dossier.

C’est, d’une part, un camouflet pour leparquet qui, dans ses réquisitions, aumois de mai, avait réclamé que cette qua-lification aggravante fût retenue. A ses yeux, L’Insurrection qui vient – texte pourtant en vente libre en librairie – constituait un guide théorique « visant à renverser l’Etat par la violence » et à instal-ler « un sentiment de terreur et d’intimi-dation » dans le pays.

D’autre part, et de manière logique, ladécision de la juge tire le bilan piteuxd’une enquête erratique, confuse et lacu-naire. Le seul fait concret retenu est la pose d’un crochet sur une caténaire. Maisil n’y a ni flagrant délit, ni preuves, niaveux que Julien Coupat et sa compagne,

directement mis en cause, ont participé àce sabotage. En outre, les experts admet-tent que cet acte de malveillance ne me-naçait en rien des personnes. Quant à l’enquête, elle a mis au jour bien des irré-gularités et des incohérences, opportu-nément couvertes par le secret défense, au point de jeter le doute, voire le discré-dit, sur les méthodes de la DCRI.

Les Français ont tragiquement décou-vert, depuis l’équipée sanglante de Moha-med Merah en 2012 et les attentats pari-siens de janvier, la réalité d’une menace terroriste de nature, selon l’article 421-1du code pénal, à provoquer « l’intimida-tion et la terreur ». Poursuivre les jeunesde Tarnac pour un motif identique relè-verait – si le parquet s’avisait de faire ap-pel de la décision de la juge – de l’achar-nement absurde ou de l’entêtement cou-pable.

Cette affaire démontre, enfin, à quelsdérapages périlleux peut conduire la ten-tation d’instrumentaliser la peur du ter-rorisme, au mépris des libertés indivi-duelles. Ce qui était vrai hier ne l’est pas moins aujourd’hui, face à une menace autrement dramatique. En démocratie, lafin ne justifie jamais les moyens. p

LA MENACE TERRORISTE ET LES LEÇONS DE TARNAC

14 | culture MARDI 11 AOÛT 2015

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Joseph Beuys panseles plaies de la nature

7|11 ARTISTESET MÉDECINSL’œuvrede l’artiste allemand témoignede sa volontéde soignerle mondedes mauxqui le ravagent

Joseph Beuys ou la mytholo-gie de la médecine : peud’œuvres sont, au XXe siècle,à tel point saturées de réfé-rences aux blessures et aux

manières de les guérir que ces blessures soient infligées au corps de l’artiste, à la société ou à la na-ture. Et peu de vies sont à tel point marquées par des histoires de plaies et de guérisons répétées par l’artiste – histoires emblémati-ques et incertaines, qui apparais-sent de façon elliptique ou expli-cite dans sa création.

A commencer par celle-ci : Beuysaurait entrepris des études de mé-decine. Or, s’il est certain que son intérêt pour les sciences naturelless’est manifesté dès son enfance, les circonstances n’étaient pas fa-vorables à de telles études. Néen 1921 à Krefeld, il obtient l’Abitur – le baccalauréat – au printemps 1941. A cette date, dans le IIIe Reich,le destin d’un homme de 20 ans nefait aucun doute. Si Beuys, commeon le lit souvent, aspirait alors en effet à de telles études, il ne s’en en-rôle pas moins dans la Luftwaffe l’année suivante, peut-être pour éviter pire affectation.

Sauvé par les Tatars

Durant la période d’instructionmilitaire, il suit aussi à l’univer-sité de Poznan, qui s’appelle alors Posen, des cours de biologie et de zoologie, a-t-il raconté plus tard. De même a­t­il affirmé qu’en 1933,lors des autodafés de livres com­mis par les nazis à Clèves, il aurait sauvé du bûcher un exemplaire du Système de la nature, de Carlvon Linné, dont on peut s’éton-ner, du reste, qu’il ait été jeté au feu alors que son auteur est un na-turaliste suédois du XVIIIe siècle. Autant il est clair que l’artiste a diffusé de telles anecdotes emblé-matiques pour marquer sa pas-sion pour les sciences naturelles,autant leur exactitude est le plus souvent peu vérifiable.

Ce qui est vérifiable, à l’inverse,est que, formé aux fonctionsd’opérateur radio, Beuys sert à partir de 1943 dans un escadron

de bombardiers Stuka comme mitrailleur arrière sur différents fronts à l’est. Le 16 mars 1944, en mission en Crimée, son avion est abattu. Prend place alors l’épisodesymbolique beuysien par excel-lence. Si le pilote meurt sur le coup, Beuys survit au choc, ayantété projeté dans la neige. Il est re-trouvé inconscient mais vivant par des nomades tatars. Lesquels, à l’en croire, lui ont auparavant proposé de se joindre à eux en rai-son de la sympathie qu’il a mani-festée pour eux. Ces nomades l’auraient sauvé du froid en en-duisant son corps de graisse et en l’enveloppant de feutre. Puis l’auraient remis à des soldats alle-mands partis à la recherche de l’équipage abattu.

Il est en effet attesté que Beuys aété soigné dans un hôpital de campagne de la Wehrmacht du 17 mars au 7 avril. Après quoi – ce dont il a beaucoup moins parlé que du sauvetage par des Tatars –, il reprend le combat sur le frontouest dans une unité de parachu-tistes et continue à se battre jus-qu’à la reddition du IIIe Reich, le

8 mai 1945, blessé plusieurs fois et, à ce titre, honoré par la Mé-daille d’or des blessés. Fait prison-nier par les Britanniques, il est in-terné brièvement dans un camp puis relâché le 5 août. C’est alorsqu’après avoir rejoint d’abord ungroupe artistique à Clèves il s’ins-crit en mai 1946 à la Kunstakade-mie de Düsseldorf – celle-làmême dont il a été par la suite le professeur le plus célèbre et le plus contesté.

Des Tatars se trouvaient-ils réel-lement dans la zone où l’avion esttombé ? Le fait a été discuté. Leurssoins auraient-ils suffi à soignerses blessures ? Autre motif de doute. Mais Beuys a élevé son ré-

cit au rang de mythe fondateur. « Sans les Tatars, je ne serais pas vi-vant aujourd’hui. (…) Je me sou-viens de leurs voix disant “Voda” – de l’eau –, puis du feutre de leurstentes, et de l’odeur lourde de fro-mage, de graisse et de lait. »

« Chaman » contemporain

Souvenir ou invention ? C’est ainsi, quoi qu’il en soit, que l’ar-tiste n’a cessé par la suite d’expli-quer qu’il a fait souvent usage de blocs de graisse animale et d’épaisfeutre gris dans ses installations et ses performances à partir des années 1960. Il y organise l’espacecomme un refuge dans lequel ces matériaux symbolisent la rela-tion vitale de l’homme au monde animal : les nomades d’Asie cen-trale obtiennent le feutre à partir des poils de chèvres, de moutonsou de chameaux et la graisse à partir du lait des troupeaux.

Beuys leur adjoint la cire et lemiel, dont il se couvre le visage aucours de la performance Com-ment expliquer les tableaux à un lièvre mort à Düsseldorf en 1965 – lièvre que Beuys berce dans ses

bras comme un enfant. Plus tard, un coyote et un cheval vivants sont ses partenaires. Les animauxont sauvé Beuys de la mort et lui-même, nouvel Orphée, leur parle. L’une de ses toutes premières ex-positions n’a-t-elle pas eu lieu dans une étable, en 1963 ? Ne re-connaît-on pas des instruments à usage chirurgical et des panse-ments associés à ces matériauxpremiers dans plusieurs des vitri-nes où il réunit des objets à valeurallégorique et autobiographique ?

La portée des allusions à son ini-tiale vocation médicale et du récitdu sauvetage en Crimée va bien au-delà des détails du langageplastique qu’il invente et déve-loppe. Ils touchent à la concep-tion même de l’activité artisti­que : cette dernière n’a pas pourfonction de satisfaire le regard et de donner du plaisir, mais de soi-gner le monde moderne desmaux qui l’accablent et dont il est,pour la plupart d’entre eux, cou-pable. Si Beuys affirme qu’il a été sauvé par des nomades et leurs re-mèdes rudimentaires, c’est pour mieux contester l’empire des

Les artistes de Valparaiso font escale à Saint-NazaireLe festival des musiques du monde a mis à l’honneur des artistes du port chilien et de vraies singularités

MUSIQUEsaint-nazaire (loire-atlantique)

L e festival des Escales deSaint-Nazaire s’est achevétard, dans la nuit du 8 août.

Commencé la veille, il a drainé sur le port une foule bigarrée, transgénérationnelle et fêtarde. Chacun a regagné son lit, sa tente,son coin de sable ou sa banquette de voiture, fourbu, saturé de foule, de décibels et d’ivresses di­verses. Que restera­t­il de cette24e édition ? Le souvenir d’uneprogrammation qui ne s’encom­bre pas de cohérence, rappro­chant Yael Naim, Cerrone, Groun­dation, Les Ambassadeurs, Dha­

fer Youssef, Chico Trujillo et JoeyStarr.

On se souviendra également d’yavoir découvert l’expression devraies singularités. Ici, commedans d’autres manifestationsconsacrées, au départ, aux musi­ques du monde – le terrain de jeux, pendant des années, des Es­cales –, l’éclectisme est nécessaire,justifient les organisateurs.

A Saint­Nazaire, dès 2008, on acommencé à aller voir ailleurs, en invitant le groupe de rock améri-cain Sonic Youth. Parmi les heu-reuses surprises de l’édition 2015, le quatuor ukrainien Dakha-Brakha emporte la donne, en ter-mes de créativité éveillée. Au-delà

de l’élégance visuelle (trois fem-mes portant de longues robes blanches et des coiffes noires, avecun homme vêtu d’une tunique traditionnelle brodée), leur inven­tion musicale et vocale enchante.

As du graff

Se réappropriant le folklore ukrai­nien, ils lui insufflent un élan vi­tal, le nourrissant de vertigineu­ses polyphonies (entre autres, d’influence bulgare), de violon­celle et de transe rythmique. Ils dessinent un univers sonore oni­rique. Sans oublier de ramenerdans le champ la réalité. « Nous ve-nons de l’Ukraine libre », lancent­ils, en anglais, pour se présenter.

Dans un bassin, non loin de lascène où DakhaBrakha se produit,les deux navires de guerre Mistralconstruits par la France pour la Russie – à qui ils ne seront finale-ment jamais livrés –, encombrent le port. C’est également la réalité froide de l’actualité de son pays qu’a voulu mettre en scène La Ro-bot de la Madera (Simon Paulo Arancibia Gutierrez à l’état civil), l’un des artistes de street art invi-tés aux Escales, qui, après Istanbulen 2014, a souhaité faire cette an-née un focus sur Valparaiso, la ca-pitale culturelle du Chili.

Sa fresque gigantesque fait allu-sion, de manière métaphorique, àl’un des deux étudiants morts le

14 mai, à Valparaiso, dans des inci-dents à la fin d’une manifestationcontre la réforme de l’éducation.Sur un second pignon d’immeu-ble à côté, une autre œuvre,rayonnante de densité, sur-plombe, elle aussi, le port. Une création d’Inti, un autre as du graff à Valparaiso, dont l’une desœuvres est reprise sur l’affiche dufestival nazairien.

A Valparaiso, ville aux quarantecollines formant un cirque demaisons colorées tournées vers lamer, rares sont les façades qui nesont pas couvertes de fresques gi-gantesques. Célébrée par le poètePablo Neruda (1904-1973), la ville porte un nom qui fait rêver, voire

fantasmer. On aime y faire la fête et danser, disent en chœur la plu­part des musiciens de Valparaisoinvités aux Escales. Après la dicta-ture, il a fallu du temps pour queles artistes osent se réapproprier la rue. « Valparaiso, c’est un port avec sa magie et son chaos. C’est un cœur vivant », déclare Aldo « Macha » Asenjo, chanteur leaderdes très énergiques groupes La Floripondio et Chico Trujillo. « Il faut absolument y aller, mais at-tention à toi, c’est chaud ! », répon-dent en écho les deux acolytes de Poder Guadaña, autres éminents représentants du bouillonne-ment musical de Valparaiso. p

patrick labesse

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Les animaux

ont sauvé Beuys

de la mort

et lui-même, nouvel Orphée,

leur parle

sciences et de la raison qui désen-chante le réel. S’il se donne pour un « chaman » contemporain –autrement dit un medicine man –,c’est parce que celui-ci est sup-posé comprendre les esprits et sa-voir obtenir d’eux récoltes et gué-risons par des voies spirituelles etmagiques.

« Notre vision du monde doitêtre étendue pour prendre en compte toutes les énergies invisi-bles avec lesquelles nous avons perdu contact », dit-il. Enaoût 1971, performance qui, sem-ble-t-il, n’est pas préméditée, il se jette tout habillé dans les eaux troubles d’un marais aux Pays-Bas, parce que la vie naît dans lesmarais et parce qu’il entend pro-tester contre leur assèchement par l’agriculture et l’urbanisation à outrance.

