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Mercredi 8 janvier 2014 - 70 e année - N˚21453 - 2¤- France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède L a culture coûte cher. Pas un mois sans qu’un rapport ne vienne rappeler le poids de la flotte culturelle et de ses dif- férents vaisseaux dans notre écono- mie en guerre. En septembre, c’était le cabi- net Ernst & Young. En décembre, c’était au tour de la Cour des comptes de souligner le coût élevé du cinéma français. Mais si la culture coûte, elle rapporte aussi. C’est tout l’intérêt du rapport livré le 3 janvier par les inspections générales des finances et des affaires culturelles, qui chiffre la part de la culture dans la richesse nationale. Un tel rapport, signé par deux ministères qui ont plus l’habitude de se chamailler que de travailler ensemble, est inédit. Critiqués dans les milieux artistiques pour avoir, deux années de suite, diminué un budget auquel la droite n’avait osé toucher, les deux adminis- trations dévoilent l’ampleur des dépenses globales de l’Etat pour la culture : 13,9 mil- liards d’euros, quand les collectivités territo- riales accordent 7,6 milliards d’euros. D’un point de vue méthodologique, on pourra s’étonner d’y voir comptabilisé la tota- lité des crédits accordés à la télévision, dont la nature « culturelle » peut prêter à discussion. Reste que la facture pèse de façon non négli- geable sur les dépenses publiques. Il convient dès lors de se montrer exigeant dans l’utilisation de ces crédits. Si l’on peut se féliciter de disposer, en France, avec les 28 mil- lions d’euros de l’avance sur recette, d’un sys- tème qui donne sa chance aux cinéastes débu- tants, est-il normal de voir des professionnels confirmés continuer de profiter d’une « avan- ce » qui n’en a que le nom puisque la quasi- totalité des films aidés perdent de l’argent ? Et si le dispositif des intermittents du spectacle soutient à raison des artistes à l’activité par définition fragile et discontinue, peut-on accepter qu’il profite à des employés perma- nents de l’audiovisuel ? L’effort de transparen- ce de l’administration devrait, ici, s’accompa- gner d’un effort de cohérence. Mais le principal mérite du rapport est de cerner la façon dont ces dépenses publiques contribuent à doper l’économie. Il chiffre ain- si à 57,8 milliards d’euros, soit 3,2 % du PIB, le poids de la culture dans la richesse nationale. Autant que l’agriculture et l’agroalimentaire, deux fois plus que les télécommunications, sept fois plus que l’industrie automobile. N’en déplaise aux adeptes de l’art pour l’art, le secteur ne fait pas qu’élever les âmes. Il nour- rit 670 000 professionnels ; 870 000 si l’on y ajoute les emplois culturels dans les entrepri- ses des autres secteurs. Encore les deux inspections n’ont-elles pas comptabilisé les effets induits – hôtellerie, restauration, attractivité – toujours délicats à mesurer. Nombre de grandes villes savent pourtant les bénéfices qu’elles tirent de dépenses culturelles qui dépassent souvent 20 % de leur budget. D’autres ont fait de leur festival leur meilleure carte de visite. Et que dire des pays du Golfe qui rivalisent de chan- tiers culturels : ils ont compris que, pour atti- rer les cadres de haut niveau, de hauts salai- res ne peuvent suffire. Dans la compétition internationale, la culture est bien un enjeu central. Or, dans ce domaine, la France joue en première division. Ce rapport rappelle qu’il importe qu’elle y reste. p VALLS-HOLLANDE ASSOCIATION DE RIVAUX BONNES FEUILLES – LIRE PAGE 17 YVES SAINT LAURENT GRAND RÔLE, PETIT FILM CULTURE – LIRE PAGE 10 LES FRANÇAIS ADORENT LES SÉRIES AMÉRICAINES CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 2 boutique en ligne et liste des points de vente sur www.defursac.fr boutiques ouvertes dimanche 12 janvier SOLDES -30% -40% Formation des profs : les premiers pas de la réforme Les nouvelles écoles supérieures du professorat doivent mettre l’accent sur les savoir-faire plu- tôt que les savoirs. Mais les résistances sont fortes. FRANCE – PAGE 7 Premières interdictions des spectacles de Dieudonné Après Bordeaux, Nantes s’apprête à interdire le specta- cle de « l’humoris- te ». Les arrêtés devraient se multi- plier après la circu- laire de M. Valls. FRANCE – PAGES 8 ET 18 Les Européens s’endettent à taux bradés Les taux d’intérêt espagnols et ita- liens ont retrouvé leur plus bas niveau depuis mai 2010. Les mar- chés veulent croire que la crise des dettes est finie. CAHIER ÉCO – PAGE 3 ÉDITORIAL Comment Marine Le Pen exerce le pouvoir au Front national AUJOURD’HUI SCIENCE & MÉDECINE Providentiels fossiles du Maroc Très chère culture, fer de lance de l’économie française UK price £ 1,80 LE REGARD DE PLANTU a Les mines de phospha- tes, au sud de Casablanca, sont aussi une source inépuisable d’ossements d’animaux fossilisés SUPPLÉMENT L’Assemblée nationale constituante tunisienne, le 3 janvier. AIMEN ZINE/AP t Le FN a le vent en poupe pour les municipales et veut rafler le titre de premier parti de France aux européennes de mai t Une question inédite taraude les cadres du parti : Marine Le Pen est-elle capable d’exercer le pouvoir ? t La présidente du FN dirige en solitaire avec son adjoint Florian Philippot, énarque trentenaire t Si ses décisions sont jugées « justes », M me Le Pen est qualifiée de « cassante » et « manipulable » LIRE PAGE 6 LA TUNISIE TOURNE LE DOS À LA CHARIA, LA LOI ISLAMIQUE t La nouvelle Constitution, en cours d’adoption, garantit la « liberté de conscience » LIRE PAGE 2 Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 7 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

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Page 1: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Mercredi 8 janvier 2014 - 70e année - N˚21453 - 2 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède

La culture coûte cher. Pas unmois sansqu’un rapport ne vienne rappeler lepoidsdelaflotteculturelleetdesesdif-férents vaisseaux dans notre écono-

mie en guerre. En septembre, c’était le cabi-net Ernst&Young. En décembre, c’était autour de la Cour des comptes de souligner lecoût élevé du cinéma français. Mais si laculture coûte, elle rapporte aussi. C’est toutl’intérêt du rapport livré le 3 janvier par lesinspections générales des finances et desaffaires culturelles, qui chiffre la part de laculturedans la richessenationale.

Un tel rapport, signé par deuxministèresqui ont plus l’habitude de se chamailler quede travailler ensemble, est inédit. Critiquésdans lesmilieux artistiquespour avoir, deuxannéesdesuite,diminuéunbudgetauquel ladroite n’avait osé toucher, les deux adminis-trations dévoilent l’ampleur des dépensesglobales de l’Etat pour la culture : 13,9mil-liards d’euros, quand les collectivités territo-

riales accordent 7,6milliardsd’euros.D’un point de vue méthodologique, on

pourras’étonnerd’yvoircomptabilisélatota-litédescréditsaccordésà la télévision,dont lanature «culturelle» peut prêter à discussion.Reste que la facture pèse de façon non négli-geable sur les dépensespubliques.

Il convientdès lors de semontrer exigeantdans l’utilisationdeces crédits. Si l’onpeut seféliciterdedisposer,enFrance,avecles28mil-lionsd’eurosde l’avance sur recette,d’unsys-tèmequidonnesachanceauxcinéastesdébu-tants,est-ilnormaldevoirdesprofessionnelsconfirméscontinuerdeprofiterd’une«avan-ce» qui n’en a que le nom puisque la quasi-totalitédesfilmsaidésperdentdel’argent?Etsi le dispositif des intermittents du spectaclesoutient à raison des artistes à l’activité pardéfinition fragile et discontinue, peut-onaccepter qu’il profite à des employés perma-nentsdel’audiovisuel?L’effortdetransparen-cede l’administrationdevrait, ici, s’accompa-gner d’uneffort de cohérence.

Mais le principalmérite du rapport est decerner la façon dont ces dépenses publiquescontribuentàdoper l’économie. Il chiffreain-

si à 57,8milliards d’euros, soit 3,2% du PIB, lepoidsde la culturedans la richessenationale.Autantque l’agriculture et l’agroalimentaire,deux fois plus que les télécommunications,sept fois plus que l’industrie automobile.N’endéplaiseauxadeptesdel’artpourl’art, lesecteurne faitpasqu’élever les âmes. Il nour-rit 670000professionnels; 870000 si l’on yajoute lesemploisculturelsdanslesentrepri-ses des autres secteurs.

Encorelesdeuxinspectionsn’ont-ellespascomptabilisé les effets induits – hôtellerie,restauration,attractivité– toujoursdélicats àmesurer. Nombre de grandes villes saventpourtant les bénéfices qu’elles tirent dedépenses culturelles qui dépassent souvent20% de leur budget. D’autres ont fait de leurfestival leur meilleure carte de visite. Et quedire des pays duGolfe qui rivalisent de chan-tiers culturels : ils ont compris que, pour atti-rer les cadres de haut niveau, de hauts salai-res ne peuvent suffire. Dans la compétitioninternationale, la culture est bien un enjeucentral.Or,danscedomaine,laFrancejoueenpremière division. Ce rapport rappelle qu’ilimportequ’elle y reste.p

VALLS-HOLLANDEASSOCIATIONDERIVAUXBONNES FEUILLES–LIRE PAGE 17

YVES SAINT LAURENTGRAND RÔLE, PETIT FILMCULTURE–LIRE PAGE10

LES FRANÇAIS ADORENTLES SÉRIES AMÉRICAINESCAHIER ÉCO–LIRE PAGE 2

boutique en ligne et liste des points de ventesur www.defursac.fr

boutiques ouvertesdimanche 12 janvier

SOLDES-30% -40%

Formationdes profs: lespremiers pasde la réformeLesnouvellesécolessupérieuresduprofessoratdoiventmettre l’accentsurlessavoir-faireplu-tôtque les savoirs.Mais les résistancessont fortes.FRANCE– PAGE7

Premièresinterdictionsdes spectaclesdeDieudonnéAprèsBordeaux,Nantess’apprêteàinterdire le specta-clede«l’humoris-te». Lesarrêtésdevraientsemulti-plieraprès la circu-lairedeM.Valls.FRANCE– PAGES8 ET18

LesEuropéenss’endettentà taux bradésLestauxd’intérêtespagnolset ita-liensontretrouvéleurplusbasniveaudepuismai2010. Lesmar-chésveulentcroirequela crisedesdettesest finie.CAHIER ÉCO – PAGE3

ÉDITORIAL

CommentMarineLePenexercelepouvoirauFrontnational

AUJOURD’HUI

SCIENCE& MÉDECINEProvidentielsfossilesduMaroc

Très chère culture, ferde lancede l’économie française

UKprice£1,80

LE REGARD DE PLANTU

a Les mines de phospha-tes, au sud de Casablanca,sont aussi une sourceinépuisable d’ossementsd’animaux fossilisésSUPPLÉMENT

L’Assemblée nationaleconstituante tunisienne,le 3 janvier.AIMEN ZINE/AP

tLeFNa le vent enpoupepour lesmunicipaleset veut rafler le titredepremierparti de Franceauxeuropéennesdemait Unequestion inédite taraude les cadresduparti :MarineLePenest-elle capable d’exercer lepouvoir?t LaprésidenteduFNdirige en solitaire avecsonadjoint FlorianPhilippot, énarque trentenairetSi ses décisions sont jugées «justes»,Mme LePenest qualifiéede«cassante» et «manipulable»LIRE PAGE6

LA TUNISIE TOURNE LE DOSÀ LACHARIA, LA LOI ISLAMIQUEtLanouvelleConstitution,en coursd’adoption,garantit la «libertédeconscience»LIREPAGE2

Algérie 150 DA,Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤,Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤,Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £,Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤,Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 7 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

Page 2: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

international

Au cours d’un débat à l’Assemblée nationale constituante, à Tunis, le 3 janvier. FETHI BELAID/AFP

«Pourlesislamistes,cequis’estpasséenEgypteaagicommeuncoupdesemonce»

L alibertédeconscienceestins-crite dans la future Constitu-tion tunisienne. Adopté le

4janvier à une largemajorité, tou-tes sensibilités confondues, de149députés et rejeté seulementpar 23 élus, l’article stipule que«L’Etat est le gardiende la religion.Il garantit la liberté de conscienceetdecroyanceet le libreexerciceduculte».Unedispositionexception-nelle dans le monde arabe, votéequi plus est dans une Assembléedominée par des islamistes repré-sentés par le parti Ennahda, issudes Frèresmusulmans.

Moyennant une concession,«l’Etat est le protecteur du sacré»,le texte tourne définitivement ledos à la charia, le droit islamique,undébataudemeurantdéjàenter-ré par Ennahda: la Tunisie est un«Etat civil » comme le précise lepréambulede la Constitution éga-lement adopté. Lundi 6janvier, ledélicat chapitre des droits et liber-tés a confirmé cette orientation,avec l’inscriptionde l’égalité entreles citoyens et les citoyennes,«égauxdevant la loi sans discrimi-nation». Bien que limitée à lacitoyenneté, cette disposition,adoptée par 159 voix sur 169votants,aétésaluéeparAlhemBel-hadj, figure de l’Association tuni-sienne des femmes démocrates,comme«une victoire».

Les « libertés d’opinion, de pen-sée, d’expression, d’information etd’édition sont garanties», toutcomme le droit syndical et le droitdegrève,oubienencore«l’inviola-bilitédeslogements, laconfidentia-lité des correspondances, des com-municationsetdesdonnéesperson-nelles».Latorture«moraleetphysi-que», qualifiée de «crime impres-criptible», estproscrite. Il est inter-dit de déchoir de sa nationalité uncitoyen,del’exiler,del’extraderoude l’empêcher de retourner dansson pays comme cela a été le casdans lepassé.Pasàpas, lesdéputéstunisiens progressent dans l’es-poir de boucler et d’adopter (parunvotedesdeuxtiers) laConstitu-tion, le 14 janvier, trois ans jourpour jour après la chute de ZineEl-AbidineBenAli. Endécembre, laTunisie a marqué dans la morosi-té, l’anniversairede sa révolution.

Sur les 146 articles de la futureConstitution,un tiersducheminajusqu’ici été parcouru. Les débatsne sont pas exempts d’énerve-ment ou de dérapages. Dimanche,l’opposition laïque a obtenu levote d’un amendement interdi-sant les «accusations d’apostasieet l’incitation à la violence» aprèsqu’unéludegaucheaétéprisàpar-

tie par un député islamiste. «Lesconstituants tunisiens du campislamisteouducampdit démocra-teontvotécontrelalibertéd’expres-sion», a aussitôt regretté AmiraYahyaoui, présidente de l’associa-tion pour la transparencede la viepublique Al-Bawsala, se faisant leporte-paroledeplusieursONG.

Cahin-caha, et sauf incidentmajeur, l’Assemblée nationaleconstituante tunisienne avance.Ellerevientdeloinsi l’onsongeàlaparalysie totale qui s’était empa-rée de ses travaux après l’assassi-nat, le 25juillet 2013, deMohamedBrahmi,undéputéde l’oppositiontué par balles comme l’avait étéavant lui, le 6 février, ChokriBelaïd, une figure de la gauche. Cedeuxième assassinat politiqueavait plongé le pays dans une pro-fonde crise, menaçant la fragiletransition tunisienne.

A l’issue de plusieurs semaines

de négociations menées par desacteurs de la vie civile, commel’UGTT,lapuissantecentralesyndi-cale tunisienne devenue le princi-pal médiateur de la crise, unaccord a finalement été trouvé :l’achèvementde laConstitutionet

l’organisation de nouvelles élec-tions contre la promesse arrachéeàEnnahdade céder la directiondugouvernement à une équipe detechnocrates gestionnaires censésapaiser le climat général. C’est lanouvelleétapeprévue:d’iciàquel-

ques jours– jeudi9janvierauplustard, a exhorté le secrétaire géné-ral de l’UGTT, Houcine Abassi –, lepremier ministre Ali Larayedhdevrait céder son fauteuil àMehdiJomaa, actuel ministre de l’indus-trie mais sans étiquette partisaneconnue.Unepageseraitainsitour-née : celle des élections d’octo-bre2011 qui avaient porté au pou-voir,pourlapremièrefois,desisla-mistes encore dans la clandestini-té à peinemoinsd’un anplus tôt…

Cette situation inédite, bienquemarquéepardesépisodesten-dus, repose sur la préoccupationconstante, de la part de tous lesacteurstunisiens,denejamaispar-venir au point de rupture qui a vud’autres pays du «printemps ara-be» sombrer dans le chaos, ou larépression.

La tragédie syrienne et plusencore l’évolution de la situationen Egypte, où les Frères musul-

mans de plus en plus impopulai-resontétéchassésbrutalementdupouvoir, ont beaucoup pesé. Ce«retour de bâton» a contraint lesislamistes tunisiens à faire davan-tagede concessions tandis que, ducôté de l’opposition, les plus radi-caux ont dû se résoudre à négo-cier, faute de forces.

Les confrontations de rue sontainsi restées contenues du fait dela faiblemobilisation d’une popu-lation davantage préoccupée parles difficultés, grandissantes, de lavie quotidienne, que par lesbatailles politiques ou idéologi-ques. Lundi, indifférents auxdébatsdesdéputéssur laConstitu-tion, des jeunes chômeurs s’ensontpris à unposte depolice danslegouvernoratdeGafsa.C’estdanscette régionminière et frondeuseque lesgermesdusoulèvementde2011 ontpoussé.p

IsabelleMandraud

Des listes paritairesaux prochains scrutins?

LaTunisieofficialiselerenoncementàlachariaLaConstitution,discutéeà l’Assemblée,contientdesdispositionsprogressistes inéditesdans lemondearabe

Entretien

Franco-tunisienne,LeylaDakhliest historienne, chargéede recher-ches auCNRS spécialisée sur leMaghrebet leMoyen-Orient.Lesdéputés de l’Assemblée tuni-sienne ont commencé à adopterles articles de la futureConstitu-tion, dont l’un instaure la libertéde conscience. Comment analy-sez-vous cela?

C’estunpasd’autantplusimportantque l’onaeuparfoisl’impressionquecetteConstitu-tionn’auraitpasdeportéesymbo-lique! Elle enaune, et ce texte,autourduquel les députésdiscu-tentavecbeaucoupd’ardeur, estpassionnant.Lapolarisationduchamppolitique [entre islamistesetopposition laïque]adominé lesdébats,mais quandonregardeendétail lesvotes,on s’aperçoitqueles frontièressontplus floues.

Lesparoles sontparfois très for-tespourdéfendre les libertésde lapartdesélusd’Ennahda, et cela faitbouger les lignes.Cen’estpas seule-mentdans lesdispositionsadop-téesmaisdans lesdétailsque seniche l’importancedece texte: il y

aeuainsidesmajorités fortespourla libertédeconscienceou l’égalitéentre les citoyenset les citoyennes.

Beaucoupd’autrespoints ontpuêtre discutés,malgré les ten-sionset des échangesparfoismême inquiétantsde lapart de lafrange radicaled’Ennahda.Vu lecontextedans la régionet l’évolu-tionenEgypte, c’est très réconfor-tant. Celadit, des Constitutionsprogressistesdans lemondearabeontdéjà existé dans les années1920. Toutdépendrades régimesquiprendront ensuite le pouvoir.L’égalité entre citoyens etcitoyennes est une autre étape.Qu’est-ce qui a pesé?

Partie d’une rumeur, l’idéed’une complémentarité entrel’hommeet la femmea suscitébeaucoupde réactions et, finale-ment, on enarrive à l’égalité entrecitoyens et citoyennes. Les éluesd’Ennahdan’ont donc pas été aus-si conservatricesqu’on le croyait !La portéede cette dispositiondoitêtre tempérée, car elle ne concer-neque la citoyenneté,mais celapeut aider à lever le dernier ver-roude l’inégalité autourde l’héri-tage. Certains élus islamistes sont

desdéfenseurs des libertés,maisd’autres y ont été acculés.

Lavigilancecitoyenne,notam-ment laveille exercéepardes asso-ciations, féministesouautres, a ététrès importante. Les constitution-nalistes tunisiensn’ont jamaisces-séde regarder les avancéesdu tex-te. Les acteurs sociauxcommel’UGTT [la centrale syndicale]oul’Utica [le patronat]ontété essen-tielsdans tout leprocessus. L’oppo-sitiona joué sonrôle, en réagissantsur les assassinatspolitiques, enpesant sur lesdébats,mêmesi cet-tebipolarisationnereprésentepastoute ladiversitéenTunisie. Enco-reune fois, toutdépendrades régi-mesqui semettrontenplace.Les islamistes tunisiens se dis-tinguent-ils des autres dans unerégion où le «printemps arabe»a parfois tourné à la tragédie?

Par la force des choses, les isla-mistes tunisiens se démarquent.Ce qui s’est passé en Egypte a agicommeun coupde semonce, etcertains se sont dit que la conquê-te immédiatedupouvoirn’estpas tout. Ils sont sur une autretemporalité.Nonparce qu’ils sontreligieuxmais parce qu’ils ont

une longuehistoiremarquéeparla répression.Après le 14janvier2011 [date de la chute duprésidentZine El-AbidineBenAli], ils sontpassésd’une expérience traumati-que à l’exercicedupouvoir, etdonc àunepérioded’ajustement.

Ennahdan’est pas unpartihomogèneet parmi ses députés,tousne sont pas desmilitantsaguerris. Ceux-làn’ont pas étémarquéspar la culturede la clan-

destinité,mais se sont trouvésconfrontés auxdébats politiquespermanents, à la société. Cettepériodeest un terraind’apprentis-sage individuel et collectif pourlesmilitants islamistes. Vont-ilsrester soudés après cela, nul ne lesait. En interne, il reste uneculture fortede solidarité et dedis-

ciplinequandbiend’autrespartisontdéjà explosé en vol. Surtout,Ennahdaa eu l’intelligencede fai-re évoluer sa stratégie.

Les islamistes égyptiensontcommisdes erreurs énormes.C’était de leurpart complètementillusoiredepenser qu’ils pour-raient gérer seulsunpays aussigrandque l’Egypte, avec le poidsde l’arméeque l’on connaît, et nonavec le soutiend’une coalition,mêmefactice, commeenTunisie.Ennahda devrait bientôt cédercertes sous pression,mais volon-tairement, la gestion du gouver-nement. Cela aussi est inédit…

C’est exceptionnelparcequeles circonstances le sont. C’est aus-si stratégiquement très intelli-gent, une façondepréparer lesprochaines électionsen évitantdeprendre tropde coups.Mais cebesoinde confier, comme l’opposi-tion l’a réclamé,unpays toujoursenébullitionàdes gestionnairesme laisse sceptique. Jusqu’ici, lesdébatsontportéplus surdesques-tions identitaires que sur les ques-tionséconomiques et sociales.Ennahdaenest le premier respon-sable car il est aupouvoir,mais

c’est vrai aussi des autrespartis.L’adoptionde laConstitution

auraune formedesolennité,uneformede fiertédenepas se retrou-verdansunesituationaussidra-matiquequ’ailleurs,mais ceneserapasunblanc-seing. Lapremiè-repréoccupationdesTunisiens,les enjeuxsociaux, reste ignorée.L’élanqui a suivi la chutedeBenAli a cédé laplaceàun repli liéà laquestionsécuritaire. L’énergiedecette révolutionest en traind’êtreréaffectéeà autrechosecommelapeur, les alertespermanentes,alorsque leniveaudeviolence res-te relativementbas enTunisie.

Maisbeaucoupdepersonnes,notamment les jeunes, sontconscientesdecela.Globalement,ilspensentqu’il faudra retournerdans la ruecar ils ont le sentimentquece sontunpeutoujours lesmêmes,que la corruptionn’apasdisparu.Onestpassésdirectementde ladictatureà l’âgeduscepticis-medémocratique.Commeavant,lemaître-mot, chezces jeunes, res-te les«chaises»pourdésigner lepouvoir. Et enTunisie,onn’apasfinide renverser les chaises…p

Proposrecueillis par I.M.

Pasàpas, lesdéputéstunisiensprogressent,

dansl’espoirdebouclerlaConstitutionàladateanniversaire

du14janvier

Le projet réunit toutes les sensi-bilités politiques. Soutenu par legroupe des femmes élues à l’As-semblée nationale constituantetunisienne, un amendement pré-voit d’inscrire dans la futureConstitution l’obligation pourles partis de présenter des listesparitaires lors des prochainsscrutins électoraux.L’amendement devait être pré-sentémardi 7 janvier, dans lecadre de la poursuite de la dis-cussion, article par article, de lafuture loi fondamentale, notam-ment autour des dispositionsqui prévoient que «l’Etat garan-tit l’égalité des chances entrel’homme et la femme dans l’exer-cice des différentes responsabili-tés».

«Lavigilancecitoyenne,notamment

laveilleexercéepardesassociations,féministesouautres,aététrèsimportante»

2 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 3: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

international&europe

Manifestation demigrants africains devant l’ambassade américaine à Tel-Aviv, le 6janvier. BAZ RATNER/REUTERS

Reportage

Tel-AvivEnvoyé spécial

D esjeunesIsraéliennesbron-zées, écouteurs collés auxoreilles, font leur jogging

en short sur l’avenueHayarkon, lapromenade du front de mer. Leciel est limpide, il fait 20degrés, celundi 6 janvier. Elles longent àmoins de deux mètres une haiehumaine forméede visagesnoirs:des milliers d’Africains ont prispossessiondutrottoir, disciplinés,y compris pour reprendreà l’unis-son des slogans répétés pendantdes heures : «Liberté, liberté ! Plusdeprisons!»

Le regard des joggeuses et desautomobilistes,qui longentaupascettefouleessentiellementmascu-line, ne s’attarde pas : deux mon-des aux antipodes l’un de l’autre.LesAfricainssontdes réfugiés,ori-ginaires à plus de 90% du Soudanet d’Erythrée, entrés clandestine-ment en Israël par le Sinaï égyp-tien,avantquelabarrièredesécuri-té qui court maintenant sur les240kilomètresdelafrontièren’in-terdise toute infiltration. Leurerrance s’est achevée dans le parcLewinskydeTel-Aviv, la ville-sym-bole du dynamisme économiqued’Israël qui les attire.

La foule de quelque 3000 réfu-giés s’allonge sur l’avenuebaignéede soleil ; se concentre face auxambassades des Etats-Unis et deFrance. Plus tard, des délégationsserendrontdevantd’autresambas-sades, ainsi que devant lesbureaux du Haut-CommissariatdesNationsuniespourlesréfugiés(HCR),del’Unioneuropéenneetdel’Union africaine, pour y remettre

une pétition. «Nous faisons appelà vous pour soutenir activementnotre lutte pour nos droits de réfu-giés. Environ 50000 demandeursd’asile africains et réfugiés viventenIsraël.Nousavonsfui lespersécu-tions, la conscriptionmilitaire for-cée, la dictature, les guerres civileset le génocide. Au lieu d’être traitésen réfugiés par le gouvernementd’Israël, nous sommes traités com-medes criminels», indique le textede la pétition.

Ilaurafalluunelonguenégocia-tion avec la police pour que l’E-rythréen Filemon Rezeme et leSoudanais Kunda puissent, aunom de leurs camarades rassem-blés dans un sit-in compact, fran-chir le cordondesécuritéetremet-tre leur requête à une diplomateaméricaine. Ils attendaient aussique les caméras soient là : «Nousvoulons attirer l’attention de lacommunauté internationale»,explique Filemon Rezeme devantlesmicros.

La veille, plus de 20000 Afri-cains s’étaientmassés sur la placeRabin de Tel-Aviv et une grève detrois joursavaitété lancéepartousles réfugiés africainsqui occupentdes petits boulots dans les restau-rants et hôtels de Tel-Aviv.

Au cœur de leurs revendica-tions, l’abrogation de l’«amende-ment scélérat» voté le 10décem-bre 2013 par la Knesset, le Parle-mentisraélien,enréponseàladéci-sion de la Cour suprême de décla-rer inconstitutionnelle la loi per-mettant d’incarcérer sans juge-ment pendant trois ans desmigrants illégaux.

Désormais, ceux-ci seront déte-nus dans des centres «ouverts»(comme celui de Holot, dans leNéguev)ou«fermés» (laprisonde

Saharonim). Dans les premiers, laduréedeladétentionestsanslimi-te ; dans les seconds, leur empri-sonnementnepourradépasserunan.

Israël,asouligné,lundi, leminis-tère des affaires étrangères, estdansuneposition«bienplus com-plexe que celles des autres paysdéveloppés» pour lutter contrel’immigration clandestine, puis-qu’il a une frontière terrestre avecl’Afrique.Il s’efforcedoncde«trou-verunéquilibre»entre lanécessitéde contrôler celle-ci et «de proté-ger les droits de l’homme de ceuxqui entrent» sur son territoire.Droits de l’homme?

Bsow, un Soudanais âgé de30ans, raconte son histoire, sem-blableàcelled’autresrécitsderéfu-giés. Il est arrivé endécembre2011,après un périple éprouvant à tra-vers le Sinaï, marqué par les exac-tions et le racket organisé par les

tribus bédouines. Cueilli par l’ar-mée israélienne, il est resté dix-sept jours à la prison de Saharo-nim, dont les organisations dedéfensedesdroitsde l’hommeontdénoncé les conditions de déten-tion. Il a eu de la chance : « Je

connais des gens qui y sont restésdeuxans», insiste-t-il.

Bsow nous montre le certificatde « libération conditionnelle»qu’il a obtenu des autorités israé-liennes. Plus tard, il a trouvé unemploi de serveur dans un restau-

rant de Tel-Aviv. Comme lui, desmilliers de Soudanais et d’E-rythréens peuplent les quartierssud de la deuxième ville d’Israël,suscitantunehostilitégrandissan-te de la populationblanche.

Lecertificatde libérationcondi-tionnelle doit être renouvelé tousles deux mois par le ministère del’intérieur. Parfois il ne l’est pas, etlerisqueestgrandd’êtreinterpellépar lapoliceet reconduitàSaharo-nim. «Nous demandons la libéra-tion de tous les prisonniers, insis-tent Bsow et Kunda, et le respectd’unminimumde droits de l’hom-me : nous n’avons pas de droitssociaux, pas de permis de travail,pas d’assurance-santé, pas d’ex-istencelégaleetnosenfantsnepeu-vent aller à l’école!»

Protégésdu risqued’expulsion,puisqu’Israël n’a pas de relationsdiplomatiques avec le Soudan etl’Erythrée, les réfugiés ne peuvent

davantage espérer obtenir le droitd’asile. «Toutes les demandes sonttraitées», assure le ministère desaffaires étrangères, sansmention-ner qu’aucune d’entre elles n’a étéacceptéedepuis trois ans!

Pour impressionnante qu’ellesoit, la mobilisation des quelque53600 réfugiés africains (selon leschiffresofficiels) résidanten Israëlne fera pas bouger d’un iota ladétermination du gouvernementisraélien.

Lepremierministre, BenyaminNétanyahou, l’a réaffirmé lundi :«Les protestations et les grèves nechangeront rien. En 2013, nousavons expulsé 2600 infiltrés, soitsix fois plus que l’année précéden-te. Cette année, nous en expulse-ronsdavantage.» Ilnes’agitpasderéfugiés, a-t-il proclamé, mais de« travailleurs migrants illégauxqui seront traduits en justice».p

LaurentZecchini

PragueCorrespondant

A ndrejBabis,deuxièmefortu-ne tchèque, ne voulait pasentrer en politique. Cet

homme d’affaires, à la tête d’unempire de plusieurs centainesd’entreprises de l’agroalimen-taire, de la chimieet dubois, a fon-dé en 2011 le mouvement ANO(pour Action des citoyens mécon-tents, mais qui signifie aussi«oui» en tchèque), «car il ne sup-portait plus d’entendre les politi-ques mentir et la gabegie qu’ilsentretenaient».