Sa participation au mouvementécologique en Allemagne, si elle n’a pas été électoralement effi-cace, témoigne d’une autre façon, politique et directe, de cette même volonté de remédier tantqu’il est temps aux ravages de l’in­dustrie. En 1980, il est l’un des fondateurs du parti Die Grünen. Et, en 1982, pour son ultime parti-cipation à la Documenta de Cas-sel, il se propose de planter7 000 chênes : panser les plaiesde la nature, encore. p

philippe dagen

Prochain article :Alain Platel (1959-), orthopédagogue et chorégraphe

0123MARDI 11 AOÛT 2015 culture | 15

CINÉMAlocarno – envoyé spécial

Heureusement, lesfilms de Sam Pec-kinpah sont inoublia-bles. Parce qu’au long

de la rétrospective de son œuvre au Festival de Locarno, on entend àson sujet des histoires si formida-bles, si spectaculaires, qu’on pour-rait facilement organiser des soi-rées uniquement consacrées au récit de la carrière cataclysmiquede l’auteur de La Horde sauvage, en se passant de projections.

La carrière de Peckinpah, morten 1984 à 59 ans, ressemble à celle d’un boxeur. Ses films sont autant de combats contre les produc-teurs, contre son équipe, ses ac-teurs, que le cinéaste a gagnés pour la plupart, à un prix qui allait sans cesse croissant. Haï et re-douté par les studios hollywoo-diens qui lui devaient pourtant quelques beaux succès commer-ciaux – La Horde sauvage, Les Chiens de paille, Guet-apens – Pec-kinpah « puisait son énergie dans l’adversité, dans les empêchements que les autres mettaient sur sa route », explique Katie Haber, qui fut sa collaboratrice (d’abord dac-tylo, puis répétitrice, puis copro-ductrice de facto) des Chiens de paille, en 1971 au Convoi, en 1978.

« Jeune fille juive comme il faut »,selon ses propres termes, la Lon-donienne a rencontré Peckinpah au moment de la préparation des Chiens de paille : « Il m’a demandé si je savais taper, il m’a donné deux pages manuscrites. C’était la scène du viol. » Dans ce film qui annon-çait la débauche de violence qui marquerait les années 1970 améri-caines, dans les rues comme à Hol-lywood, Dustin Hoffman incarne un professeur de mathématiques transformé en dieu sanguinaire par la violence des habitants d’un village de Cornouailles où il s’est installé avec son épouse.

On a compris au fil des présenta-tions des films, en parcourant l’ouvrage édité par Capricci à l’oc-casion de la rétrospective ou en écoutant Katie Haber, que la vio-lence et le désordre étaient aussi caractéristiques de la méthode de travail du cinéaste californien que de ses films eux-mêmes. Croix defer, (1977) film de guerre qui met enscène la retraite des troupes alle-mande en Crimée, en 1943, était produit par Wolfgang Hartwig, an-cien combattant dans les Panzer, qui avait fait fortune grâce à des films érotiques à alibi pédagogi-que. La pingrerie du producteur et

ses antécédents assurèrent les fon-dations de la haine de Peckinpah qui, de toute façon, détestait par principe tous les producteurs.

Katie Haber raconte que Pec-kinpah avait demandé à Hartwig de jouer un général de la Wehr-macht en visite sur le front : « Sams’est entendu avec l’accessoiriste et le décorateur pour placer Wolf sousun plafond qui devait exploser et déverser des tonnes de débris sur lui », dans l’espoir bien sûr que le producteur se fasse plus rare sur leplateau.

Impossible harmonie

Sur celui d’Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (1974), avec legrand cinéaste mexicain Emilio Fernandez qui jouait dans le film, Peckinpah assista à la saisie de la cargaison de marijuana d’un petit

avion qui s’était écrasé à proxi-mité. « Ils se sont regardés avec Emilio, en se disant “quel dom-mage”, se souvient Katie Haber. El Indio a demandé un panier-repas et une bouteille de cognac à Sam etlui a promis de le rejoindre sur le prochain décor. Il est arrivé complè-tement ivre, avec l’une des balles demarijuana. Il avait réussi à con-vaincre le maire du village de le lais-ser entrer dans le local où la saisie avait été stockée. »

La marijuana n’était que l’un deséléments de la pharmacopée de Sam Peckinpah, qui consommait beaucoup d’alcool et – lorsque ce fut la mode à Hollywood – de co-caïne. Lors de la présentation de Croix de fer, l’actrice Senta Berger(qui a aussi joué dans Major Dun-dee) a raconté sa dernière rencon-tre avec le réalisateur, entre le

tournage et la sortie du film. « Il était étendu sur un lit, dans un ap-partement à Kensington. Il n’avait qu’un drap sur lui, il m’a dit “je suis faible”. » De fait, après cet uniquefilm de guerre, Peckinpah ne de-vait plus tourner que deux longs-métrages, Convoi et Osterman week-end, dont les versions distri-buées en salles lui échappèrent

comme cela lui était déjà souvent arrivé.

Si l’on retrouve – dans les bizarre-ries du montage de certains films, dans l’existence de versions diffé-rentes de la même œuvre – des tra-ces, des cicatrices parfois, de ces conflits, la filmographie de Sam Peckinpah n’en demeure pas moins d’une impressionnante co-hérence. Des premiers westerns, qu’on lui avait confiés après qu’il eut fait ses preuves dans le genre àla télévision avec les séries « L’Homme à la carabine » et « The Westerner », à son ultimethriller, il revient sans cesse sur l’irruption inévitable de la vio-lence dans les rapports humains quels qu’ils soient – amoureux,politiques, professionnels.

Au fur et à mesure que la censurehollywoodienne s’est relâchée, les

Sur la sépulture de Félix Leclerc, des souliers à la place des fleurs7|11 TOMBES D’ARTISTES Des chaussures en pagaille sont déposées au cimetière de Saint-Pierre-de-l’Ile-d’Orléans, où est enterré le poète chanteur

montréal – correspondance

E n ce petit matin d’été, lapelouse du paisible cime-tière de Saint-Pierre-de-

l’Ile-d’Orléans, au Québec, est en-core imprégnée de rosée. A gau-che d’une jolie chapelle au toit enbardeau, la tombe de Félix Le-clerc, autrefois solitaire, est aujourd’hui bien entourée. Ellen’a pas perdu sa sobriété, voulue par l’artiste aux multiples facet-tes de poète, auteur-composi-teur-interprète, écrivain : une pierre de granit clair, à la verticalesur l’herbe rase, porte seulementson nom et les deux dates – 1914-1988 – encadrant sa vie.

Pas d’épitaphe, pas de fleurs. Surla tranche, des pièces de monnaie ont été posées par ses admira-teurs. « Des pièces porte-bonheur, peut-être, des vœux qu’on formule en se recueillant » : Nathalie Le-clerc, qui a voué une bonne partie

de sa vie depuis vingt-sept ans à entretenir la mémoire de son il-lustre père, ne sait pas trop. Comme elle ne sait pas pourquoi, ce jour-là, il n’y a pas, « comme d’habitude, un paquet de souliers au pied de la tombe ». Peut-être le tondeur de gazon les a-t-il mis decôté pour faire son travail…

La tombe de celui qui est consi-déré comme le père de la chanson québécoise et l’un des premiers à avoir été reconnu comme tel enFrance est, depuis sa mort, le 8 août 1988, la plus visitée du petitcimetière de l’île d’Orléans, auxportes de Québec. Ses fans n’en fi-nissent pas de venir y déposer de vieilles godasses, des tennis, des chaussures de montagne… Un clind’œil à l’une de ses premières chansons, Moi, mes souliers. Si lessiens avaient « beaucoup voyagé », ceux de visiteurs du monde entier peuvent bien finir aussi leur vie ici, au plus près de

l’esprit d’un Félix Leclerc qui re-pose sur l’île où il choisit de vivre durant ses vingt dernières années,retrouvant la terre de ses ancêtres.

« Avant qu’on fasse une allée degravier jusqu’à la chapelle, se sou-vient Nathalie Leclerc, il y avait un curieux sentier dans l’herbe qui menait de l’entrée du cimetière à la tombe de mon père, tracé par les pas de ceux qui s’y rendaient. » Les souliers ? « Il y en a toute l’année.

On les ramasse de temps en temps. D’autres les remplacent. Parfois, il ya de petits mots à l’intérieur. Cer-tains me faisaient pleurer, évo-quant la maladie ou la mort d’un être cher. Je ne les lis plus. Ils s’adres-sent à mon père, pas à moi. »

Ses paysages de prédilection

Nathalie avait 19 ans quand Félix Leclerc est mort. Une perte rava-geuse car « le phare » qu’il était pour des générations de jeunes chanteurs du Québec (reprenant à qui mieux-mieux – ce qu’ils font toujours – des titres comme Le P’tit Bonheur, Le Train du Nord, Moi, mes souliers, L’Hymne au prin-temps, Bozo ou L’Alouette en colère)l’était aussi pour elle. Depuis une vingtaine d’années, inlassable-ment, elle voue sa vie à la perpé-tuation de la mémoire de son père,par une Fondation Félix-Leclerc, un prix Félix-Leclerc pour célébrer la chanson francophone, un Es-

pace Félix-Leclerc à Saint-Pierre-de-l’Ile-d’Orléans…

En 2014, elle a mis toute sonénergie à faire célébrer dignementau Québec comme en France le centenaire de sa naissance, avec une exposition itinérante qui a notamment fait arrêt à la Biblio-thèque François-Mitterrand à Pa-ris. Même si elle vit désormais les trois quarts de l’année en France, où elle est née, Nathalie Leclerc continue sur sa lancée, achevant l’écriture d’un livre – Présence – dans lequel elle évoque des souve-nirs personnels de son père, qu’elle aime à nommer « l’homme qui chante ».

Sur l’île d’Orléans, les nouveau-tés se succèdent aussi. A l’Espace Félix-Leclerc, créé en 2002 avec boîte à chansons, musée, centre dedocumentation et boutique, l’ex-position permanente sur la vie et l’œuvre de l’artiste a été entière-ment revue l’an passé. En contre-

bas du chemin Royal, la route qui fait « le tour de l’île » (autre titre duchanteur qui n’en finit pas d’être repris) démarre par le Sentier d’unflâneur, idéal pour une balade à pied sur les traces de Félix Leclerc.

Il est encore là, en sculpture mo-numentale signée Daniel Saint-Martin, comme « un grand-père au regard bleu qui monte la garde »(extrait de la chanson Le Tour del’île). L’homme assis dans un champ, au pied d’un érable, gui-tare en main, est tourné vers les battures verdoyantes et le fleuve Saint-Laurent, qui furent ses pay-sages de prédilection. Son corps d’acier est fait de mots provenant tous de poèmes, chansons ou cita-tions de lui. Entre ses pieds, quel-qu’un a déposé – comme au cime-tière – une vieille paire de chaussu-res de marche dont la dernière destination touristique est ins-crite à même le cuir : Pérou. p

anne pélouas

Dustin Hoffman dans « Les Chiens de paille » (1971). ABC PICTURES

CORP/KOBAL

Il revient sans

cesse

sur l’irruption

inévitable

de la violence

dans les rapports

humains

Sam Peckinpah, cinéaste du chaosA Locarno, la rétrospective consacrée au réalisateur a rappelé le bruit et la fureur de ses films et de sa vie

films de Peckinpah sont passés de sanglants à sanguinolents. Cette représentation des corps déchi-quetés, mutilés, est la conclusion d’une impossible harmonie, que ce soit entre frères d’armes (Major Dundee), au sein d’un couple (Les Chiens de paille) ou entre amis (PatGarrett et Billy le Kid).

En résolvant toujours dans lemême sens l’opposition entre la pulsion destructrice et la volonté de vivre ensemble (à l’exception du Guet-apens, qui donne unechance au couple qu’incarnent AliMacGraw et Steve McQueen), les films de Peckinpah sonnaient juste dans un pays qui titubait en-tre émeutes urbaines et guerre duVietnam. Le plus inquiétant est qu’ils n’ont rien perdu de cette justesse. p

thomas sotinel

Félix Leclerc

repose sur l’île où

il choisit de vivre

durant ses vingt

dernières années,

retrouvant

la terre

de ses ancêtres

16 | sports MARDI 11 AOÛT 2015

0123

Le départ de Bielsa plonge déjà l’OM dans la criseEn poste depuis une saison, l’entraîneur argentin a démissionné après la défaite du club marseillais contre Caen, samedi 8 août, lors de la première journée de Ligue 1. Il évoque un désaccord « d’ordre privé » avec la direction

FOOTBALL

De son bref passaged’une saison aux com-mandes de l’Olympi-que de Marseille, l’Ar-

gentin Marcelo Bielsa, 60 ans, lais-sera l’image d’un entraîneur vé-néré par les spectateurs du Stade-Vélodrome. Il restera dans les mémoires comme un stakhano-viste féru de séances vidéo, un coach insondable et éruptif qui égala, à l’automne 2014, le record de huit victoires consécutives en-registré par son prédécesseur Rol-land Courbis lors de l’exercice 1998-1999. Mais les supporteurs phocéens garderont surtout le souvenir d’un technicien qui osa démissionner à l’issue de la pre-mière journée de championnat. Samedi 8 août, le natif de Rosario aprovoqué un séisme sur la Cane-bière en quittant le navire olym-pien, quelques minutes après un revers inaugural (0-1) concédé à domicile face à Caen.