Ilsouhaitaitresterdansl’opposi-tion afin de ne pas répéter l’erreurde jeunes et petits partis tchèquespropulsés dans le passé aux affai-res et qui ont disparuavantmêmela fin d’une législature.Mais après

une campagne efficace et populis-te, il a obtenu 20% des suffrageslorsdesélectionslégislativesantici-pées d’octobre2013, un point etdemidemoinsquelevainqueur, leParti social-démocrate (CSSD) deBohuslavSobotka.M.Babis,59ans,a donc dû accepter de participer àune coalition gouvernementale etil a jouéun rôle-clé dans la compo-sitiondugouvernement.

Lundi 6décembre, les deuxchefs de parti ont signé un accordde gouvernement et sont conve-nusdelacompositiond’ungouver-nement dominé par le centre gau-che auquel participe aussi l’Unionchrétienne-démocrate (KDU), quicompte 13 députés au Parlement(contre 50 sièges au CSSD et 47 aumouvementANO).

Et M.Babis, qui n’envisageaitpas de devenirministre, s’apprête

àprendre leportefeuilledes finan-ces. « Il va falloir que j’apprennecommentfonctionne l’administra-tion, et le ministère en particulier,tout comme l’élaboration du bud-get», a confié le milliardaire auxjournalistes lors d’une conférencede presse. « Je n’ai jamais exercédans la fonction publique et toutcela seranouveaupourmoi», a-t-ilmêmeajouté.

Résistances du présidentM.Babis aura peu de temps

pour «apprendre», car il devrarapidement redresser la situationéconomique du pays et composeravec la récente dévaluation de lacouronne tchèque, décidée sansconsultation par la Banque natio-nale. Il lui faudra aussi réaliser desprouesses pour maintenir le défi-citbudgétairedans la limitede3%,comptetenudesgénéreusesmesu-ressocialesprévuesparl’accorddegouvernement, qui exclut touteaugmentationd’impôts.

M.Babis a en effet contraint lessociaux-démocrates à renoncer àdeshaussesdetaxespourlesentre-prises (en particulier les banqueset les opérateurs téléphoniques,très rentables) et les hauts salairespourfinancerlarelance.Encontre-partie, il adûaaccepterd’augmen-ter les retraites, les salaires dans lafonction publique, le salairemini-mumou de baisser les impôts desfamillesavecdeuxenfantsetplus.Le ministre des finances devracréer en 2015 un second taux deTVA réduit à 5% pour quelques

produits (livres, médicaments,couches,etc.).

M.Babis est convaincu qu’ilserapossiblede financertoutes lesdépenses et niches budgétairessupplémentaires grâce à unemeilleure gestionet une lutte effi-cacecontreleclientélismeetlacor-ruption. La lutte contre la gabegieétatique a été le cheval de bataillede sa campagne et lui a valu sonsuccès auprès des électeurs, et lemilliardaire n’acceptera d’aug-menter les impôts que lorsque lagestion du budget aura été assai-nie. Ambitieuxprogramme.

La question des hausses d’im-pôts est l’un des points faibles decettecoalitionhétéroclitequis’ap-puienéanmoins surune conforta-blemajoritéà laChambre.L’avenirministériel de M.Babis reste sus-pendu à son passé. Cet ancienmembrede l’aristocratie rougeestsoupçonné d’avoir informé la Sta-si locale, ce qu’il dément.

La nomination de la nouvelleéquipe gouvernementale est entreles mains du président MilosZeman, qui fait de la résistance etn’a annoncé aucun calendrier.Après avoir tenté d’empêcherM.Sobotka (42 ans) de devenir pre-mier ministre en soutenant unputschavortéàl’intérieurduCSSD,M.Zeman rechigne dorénavant ànommer plusieurs des ministresproposés par la coalition car, selonlui,«ilsnesontpasdesspécialistesàleur place» ou tout simplementparanimositépersonnelle.p

MartinPlichta

«Aulieud’êtretraitésenréfugiés,noussommestraitésencriminels»,peut-onliresurlapétitiondesmanifestants

EnIsraël, lesréfugiésafricainsmobiliséscontrelesexpulsionsManifestations, sit-inetgrèvessemultiplientcontre lescentresderétentiondeclandestins

SYRIE

Lesquatreotagesfrançaissontdétenusparlesdjihadistesd’EIILPARIS. Le sort desotages français en Syrie se précise. Interrogéàl’occasionde la soirée de solidarité avec les journalistesotages enSyrie, lundi 6janvier à laMaison rondedeRadio France à Paris,Peter Bouckaert, directeurdes urgences de l’ONGHumanRightsWatch, a déclaré que «les quatre journalistes sont entre lesmainsde l’Etat islamiqueen Irak et au Levant [EIIL]». Didier François(grand reporter à Europe 1) et Edouard Elias (photographe) sontretenus en Syrie depuis 213 jours, NicolasHénin (Le Point, Arte) etPierreTorres (photographe indépendant) depuis 197 jours.Une grandeoffensive,menéepar l’Armée syrienne libre et desgroupes islamistesplusmodérés, est en cours depuis vendredicontreEIIL, principal groupedjihadiste, qui a subi de gravesdéfaites ces trois derniers jours.Une cinquantainedeprisonniers, tous Syriens, ont été libéréslundi des geôles de l’Etat islamique.Mais aucunétrangern’a étéretrouvé. La chuted’autres villes et villages auxmainsde l’EIILs’est accompagnéedemassacresdeprisonniers, sans que cesinformations, recueilliespar l’intermédiaire demilitantssyriens, puissent être vérifiées.p ChristopheAyad

ESPAGNE

Unefilleduroid’EspagnemiseenexamenMADRID. L’infanteCristina, la seconde fille du roi d’EspagneJuanCarlos, a étémise enexamenpour blanchimentde capitauxet fraude fiscale dans le cadrede l’enquêtepour corruptionquivise son époux, IñakiUrdangarin. Le juge l’a convoquéepourune audition le 8mars. IñakiUrdangarinest accusépar la justiced’avoirutilisé sonappartenance à la famille royale pourobtenirdes financementspublics des gouvernements régionauxdeValenceet des Baléares en contrepartiede prestations largementfictives. L’enquêtede la justice espagnoleporte sur 5,8millionsd’eurosperçus par l’InstitutNoos, très lié au gendredu roi. Lejuge soupçonneune implicationde l’infanteCristinadans la ges-tionde ces fonds litigieuxà travers la sociétéAizoon, qu’elle déte-nait avec son époux.p

CubaLes interpellations d’opposants en hausseLAHAVANE. LaCommissioncubaine pour les droits de l’hommeet la réconciliationnationale, qui n’est pas reconnuepar le pou-voir, a dénoncé, lundi 6janvier, la répressionde l’oppositionparlamultiplicationdes arrestationsde courte durée. En 2013, laCommissiona enregistré6424 interpellationspourmotifs politi-ques contre 2000en 2010. – (EFE.)

Le président letton, Andris Ber-zins, a chargé, lundi 6janvier,LaimdotaStraujuma, une écono-miste de 62 ans, de former unnouveaugouvernement de coali-tion.MmeStraujuma deviendraainsi la première femme chef dugouvernement de ce pays baltede 2millions d’habitants,mem-bre de la zone euro depuis le1er janvier. «J’ai confiance dansle fait que cette coalition de cen-tre droit pourra travailler defaçon efficace», a-t-elle déclaré,entourée de représentants desquatre partis de sa coalition

qu’elle dirigera jusqu’aux élec-tions d’octobre.Mme Straujuma,dont lesmédias soulignent laressemblance avec AngelaMer-kel, étaitministre de l’agricultu-re depuis 2011. Elle a rejointdimanche le parti Unité (centredroit) pour être son candidatofficiel. Sa désignation inter-vient après la démission, le27novembre 2013, du premierministre Valdis Dombrovskis,qui avait endossé la responsabili-té de l’effondrement du toit d’unsupermarchédeRiga. 54 person-nes avaient été tuées.

La Lettonie désigneune femmepremierministre

LemilliardaireAndrejBabis,hommefortduprochaingouvernementdecoalitionenRépubliquetchèqueBohuslavSobotkadirigeraunexécutif associant sociaux-démocrates, populisteset centristes

30123Mercredi 8 janvier 2014

Page 4: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Avis est par les présentes donné, conformément à l’article 114 de la FinancialServices and Markets Act 2000, la loi de 2000 relative aux services et marchésfinanciers (« la Loi »), qu’en date du 13 décembre 2013, une Ordonnance a étérendue par la Haute Cour de Justice d’Angleterre et du pays de Galles en vertude l’article 111 de la Loi, sanctionnant un projet de transfert de la totalité del’activité d’assurance de MetLife Insurance Limited à MetLife Europe Limitedet MetLife Europe Insurance Limited. Ce transfert a pris effet le 1e 1 janvier 2014.À la suite du transfert, certains titulaires d’assurance n’auront plus le droit de seprévaloir du United Kingdom Financial Services Compensation Scheme («FSCS »), le régime d’indemnisation du secteur financier en application auRoyaume-Uni. Pour tout renseignement complémentaire concernant le FSCS,les titulaires d’assurance sont libres de consulter le site Internet à l’adressewww.fscs.org.uk.Les titulaires d’assurance résidents d’un des pays de l’EEE suivants, à savoirl’Autriche, la France, la Grèce, la Belgique, la Pologne ou à Jersey et qui n’ontplus le droit de se prévaloir du régime FSCS, peuvent, s’ils le souhaitent, résilierleur police sans pénalité dans les 60 jours (ou dans les 3 mois pour les titulairesd’assurance polonais) à compter de la date de publication du présent avis, ou lecas échéant pendant une période plus longue, et à des conditions plusavantageuses dès lors où la loi de l’État de l’EEE visé au paragraphe ci-dessusle permet.En sus du droit de résiliation susmentionné, lorsque, s’agissant d’une policeincluse dans le transfert prouvant l’existence d’un contrat d’assurance, l’État durisque est un État de l’EEE autre que le Royaume-Uni (conformément auxconditions définies dans la Loi ou aux fins d’application de la Loi) et que letitulaire d’assurance est en droit de résilier sa police suite au transfert en vertude la loi de l’État de l’EEE concerné, cette police peut être résiliée durant les 60jours qui suivent la date de publication du présent avis, ou le cas échéant pendantune période plus longue, et à des conditions plus avantageuses dès lors que la loide l’État de l’EEE concerné en dispose ainsi. En ce qui concerne la Pologne, ledélai de résiliation applicable est de trois mois à compter de la date depublication du présent avis.Afin d’exercer l’un quelconque de ces droits de résiliation, les titulairesd’assurance sont invités à écrire au Part VII Communications Manager auprèsde MetLife à l’adresse ci-dessous.Daté le : 7 janvier 2014

Part VII Communications ManagerMetLife, Level 50One Canada SquareLondon E14 5AARoyaume-Uni

Les avocats de MetLife Insurance Limited, MetLife Europe Limited et deMetLife Europe Insurance Limited.

N° 5125 / 2013

À LA HAUTE COUR DE JUSTICEDIVISION DE LA CHANCELLERIETRIBUNAL DES SOCIÉTÉS

DANS L’AFFAIRE CONCERNANTMETLIFE INSURANCE LIMITED

METLIFE EUROPE INSURANCE LIMITED- et -

PORTANT SUR LA LOI DE 2000 SUR LES SERVICES ETMARCHÉS FINANCIERS

AVIS

CMS Cameron McKenna LLPMitre House160 Aldersgate StreetLondres EC1A 4DDRoyaume-UniTél. : +44 (0) 207 367 3000

SydneyCorrespondance

S urleNisshin-Maru, troiscada-vres de baleines de Minkegisentsur lepont.Plus loin, le

solest recouvertdesangetdesres-tes d’unquatrièmeanimal, proba-blement de la même espèce, quivient juste d’être dépecé. Quel-ques marins sont en train de net-toyer la scène. Pour les baleiniersjaponais, partis du port de Shimo-noseki (sud-ouest du pays) débutdécembre2013, la chasse est denouveauouverte.

Ces images ont été filméesdimanche5janvierdepuisunhéli-coptère de l’ONG Sea Shepherd,qui lutte depuis une dizaine d’an-néescontrelesbaleiniersjaponais.Ses militants affirment avoir sur-pris la flotte japonaiseprèsdes îlesBalleny,surlecerclepolaireantarc-tique,aucœurdusanctuairebalei-nier de l’océan Austral, une airemarinede50millionsdekm²danslaquelle toute pêche commercialeà la baleine est bannie.

«Expéditions scientifiques»Depuis, les trois navires de Sea

Shepherd ont donné la chasse à laflotte japonaise sur près de600km, la repoussant au nord du60e parallèle, en dehors du sanc-tuaire. « Il n’y a pas eu de contactdirect», assure Bob Brown, prési-dentde labrancheaustraliennedeSeaShepherd,quicoordonnel’opé-ration. Confrontés aux militantsécologistes, les baleiniers choisis-sent le plus souvent la fuite : « Ilsveulent éviter qu’on prenne desimages honteuses d’eux», expli-que l’ancien sénateur desVerts.

Cet épisode n’est que le débutd’un jeu de cache-cache entre lesdeux flottes qui devrait durer jus-qu’enmars,quandlafindel’étéaus-tral rendra impossible la pêchedans ces mers. Le Nisshin-Maru etles autres vaisseaux japonais repi-querontsansdouteverslesuddanslesprochainsjours,espérantéchap-per à la vigilance des militants deSea Shepherd et se donner ainsi letempsdepêcherd’autresbaleines.

Les confrontations entre l’ONGet les chasseurs ont parfois tournéàl’affrontementviolentcesderniè-

res années, sans faire de victime,mais avec l’utilisation de canons àeau, le jet de fumigènes ou d’acidebutanoïque (substance non toxi-que, mais très malodorante) ouencore la dégradation des propul-seursdesbateaux.

Pourjustifierl’envoidecesbalei-niers, le Japon affirme qu’il s’agitd’expéditions scientifiques, nonconcernées par le moratoire sur lapêche à la baleine. Selon Tokyo, lesrecherches ainsi menées permet-traientdemieuxconnaîtrelesbalei-nes et d’améliorer leur protection.Maisl’ampleurdecettepêche–l’ob-jectif est de capturer jusqu’à935baleines de Minke et jusqu’à50rorqualsd’ici aumoisdemars –,la mise à mort systématique desindividus et la commercialisationdeleurviandemettentendoutecetobjectif.«Laprétenduepêchescien-tifique à la baleine du Japon n’estpasdutoutscientifique»,ajugélun-di Murray McCully, ministre néo-zélandaisdesaffairesétrangères.

En juin2013, son pays s’est jointà une plainte de l’Australie auprèsdelaCourinternationaledejustice,qui vise à établir le caractère nonscientifique de la pêche japonaise,laquelle aurait entraîné lamort de10000 rorquals depuis 1987. Ladécision de LaHaye est attenduedanslesprochainsmois,maisinter-viendrasansdouteaprèslafindelasaison.Misant sur cette procédureet sur la diplomatie, Wellingtonrefuse d’intervenir et d’envoyerdes navires intercepter les balei-niers japonais dans les eaux inter-nationales. Dans l’immédiat,M.McCullyaseulementréitéréson«appel au Japon pour arrêter sonprogrammedepêcheà labaleine».

A Canberra, Greg Hunt, minis-treaustraliende l’environnement,n’a pour le moment pas réagi. Ils’était pourtant engagé, à l’été2013,durantlacampagneélectora-le,àenvoyerunvaisseauafind’em-pêcher la chasse à la baleine.Mais,la Royal Australian Navy estconcentrée au nord du pays pourlutter contre l’immigration clan-destine et M.Hunta finalementannoncéendécembre l’envoid’unavion patrouilleur. Les ONG nel’ontpas encore vu.p

Colin Folliot

international& planète

IstanbulCorrespondance

E n invitant les militaires danslejeu,RecepTayyipErdoganadonné un nouveau tour à la

crise politique qui ébranle le pou-voirenTurquie.Descentainesd’of-ficiersdel’arméeturque,emprison-nés depuis 2008 pour une série decomplots présumés contre le gou-vernement islamo-conservateur,et condamnés à de lourdes peines,pourraient en effet être rejugés, sil’onencroitlesdéclarationsdupre-mierministre, dont plusieurs pro-ches se trouventà leur tourdans lecollimateur de la justice pour uneretentissante affaire de corruptionet de blanchiment. «L’idée d’unnouveau procès ne nous pose pasproblème,àconditionqu’ilyaitunebase légale. Nous sommes prêts àfaire notre possible», a confirméM.Erdogandimanche5janvier.

L’annoncearedonnéespoirauxfamilles des prisonniers de l’im-mense pénitencier de Silivri, dansla banlieue d’Istanbul, qui dénon-centdelonguedateunepurgepoli-tique de la part du Parti de la jus-tice et du développement (AKP,islamo-conservateur, au pouvoir)et une procédure bâclée fondéesurdespreuvesfabriquées.Lespar-tisans de la confrérie de FethullahGülen, qui mènent la fronde judi-

ciaire contre le premier ministreet son entourage dénoncent, eux,un contre-feupour détourner l’at-tentiondes affaires de corruption.

Le premier ministre turc a vio-lemment attaqué le système judi-ciaire, accusé de mener «une saleopération»,d’abriter«unEtatdansl’Etat» et d’être noyauté par des

magistrats séditieux favorables aumouvement Gülen. Le nouveauministredelajustice,BekirBozdag,a laissé entendre qu’il pourrait ini-tier une procédure de révision desprocès contre les militaires, quali-fiésd’«injustes».

La stratégie du gouvernementétonne.M.Erdogan avait fait de lapurge de l’armée l’une de ses prio-rités en arrivant au pouvoir. Lesaffaires Ergenekon, une cellulemilitaro-nationaliste au sein del’Etat démanteléeà partir de 2007,etBalyoz,dunomd’unplanprésu-médecoupd’Etaten2003,ontper-mis la mise au ban de centainesd’officiers, marquant ainsi larevanche des islamistes sur l’ailenationalistede l’armée.

Ces procès-fleuves devant descours pénales à compétence spé-ciale chargées des affaires antiter-roristes ont mis en évidence l’ins-trumentalisation politique de lajustice. Contre lesmilitaires, maisaussi contre les journalistes d’op-position, les avocats, les militantskurdes et plus récemment contreles manifestants de la place Tak-sim, dont plusieurs dizaines ontété inculpéspour «terrorisme».

Le présidentde l’Uniondes bar-reaux de Turquie, Metin Feyzio-glu, a dénoncé l’existence d’unevéritable«justiceparallèle»,dispo-santde «pouvoirs excessifs et arbi-traires». Lors d’une entrevue avecM. Erdogan, lundi, il a réclamél’abolitiondes cours spéciales.

L’état-majordes armées adépo-sé, la semainedernière, un recourspour que soient rejugés ses offi-ciers. Les preuves retenues, pré-tend-il,manqueraient de crédibili-té.«Si le premierministre, leminis-tre de l’intérieur disent qu’il existeun Etat parallèle au sein de la jus-tice et que les forces armées ont été

victimesd’uncomplot, il est impos-siblede l’ignorer», adéclaréM.Fey-ziogluaprèsavoirrencontréleprin-cipal détenu dans l’affaire Erge-nekon, l’ancien chef d’état-majorIlker Basbug. «Deux belles annéesvolées à ma vie, à ma famille et àmes proches», a estimé l’ex-géné-ral dont la demande de remise enlibertéa été rejetée lundi.

Les adversaires de M.Erdogandénoncent une tentative de diver-sion. Après avoir décapité l’arméegrâce au soutien du mouvementGülen, le premier ministre auxabois serait-il tenté de s’allier aux

militaires pour neutraliser laconfrérie et conserver la mainmi-se sur les tribunaux? «S’il peutmettre en évidence la fabricationet lamanipulationdepreuvesdanscesprocès,alorsildiscréditeradirec-tementlemouvementGülen», esti-me l’analyste Gareth Jenkins, quifut l’un des premiers à soulignerles failles dudossier Ergenekon.

Car après avoir été longtempsaux mains des militaires quicontrôlaient les hautes cours jus-qu’en 2008, la justice turque estl’objet d’une nouvelle batailleentre les deux forces dominantesde lamouvance islamiste. Les par-tisans de M.Gülen qui ont subidans les années 1990 la répressionde l’armée ont fortement soutenules grands procès pour complots,notamment dans les colonnes deleurjournal,Zaman. Ilss’opposentà présentà leur réouverture.p

GuillaumePerrier

M.Erdoganaaccusélesystèmejudiciaire

d’abriter«unEtatdansl’Etat»

AngelaMerkelcontrainteaupilotageàdistance

LesJaponaisaccusésdechasserlabaleinedansunsanctuaireaustralLesassociationsécologistespointent lapassivitéde l’Australieetde laNouvelle-Zélande

Juin2007Découverte d’unecached’armes à Istanbul,mar-quant le début de l’affaire Erge-nekon.

Juillet2008Début de l’instruc-tion dudossier Ergenekon, unréseaumilitaro-putschisteinfluent dans les rouages de l’Etat(armée, police, justice) et danslesmédias.

Janvier2010 Le quotidienTarafreçoit une valise de documents etrévèle l’affaireBalyoz, unplan pré-suméde coupd’Etat imaginé en2003.

21septembre 2012325 officiersde l’armée sont condamnés àdespeines de 12 à 20ans de prisondans l’affaire Balyoz.

5août 2013 Le verdict tombepour 275 accusés duprocès Erge-nekon. 254 sont condamnés àdespeines allant de 2 ans à la per-pétuité et 21 sont relaxés. Ladéfense a fait appel.

9octobre 2013 LaCour suprêmeapprouve le jugement de l’affaireBalyoz qui condamne237 person-nes, dont de nombreuxmilitaires,pour«tentative de complot».

A peine formé, lenouveaugouvernementallemandaconnuunfauxdépart lundi

6janvier.Ce jourquidevaitmar-quer l’entréeen fonctioneffectivede lanouvelleéquipeMerkela étédominéparuneannoncequiapris tout lemondedecourt. Victi-med’unechuteenski de fond,AngelaMerkel souffred’une fêlu-reaubassinquinécessite«qu’ellereste leplus longtempspossibleallongée»durant trois semaines,a expliquésonporte-parole.

SteffenSeibertavaitmanifeste-mentcommeconsignede relativi-ser l’événement. Il ne faut surtoutpas laisserpenserqueMmeMerkelest incapablede remplir samis-sion. La chancelièreva«se concen-trer surunnombreréduitde ren-dez-vousà la chancellerie etàBer-lin [et]accomplira le restede son

travail chezelle», a ajouté leporte-parole. SteffenSeibertn’adonnéaucundétail.Ni ladate,ni le lieu,ni les circonstancesde l’accidentn’ontété renduspublics.Onsaitjusteque la chancelièreétait envacancesenSuisse, dans lesGri-sons.AngelaMerkel«ad’abordcruqu’il ne s’agissaitqued’unecontusion,mêmesi lablessureétaitdéjà trèsdouloureuse,maisvendredi, elleaappris (…)qu’ils’agissaitd’une fêlure. Elle suitdonc les conseilsdesmédecinspouruneguérisonoptimale», asoulignéM.Seibert.

MêmesiAngelaMerkelentendtravaillerde chezelle et se rendreà la chancellerie lorsquec’est indis-pensable,notammentpourprési-der le conseildesministresmer-credi8janvier, il va êtredifficilede laissercroirequesonaccident

constitueunnon-événement.Lachancelièread’oresetdéjàannuléplusieursrendez-vous.

Premières difficultésEllene se rendrapas àVarsovie

mercredi commeprévu initiale-ment et, signeque la douleurdoitêtrevive, elle ne recevrapas le len-demainà la chancellerie le nou-veaupremierministre luxem-bourgeois,XavierBettel. Demême, le nouveauprésidentdespatronsallemands, IngoKramer(BDA), attendraavant d’être reçu.

Cet incident intervient alorsque la grande coalitionentrée enfonction le 17décembre connaîtses premièresdifficultés. La librecirculationdes Bulgares et desRoumainsdans l’Unioneuropéen-nedepuis le 1er janvier a provoquédes tensions entre l’Unionchré-

tienne-sociale (CSU) bavaroise,qui dénonce«ceuxqui veulentprofiter du système social alle-mand» et le Parti social-démocra-te (SPD). La conservationdesdon-néesnumériquesopposedéjà leministrede la justice,HeikoMaas(SPD), et son collèguede l’inté-rieur, ThomasdeMaizière (Unionchrétienne-démocrate,CDU).

Danscettepériodedemiseenroutedugouvernement,AngelaMerkelsouhaited’autantmoinsresteren retraitqu’encasd’indis-ponibilité, c’est levice-chancelierquiassure l’intérimetpréside leconseildesministres.MmeMerkeln’entendmanifestementpas fairececadeauàsonnouveaunumérodeux,SigmarGabriel,ministredel’économieetprésidentduSPD.p

Frédéric Lemaître(Berlin, correspondant)

Iles Balleny

NOUVELLE-ZÉLANDE

AUSTRAL IE

Antarc t ique

Equateur

OCÉAN PACIFIQUE

60e parallèle

40e parallèle

Sanctuaire baleinier de l’océan Austral

De l’affaire ErgenekonauprocèsBalyoz

Affaibliparlesluttesinternes, lepremierministreturcs’attaqueàlajusticeRecepTayyipErdogann’exclutpasde fairerejuger lesmilitairescondamnéspourcomplot

Unprisonnier d’Ergenekon emmenédansunvéhicule blindéde lapolice, le 5août 2013, à Istanbul. O.KOSE/AFP

4 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 5: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

france

P our une fois, on ne les a pasentendus. D’habitude, à cha-quediscoursdeFrançoisHol-

lande, les responsablesde l’UMPseprécipitent dans les médias pourcondamnerson intervention.Là, ladroite est restée sans voix. Aucunleaderne s’est élevé contre le «pac-tederesponsabilité»pourlesentre-prises proposé par le chef de l’Etatlors de ses vœux télévisés, le31décembre. Il a fallu une semaineavantquedesténorsdupartiréagis-sent,tel Jean-PierreRaffarin.Lepré-sidentduparti, Jean-FrançoisCopé,n’a prévu de s’exprimer que mer-credi sur ce pacte, qui consistera àproposerauxentreprisesdesréduc-tions de charges et une simplifica-tion administrative contre desembauches et plus de dialoguesocial.

Et pour cause: enassumantunepolitique sociale-démocrate, voiresociale-libérale, le président a cou-pé l’herbe sous le pied de l’UMP.Moins de charges sur les entrepri-ses, moins de dépenses publiques,moins d’impôts… Le nouveau pro-grammeéconomiquedeM.Hollan-decolleauxrevendicationsdupar-ti de droite, qui avait acté cetteorientation libérale lors de sonséminaire de travail, le 18décem-bre. «Il est urgent de baisser drasti-quement les impôts, les chargessociales et la dépense publique, desupprimer sans trembler toutes lesréglementations absurdes», répé-taitencoreM.Copéle 30décembre,lorsdesesvœuxauxFrançais.Sansimaginerque le chef de l’Etat pren-draitdesengagementsdanscesensle lendemain.

Unepolitique de l’offreEn assumant un «socialisme de

l’offre»,FrançoisHollandeamoinscherché à piéger l’opposition qu’àrelancer l’emploi. Il n’empêche:sondiscours a déstabilisé la droite,quine s’attendaitpas à entendre leprésident tenir des propos ressem-blantàceuxdeMM.CopéouFillon.«Si on fermait les yeux en écoutantFrançoisHollande,onauraitpucroi-re à celui d’un leader de droite,remarque le politologue Jérôme

Fourquet, sondeur à l’IFOP. C’estnotamment le cas quand il évoqueles économies nécessaires, en sedisant convaincu qu’on peut fairemieuxavecmoins,alorsque lagau-che réclame traditionnellementplusdemoyens. Idemlorsqu’ilpoin-te les “abus”et les “excès”de laSécu-rité sociale, cela rappelle le discoursanti-assistanatde l’UMP.»

Reprendre des propositions ducamp adverse rappelle la stratégiede la triangulation utilisée par lecandidat Sarkozy lors de la campa-gne présidentielle de 2007. L’an-cien ministre du budget, EricWoerth,s’étonnedevoirM.Hollan-deinvestiraussifranchementleter-rain de la droite. «Baisser les char-gesdesentreprises,mettrelepaquetpour la compétitivité et assumer

une politique de l’offre, c’est notrepolitique! Cela correspond au pro-grammedeNicolas Sarkozy.»

Compliquéalors, pour l’UMP,detrouverletonappropriépourripos-ter…«Ladroiteestgênéeauxentour-nures car elle se retrouve privée desonanglede tir favori,qui consisteàcritiquer une gauche dépensière,incapable de rétablir les comptespublics autrement qu’en augmen-tant massivement les impôts»,observeJérômeFourquet. L’UMPseretrouve faceàunproblèmestraté-gique: soit elle approuve – dans lafoulée du Medef – le cap fixé parM.Hollande, en se disant vigilantesur l’applicationdes annonces, soitelle le rejetted’unreversde lamain,aurisqued’êtreperçuecommeuneoppositioncaricaturale.

Les rares voix qui se sont expri-mées à droite tententune synthèseentrecesdeuxpositions,enmettanten garde sur l’application concrètedes mesures annoncées. «FrançoisHollande doit préciser en détail cequ’il veut faire. Pour l’instant, son

pacte n’est qu’une formule de com-munication», estime Eric Woerth.PourlesarkozysteFrédéricLefebvre,l’UMPdoitsaisirl’occasiondesepré-sentercommeuneforced’alternan-ce responsable et constructive: «Cechangementde politiqueacté par le

président de la République, il fautque l’opposition l’accompagne plu-tôtquedecritiquerenpermanence.»«Si François Hollande passe auxactes, évidemmentque je le soutien-drai», a assuré Jean-Pierre Raffarin,mardi, sur Europe 1. «On ne va pasjouer l’opposition stérile alors quecela fait un an et demi que l’onattend un tournant plus favorableaux entreprises», convient l’ex-ministre du budget, Valérie Pécres-se.Mais, commed’autresélusUMP,elle craint que les promesses deréformes du président s’apparen-tentàdesvœuxpieux.«Onadesrai-sonsdedouterde sa sincérité, car il atrop changé de piedet multiplié leshabiletés», sedésole-t-elle,appelantàson tourFrançoisHollandeà«tra-duiresesparolesenactes». p

AlexandreLemarié

D ubitatifs sur le «pacte deresponsabilité» proposépar François Hollande aux

entreprises, les syndicats sontdans l’incapacité d’adopter uneposition commune. Lundi 6 jan-vier, laCGT, laCFDT, laCFTC, laFSUet l’UNSA se sont réunies pouradopter, conformémentàcequ’el-les avaient décidé le 25novembre2013, des revendications commu-nes. Mais elles ont constaté leurabsenced’accordsurl’initiativeduprésidentde la République.

A l’exception de la CFTC – dontle président, Philippe Louis, jugeque «la période n’est pas propice àdesmanifestations communes» etqui met en avant «beaucoup desujets oùnous sommes opposés lesuns aux autres» –, la CGT, la CFDT,la FSU et l’UNSA devraient finali-ser le 13 janvier une déclarationcommune dont les grands axesont été posés. Ellemettra en avantla demande de mise en œuvred’un plan européen d’investisse-ments préconisée par la Confédé-ration européenne des syndicats(CES) à laquelle appartiennent laCGT, la CFDT, la CFTC et l’Unsa.

Les quatre syndicats devraientpréconiser une négociation surl’emploi des jeunes et des seniors.«Ilyauradespositionscommunes,a indiqué Véronique Descacq,secrétaire générale adjointe de laCFDT, sur l’emploi, les classifica-

tions des rémunérations, la condi-tionnalitédesaides fiscaleset la fis-calité. » Chaque organisationdevait trouver les basesd’unepro-position commune sur chaquesujet, la CFDT sur la fiscalité, l’UN-SAsur l’emploi, laCGTsurlessalai-res.«LaCGT, souligneunresponsa-blesyndical souscouvertd’anony-mat,n’arienfourni.Elleestdansleschoux. On a un grosmaillon faibledans l’histoire, c’est la CGT. Elle nesaitpasoùellehabiteetelleestinca-pabled’assumerune ligne.»

«Mano amano»L’épisode de l’accord sur la for-

mation – où la directionde la CGT,favorable à la signature, a pliédevant le refusde sadélégation–apesé lourdement dans la réuniondu 6janvier. Alors que la commis-sion exécutive de la centrale doitentériner,mardi 7janvier, ce refusde signer, la CGT a déjà décidéd’une journée d’actions le6février. La CFDT et l’UNSA ne luiemboîteront pas le pas, de mêmeque la CFTC qui, pour autant, n’apasquitté l’intersyndicale.

Sur le pacte de responsabilité,Laurent Berger, le secrétaire géné-ral de la CFDT, amarqué ses réser-ves, se déclarant hostile, lundi surFrance Info, à un «mano a manoentre le gouvernement et le patro-nat.» «Un pacte de responsabilité,a-t-il souligné, ce n’est pas pleurni-

cher d’un côté et demander desaides et ne pas s’engager del’autre.» M.Berger, qui souhaiteque les syndicats soient associés àdes négociations, a réclamé descontreparties, «d’abord en direc-tion des salariés sur la qualité desemplois proposés, la baisse de laprécarité, sur l’embauche des jeu-nes, le type de contrat» ainsi quesur les salaireset l’investissement.

L’Unsa juge, de son côté, qu’un«pacte équilibré pour l’emploi»nécessite des «contreparties indis-pensables pour les salariés et lesmoyens de les faire respecter. »Dans L’Humanité du 6 janvier,Mohammed Oussedik, secrétairedelaCGT,aréclaméledroitpour lecomité d’entreprise de suspendreles aides aux entreprises «quandelles sontmal utilisées.»

Très critique, Jean-ClaudeMailly, le secrétaire général de FO,ne cache pas son inquiétude. «Cesont des annonces dangereuses,déclare-t-ilauMonde. Jenesaispass’il s’agit d’un socialisme de l’offremais il y a une accentuation d’unepolitique économique de l’offreavec l’objectif d’une baisse desimpôts.» «Je ne vois pas comment,ajoute M.Mailly, en allégeant lescotisations patronales, M.Gattaz[le président du Medef] va avoirune quelconque autorité pour direaux entreprises d’embaucher.» p

MichelNoblecourt

M.Copé répondramercrediauxvœuxduprésident

L’UMPembarrasséeparleviragedeM.HollandeEntendant lamainauxentreprises lorsdesesvœux, lechefde l’Etataseméletroubleauseindupartidedroite

Le«pactederesponsabilité»laisselessyndicatsenordredisperséRéunis lundi6janvier, lesgrandescentralesontconstaté leursdivisionsaprès lamain tendueauxentreprisespar leprésidentde laRépublique

Silencieux lors de la trêve desconfiseurs, Jean-François Copéet François Fillon effectuerontleur rentrée demanière séparée.Le président de l’UMP tiendraune conférence de pressemer-credimatin au siège parisien duparti, lors de laquelle il devraitrépondre auxmesures propo-séespar FrançoisHollande à l’oc-casion de ses vœux télévisés. Deson côté, l’ancien premierminis-tre organisera unmeeting le15janvier, à laMaison des Poly-techniciens, à Paris, où il comp-te réunir ses proches.

Jean-Pierre Raffarin, François Fillon, Jean-François Copé et Alain Juppé au siège de l’UMP, le 18décembre 2013. MARTIN BUREAU/AFP

50123Mercredi 8 janvier 2014

Page 6: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

2014,annéedécisivepourleFNAPRÈSDEUXSEMAINESde silen-ce,Marine Le Pen a fait sa rentréepolitiquemardi 7janvier, enpré-sentant ses vœuxà la presse. LaprésidenteduFNn’a pas rompusa trêvehivernale,mêmepour réa-gir à la polémiqueautourdeDieu-donné. Elle a laissé sonnumérodeux, FlorianPhilippot, assurer laprésencemédiatique.

L’année2014 est décisivepourle Frontnational. La formationlepénistemisebeaucoup sur leséchéancesmunicipales et euro-péennes.Debons résultats valide-raient la stratégie deMarineLePen, qui vise à devenir la troisiè-me force politiquedupays. Adéfaut, un échecmarquerait lepremier tempsd’arrêt dans la pro-gressionduFNdepuis l’électiondeMme LePen à sa tête en2011.

Lesmunicipalesdemarsdirontsi le FNasu reconstituer sonancra-

ge localqui, en 1995, lui avaitper-misde conquérir troisvilles. Sur-tout, l’attitudedes candidatsUMPentre lesdeuxtourspourraitmodi-fierprofondément laphysiono-miede l’oppositionà lagauche.Eneffet, le FNest sûrqu’à cetteocca-sion,«desponts» seront consti-tuésentrecandidatsdedroiteetd’extrêmedroite.

Maillage territorialCertainsque «la conquêtedu

pouvoir commencepar la base»,le parti d’extrêmedroite veutnonseulementgagnerdes villes,maissurtout envoyer le plusd’éluspos-sibledans les conseilsmunici-paux.Marine LePen considère eneffet qu’être élumunicipal d’op-positionest lameilleureécole deformation.

Unmaillage territorial qui serautile au FNnon seulementpour

les régionalesde 2015 et les législa-tives de 2017,mais aussi pour lesélections sénatorialesqui aurontlieu en septembre.

Mais,malgré ses ambitions, leFrontnationalne serapasprésentsur tout le territoire (LeMondedu14octobre 2013). Etmêmelàoùdeslistesont été lancées, desdémis-sionscommencentàpoindre ici etlà, laissantprésagerdes trousdanslemaillage frontiste.

Autremoment fort pour le FNen2014: les européennes.A cetteoccasion,Mme Le Penveut faireduFrontnational le «premier partide France», en faisantune campa-gneeurophobe et antieuro. Elle aaussi commencéà tisserdes allian-ces avec d’autrespartis d’extrêmedroite en Europe, comme le PPVdeGeertWilders auxPays-Basouencore le FPÖautrichien. p

A.Me

Enquête

C ’est un petit bâtiment sansâme, au fin fond de Nanter-re.Bleuetgris clair, il est sur-

nommé le «Carré» par les mili-tantsduFrontnational.C’est lesiè-ge du parti d’extrême droitedepuisquedesdifficultésfinanciè-res ont obligé le FN à quitter lePaquebot, son ancienne adresse àSaint-Cloud.

Le Carré n’est pas une ruche,loinde là.Uncalmepresqueétouf-fant règne entre la statue de Jean-ne d’Arc à l’entrée et le coq géantdans une sorte de cour intérieure.Chacunépielesmouvementstacti-ques de ses rivaux et cherche à seplacer. A la méfiance s’ajoute lajalousie lorsqu’un nouveau venuobtient un bureau plus proche decelui de la «présidente» que lesien. Car Marine Le Pen règne icisanspartage.

Si bienque les critiques les plusprécises contre la présidente fron-tiste ne viennent pas aujourd’huidesesadversaires,maisdesespro-pres troupes, et parfois de hautsresponsablesduparti.Avecdester-mes parfois très durs : «Autoritai-re», « cassante», «manipulable»,«pas faite pourdiriger unparti».

Ces critiques, les frontistes neles adressent pas directement àleur présidente. Trop peur de saréaction. Les militants et lescadres acceptentde rencontrer lesjournalistessousstricte conditiond’anonymat. La parole, alors, selibère et les témoignages pren-nent la forme d’un flot de repro-ches.

LessuccèsdeMarineLePen

Voilà bien le paradoxe. Jamais,sansdoute, lepartid’extrêmedroi-te n’a été aussi influent. En tantque chef de parti, Marine Le Penpeuts’enorgueillird’unbilanposi-tif. Sonparti enregistre de nouvel-les adhésions, les ralliements sesuccèdent,lessondagessontexcel-lents. Sur le fond, le Frontnationalparvient, de plus en plus souvent,à déterminer l’agenda politique età peser sur la ligne de la droiterépublicaine.

Mais, trois ans après l’accessiondeMarine Le Pen à la tête du partid’extrême droite, une questiontaraude de plus en plus de cadres:leur présidente serait-elle capablede diriger le pays? Marine Le Penne dirige rien sauf le Front natio-nal. Ses mandats – élue régionaleet européenne – ne permettentpasdevoir ce à quoi ressembleraitun exécutif piloté par la présiden-te du FN. Sonparti, si.

Nous avons donc interrogé desacteurs qui se trouvent tout aulong de la chaîne de commande-ment. Depuis la direction jusqu’àla base, celle des «petites mains»qui travaillentausiège àNanterre.

MarineLePen, elle, n’apas souhai-té répondre aux sollicitations duMonde.

SolitudedupouvoirLes militants critiques évo-

quent une ambiance de courti-sans, une structure patrimoniale,où la présidente glisse d’uneinfluenceàl’autresansjamaispas-ser par la case collective. «Marineécoute les personnes qui posent lesproblèmes mais elle ne les résoutpas. Elle doute. Et si elle arrive aupouvoir?Ceserapareil?», s’inquiè-te ainsi undévoué lepéniste.

Lui qui se donne corps et âmepour le parti ne comprend pas cequ’il s’y passe. Et regrette le tempsoù Jean-Marie Le Pen dirigeait leFront.Cemilitantajoute:«Marinesaits’entourerdepersonnescompé-tentes.Mais c’est celui qui la flatte-ra le plus qui remportera lamise.»«Je suis déçu, ça memine. Ce n’estpas elle le problème. Il faudraitqu’elle puisse s’appuyer sur uneéquipe,mais elle n’apersonne.»

Un dirigeant historique du FNabonde. Il reconnaît cependantque Marine Le Pen « fait un grosboulot, et fait beaucoup de sacrifi-ces». Et avoue sans mal « l’admi-

rer». Cependant, il lâche : «Mari-ne est extrêmement autoritaire,cassante, bien plus que Jean-MarieLePen. Et personnenedit rien. Il y abeaucoup moins de débatsqu’avant, l’atmosphère est pesan-te. Lesgens fontactedeprésence. Jene sais même pas si elle s’en rendcompte.»

Ce cacique décrit un mode defonctionnement «dérangeant» etsolitaire: «Elle ne sait pas insufflerd’esprit d’équipe. Elle s’occupe detout, ne délègue rien. Elle n’aconfiance en personne. Je medemande si ce n’est pas pour res-sembler à son père qu’elle est auto-ritaire comme ça. Mais lui, il avaitune autorité naturelle, il n’avaitpasbesoin de cela.»

Un jugement sévère quedément Steeve Briois, secrétairegénéral du FN. «Marine Le Pen estjuste – dans le sens de la “justice” –dans ses décisions. C’est toujoursargumenté, c’est la meilleure. Ellen’estpaspartisane.Ceuxquidisentqu’elle prend des décisions seule severraient bien seul conseiller de laprésidente», plaide ce fidèle de ladirigeante du Front national, can-didat à la mairie d’Hénin-Beau-mont (Pas-de-Calais). Un autrecadre l’assure : «Elle n’est pas des-

potique. Elle respecte les gens dansleurs prérogatives.»

LouisAliot,vice-présidentchar-gé de la formation, reconnaît qu’ilpensait que la direction du FN«allait travaillerenéquipe».«C’estplus un groupement d’individuali-tés qu’un travail collectif. » Mais,selon lui, «plus on monte dans lahiérarchie,plusonestseul.Celafaitpartiedu job».Uncadreconfirme:«Les dirigeants du Front nationalne se parlent pas entre eux.MarineLe Pen fait le “go-between”.»

«Cloisonnement»Les décisions sont prises de

manière bilatérale, presque au casparcas, selonlapersonnequiémetdes avis. Un peu comme si l’infor-mationrestaitconfinéeendemul-tiples points. La présidente duFront national se place ainsidevant un écueil : celui de l’absen-ce de débat et de confrontationsd’idées.Mais cela lui permet aussid’éviter les situationsde blocages.

«Le mode de direction de Mari-neLePenestextrêmementcomple-xe», explique un cadre du partiquilaconnaîtbien.«Elleesttrèsres-pectueuse des instances du parti –lebureaupolitiqueet lebureauexé-cutif – qui fonctionnent.Mais sont-ce des lieux de pouvoir? C’est uneautre question. Le cloisonnementet la relation individuelle sont, enrègle générale, de mise», ajou-te-t-il.

Unancienconseillerde laprési-dente, pourtant très critique, lereconnaît volontiers : «Marine LePen marche au feeling. C’est trèsagréable de bosser avec elle. Elleapporte beaucoup dans les discus-sions et ne suit pasaveuglément ceque l’on dit. Elle est capable de seremettre en question.»

Steeve Briois assure aussi quesa patronne respecte les instancescollectives du parti : «Les grandssujets font l’objet de débats aubureau politique [BP]et au bureauexécutif [BE]. Elle a des conseillerset c’est normal. Elle ne se limite pasà un ou deux. Elle consulte beau-coupdemonde.»

LouisAliot, concède, lui,que«lebureau de Marine Le Pen est unlieu de pouvoir, tout comme lebureau exécutif». Derrière le jeude mots, l’on perçoit l’ambivalen-

ce du pouvoir lepéniste : collectifdans la forme,certes,maisd’abordpersonneldanslaréalité.Uneanec-dote illustreparfaitementce para-doxe. Récemment, Marine Le PenajustementdemandéauBPl’auto-risation de constituer seule les lis-tes aux élections européennes. Enclair, Marine Le Pen demande àune instance collective l’autorisa-tion d’exercer un pouvoir solitai-re…

Un dirigeant décrit la manièredont sont prises aujourd’hui lesdécisions auFN: «Cela se fait dansles instances,mais souvent lesdéci-sions importantes sont faites endirect avec Marine Le Pen. Chacunmonte au créneau. Il faut être làphysiquement et aller dans sonbureau.Souvent,elledonnelesenti-ment à ses interlocuteurs que sadécision est prise alors que ce n’estpas le cas.»

Il précise : «Elle ne cherche pasà fairedes synthèsesmaisdes équi-libres. Ce qui explique que person-ne n’est totalement content. » Etsurtout, il souligne un paradoxechez celle qui entend exercer lesplus hautes responsabilités politi-ques : «Elle n’a pas envie d’être enpremière ligne et veut que les cho-ses se passent de lamanière la plusconfortablepossible.»

«LacuisinedeMarineLePen»

«Le lieu de pouvoir du FN? LacuisinedeMarineLePen!»,plaisan-tequantà lui l’ancienconseillerdela présidente. Mais au-delà de cet-te boutade, se cache une réalitébienfrontiste: lesrelationsprivilé-giées qu’entretientMarine Le Penavec ses conseillers successifs. Cesvisiteurs du soir viennent audomaine de Montretout, à Saint-Cloud(Hauts-de-Seine),oùMarineLe Pen vit, pour y tenir des réu-nionsde travail.

L’un des principaux reprochesadressés à Marine Le Pen est queles décisions stratégiques échap-pent pour beaucoup à la discus-sion collective. Les affiches ou lescampagnes thématiques ont par-fois été décidées en petit comité,hors de toute instance. «Tout estdécidé entre elle et Philippot», sedésole un soutien de longue datede la présidente.

Florian Philippot a une grandeinfluence sur Marine Le Pen. Cejeuneénarque– il est trentenaire–prend de plus en plus de place ausein du FN. Vice-président chargéde la stratégieetde la communica-tion, candidat à Forbach (Moselle)pour les municipales, il a l’oreilledeMarineLePen.Maiscefonction-nement exclusif n’est pas nou-veau au FN et n’a pas commencéavec l’arrivéedeM.Philippot.

«Avec Marine Le Pen, c’est tou-jours pareil : il y a un coup de fou-dre soudain, la personne obtienttout, puis, sans raison, tu deviensmoinsquerien, tues jetéaurebut»,explique un dirigeant historique.Il ajoute : «C’est paradoxal avecl’aspirationà occuper les plus hau-tes fonctions. Marine Le Pen se faitmanipuler, elle est influencée. Ellene sait pas faire la différence entrecourtisans et gens loyaux.»

«LeFNestirréformable»

Marine Le Pen dirige donc leFront national en privilégiant lesrelations individuelles. Chacun sevoit, ou s’espère, être le conseillerde la reine. La présidente du FNjoue-t-elle des rivalités qui agitentson parti, comme le faisait jadissonpère?Pendantsalonguepério-de de présidence (1972-2011), Jean-MarieLePens’étaitfaitunespécia-lité de semaintenir en permanen-ce sur la ligne de crête, au point derencontre des influences, veillantà ce que, par leur lutte constante,aucundesclansnepuissel’empor-ter et remettre en cause sa posi-tiond’arbitre.

Pour les plus compréhensifs,comme Louis Aliot, la faute enrevient aux structures. En clair, cene sont pas les dirigeants intuitupersonae qui exercent une formeautocratiquedupouvoirmais l’ar-chitecture du parti qui impliquecette solitude à la tête du FN.

Pourlesplussévères,aucontrai-re, la faute en incombe à la familleLePen. Cet ancienconseiller enestconvaincu : «Le Front est irréfor-mable. La conception patrimonia-leduFNestirréformable.Laconcep-tion féodale du pouvoir chez les LePen est irréformable : le FN est unfief que l’on se concède.»p

AbelMestre

france

CommentMarineLePendirigeleFrontnationalMalgrésessuccès, laprésidenteduFNestcritiquée,en interne,sursonmoded’exercicedupouvoir

Marine Le Pen lors d’unmeeting àMazan (Vaucluse), le 30novembre 2013. BERTRAND LANGLOIS/AFP

6 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 7: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

france

A u-dessus de la porte d’en-trée trônent encore les qua-trelettresIUFM,pour«insti-

tut universitaire de formationdesmaîtres». En apparence, rien nesemble avoir changé à l’école desprofesseurs de l’académie de Cré-teil, à Bonneuil (Val-de-Marne).Comme si la réforme de la forma-tiondesenseignants, lancéeà l’ini-tiative duministre de l’éducation,Vincent Peillon, n’était pas passéepar là. Seule une timide pancarte,fraîchement installée à l’accueil,indique le nouveausigle de l’écoledepuis le 1erseptembre: ESPE,pour«école supérieure du professoratet de l’éducation».

Leparidecetteréforme–centra-le dans l’éducation, mais occultée,ces derniers mois, par la contesta-tion contre les rythmes scolaires –estde«professionnaliser»unefor-mationdesenseignantsàqui l’onalongtemps reproché de mettretrop l’accent sur les savoirs, et pasassez sur les savoir-faire. Mais lepremier trimestre de fonctionne-ment l’a confirmé, les résistancessont fortes. Le nouvel équilibreentrethéorieetpratiquen’apasétésimple à trouver dans les trentenouvelles ESPE. Fruit d’intensesnégociations, il est même encoreassezéloignédesobjectifs initiaux.

«Enseigner est un métier quis’apprend»,martèlepourtantVin-centPeillondepuissonarrivéeruede Grenelle. Le professeur de

demainnedoitpasseulementêtreun détenteur de connaissances, ildoit aussi être capable de bien lestransmettre.

Dans une salle, une dizaine defutursprofesseursdes écoles –desfilles exclusivement– apprennentà «enseigner avec le numérique».Inscrites en première année dunouveaumaster «métiers de l’en-seignement,de l’éducationetde laformation» (MEEF), elles font par-tie de la première génération de laréformePeillon. «J’étais en licencedegestionquandlagaucheestarri-vée au pouvoir, raconte AsmaaLajnef,22ans. Jevoulaismeréorien-teret j’ai entenduqu’il y auraitunenouvelle formation des profs, desréformespour l’école, beaucoupderecrutements… Je me suis dit quec’était lemomentde se lancer!»

Ces étudiantes voient plutôtd’un bon œil la réforme en cours,qui rétablit l’année de formationen alternance. «Je connais des per-sonnes qui sont passées par l’an-cien système, certains ont démis-sionné. Je m’estime mieux lotie»,souligne Sandrine Malo, 38 ans,ancienne contractuelle. Sous laréforme très contestée de XavierDarcos, instaurée en 2010, les étu-diants passaient le concours enmaster2, puis étaientdirectementparachutés dans les classes, avecseulement quelques modules deformation. Cette année, ils passe-ront le concours en master 1. Ils

seront stagiaires à mi-temps enmaster 2, payés à tempsplein.

A Créteil, le tempsde formationdes futursprofesseursduprimaires’est réduit auprofit du stage. Il estde769heuresdanslenouveaumas-ter, contre plus de 900heuresavant. Pas facile à accepterpour lesenseignants, qui se plaignent devoir leur matière amputée. «Ensciences et technologies, on aperduplusdelamoitiédesheures»,déplo-re Christophe LeFrançois, profes-seur du cours «enseigner avec lenumérique».Mêmechoseenscien-ces de la vie et de la Terre et en his-toire.«Douzeheures pour voir toutde la préhistoire à nos jours, c’estirréaliste!, lance Sandrine Malo. Je

ne pensais pas que le cursus allaitêtreaussi chargé, compressé.»

Pour la formation des ensei-gnants de collège et lycée, ce n’estpas tant levolumede la formationqui a évolué que son contenu. «Laformation professionnelle occupeuneplus grandeplacedans lemas-ter, assure Brigitte Marin, l’admi-nistratrice de l’ESPE. Dès le mas-ter 1, nos étudiants bénéficient dequatre semaines de stage, d’aborden observation, puis en pratiqueaccompagnée,etenfinenresponsa-bilité, seuls dans leur classe.»

La formationsedivise enquatreblocs : un «bloc disciplinaire»,pour parfaire ses connaissancesdanssadiscipline,un«blocdidacti-

que», pour apprendre à l’ensei-gner, un «bloc recherche» et un«bloc de mise en situation profes-sionnelle», qui comprend descoursdepsychologiede l’enfant, lapréventionde la violence, lesprati-quesenéducationprioritaire…

La réussitede la réformereposesur les concours de recrutement,quiontété rénovéspour la session2014.Siceux-cidemeurenttrèsdis-ciplinaires, la formationenamontle restera aussi, et inversement.Dans certaines matières, les jurysont bien respecté la consigne deprofessionnaliser les épreuves.C’est le cas en sciences économi-quesetsociales,oùuneépreuvededidactique a été introduite. «Onaura cinq heures pour préparer uncours avec exercices, évalua-tion…», rapporte Virginie Panici,25ans,étudiantedumasterdepro-fesseur de sciences économiqueset sociales. «Au départ, je pensaispréparer le capes en candidatelibre,enbachotant.Maisquandj’aivu le nouveau type d’épreuve, j’airéalisé que j’allais avoir besoind’une formation professionnali-sante», raconte-t-elle.

En lettres modernes ou en his-toire en revanche, l’évolution estplusmodeste.«Les grandes épreu-vesdisciplinairessontrestées,souli-gne Marie-Emmanuelle Plagnol,enseignanteen littérature.Les spé-cificités du capes de lettres ont étépréservées.»

«Globalement, les jurys vontavant tout vérifier si les candidatssont bons dans leur discipline»,déplore un formateur de l’ESPEqui a souhaité garder l’anonymat.«Il fautrelativiserl’affichagepoliti-que. Les masters sont, certes, plusprofessionnels que sous la réformeDarcos,mais on se rapproche de laconfigurationd’avant 2010.»

Ce résultat mitigé est le fruitd’un compromis entre les forma-teurs de l’IUFM et les universitai-res.Lespremiersdéfendentunefor-mation professionnelle, lesseconds sont plus souvent dansuneposturededéfensedessavoirs.«C’est une crainte récurrente desuniversitairesdevoirlabalancepen-cher tropducôtéde la transmissiondes savoirs, et pas assez du côté dessavoirseux-mêmes»,souligneJean-

Louis Auduc, ancien directeuradjoint de l’IUFM de Créteil. «Enmettantfinàlaprééminencedudis-ciplinaire,c’estunpeuunereconver-sion qu’on leur demande, poursuitl’historienClaudeLelièvre.Celasup-posequ’ils sepréoccupentdavanta-ge de la formation professionnelle,alors que ce n’est pas là qu’ils trou-vent leur légitimité, leursvaleurs.»

«L’université esthistoriquementdu côté de la connaissance et de larecherche,pasducôtédesmétiers»,conclut M.Auduc. C’est d’ailleurscequiexpliquepourquoi lesécolesde magistrats, d’ingénieurs ou devétérinaires se sont construites endehors de l’université. Une tradi-tion qui pèse et risque de peserencore longtemps sur la réformedeVincentPeillon. p

Aurélie Collas

DEPUIS 1954L’ISTH CONFIRMEVOS VOEUX DERÉUSSITE AUXGRANDES ÉCOLES

Sciences Po. Paris

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Enseignements supérieurs privés

Lesadmissiblescontractuels,«générationsacrifiée»

L orsdesvœuxduprésidentdela République au Conseilconstitutionnel, lundi 6jan-

vier à l’Elysée, Jean-Louis Debré aadressé un sévère rappel à l’ordresur les travers de la productionlégislative. «Le Conseil constitu-tionnel a aujourd’hui à connaîtredeloisaussi longuesqu’imparfaite-ment travaillées», a-t-il déploré. LeprésidentduConseil constitution-nel fustige l’abondance de «dispo-sitions incohérentes et mal coor-données », de « textes gonflésd’amendements non soumis àl’analyse du Conseil d’Etat», de«modifications récurrentes desmêmes règles».

La critique des « lois bavardes»,deslois«malfaites»,n’estpasnou-velle. D’autres gouvernements etd’autres majorités avant ceux-cis’y sont exposés.Mais le président

du Conseil constitutionnel s’alar-me, en outre, de devoir «subir desbégaiementsetdesmalfaçonslégis-latives». Cible de son propos: unmouvement qu’il juge «préoccu-pant» qui consiste à réintroduire,d’une année sur l’autre, des dispo-sitions qui ont déjà été censurées.M.Debréyvoit«uneremiseencau-se de l’autorité de la chose jugée».

«Il est biensûrnaturelet confor-me à l’esprit de la VeRépubliquequ’à la suite d’une censure le gou-vernement et le Parlement puis-sent chercher à atteindre l’objectifqu’ils s’étaient fixé par d’autresvoies, désormais conformes à laConstitution, admet le présidentduConseil.C’estcequelegouverne-ment a fait, par exemple, pour lataxationdite à 75%des hauts reve-nus.» Qui, dans sa nouvelle ver-sion, a cette fois été validée.

En revanche, M.Debré s’agacedes dispositions législatives adop-tées «alors qu’elles contrevenaientdirectementà l’autoritéde la chosejugée par le Conseil». Il en est alléainsi de la nouvelle mouture des«clauses de désignation» pour lescomplémentaires santé, rebapti-sées « clauses de recommanda-tion»dans ladernière loide finan-cement de la Sécurité sociale, unenouvelle fois censurée par leConseil constitutionnel.

«Situation préoccupante»Demême, sont revenus dans la

loi de finances pour 2014 des arti-cles qui avaient déjà été annulésl’année précédente sur les droitsde succession en Corse, sur le pla-fonnement de l’impôt de solidari-té sur la fortune ou sur la cotisa-tionfoncièresurlesbénéficescom-

merciaux.Le Conseil «n’a alors puque les censurer une deuxième, ouplutôt, j’espère, une dernière fois»,regrette M.Debré, qui fait égale-ment état de l’instruction donnéeen juin par le ministre du budget,Bernard Cazeneuve, sur lescontratsd’assurance-vie,quirepre-nait une disposition retoquée sixmois plus tôt par le Conseil.

«Cettesituationestpréoccupan-te, insisteM.Debré dans ses vœuxau président de la République.L’Etat de droit est fondé sur le res-pect de la règle de droit et des déci-sionsde justice.» Il rappelleque,autitre de la Constitution, l’autoritédes décisions du Conseil «s’impo-se aux pouvoirs publics et à touteslesautoritésadministrativeset juri-dictionnelles».

«Le respect de la Constitutionn’est pas un risque, c’est un

devoir», avertit M.Debré, s’adres-sant à celui qui, par ses fonctions,est chargé d’y veiller. Le présidentdu Conseil constitutionnel presseFrançois Hollande d’agir en cesens. Il espèrevoir seconcrétiser lavolonté exprimée par le chef del’Etat,àl’occasiondu55eanniversai-re de la Constitution, de «disposi-tions législativesmieux préparées,plus cohérentes et désormais sta-bles».

Dans son discours, M.Hollandea indiquéavoir«demandéaugou-vernement que la confection desprojets de loi respecte» les recom-mandationsduConseil.«Lasimpli-fication est un devoir qui s’imposeau législateur», a-t-il poursuivi,soulignantque«la loi doit veiller àêtre claire et intelligible». Il n’y aplusqu’à…p

PatrickRoger

«C’estunecrainterécurrentedes

universitairesdevoirlabalancepencher

tropducôtédelatransmission

dessavoirs»Jean-LouisAuduc

ancien directeur d’IUFM

Leministre de l’éducation, Vincent Peillon, à l’université Toulouse-I-Capitole, le 26août 2013. LYDIELECARPENTIER/REA

LesécolesdeprofsapprennentencorepeuàenseignerL’ambitiondeVincentPeillondemettrel’accentsurlapratiquedel’enseignementautantquesur lessavoirsseheurteàdesrésistances

ENSEIGNER, elle en rêvait. Sylvie(leprénomaétémodifié), 50ans,élève seule ses trois enfants. Aprèsune carrièredans le commerce,elle décide, il y a sept ans, dereprendre ses études: diplômed’accès auxétudesuniversitaires– l’équivalentdubac –, puis licen-ce etmasterde lettres. Enjuin2013, elle réussit les écritsd’admissibilitédu capes (lesorauxsont prévus en juin2014).«J’ai sauté de joie, raconte-t-elle.Mais à la rentrée, la déceptiona ététotale. Aujourd’hui, j’ai la boule auventre tous lesmatins.»

Sylvie faitpartied’unegénéra-tion intermédiairede futurspro-fesseurs–entre ladernièrepromo-tionde la réformeDarcosde la for-mationdes enseignants, en 2010,et lapremière«promotionPeillon».Onlesappelle les«admis-sibles contractuels».Une«généra-tion sacrifiée», selon leSNES-FSU,

pour laquelle«rienn’a étéprévu».Il est vrai que l’éducationnatio-

nale n’a pas épargné sanouvellerecrue. Premier problème: sonaffectationdansun lycéeprofes-sionnel difficile de l’académiedeVersailles, qui plus est à uneheu-red’autoroutede sondomicile.Secondedéception: Sylvie, qui n’apas été forméeet ne sait «mêmepas faire un cours», se retrouveavecdes classes à examen– BTS etterminale technologique.

«Personne ne veut y aller»Troisièmedouche froide: l’état

du lycée. «A l’abandon! s’insur-ge-t-elle.Avecunproviseurdépas-sé, des enseignantsqui essaientd’empêcher le navire de couler et lebazardans les classes.» Les élèvesn’ont «aucun savoir-vivre, aucuneambition. Je ne fais que lapolice. Jepense que j’ai étémutée ici parcequepersonnene veut y aller…»

Cerise sur le gâteau, Sylvie a dûattendre le 4novembrepour tou-cher ses salaires de septembre etoctobre.«Onm’a fait du chanta-ge, accuse-t-elle. J’ai signé en aoûtun contrat de 15heures par semai-nepour 1300 euros netmensuels.Le rectoratm’appelle en septem-bre pourmedire qu’il y a euuneerreur et que je dois passer à 9heu-res pour 1000euros. Impossiblevuma situation.Onm’a réponduque si je voulais être payée, jedevais signer le nouveau contrat.»Déceptionaussipour la formationproposée: trois joursd’accueil finaoûtet trois joursde formationennovembreetdécembre.