Pour justifier son abdication, « ElLoco » (le fou) a pointé un désac-cord « d’ordre privé » avec la direc-tion du club alors que la prolonga-tion de son contrat jusqu’en 2017 était quasiment bouclée. « Nous avions trouvé un accord sans failleet, clairement, il n’y avait plus rien àrevoir, a détaillé en conférence d’après-match l’entraîneur, en poste depuis juillet 2014, qui avait terminé à la 4e place de la Ligue 1 lasaison dernière. Puis, le club, à tra-vers deux personnes [le directeur

général Philippe Pérez et Igor Le-vin, l’avocat de Margarita Louis-Dreyfus, propriétaire de l’OM], m’a communiqué qu’il voulait changer des points. »

« Situation d’instabilité »

L’ancien patron de la sélection ar-gentine (1998-2004) a rendu pu-blic le contenu d’une lettre rédigéeaprès la tenue, mercredi 5 août, de l’explosive réunion avec MM. Pé-rez et Levin. « Je ne peux pas accep-ter la situation d’instabilité qu’ils ont générée en voulant changer le contrat, y développe celui qui avait, en février 2011, claqué avec fracas la porte de la sélection chi-lienne. Ma position est donc de ne pas continuer de travailler avec vous, elle est définitive. Le travail encommun exige un minimum de confiance que nous n’avons plus. » Cette missive a été portée à la con-naissance de Vincent Labrune, président de l’OM depuis 2011 ethomme de confiance de MargaritaLouis-Dreyfus, juste après la dé-faite de son équipe.

président lors du mercato estival. Et ce, malgré les départs de ses ca-dres André-Pierre Gignac, André Ayew, Gianni Imbula ainsi que Di-mitri Payet, et le recrutement des internationaux français LassanaDiarra et Abou Diaby, deux mi-lieux en manque de temps de jeu et qui ont accumulé les blessures ces dernières années. Ce jour-là, onapprenait que le préparateur phy-sique belge Jan van Winckel, bras droit de Bielsa, venait de prendre laporte sans explication.

Dirigeants fragilisés

L’abdication du coach argentin fragilise les dirigeants de l’OM, un club réputé pour ses guerres de

clans et qui a connu trois entraî-neurs depuis le départ à l’été 2012 de Didier Deschamps, alors nommé sélectionneur des Bleus. « La démission de Bielsa, c’est l’échec de Labrune. Il est en pre-mière ligne et va maintenant jouer les vierges effarouchées, glisse un connaisseur des arcanes de l’OM. C’est lui qui s’est auto-congratulé del’avoir fait venir. Il s’est trompé sur l’homme. Il n’a plus de fusible main-tenant. » « Bielsa n’a jamais aimé Labrune, assure un proche du club.Il l’a toujours catalogué comme un menteur patenté. » En septem-bre 2014, le technicien n’avait-il pas déjà critiqué son patron, lui re-prochant de n’avoir pas « tenu ses

promesses » dans le domaine du recrutement ?

Qui pourrait succéder à l’icônedu Vélodrome alors que le clubphocéen est plongé dans une crise sans précédent ? Le nom de l’Allemand Jürgen Klopp, ex-coach à succès du Borussia Dort-mund (2008-2015), alimente les rumeurs. « Il est assez intelligent pour ne pas venir, sourit un expertde l’OM. Si Labrune veut continuer de flatter le public et de faire dans la démagogie, il essaiera de fairerevenir le Belge Eric Gerets [aux manettes de 2007 à 2009]. La vérité, c’est qu’on ignore ce qu’il vase passer. » p

rémi dupré

Marcelo Bielsa pendant le match PSG-OM au Parc des Princes, à Paris, le 11 septembre 2014. CLÉMENT PRIOLI/STARFACE

Derrière Manaudou et Lacourt, une sensation de videLa France doit aux deux nageurs ses six médailles aux Mondiaux de Kazan. A cette dépendance s’ajoute la faiblesse de la natation féminine

NATATIONkazan (russie) - envoyé spécial

U ne grande équipe sait fi-nir ses championnats. »Oui, comme il y a deux

ans à Barcelone, la natation fran-çaise a « su finir » ses Mondiaux àKazan en glanant deux ultimesmédailles au dernier jour, diman-che 9 août : l’or pour Camille Lacourt sur 50 m dos, et le bronze pour le relais 4 × 100 m 4 nages, traditionnelle course de clôture.Mais le jugement du directeurtechnique national (DTN) Jacques Favre est inexact. C’est le mot« équipe » qui est un peu fort.

Pas tant au niveau de la cohé-sion collective des 28 nageurs et nageuses ayant fait le voyage en Russie, dont les entraîneurs fran-çais ont loué la solidité, qu’au ni-veau des résultats. Un rapide coupd’œil au palmarès suffit pour comprendre qu’à Kazan, l’équipe de France, c’était Florent Manau-dou et Camille Lacourt.

C’est à ces deux jeunes gens quela délégation tricolore doit ses six médailles (quatre d’or, une d’ar-gent, une de bronze), soit trois de moins qu’en 2013. Complètement – les 50 m nage libre et papillonpour le premier, les 50 m et 100 mdos pour le second – ou en partie, pour les deux obtenues en relais

– le 4 × 100 m avec Manaudou, le 4 × 100 m 4 nages avec Lacourt. « Derrière quelques individus qui nous donnent du plaisir et une ex-position, il y a quand même un cer-tain vide », constate Fabrice Pelle-rin, ancien entraîneur de Yannick Agnel et de Camille Muffat, désor-mais directeur de l’équipe deFrance féminine.

Marseille, capitale de la natation

A Kazan sont apparues de façon criante deux caractéristiques de lasélection nationale. Elle se con-fond de plus en plus avec le Cercledes nageurs de Marseille, plus ca-pitale de la natation tricolore que jamais : 10 des 28 Bleus présents aux Mondiaux sont licenciés du CNM, dont Jacques Favre est un ancien nageur, et dont le mana-geur, Romain Barnier, est aussi l’entraîneur en chef de l’équipe deFrance. Jérémy Stravius est le seul médaillé (4 × 100 m nage libre) à ne pas s’entraîner au-dessus de la plage des Catalans. Et l’Amiénois est le seul non-Marseillais à avoir goûté à la saveur d’une finale en Russie, avec la Calédonienne Lara Grangeon (400 m 4 nages).

Cette dernière illustre, en creux,le second phénomène marquant :elle est l’unique nageuse fran-çaise, sur les quatorze sélection-nées, à s’être glissée parmi les huit

meilleures mondiales de sa disci-pline. « Ce n’est évidemment pas suffisant », concède Jacques Favre,DTN d’une natation hexagonalestructurellement fragile. Long-temps portée par Laure Manau-dou (retraitée en 2013) puis Camille Muffat (retraitée en 2014, un an avant sa mort), l’équipe de France féminine « est aujourd’hui à construire, en manque de talents,loin de ce qui se fait de mieux au ni-veau mondial », admet sans dé-tour Fabrice Pellerin : « Notre na-tation a toujours existé à travers des individualités. Si on en enlève une ou deux, il reste la forêt der-rière les arbres. »

Et la forêt n’est pas luxuriante.La faiblesse de la natation fémi-nine et la dépendance enversdeux nageurs miraculeux n’inci-tent pas à l’optimisme, à douze mois des Jeux olympiques de Rio. L’olympiade suivante pourraitmême s’avérer très douloureusesi les « arbres » venaient à dispa-raître, et marquer un retour deux décennies en arrière, à l’époque où la natation française, lors des grandes compétitions, ne comp-tait pas le nombre de médaillés, mais de finalistes.

« Oui, on est inquiets, très in-quiets, mais on va bouger », assureJacques Favre. « Ce qui arrive à la natation féminine peut très bien

arriver un jour à la natation mas-culine », prévient Romain Barnier.Fabrice Pellerin énumère : « Il fauttravailler sur la formation, les cri-tères de sélection, la culture de lanatation en France. C’est un vastechantier. »

Les critères de sélection en débat

Immanquablement, à Kazan, cette question des critères de sé-lection – le temps minimum im-posé aux nageurs avant une com-pétition internationale pour ob-tenir leur sélection – a été évo-quée. « Soit on établit les critères pour participer en espérant entrer

en demi-finales, soit on se dit que lebut, c’est que tout nageur qualifié entre au moins en finale ou chope des médailles, expose Fabrice Pel-lerin, partisan de cette seconde philosophie. Si demain on me dit : “les critères sont revus, ça va faire mal aux fesses, il n’y aura que huit nageurs qualifiés, mais les huit pourront prétendre à une mé-daille”, ça me va parfaitement. Dans ce cas, il faudra non pas cor-riger nos critères, mais les révolu-tionner. »

C’est ce qu’avait fait le DTNClaude Fauquet après les catastro-phiques Jeux d’Atlanta, en 1996,

où la natation française, pourtantlargement représentée, avait rap-porté zéro médaille et quatre mal-heureuses places de finaliste. Larévolution de Fauquet avait eu desconséquences spectaculaires – seuls cinq Français avaient parti-cipé aux Mondiaux 2001 à Fukuoka (Japon) – mais elle est aujourd’hui tenue pour responsa-ble des succès suivants de la nata-tion bleue aux Jeux de Sydney (Maracineanu), Athènes (Manau-dou, etc.) ou Pékin (Bernard, etc.).

Romain Barnier, lui, ne voit pasle durcissement des critères comme un remède miracle : « On a l’impression qu’il suffit de dépla-cer le curseur et que tout le monde va progresser. Les critères sont undes points importants de la ré-flexion, mais ce n’est pas le point unique qui va transformer la nata-tion française. »

L’entraîneur en chef des Bleus,en plus d’un solide circuit de mee-tings qui se met en place en France, et de séjours à l’étranger (Etats-Unis, Brésil) pour confron-ter les nageurs français au gratin international, mise volontiers surautre chose : « Les Jeux olympi-ques à Paris en 2024, il n’y aurait rien de mieux comme moteur, etcela laisserait huit ans pour prépa-rer de nouveaux champions. » p

henri seckel

« Je suis, comme tous les suppor-teurs de l’OM, abasourdi par la déci-sion brutale de Marcelo Bielsa », a réagi M. Labrune, qui a provisoire-ment confié les rênes du onze olympien à Franck Passi, l’adjoint de l’Argentin. « L’OM ne peut en aucun cas être prisonnier des exi-gences de quelqu’un qui place ses intérêts personnels bien au-dessus de ceux de l’institution », a renchérila direction du club dans un com-muniqué. Selon Canal+, le refus del’actionnaire d’accorder une primede 300 000 euros au technicien se-rait, entre autres, à l’origine de sa démission.

Jeudi 6 août, Bielsa avait pour-tant loué le travail réalisé par son

Angers, leader inattendu

Après vingt et un ans d’absence, le Sporting Club de l’Ouest d’An-gers a réussi son retour parmi l’élite du football français, prenant la tête du classement de Ligue 1 à l’issue de la première journée avec une victoire (2-0) à Montpellier, samedi 8 août. Autre surprise de la reprise, le succès, dimanche, de Reims à Bordeaux (2-1) tandis que Saint-Etienne s’inclinait sur le même score à Toulouse. Dans la soi-rée, Lyon a concédé le nul (0-0) à Lorient, au stade de Gerland. Les plus gros budgets de Ligue 1 n’ont pas raté leurs débuts : le Paris-Saint-Germain s’est imposé (1-0) à Lille vendredi et Monaco à Nice (2-1) le lendemain. A domicile, Bastia et Nantes ont respectivement vaincu Rennes (2-1) et Guingamp (1-0). Tous deux promus, Troyes et Ajaccio n’ont pu se départager (0-0) au stade de l’Aube.

Le club, réputé

pour ses guerres

de clans, a connu

trois entraîneurs

depuis le départ

à l’été 2012 de

Didier Deschamps

Le surprenant forfait de Sun Yang

Double médaillé olympique en 2012 (400 m, 1 500 m) et star de la natation chinoise, Sun Yang a provoqué la stupeur, dimanche 9 août à la Kazan Arena, en renonçant à la finale du 1 500 m, un titre qu’il l’avait remporté à Barcelone en 2013, avec le 400 m et le 800 m. « Après le 800 m [que Sun Yang a gagné mercredi après le 400 m], je ne me sentais pas bien au niveau cardiaque, a-t-il expli-qué. Je me suis senti mal à l’échauffement, donc j’ai dû abandonner l’idée de concourir. » Le nageur avait été au cœur d’une polémique en juillet 2014 lorsqu’il avait été contrôlé positif à un produit dopant, le trimétazidine, prescrit dans le cadre de palpitations cardiaques. Il avait été suspendu trois mois par sa fédération.En son absence, l’Italien Gregorio Paltrinieri a été sacré champion du monde, devant l’Américain Connor Jaeger et le Canadien Ryan Cochrane. Les Etats-Unis ont terminé premiers au tableau des mé-dailles avec 23 unités dont 8 en or, devant l’Australie (16 médailles dont 7 en or) et la Chine (13 médailles dont 5 en or). – (AFP.)

0123MARDI 11 AOÛT 2015 télévisions | 17

HORIZONTALEMENT

I. L’ordinateur inira par le faire dispa-

raître. II. Passe du gros au détail.