Sur le papier, les rectoratsdevaientpourtant faire preuvedebienveillanceauprès des admissi-bles contractuels.«Vous veillerez,dans lamesuredu possible, à nepas [les]affecter dans les établisse-ments les plus difficiles», indique

une circulaireministérielle. Il fal-lait aussi que «des actionsde for-mationprofessionnalisante (…)soientproposées». Au rectorat deVersailles, on assure que «six jour-nées de formationpédagogique»sontprévues, que «tous lescontractuelsont un tuteur» et que«les établissements les plus diffici-les ont été évités».

Sylvie est-elle un cas isolé? Paspour le SNES, qui dit jouerun rôledebureaudes plaintes depuis larentrée. «Onagéré des dizainesdeproblèmesd’affectation, d’orga-nisation, de retardde paiement,de tuteurs oude formation inadap-tée», rapporteNadègeMuzard,déléguée syndicale. AVersailles,unevingtainede contractuels adémissionnédepuis la rentréedans le secondaire (sur 500). En ceretourde vacances, Sylvie est biententéede leur emboîter le pas.p

Au. C.

LeprésidentduConseilConstitutionnelfaitpartdesonagacementAl’occasiondesvœux, Jean-LouisDebréaadresséunsévère rappelà l’ordre sur les«malfaçons législatives»

70123Mercredi 8 janvier 2014

Page 8: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Mercredi 8 janvier à 20h30

Bruno LEMAIREInvité de

Emission politique présentéepar Frédéric HAZIZA

Avec :Françoise FRESSOZ, Sylvie MALIGORNE et Marie-Eve MALOUINES

sur le canal 13 de la TNT, le câble, le satellite, l’ADSL, la téléphonie mobile, sur iPhoneet iPad. En vidéo à la demande sur www.lcpan.fr et sur Free TV Replay.

www.lcpan.fr

Et

Serge Dassault (à gauche) à Corbeil-Essonnes, en juillet 2013. ARNOBRIGNON/SIGNATURES

C ’est une circulaire ministé-riellequi ressembleàunparijuridique. Lundi 6 janvier,

Manuel Valls a adressé à tous lespréfetsuntextequileurexposel’ar-senal légal permettant auxmairesd’interdire les spectacles de Dieu-donné M’bala M’bala. Sa tournéenationale doit débuter le 9janvierau Zénith de Nantes, situé à Saint-Herblain(Loire-Atlantique).Pourleministre de l’intérieur, la «répon-se» aux propos antisémites deM.M’bala M’bala «doit avant toutêtre d’ordre pénal», par le biais depoursuites pour «provocation à lahaineraciale».«Néanmoins,l’auto-rité administrative dispose égale-mentdepouvoirs luipermettantdefaire cesser les troubles à l’ordrepublic», veut croireM.Valls.

Jusqu’ici, toutes les tentativesd’interdiction s’étaient heurtées àla jurisprudence du Conseil d’Etat.L’arrêt Benjaminde 1933 est le pluscouramment cité: la haute juridic-tion administrative avait annulél’interdiction d’une réunion publi-qued’un écrivainantisémitepar lemaire de Nevers, estimant que le

trouble à l’ordre public n’était passuffisamment constitué. «L’arrêtBenjamin place les maires devantune impasse car son applicationstricte ne permet pas l’interdictionpréventive d’un spectacle», estimeDanièle Lochak, professeur éméri-te de droit public à l’université deParis-Ouest-Nanterre-LaDéfense

Toutefois, cette jurisprudence aété infléchie à plusieurs reprisesdepuis. «Le libéralisme de l’arrêtBenjamin s’est souvent trouvé prisen défaut, le Conseil d’Etat n’hési-tant pas à valider l’interdiction denombreusesréunionsoumanifesta-tions,qu’ellessoientlefaitdel’extrê-me droite juste avant la guerre, descommunistes pendant la guerrefroide,oudesmouvementsindépen-dantistes avant la décolonisation,rappelle MmeLochak. Pour justifierces interdictions sans donner l’im-pressiondetrahirlesprincipes,ilsuf-fitdegrossirunpeulerisquedetrou-ble à l’ordre public ou d’invoquerdes circonstancesexceptionnelles.»

Dans sa circulaire, le ministrede l’intérieur s’appuie notam-ment sur la présence systémati-

que de propos diffamatoires etantisémites lors des spectacles deM.M’bala M’bala. Les «infractionspénales» ainsi constituées «nepeuvent être regardées comme un“dérapage” ponctuel qu’explique-rait la libre expression artistique,mais elles sont délibérées, réitéréesen dépit de condamnations péna-les précédentes et constituent undes ressorts essentiels de la repré-sentation»et elles«sont liéesàdespropos ou des scènes susceptiblesd’affecter le respect dû à la dignitéde la personne humaine». M.Vallsfait ici référence à une autre juris-prudence du Conseil d’Etat, quiavait validé, en 1995, l’interdictiond’un spectacle de lancer denain.

JurisprudenceDieudonnéDans la foulée de la publication

de la circulaire, lundi après-midi,lemaire (UMP)deBordeaux,AlainJuppé, a annoncé qu’il interdisaitla représentation programméedanssaville le26janvier.Quantaupremier spectacle qui doit se tenirdans le fief de Jean-Marc Ayrault,le premierministre a affirmé lun-

din’avoir«aucundoute»surl’arrê-té en faveur de son annulation.L’avocat de M.M’bala M’bala aannoncé à l’AFP que chaque déci-sion serait contestée devant le tri-bunal administratif. «Qu’il donneraison à l’une ou l’autre des deuxparties, ladécisiondu juge seraévi-demment soumise au Conseild’Etat par la voie de l’appel. Onpeutdoncpenserqu’ons’acheminevers une jurisprudence Dieudon-né», jugeMme Lochak.

Les ennuis de M.M’bala M’balapourraient également s’étendre àsonthéâtredeLaMaind’Or,dans le11earrondissement parisien. SelonlesinformationsdupaparazziJean-Claude Elfassi, à la pointe du com-bat contre Dieudonné, confirméespar Libération, mardi 7janvier, lespropriétairesde la salle–des inves-tisseurs – envisageraient d’expul-ser son encombrant occupant. Lebailavaitétéaccordéàuneentrepri-se,BonnieProduction,aujourd’huiabandonnée par M.M’bala M’balaet radiéeduregistredes sociétés. p

FrançoisBéguinet LaurentBorredon

U n curieux déjeuner s’esttenu jeudi 14février 2013,au «Rond-point», le siège

dugroupeDassault.SergeDassaultet Jean-Pierre Bechter, son succes-seur à la mairie de Corbeil-Esson-nes (Essonne), ont convié à leurtable Riad Ramzi, le numéro2 del’ambassadeduMarocà Paris.Offi-ciellement,ilestquestiondelaven-te d’avions F16 et du Rafale. Offi-cieusement, on aurait aussi parléde Corbeil, de ces « loustics» quifont chanter l’industriel et séna-teur UMP – et du moyen de lesréduireausilence.

C’est en apprenant l’existencedu plan échafaudé par Serge Das-sault et son entourage que FatahHou, l’unde ces «loustics», a dépo-sé plainte vendredi 3 janvier pour«association de malfaiteurs» et«collecte de données à caractèrepersonnel». Son avocate MarieDosé dénonce le projet qui visait à«faire interpeller [son client]par lapolicemarocaine(…)etlefaireincar-cérer arbitrairement au Maroc»lorsde l’unde sesnombreuxvoya-ges sur place. Ce projet est révélépar des écoutes téléphoniquesentre les mains des juges quienquêtentsur le systèmeDassault.

FatahHouest l’unde ceuxqui avoulu dénoncer les pratiques pré-sumées d’achats de votes à Cor-beil. Cinq jours après ce déjeunerauRond-point, il se faisait fait tirerdessus par Younes Bounouara,l’undesprochesdel’avionneur,enplein centre-ville de Corbeil. Enapprenant la nouvelle, Serge Das-sault a ri, relève Marie Dosé danssaplainte.«Il fitmined’avoirenvied’envoyer des fleurs à la victimeavant d’éclater de rire. » « J’ai ri,c’est comme cela», a expliqué Ser-ge Dassault aux policiers. Mais «àl’heure d’aujourd’hui, il ne nousfait plus chier», ajoute l’industriel.

Lemaire de Corbeil, Jean-PierreBechter, a veillé avec une atten-tiontouteparticulièreàlaprépara-tion de ce déjeuner. La veille, il atéléphoné à Machiré Gassama, ledirecteurdu servicede la jeunesseet des sports de Corbeil, pour luirappeler de lui envoyer au plusvite« lesnomset les adressespréci-ses des deux loustics et les télépho-nes (…). On a monté le déjeunerpour ça, hein», insiste-t-il. Le soirmême, il lui faisaituncompteren-dudétaillé de cette rencontre.

Le conseiller de l’ambassadeurs’est montré compréhensif, expli-que-t-il. «Le mec, il se pourléchaitles babines (…) : “Oui, oui, oui, on va

s’enoccuper,MonsieurDassault, nevous inquiétez pas, (…) ces gens-làvous font chanter.”» Le «nouvelambassadeur,vousserezcontentdel’entendre, c’est l’ancienministre del’intérieur», poursuit M.Bechterdans un rire. «Je sens que quand ilsvont arriver au Maroc, ils vont êtresurpris de l’accueil à la descente del’avion.» «Ça, c’est une bonne nou-velle (…), çanousenlèverauneépine,hein», s’enchante Gassama. «Ohputain, ça, c’est vrai, répond lemai-re. C’est les trois derniers emmer-deursheinquandmême.»

Les explications de Serge Das-sault sur ce déjeuner furent pourlemoinsconfuses. Il étaitquestion«qu’ils aillent au Maroc dans leurfamille et qu’on n’en entende plusparleràCorbeil.C’est ceque je com-prendsdans ce quevousmedites»,essaie l’industriel. «Si Fatah HouavaitétéauMaroc,ça luiauraitévi-té de se faire tirer dessus.»

C’étaitune tentativede«média-tion» avec les parents des « lous-tics»parce que «les enfants décon-naient», rien d’autre, assure le

directeur de la jeunesse de Corbeil.Les «noms et les adresses des deuxloustics et les téléphones»? «Unehistoire de visa», répond Jean-Pier-re Bechter, qui confirme tout demême que « l’organigramme desréseaux de nuisance sur Corbeil»retrouvé dans son bureau et surlequel figure le nom de FatahHouétait la liste des «emmerdeurs quinuisaientàSergeDassaultetàmoi-mêmedans le cadredenosactivitésàCorbeil-Essonnes».

Younes Bounouara, l’hommequia tirésurFatahHoule19février2013, avait lui les idées unpeuplusclaires. Il n’était pas présent audéjeuner, mais Machiré Gassamal’avaitprévenuque«Fatah [aurait]des problèmes avec la policemaro-caine». « J’ai l’impression qu’ilsallaient les faire arrêter pour racketau Maroc (…) [parce que] la policefrançaise ne faisait rien. (…) Si lesgens rackettent des amis du roi duMaroc, ça paraît évident que si c’estdes Marocains, il va les remettre àleurplace.»

Les faits dénoncés par FatahHouetsonavocateécornentlepor-trait de victime que s’efforcent debrosser depuis quelques semainesles conseils de Serge Dassault. Ladate retenue pour leur dépôt deplainten’a riend’anodin.Mercredi8janvier, lebureauduSénatdoitseprononcersur lademandedelevéed’immunité parlementaire de Ser-geDassault. Les jugesparisiensquienquêtent sur le systèmeprésumé

d’achatsde vote souhaitent enten-drel’ancienmairedeCorbeilengar-deàvue.LeprocureurdeParisaren-du un avis favorable et soutient larequêtedesmagistrats.

La réaction du camp Dassaultne s’est pas fait attendre. Lundiaprès-midi, ses avocats Mes PierreHaïk et Jean Veil dénonçaient une«instrumentalisation judiciaire»et ont actualisé la plainte déposéedébutnovembre2013pour«chan-tage, menace» et «tentative d’ex-torsionde fonds».

MM. Dassault et Bechter ontreçuunevingtainedeSMSde«maî-tres chanteurs» pendant les fêtes.«Pour vous souhaiter un bonNoël,sachez qu’une plainte sera déposée(…)pourtentatived’enlèvement (…).Il n’y aquevousquipuissiezarrêterl’engrenage de cette histoire quisera votre fin.» Jean-Pierre Bechterfut prié «de rendre la raison à SD[Serge Dassault]», sinon «plus demairieetcertainementdansunave-nirproche caseprison».

Le3janvier,René,unautre«lous-tic», «fatigué», et «qui ne deman-de que d’être votre ami», supplieSerge Dassault de lui accorder«une discussion à cœur ouvert entête-à-tête comme nous le faisionsdanslepassé»pour«unepaixami-cale et définitive». «C’est toujourslamêmehistoire. A chaque fois queM.Dassault est gêné judiciaire-ment, il dépose plainte pourmena-ces», ironiseMarieDosé.p

EmelineCazi et SimonPiel

QuandSergeDassaultsurveillaitses«loustics»auMarocUnhabitantdeCorbeilaportéplaintepour«associationdemalfaiteurs»contre lesénateurUMP

M.Vallsfournitauxpréfetsl’arsenalpourinterdirelesspectaclesdeDieudonnéL’avocatdupolémistea indiquéquechaquedécisiond’interdictionserait contestéeenjustice

france

«Je suis critique,mais pasventdebout»EmmanuelMaurel, leader de l’aile gauche du PS, affiche sonscepticisme après la proposition deM.Hollande d’un «pacte deresponsabilité» avec leMedef, estimant que «le seul pacte quivaille, c’est celui passé entre le président et ses électeurs».

Lesfaitsdénoncésécornentleportrait

devictimeques’efforcent

debrosser lesconseilsdeSergeDassault

AParis, ladurebatailledu5earrondissement

MUNICIPALES

L’UMPneprésenterapasdecandidatàNeuillyLenomde l’ancienneministreMichèleAlliot-Marie avait circulé,mais l’UMPa finalementdécidé denepas présenterde candidataux électionsmunicipales àNeuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine),l’ancien fief électoral deNicolas Sarkozy (61000habitants). Lun-di 6janvier, la fédérationdépartementalede l’UMPdesHauts-de-Seine a décidé de soutenir lemaireUDI sortant, Jean-ChristopheFromantin, élu en 2008, candidat à sa propre succession.Un son-dage récent a donnéM.Fromantin en tête du scrutinmunicipalqui aura lieu les 23 et 30mars.p

Justice L’affaire des bébésmorts deChambérytransférée àMarseilleUnejugedupôlede santépubliquedeMarseilleva instruire l’affai-redesbébésmorts contaminéspardespochesalimentairesà l’hô-pitaldeChambéry, aannoncé leparquet lundi6janvier. Leminis-tèrede la santéadesoncôtédéclenché«denouvelles inspections»sanitaires. Le laboratoirenormandMarettea reconnuavoir fournidespochesalimentairesà l’hôpital,maisassureque rienneper-metdemettreencause son«professionnalisme». – (AFP.)

Affaire Leonarda: le rapporteur public conclutaurejet des requêtes de la familleDibraniLe rapporteurpublicdu tribunal administratif deBesançonaprô-né,mardi 7janvier, le rejet des requêtes déposéespar la famillede la jeuneKosovare LeonardaDibrani, expulséede France le9octobre 2013, pour obtenir un titre de séjour en France. La déci-siondu tribunal devrait être renduedansdeuxou trois semai-nes. – (AFP.)

I l fallait courirvite, lundi6jan-vier,pourattraperquelquesphrasesd’AnneHidalgovenue

inaugurer lapermanencede lacandidatedegaucheà lamairiedu5earrondissement,Marie-Chris-tineLemardeley, etnepasman-quer, à400mètresde là, l’arrivéedeFrançoisFillonqui inauguraitcellede la candidatededroite, Flo-renceBerthout.

C’estdans cet arrondissementsymboliquequ’acommencé labatailledeParis, aujourd’hui théâ-tred’uneguerrede tranchéesoùlesobuscommencentàpleuvoirdru.Etpasquesur l’ennemi.Bron-zé, impeccable, l’ancienpremierministreaadministréàNathalieKosciusko-Morizet,une leçonunpeuperverse. Et la candidatea faitgrisemineenentendantencorevanter lesTiberi, sabêtenoire.

«L’unité est possible»«J’aibeaucoupde respectpour

JeanTiberi, qui a étéunexcellentmairedu5earrondissementet quia joué commemairedeParis, etauxcôtésde JacquesChirac,unrôle souventbienméconnu», acommencéM.Fillon. Ledéputédela circonscriptionaaussiglissécet-tepetitevacherieà l’adressede

NKM:«Je suisheureuxdevenir lasoutenirpour la troisième foisdepuisquelques semaines.»

Maisévidemment, il était làpourappeler à l’union, alorsqueDominiqueTiberiparaîtdétermi-néàmaintenirsa candidaturecontre lacandidate investieparl’UMP:«Il fautpenserà l’intérêtgénéraldeParis. L’unité est tou-jourspossible, quelleque soit lalégitimitédesambitionsde cha-cun. L’intérêtgénéral c’estde se ras-sembler», a exhortéM.Fillon.Et iln’apasmanquéde souhaiter«queNKMsoitmairedeParis».

Auxcôtés de son «amie» etalliéedepremier tourduMoDem,Marielle de Sarnez,MmeKosciusko-Morizeta dit sonattachementau 5e : «J’ai faitmesétudes rue Saint-Jacques, j’ai habi-té rue LeGoff».Puis elle a lancé sacritique fétiche: «Onne veut pasfaire comme les sortants qui rem-placentun clanparunautre».

MmeBerthout a fait campagnesur le départ de l’universitéCen-sier vers le 12e, décidépar sonadversaire: «Je suis scandalisée,nous allonsnous battre contre cedéménagement», a-t-elle promis.CommeDominiqueTiberi. p

BéatriceGurrey

8 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 9: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

cultureppp EXCELLENT ppv À VOIR pvv POURQUOI PAS vvv ON PEUT ÉVITER

10–26 janvier 2014

texte et mise en scène michel deutsch

SaiSon 2013-2014mc93 tHÉÂtRe De tOUs Les AiLLeURs /www.mc93.com /01 41 60 72 72

Aciel ouvert

ppv

R emarquéeen2003pourHis-toire d’un secret, beau docu-mentaire dans lequel elle

perçait un secret de famille surfond d’avortement clandestin,Mariana Otero n’avait plus donnédenouvelles ensuite jusqu’à 2010,quand est sorti Entre nos mains.Dans ce dernier film, elle rendaitcompte de l’aventure desemployés d’une entreprise de lin-gerie en faillite qui, en décidantdela racheter pour la transformer enSCOP,prenaient leurproprevieenmain.

Tourné au Courtil, une institu-tionpsychiatrique située enBelgi-que, dans laquelle les interve-nants,s’inspirantdelathéorielaca-nienne et des principes de la psy-chanalyse institutionnelle,œuvrent à fournir aux enfants unenvironnement dans lequel ilspuissent s’épanouir, A ciel ouvertest son troisième long-métrage. Ilconfirme que Mariana Otero estunecinéastepatiente,quiprend letemps qu’il faut pourmodeler sesidées, sa matière, jusqu’à ce qu’el-les trouvent leur juste forme.

Ilrévèleenmêmetempslacohé-rencede son travail qui, filmaprèsfilm,creuseunsillonténu,àlalisiè-redel’intimeetdusocial.Danscha-cundeses films, lamêmealchimieest à l’œuvre, qui canalise la char-ge émotionnelle, souvent violen-te, des histoires de ses personna-ges en les inscrivant dans uncontexte institutionnel, histori-que ou politique plus large. Et quileur donne une coloration vibran-teparticulière.

Dès le premierplan, où l’onvoitAmina, 7 ansenviron, assénantà lacinéaste qu’elle a bien l’intention,elleaussi,deseprocurerunecamé-raquandelleseraplusgrande,etdefilmer ce qui l’entoure, le principedufilmestdonné.Aminas’adresseàMariana, laréalisatrice,commeleferont régulièrement les enfantsdans ce documentaire. Dans laséquence suivante, une petite fille

touche la lentille de l’appareil,dans celle d’après, un garçon faitundoigtd’honneurà la caméra.

Mariana Otero a toujours assu-mé sa présence dans ses films,comme pour signifier la transfor-mationquecelle-ciopèrenécessai-rementsur le réel.Mais lamanièredontlacinéastes’inscritdanscelui-ci est différente. L’affirmation desa présence ne relève pas seule-ment de la prévention éthique ;c’est le socle du film.

Dans cette institutionoù le rap-port des enfants au réel ne va pasde soi, et où il est au centre de tou-tes les attentions, l’intrusiond’une étrangère bouleverse l’éco-

système.Il suffitdevoircequiarri-ve quand débarque un nouvelenfant: saprésenceaudéjeuner, lepremier jour, déchaîne chez sescamaradesde tabléeunconcert decris ininterrompus, insupporta-ble, qui force les adultesàdéplacerune partie du groupe dans uneautrepièce.

Enredéfinissantlesplacesrelati-vesdechacun,lenouveaupension-naire a brouillé leurs repères, sug-gérera une des intervenantes aucoursd’unedessessionshebdoma-dairesaucoursdesquelleslesadul-tesduCourtilpartagentleursexpé-riences et en débattent. Ce cri col-lectif donnait le sentiment qu’ils

neformaientplusqu’uncorpsuni-que, indifférencié.

Au Courtil, la parole est reine.Pour favoriser l’épanouissementdes enfants, qu’ils soient autistesou psychotiques, les adultes ten-tent de comprendre leur rapportaumondecommeondéchiffreraitune langueétrangère. Et à y répon-dreens’yadaptant. S’ils travaillentà plusieurs, explique l’un d’eux,c’est «pour ne pas être le “grandautre” qui veut jouir des petitssujets psychotiques mais essayerd’être un “petit autre”, c’est-à-direun semblable». Autre principe quien découle : avoir «une demandenulle» vis-à-vis de ces enfants, et

avoirsoi-même«quelqu’unau-des-sus qui dit “tu dois faire ça, tu nedois pas faire ça”»… Sinon «on nepeutrienfaireavecunsujetpsycho-tique. Soit il nous tape, soit ildevient l’objet, unobjetdéchet».

Une grande douceur se dégage,de fait, des rapports entre enfantset intervenants,mais aussi de l’at-mosphère générale, de la lumière,de lanaturequientourecetanciengrandcorpsde fermedont lespen-sionnaires passent une partie deleur temps à flâner, à jardiner, àjoueraveclaterre, lesvégétaux, lesanimaux.

Le film entre progressivementdans leur monde, donnant à le

comprendre par un subtil travaildemontageentredesscènesdeviequotidienne filmées avec tendres-seetempathie,unebelleattentionaux gestes, aux expressions, etd’autres captées en entretien, oupendant des réunions, où se dis-tilleuneprécieusepartdepédago-gie sur la psychose, sur lesconceptsdebasede la théorie laca-nienne,quelaréalisatricedévelop-pe largement par ailleurs dansAcielouvert,entretiens–LeCourtil,l’invention au quotidien, un livred’entretiens qu’elle a conduitsavec une des intervenantes,Marie

Brémond,etdontlaparution(Bud-dyMovies, 127p., 12 euros) accom-pagne la sortie du film.

S’ils apparaissent d’abord com-me des territoires étrangers, desmonades impénétrables, lesenfants finissent, insensiblement,par s’ouvrir, comme s’ils invi-taientlespectateurdansleurmon-de. C’est dans ce mouvementd’ouverture que résident l’intérêtet la beautédu film.

Comment advient-il? Le tempspassé avec les enfants joue sonrôle. La parole de ces adultes quiles entourent, qui cherchent sansrelâcheà comprendre la singulari-té de leur rapport aumonde, don-ne des clés supplémentaires. Sansdoute ce mouvement traduit-il,aussi, l’intégration de la cinéastedans l’institution. En trouvant saplace parmi ces enfants, elle ins-taure avec eux un rapport deconfiance. Quelque chose de leurdouleur, de leurs talents, de leurpersonnalité, devient alors sensi-ble, partiellement compréhensi-ble, bouleversant. p

IsabelleRegnier

Documentaire françaisde Mariana Otero (1 h50).

MarianaOteroatoujoursassumé

saprésencedanssesfilms

Pour tonanniversaire

ppv

A ncien alto solo de l’Orches-tre symphonique françaisetprofesseurdepuisplusde

vingt ans d’alto et de musique dechambre au Conservatoire natio-nal de régionde Strasbourg,DenisDercourtréaliseunhuitièmelong-métrage irrigué par lamusique etle conte populaire allemands.

Œuvrant hors des sentiers bat-tus, le réalisateur a embarqué sacaméra en Allemagne, où il vitdepuis quatre ans. En 2012, il y atourné La Chair de ma chair, filmd’horreur cannibale sur unemère

à la santé mentale vacillante. Lecinéma de Denis Dercourt, à quil’on doit encore le thriller remar-qué La Tourneuse de pages, en2006, résulte de ce savant alliagede culture classique et de cinémade genre. Tourné de nouveau enAllemagneet, cettefois-ci, intégra-lement dans la langue de Goethe,Pour ton anniversaire établit cefructueux brassage d’influencespuisqu’il convoque à la fois leMärchen (conte populaire alle-mand) et le cinéma fantastique.

LeDiable, le fatum, la culpabili-té, l’effroi infusent la culture alle-mande. Denis Dercourt reprendces grands thèmes à son compte,pourlespasseraufiltredesasensi-

bilité de musicien puisque sonfilm est, par ailleurs, viscérale-menttravailléparlesformesmusi-cales.

L’étonnantécheveauque le réa-lisateur va nouer, du début desannées 1980 jusqu’à nos jours, apourorigineunerivalitéamoureu-seentreadolescents.Paulestsecrè-tement amoureuxd’Anna, la peti-te amiedesoncamaradeGeorg. Lejour de ses 16ans, Georg lui «don-ne» la jeune fille, à condition qu’illa lui rende à l’identique, quandbon lui semblera. Après avoir scel-lé ce pacte, Georg disparaît avecune autre fille, choisie au hasard.Trenteansplustard,Georgréappa-raît. Ilprendladirectionde l’entre-prise où officie Paul qui, dans l’in-tervalle, a fondé une famille avecAnna. Vient-il reprendre ce qui luiappartenait?

Frontière fantômeFilmant lapremièrepartiedans

une ex-RDA baignée par unelumière solaire, Denis Dercourtrompt avec les tonalités terneshabituellement affectées à l’Alle-magne de l’Est. Une singularitédont profite l’intrigant récit qu’ilva développer. Bien qu’inscritdanslatraditiondupactefaustien,le film emprunte des chemins detraverse qui suspendent le réalis-meet l’accrochentàuncauchemarengourdi.

Lesretrouvaillesentre lecoupleet le froid et mystérieuxGeorg netardentpasàdistilleruneangoisseprenante. Sylvester Groth, venudu théâtre de l’Allemagne de l’Est,

danslerôleduDiableauxdesseinsopaques, exerce une séductionfatale et inquiétante, essentielle àson rôle.Mais quand on croit qu’ilmène le jeu, une autre facette del’histoire se révèle, plus politique.C’est là toute la richesse de cethriller. Intelligemment ficelé, ilrattache le folklore germanique àlamusique et à l’histoire contem-porainedupays.

Pour ton anniversaire parle,sansnostalgie, de cetteAllemagnecoercitived’avant la chuteduMuret de la subsistance d’une frontiè-refantôme,aulendemaindelaréu-nification. Une frontière physi-que, autant que psychologique etsocialepour lespersonnages. Cou-ple de petits bourgeois, Paul etAnna incarnent la réussite surtous les plans. Georg les renvoiebientôtà leurculpabilité.Letempsd’un week-end, le trio d’originedevient quatuor. Invités dans lamaison de campagne du couple,Georg et sa femmeYvonne appor-tent confusion, désordre etmena-ce qui culminent dans une scènede chasse. Elle libère les conflits etles rancœurs larvés, pour les faireéclaterquelquesscènesplus loin,àl’occasion d’un final glaçant oùl’ondécouvreque lepersonnageleplusdiaboliquen’estpas celui quel’onpensait.

La variation faustienne laisseainsi place à un filmde vengeancesec qu’on n’entrevoyait guère etquedes ressortsdramatiques sansesbroufe, unemise en scène sobreetefficace,etunebande-sonàl’ave-nant parent des plus belles quali-

tés. Pour ton anniversaire confir-me Denis Dercourt en amoureuxde films de genre, qu’il revisite àl’aune d’un romantisme noirincandescent. p

SandrineMarques

Film franco-allemandde Denis Dercourt. Avec MarkWaschke, Marie Baümer,Sylvester Groth, Sophie Rois,Johannes Zeiler, Saskia Rosendahl(1h23).

Lacinéaste, lacaméraetlesenfantsMarianaOteroapartagépendantplusieursmois lequotidiende jeunespatientsd’uneinstitutionpsychiatrique

Trenteansplustard, lediablerevientcherchersondûDenisDercourta fabriquéunthrillerquimêle intelligemment le folkloreallemandà lamusiqueetà l’histoirecontemporainedupays

MarianaOtero a choisi de tourner au Courtil, une institution psychiatrique située en Belgique. ROMAIN BAUDEAN

90123Mercredi 8 janvier 2014

Page 10: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Philomena

ppv

I laurafallubiendutempsàPhi-lomena(JudiDench)pourmon-trer sa grande blessure: deve-

nue vieille dame, elle raconte unsoir à sa fille l’histoire qu’elle acachée à tous. Dans les années1950, après une nuit sous les étoi-les irlandaises avec un garçon aujolisourire,elleesttombéeencein-te. Placée dans une institutiontenue par des religieuses, elle a vuAnthony naître, grandir, et unbeau jour… partir. Adopté par desétrangersetemmenéversunedes-tination que l’on n’a jamais voulului apprendre.

Alors que tout espoir de retrou-ver Anthony semble perdu, Philo-mena croise le chemin de MartinSixsmith (Steve Coogan), un jour-naliste qui, devinant la matièred’un article à succès, accepte dereprendre l’enquête avec elle…

Plus connu du grand publicpoursestalentscomiquesquedra-matiques, l’acteur Steve Coogan(Tournage dans un jardin anglais,2004) a découvert l’histoire dePhilomenaLeedans le journal, etaimmédiatement voulu la porter àl’écran. Coscénariste et produc-teur du film, il s’est entouré duréalisateur Stephen Frears (LesLiaisons dangereuses, 1988, TheQueen, 2006) et de l’actrice tou-jours admirable Judi Dench, pourraconter la quête fragile mais pasdésespérée entreprise par Philo-mena Lee avec cinquante ans deretard.

A l’origine de ce récit, une belleintuition:aulieud’adapter le livreà succès de Martin Sixsmith, TheLost Child of Philomena Lee (éditéen français aux Presses de la Cité,sous le titre Philomena), les scéna-ristes ont choisi de faire de la rela-tion peu ordinaire entre la vieilleinfirmièreet le journalistedésabu-sé, qui n’apparaissait pas dans lelivre, le nerf de l’histoire.

Idéalement incarné par lesdeux acteurs principaux, ce tan-demdonne son souffle au film, etsa saveur particulière. A aucunmoment le pathos n’y aura droitde cité. C’est dans un bar à saladespopulaire que Philomena, tout enremplissant avec délectation sonbol, raconte pour la première foisson histoire à un Martin à demiconvaincu, et en l’assaisonnant decommentaires satisfaits sur lesqualités gustatives du repas. Lui,qui a connu les hautes sphères dumonde politique, le raffinementampoulé des belles manières, estd’abord réticent à se laisser désar-çonner par l’expérience unique à

laquellecettepetitevieilledamesitranquille l’invite.

Le film déroule longtemps ettoujours justement l’étrangetétrès réciproque qu’ils éprouventd’abord. Philomena ne comprendpas le second degré que Martinaffectionne,etilsontdumalàtrou-ver lesmotspour se comprendre.

Bien pensé, bien construit, trèsbienécrit, lescénariodeSteveCoo-gan et de Jeff Pope est un modèled’équilibre et de finesse, qui s’ap-précie tout particulièrement dansson traitement des enjeux pour-tant polémiques de l’histoire.Au-delàdelaquestiondesmots,cesont les regards qui s’opposent.Etrangèreàtouteformed’acharne-ment revanchard, Philomenaconserve, àmesure que les décou-vertes se succèdent, une sérénitéque Martin est incapable de com-prendre.

Il voudrait s’approprier le dra-me,fairedireà laPhilomenatrans-formée ces paroles de rancune etde jugement qui ne lui viennent

jamais aux lèvres. Mais lente-ment, sans jamais faire autre cho-se que demeurer elle-même, avectoute sa finesse cachée et la forceextraordinairedesatolérance,Phi-lomena ouvre les yeux du journa-liste à sa versionde l’histoire, celledont il voulait la priver et à laquel-le elle a droit.

Dans un finale aux antipodesdu tragique, Sixsmith finit paraccuser le coup, et la véritableessence du film se dévoile: au tra-vers de cette rencontre et de l’his-toire malheureuse qui l’a orches-trée avec cinquante ans de retard,c’est bien d’une leçon de moralequ’il est et a toujours été question.Voilàquin’ariendetrèssensation-nel ni de très attirant, surtout sil’on venait chercher en Philome-na, comme Martin le faisaitd’abord, un parfum d’injustice etde scandale.

Mais arpentés par ces deuxacteurs extraordinaires, les che-minsquisecroisent,de la jeunesseàlavieillesse,delapolitiqueàl’inti-me et de la rancune au pardon,prennentunebeautésaisissante.p

Noémie Luciani

Film anglais de Stephen Frears. AvecJudi Dench et Steve Coogan (1h38).

culture

YvesSaint Laurent

pvv

L orsqu’il naît, le 1eraoût 1936 àOran, personne ne se douteque le petit YvesHenri Donat

Mathieu-Saint-Laurent va mar-querlesiècledusceaudesongénie.Comment imaginer que ce jeunehommefragileetdouxtransfigure-ra les rues dumonde entier par laseule grâce de son trait de crayon.DanscetteAlgérieencorefrançaisedont on ne sait pas qu’elle est enpasse de devenir «la chemise salede laFrance», unemèreaimanteetcoquette le couve de son regard.Déjà,danssapetitechambre,ildes-sine des vêtements commed’autresrespirent.Naissanced’unelégende.

Le sait-on à présent ? Mesu-re-t-on à quel point cet homme,Yves Saint Laurent, fait partie denotre vie? La femme en caban ouen tailleur-pantalon? C’est lui. Etc’est toute l’esthétiqueurbainequis’en est trouvée bouleversée. Cetterévolution aussi bien artistiqueque sociologique, Yves Saint Lau-rent, le filmde Jalil Lespert, ne par-vient malheureusement pas à enrendre compte, se contentant deramener la vie du couturier à unesimplehistoire, un albumque l’onfeuillette, qui plus est inachevé etdont on ne sait pas très bien pour-quoi il s’interrompten 1976.

A artiste de génie, cinéaste degrand talent : ainsi aurait-il fallusans doute poser les termes del’équation. En sachant de surcroîtque le comédien choisi pour inter-préter Saint Laurent, Pierre Niney,l’est, lui, formidable. Mais, pourcela, il lui aurait fallu un metteuren scène qui, par-delà les images,aille auplusprès de la folie créatri-cede cet artiste torturé.

D’Oran, voici le jeune Yves qui«monte» à Paris. 1955-1957: assis-tant de Christian Dior, avant dedevenirdirecteurartistiquede cet-te mêmemaison à la mort de sonfondateur. Interrogé dans Arts,Saint Laurent confie avoir alors«éprouvé un vide». «Ce n’était paslevidede lapeur,ajoutait-il,mais levide du rien. J’avais tellementconfiance en lui [Christian Dior],confiance dans tout ce qu’il disait,

ce qu’il faisait… Personne n’était làdésormais pour dire: cela est bien,cela estmal.»

Personne? Un type curieux,mi-homme d’affaires, mi-esthète,jouera dès lors ce rôle auprèsd’Yves Saint Laurent. D’emblée oupresque, il dit à celui dont il vientde tomber amoureux: «Yves, jesuis là. Le talent, tu l’as. Le reste, jem’en occupe. Je serai toujours làpour toi. » Cet homme, c’est évi-demment Pierre Bergé (actionnai-re du Monde). Dans le film, c’estGuillaumeGalliennequil’interprè-te. Ouplutôt essaie, tant ondevinesesdifficultésà forcersapersonna-lité. Ne parvenant pas vraiment àincarner cePygmaliondur et auto-ritaire,Galliennese réfugie, enboncomédienqu’il est, dans la gestuel-leetlesticsdecomportement.L’ap-parencedeBergé enquelquesorte.

Réforme du service militaire,éviction de chez Dior, les épisodess’égrènent. «Je veux pouvoir dessi-ner et créer en toute indépendance.Il faut ouvrir notre propre maisonde couture», lance Saint Laurent àBergé.Aussitôtdit, aussitôt fait (ou

presque). Premier défilé, premiertriomphe. Le Figaronote: «Il n’ap-porte rien de vraiment neuf. L’ave-nir nous dira s’il s’agit d’un feu depaille.»

L’avenir a répondu: ce fut unerévolution. Et l’homme qui l’or-chestra, un révolutionnaire à safaçon.FrançoiseGiroudabienrésu-mé l’affaire: «Le secret qui a renduYvesSaintLaurentsouveraindesonépoque, c’est qu’il hait la mode. Lamodetellequ’onl’entend,métrono-me stupide qui bat l’année à deuxtemps – été-hiver, hiver-été – et quivoudrait croire qu’il donne le la. »Comme en écho, Pierre Bergé a

écritceci:«Quiconqueavuunecol-lection d’Yves Saint Laurent saitbienqu’ilnes’agitpasquedemode.C’est tout un univers qui s’exprime,c’est touteuneculturefaitedepein-ture, de musique, de littérature, decinéma.»

De tout cela, qui fait que SaintLaurent est un artiste aussi intem-porel que le sont ses vêtements, lefilm,quis’estfaitpourtantavecl’ac-corddePierreBergé, ne suggèreendéfinitive pas grand-chose. Onentraperçoit bien AndyWarhol ouZizi Jeanmaire, mais c’est à croirequ’ilsnesontlàquepourfairetapis-serie. Du créateur dont l’unique

regretfutdenepasavoir inventé lejean, de l’artiste dont l’obsessionétait l’adhésion à la rue, il ne resteque quelques bribes noyées dansun personnage cantonné en créa-teur toxico-maniaco-dépressif.

Alors, puisque l’on n’a guère lechoix, on regarde. La collectionMondrian (sublime), ladécouvertedu Maroc et du jardin Majorelle(ratée), lesfemmesquientouraientSaint Laurent – Victoire (CharlotteLe Bon, formidable), Loulou de laFalaise (LauraSmet),BettyCatroux(Marie de Villepin). Histoiresd’amours,histoiresdebaises,délu-ge de coke, desmorceaux épars dela vie du couple Saint Laurent-Ber-gé défilent sous nos yeux. En voixoff, Pierre Bergé-Guillaume Gal-lienne se souvient. 1976 : «Tu esentré en maladie comme on entreen religion. Tun’étais plus heureuxque deux fois par an, au printempsetà l’automne.»

Il faudra attendre début 2002pourqu’Yves Saint Laurent et Pier-re Bergé décident de mettre fin àl’aventure de leur légendaire mai-sondecouture.«Créationetmarke-ting ne font pas bonménage. Cetteépoque n’est plus la nôtre», expli-quait alors Pierre Bergé en unemagnifique pirouette, clé man-quante, parmi d’autres, de ce filmdécevant.

Reste Pierre Niney. Plus qu’il nele joue, il est Saint Laurent. Epous-touflant. p

FranckNouchi

Film français de Jalil Lespert. Avec Pier-re Niney, Guillaume Gallienne, CharlotteLe Bon, Laura Smet (1h40).

LescénariodeSteveCooganetdeJeffPopeest

unmodèled’équilibreetdefinesse

LavieilledametranquilleetlejournalisteDansce filmsensibleet sanspathos,unduochercheunenfantenlevéautrefoisàsamère

TheSpectacularNowpvv

T he Spectacular Now, adaptédu roman éponyme de TimTharp, a bénéficié d’un buzz

important au dernier Festival deSundance, où ses deux jeunescomédiens ont reçu un doublePrix d’interprétation. Une distinc-tionméritée, car le film, c’est eux,ouplutôt elle, ShaileneWoodley.

Danscettecomédiedouce-amè-re, on ne voit que cette actrice de22ans,promiseàn’enpasdouter àunavenirglorieux.Elle illumine letroisième film de James Ponsoldt,dont les productions antérieuresne sont pas encore parvenues jus-qu’à nous. Toute la force de cetteproduction indépendante tientd’ailleurs à son casting sans faille,qui atténue ses fragilités.

Sutter est un garçon charmeur,populaire et intelligent. QuandCassidy, sa petite amie, romptavec lui, son monde s’écroule.

N’étant plus la coqueluche dulycée, Sutter s’adonne encore plusqu’à l’accoutuméeà la boisson.

Au sortir d’une nuit de beuve-rie, il atterrit sur un gazon où letrouve la douce Aimee. Responsa-ble, mature et raisonnable, lajeune fille est l’antithèsedeSutter.Mais fidèle au vieil adage selonlequel lescontrairess’attirent,Sut-ter et Aimee se lancent dans uneromance qui va permettre au gar-çon d’aborder l’âge adulte avecsérénité.

Traité sur lemode de la chroni-que lycéenne, avec son cortège depassages obligés (le bal de promo,la remise des diplômes, les ater-moiements liés au choix de l’uni-versité), le film s’attache davanta-ge à esquisser la psychologie despersonnagesqu’àdessinerderéelsenjeux dramatiques. L’action seréduit à peu d’éléments dans cefilm minimaliste, parfois un peutrop bavard, qui joue sur la gam-me ténuedes sentiments.

Lemal-êtredeSuttersecristalli-se bientôt autour de la rencontretantdésiréeavecunpèrequis’avé-rera être un pathétique ivrogne,campéparunKyleChandler(inou-bliablecoachTaylordelasérietélé-visée «Friday Night Lights»), fra-cassé à souhait. A la suite de cette

entrevue qui laisse planer le spec-tre de l’atavismesur sa tête, Suttercroit qu’il appartientà la catégoriedesmaudits.

Sansendévoiler laportée,onnemanquerapasdevoirdessimilitu-desdansle finaldeTheSpectacularNowavecWillHunting, deGusVan

Sant, cité dans un plan de voiturequi fonce vers la bien-aimée, par-tiefairesesétudesloindugarçonàproblèmes. En dépit de cetemprunt, la séductionopère.

L’attrait tout entier du filmtient à la grâce et à l’alchimie desdeuxacteursprincipauxquin’ontpas le glamour éphémère des jeu-nes premiers, recyclables à l’envi.Teller et Woodley possèdent, aucontraire, un charme qui n’a riendevolatil.

Avec son joli «gravillon» danslagorgeetsesyeuximmenses, l’ac-trice Shailene Woodley n’ad’ailleurs pas laissé insensibles lesstudios, qui ont vu en elle la nou-velle Mary Jane dans le prochainSpider-Man, après KirstenDunst. p

SandrineMarques

Film américain de James Ponsoldt.Avec Miles Teller, Shailene Woodley,Brie Larson, Jennifer Jason Leigh, KyleChandler, Bob Odenkirk (1h35).

UnechroniquelycéenneilluminéeparShaileneWoodleyLaromancededeuxadolescentsmalassortis tiresa forced’uncastingsans faille

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Yves Saint Laurent (Pierre Niney) et samuse, Victoire Doutreleau (Charotte Le Bon). TIBO & ANOUCHKA-SND

QuelqueseffluvesdeSaintLaurentMalgré l’interprétationremarquabledePierreNiney, l’adaptationde lavieducouturierdéçoit

10 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 11: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

culture

Lesmeilleures entrées en FranceEvolution

Nombre de par rapport Totalsemaines Nombre Nombre à la semaine depuis

d’exploitation d’entrées (1) d’écrans précédente la sortie

L e plus gros week-end de l’an-née, dans les salles de ciné-ma, a été atteint pendant les

fêtes, entre Noël et le Jour de l’an.Et le mois de décembre a connuune embellie de la fréquentation,avec quelques beaux succès com-me Le Loup deWall Street : sorti le25décembre, le film de MartinScorsese, avec Leonardo DiCaprio,a réalisé plus d’un million d’en-trées enune semaine…Autres sor-tiesdefind’année,LaReinedesnei-ges, de Chris Buck et Jennifer Lee,LeHobbit : la désolationdeSmaug,dePeter Jackson,ouencoreBelle etSébastien, de Nicolas Vanier – quivientde franchir lesdeuxmillionsd’entrées – ont régné sur le box-office.

Mais l’on ne rattrape pas en unmoisuneannéemorose. Et, globa-lement, 2013 n’a pas connu defilmstrèsporteurssurleplancom-mercial, c’est la raison principalede la baisse de la fréquentation ensalles, sur les douzederniersmois.Ainsi, lenombred’entréess’établità 192,79millions en 2013, selon lesdonnées (provisoires) du Centrenational du cinéma et de l’imageanimée (CNC), contre 203,56mil-lions en 2012. Il faut remonter à2008 pour trouver un moins bonscore – 190,2millions d’entrées,malgré l’énormesuccèsdeBienve-nue chez les Ch’tis, de Dany Boon(20,4millions d’entrées). Depuisl’année 2009, le seuil des 200mil-lions d’entrées avait toujours étéatteint.

Riendetelen2013.L’annéeaété«marquée par l’absence de trèsgros succès et ce, quelle que soit lanationalité des films», lit-on dansle communiqué du CNC. Pour lapremière fois depuis plus dedixans, aucunfilmn’a réaliséplusde 5millions d’entrées. En 2013,seuls huit longs-métrages ont réa-liséplus de 3millionsd’entrées. Le

trio de tête est composé de filmsexclusivement américains: Moi,moche et méchant 2, de ChrisRenaud et Pierre Coffin (4,6mil-lionsd’entrées); IronMan3,deSha-ne Black (4,4millions), et DjangoUnchained, de Quentin Tarantino(4,3millions). Suit, en quatrièmeposition,le long-métragebritanni-que et américainGravity, d’Alfon-so Cuaron (4,1millions), puis lefilm français Les Profs, de Pierre-François Martin-Laval (près de4millions d’entrées) – le seul filmfrançaisàavoirfranchilabarredes3millions d’entrées en 2013.

Pour la deuxième fois au coursdes dix dernières années, «aucunfilm français n’a atteint 5millionsd’entrées», note encore le CNC.Numérodeux, derrière Les Profs,Les Garçons et Guillaume, à table !,de Guillaume Gallienne, réalise lejoli score de 2,2millions d’entrées– et sa carrière en salles n’est pasfinie –, devant Boule & Bill,d’Alexandre Charlot et FranckMagnier (2millions). Suivent9mois ferme, d’Albert Dupontel(1,9million d’entrées pour l’ins-tant), puis Jappeloup, de ChristianDuguay (1,8million). Seize filmsfrançais réalisent plus d’un mil-lion d’entrées, contre vingt-deuxen2012.LaVied’Adèle,d’AbdellatifKechiche, Palme d’or à Cannes,n’en est pas loin, avec986000entrées.

En 2013, les films français ontreprésenté seulement un tiers desentrées (64,19millions), soit unepart demarché qui chute à 33,3%,le plus mauvais score depuis aumoinsdixans–selonlesannées, letaux oscille autour de 36%, 40%,voire 45,4% en 2008, l’année desortie deBienvenuechez les Cht’is.

Par contraste, la part demarché

ducinémaaméricainprogresse, ets’élève à 53,9%, avec un total de103,89millions d’entrées en 2013.Cette performance n’est pas liéeau score faramineux de quelquesblockbusters,maisàunlargeéven-tail de productions. En effet, quin-ze films américains ont dépassélesdeuxmillionsd’entrées,et tren-te-cinqau total ont franchi le seuildu million, soit le nombre le plusélevédepuis dix ans.

Enfin, les films non français etnon américains réalisent 12,8%

des entrées totales en 2013, avec24,72millionsd’entrées.

Certains professionnels poin-tent du doigt le piratage, lequelaurait grimpé, depuis la suppres-sion, en juillet2013, de la sanctionde la coupure d’accès à Internet,prévue en dernier stade pour lesinternautes ayant téléchargé illé-galement des œuvres – une sanc-tion jamais appliquée mais quipouvaitavoiruneffetdissuasif. Lacrise et la baisse du pouvoird’achatexpliquentaussisansdou-

te les mauvais chiffres de 2013.Pour attirer le jeune public et lesfamilles, la Fédération nationaledes cinémas français (FNCF) a lan-cé un nouveau tarif de 4 eurospourlesspectateursâgésdemoinsde 14ans, en vigueur depuis le1er janvier. C’est aussi un geste debonne volonté de la part desexploitants, visant à répercutersur leprixdesbillets labaissede laTVA (taux réduit à 5,5%) dont ilsbénéficientdepuis cette date. p

Clarisse Fabre

nRetrouvez l’intégralitéde la critiquesur Lemonde.fr(éditionabonnés)

ppv À VOIR

Aciel ouvertDocumentaire françaisdeMarianaOtero (1h50).

Pour ton anniversaireFilm françaisdeDenisDercourt(1h23).

PhilomenaFilmanglais de StephenFrears(1h38).

pvv POURQUOI PAS

YvesSaint LaurentFilm français de Jalil Lespert(1h40).

TheSpectacular NowFilmaméricainde James Ponsoldt(1h35).

nLes SorcièresdeZugarramurdiFilmespagnol et françaisd’Alexde la Iglesia (1h52).En route vers la frontière françai-se aprèsunbraquageàMadrid, ungrouped’hommesentre dans levillagedeZugarramurdi, le Salemespagnol, où les vieilles légendeset les sorcières semblent avoir laviedure…Mariant l’humournoirau fantastique, opposant le fémi-nisme revanchardaumachismeéternel, le filmd’Alexde la Iglesiaest unemachinedélirante etinventiveau rythmeeffrénéqui,si elle s’égareunpeudansunehis-toired’amour convenue, restedesplusdistrayantes.pN.Lu.

vvv ON PEUT ÉVITER

nLesGouffresFilmd’AntoineBarraud (1h02).Huitgouffresviennentd’êtredécouvertsdansunpayshispano-phonenondéterminé. Leprofes-seurLebrun (MathieuAmalric) s’yrendavec son épouse,qui, seuledansunhôtel isolé et désaffecté,perd la raisonpendantqu’il lesvisite. Lemaridurablementabsent, c’est doncau spectateurdesouffrir cemomentavec elle,d’autantplus longque leperson-nage, opaque, et l’intrigue, arbitrai-re, peinentà le concerner.p J.Ma.

nCadences obstinéesFilm françaisde FannyArdant(1h41).Violoncellistedegrand talent,Mar-

goa renoncéà sa carrièreparamourpour Furio.Mais le tempsapasséet c’est à son travail queFurio consacredésormais sonénergieet sapassion.Margose lais-se gagnerpar l’angoissedeperdrel’hommepour lequel elle a toutsacrifié.Uniquementpréoccupéede l’élégance raidede samiseenscène, la réalisatrice fait régner l’ar-tifice à tous lesniveauxd’unehis-toire sans grâceni force. pN.Lu.

nEnparler ou pasFilmfrançaisdeMarionLary(1h15).Diviséen trois parties,Enparleroupas aborde les thèmesdu sexe,de l’engagementpolitique et del’argent à travers trois récits auto-nomes, chacunportéparuneactri-ce, et par unebelle croyancedanslapuissanceperformativede laparole. Issuedudocumentaire,MarionLaryparvient à faire croi-re à la véracitéde ses personnages,maispas à son récit. Il eût fallupour cela que ses fictions s’éman-cipentdes questionsqu’elles illus-trent, qu’elles se délestentdudis-coursbien-pensant,unpeumono-lithique,qui les sous-tend. p I.R.

nHomefrontFilmaméricaindeGary Felder(1h40).Unancien agentdes stups, retirédes affaires, doit reprendre lesarmesquandun trafiquantmena-ce sa famille. Surun scénario écritpar Sylvester Stallone,Homefrontlivreunenouvelle variation sur laviolence et sa légitimité, commedansRambo.Mais la violenced’Etat laisse ici place à des spécifi-cités individuellesguère passion-nantesqu’aggraveunemise enscène aussi lourdaudeque le jeudes acteurs. p S.Ma.

nLovelaceFilmaméricaindeRob Epsteinet Jeffrey Friedmann (1h33).Elle fut la vedette deGorgeprofon-de et l’unedes premières stars ducinémapornographique. Ce récitbiographique tente de dénoncerl’envers de l’industriepornogra-phique enmontrant comment,suivant en cela les déclarationstardivesde la vraie LindaLovela-ce, l’actrice fut contraintepar sonmari et par lesmafieuxqui pro-duisirent le film. La dénonciationest incroyablementpuritaine etbienpeu crédible. p J.-F.R.

NOUS N’AVONS PAS PU VOIR

nDestination LoveFilmaméricaindeDavid E.Talbert(1h37).

Entempsde criseetd’incertitude, c’est connu,onse rabat sur lesvaleurs traditionnelles,onplébiscite le familier audétrimentde l’aventu-re.Un coupd’œil sur lesquatrepremiers titresdece tableau le confirme.Quatremillionsd’entréespour le retourde laprincesseDisney (LaReinedesneiges), 1,6millionpourLe LoupdeWall Street, de Scorsese, 2millionspourun feuilletonfrançais exhumédessixties (Belle et Sébastien), 4mil-lionspour le cinquièmevolumede la franchiseHobbit (LaDésolationdeSmaug). Voilàpour les filmsencontinuation.Quantauxnouveautés,c’est le cinquièmeopusde l’horrifiqueParanormalActivityqui rafle lamisecette semaineavecunemoyenneéléphantesquede 1300specta-teurspar copie.Dansce contextedéprimé, l’audacea levent enberne,commeentémoigneNymph()maniac 1, dont les sulfureusespromessesn’ontpasmobiliséplusde 50000spectateurs.Drôled’époque!

LES FILMS DE LA SEMAINE

Pourladeuxièmefoisaucoursdesdixdernièresannées,aucunfilmfrançais

n’aatteint les5millionsd’entrées

«Les Garçons et Guillaume, à table !» , de Guillaume Gallienne, encore en salles, a enregistré, à fin 2013,le joli score de 2,2millions d’entrées. THIERRY VALLETOUX

Le Loup de Wall Street 2 600 107 648 ! – 26 % 1 613 431

Belle et Sébastien 3 546 034 660 ! – 13 % 2 166 069

Le Hobbit :La Désolation de... 4 506 786 840 ! – 40 % 4 278 356

La Vie rêvéede Walter Mitty 1 373 324 456 373 324

Paranormal Activity :The Marked Ones 1 320 060 238 320 060

Jamais le premier soir 1 309 193 280 309 193

Le Manoir magique 2 275 888 413 ! – 4 % 674 277

Albator,corsaire de l’espace 2 181 677 251 ! – 32 % 525 177

Hunger Games :L’Embrasement 6 135 575 410 ! – 35 % 3 050 365

Casse-tête chinois 5 124 801 533 ! – 34 % 1 394 603

AP : Avant-première * EstimationSource : Ecran Total (1) Période du 1er au 5 janvier inclus

AnnéemorosepourlecinémafrançaisSelon leCNC, lenombred’entréesensalles, enreculen2013, s’établit à 192millions

110123Mercredi 8 janvier 2014

Page 12: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

DesignPlusenveloppants,plusmoelleux,plussensuels…Lesfabricantsdemeubless’adaptentauxnouvellesexigencesd’aménagementdel’espace

Unefolleenviedecanapésnids

CINÉMA

JaneCampionprésideralejuryduFestivaldeCannes

La réalisatrice, productrice et scéna-riste néo-zélandaise Jane Campionprésidera le jury de la 67e éditiondu Festival de Cannes. Palme d’or1993 pour son film La Leçon de pia-no, Jane Campion est la seule fem-me à s’être vue décerner cette pres-tigieuse récompense. Cas uniquedans l’histoire de Cannes, elle aégalement obtenu la Palmed’ordu court-métrage en 1986 pourPeel. Avant elle, d’autres femmes

ont déjà présidé le jury cannois: MichèleMorgan, JeanneMoreau, Françoise Sagan, Isabelle Adjani, Liv Ullmann et IsabelleHuppert.Outre La Leçon de piano, Jane Campion a réalisé plusieurs autreslongs-métrages parmi lesquels Sweetie (1989),Unange àmatable (1990), Portrait of a Lady (1996),Holy Smoke (1999), In theCut (2003),Bright Star (2009). Elle est également l’auteur de laremarquable série «Top of the Lake», diffusée en 2013 sur Arte.«Originaire d’un pays et d’un continent où le cinémaest rare etpuissant, Jane Campion fait partie de ces cinéastes qui incarnentà la perfection l’idée qu’on peut faire du cinémaen artiste et sédui-re un public planétaire», a déclaré,mardi 7 janvier, le déléguégénéral du Festival, Thierry Frémaux. Le Festival de Cannes auralieu cette année du 14 au 25mai. En 2013, le jury cannois était pré-sidé par Steven Spielberg.pFranckNouchi (PHOTO: LOIC VENANCE/AFP)

Q uand les historiens scrute-ront les XXeet XXIesiècles àla lorgnette, ils seront sur-pris de voir avecquelle for-

ce lapesanteurterrestre s’estexer-céesurnoscontemporains.Jusquedans les années 1960, les Françaiss’asseyaient droits dans de raidescanapés, façon banquettes de bus.En 2013, ils se vautrent sur le sofadevant la télé, à la façon d’otarieséchouées sur les rochers, commel’illustre une publicité pour CuirCenter.

Les fabricants de meubles sesontadaptésàcesnouvellespostu-res. Désormais, les canapés adop-tent des formes généreuses, voireopulentes, façon nidmoelleux. LeRuché,d’IngaSempé,telleunedou-doune matelassée jetée sur unestructure en bois, le Ploum, deRonan et Erwan Bouroullec, fruitmûr enveloppant et voluptueux,ou le canapé Nautil, de CédricRagot, sorte de coquille au cœurtendre, invitent à la paresse. Avecle fauteuil réchauffé de moutonnoir deMongolie de Cassina, ou lachaise Kago en hêtre et moutonblancde Jean-MarcGadypourPer-rouin, lessalonssegarnissentd’as-sises auxamortisseursdouillets.

On est loin de la caquetoire duXVIesiècle, un des premiers siègesaudossierenboislégèrementincli-né, conçu pour les dames – d’oùson surnom de « chaise à fem-me»–afindepapoterdansunsem-blant de confort. L’un des pion-

niers de la posture décontractéeest né il y a quaranteans: un cana-pé tout enmousseassembléesousune housse au plissé couture, leTogo, de Ligne Roset. «Dans lesannées 1970, la génération babacool vivait au ras de la moquette :pour elle, nous avions inventé cesofasanspieds,à rasdusol, déclarePatrickSztajnbok,directeurdel’en-seigne Ligne Roset. Aujourd’hui,nous proposons des produits plusenveloppants, plus moelleux, plussensuels encore, mais le Togo estencore numéro un de nos ventes,après avoir chuté dans les années1990. Avec la crise, les consomma-teurs transforment leur intérieuren abri douillet pour toute lafamille», estimeM.Sztajnbok.

La maison : un refuge pourBisounours, à l’écart des tumultesdu monde ? Pas exactement.«Avant 2008, on faisait toutdehors: on sortait en boîte de nuit,au restaurant… En 2014, on faittout dedans: son pain, son café, ducommerce en ligne ou du sportdevant la télévision équipée d’uneKinect…», souligneVincentGrégoi-re, « faiseur de tendances» chezNellyRodi. Ce retour à l’intérieurne serait donc pas un repli, maisunenouvelle façonde vivreproté-

gés, à plusieurs, contre lesméfaits perçus de lapollution, l’insécuri-té, le chômage… «Onneparleplusde“cocoo-ning”, préciseVincentGrégoire,mais de “hi-ving”, qui signifie “ru-cher”, car les genssont ensemble, maisils surfent sur lestablettes, télépho-nent, travaillent dechez eux : ils ontune fenêtre ouver-te sur le monde.»Autant dire quechacun vit sa viede son côté, maisensemble.

Voilà qui implique unnouvel aménagement de l’espace.La pièce à vivre est devenue unesorte de lieumultitâche. Les Fran-çais passant en moyenne plus dedix-huit heures par jour chez eux(selon la 14e édition de Francosco-pie,publiéeen2013), ils’agitdepré-serveràlafois laconvivialitéetl’in-

timité de chacun. Pour la famillequi s’affale de concert, le canapéStandard Edra, de Francesco Bin-faré, a tout prévu. Ses coussinssont comme autant de grosoreillers, pas forcément symétri-ques, qui servent de dossier, maisaussi d’accoudoir ou d’assise, afinque plusieurs personnes puissents’installer dans des postures diffé-rentes. Même souci de répondreaux envies versatiles de plusieursindividusavec leConcentrédevie,de Matali Crasset : soit un ensem-ble d’assises imbriquées les unesdans les autres, à agencer à songrépoursortir iciunpouf, làunaccou-doir ouune table d’appoint.

Les bavards et les taiseux peu-vent désormais faire bonménage.TandisquelecanapéPloumenver-sion 4 places rapprochephysique-mentlespersonnespouréchangerplus commodément – grâce à saformeencroissantdelune–, lefau-teuil Hosu, chez Coalesse, a étéconçu par l’Espagnole PatriciaUrquiola comme un coin bureauavec porte-documents, repose-pieds… pour s’isoler «dans sa bul-le» et travailler confortablement.Lesamoureuxpeuventselover,aumilieude tous, dans la chaisepourdeux Casamania Collerette, dontledossierestenréalitéunecouver-ture enroulée.