III. Bien secouée. Pour échanger avec

les proches. Sont nombreux à nous

soutenir. IV. Renforce l’airmation.

Un début d’aventure. Doux et char-

mants. V. Chargés de pechblende et

de radium. VI. Approuvera sans rete-

nue. Possessif. VII. Sur le tableau. Ses

leurs blanches parfument au prin-

temps. VIII. Fin mal venue. Auxiliaire.

Met le cruciverbiste en rogne. IX. Bien

dégagée. Assure la réunion. Met in

aux prières. X. Evitent de se mouiller.

Lâché pour négocier.

VERTICALEMENT

1. Assure un découpage régulier.

2. Ne fera rien à la légère. 3. Dans les

pomme. Interjection. Vient juste de

partir. 4. S’enilent sans beaucoup

d’élégance. Fait la liaison. 5. Facilitent

le chargement des fûts à bord. 6. De

juin à septembre. Ne tombez pas

entre ses pattes. 7. Facilite bien des

calculs. Sa toison est douce et épaisse.

8. Eveille les sens. 9. Cueillie à la cam-

pagne, ramassée en ville. Bout de mé-

tal. 10. Chez Nini. Parti s’installer ail-

leurs. 11. Participation individuelle.

Dispositions intérieures. 12. Ne font

que passer et repasser.

SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 187

HORIZONTALEMENT I. Exaspération. II. Déporté. Enki. III. «Unes». Parc.

IV. Col. Evangile. V. Aplatirais. VI. Théière. Vête. VII. Ri. Tourne. Ru. VIII. Ile.

Cs. Armas. IX. Ces. Rosace. X. Esthétisants.

VERTICALEMENT 1. Educatrice. 2. Xénophiles. 3. Apelle. Est. 4. SOS. Ait.

5. PR. Etéocle. 6. Et. Virus. 7. Réparer. Ri. 8. Ana. Naos. 9. Tergiversa.

10. Incise. Man. 11. OK. Tract. 12. Niveleuses.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

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II

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GRILLE N° 15 - 188

PAR PHILIPPE DUPUIS

0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).

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L’HISTOIREDESINVENTIONS

M A R D I 1 1 AO Û T

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20.55 Camping Paradis

Série créée par Michel Alexandre.(Fr., 2011, 110 min).22.50 New York, unité spéciale

Série créée par Dick Wolf.(EU, saison 9, ép. 4, 2, 3/19).France 220.56 Secrets d’histoire

« Aliénor d’Aquitaine ». Magazine présenté par Stéphane Bern.22.40 La Loi et l’Ordre

Thriller de Jon Avnet.Avec Al Pacino, (EU, 2008, 100 min).France 320.50 Coco

Comédie de Gad Elmaleh(Fr., 2008, 95 min).23.00 Qui veut la peau

de Bernard Tapie ?

Documentaire de Jean-Charles Doria (Fr., 2014, 100 min).Canal+20.55 Maintenant ou jamais

Drame de Serge Frydman. Avec Leïla Bekhti, Nicolas Duvauchelle, Arthur Dupont (Fr.-Bel., 2014, 95 min).22.30 Bodybuilder

Drame de Roschdy Zem.Avec Vincent Rottiers,Yolin François Gauvin, Marina Foïs(Fr., 2014, 100 min).France 520.40 Les Routes

de l’impossible

« Guyana : les convois du monde perdu ». Documentaire de Julien Félix (Fr., 2012, 100 min).23.35 Les Carnets de route

de François Busnel« Un rêve californien ». Documentaire de François Busnel (Fr., 2012, 60 min).Arte20.55 Chine, le nouvel empireDocumentaire de Jean-Michel Carré (Fr., 2009, 180 min).23.55 Mamie fait de la résistanceDocumentaire d’Havard Bustnes (Nor., 2013, 55 min).M620.55 Zone interditeMagazine présenté par Wendy Bouchard. « L’île de Ré : le paradis des familles et des people ».22.45 Zone interdite« Saint-Jacques-de-Compostelle, l’aventure au bout du chemin ».

Un énergique biopic sur « Mister Dynamite »Tate Taylor, à la réalisation de « Get on Up », et Mick Jagger, à la production, ramènent James Brown d’entre les morts

CANAL+ CINÉMAMARDI 11 AOÛT – 22 H 30

FILM

Septembre 1988. JamesBrown, le parrain du funk,débarque, fusil au poing,dans un séminaire d’assu-

reurs. Sous influence, il terrorisel’assemblée, au motif d’un crime de lèse-majesté qu’il n’entend pas laisser impuni : un quidam a uti-lisé ses toilettes. L’anecdote prête à sourire, mais cette irruptionmusclée a valu à l’interprète du mythique Get Up (I Feel Like Being a) Sex Machine (qui a inspiré le ti-tre du film) deux ans de prison.

C’est avec cet épisode fameux dela vie de « Mister Dynamite » que s’ouvre l’énergique biopic de TateTaylor. Une armada de policiers lancée à ses trousses, James Brown file de la Géorgie en Caro-line du Sud, où il est arrêté. Que safuite s’achève dans l’Etat qui l’a vunaître et grandir trace instantané-ment la ligne complexe d’un des-tin. Ce retour aux origines s’ac-compagne d’un flash-back (le pre-mier d’une longue série) qui nousramène à sa prime jeunesse. En-fant chétif, il habitait une bicoquedélabrée, au milieu des bois. Dansun climat familial instable, il aconnu la faim, les violences et l’abandon. Confié aux bons soins d’une mère maquerelle, il décou-vre le gospel et se met à chanter.

Mais, après avoir volé un cos-tume, il est condamné à une di-zaine d’années de prison.

Puissance vocale inégaléeLa trajectoire fulgurante qui allait être la sienne aurait pu s’arrêter là, s’il n’avait bénéficié de l’inter-vention du musicien Bobby Byrd (Nelsan Ellis). Venu donner un concert dans l’établissement pé-nitentiaire où Brown croupissait, la voix et le sort de ce dernier

l’émeuvent. Il se porte garant du jeune prodige et l’intègre à son groupe, The Famous Flames. Brown en devient le leader, au mi-tan des années 1950. Mais, deve-nus les employés de « M. Brown »,les musiciens bafoués jettent l’éponge. Bobby Byrd finira par re-venir. Vocaliste, ami, collabora-teur, il va être le témoin privilégié des débordements incontrôlésqui émailleront l’existence hors du commun de Brown.

On croyait le genre du biopicéventé, il avait encore des visions capiteuses à nous offrir. Financé par le puissant producteur BrianGrazer et Mick Jagger, Get on Ups’affranchit des pesanteurs asso-ciées à l’exercice du portrait. Le film ne se délecte pas plus de lagloire que des aspects sombres dela personnalité du showman de génie. Le spectacle n’est pas là,mais sur scène, accroché aux pasdu chanteur qui inventa le

« mashed potatoes », cette danse qui a électrisé les foules.

Et pour rendre justice à songroove unique, à sa puissance vo-cale inégalée, à son sens du beatfrénétique, Tate Taylor a reconsti-tué dans le détail la plupart des chorégraphies de James Brown. Ce que permettent d’apprécier de parcimonieuses images d’archi-ves insérées au cœur des scènes de fiction. Ce n’est pas là la moin-dre originalité du film.

Tate Taylor mélange les tempora-lités et orchestre de subtils échos, des résonances secrètes, en forme de vibrations primitives. De ces moments de vie mixés, passés au filtre d’un montage qui semble cheminer par association libre, naît une forme musicale très « free », galvanisée par une éner-gie contagieuse. La musique tient le haut de l’affiche dans ce film quitranche avec les pompes à affects emperruquées, affiliées au genre.Chadwick Boseman, qui a eu la lourde tâche d’endosser les tenues moulantes et bariolées du « God-father of Soul », n’a pas misé sur ces artifices pour parvenir à se his-ser à la hauteur du mythe. Sa pres-tation ultraphysique embrase de bout en bout Get on Up. p

sandrine marques

Get on Up, de Tate Taylor. Avec Chadwick Boseman, Nelsan Ellis, Viola Davis (EU, 2014, 140 min).

Chadwick Boseman (James Brown). D STEVENS/UNIVERSAL

Shirley et Hinda contre Wall StreetLa crise économique vue par des nonagénaires délurées

ARTEMARDI 11 – 23 H 55

DOCUMENTAIRE

A 90 ans, Shirley et Hindapourraient aisément pro-fiter de leurs enfants et

petits-enfants – ce que la première ne manque pas de faire – et goûter aux plaisirs simples de la vie. Mais voilà, nos deux mamies, que les af-fres de la vieillesse ont fait rétrécir de dix bons centimètres et obli-gent à se mouvoir en fauteuil rou-lant, n’ont rien perdu de leur espritvif, impertinent, ni surtout de leur

pouvoir d’indignation face à la crise économique qui touche leurpays, les Etats-Unis.

Une crise du reste dont ces deuxnonagénaires, qui connurent celle de 1929, aimeraient bien compren-dre les tenants et les aboutissants, ainsi que la manière de s’en sortir, sans passer par l’éternel levier de lacroissance, devant lequel elles sontdubitatives. Comme l’exprime Shirley, qui rabroue son amie au supermarché : « Ton raisonne-ment est archaïque ! Tu n’arrêtes pas de dire : “Je ne sais pas quoi faire d’autre à part faire des courses

pour relancer la croissance.” Mais les bêtises que tu achètes te ren-dent-elles plus heureuse ? »

Le culot de Michael MooreBardées d’interrogations fausse-ment naïves et armées d’un culot àtoute épreuve – qui n’est pas sans rappeler celui de Michael Moore – ainsi que d’un solide sens de l’hu-mour, nos deux mamies enta-ment un étonnant road-movie à travers les Etats-Unis pour rencon-trer ceux qui seraient les plus à même de les éclairer. Après un pas-sage-éclair à l’université de

Washington, où lors d’un cours surla « bulle immobilière », elles sont sommées de sortir après avoir tenté de poser quelques questions,Shirley et Hinda trouvent d’autres voix plus hétérodoxes pour les ins-truire sur les dangers d’une crois-sance toujours plus exponentielle.Tel le physicien Albert Allen Bart-lett (1923-2013), qui souligne que, « si tout le monde avait la même consommation que les Etats-Unis,il faudrait quatre à cinq planètes pour répondre à nos besoins », ou Joshua Farley, spécialiste d’écono-mie durable. Avant de se lancer à

New York à l’assaut des décideurs de Wall Street, lors d’un dîner d’où elles seront reconduites plus ou moins sans ménagement.

S’attachant aux tribulationsaussi drolatiques qu’émouvantes de ces deux infatigables indignées,le Norvégien Havard Bustnes offre sur des questions complexes une singulière et non moins convain-cante leçon d’économie. p

christine rousseau

Mamie fait de la résistance,de Havard Bustnes(Norvège, 2014, 52 min).

V O T R ES O I R É E

T É L É

18 | disparitions & carnet MARDI 11 AOÛT 2015

0123

Solveig AnspachCinéaste

La réalisatrice Solveig Ans-pach avait été révéléeen 1999 par son premierlong-métrage de fiction,

Haut les cœurs !, qui racontait la traversée du cancer par une jeunefemme, enceinte. Le film était ins-piré de l’expérience de la cinéaste,qui avait gagné une rémissionavant que le cancer ne revienne etne concède d’autres sursis. Le der-nier a pris fin, vendredi 7 août, dans une maison de la Drôme, où Solveig Anspach est morte à 54 ans.

Par son succès, son intensité,Haut les cœurs ! fait un peu d’om-bre au parcours singulier de la ci-néaste. Le film avait rencontré un succès public inattendu avant de collectionner les nominations auxCésars et d’en rapporter un à soninterprète principale, Karin Viard.

On avait alors découvert cettejeune cinéaste, sortie de la Fémis, l’Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son, une décennie auparavant et qui, jus-qu’alors, avait réalisé des docu-mentaires. L’un d’eux était inti-tulé Vestmannaeyjar, du nom de l’île islandaise où elle est née, le 8 décembre 1960. Sa mère, islan-daise, avait rencontré à Paris son père, né à Vienne, qui avait fui lenazisme pour s’engager dans l’ar-mée américaine et débarquer en Normandie. Il étudiera ensuite à Paris. Après un intermède new-yorkais, les Anspach s’y sont éta-blis, chassés des Etats-Unis par le maccarthysme.

Elan militant

Solveig Anspach a raconté que son père ne l’avait pas encouragéeà faire du cinéma. Elle a plutôtécouté sa mère qui lui disait : « Les filles peuvent tout faire, mais il faut être plus tenace que les hom-mes. » Tenace, elle l’a été puis-qu’elle s’y est prise à trois fois pour entrer à la Fémis. Quand elleen sort, en 1990, elle réalise des documentaires. Sur son île natale,sur Sarajevo, alors en guerre, sur un gang de mères devenues bra-queuses (Que personne ne bouge).

C’est à ce moment qu’elle est at-teinte d’un cancer du sein. Plutôtque de filmer sa maladie, elle dé-cide d’en faire une fiction. Pour que ce film soit « beaucoup plusque mon histoire, parce que, si cel-le-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beau-coup de monde. Et, à cette épo-que-là, on n’en parlait pas assez »,expliquait-elle récemment.