On peut même imaginer pren-dre temporairement congé dumondeenseglissantdans le«sofasensoriel» Belly Love («Ventre del’amour», selon ladesigner), inspi-ré d’un corail mou. « Je voulaisd’une forme souple qui s’adapte

au corps et non pasl’inverse»,expliqueFlo-

rence Jaffrain, qui, àla têtedesapropremaison d’éditionYouNow,adessinécette pièce surpre-nante. «On passe

son temps à s’adapterau monde extérieur : il faut

savoir lâcher prise, vivre l’instantpour donner le meilleur de soi-même», assure ladesignerbreton-ne. Cemobilier «zen» est proposéen tissu de différentes couleurs,dans sa boutique du 4, rueHérold,

àParis.Leprototypequis’éclai-redoucement lanuit– grâ-

ceàdesmatériauxlumi-nescentsmis au pointavec l’Ecole nationalesupérieuredesartsetindustries textiles deRoubaix – avait étécréépour l’ouverturede la Galerie Slott, en2010, à Paris. Il seral’une des attractionsduForumTendancedu

SalonMaisonetobjet,duvendredi24janvieraumar-

di 28janvier, àParis-Nord-Vil-lepinte.p

VéroniqueLorelle

culture& styles

Onpeutimaginerprendrecongédumondeenseglissantdansle«sofasensoriel»BellyLove , inspiréd’uncorailmou

MortduphotographeJean-FrançoisBauretLephotographe Jean-FrançoisBauret, auteurdenombreuxpor-traitsnusennoir et blanc, estmort le 2janvier à l’âgede81 ans.Onle connaît enparticulierpourunscandale: en 1967 il est l’auteurd’unepublicitépour les sous-vêtementsSélimaille, qui fit sensa-tionenmontrantpour lapremière foisunhommenu. En 1970, ils’attaqueàunautre tabouensignantunecampagnepour le laitMaternamontrantune femmeenceintenueavec sapetite fille.Devenuphotographeà la findes années 1950, il a vusa carrièrecoïncideravec l’essorde lapublicité, se trouvantassocié rapide-mentà lapratiquedunuetduportrait ennoir et blanc. Ses ima-gesontété régulièrementpubliéesdans lesmagazines, à commen-cerparZoom. Il a été exposéauCentrePompidouet est aussil’auteurde l’ouvragePortraitsnus (éd. Contrejour, 1984). Plusrécemment, il a cofondé le site Photographie.com.pClaireGuillot

Canapé PloumdeRonanet Erwan Bouroullec,pour Ligne Roset. DR

Design

LejaponaisNendosouffleles250bougiesdeBaccaratPour ses 250ans, la cristallerieBaccarat, née en 1764dans la bour-gade lorrainedumêmenom, annonceunemyriadede festivités.Deuxexpositionsà Paris sont ainsi prévues, dontune auPetitPalais en find’année, unhôtel Baccaratouvrira bientôt àNewYork, un livre,Baccarat, deux cent cinquante ans,de Lauren-ceBenaïmetMurrayMoss, vient deparaître aux éditionsRizzoli(420p., 65euros)…De son côté, le designer japonaisNendoa ima-ginéunéchiquier en cristal (réalisé en cinquante exemplaires)qui a nécessitéplus de deux centsheures de travail. «Nous parta-geons lamêmephilosophie, celle de célébrer lamatière et de la tra-vailler, en la valorisant,mais enne cachant rien. Avec le cristal,pasd’artifice possible!», estimeDanielaRiccardi, directrice géné-rale deBaccarat. Le créateur, lui, salue «le geste, le talent artisti-que et le savoir-faireuniquedes artisansdont la générosité et l’im-plicationontmagnifié chaquepièce. Le résultat est enveloppédemystère». pMélinaGazsi (PHOTO: THIERRY PEUREUX/BACCARAT/NENDO)

Sofa Belly Love parFlorence Jaffrain,Galerie Slott. DR

Fauteuil en lainenoire deMongolie,Tre PezziWool deFrancoAlbini pourCassina. NICOLA ZOCCHI

Fauteuil Hosutransformable

en chaise longue,de Patricia

Urquiola pourCoalesse. COALESSE

MusiqueLes internautes américains découvrent lenouvel albumdeBruceSpringsteen avant sa sortieLesdouzechansonsdeHighHopes,nouvelalbumduchanteur,guitaristeet auteur-compositeuraméricainBruceSpringsteen,sontdiffusées,depuis le 5janvieretpourune semaine, sur le siteInternetde la chaîned’informationetdedivertissementCBS.Seuls les internautesdont les comptes sontenregistrés auxEtats-Unisont accèsauxchansons,diffusées en streaming, tandis quele restedumondenepeut écouterque le titre d’ouverture,HighHopes,quidonnesonnomaudix-huitièmealbumdeSpringsteen,dont la sortiemondialeest prévue le 14janvier. Le28décembre2013, ces chansonsavaient étémisesenventeparerreur sur le site américaind’Amazon, avantd’être retirées.

Politique culturelle Journée demobilisationdes artistesA l’initiativededivers syndicatset associations,parmi lesquels leSyndicatnationaldes entreprisesartistiqueset culturelles, unejournéedemobilisationestprévue, lundi 13janvier, dansdiverslieuxculturels,de laMaisonde la cultured’AmiensauThéâtredesTreize-VentsàMontpellier–onze régionssont concernées. L’évé-nement, intitulé«L’Art en campagne», viseà interpeller les éluset les citoyenssur laplacede la culturedans lespolitiques locales,à l’approchedes électionsmunicipalesdemars. Les organisateursdénoncent, également, l’érosiondes crédits allouésà la création.

12 0123Mercredi 8 janvier 2014

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130123Mercredi 8 janvier 2014 disparitions& carnet

Avec des mélodiessubtiles, leurs har-monies vocales lim-pides, l’évocationdes tourmentsamoureux de l’ado-

lescence souvent dans la forme dela ballade country avec des accro-ches légèrement rock, le duo vocalThe Everly Brothers aura été, de lafin des années 1950 au milieu desannées 1960, l’un des plus fameuxdans le monde musical anglo-saxon. Les Beatles, les Beach Boys,Crosby, Stills andNash, BobDylan,les Byrds ou Simon andGarfunkelauront régulièrement témoignéde l’influence des frères Everly,DonetPhil. Cedernier, né le 19jan-vier 1939 à Chicago (Illinois), estmortvendredi 3janvier, àBurbank(Californie), des suites d’unemala-die pulmonaire. Il était âgé de74ans.

En 1954, les frères, qui ont faitleursdébutsauchantetàlaguitarelorsde l’«EverlyFamilyShow», unprogramme radio en famille, sontrepérés par le guitariste et produc-teur Chet Atkins (1924-2001).Durantdeuxans ilnesepasse rien.

Chet Atkins pourtant croit en euxet lesmet en contact avec l’éditeurAcuff-Rose Music et la maison dedisques Cadence Records. Bye ByeLove, chanson écrite par Felice etBoudleaux Bryant, qui vont deve-nir leurs auteurs réguliers, sort enmars1957. Le premier d’une sériede succès qui s’enchaînent duranttrois ans:WakeUpLittle Susie,ThisLittle Girl of Mine (reprise de RayCharles),All I Have ToDo Is Dream,Bird Dog, Devoted To You, ’Till IKissed You (écrite par Don Everly),Let It Be Me (reprise de Je t’appar-tiens, écrite en 1955 par PierreDelanoëetGilbertBécaud)…

Le duo a détrôné Elvis Presleydans le cœur des teenagers – il estvrai sous les drapeaux demars1958àmars1960.ADon, tim-bre de baryton, la plupart des par-ties solistes dans les couplets, à

Phil, timbre de ténor, le soin derejoindre son frère sur les refrains,où s’épanouit l’accord entre leursdeuxvoix.Enfévrier1960,lesEver-ly Brothers signent avec WarnerBrosuncontratdevenuhistorique,qui leur accorde, sur dix ans, unegarantiede100000dollarsdereve-nus annuels, du jamais vu alors.Cathy’sClow,écriteparlesdeuxfrè-res, devient numéro1 un peu par-tout, vendue à près de 8millionsd’exemplaires.La rondedes succèssemaintientavecSoSad (ToWatchGood Love Go Bad), Walk RightBack,Crying In TheRain,That’sOldFashioned (leurdernièrechansonàêtre classéedans lesdixmeilleuresventesauxEtats-Unis, fin 1962).

Racines countryMais, derrière les sourires et la

mise proprette, les choses sontplus sombres. Pour tenir le coupentre les enregistrements et lestournéesincessantes, lesfrèrescar-burent aux amphétamines, sur-tout Don. Et les relations avecCadence Records et leur maisond’édition ne sont pas sereines. Lelabel publie ainsi des enregistre-mentsduduo, enparallèlede ceuxdeWarnerBros,dontWhenWill IBeLoved, écrite par Phil Everly. Leconflit avecAcuff-Rosese termine-ra fin 1964. LapériodedegloiredesEverly Brothers touche à sa fin, lesEtats-Unis ont de nouveaux chou-chous, les Beatles et tout ce quivientdeGrande-Bretagne.

En 1968, l’album Roots, retouraux racines country, bénéficied’un bon accueil critique, sans sui-te. Le duo tourne de moins enmoins, les frères ne s’entendentplus. Lors d’un concert le 14juillet1973 auKnott’s Berry FarmdeBue-naPark (Californie),PhilEverlybri-se sa guitare sur scène et sort duconcert en jurant qu’il ne travaille-ra plus jamais avec son frère. PhilEverly enregistre plusieursalbums. On retiendra Star Span-gled Springer (1973), son premiersolo, qu’il a coécrit et cocomposéquasimententièrementavecTerrySlater,etPhilEverly (1982),oùinter-viennent notammentMark Knop-flerdeDireStraits,ChristineMcViede Fleetwood Mac et Cliff Richarddansdeuxduos.

Le duo se reforme lors d’unconcertauRoyalAlbertHall, à Lon-dres, le 22septembre 1983, donttémoigne l’album The Everly Bro-thers Reunion Concert. Ils tourne-ront jusqu’au milieu des années2000, avec un répertoire des suc-cès des débuts. En 2003-2004, ensigne de reconnaissance, Simonand Garfunkel les avaient conviésàune tournéecommune.p

SylvainSiclier

19 janvier 1939NaissanceàChicago (Illinois)1957Sortie du single«Bye Bye Love», premiersuccès des Everly Brothers1968Parutionde l’album«Roots»1973Après un concertle 14 juillet, Phil Everly annoncequ’il ne jouera plus jamaisavec son frère Don1983Reformationdes Everly Brothers3 janvier 2014Mortà Burbank(Californie)

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AU CARNET DU «MONDE»

Décès

L’Association des Amis du Maitrona la tristesse de faire part de la mort de

Jean AISENMANN,dit Jean ALLARD.

Né le 16 juin 1922 à Paris, mortle 26 décembre 2013 à l’hôpital Bégin,ouvrier typographe puis linotypiste,syndicaliste du Livre, militant trotskistepuis communiste, l’un des fondateursdu groupe Le Communiste.

Autodidacte passionné d’histoire socialeet de peinture, Jean-Jacques Aisenmannaccompagna pendant vingt-cinq ansl’équipe du Maitron comme relecteur, avecsa femme Renée, part icipant auxséminaires et aux journées du Maitron,y compris à la dernière du 4 décembre2013.

Nous sommes de tout cœur avec sesfilles, Michelle et Claire, ainsi que Ginette,les équipes du SSIAD de Rosny-sous-Boiset ses colocataires qui lui rendirentses dernières années plus faciles.

Jean Aisenmann a donné son corpsà la science.

Danièle Ancel,son épouse,

Ses enfantsEt ses petits-enfants,

ont la douleur d’annoncer le décès dePierre ANCEL,

dit «Wilbem »,survenu le 1er janvier 2014,à l’âge de quatre-vingt-trois ans.

Ses obsèques auront lieu mercredi8 janvier, à 14 heures, au crématoriumde Reims.

La famille,Les prochesEt les amis de

M. Charles ANTONGIOVANNI,ont la douleur de faire part de son décès,survenu le 4 janvier 2014.

Le levée de corps aura lieu le lundi13 janvier, à 11 heures, et une cérémoniecivile se déroulera au crématoriumde Nice, à 13 heures.

Des visites sont possibles à l’Athanéede Nice.

Cet avis tient lieu de faire-partet de remerciements.

Claude Bauret Allard,son épouse,

Frédéric Bauret,son fils,sa femme et ses trois enfants,

Léa klein Bauret,sa petite-fille,

Gabriel et Jean-Paul,ses frèreset leurs familles,

Mathilde,sa nièce

Et toute la famille,ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-François BAURET,photographe,

survenu le jeudi 2 janvier 2014,à l’âge de quatre-vingt-un ans.

Les obsèques auront lieu dans la plusstricte intimité le 9 janvier, à Fontenay-Mauvoisin.

Mme Robert Bourdu,son épouse,

Anne Harispe,Isabelle et Bertrand Frachon,Bénédicte et Jean-Marie Estièvenart,

ses enfants,Ses quatorze petits-enfants,Ses cinq arrière-petits-enfants,Ses neveux et nièces,Sa belle-sœur,

ont la grande douleur de faire part du décèsde

Robert BOURDU,professeur honoraire

de physiologie végétaleà la faculté d’Orsay,

cofondateur et président d’honneurde l’association ARBRES,

survenu le vendredi 3 janvier 2014.

La célébration religieuse aura lieule vendredi 10 janvier, à 10 heures,en l ’ég l i se Sa in te - Jeanne-d ’Arcde Versailles, suivie de l’inhumationau cimetière de Donnery (Loiret).

Pierre Bouveresse,son frère,

Marie-Pierre Férey,sa belle-sœur,

Clara, Juliette et Rémi,ses nièces et neveu,

Les familles Férey, Spieth,Madeleine Van Buren Cleveland,

ont la douleur d’annoncer le décès deRoland BOUVERESSE,

réalisateurau Conservatoire national supérieur

de musique et de danse de Paris,survenu le 31 décembre 2013,à l’âge de soixante ans.

Une cérémonie aura lieu le mercredi8 janvier 2014, à 10 h 30, en l’égliseSainte-Marie des Batignolles, Paris 17e.

L’inhumation aura lieu le jeudi9 janvier, à 15 heures, à Saint-Didier-sur-Chalaronne (Ain).

Le Conservatoire national supérieurde musique et de danse de Paris

a la grande tristesse de faire partde la disparition de

Roland BOUVERESSE.

Figure incontournable du Conservatoire,il était aimé des élèves, des professeurs,et de l’administration de cette institution.

La Vicomté -sur-Rance (Cô tes-d’Armor).

Sylvie Brignon,Christine, Sylvie, Valérie et Jean-Yves

ses enfants, leurs conjoints,Ses petits-enfantsEt ses arrière-petits-enfants,Ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean BRIGNON,ancien professeur d’histoire

à la Faculté des Lettres de Rabat,inspecteur d’Académie,

directeur et coauteur, en particulier,de L’Histoire du Maroc (1967).

survenu le 4 janvier 2014,à l’âge de quatre-vingt-trois ans.

Les obsèques auront lieu le 10 janvier,à 14 h 30, en l’église de La Vicomté-sur-Rance.

Souvenez-vous de lui et de

Claudine.

4, La Ville Brossard,22690 La Vicomté[email protected]

Le président,Le vice-président,Les secrétaires perpétuelsEt les membres

de l’Académie des sciences,

ont la tristesse de faire part de la disparitionde leur confrère,

Pierre BUSER,professeur émérite

à l’université Pierre et Marie Curie,officier de la Légion d’honneur,

commandeurdans l’ordre national du Mérite,

décédé le 29 décembre 2013, à Paris,à l’âge de quatre-vingt-douze ans.

Jean-Paul Saint-André,président de l’université d’Angers,

Hervé Fillon,président du conseil d’administrationde l’Institut universitaire de technologie(IUT) Angers-Cholet,

L’équipe de direction de l’IUT,L’équipe de directionEt tous les personnels

de l’université d’Angers,

ont la grande tristesse de faire partdu décès de

M. Jean-Luc CLÉDY,directeur de l’IUT Angers-Cholet.

Ils s’associent par cet avis à la peinede la famille.

La cérémonie aura lieu le 8 janvier2014, à 15 heures, en l’église de Juigné-sur-Loire.

Le Centre d’histoire socialedu 20e siècle (université Paris 1/CNRS),anciennement CRHMSS,

s’associe à la tristesse de la famille de

Suzanne GOSSEZ,décédée le vendredi 27 décembre 2013.

Responsable de la bibliothèque Jean-Maitron de 1986 à 1991, elle a contribué,par son travail et sa personnalité, à sonrayonnement.

Mme Ilias Lalaounis,son épouse,

Ekaterini Lalaounis,Karl et Demetra von Auersperg-

Breunner,Stelios et Maria Boutaris,Ioanna Lalaounis,

ses enfants,Ses petits-enfants,Son arrière-petit-fils,

ont la douleur de faire part du décès deM. Ilias LALAOUNIS,

orfèvre,membre associé étranger

de l’Académie des Beaux-Arts-Institut de France,

chevalier de la Légion d’honneur,commandeur

dans l’ordre des Palmes académiques,commandeur

de l’ordre du Méritede la République italienne,

Archon Exarchos du PatriarcatŒcuménique de Constantinople,

survenu le 30 décembre 2013.

La cérémonie religieuse a été célébréedans la plus stricte intimité en l’églisede Saint-Théodore, à Athènes.

364, rue Saint-Honoré,75001 Paris.16, rue Kokonis,15452 Paleo Psychico,Athènes.

Les familles Ensergueix, Rondier,Botrel, Roy,

Anne, Nathan, Victoria Lelièvre,Laurence, Philippe JuilleEt ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jeannine NOËL,survenu le 4 janvier 2014.

L’inhumation aura lieu le jeudi9 janvier, à 15 h 15, au cimetièredu Montparnasse, Paris 14e.

Elle a été « la dévouée de l’enfanceinadaptée qui n’est pas oubliée dans cecontexte évolutif d’une éducation nationaleutopique. » (Mme Josette Riu).

Cet avis tient lieu de faire-part.

Mme Albert Rabut,sa mère,

Mme Mathilde Rabut,son épouse,

Cécile et Delphine,ses enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Nicolas RABUT,survenu le 4 janvier 2014,dans sa soixantième année.

La cérémonie religieuse sera célébréele jeudi 9 janvier, à 15 heures, en l’égliseSaint-Maurice-de-Bécon, 218, rueArmand-Silvestre, à Courbevoie.

4, avenue Malvesin,92400 Courbevoie.

Mme Paul Schrumpf,née Marielle Grand d’Esnon,

Les familles Schrumpf, Grand d’Esnonet alliées,

font part du rappel à Dieu de

M. Paul SCHRUMPF,X 43,

médaille militaire,croix de guerre 1939-1945,

dans sa quatre-vingt-onzième année.

« Vous connaîtrez la Véritéet la Vérité vous rendra libres. »

Jean 8/32.

Un culte d’action de grâces sera célébréau temple de Versailles, 3, rue Hoche,à Versailles, le samedi 11 janvier,à 15 heures.

Annie Stisi-Forest,son épouse,

Isabelle et Blaise Rouhan,sa fille et son gendre,

Maxime et Louis,ses petits-fils,

Marie-Claire et Alain Torrilhon,son beau-frère et sa belle-sœurainsi que leurs enfants, Julien et Elodie,

Ses nièces et neveux,Ses cousines et cousins,Linda, Marc et Catherine Bastianelli,

sa famille de cœur,Les familles Stisi, Tullio, Schiavi,

Appruzese et Volante,ont la tristesse de faire part du décès de

Pierre STISI,assureur émérite,

survenu le 2 janvier 2014.La cérémonie religieuse sera célébrée

le jeudi 9 janvier, à 10 h 30, en l’égliseSaint-Nicolas-Saint-Marc de Ville-d’Avray.

La famille tient à remercier YvonneSchiavi, le docteur Frohly et l’équipe deNotre-Dame-du-Lac, à Rueil-Malmaison,et tout particulièrement Valérie, qui l’ontaccompagné avec dévouement, gentillesseet humanité, ainsi que toutes les personnesqui prendront part à sa peine.« A nous revoir peut-être. »

Pas de fleurs, une urne sera à votredisposition pour recevoir des dons pour laFondation Diaconesses de Reuilly.

Cet avis tient lieu de faire-partet de remerciements.

Anniversaires de décès

Il y a dix-huit ans, le 8 janvier 1996,disparaissait

le présidentM. François MITTERRAND.Pasquale Gerico garde toujours présent

son souvenir et dédie une pensée émueà sa mémoire.

Hier, 7 janvier 2012.Aujourd’hui, 7 janvier 2014,

deux ans d’absence tu restes pourtantbien présente

Janine TILLARD,très présente pour tous ceux qui ont connula rigueur de tes convictions et la chaleurde ton amitié.

Avis de messe

Une messe à l’intention de

Jean-Paul LACAZE,décédé le 12 décembre 2013, sera célébréele samedi 11 janvier 2014, à 10 heures,en l’église de la Trinité, place d’Estienne-d’Orves, Paris 9e.

Séminaire

Ecole pratique des hautes étudesen psychopathologies

SéminaireClinique et Responsabilité,Jusqu’où peut nous mener

le discours actuel ?Conférence-débat,

professeur Emmanuel Hirsch,docteur Sylvie Froucht-Hirschet docteur Charles Melman,

le samedi 11 janvier 2014, à 14 h 30.25, rue de Lille, Paris 7e.

Entrée libre.

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Chanteur

PhilEverly

En 1961. MICHAEL LEVIN/CORBIS

Page 14: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707Paris Cedex13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone: deFrance32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;par courrier électronique: [email protected] 1 an : Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog:http://mediateur.blog.lemonde.fr/;Parcourrierélectronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information:www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier:http://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde surCD-ROM :CEDROM-SNI01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

S erait-cequemonsentimentde culpabilité d’avoir été unpeucruel, la saisondernière,

avecAli Baddoum’y inciterait, ouest-ce lui qui aurait unpeu chan-gé? L’animateurde «LaNouvelleEdition», chaque jour sur Canal+à 12h20, semble avoir repris dunerf, de la présence. Et le plateaude l’émissionoffre undécor cha-leureuxqui ne ressembleplus àune salle d’embarquementhigh-techpour fusée spatiale dontCanal+ a le secret.

Je dois en tout cas avouer que,regardantde tempsen temps «LaNouvelle Edition», je zappedemoins enmoins le programmeettrouve souventde l’intérêt à ses«sujets»,moins légers et plus«creusés».

Lundi6janvier, j’ai vuun repor-tage à proposd’Armel LeCoz qui,depuis octobre2013, s’invite (surrendez-vouspréalable) chez lescandidatsauxélectionsmunicipa-les, leurdemande l’hospitalitépour la nuit et discute avec euxdeleurprojet politique, enpartiedevantunewebcamqui enregis-tre leur échange.

Un formulaire, sur le site Inter-netwww.tourdescandidatsetmai-resdefrance.fr, permet auxvolon-tairesde se faire connaître. Parmiceux (lesplus connus) queLeCozadémarchés lui-mêmeouceuxqui se sontmanifestés spontané-ment, certains (unequarantaineàce jour) ont accepté leprincipedecette intrusion, telleAnneHidal-go, quine serait pas ferméeàl’ouverturede sesportes.D’autres,commeBertrandDelanoëet lesBalkany,ont refusé laproposition.

NathalieKosciusko-Morizetn’aurait, quant à elle, pas donnésuite à la demandedu jeunehom-

me. Pourtant, après avoir arpentéles arcanes poétiquesdumétro,dont les voitures officielles avecchauffeur l’avaient trop long-tempsprivée, après s’être laisséphotographier en jeans et vestede cuir grillant une sèche avec desSDF, la candidate à laMairie deParis aurait tout demêmepuoffrir le gîte à cet inoffensif rou-tard…

Mais, commeArmel LeCoz inté-resse lesmédias, il ne fait aucundoutequebeaucoupne se ferontplusprier pour êtrede sonprojet,qui semble la proposition renver-séedes auto-invitationsdeValéryGiscardd’Estaingà la table desFrançaisdu tempsqu’il se voulaitêtreunprésidentde la Républi-que«moderne»…

Mais, si l’on tape lenomd’Ar-mel LeCoz surGoogle, apparais-sent en tête de liste deuxde sessitesprofessionnels (ce quen’apas relevé le reporterde Canal+qui le suivait). Surwww.innova-tion-et-design.fr, Le Coz annonce:«Je proposemes servicesaux collec-tivités locales, auxassociations etaux entreprisesdans les domainesdudesignde serviceet de la concep-tiondedispositifsparticipatifs.»

Soit: il faut bienvivre et finan-cer ce roadmoviepolitique.Maisespéronsqu’Armel LeCozn’enprofitepaspournégocier descontrats, ce qui affaiblirait sa pos-ture affichée commecitoyenne-mentdésintéressée.p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

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New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

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Lucien47

3 degrés à Moscou où l’hiver fait défaut entre pluie et neige

En Europe12h TU

Les pressions continueront de remontermais le flux de sud restera d'actualité surle pays. Cela nous canalisera encore de l'airtrès doux pour la saison, avec destempératures très largement supérieuresaux normales de saison, avec près de 12 à20 degrés de l'extrêmeNord au Paysbasque, soient des valeurs d'octobreenviron. Le vent sera toutefois de plus enplus faible, et le ciel sera partagé entrecumulus, belles éclaircies et rares ondées.

Coeff. demaréeLeverCoucher

LeverCoucher

Toujours une grande douceur

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Solution du n° 14 - 005HorizontalementI.Draps-housses. II. Ragot. Priera.III.Otât. Avis. On. IV.Mars. LSD.V. Taise. Jeta.VI. Sm.Moro. Ll.VII. Foramen. Unie.VIII. Ici.Ulcérant. IX. Lhassa. Point.X. Sélectionnée.

Verticalement1.Droits-fils. 2. Rat. Amoché.3. Agami. Rial. 4. Potassa. Se. 6. St.Ré.Musc. 6. As.Mêlât. 7.OPV. Jonc.8.Uriner. EPO. 9. Sis. Touron.10. SE. La. Nain. 11. Eros. Linné.12. Sandalette.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Laisse une trace du passage.2.Quand le voisin est toujoursbienvenu. 3. Assure un bon fil.Chef-lieu sur l’Orne. 4.Hameau àla Réunion. Frappa à grandscoups. 5. Blessent. Okapi sans Kp.6.Dans les règles. Saint normand.A longtempsmis au supplice.7.Noir pour la raie, blanc pour lebrochet. 8. Attendrisse. 9. Il n’y apasmieux. Sans bavure. Pour unpremier tour. 10. Personnel. Meten opposition. Donne son accord.11.Quitte la Belgique pour finir enSeine. Sait tout avant les autres.12.Dénigrèrent.

I. Sortie aussi discrète que l’entrée.II. Bien dégrossie. Paralysante, ellefait encore de gros dégâts.III. Facilitent une bonne prise enmain. Marcel Marceau. Sur laportée. IV. Son pays n’est pas biengrand. Peu devenir papillon.V. Pour rouler plus propre. Fixonssolidement.VI. Interjection. Enpiste. Du seigle dans les verres.Romains.VII. Transparent etfeuilleté. Bosser dur.VIII.Mûrement préparés. Reliefdécoratif. IX. Ferai l’innocent.Va bientôt perdre ses boules.X.Douleurs d’aujourd’hui,supplice d’hier.

Mardi7 janvierTF1

20.50 Benjamin Gateset le livre des secretsFilm Jon Turteltaub. Avec Nicolas Cage (2007).23.20Mentalist.Série. Basses vengeancesU. Belle famille.Où es-tu Kristina ? (S3, ép. 1 à 3/24, 145min).

FRANCE2

20.45Aznavour. Documentaire.22.30 Infrarouge - Einsatzgruppen :les commandos de lamort.[1 et 2/2]. Les Fosses (juin - décembre 1941).Les Bûchers (1942-1945)V (2009, 175min).

FRANCE3

20.45 Famille d’accueil.Série. Lolita. Cœur à prendre. La Griffedu léopard (S12, ép. 1 à 3/12, audiovision).23.25Météo, Grand Soir 3.0.05 Les Carnets de Julie.Spécial New York. Magazine (60min).

CANAL+

20.55Une nouvelle chanceFilm Robert Lorenz. Avec Clint Eastwood,Amy Adams, Justin Timberlake (EU, 2012)U.22.45 Après Maippp

Film Olivier Assayas. Avec Clément Métayer,Lola Créton, Felix Armand (Fr., 2012, 115min)U.

FRANCE5

20.38 L’Amour à perpète.Documentaire. Marie Bonhommet (Fr., 2013).21.31 Débat. Avec Caroline Touraut, Laurent Jacqua.21.45 Indiens d’Amazonie,le dernier combat.22.39C dans l’air.23.50 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.49 Thema -Adieu thon, bar, saumon!20.50 La Fin du poisson à foison ?21.55 Heureux comme un poisson dans l’eau.22.35 Débat.22.55 Le Port d’espérance.23.55 A qui profitele printemps arabe? (60min).

M6

20.50 Star Wars Episode I :la menace fantômep

Film George Lucas. Avec Liam Neeson,Natalie Portman (EU, 1999, audiovision).23.20 Tron : l’héritagepFilm Joseph Kosinski. Avec Jeff Bridges, GarrettHedlund (Etats-Unis, 2010, 145min).

météo& jeux écrans

Sudokun˚14-006 Solutiondun˚14-005Mercredi8janvierTF1

20.50 Les Experts.Série. Sang neuf. Maudite maison (saison 12,ép. 14 et 15/22, inédit)U ; Je suis personne.Capharnaüm (saison 11, épisodes 4 et 5/22)U.0.10Dr House.Série. La Place de l’homme. L’amour estaveugleU. Pour l’honneur (S8, ép. 13 à 15/22).Avec Hugh Laurie, Omar Epps (140min)U.

FRANCE2

20.45Délit de fuite.Téléfilm. Thierry Binisti. Avec Eric Cantona,Jérémie Duvall, Tom Hudson (France, 2012).22.20La Parenthèse inattendue.Invités : Franck Dubosc, Michel Fugain...0.32Dakar 2014 - Bivouac (23min).

FRANCE3

20.45 L’Ombre d’un doute.Florence, la Magnifique. Magazine.22.50Météo, Soir 3.23.50 Les Chansons d’abord.Invités : Florent Pagny, John Mamann...0.40 Couleurs outremers (30min).

CANAL+

20.55MaxFilm Stéphanie Murat. Avec JoeyStarr, MathildeSeigner, Shana Castera (France, 2012)U.22.20Gaspard Proust.Gaspard Proust tapine. Au Théâtre du Châtelet.0.00 Télé GauchoFilmMichel Leclerc. Avec Yannick Choirat, FélixMoati, Emmanuelle Béart (Fr., 2012, 110min)U.

FRANCE5

20.35 La Maison France 5. Magazine.21.25 Silence, ça pousse! La Barbade.22.10 Echo-logis. [7/10]. Vent.22.40 C dans l’air. Magazine.23.50 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.50Noce blancheFilm Jean-Claude Brisseau. Avec Bruno Crémer,Vanessa Paradis, Ludmila Mikaël (France, 1989).22.20Mark Lombardi,artiste conspirateur. Documentaire (2011).23.15 L’Enfant au violonFilm Chen Kaige. Avec Tang Yun (Ch. -Cor., 2002).1.10 Les Tempsmodernesppp

Film Charles Chaplin (1936, muet, N., 110min).

M6

20.50Maison à vendre. Magazine.22.40 Delphine ; Camille et Hubert.0.25 Sandrine et Gilles ; Emmanuelle (105min).

Lessoiréestélé

Résultats du tirage du lundi 6 janvier.13, 17, 19, 29, 30 ; numéro chance : 9.Rapports :5 bonsnuméros etnuméro chance : pas de gagnant;5 bonsnuméros : 87996,10 ¤;4 bonsnuméros : 625,00 ¤;3 bonsnuméros : 7,50 ¤;2 bonsnuméros : 4,30 ¤.Numérochance : grilles à 2 ¤ remboursées.Joker : 1057133.

Depuisoctobre2013,ArmelLeCozs’invitechezlescandidatsauxélectionsmunicipales

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FacileCompletez toute lagrille avec des chiffresallant de 1 a 9.Chaque chiffre ne doitetre utilise qu’uneseule fois par ligne,par colonne et parcarre de neuf cases.

Lesjeux

Loto

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14 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 15: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

décryptages

SaintPoutineparSerguei

Mona Ozouf, présidenteduCollectifPierreBros-solette au Panthéon,vient de franchir demanière stupéfianteles limites de la discus-

sion acceptable sans que personne, en cestempsdedevoirsmémorielsressassés,réa-gisse. Sa tribune (Le Monde daté15-16décembre 2013) propose d’accueillirenfin la Résistance dans le Temple de laRépublique au travers de trois candidats,Pierre Brossolette, Geneviève Anthonioz-deGaulle etGermaineTillion.

Cedernier textedeMonaOzouf changeradicalement les termes du débat suscitédepuis quelques mois par sa campagnepour l’entrée de Pierre Brossolette au Pan-théon. Débat jugé selon elle déplaisant,mais selon d’autres légitime, entre ceuxquiestimentlaflamboyantefiguredeBros-soletteéligibleàcettegloire,carson«sacri-ficeécritavec lesanget l’encrefaitpartiedupatrimoine de la France», comme l’écrit àjuste titre le Collectif Pierre Brossolette auPanthéon, et ceux qui, sans contester sagrandeur et son courage – de ses combatshéroïquesde 1940à sa fin tragique (il s’estsuicidé en se jetant par la fenêtre deslocauxdelaGestapo)–,trouveraientétran-ge que se côtoient au Panthéon celui quiestdifficilementparvenuàl’unificationdela Résistance quelques semaines avant samort et celui qui n’a cessé de s’opposer àlui.

Pierre Brossolette, ce grand héros, fut–celaarrive–unpiètrepolitiqueetgênadeGaulle et JeanMoulin àunmomentdéter-minantpour laplaceet le statutde laFran-ce au sortir duconflit.

Alorsque lesAméricains,préférantunesolution avec Vichy, essayaient, au prin-temps1943,dejouer l’accommodantgéné-ral Giraud contre de Gaulle, l’objectif deJean Moulin, représentant unique de cedernier en France occupée, fut de démon-trerauplusvite, autraversd’uneorganisa-tion unique rassemblant les partis politi-ques d’avant-guerre (seule expression del’opinion française pour les Alliés), quel’homme de Londres avait derrière lui latotalitéde la France résistante.

Ce fut l’objectif principal et décisif de laréunion du Conseil de la Résistance, le27mai 1943.Mais, à l’encontre des instruc-tionsetdesrappelsà l’ordre,PierreBrosso-lette,aunomdesoninterprétationperson-nelledelarégénérationpolitique,compro-mettait les efforts deMoulin, lui désobéis-sant, comme il n’hésitapas à désobéir auxconsignes mêmes du chef de la Francelibre ainsi que l’a résumé l’historien Jean-Pierre Azéma: «En rendant pour partieinapplicable le schémamis au point à Lon-dres, Brossolette semait la pagaille, alorsqueMoulinrencontraitdegrandesdifficul-tés avec les chefs desmouvements de résis-tance.»

MonaOzouf, insistant surtout sur la finglorieuse et tragique de Brossolette,s’étendpeu sur cet aspect de sonaction, secontentant de préciser – suivez monregard – qu’il était «du genre à ne pasaimer perdre son temps avec des imbécilesou en palabres politiciennes». Non seule-ment deGaulle n’a pas songé un instant ànommer Brossolette à la place deMoulin,mais il dut le convoquer à Londres parcequ’il continuait à défier ses instructions.C’estenpréparantsonvoyagepourrépon-dre à cette convocation qu’il fut malheu-reusementarrêté.

Cette vérité historique explique que latotalité des historiens spécialistes de l’Oc-cupation et de la Résistance ont refusé des’associer à la démarche pétitionnaire deMonaOzouf.C’estpourquoiaussiFrançoisMitterrand, qui a pourtant beaucoupmanié la panthéonisation, refusa, malgréson antigaullisme carabiné, celle de PierreBrossolette qui lui fut demandée à plu-sieurs reprises.

Cependant,entendreque, endépitde lacohérence mémorielle, certains plaidentau nom du pluralisme de la Résistance etde la reconnaissance de tous ses hérospour que Brossolette rejoigne Moulin au

Panthéon est tout à fait acceptable et res-pectable.Enrevanche,entendrequelepre-mierdoitentrerparcequ’oninsinuequelesecond est un imposteur ne l’est plus dutout!

Danscetteincroyabletribune«LaRésis-tanceauPanthéon!»–dontlaprouesseestdenepasciteruneseulefoislenomdeJeanMoulin –, Mona Ozouf révèle les motiva-tions sous-jacentes de sa quête que n’ontpasdûvoirnombredesexcellentssignatai-res de sa pétition: dénier la légitimité deJeanMoulinà représenter la Résistanceenrelançant les rumeurs soupçonnant en luiunagentau serviceducommunisme.

Dans une précédente interview, MonaOzouf soulignait ainsi que Brossolette – àladifférencedequivoussavez– fut, lui,undes«rares intellectuelsfrançaisàs’opposerau nazisme comme au communisme».DansLeMondeellepoursuit:«Brossolette,c’est le suicide héroïque, mais aussi l’enga-gementsansfaiblessede l’intellectuelenne-mide tous les totalitarismes.»

Affirmations fielleuses et pleines desous-entendusranimant implicitement lapolémique (que l’on pensait close)qu’avait provoquée en 1993 la publicationdulivredeThierryWoltonLeGrandRecru-tement (Grasset). Dans cet ouvrage fantai-siste, le journaliste laissait entendre queJeanMoulinavait étéà la soldedeMoscou.Une vieille calomnie, lancée dès l’après-guerre par Henry Frenay, grand résistantet chef de Combat, mouvement intérieurd’abordmaréchaliste,quin’ajamaisaccep-té ni de Gaulle ni le rôle d’unificateur quecelui-ci avait confiéà JeanMoulin.

Ces accusations ont été clairementdémontées par Jean-Pierre Azéma, PierreVidal-Naquet et surtout Daniel Cordier,l’ancien secrétairede JeanMoulin, devenuhistorien à cause de ces calomnies.L’œuvre irréfutabledecedernieramontréque, au contraire, Jean Moulin limita partouslesmoyens,politiquesetmêmefinan-ciers, les ambitions des communistes ausein de la Résistance (ils tentèrentd’ailleurs de jouer Giraud contre de Gaul-le…),tandisquelesmanœuvresintempesti-ves de Pierre Brossolette aboutirent à leursurreprésentationau sein duConseil de laRésistance!

La mémoire de Jean Moulin n’a en faitjamais cessé d’être malmenée: dès sonarrestation à Caluire en juin1943, puisaprèssasortiedel’oubliparlapanthéonisa-tion en 1964, enfin au travers de rumeursen faisant tantôt un agent soviétique tan-tôt un agent américain! Mais les accusa-tions de soviétisme ont pesé le plus, carelles ont été aveuglément soutenues pard’ex-communistesrepentis.

C’est en effet le grand François Furet,ami et collèguedeMonaOzouf, qui défen-ditbrièvementmaisbien imprudemmentle livre de Thierry Wolton dans Le NouvelObservateur, en compagnie d’AnnieKriegel,quimitdesoncôtéLeFigaro-Maga-zine au service de cette campagne. Leurengagement communiste n’a cessé detarauder François Furet, Annie Kriegel etMonaOzouf,d’oùunetendanceirrépressi-ble à relire tous les événementsà la lumiè-rede leurs errements.

En faisant de son légitime plaidoyerpour Pierre Brossolette un réquisitoirecontre Jean Moulin, «pauvre roi suppliciédes ombres» (Malraux), Mona Ozouf nefaitque relancer cette infamie.p

StéphanBourcieudirecteur duGroupe ESC Dijon Bourgogne

LaRésistanceestdéjàbienlàauPanthéon,MonaOzouf!JeanMoulinlareprésente

Au terme de douze ans de gestation, lemégacontratde36avionsdecombatdesti-nés à équiper l’armée brésilienne a étéremporté mi-décembre 2013 par leconstructeur suédois Saab, pour unmon-tant total avoisinant les 4,5milliards de

dollars (3,3milliards d’euros). Le petit monoréacteurJA39 Gripen s’est imposé face aux puissants biréac-teursBoeingF/A-18SuperHornetetRafaledeDassaultAviation.

Pour le constructeur français, cette nouvelle décon-venue est difficile à encaisser tant il est vrai que lesconditionsdusuccès semblaient– enfin– réunies. Si lasupériorité techniquede l’appareil français était, com-meà l’habitude, évidente, la diplomatie semblait pourunefoispencherégalementducôtéfrançais.Lescanda-le des écoutes de la NSA déclenché par EdwardSnowdenavait en effet définitivementcompromis leschancesdel’appareilaméricain, tandisqueladiploma-tie française, Nicolas Sarkozy et François Hollande entête,n’avaitpasménagéses efforts.Dès lors, commentexpliquer que le Brésil ait fait le choix d’un appareilmoins performant, soutenupar unpays à la diploma-tieplusconnuepour sadiscrétionquepour sescapaci-tésde lobbying?

Si la technologie et la géopolitique ne sont pas encause, c’est sans doute du côté des spécifications dumarché qu’il faut chercher les raisons de cet échec.Commel’aannoncéle18décembre2013leministrebré-siliende ladéfenseCelsoAmorim,«le choix s’est fondésurl’équilibreentretroispoints: letransfertdetechnolo-gie, le prix de l’avion et le coût de son entretien». Payssans ennemi, le Brésil n’a guère besoin du nec plusultra des appareils de combat pour surveiller ses fron-tières. Il a donc logiquement choisi de privilégier l’ap-pareil le moins complexe et par conséquent le moinscoûteux tant à l’achatqu’à l’exploitation.

Après la Suisse en 2011, la décision brésiliennemetunenouvelle fois àmal la stratégiedemontéeengam-me de Dassault Aviation engagée avec le Rafale. Pen-dant près de cinquante ans, Dassault Aviation a accu-mulé lessuccèsà l’exportavec leschasseursMystèreetMirage. De l’Argentine à l’Australie en passant parIsraël, ces avions simples et performants (comparésauxappareilsaméricainsconcurrents)ontéquipéavecsuccèsdesdizainesde forcesaériennesdans lemonde.

LeRafaleamarquéuneruptureaveccetteapproche.Avionmultirôle, technologiquementtrèsavancé, il estconsidérécommel’undesmeilleursappareilsaumon-de.Mais, s’il dominedans les airs le Soukhoï SU30 rus-se, l’Eurofighter européen et autres Saab JA 39 Gripensuédois, la réalité est bien différente dès lors que l’onparle contrats. Alors que leMirage 2000 s’est vendu à286exemplaires dans 8pays entre1984 et 2006, sonsuccesseur attend toujours son premier contrat horsde l’Hexagone, vingt-sept ans après sonpremier vol!

LadécisionduBrésil en faveurduchasseur suédois,moinscheràl’achatetplussimpled’exploitation,mon-treque lamontéeengammen’apasdesens lorsqu’elleest déconnectée des besoins dumarché. Cela fait direaux observateurs qu’unmonomoteur tel que leMira-

ge2000 modernisé, mieux adapté et surtout beau-coupmoins cher, car largement amorti, aurait consti-tué une offre certainement plus pertinente pour rem-placer les…Mirage2000achetésd’occasionà la FrancepourassurerladéfenseaérienneduBrésil.Maislesdiri-geants de Dassault Aviation comme ceux de la Francesont obnubilés par la réussite à l’export du fleuron del’industrie aéronautique française, au point d’en per-dre parfois le sens le plus élémentaire de l’analyse desbesoinsdu client.

DepuislerapportGalloissurlacompétitivitédel’in-dustrie française paru en 2012, la stratégie demontéeengammeestquasimentélevéeau rangdedogmeparles responsablespolitiqueset économiquesfrançais. Ilnesepassepasunesemainesansqu’unmembredel’ac-tuel gouvernement, d’Arnaud Montebourg à NicoleBricq,nemetteenavant cettestratégiecomme la solu-tion auxmaux de l’industrie française et de son com-merce extérieur. Il faut dire que les exemples alle-mands, de l’automobile aux machines-outils, abon-dent et démontrent la pertinence du modèle. Il fautégalementsoulignerque lesentreprises françaisesquiréussissent à l’international sont en particulier posi-tionnées sur des biens haut de gamme: avec plus de11% des exportations mondiales de produits haut degamme, laFrance seplaceainsi au4erangd’unmarchéstratégique.

D’unepart, c’estunmarchéen forte croissance,por-té par les pays émergents (au premier rang desquelsHongkong, la Chine, la Russie et les Emirats arabesunis), dont les importations mondiales de produitshautde gammesontpasséesde21%en2000à39%en2011. D’autre part, c’est un marché qui joue un rôleessentiel pour affirmer le positionnement et l’imagedemarqued’unpays: il est certain que l’ensembledesproductions issues d’outre-Rhin bénéficient de l’ima-ge positive dégagée par l’industrie automobile alle-mande.

LaréussiteduClubMed, fondéesurunestratégiedemontée en gamme engagée depuis près de dix ans,démontre la viabilité d’un tel choix stratégique pouruneentreprisefrançaiseà l’international,ycomprisenpériode de crise économique. Pour autant, il ne fautjamaisperdredevuequelamontéeengammedoits’ac-compagner d’une réponse pertinente adaptée auxbesoins du client ainsi que d’une adéquation entrel’imagede l’entrepriseet lemarchévisé.

Les échecs répétés du Rafale à l’international, maiségalement de l’EPR d’Areva, devraient inciter les res-ponsablespolitiquesfrançaisàappréhendercettestra-tégie avec plus de réalisme. Cela permettrait peut-êtred’éviter le constat «qu’en France les considérations deprestigeprennentsouventlepassuruneanalyseobjecti-vedesdonnéeséconomiques…», commeledisaitHenriZiegler,patrondesAvionsBrégueten 1966àproposdeConcorde, l’autre meilleur avion du monde et écheccommercial retentissant. Souhaitons que la stratégiecommerciale du Rafale lui réserve un avenir moinssombre.p

LamémoiredeJeanMoulinn’ajamaiscessé

d’êtremalmenée:dèssonarrestationàCaluireenjuin1943

etautraversderumeursenfaisanttantôtun

agentsoviétique,tantôtunagentaméricain

PierrePéanEricConan

Journalistes

Payssansennemi,leBrésiln’aguèrebesoindunecplusultradesappareilsdecombatpoursurveiller

sesfrontières

¶Pierre Péan est l’auteurde «Vies et morts de JeanMoulin»,Fayard-Pluriel (2013),et Eric Conan (avec Henry Rousso)de «Vichy, un passé qui ne passepas», Fayard-Pluriel (2013)

RévisonsnotrestratégiedeventeduRafaleAprèsleBrésil,évitonsdenouveauxéchecs

150123Mercredi 8 janvier 2014

Page 16: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

ANALYSEparHaroldThibaultShanghaï, correspondance

De la réforme de la politique del’enfant unique à celle des cen-tres de rééducationpar le travailen passant par le statut descitoyens ruraux et la libéralisa-tionfinancière…lalistedeschan-

gements majeurs promis pour les années àvenirn’enfinitplusenChinedepuis l’arrivéeaupouvoir de Xi Jinping, en novembre2012. Aupoint que ces réformes requerront, pour deve-nir réalité,unecommissionspéciale, chargéedefaire avancer le changement au brise-glace auseind’uneadministrationdissimulantunemul-titude de voix réticentes, celles qui ont un inté-rêtpersonnel aumaintiendustatuquo.

Depuis l’annonce, le 15novembre 2013, dudétail de cet ordre du jour progressiste, à l’issuedu3eplénumducomitécentralduParticommu-niste (PCC) sousXi Jinping, un certain suspensetenait les observateurs de la politique chinoiseenhaleine. Lenomde lapersonnequiprendraitla têtedecette commissionnouvellementcrééeen dirait long sur les gagnants et perdants ausein du parti unique dirigé par M.Xi. Le SouthChina Morning Post, grand quotidien de Hon-

gkong, pensait savoir qu’il s’agirait du premierministre, Li Keqiang. Une anticipation légitimepuisqueM.Li estdavantagedans l’opérationnelentantquechefdegouvernement.Annoncéeledernier jour de 2013, la nomination ne laisseplus de place à l’ambiguïté: le vainqueur est XiJinpingenpersonne,quisortduviragedesapre-mièreannéepleineaupouvoirgrandementren-forcé.

Cette puissance s’illustre par la présencemédiatique du président. Sa capacité à créer lebuzz n’a rien à envier aux politiciens occiden-taux.Déjà, lacélébritédesonépouse,chanteuseconnuedes Chinois plus tôt que sonmari, avaitajouté une touche de glamour rare aux stan-dardspolitiques locaux.UneviréedeM.Xidansunecantine,oùilacommandédespetitspainsàla vapeur, payé lui-même et porté son plateau,n’estpassans rappeler les séquenceshot-dogdeBarack Obama. L’opération de communicationa fait sensation sur Internet.

Demêmepour sonmessage télédiffuséde lanouvelleannée,pour lequelM.Xiétaitassisder-rière son bureau, une scénographie établissantdavantage de proximité avec le spectateur queles grands discours dans le très froid Palais duPeuple. Là encore, l’homme fort de Pékin saitimposer son style, établissantune relation sansintermédiaire entre lui et l’opinion. Lemessageporté depuisun an est compréhensiblede tous.Plutôt qued’aligner les slogans sonnant enpre-mier lieuà l’oreillede labureaucratie– le«déve-

loppement scientifique» et «l’harmonie», chersàHuJintao–Xi Jinpingasudégainerunconceptsimple: le rêve chinois. Comprendre puissanceetprospérité.

En comparaison, le premier ministre s’estillustré par une absence cet automne. LiKeqiangavaitséché,àlafinseptembre,l’inaugu-ration de la zone de libre-échange de Shanghaï,dossier qu’il avait pourtantporté à boutdebrasaucoursdesmoisprécédentsmaisdontledétailse révèle jusqu’à présent décevant, peut-êtreparce qu’il n’a pas eu la puissance politiquenécessairepour imposer ces innovations.

«L’anti-Hu Jintao»De sorte qu’il est désormais plus approprié

de parler de la Chine de Xi Jinping que du tan-demXi-Li,commeondécrivaitauparavantceluiforméparHuJintaoetWenJiabao–l’unbureau-crate austère, l’autre assez fort en communica-tion pour que le peuple lui attribue le titre de«premier acteur de Chine», mais qui ne réussitpas à imposer ses vues au sein du Parti et sortitentachéparunscandalesurl’enrichissementdeses proches. Comme le constatait Kenneth Lie-berthal, sinologue de la Brookings Institution,XiJinpingest«l’anti-HuJintao» : ilesttrèsauda-cieuxet aun fort leadership.

En une année, sa poigne en a surpris plusd’un.Acommencerpar lesofficiels,dont37000auraient fait l’objet d’une enquêtepour corrup-tion entre janvier et novembre2013, selon

l’agencedepresse officielle, ChineNouvelle. Aucoursde cette campagne, aucunsignede libéra-lisme politique: pas question d’indépendancedesjuges, l’anticorruptionestconfiéeàdeshom-mespolitiquesfortsetleParticontinueàs’enca-drer lui-même.

Legrandsuccèsduprésidentestd’avoirréus-si à s’approprier la lutte contre les dérives duPCC, car chacunparle désormais de «la campa-gnedeXi Jinping», sortedesauveurde ladroitu-reduParti qui aurait imposéauxéchelons infé-rieursdeneplus commander«quequatre platset une soupe», selon la formule consacrée, lorsdes dîners officiels. S’il a su imposer sa relationaupeuple chinois, denombreusesquestionsnesont pas résolues sur le modèle de fond querecherche M.Xi. Le politologue Willy Lam évo-que la quêted’une «formule qui satisfasse aussibien la soif de contrôledesdirigeantsque ledésirdupeuple de libérer ses forcesproductives».

Lecommuniquépubliéàl’issuedu3eplénumcite à la fois le maintien de la puissance desentreprisespubliquesetlerôle«décisif»dumar-ché.LesarbitragesàvenirpermettrontdevoirsiM.Xiasus’imposer,nonauprèsdel’opinioncet-te fois, mais au cœur du Parti. La nécessité per-manenteduconsensusacontraintsonprédéces-seuretsonpremierministreà lui léguerlatâchede faire passer les réformesnécessaires à la sur-vieduParti. Sera-t-il capabledepasser outre?p

[email protected]

CHACUNPARLE

DÉSORMAISDE « LA

CAMPAGNEDE XI

JINPING »,SORTE DE

SAUVEUR DELA DROITUREDU PCC

M on gros loup, ne prenonspas de risques inutiles, leplustôtseralemieux.Don-

ne-moi tes instructions. Suzy…»GrosLoupetSuzy,celavousrappel-le quelque chose? Dix ans après,les petites annonces passées dansle quotidien Libération ont laissédans nosmémoires des traces quinedemandentqu’à être réveillées.D’autant que derrière Suzy secachait leministredel’intérieurdel’époque.

Des terroristes qui signent AZFdes tracts de revendicationsenvoyésàl’ElyséeetPlaceBeauvauont fait jouer un ministre de laRépubliqueà ce petit jeu de piste…L’époque, c’était la fin de l’année2003 et le début de l’année 2004.Le journaliste rédacteur en chef àPublic Sénat, Arnaud Ardoin,reprend l’histoire dans un romanintitulé AZF, une affaire au som-met de l’Etat, la romançant légère-ment aupassage.

Unehistoire rocambolesqueL’affaire commence par une

bombe posée sur les rails près deLimoges. Un engin facile à exhu-mer grâce aux indications des ter-roristes.Unerançonestdemandéedans un verbiage qui inclut unebonne pincée d’idéologie d’extrê-me gauche et un zeste d’onne saittrop quoi, si bien qu’on parle alorsde«verbiageésotérique»…S’agit-ild’un groupusculequi amal digéréles théories politiques?

Le roman d’Arnaud Ardoin faitplutôt pencher la balance côtémachination. En douceur ; sansaccuser personne. D’ailleurs, il necite jamais le ministre de l’inté-rieur d’alors qui n’est autre queNicolas Sarkozy, ni le locataire del’Elysée, JacquesChirac. A l’époqueles relations entre les deux hom-mes laissent imaginer une possi-

blemachinationmontée par l’Ely-sée contre son ministre de l’inté-rieur. On sent que la thèse titillel’écrivainquil’étayeaufildelanar-rationdecettehistoirerocamboles-que. Comme tout bon auteur,Arnaud Ardoin joue avec ses per-sonnages, les habillant en tenueromanesque. Il y a ce journalistequi outrepasse l’interdit duminis-tère de l’intérieur d’écrire sur cesbombes qui trufferaient le réseauferré… le flic plus vrai que nature,l’attachéedepresseet… leministrequicalmesescolèresdanslesballo-tinsde chocolat.

Levraisoucidecetécrivainjour-naliste dans l’âme, c’est quedixans après les faits la vérité n’apas émergé. Personne ne connaîtle visage des terroristes. Enterréel’affaire de Gros Loup et Suzy? S’ilne répond pas à la question, celivre a tout de même le mérite deramenerlesujetdansledébatpourleplusgrandplaisirdulecteur,cer-tes,maisaussiducitoyen,quitrou-ve là un essai très documenté. Ser-vira-t-il à rouvrir ce dossierdont lesommeil semble arranger quel-quesprotagonistes?p

MarylineBaumard

analyses

Chine :M.Xi et seulementM.Xi

AZF, une affaire au sommet de l’EtatArnaud ArdoinEditions du Rocher, 2013, 224 p., 18 ¤

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Algérie 80 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤,Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤,Malte 2,50 ¤,

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Barack etMichelleObama, à pied sur Pennsylvania Avenue,mardi 20 janvier, se dirigent vers laMaisonBlanche. DOUGMILLS/POOL/REUTERSa Les carnets d’une chanteuse.Angélique Kidjo, née au Bénin, a chantéaux Etats-Unis pendant la campagnedeBarackObama en2008, et de nouveaupendant les festivités de l’investiture,du 18 au 20 janvier. Pour LeMonde, elleraconte : les cérémonies, les rencontres– elle a croisé l’actrice Lauren Bacall,le chanteur Harry Belafonte… et l’écono-

miste Alan Greenspan. Une questionla taraude : qu’est-ce que cet événementva changer pour l’Afrique ? Page 3

a Le grand jour. Les cérémonies ;la liesse ; lesambitionsd’unrassembleur ;la première décision de la nouvelleadministration: la suspensionpendant cent vingt jours des audiencesde Guantanamo. Pages 6-7 et l’éditorialpage 2

a It’stheeconomy... Il faudraà lanou-velle équipe beaucoup d’imaginationpour sortir de la tourmente financièreet économique qui secoue la planète.Breakingviewspage 13

a Feuille de route. « La grandeurn’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…)Avec espoir et vertu, bravons une foisde plus les courants glacials et enduronsles tempêtes à venir. »Traduction intégraledu discours inaugural du 44eprésidentdes Etats-Unis. Page 18aBourbier irakien.Barack Obamaa promis de retirer toutes les troupesde combat américaines d’Irak d’iciàmai 2010. Trop rapide, estiment leshautsgradésde l’armée.Enquêtepage 19

GAZA

ENVOYÉSPÉCIAL

D ans les rues de Jabaliya, lesenfants ont trouvé un nou-veau divertissement. Ils col-lectionnent les éclats d’obus et demissiles. Ils déterrent du sable desmorceaux d’une fibre compactequi s’enflamment immédiatementau contact de l’air et qu’ils tententdifficilement d’éteindre avec leurspieds. « C’est du phosphore. Regar-dez comme ça brûle. »Surlesmursdecetterue,destra-cesnoirâtressontvisibles.Lesbom-bes ont projeté partout ce produitchimique qui a incendié une petitefabrique de papier. « C’est la pre-mièrefoisque jevoiscelaaprès trente-huit ans d’occupation israélienne »,s’exclame Mohammed Abed Rab-bo. Dans son costume trois pièces,cette figure du quartier porte ledeuil. Six membres de sa familleont été fauchés par une bombedevant un magasin, le 10 janvier.Ils étaient venus s’approvisionnerpendant les trois heures de trêvedécrétées par Israël pour permet-tre auxGazaouis de souffler.Le cratère de la bombe est tou-jours là. Des éclats ont constellé lemur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septièmevictime, âgée de 16 ans, ne décolè-re pas. « Dites bien aux dirigeantsdes nations occidentales que ces septinnocents sont morts pour rien.Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs deroquettes. Que c’est un acte crimi-nel. Que les Israéliens nous en don-nent la preuve, puisqu’ils sur-veillent tout depuis le ciel », enrageRehbi Hussein Heid. Entre sesmains, il tient une feuille depapier avec tous les noms desmortsetdesblessés, ainsi que leurâge, qu’il énumère à plusieursreprises, comme pour se persua-der qu’ils sont bienmorts.MichelBôle-RichardLire la suite page 5et Débats page 17

Ruines, pleurs et deuil :dans Gaza dévastée

WASHINGTONCORRESPONDANTE

D evant la foule la plus considérablequi ait jamais été réunie sur le Mallnational de Washington, BarackObama a prononcé, mardi 20 janvier, undiscours d’investiture presquemodeste. Aforce d’invoquer Abraham Lincoln,Martin Luther King ou John Kennedy, ilavait lui même placé la barre très haut. Lediscours ne passera probablement pas à lapostérité, mais il fera date pour ce qu’il a

montré.Unenouvellegénération s’est ins-tallée à la tête de l’Amérique. Une ère detransformation a commencé.Des rives du Pacifique à celles de l’At-lantique, toute l’Amérique s’est arrêtéesur le moment qu’elle était en train devivre : l’accession au poste de comman-dant en chef des armées, responsable del’armenucléaire,d’un jeunesénateur afri-cain-américain de 47 ans.

Lire la suite page 6Corine LesnesEducation

L’avenir deXavier Darcos«Mission terminée » :le ministre de l’éducationne cache pas qu’il seconsidérera bientôt endisponibilité pour d’autrestâches. L’historiende l’éducation ClaudeLelièvre expliquecomment la rupture s’estfaite entre les enseignantset Xavier Darcos. Page 10

AutomobileFiat : objectifChryslerAu bord de la failliteil y a quelques semaines,l’Américain Chryslernégocie l’entrée duconstructeur italien Fiatdans son capital, à hauteurde 35 %. L’Italie se réjouitde cette bonne nouvellepour l’économie nationale.Chrysler, de son côté, auraaccès à une technologieplus innovante. Page 12

BonusLes banquiersont cédéNicolas Sarkozy a obtenudes dirigeants des banquesfrançaises qu’ils renoncentà la « part variablede leur rémunération ».En contrepartie,les banques pourrontbénéficier d’une aidede l’Etat de 10,5 milliardsd’euros. Montantéquivalent à celle accordéefin 2008. Page 14

EditionBarthes,la polémiqueLa parutionde deux textes inéditsde Roland Barthes,mort en 1980, enflammele cercle de ses disciples.Le demi-frère del’écrivain, qui en a autoriséla publication, essuieles foudres de l’ancienéditeur de Barthes,François Wahl.Page 20

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16 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 17: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

bonnes feuilles

L’agacementduprésident

D’ordinaire,FrançoisHollandenemani-feste guère d’émotion à la lecture d’unemauvaisepresse.Maiscedimanche23sep-tembre 2012, il est véritablement furieux.La cause du courrouxprésidentiel, c’est launedu Journaldudimanche, qu’il partagece jour-làavecManuelValls sous les résul-tats d’un sondage assassin et un titre quine l’est pas moins: «L’un monte, l’autrechute». La photomontreHollande en basde l’escalier de l’Elysée, et Valls juché brascroisés quelques marches plus haut…Selon l’étude de l’IFOP, le président perdonzepoints, un recorddans cebaromètre,alorsquesonministren’acessédeprogres-ser pendant l’été pour atteindre à cemoment 67% de bonnes opinions. Ainsiexposée en première page, la distorsionentresescourbesdepopularitéetcellesdesonministrede l’intérieur, quinecessedese creuser depuis les premières semainesduquinquennat, est cruelle (…).

La positionoutrageusement dominan-te de son ministre ne pouvait, à terme,qu’indisposer le chef de l’Etat. Pour unministre, ce dernier ne peut s’en prendrequ’à lui-même, qui aurait laissé fairel’inexorable installation de Valls dans lepaysage: «Le fait que François Hollandereste immobile, ne bougepas, ne traitepaslesproblèmes, c’est unecaused’affaiblisse-ment et de discrédit politique. A unmoment, ça se paie. La politique a changé.Y a eu Sarko, Obama. Le niveau de jeu amonté. François est faible. Il y a un vide àcombler. C’est ce que faitManuel.»