Pour son film suivant, Made inthe USA, codirigé avec CindyBabski, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival deCannes en 2001, elle revient au

documentaire pour analyser le système judiciaire américain, ses failles meurtrières. On retrouveracet élan militant dans la biogra-phie de Louise Michel qu’elle réa-lise pour la télévision en 2008.

Mais, côté fiction, c’est la comé-die qui l’emporte souvent. Aprèsle sombre Stormy Weather (2003), tourné en Islande, elle entame sa « trilogie fauchée », dont les deux premiers volets ont pour titre Back Soon (2007) et Queen ofMontreuil (2012) et en commun une impressionnante actrice is-landaise, Didda Jonsdottir, qui se-rait comme l’incarnation exubé-rante du principe vital de la ci-néaste. Ces derniers jours, Solveig Anspach travaillait encore aumontage du dernier film de cetriptyque, L’Effet aquatique, dans lequel on retrouvera, outre Didda Jonsdottir, les acteurs de Queen ofMontreuil (ville où la réalisatrice apassé sa vie d’adulte).

Entre-temps, il y aura eu Lulufemme nue et son succès. SolveigAnspach y dirigeait à nouveau Ka-rin Viard, et racontait encore unefois une histoire triste. « Lulu n’estpas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs, c’est une femme plutôt effacée, qui a été ca-denassée dans le quotidien, mais, comme Emma, elle veut vivre »,expliquait la réalisatrice lors de la sortie du film, en 2014.

Patrick Sobelman, qui a produittous les films de Solveig Anspach depuis Haut les cœurs ! (à l’excep-tion de Lulu femme nue) avec lastructure Agat-Ex Nihilo, fait re-marquer que la cinéaste ressem-blait aux deux veines de sa fiction« à la fois triste et douce, et d’unegrande force, d’une grande joie ».Cette force s’est traduite par une boulimie de travail. Outre L’Effet aquatique, Solveig Anspach avait déjà écrit un long-métrage trèsambitieux, qu’elle aurait dû tour-ner en 2016.

Interrogée par Le Monde, début2014, sur les raisons de cette fré-nésie de projets, elle avait ré-pondu : « Ce qui me presse tant ? C’est que je sais comme tout le monde que la vie peut s’arrêter de-main. Simplement, moi, j’y pensepeut-être plus souvent qued’autres… » p

thomas sotinel

8 DÉCEMBRE 1960 Naissance à Heimaey, dans les îles Vestmann (Islande)1999 « Haut les cœurs ! »2001 « Made in the USA »2014 « Lulu femme nue »7 AOÛT 2015 Mort dans la Drôme

En 2013. AURÉLIE LAMACHÈRE/SIPA

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AU CARNET DU «MONDE»

Décès

Emmanuèle Bernheimet Serge Toubiana,

Pascale Bernheim,ses enfants,

Raphaël et Noémie,ses petits-enfants,

Philippe Huart,qui l’a accompagnée jusqu’à la in,ont la tristesse de faire part de la disparitionde

Claude BERNHEIM,née DE SORIA,

sculpteur,

survenue le 7 août 2015,dans sa quatre-vingt-neuvième année.

Les obsèques se sont dérouléesle samedi 8 août, au cimetière duMontparnasse, Paris 14e, dans la plusstricte intimité.

Cet avis tient lieu de faire-part.58, rue de Vaugirard,75006 Paris.

Alexandre, Ariane,ses enfants,

Ses petits-enfants,Sa sœur,M. Michel Arrignon,

son compagnon,

ont la douleur de faire part du décès de

Mme ClaudineBLUM-BOISGARD,

chevalier de la Légion d’honneur,professeur de santé publique,

médecin des Hôpitaux de Paris.

La cérémonie civile aura lieu le mardi11 août 2015, au crématorium du cimetièredu Père-Lachaise, 71, rue des Rondeaux,Paris 20e, où l’on se réunira à 10 heures.

Monique Bourdais,son épouse,

Sophie Bourdais, Juliette et BenoîtTilliez, François et Sophie Bourdais,Marie et François Escaro,ses enfants,

Manon, Mathilde, Guillaumeet Martin Tilliez,

Cédric, Clément et Delphine Bourdais,Mathilde, Maëlys et Camille Escaro,ses petits-enfants,

Françoise et Jean-Louis Reversac,sa sœur et son beau-frère

Ainsi que les familles Bourdais,Reversac, Fouquet, Vuillaume, Revel

Et toutes les familles amies,ont la tristesse d’annoncer le décès de

M. Bernard BOURDAIS,survenu le 25 juillet 2015,à l’âge de soixante et onze ans.

La cérémonie religieuse et l’inhumationont eu lieu le vendredi 31 juillet, auRaincy.

« Quiconque aime est né de Dieuet connaît Dieu. »

(1 Jean 4 : 7).8, allée de la Fontaine,93340 Le Raincy.

Jeanne et Jean,ses enfants,

Julien, Valentin, Arthur et Noëlie,ses petits-enfants,

ont la tristesse d’annoncer le décès de

Mme Pénélope BOURGEOIS,née LEE Ping,

survenu dimanche 2 août 2015,à l’âge de quatre-vingt-huit ans,à Saint-Germain-en-Laye.

Les obsèques ont lieu ce lundi 10 août,dans l’intimité familiale.

2, rue de Breuvery,Bâtiment B,78100 Saint-Germain-en-Laye.

Geneviève Laur (†),Marc et Véronique Bruneau,France et Jean-Luc Gerbal,

ses enfants,Christian et Maria Laur,Ses petits-enfants,Ses arrière-petits-enfantsAinsi que toute la famille,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Jean-Luc BRUNEAU,X38,

inspecteur général honoraire du CEA,oficier de la Légion d’honneur,

croix de guerre 1939-1945,croix de guerre des TOE,

survenu à Paris 16e, le 4 août 2015,dans sa quatre-vingt-dix-septième année.

L’inhumation a eu lieu dans l’intimitéfamiliale, le vendredi 7 août 2015,au cimetière de Sèvres (Hauts-de-Seine).

11, rue Ernest-Renan,92310 Sèvres.

Véronique Caradec,son épouse,

Les familles Caradec, Idoux, Lecomte,Picaud,

Les enfants et petits-enfants,

ont la douleur de faire part du décès de

Jean-Yves CARADEC,docteur, ingénieur,ENSIC Nancy 71,

survenu le 4 août 2015,dans sa soixante-troisième année.

Mme Sabine Coornaert,son épouse,

Ses enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Philippe COORNAERT.Selon la volonté de Philippe, il a été

incinéré.

Une messe sera dite en sa mémoire,à une date ultérieure.

7, rue des Sables,78720 Dampierre-en-Yvelines.

Marie-Chantal Dagron,son épouse,

Messad Dagron-Velikovskiet Tristan Dagron,ses enfants,

Hélène, Julien, Thomas,Pauline, Louise, Maxime,Amanda, Louis,

ses petits-enfantset son arrière-petit-ils,

ont la tristesse d’annoncer la disparition,à Paris, le 4 août 2015, de

Gilbert DAGRON,École normale supérieure 1953,

professeur honoraireau Collège de France,membre de l’Institut,

membre étrangerde l’Académie d’Athènes,de l’Accademia Nazionale

del Lincel,de l’Accademia delle Scienze

de Turin,de l’American Academy

of Arts and Sciences,de la Medieval Academy

of America,docteur honoris causa

de l’université d’Athènes.

La cérémonie religieuse a été célébréece lundi 10 août, à 10 h 30, en l’égliseSaint -Léon, Par is 15 e, su ivie del’inhumation au cimetière de Passy,Paris 16e.

6, avenue du Général-Détrie,75007 Paris.

Nicole Fraisse,son épouse,

Frédéric et Julie Fraisse,ses enfants,

Lucas, Dior et Lisa,ses petits-enfants,

Leurs famillesEt leurs amis,

ont la profonde douleur de faire partdu décès de

Jean-Luc FRAISSE,cofondateur avec son épouse, en 1978,

de « La Chapelle des Lombards ».

Les obsèques ont eu lieu le samedi8 août 2015, à 10 h 30, au crématoriumd’Albi (Tarn).

Nicole Fraisse, c/o Julie Fraisse,12, rue Clément-Vienot,94300 [email protected]

Ses illes et ses gendres,Ses petits-enfants,Ses arrière-petits-enfants,

ont la douleur de faire part de la mort de

Suzanne GANDON,née BARTHÉLEMY,

survenue le 4 août 2015,dans sa quatre-vingt-treizième année.

3, impasse des Canaris,30400 Villeneuve-lès-Avignon.

Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine).

Ses enfants,Ses petits-enfants,

ont la profonde tristesse de faire partdu décès du

général Yves JANNIN,X32,

chevalier de la Légion d’honneur,oficier de l’ordre national du Mérite,

médaille coloniale « Extrême Orient »,croix de guerre des TOE,

survenu le 21 juillet 2015,dans sa cent deuxième année.

Antony ([email protected])Morlaix ([email protected])Rognes ([email protected])Trelissac ([email protected])

Paris. Locquemeau.Port-Blanc (Côtes-d’Armor).

Iris et Zoé Vezyroglou,ses illes,

David Horvat,son mari,

Maryvonne Le Moal-Menget,sa mère,

Patrick Menget,son père,

Lucas, Laurence, Pauline, Patrick,ses frères et sœurset leurs conjoints,

Dimitri Vezyroglou,le père de ses illes,

Alba et Saskia Horvat,ses belles-illes,

Clea, Aurélien et Justine,ses neveu et nièces,

ont l’immense douleur de faire partdu décès de

Judith MENGET,survenu le 7 août 2015, à Locquemeau,à l’âge de quarante-cinq ans.

Les obsèques auront lieu ce lundi10 août, à 16 heures, au cimetière dePort-Blanc (Côtes-d’Armor).

Remerciements

Profondément touchés de la sympathiedont vous avez fait preuve à la suitedu décès de

Jean PARIZET,s e s p r o c h e s v o u s r e m e r c i e n tchaleureusement et vous présententl’expression de leur reconnaissance.

Anniversaires de décès

Jean BONNET,docteur et professeur des Universités,

nous a quittés le 11 août 2012.

Laurence Lou et Pascale,ses illes

Et toute sa famille,

pensent toujours à lui avec amour.

[email protected]

Il y a un an, le 11 août 2014,

Pierre CLAUDÉnous quittait.

Simone Claudé,son épouse,

Sa famille,Ses amis.

Il est toujours présent dans nos vies.

10 juin 2014 - 10 juin 2015.

Gilles DAGBERTpartait sans nous quitter.

Souvenir

Véronique POT,depuis quatre ans, tu n’es plus là,mais tu nous manques toujours tellement.

Germain.

0123MARDI 11 AOÛT 2015 | 19

« ON NE DOIT PAS DIRE DU MAL DES MORTS,

SEULEMENT DU BIEN. JOAN CRAWFORD

EST DÉCÉDÉE. C’EST BIEN »

BETTE DAVIS

samuel blumenfeld

Après le triomphe artistiqueet commercial, en 1962, deQu’est-il arrivé à Baby Jane ?,de Robert Aldrich, le couplevedette du film, Bette Davis,54 ans, et Joan Crawford,

57 ans, est devenu une formule magique, unegarantie au box-office. Dont se moquent les deux actrices. Apprenant qu’elle pourrait re-trouver, deux ans plus tard, en 1964, son en-nemie jurée Joan Crawford, pour Chut, chut, chère Charlotte, de nouveau sous la directionde Robert Aldrich, Bette Davis lâche, en fin denon-recevoir : « Si Joan Crawford venait à prendre feu, je ne me donnerais même pas la peine de pisser dessus. »

En 1964, la rivalité entre les deux stars at-teint un point de non-retour. Ce dédain mu-tuel reste une position assumée, revendiquée,exaltée. Leur haine devient un ballon d’oxy-gène pour deux des comédiennes les plus emblématiques de l’Hollywood de l’âge d’or des années 1930 et 1940. Le tournage heurté, fou et passionnel de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? a lieu dans une confusion assumée en-tre l’antagonisme mis en valeur par le scéna-rio – deux sœurs, l’une ancienne star de ci-néma et en chaise roulante ; l’autre actrice ra-tée, martyrisant sa cadette, dans une maisontransformée en tombeau – et leur désir mu-tuel d’en découdre dans la vie réelle. Au risquede piétiner ou tuer sa partenaire, si possibledevant la caméra.

Cette pulsion meurtrière reste l’un des fac-teurs qui permettent au film d’Aldrich de s’imposer, avec Sunset Boulevard (1950) – Bou-levard du crépuscule en France –, de Billy Wil-der, comme le plus génial et le plus troublant jamais réalisé sur Hollywood. Une œuvre d’art donc, façonnée avec le sang et les larmesde ses vedettes.

Difficile d’imaginer deux comédiennes plusopposées que Joan Crawford et Bette Davis. Star ultime, Joan Crawford est devenue, à sa manière, l’auteure de ses films, qui mettent enscène sa propre ascension sociale, ses frustra-tions de femme arrivée, en phase avec l’Améri-que de la crise économique puis de la secondeguerre mondiale. Sa beauté, sa classe naturelleet sa sexualité agressive à l’écran reflètent, avec un étonnant naturel, la femme qu’elle estdans la vie. « Je l’admire, expliquera plus tardBette Davis. Pourtant, je me sens mal à l’aise ensa compagnie. Elle représente à mes yeux la star de cinéma par excellence. J’ai toujours sentique la plus grande réussite de Joan Crawford a été d’être Joan Crawford. » Crawford a modelé son physique hors normes. Ses fameux sour-cils noirs épais font dire à Bette Davis qu’ils ressemblent à des « chenilles venues d’un pays africain de merde », sa bouche interminable etses robes ou chemises aux épaulettes carrées imposent son style dans Le Roman de MildredPierce (1945), de Michael Curtiz, et Johnny Gui-tare (1954), de Nicholas Ray.

Bette Davis lutte en revanche contre sonphysique atypique. Comme si, complexée parses yeux globuleux, qu’elle tente de faire oublier, saturant ses lèvres de rouge, elle trou-vait une compensation en s’appuyant sur sontalent d’actrice hors du commun. Joan Craw-ford cerne, à sa manière, le cas Bette Davis :« J’ai toujours trouvé Mme Davis de mauvaise foi sur la question de son maquillage au ci-néma. Elle appelle cela de l’art. D’autres pour-raient parler de “camouflage” – un alibi pour masquer son absence de véritable beauté. »

« DOUÉE POUR JOUER DES SALOPES »Bette Davis bâtit sa carrière à la manière d’un Meccano, choisissant soigneusement ses films et ses metteurs en scène, retravaillant les scénarios, traçant son chemin dans le sys-tème des studios, à la Warner en particulier, à sa grande époque, où signer un contrat d’ex-clusivité de plusieurs années signifie renon-cer à cette liberté. Elle résume, avec son brillant franc-parler, la dichotomie entre elle et Crawford : « Pourquoi suis-je si douée pour jouer des salopes ? Car je n’en suis pas une. Peut-être est-ce pourquoi Joan Crawford in-carne si souvent des dames. »

L’un des premiers rôles marquants de Davis,avec L’Emprise (1934), de John Cromwell – où elle lâche à son partenaire à l’écran, Leslie Ho-ward, l’une de ces répliques impitoyables

qu’elle réclame à ses scénaristes – « Après t’avoir embrassé, j’ai dû m’essuyer la bouche… m’essuyer la bouche ! » –, est celui d’une ac-trice alcoolique et sans succès, se retrouvantentre les bras d’un architecte incarné par Franchot Tone dans L’Intruse (1935), d’Alfred E. Green. Davis a un coup de foudre pour son partenaire, mais le voit partir avec Joan Craw-ford. « Il en était tombé fou amoureux. Ils se re-trouvaient tous les jours à déjeuner, et retour-nait sur le plateau, le visage couvert de rouge àlèvres. Son rouge à lèvres », explique, dépitée, l’actrice.

L’humiliation se poursuit pour Bette Davislorsqu’elle vient chercher, l’année suivante, le premier de ses deux Oscars. Surprise de rece-voir la récompense, elle porte une ridicule robe marinière. Quand elle se lève, Franchot Tone l’imite pour l’embrasser et la féliciter. Joan Crawford reste assise et lâche froide-ment : « Chère Bette ! Quel magnifique accou-trement ! »

Joan Crawford reste une séductrice horspair, connue pour ses conquêtes, masculineset féminines. Parmi elles, Greta Garbo, Mar-lene Dietrich et Barbara Stanwyck. Bette Davisadopte un comportement plus convention-nel : « La sortie du placard pour les homo-sexuels ? Je suis contre, il n’y a rien à ramasserpour moi là-dedans. » A la suite de l’affaire Franchot Tone, Bette Davis se lance dans un florilège de considérations sur Joan Crawford.Vivre sa vie, mener sa carrière ne lui suffisent plus. L’actrice cherche le mot qui tue. Un, parmi tant d’autres, toujours brillants : « JoanCrawford a couché avec toutes les stars de la MGM, masculines et féminines, à l’exception du chien Lassie. »

Au début des années 1960, la carrière desdeux comédiennes semble derrière elles. At-teintes par la limite d’âge. Dépassées par la gé-nération d’acteurs issue de l’Actor’s Studio.

ouvre le crâne, nécessitant la pose de plu-sieurs points de suture. La vedette d’Eve, de Mankiewicz, estimera qu’il s’agissait du plus beau moment de sa vie. Joan Crawford remet les compteurs à zéro dans une scène où sa par-tenaire doit la traîner dans les escaliers. L’ac-trice de Johnny Guitare met une ceinture d’haltérophile bardée de pierres sous sa robe afin de rendre son poids insupportable, au point de provoquer d’insoutenables douleurs dorsales chez Davis.

Lorsque Bette Davis est nommée à l’Oscar dela meilleure actrice pour son rôle, Joan Craw-ford, écartée de cette récompense, fait le tour des votants pour les persuader de ne pas met-tre un bulletin en faveur de sa partenaire. Le soir de la cérémonie, elle parvient à convain-cre deux des nommées pour cette distinction,absentes pour raisons de tournage, de la lais-ser monter sur scène pour accepter la récom-pense en leur nom, avec l’espoir de créer une confusion dans l’esprit du public. Lorsque lenom d’Anne Bancroft est annoncé, pour Mira-cle en Alabama (1962), d’Arthur Penn, Craw-ford récolte, sur scène, la statuette sous le re-gard médusé de Bette Davis.

Jusqu’à sa mort, en 1989, Bette Davis resteencore à la recherche de la saillie susceptible d’anéantir sa rivale. Elle a accueilli son décès, en 1977, comme une libération. « On ne doit pas dire de mal des morts, seulement du bien. Joan Crawford est décédée. C’est bien. » Une fois celle-ci enterrée, la poursuivre dans l’au-delà devient un nouvel objectif pour Bette Da-vis. En 1987, sur le plateau de son avant-der-nier film, Les Baleines du mois d’août, elle affi-che encore son mépris pour la défunte, sous les yeux de son metteur en scène agacé, le Bri-tannique Lindsay Anderson. Bette Davis, rouge de colère et hirsute, tape alors du poing pour lâcher une dernière épitaphe : « Le fait qu’elle soit morte depuis longtemps ne signifie pas qu’elle ait, en quoi que ce soit, changé. » p

Prochain article : « Craig Venter contre Francis Collins »

Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se teindra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival/

Joan Crawford contacte alors Robert Aldrich, sous la direction duquel elle avait tourné Feuilles d’automne (1956), pour lui proposer d’adapter un roman d’Henry Farrell, Qu’est-ilarrivé à Baby Jane ?, devenu un modeste suc-cès de libraire. Le livre se situe à la limite de la folie, avec la mort en toile de fond, et deux sœurs, recluses dans leur maison à Los Ange-les, hantées par un souvenir d’enfance. Craw-ford, comme Aldrich, pense que Bette Davis constituerait son alter ego idéal. Le réalisateura tourné avec elle En quatrième vitesse (1955), un classique du film noir de l’après-guerre, y exprimant sa vision apocalyptique du monde.Aldrich veut s’atteler à un autre désastre, en huis clos cette fois, mettant aux prises deux sœurs devenues, par leur monstruosité, ju-melles.

« QUAND IL GÈLERA EN ENFER… »Ce souhait reste, un temps, impossible. A la question de la journaliste Hedda Hopper « En-visageriez-vous, un jour, de jouer avec Joan Crawford ? », Bette Davis répond sans amba-ges : « Quand il gèlera en enfer ! » Mais l’actricese rend à la raison. Le projet Baby Jane est tropexcitant. Robert Aldrich trop talentueux. La perspective de sadiser Joan Crawford à l’écran trop exaltante. A elle, le rôle du bourreau, avecles oripeaux qui l’accompagnent : la colère, le vieillissement ridicule, la cruauté, la violence paroxystique. A sa rivale, le statut de victime, l’hypocrisie et la violence rentrée.

Sur le plateau, Joan Crawford est surprise devoir ses lignes de dialogue largement taillées,voire réduites à néant. Un travail de réécrituresupervisé par Bette Davis. Veuve de l’ex-pa-tron de Pepsi-Cola, Alfred Steele, Joan Craw-ford fait installer un distributeur de boissons sur le plateau. Davis reprend l’initiative à son compte, mais avec des bouteilles de Coca-Cola,obtenant de l’équipe du film de tenir, si possi-ble, la fameuse bouteille à la main, à chaque fois qu’elle est photographiée pour la promo-tion du film. « La putain de bouteille de Pepsi de cette salope, explique Bette Davis, est à moi-tié remplie de vodka. Comment ose-t-elle me sortir cette haleine de chacal dans un film avec moi ? Je vais la tuer ! »

La mise à mort est programmée. Dans unescène où Davis doit taper sur sa partenaire à coups de pied, celle-ci frappe si fort qu’elle lui

STÉPHANE BLANQUET

Les vipères d’Hollywood

1|11 ENNEMIS INTIMESBETTE DAVIS, JOAN CRAWFORD

En 1962, avec « Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? », la rivalité assassine qui lie les deux actrices atteint son paroxysme, et crève l’écran. Cette haine exaltée, les stars des années 1930 et 1940 l’auront entretenue durant toute leur existence… et même au-delà

l’été en séries

20 | MARDI 11 AOÛT 2015

0123l’été en séries

« CES OLIVIERS SONT POUR NOUS

CE QUE LES PHOQUES SONT POUR

LES ESQUIMAUX »MICHELE EMILIANO

président de la région des Pouilles

philippe ridet

bari, lecce (pouilles, italie) - envoyé spécial

D’ordinaire GiuseppeSilletti, 62 ans, com-mandant du Corpo fo-restale dello Stato, lapolice de l’environne-ment italienne, est un

homme affable. Un peu rugueux certes, diffi-cile à contacter à moins d’avoir envoyé plu-sieurs courriels à son administration, mais plutôt disponible pour quelqu’un qui, depuisle mois de février, a été nommé commissaire spécial du gouvernement, autant dire généralen chef, dans la guerre contre Xylella fasti-diosa, la bactérie qui dessèche les oliviers et empêche les oléiculteurs des Pouilles de dor-mir. Mais une fois l’autorisation obtenue et le rendez-vous fixé à Bari dans son bureau qui domine la mer, c’est du velours. A moins de l’énerver. Notre réflexion était sans doute tropprovocante. « Commissaire, il y a près de six mois que vous menez ce combat. Vous avez préconisé l’abattage des arbres malades mais, en tout et pour tout, seulement sept ont été ar-rachés sur un million de plantes menacées. On a l’impression que vous n’avez rien fait. »

A cet instant, Giuseppe Silletti aurait bienvoulu nous mettre dehors. Puis il s’est ravisé.« Ce que nous avons fait ? Je vais vous le dire ! D’abord j’ai proposé un plan, mais il a été re-jeté par le tribunal administratif à la de-mande des associations de défense de l’olivier.Mais je ne suis pas resté les bras croisés. Avecmes 140 hommes, nous avons procédé au“nettoyage” de la zone rouge, celle dans laprovince de Lecce, la plus touchée par la bacté-rie tueuse. Ce que nous avons fait ? 1 200 kilo-mètres de route, 230 hectares de jardins pu-blics et 60 000 hectares d’oliveraies ont été bonifiés ! Ce qui n’empêchera pas de devoir traiter les arbres avec des produits chimiques. Je n’ai jamais dit qu’il fallait abattre 1 million d’arbres. Ecrivez-le ! En tout, seuls 2 500 oli-viers sont concernés ! »

Depuis l’apparition, en 2010, de Xylella fas-tidiosa, les Pouilles sont en ébullition. L’Eu-rope aussi puisque la bactérie transportée par des insectes menace potentiellement tous les oliviers du bassin méditerranéen, dela Grèce à l’Espagne en passant par la France. Fin avril, la Commission européenne a ren-forcé les mesures de prévention : éradicationdans les zones infectées, délimitation de la zone tampon de vingt kilomètres au nord dufoyer de contamination et embargo à l’ex-portation des plantes suspectes.

THÈSE DU « CRIME EN BANDE ORGANISÉE »Ici, au sud de l’Italie, l’oléiculture représente400 millions d’euros de chiffre d’affaires paran et 30 % de la production totale de l’Italie. « Tout le monde se sent une âme et des compé-tences d’agronome. C’est comme lorsque joue l’équipe nationale de foot, tous les Italiens se prennent pour des entraîneurs. Pourtant ce se-rait le moment de s’écouter les uns les autres »,regrette Gianfranco Ciola, directeur du parc naturel d’Ostuni qui abrite de nombreux oli-viers séculaires pour l’instant encore indem-nes. En visite dans les Pouilles le 19 juillet, le commissaire européen à la santé, Vytenis An-driukaitis, a demandé « davantage de cohé-rence » à ses hôtes.

Il faut dire que de Gallipoli à Tarante, à tra-vers les trois zones de « guerre » (la ligne de front dans la province de Lecce, la zone tam-pon dans celle d’Ostuni, et l’arrière aux alen-tours de Bari), tout le monde a son mot à dire,sa vérité à promouvoir en fonction de ses in-térêts, de sa philosophie, de sa chapelle. A mesure que le visiteur s’enfonce dans le ta-lon de la Botte, ses certitudes s’évanouissent.

Prenons l’apparition de la bactérie parexemple. Jusqu’alors deux pistes étaient pri-vilégiées. Selon une première hypothèse, dite « filière sud-américaine », Xylella fastidiosa aurait rejoint l’Europe en passager clandestin à l’abri de végétaux en provenance du Costa Rica. Débarquée aux Pays-Bas au port de Rot-terdam, elle aurait atteint les pépinières de Lecce pour y faire souche.

Selon la seconde, dite « piste italienne », labactérie aurait été apportée « officiellement »en 2010 à Bari, à l’occasion d’un congrès orga-nisé par l’Institut agronomique méditerra-néen, par des scientifiques qui s’interro-geaient justement sur la portée de ses dom-mages et les moyens d’y faire face. Mais la juge Elsa Valeria Mignone, qui conduit l’en-quête (et n’a pas souhaité répondre aux ques-tions du Monde), ne peut accéder aux actes dece colloque et donc apporter la preuve que la bactérie étudiée par les experts est bien la même que celle qui a infecté les oliviers.

Mais un troisième scénario est apparu, quiprivilégie la thèse du « crime en bande orga-nisée ». Deux complices, un champignon et un parasite du bois, pourraient avoir offert une aide logistique à la Xyllela pour semer la terreur dans les oliveraies. Cette théorie du complot a aussi ses partisans. Selon eux, unemain criminelle aurait diffusé la Xylella fasti-diosa dans la province de Lecce où se concen-trent les petites exploitations pour ruiner lesoliveraies et laisser place à des grandes rési-dences touristiques, les pieds dans l’eau… Par

gourou. Il y a autant de chapelles dans le trai-tement du dessèchement de l’olivier que d’écoles de psychanalyse. Les experts de Leccese plaignent ne pas être associés à ceux de l’université de Bari, lesquels ignorent les re-cherches conduites dans les universités de la Basilicate toute proche.

Dans leur plantation bio, à proximité deSanta Maria di Leuca, Valentina et StefaniaStamerra ne jurent que par les travaux du professeur Christos Xiloyannis, un agronomede Matera. Celui-ci soutient qu’il suffit de fer-tiliser le terrain avec de la matière organique, de le nettoyer régulièrement mais sans achar-nement, de tailler les brindilles mortes dèsleur apparition et les jeunes pousses au pied de l’arbre pour le maintenir en bonne santé. Valentina est l’une des avocats qui a plaidé de-vant le tribunal administratif le gel du plan deGiuseppe Silletti. Stefania, architecte, gère la plantation de la famille, 500 arbres apparem-ment en pleine forme. « Nous sommes ici dans l’épicentre de la catastrophe… Et pour-tant nous aurons une récolte cette année. Ceci est une bataille culturelle et politique. »

À CHACUN SA SOLUTION MIRACLEA quelques kilomètres de là, à Racala, FedericoManni, l’un des fondateurs de l’association LaVoce dell’ulivo (« la voix de l’olivier »), lui, ne produira rien ou presque. « Dans ce conflit, j’aiperdu des amis, se désole-t-il. Mais, si demain, vous ou moi sommes victimes d’un cancer, on file à l’hôpital, non ? On ne va pas chez le re-bouteux ! » Lui plaide pour un autre traite-ment : greffer sur des arbres légèrement at-teints des branches d’une autre espèce, venuede Toscane, réputée plus résistante. Il nous conduit devant le « géant de Feline » dont les bras tordus et le tronc noueux trahissent ses 1 500 ans. « Pas sûr que ça marche, mais il fautessayer », dit Federico Manni. Gérant d’une coopérative d’huile d’olive regroupant 800 petits producteurs qui produisent 30 000 li-tres par an, il ne veut pas laisser tomber.

Président de la région des Pouilles, élu le31 mai, Michele Emiliano (Parti démocrate, gauche) sait qu’il devra tôt ou tard porter un discours de raison dans ce débat qui en man-que singulièrement. Ancien magistrat anti-Mafia, il dit ne vouloir se fonder que sur despreuves. « Les experts expliquent que la mala-die pourra être contenue mais pas éradiquée, commence-t-il comme pour se disculper paravance. Si on nous prouve que l’éradication desoliviers malades peut être un bien, alors je suis d’accord. Je suis prêt à prendre des mesures im-populaires. Mais nous devons être sûrs quel’arrachage ne soit pas une manière de se met-tre à genoux devant les recommandations de l’Europe afin d’éviter les sanctions. »

Dans les Pouilles, les exploitations d’oliviersse transmettent de génération en génération comme une part d’ADN. Quelques centaines d’arbres, parfois moins, pour assurer sa con-sommation privée d’huile d’olive, celle de la famille et des amis. C’est pourquoi chacun secroit investit de la mission personnelle de les sauver. « Pour nous, poursuit Michele Emi-liano, l’olivier est plus qu’un arbre. C’est un an-cêtre, une part de nous-même, notre reflet. Grâce à lui nous nous confrontons à l’éternitéet au temps qui passe. C’est pourquoi l’abat-tage est considéré comme une sorte de sacri-lège. Nous, les Pugliesi, nous nous réveillons la nuit en pensant qu’un arbre va mourir. Nous nesommes pas très nombreux dans le monde à avoir ces angoisses. Ces oliviers sont pour nousce que les phoques sont pour les esquimaux. »

268 000 oléiculteurs, petits et grands, atten-dent sa décision. Et 60 millions d’arbres. Cer-tains ont dépassé 2 000 ans. Ils ont vu passer les Grecs et les légions romaines, les Carthagi-nois, les Byzantins, les Souabes, les Normands,les Suédois, les Angevins, des orages et des in-cendies… Jusqu’alors ils ont survécu. p

Prochain article : Le platane

Changer le monde : tel est le thèmede l’édition 2015 du Monde Festivalqui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programmesur Lemonde.fr/festival

qui ? Des oléiculteurs de Bari, la capitale ré-gionale, où les propriétés sont plus prospèreset où l’huile, dit-on, est plus fine et pluschère ? Des élus aux ordres des multinationa-les de la chimie agroalimentaire comme Monsanto ? Des tenants de l’agriculture in-tensive qui voudraient mettre à genouxl’agriculture biologique ?

Comme souvent en Italie, les discours offi-ciels, qu’ils soient politiques ou scientifiques,sont suspectés de servir des intérêts particu-liers et systématiquement remis en cause. Lespartisans de l’arrachage sont perçus comme des « profiteurs de guerre » cherchant à thé-sauriser sur les aides et les dédommage-ments. A l’inverse, les écologistes, qui veulentsauver les arbres, sont accusés de vouloir pro-pager la peste. Venu apporter son soutien auxoléiculteurs, l’eurodéputé José Bové, qui n’apas voulu prendre parti dans cette drôle deguerre, est soupçonné d’être au service de lascience officielle : « Normal, son père était agronome », persifle une productrice.

Chacun des camps en présence adhère àune thèse, un scientifique de référence, un

L’olivier entre en guerre

dans les Pouilles 1|5 ARBRES MALADES DE LA MONDIALISATION Une épidémie ravageuse s’attaque aux arbres de la région du sud-est de la péninsule italienne

Un olivier atteintpar la bactérie

« Xylella fastidiosa »,près de Bari

dans la régiondes Pouilles

en Italie,le 7 juillet.

ANTONIO OTTOMANELLI

POUR « LE MONDE»

0123MARDI 11 AOÛT 2015 l'été en séries | 21

COOK COMME PEARY ONT RÉALISÉ LEUR EXPLOIT DANS UN

RAID DE LA DERNIÈRE CHANCE, LAISSANT

DERRIÈRE EUX LEURS COMPAGNONS LES

PLUS EXPÉRIMENTÉS. NI L’UN NI L’AUTRE

N’A DE TÉMOINTRÈS FIABLE

charlie buffet

La Terre possède un pôle de lagloire, un point mouvant qui at-tire l’ego comme le pôle magnéti-que attire l’aiguille. Ce 15 décem-bre 1906, date à laquelle com-mence notre histoire, il se fixe

pour la soirée dans la salle des banquets de l’hôtel New Willard, à Washington. La Natio-nal Geographic Society tient son gala annuel. Quatre cents ambassadeurs, ministres, séna-teurs et quelques utiles mécènes sont répar-tis, un peu serrés avec leurs épouses, sur douze longues tables. Les invités d’honneurarrivent tous deux du « sommet de la Terre ». Le premier, le docteur Frederick Albert Cook, vient de planter la bannière étoilée sur le point culminant de l’Amérique du Nord : le mont McKinley (Alaska), 6 194 mètres d’alti-tude, baptisé quatre ans plus tôt en hommageau président des Etats-Unis William McKin-ley, assassiné en 1901. Theodore Roosevelt, alors vice-président, a fini le mandat de Mc-Kinley. Il est toujours président et vient de re-cevoir le prix Nobel de la paix. Il est attendu cesoir. Le second invité d’honneur est le com-mandant Robert Edwin Peary, officier de laNavy. Il se tient très droit, torse bombé. Sa moustache est exubérante, lui non. Il a été ajouté sur la liste quand il est revenu de l’Arcti-que après avoir touché le point le plus au nordjamais atteint par l’homme, à 87° 06.

Une deuxième médaille d’or a été comman-dée d’urgence chez Tiffany’s. Un journal pré-cise qu’elle contient pour 800 dollars d’or. L’explorateur et écrivain Wally Herbert ra-conte ce face-à-face étonnant des médaillés ri-vaux dans The Noose of Laurels – « Le nœud coulant de la gloire » – (Anchor Books, 1989, non traduit). Les deux hommes se connais-sent : ils ont fait leur première expédition po-laire ensemble, en 1891. Peary avait engagé le docteur Cook, son cadet de neuf ans ; le méde-cin l’a soigné lorsqu’il s’est cassé la jambe.

Peu avant 22 h 30, Cook se lève. Il rend unhommage poli à Peary avant de raconter son ascension féerique du McKinley. Malgré son zézaiement, il tient son public. Le sommet estproche : « Des blocs de granit griffent le ciel… »

Une ovation l’interrompt : le présidentTheodore Roosevelt vient d’entrer dans la salle. Un peu plus tard, Roosevelt décore Peary, dont il est un admirateur de longue date. Peary remercie le président de l’avoir autorisé à baptiser Roosevelt son navire po-laire – « Ce nom a été un puissant talisman »,dit-il. Il est fier d’avoir planté le drapeau de son pays au plus près du « grand mystère du Nord ». Et promet au président qu’il le verra bientôt flotter, au pôle même. Peary, comme Cook, zézaie. Un observateur attentif remar-querait un autre point commun entre les deux héros : l’un comme l’autre ont réalisé leur exploit au cours d’un raid de la dernière chance, laissant derrière eux leurs compa-gnons les plus expérimentés. Ni l’un ni l’autren’a de témoin très fiable.

PEARY AGRESSIF ET COOK SÉDUCTEURWally Herbert estime que c’est lors de cette soirée mémorable que la rivalité entre Cook etPeary s’est nouée. Cook espérait recueillir les fruits de son ascension du McKinley – « notre pôle Nord » –, et il entend Peary faire le ser-ment, sous les bravos sonores de Roosevelt, que le pôle Nord sera sien. « Comment Cook n’aurait-il pas senti le poignard de la jalousie, l’envie de combattre – de gagner ? » Trois ansplus tard, en juin 1909, Cook puis Peary an-noncent l’un puis l’autre, à cinq jours d’inter-valle, qu’ils ont atteint le pôle Nord. Cook a étérecueilli par un navire danois, éprouvé par quatorze mois dans l’Arctique. Il affirme avoir conduit une expédition éclair avec deux Es-quimaux et atteint le pôle le 21 avril 1908. Blo-qué au retour par des chenaux d’eau libre, il a hiverné dans des conditions difficiles. Copen-hague lui fait un accueil de héros.

Peary ne considérait pas le docteur Cookcomme un rival sérieux. Sans nouvelles de-puis un an, il le pensait même disparu. L’an-nonce le cueille au moment où il atteint le premier poste télégraphique d’où il annonce son propre succès – « J’ai le pôle. » Peary ne re-montera pas la Ve Avenue sous la neige des confettis : Cook lui a volé son triomphe. Très amer, il contre-attaque : « Je suis le seul Blanc àavoir atteint le pôle », clame-t-il. Les membresde son raid final étaient quatre Esquimaux et Matthew Henson, le compagnon noir de vingt ans d’aventures polaires. Obsédé par l’idée de prouver que Cook a menti, il fait in-terroger les Esquimaux qui l’accompa-

gnaient : ils affirment qu’ils n’ont jamaisquitté la terre de vue. Or le pôle est au milieude l’océan Arctique, à 700 km de la terre la plus proche. Cook, magnanime, ne contestepas que Peary ait pu atteindre le pôle : il y estjuste arrivé, dit-il, un an avant lui…

Entre un Peary agressif et un Cook séduc-teur, le public américain choisit. Lorsque le Pittsburg Press lance un sondage auprès de ses lecteurs, Cook recueille plus de 73 000 voix et Peary moins de 3 000. La fa-meuse « controverse polaire » est née. L’un des deux vainqueurs du pôle ment. Lequel ? Ilfaudra des milliers de pages pour arriver àcette conclusion toute simple que beaucoupd’amoureux des pôles se refusent encore à admettre : les deux.

C’est Cook qui reçoit le premier coup fatal.En 1910, le New York Times (qui finance Peary)publie le témoignage d’Edward Barrille, l’homme que Cook prétend avoir photogra-phié au sommet du McKinley : il a accepté de brandir la bannière étoilée sur un monticule de 1 800 mètres d’altitude, aujourd’hui bien identifié ! Acculé, Cook esquive, accuse Bar-rille de faux témoignage et sème le doute. Aujourd’hui encore, des trolls « pro-Cook » tentent de propulser leur héros à près de 6 200 mètres d’altitude sur Wikipédia et despassionnés énervés consacrent des mois de leur vie à leur répondre. Cook doit aussi ap-porter des preuves de son aller-retour éclair au pôle Nord. Il demande à réfléchir, puis dis-paraît. L’Explorers Club l’exclut, l’Amérique l’oublie jusqu’à ce que son nom ressurgissedans une affaire d’escroquerie au Texas. Il est condamné et passe sept ans en prison. Chris-tian de Marliave, conseiller scientifique des Editions Paulsen, raconte un autre méfait du mythomane : « En Terre de Feu, un mission-naire lui a confié un manuscrit de 32 000 motscollectés auprès des Indiens Yamanas. Cook a presque réussi à le faire publier sous son nom. Pour moi, c’est beaucoup plus grave que la su-percherie du pôle : le vol du travail d’une vie ! »

Exit Cook, qui clama jusqu’à la fin de sa vieavoir touché le pôle Nord, mort en 1940 aprèsavoir reçu l’humiliant pardon d’un autre pré-sident Roosevelt, Franklin Delano. MaisPeary ? Peary est assurément un explorateur. Sur la côte nord-ouest du Groenland, il a trouvé une deuxième patrie – et unedeuxième épouse rencontrée alors qu’elle est

même époque, l’explorateur britannique Wally Herbert, qui a atteint le pôle Nord en traîneau à chiens en 1969, accepte une mis-sion de la National Geographic Society : éva-luer le journal de bord de Robert Peary, qu’il admire. Il a mené de nombreuses expéditionsavec Peter Peary, le petit-fils métis de l’explora-teur, qui lui a sauvé plusieurs fois la vie.

UN TROU DANS LE JOURNAL DE BORDDans The Noose of Laurels, il raconte son exci-tation quand il sort de sa pochette plastique lecarnet de format 10 × 18, qu’aucune main n’aeffleuré depuis un demi-siècle. Et dans les mi-nutes qui suivent : « La torture du doute. » Il a vite tourné les pages jusqu’à la date du 6 avril 1909. Sur les trente heures que Pearydevait avoir passées au pôle, il n’y avait rien.Que des pages blanches. Et sur la couverture, un « trou » vertigineux au milieu du titre : « Du Roosevelt au –––– et retour. » Quiconque a cru un mythomane connaît la violence de cesentiment de trahison… Il faudra à Wally Her-bert des années d’enquête, des preuves par centaines, une route recalculée au jour le jour,un livre touffu et magistral pour digérer cet aveu par omission. Robert Peary s’était perdu dans « l’illusion tragique que la gloire est la preuve de la vraie grandeur ». Il n’avait jamaisatteint le pôle Nord. p

Prochain article : « Rien sur Rawicz »

Changer le monde : tel est le thèmede l’édition 2015 du Monde Festival quise tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde.fr/festival

âgée de 14 ans, Allakasingwah, qu’il photogra-phie nue au bord de l’eau et qui lui donne au moins un enfant. Pendant plus de vingt ans, malgré l’amputation de huit orteils, il a par-tagé la vie des Esquimaux et a parcouru 10 000 kilomètres en traîneau lors de raids deplus en plus hardis. En 1909, il a 52 ans, il est usé – et condamné à réussir : cent hommes sont engagés sur le Roosevelt, il a touché 5 000 dollars du New York Times, qu’il devrarembourser en cas d’échec.

Comme en 1906, Peary lance son dernierraid sans témoins. Il ordonne au capitaine Bartlett, seul capable de tenir un sextant, de faire demi-tour. Bartlett a été surpris de voir levainqueur revenir le visage défait. Peary s’en-ferme dans sa cabine du Roosevelt, sans ja-mais dire à personne qu’il a atteint le pôle.Etrange. Une commission d’enquête du Con-grès vote en sa faveur : un seul sénateur s’op-pose à ce qu’il soit honoré d’un titre de contre-amiral et de la retraite afférente. Pour les livresd’histoire, Peary sera le conquérant du pôle Nord. Mais le triomphe est arrivé trop tard. Surles dernières photos, Peary pose en grand uni-forme, la main posée sur un sabre. Visage im-passible, zéro expression sous la moustache, regard froid. Il est mort en 1920, sans que la « controverse » soit éteinte.

Jean-Louis Etienne se souvient qu’avant sondépart pour le pôle, en 1984, le rédacteur en chef du National Geographic l’avait invité àNew York pour solliciter son avis. « Cette suspi-cion, c’était une énorme épine dans le pied des Américains. Récemment, ils ont encore dépensédes fortunes pour faire étudier l’angle des om-bres sur la photo de la victoire de Peary ! L’Amé-rique n’a plus le droit au mensonge. » A la

GLEN BAXTER

Bal d’imposteurs au pôle Nord

1|5 LA VIE APRÈS LE MENSONGEEn 1909, Frederick Albert Cook et Robert Edwin Peary revendiquent, à cinq jours d’intervalle, d’avoir atteint le pôle Nord.La « controverse polaire » est née, elle tiendra en haleine l’Amérique tout entière

22 | MARDI 11 AOÛT 2015

0123

1|11 UN PHOTOGRAPHE, SON IMAGE ET SES MOTS « Le 3 avril 2011, j’ai été ar-rêté à l’aéroport internatio-nal de Pékin puisdétenu illégalement dans un endroit tenu secret avant d’être finalement relâché quatre-vingt-un jours plus tard.L’année suivante, on m’a assigné à résidence à Pékin et placé sous la haute surveillance de la police secrète. Chacun de mes mouvements et toutes mes communications étaient sous contrôle. Mon passeport, confisqué, ne m’a jamais été restitué. Le 30 novembre 2013, j’ai placé un premier bouquet de fleurs dans le panier d’un vélo garé devant mon studio Coachangdi. C’est ce que je ferai chaque matin jusqu’à ce que je retrouve le droit de circuler librement.Les fleurs sont le plus uni-versel des langages, elles nous parlent de la vie.Déposer un nouveau bou-quet chaque matin est le rappel que perdre sa liberté est un vrai risque, même s’il se trouve que la vie conti-nue.Aujourd’hui, le 15 juillet, c’est le 593e jour, et je n’ai toujours pas mon passeport. »

Fin juillet, le Chinois Ai Weiwei a récupéré son passeport. Il s’est rendu à Berlin.

Lalou Bize-Leroy, une grande dame du vin1|11 FEMMES DE VIGNES L’octogénaire détient 25 % de la Romanée-Conti, le mythique domaine bourguignon

C’est la pleine lune.Avez-vous prévuquelque chose departiculier ?

– J’aurais dû faire une prêle maison ne la fera pas parce qu’hier j’étaistrop occupée. J’ai fait une achillée millefeuille qu’on doit passer qua-torze jours après une dynamisationde 502. »

Ce dialogue quelque peu surréa-liste pour le commun des mortels, mais parfaitement intelligible pour les adeptes de la biodynamie,se déroulait au domaine Leroy, à Vosne-Romanée, où les hasards ducalendrier nous avaient donné rendez-vous un jour de pleine luneavec Mme Lalou Bize-Leroy, la pro-priétaire, qui pratique sans conces-sion la culture biologique et la bio-dynamie dans ses vignes de Bour-gogne. Petite par la taille mais in-tense par le regard, Lalou, comme on l’appelle, est connue et respec-tée dans le monde entier. N’est-ellepas détentrice de 25 % de la Roma-née-Conti, le mythique domaine bourguignon qui produit au compte-gouttes le meilleur vin rouge sur Terre ?

C’est là que la fille d’Henri Leroy,négociant et propriétaire de 50 % de la Romanée, va apprendre le vinet la vigne. Après la mort de son père, qui avait beaucoup contribué

au renouveau du domaine aux cô-tés de la famille de Villaine, pro-priétaire de l’autre moitié, Lalou, devenue cogérante chargée de la distribution des vins de la Roma-née dans le monde (sauf Etats-Unis et Royaume-Uni), sera bruta-lement exclue à la suite de diver-gences commerciales et de trahi-son familiale, ne conservant que ses parts, sans accès à la cave ni auxvignes. Elle a 60 ans et, pour le pe-tit monde du vin, la flamboyante animatrice des somptueuses dé-gustations dans sa propriété d’Auvenay ne peut se relever d’un tel coup de Trafalgar.

Convaincue par la biodynamie

C’est mal connaître Lalou, passion-née d’alpinisme, première femme à avoir escaladé certaines parois des Alpes, et animée d’une volontéfarouche. En 1988, elle achète le do-maine Charles Noellat, puis le do-maine Philippe Rémy et quelques autres belles vignes. Sur une tren-taine d’appellations, 9 grands crus,8 premiers crus, 9 villages et 5 gé-nériques couvrant 21 ha et 99 ares, dispersés entre Chassagne et Chambertin. C’est son domaine et,« dès le premier jour, [elle a] chassé la chimie de [s]es vignes ».

Elle a rendu visite à Nicolas Joly,pionnier de la biodynamie à la Coulée de Serrant, près d’Angers. « J’ai vu le résultat et j’étais convain-cue que c’est ce qu’il fallait faire », explique-t-elle. Pour la terre, pour le vin et pour elle. A la voir courir, à82 ans, après ses chiens dans les vi-gnes resplendissantes de Riche-bourg, elle a assurément fait le bonchoix. Les crus du domaine Leroy sont rapidement remarqués par une critique unanime. « Les raisins

arrivent en caissettes dans des pe-tits camions réfrigérés sur deux ta-bles de tri où l’on va enlever tout l’excédent de vert. On pèse et, sans foulage ni égrappage, ils arrivent à la cuve. C’est un joli travail. »

Sur deux rangées, de part d’autrede l’allée, les cuves tronconiques en bois ont été repeintes en noir « parce que ça faisait sale de l’exté-rieur ». Le vin y restera le temps de sa fermentation alcoolique – uni-quement grâce à ses levures indi-gènes – et avec un minimum d’in-tervention. Après tirage, pressu-rage et soutirage, il gagne la cave

voisine pour être mis en barriquesde chêne neuf et effectuer tran-quillement sa fermentation malo-lactique. « Les derniers 2014 ont finila leur voici seulement quelques se-maines. » Ils y restent jusqu’à leur mise en bouteilles sans collage ni filtration. Un cursus classique sans intrants chimiques qui don-nent des vins incomparables.

Un de ses secrets se trouve dansune petite pièce aux vastes casiers.Dans chacun, de grands sacs en pa-pier brun contenant une dizaine de kilos de plantes et de fleurs sé-chées. Origan, rhubarbe, prêle, or-

tie, achillée, gui, sarriette, romarin,pissenlit, saule, et bien d’autres, tous bio, avec lesquels Lalou fabri-que ses tisanes, aspergées à dos d’homme dans les vignes de mars à juin. Selon les signes du zodia-que, les astres, la météo ou les me-naces de parasites. « Je touche du bois, depuis deux ans, je n’ai eu aucune maladie. Regardez comme elles sont belles, comme elles respi-rent la santé, ont envie de vivre. Rien n’est trop beau pour elles. »

Ajoutez à cela des rendementsexceptionnellement bas – 15 hec-tos/ha en moyenne depuis 1988 toutes appellations confondues –alors que la Bourgogne dépasse al-légrement le double. C’est à ce prix – élevé en main-d’œuvre et en heures de travail – que les fla-cons du domaine atteignent la perfection et s’arrachent sur le marché malgré des tarifs astrono-miques. Plus de 10 000 € pour cer-taines appellations ou millésimesdont le volume n’excède pas les 1 500 cols. Le Richebourg et la Ro-manée-Saint-Vivant 2013 dégus-tés – sans recracher – n’avaient pas de prix, sinon celui de l’excel-lence, fruit de la passion d’une grande dame du vin. p

jp géné

Domaine Leroy, Auxey-Duresses, 21190 Meursault. Tél : 03 80 21 21 10.

Prochain article : Noella Morantin

Changer le monde : tel estle thème de l’édition 2015du Monde Festival qui se tiendrales 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programmesur Lemonde.fr/festival

Imaginer le monde de demain | par ai weiwei

l’été en séries

« DÈS LE PREMIER JOUR,

J’AI CHASSÉ LA CHIMIE

DE MES VIGNES »

AI WEIWEI, NÉ EN 1957 À PÉKIN, PHOTOGRAPHE, PERFORMEUR, ARCHITECTE ET SCULPTEUR « With flowers ».

Lalou Bize-Leroy, le 31 juillet. SAMUEL KIRSZENBAUM

POUR « LE MONDE »

Tirage du Monde daté dimanche 9-lundi 10 août : 331 431 exemplaires