Le patron de l’intérieur, de fait, prendtoujours plus d’assurance. Et à mesureque Manuel Valls, par son activité politi-que de tous les instants, gagne du terrainetétendsasurfacepolitique,FrançoisHol-lande se montre chaque un jour un peuplus vigilant quant à ses avancées. Beau-coup, jalouxsansdoute,nemanquentpasde le souligner. «Son influence s’est atté-nuée, confirme uneministre importante.Leprésidentconsultemaintenantdefaçonplus diversifiée et prend plus de recul. Il aune analyse un peumoins traumatisée delapopularitédeManuel, qui a été pendantun moment un facteur d’intimidation.»Diagnostic d’un des vieux compagnonsdeHollande:«Ilaété lechouchouduprési-dent en début de quinquennat, il l’est unpeumoins. Ça doit quandmême l’agacer.Hollandedétestequ’on l’enfermedansunerelation qui le rendrait dépendant. Pen-dant la campagneou lapériodede l’instal-

lation, ça allait. Mais quand il a pris sesaises, Hollande a compris que l’autre l’en-fermait dans cette relation. Et il a essayéd’en sortir. » (…) Le ministre, une fois, l’ad’ailleurs confié à ses proches: «Le regarddeHollande surmoi a changé…»

«Unbrasdeferpermanententredeuxtigres»

Auseinde l’associationValls-Hollande,singulière joint-venturepolitique, se joueunesubtilepartied’échecs,oùchacunpro-tège l’autre tout en s’endéfiant deplus enplus. Le tout en maintenant l’apparencede la plus parfaite cordialité. Diagnosticd’uneministre: «C’est comme une espècedebras de fer permanent entre deux tigresqui savent que, si l’attaque est lancée, ilspeuvent se faire très mal mutuellement.C’estde ladissuasionnucléaire.»Leminis-tredel’intérieurl’ad’ailleursconfiéàquel-ques amis : « Il sent bien que je pourraisêtretentédeforcer lamain. Il fautquejefas-se attention. Hollande doit se dire : il nedoitpasprendrelaplace.Amoidenepas laprendre.» Manuel Valls pourra-t-il chas-ser le naturel ? (…) Le ministre de l’inté-rieur n’en dit jamais unmot,mais il trou-ve affligeantes certaines prestations télé-viséesduchefdel’Etat. Ilnepeutcompren-dre,parnature, cequi constitueà sesyeuxune absence totale de réactivité de Fran-çoisHollandefaceauxévénementspoliti-ques.Mais,pourl’heure, leministredel’in-térieursaitque,hors leprésident,pointdesalut. « Il sait qu’avec Hollande ce n’estjamais très durable, estime un proche.Mais l’analyse qu’il fait : en 2017, c’est Hol-lande, sans aucun doute. Donc le postulatpremier, c’est de ne pas se fâcher avecHol-lande.»Mêmesi, au fond, leministren’enpense pas moins. Un des ténors du PS enest persuadé: «Au fondde lui, il pense queFrançois ne sera pas réélu. En tout état decause, il se projette au-delà du quinquen-natdeFrançois.»MaisManuelVallsprendbien garde à ne jamais froisser un prési-dent en qui il ne fonde pas, lui non plus,uneconfianceabsolue.Associés etdeplusen plus rivaux, François Hollande etManuelVallssontpolitiquementcondam-

nésàs’entendreetàsemarquerdeprès.Etle président, plus que jamais, veille. «Hol-landeaaccepté la contraintequereprésen-tait Valls. Mais il ne le choisira pas pourMatignon. Pas sans qu’il se soit résolu àl’idéequ’il n’a plusque çaà faire», croitunintime de Valls. «Valls fera tout pour êtreindispensable. Et Hollande fera tout pourl’empêcher d’être indispensable», estimeun des conseillers duministre. A l’Elysée,l’on confirme considérer les menées duvoisin de Beauvau avec davantage de cir-conspection:«Leprésidentabesoinde lui,mais il fait attention à lui, confirme unconseiller du chef de l'Etat. Il le considèreforcément comme un rival potentiel,mêmesicelaparaîtimpensablequ’ilsepré-sente contre lui.»

La guerre Valls-Hollande aura-t-ellelieu? «Inconcevable, balaie ce conseillerprésidentiel. Pas crédible. Mais les hom-mes sont bizarres…» (…) Sauf si, d’aventu-re, la situation politique se dégradait etexigeait un sauveur susceptible de jouerla rupture avec un président en perdi-tion… Un ministre a d’ailleurs déjà écha-faudé le scénario: «Il ne se présenterapas,mais il peut l’empêcher de se présenter. Endéclarant sa candidature, en expliquantqu’il fait la rupture, par exemple. Çaadéjàété fait : par Chirac face à Giscard, parSarko face à Chirac, c’est un grand classi-que.»

Le président, quelque peu agacé par lacomparaison, tientpour sapart à recadrerles débats. «On a commencé à prédire ledépartdupremierministre le jouroù je l’ainommé. Mais ma confiance va à Jean-Marc Ayrault», maintient fermementFrançois Hollande. Manière de conforterson premierministre et de prévenir ceuxqui pourraient être tentés par le pari del’échec : «Quant à la présidentielle, quipeut imaginer gagner si nous n’avons pasréussi à convaincre les Français pendantcinqans?Çavautpour leprésidentsortantcommepour tous lesmembres du gouver-nement.»Aceuxqui endouteraientenco-re, au premier chef sonministre de l’inté-rieur, François Hollande, qui a indiqué àses proches que « l’idée est de travailler leplus longtempspossible avec ce gouverne-

ment», tientnéanmoins à la préciser: «Lemieux qu’ont à faire les membres du gou-vernement, y compris les plus pressés, c’estde travailler là où ils sont.» (…) Et, tactiquecomme à son habitude, le président, bieninstallé dans le fauteuil de son bureau del’Elysée, face à l’horloge à laquelle il jetterégulièrement un regard, de retourner lecompliment à son ministre en posant àson attention les termes de sa délicateéquationpolitique,celledutemps:«Com-bien de temps peut-on rester ministre del’intérieur? Le plus longtemps possible, apriori.»Mais en privé, il l’a confié à quel-ques amis, non sans un certain plaisir :«C’est une difficulté. Même Nicolas Sarko-zy a voulupartir…»

AffaireLeonarda:latensionestextrême

(Après que le premierministre a envisa-gé devant les députés un retour de lafamille Dibrani). Au sommet de l’Etat, latension est extrême. Jusqu’à la rupture?Le président et le premier ministre assu-rent que Manuel Valls ne leur a jamaisremis sa démission, comme l’avait faitArnaudMontebourg sur le dossier de Flo-range. L’intéressé confirme, qui convientnéanmoins avoir faitmonter la pression:«Je n’ai pas dit : je remetsma démission sion fait revenir la famille. J’ai dit : si on faitrevenir la famille pour des raisons politi-ques et symboliques, la situation devientintenable pour moi.» Valls a bien évoquél’hypothèsed’undépartavecplusieurscol-lègues et quelques proches, afin de nour-rir le rapport de forces. Plusieurs minis-tresassurentmêmequeleministredel’in-térieur a bel et bien menacé de tout pla-quer, en particulier via un lapidaire sms:«Je me barre!» Au point que le présidentaurait dû appeler plusieurs d’entre euxpour leur demander de convaincre Vallsde rester.

(Après l’intervention télévisée du prési-dent et la réponse en direct de Leonarda).Jamais l’autorité du chef de l’Etat, quisubit là un dégât d’image considérable,n’avait été à ce point bafouée de touscôtés, et ce jusqu’au cœur du parti qu’il a

dirigépendantonzeans. (…)Lecas Leonar-da a crispé jusqu’au cœur des réseauxsocialisteset de lamajorité. Il a aussi révé-lé un niveau de tension inégalé entre lechef du gouvernement et le patron deBeauvau, qui luttent désormais à cielouvert pour le leadership gouvernemen-tal. «Les Français ont vu qu’on voulait mefairelapeau», s’emporteValls.Avecl’affai-re Leonarda, quelquechose a changédansle rapport de forces au sommet de l’Etat.Diagnosticd’unministre: «Valls, qui étaitun atout, peut aussi être potentiellementundanger et unproblème, y compris dansle rapport avec Ayrault. Ce truc a dérapé.»Etcette fois,ManuelVallsn’apasdissuadéle président d’offrir à Leonarda un billetde retour. Il ne l’a pas non plus empêchéde s’exprimer en personne et en direct,s’exposant à une cinglante réplique del’adolescente. Il l’a expliquéà sesproches:«Je nepeuxpasmemettre en travers. Je nepeux pas être celui qui lui dit : non, non,non, à chaque fois. » Manuel Valls n’estdécidémentplusledirecteurdecommuni-cation de François Hollande. Il a désor-mais ses propres objectifs, de moins enmoins compatibles avec ceux du prési-dent. Entre eux, le rapport de forces est deplus en plus explicite. Il l’a d’ailleursconfiéàsesamis:«Ala findecetteséquen-ce,monmessage est clair. Celui de Hollan-dene l’est pas.»

A l’orée d’une campagne municipalequi s’annonce d’ores et déjà axée sur lasécurité, nul socialistede poidsne sembleen mesure de pouvoir contester sa ligne(…). Alors que les sondages prédisent à laformation deMarine Le Pen une irrésisti-ble ascension électorale, ses thématiquesfavoritesleplacentunefoisencoreaucen-tre du jeu. Pour son ami Jean-JacquesUrvoas, l’opération «municipales» seratout bénéfice pour lui : «Il aura l’occasionde mettre sa popularité au service desautres, de quitter son imagede “poor lone-some cowboy” pour devenir un glaive etn’être plus simplement à son compte. Çava lui permettrede construireun réseau.»

Lescénariodelarupturedevientplausible

Quelques jours plus tard, un sondageHarris Interactive a couronné en beautél’épisode.Leschiffressontcruels. FrançoisHollande demeure le candidat socialistepréféré des sympathisants de gauchepour la présidentielle de 2017, avec 27%contre 23% àManuel Valls. Mais l’ensem-ble des Français vote Valls, à hauteur de33%dessondés,contre9%pourHollande.Pire : 54% des sondés jugent que Vallsserait élu face à un candidat de droite en2017, et seulement 16% si c’était FrançoisHollande…Au sein d’unemajorité et d’unparti ébranlés par le naufrage présiden-tiel, parmi des élus affolés de perdre leursvilleset leursrégionsalorsqueleFNmena-ce, cette étude d’opinion n’a pas manquéde ruiner les dernières certitudes socialis-tes. Opération 2017? Quelques mois plustôt, le scénario de la rupture avec le prési-dent eût paru impensable. Il est désor-mais plausible. Le ministre de l’intérieurl’a glissé à l’unde ses intimes: «A ce stade,on ne peut rien construire sur une tellehypothèse.Maiscelaresteunepossibilité.»Un ministre qui le connaît bien en estd’ailleurs persuadé: «Ce n’est pas forcé-ment son scénario privilégié, mais ce n’estpasabsent de sa tête. Il n’irapas à la Sarko,enmenant une entreprise méthodique dedestruction d’un président vieillissant.Mais il se promeut, sans tenir compte desdégâts qu’il peut provoquer. Et si ça se pré-sente, il ira.» p

Valls, à l’intérieur, de David Revault d’Allonneset Laurent Borredon. Robert Laffont, 280p.,19,50¤. En librairie le 9 janvier.

Duministère de l’intérieur àl’Elysée, il n’y a que quel-ques mètres. Certains lesont franchis d’une traite,comme Nicolas Sarkozy.D’autres après plusieurs

dizaines d’années, ainsi François Mit-terrand. Manuel Valls, lui, est un hommepressé. Mais, aussi, un homme prudent.Depuis son installation place Beauvau, le16mai 2012, il construitméthodiquementson image, profitant de l’exposition quelui procure le «ministèrede l’actualité».

Nos collaborateurs, Laurent Borredonet David Revault d’Allonnes, décryptentdans leur livre Valls, à l’intérieur (RobertLaffont), en librairie le 9 janvier, les des-sousdusystèmeVallsauministèrede l’in-térieur:constructiond’unréseauaucœurde l’Etat, réformesminimales et commu-nication intensive, guérilla idéologiquesur la sécurité, l’immigration, la laïcité…

Vingtmois plus tard, le rapport de for-ces avec François Hollande a changé. Laloyauté envers le président s’estmuée encompétition larvée. Extraits.

Hollande-Valls,associésrivaux

Dans leur livre«Valls, à l’intérieur», lesjournalistesdu«Monde»DavidRevaultd’AllonnesetLaurentBorredonracontent lescoulissesdusystèmeValls:provocationsidéologiques, intensecommunication, réformesminimales, constructionméthodiqued’unréseau…Etsourde rivalitéavec lechefde l’Etat

170123Mercredi 8 janvier 2014

Page 18: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Société éditrice du«Monde»SAPrésident dudirectoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirectricedu «Monde»,membre dudirectoire, directrice des rédactionsNatalieNougayrèdeDirecteur déléguédes rédactionsVincentGiretDirecteur adjoint des rédactionsMichel GuerrinDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédacteurs en chefArnaudLeparmentier, Cécile Prieur, NabilWakimRédactrice en chef «MLemagazine duMonde»Marie-Pierre LannelongueRédactrice en chef «édition abonnés» duMonde.fr Françoise TovoRédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien LeloupChefsde serviceChristopheChâtelot (International), LucBronner (France), VirginieMalingre(Economie), Auréliano Tonet (Culture)Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (InnovationsWeb),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chefd’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président

I l y amille raisonsdenepas commencerl’annéeavecDieudonné.Mille excellentesraisonsdenepas se laisser entraînerdans

les polémiquesglauquesque déclenche inva-riablement ce provocateurpatenté et soi-disanthumoriste.Depuis que leministre del’intérieur a dénoncé «les propos racistes etantisémites»deDieudonné, depuis qu’il aannoncé son intentionde «cassercettemécani-quedehaine» et d’étudier toutes les voies juri-diquespour interdire ses spectacles, pas unargumentn’amanqué, en effet, pour inciter àse tenir à distance.

Attention!mettent engarde lesuns: atta-querDieudonnébille en tête, comme l’a faitManuelValls, c’est lui assurer unenotoriété etunepublicité inespérées, à la veille d’une tour-née qui commence le 9janvier àNantes et doitle conduire dans 22 villes de France et deNavarredans les prochaines semaines.

Menacerd’interdire ses spectacles, déplo-rent les autres, c’est risquerde transformerl’histrionenparia et lui apporter sur unpla-teau la démonstrationque sa rhétorique tou-che juste: vous voyezbienque je suis le hérosdes antisystèmes, puisque le «système», en lapersonneduministre de l’intérieur lui-même,

medésigne commeennemipublic, pourra-t-ilricaner à la premièreoccasion. Rien de tel pouralimenter les fantasmescomplotistes dont il afait l’unde ses fonds de commerce.

Pis encore, interdire les prestationsdeDieu-donné, n’est-cepas s’engager sur un terrainpérilleuxpour les libertés publiques,menacerces fondementsde la démocratie que sont leslibertésd’expressionet de réunion?N’est-cepas censurerun artiste,muselerun libre pen-seur, récuser le rire aunomde lamorale publi-que, comme leplaidentdéjà ses avocats?N’est-cepas risquer d’être, ensuite, désavouépar lajustice si le «trouble à l’ordre public», invoquépar leministre de l’intérieurpour intervenir,n’est pas avéré?

D’autres encore, tout endénonçant les pro-vocationsantisionistes – pournepas dire anti-sémites – deDieudonné, refusent deprêter lamainà cequ’ils estiment êtreun couppoliti-quedeM.Valls, unemanièrede redorer sonblason républicain. Pas vous, et pas sur ce ter-rain!, rétorquent-ils auministre, en lui rappe-lant ses sorties inacceptables sur les Roms, il ya quelques semaines.

Aucunde ces argumentsn’est négligeable.Mais alors, que fait-on?On laisseDieudonné,

soir après soir, déverser sa haine des «juifs»,de« la juiverie»,de «kippa city» et du «com-plot sioniste»?On se bouche les oreilles quandil répète enboucle, en dépit de la procédureengagéepar Radio France: «Quand je l’en-tendsparler, Patrick Cohen [animateurde lamatinalede France Inter], jemedis, tu vois, leschambresà gaz…Dommage!»?

On ignore, demême, son apologie dePétain, coupable de la rafle duVél d’Hiv,mais,selon lui, «moins raciste»queHollande?Onferme les yeuxquand il exhibe sur scène lenégationnistedes chambres à gaz, Robert Fau-risson; ouquand il entonne, sur l’air d’unechansond’AnnieCordy, un «Shoahnanas»qui tourne endérision l’exterminationdesjuifs d’Europepar le régimenazi?

Terrains juridique et fiscalBref, on le laisse, à peuprès tranquillement,

orchestrer ces transgressions,déverser ce poi-son sur Internet et fédérer, dansune jubila-tion commune, le vieil antisémitismede l’ex-trêmedroite etunnouvel antisémitismequijouede la concurrencedesmémoirespourmieux récuser la Shoah, aunomde la tragédiede l’esclavage oudes dramesde la colonisa-tion.On le laisse, enfin, aunomdes libertésdémocratiques,multiplier les bras d’honneurà «cette vieille prostituéededémocratie», entraitant ces éructationspar lemépris.

Ce flegmeaffiché, voire cette indifférenceinavouéene sont, tout simplement, pas accep-tables. C’est pourquoiManuelValls a eu raisond’engager le combat.

A conditionde lemener, désormais, sans flé-chir. Sur le terrain juridique, évidemment.

Sansmêmeparler de l’interdictiondes specta-cles – à l’évidencedélicate,mais dont la volon-té vient d’être confirméeparune circulaireauxpréfets duministre de l’intérieur –, onvoitmal ce qui interdit d’opposer systémati-quementàDieudonné la législationenvigueur: celle-ci permetde réprimer, y com-pris parunepeined’un andeprison, «toutacte raciste, antisémite ouxénophobe», ainsique la contestationde l’existencedes crimescontre l’humanité, à commencerpar la Shoah.A cet égard, les provocationsde l’«humoriste»ne sont pas des opinions,mais desdélits.

Demême, sur le terrain fiscal et financier.Déjà condamnéàplusieurs reprises, depuis2007, pour injure et provocationà lahaineraciale,Dieudonnéahabilementorganisé soninsolvabilité (LeMondedu4janvier) pour évi-ter de payer les quelque65000eurosd’amen-dequi lui ont été infligés.Or, commevient dele rappeler la garde des sceaux, l’organisationfrauduleused’insolvabilité est undélit pénale-ment condamnable.Qu’attend-on?

Mais, à juste titre, ChristianeTaubira ajouteque la sanction judiciaire«ne suffira pas» :contre cette «barbarie ricanante»qui «teste lasociété, sa santémentale, sa solidité éthique etsa vigilance», c’est effectivementun combatpolitiquequ’il fautmener sans relâche. Pourdémontrerque la démocratien’est pas impuis-sante face à ceuxqui lamenacent enbafouantl’Etat dedroit, ses lois et ses valeurs fondamen-tales. Et pour rappelerque, si la tolérance estunevertu cardinale, elle ne saurait aller jus-qu’à accepter l’intolérable. p

[email protected]

FRANCE | CHRONIQUEpar Gérard Courtois

ContreDieudonné,Vallsaraison

0123

LES PROVO-CATIONS DEL’«HUMORISTE» NE SONTPAS DESOPINIONS,MAIS DESDÉLITS

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Lesélucubrationsd’unejournalisteétrangèreàParis

pTirage duMonde datémardi 7 janvier 2014 : 282039 exemplaires. 2

Q uandLouisXIVrévoqual’éditdeNantes,desmilliersdeprotestants fuirent la

Franceavec leurargentet leurstalents.Depuismai2012, la situa-tionest identique.Nulleconsidéra-tionreligieusecette fois, ce sontles impôtset lesmesuresnéfastesauxaffairesqui font fuir tousceuxquipourraient faire la riches-se française.La comparaisonestosée, le constat sansappel. Il éma-nede JaninediGiovanni,qui seconsidère«comme l’unedes jour-nalistes lesplus respectéesd’Euro-pe» sur sonsite Internet.

DansunarticlepubliédansNewsweek,cette journalistenéeauxEtats-UnisetvivantàParisdresse leportraitd’uneFranceendéclin,dispendieuseetgaspillantsystématiquementses chances.D’autresauraientpu tenir laplu-meetdresserunconstat toutaus-sipessimistede la situationdupays.Mais le géniedeMmediGio-vanni,quin’apassouhaité répon-dreauxquestionsduMonde, rési-dedans le faitque laquasi-totalitédesesargumentssont fantaisistesou,aumieux, imprécis.

MmediGiovanni le rappelleàplusieursreprises: elleestmèreetlaFranceestunparadispour lamaternité.Les couchesyseraientgratuites, tout commeles crèchesquipullulentà chaquecoinderue.Quantà laparturiente, ellebénéficieradeséancesdekinési-thérapie financéespar la Sécuritésocialepour recouvrerunventreplat et sonsex-appeal–«C’est sifrançais!». Il s’agit, écrit-elle,d’unemesure instauréeaprès lapremièreguerremondialepourfavoriser lanatalité…Uneproues-sepour laSécurité socialequin’existe,dans sa formeactuelle,quedepuis 1945!

Mais tout celaauncoûtexorbi-tantpourunpaysquin’enapluslesmoyens.Conséquence: c’est

par l’impôtque l’on tentede rem-plir les caisses.Dans laFrancedeMmediGiovanni, la tranched’im-pôtsà 75%n’apasété censuréepar leConseil constitutionnelet laplupartdesFrançaispaient70%d’impôts.Cequiest théorique-mentpossibleencumulantimpôtssur le revenu, ISF et cotisa-tionssociales,maisquin’est sûre-mentpas le lotde lamajoritédescontribuables,commeelle le sous-entend.

Le litre de lait à sixeurosLeclimatest sihostilepour le

businessqu’iln’yauraitpasdemotdans la langue françaisepour«entrepreneur»,écrit-elle, repre-nantunebourdedeGeorgeBush.Selon la journaliste, il n’existequa-simentpasd’homme«commeChristophedeMargerie,PDGde lamultinationaleTotal, quiparleanglaisetpasse leplus clair de sontempsà signerdes contratsàl’étranger».

Cepays, JaninediGiovanniditl’aimer,mais sonrefusd’entrerdans lamondialisationarendulaviesi chèreque«Parisbatdésor-maisLondres». Ledemi-litredelait,par exemple, s’yachète4dol-lars (environ3euros), révèle-t-elleà ses lecteurs!

Entreanecdotes invérifiablesetcitationsanonymesd’élites fran-çaises,MmediGiovannipoursuitsavisitedecetteFrance, certesendifficulté,maisoù il estencorepossibledeseprocurerun litredelait àmoinsd’uneuro,mêmedans le6earrondissementde lacapitaleoùelledit résider.

Aprèsdesannéesdifficilesdontilpeineà se relever,Newsweek,devenu100%numériqueen2012,vientd’être rachetéparun jeunemillionnaire. Il s’appelleEtienneUzac, il est francais.p

Samuel Laurentet JonathanParienté

18 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 19: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

J CAC 40 4218 PTS–0,20%

PREMIÈREBAISSE ENDEUX ANSDES PROFITSDE SAMSUNGLIRE PAGE 6

Turquie:lesscandalesdecorruptionfontchuterla livreLIRE PAGE 4

L’INSTITUT DESONDAGE BVAAVALE LH2 ETS’INTERROGESUR L’AVENIRDE LAPROFESSIONLIRE PAGE 6

07/01 - 9H30

LecarnetdecommandesdeBoeingn’a jamaisétéaussi rempliLIRE PAGE4

Zynga

Le spécialiste des jeuxsociaux en ligne tentede redresser la barredepuis six mois par

tous les moyens. Mais, mêmedans l’univers virtuel de Far-mVille, le jeuvedettedeZynga,il existe une frontière entretout etn’importe quoi.

Ladernièreinitiativeannon-céepar la sociétédont lemodè-le économique repose sur lavente à ses joueurs les plusmordus d’objets virtuels (parexemple, un tracteur pouravancer plus vite dans le jeu)n’a pas de quoi rassurer. Lasociété,cotéeenBoursedepuisdécembre2011, a annoncé,dimanche5janvier,qu’ellelan-çaituneexpériencepouraccep-ter les paiements en bitcoinssurseptdesesprincipauxjeux(dont FarmVille2, CastleVilleet ChefVille).

Que le commerce d’objetsvirtuelspar les aficionadosdesjeuxsurFacebooketautrespla-tes-formes se fasse au moyend’une monnaie tout aussi vir-tuelle pourrait paraître natu-rel et cohérent. Sauf que le bit-

coin n’est pas unemonnaie. Cetinstrument électroniqued’échange n’est gagé sur aucunactif. Sa caractéristique premiè-re est sa volatilité: son cours endollars a été multiplié par plusde cinquante en 2013.

L’annonce de Zynga ad’ailleurs permis au bitcoin derepasser, lundi 6janvier, autourde 1050dollars (770 euros) surles plates-formes américainesd’échange, contre 900dollarsvendredi. L’éditeur de jeux faitainsi la courte échelle à cettemonnaie virtuelle dont le coursétait passé en quelques jours de1200dollars à 640dollars débutdécembre, après que la Chineeutbanni laprincipaleplate-for-measiatiqued’achatdebitcoins.

Participer à une bulleAu-delàdes conséquencessur

cette pseudo-valeur – cet épiso-deresteraanecdotiquedansl’en-volée spéculative qui l’anime –,c’est le risque pris par Zynga quiestpréoccupant.L’entrepriseestpourtant censée être informéedes dangers qu’il y a à participerà une bulle. Elle, dont la valeur alargement dépassé les 20mil-liardsdedollars sur leNasdaqen

janvier2012, avantd’êtrediviséepar six enquelquesmois.

Alors que 75% du chiffre d’af-faires de Zynga (150millions surles 202millions réalisés au troi-sième trimestre 2013) provien-nent de la vente d’objets vir-tuels, cette activité deviendraitsensibleauxfluctuationsdubit-coin. Dans le contexte actuel,cela lui serait profitable. Jus-qu’aukrach.Même l’or ensubit !

DonMattrick, le patronarrivéen juillet pour succéder au fon-dateur de Zynga, Mark Pincus, àla tête de la société californien-ne, avait jusqu’ici usé demétho-des plus classiques pour redres-ser la barre : changement com-pletdel’équipededirection,sup-pression de 20% des effectifs,abandondeprojets, redéfinitiondesobjectifs stratégiques, etc.

Lapartieest loind’êtregagnéepuisque son chiffre d’affairesaccuseencoreunechutedequel-que 40% par rapport à 2012, etses comptes restent dans le rou-ge. A grimper sur l’échelle vir-tuelle du bitcoin, Don Mattrickprend le risque d’une nouvellechutequi, elle, serabien réelle.p

[email protected]

Pourquoi Renaultcroit à la réussitede son aventure chinoiseEnvalidant,endécembre2013, lacréationd’unecoentrepriseavecleconstructeurchinoisDongfeng,lamarqueau losangeentamesalonguemarchedans l’empireduMilieu.Le français,qui construituneusineàWuhan,peut comptersursonpartenaire,Nissan.LIREPAGE7

Les banquiers françaisoptimistes sur le retourdes opérationsfinancières en 2014BNPParibasaété lapremièrebanqueenmatièrede fusionsetacquisitionsen2013.Lesentreprisessemblentprêtesàrepartirà l’offensiveen2014.LIREPAGE3

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J DOW JONES 16425 PTS - 0,27%

C’estunebonnenouvelle.Lundi6jan-vier, lestauxespagnolet italienàdixans s’établissaient respectivement à3,91% et 3,94%, leur plus bas niveau

depuis mai2010. Dans leur sillage, les tauxportugais ont baissé à 5,54%, contre près de7%mi-septembre.

Delààpenserqu’en2014lazoneeurotour-nera la page de la crise des dettes souverai-nes, il n’y a qu’un pas que certains observa-teurs n’hésitent pas à franchir. «Les risquesde faillites commed’explosionde lamonnaie

unique semblent enfin derrière nous», com-menteClementeDeLucia, économisteàBNPParibas. Le Portugal fera son retour sur lesmarchés, tandis que les économies espagno-le et irlandaise continueront de se redresser.Au total, les Etats membres devraientemprunter 870milliards d’euros en 2014,selonNatixis.C’estunpeumoinsqu’en2013.

Maistouslesproblèmesde lazoneeuronesontpas régléspourautant.Mêmesi les tauxse détendent, la croissance, qui devrait s’éta-blir à 1,1% sur l’année, ne permettra pas une

véritabledécruedesdettespubliques.«Celles-ci continueront de grimper tant que les défi-cits publics seront supérieurs aux taux decroissance», résume Bruno Colmant, écono-misteà l’université catholiquedeLouvain.

D’autant que la zone euro restera pénali-séeparuntauxdechômageélevéetuneinfla-tion trop basse. Il n’est enfin pas exclu quel’évaluation des bilans bancairesmenée parla BCE soulève de nouvelles inquiétudes surla santédusecteur.p

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En 2014, les Etatsmembres emprunteront unpeumoins qu’en 2013.Mais leur endettement reste très élevé

«Esprits criminels », une sérieaméricaine diffusée sur TF1.

ABC STUDIOS

Dette publique de la zone euro, en% du PIB

2013 2014(prév.)

95,5 95,9

2011 2012

92,687,9

LES FRANÇAIS,FANS DE SÉRIESAMÉRICAINES

t Les chiffres d’audience2013deMediamétrieconfirment le reculdeFranceTélévisionset laprogressiondeTF1,quiprofite àpleindel’engouementhexagonalpour la série américaine

t LaFrance est lepaysoù les créationsmade inUSAont leplusde succèsenEurope.Uneautreexception culturelle

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Mercredi 8 janvier 2014

Cahier du «Monde »N˚ 21453 datéMercredi 8 janvier 2014 - Nepeut être vendu séparément

Page 20: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

L’autreexceptionculturellefrançaiseLesFrançais,plusqueleursvoisins, sont fansdesériesaméricainescommeenattestent lesaudiences2013

plein cadre

« IL Y A EU UNMOUVEMENTCONCO-MITANT :

L’AFFAIBLISSEMENT DELA FICTIONFRANÇAISEET UN RENOU-VELLEMENTCRÉATIFFORT AUX

ÉTATS-UNIS»Stéphane Le BarsDélégué général

de l’Union syndicalede la productionaudiovisuelle

SI LE RÈGNEDES SÉRIESAMÉRICAINESSE PROLONGE,C’EST AUSSIPOUR DESRAISONSÉCONO-

MIQUES.CESPROGRAMMESSONT MOINSCHERS QUELES AUTRES

Quatre-vingt-dix-neuf sur cent…TF1 aimerait qu’on retienne cechiffre: le nombre de ses émis-sions classées dans le top des100meilleures audiences de latélévision française en 2013.

Mais un autre chiffre frappe tout autant:58 de ces 100 meilleurs scores sont dessériesaméricaines.Desépisodesde«Men-talist», «Esprits criminels», «Unforgetta-ble»…

France Télévisions n’a pas manqué dese saisir de ce chiffre. Une façon pour legroupe public de contre-attaquer, alorsqu’il est crédité de résultats moins flat-teurs dans les statistiques annuellespubliéesparMédiamétrie lundi6janvier:sur 2013, France2 recule de 0,9 point depart d’audience des 4 ans et plus (à14points) et France3 de 0,2 (à 9,5 points).TF1, elle, progresse de 0,1 point (à22,8points), commeArte (+0,2 à 2points).M6 (–0,6 à 10,6 points) et Canal+ (–0,1 à2,8 points) se tassent.

Face à TF1, France Télévisions se campeen championde l’audiovisuel hexagonal:«75 des 100 meilleures audiences 2013 deFrance2 sont des programmes “made inFrance”», fait-on valoir, «sur France3, ilsreprésentent 71 des 100meilleures audien-cesde l’année». Ce classementmaisonest,àl’inversedeceluiélaboréparTF1,«dédou-blonné», pourneretenirqu’uneoccurren-ce de chaque programme. Cela permetnotammentde sous-représenter le succèssur France2… des séries américaines com-me«Castle».Cettedernièreaainsioffertàla chaîne publique son deuxièmemeilleur score de l’année, à 7millions detéléspectateurs, juste derrière l’interven-tion du président François Hollande du28mars 2013.

Au-delà des présentations politiqueset des stratégies respectives des chaînes,le succès d’audience des séries américai-nesenFranceestunconstatgénéral. Tou-tes n’atteignent certes pas les 9,4mil-lions de téléspectateurs de «Mentalist».Mais la fictionétrangère(engrandemajo-rité des séries américaines) obtient géné-ralement de meilleurs scores que la fic-tion française en première partie de soi-rée, soulignait le Centrenational du ciné-ma (CNC)dansunbilanpour2012: enpri-me time, elle apporte 2,1 points de partd’audience supplémentaire enmoyennesur TF1, 4,5 sur France2, 0,5 sur Canal+ et1,3 surM6.

D’où la place assez importante que lesfeuilletons d’outre-Atlantique ont prisdans le paysage audiovisuel français : en2012, l’offrede fictionaméricaine (370 soi-rées)aétéplusabondantequel’offredefic-tion française (316 soirées) pour la troisiè-me année consécutive, toujours selon leCNC. Avec 28,5% de l’offre globale, c’estM6etnonpasTF1 (21,9%)qui enest le pre-mier diffuseur, devant France 2 (11,5%) etCanal+(10% environ). France 3 n’en diffu-se pas.

La domination des séries américainesn’a pourtant pas toujours été acquise enFrance. En2005, onn’en trouvaitque cinqdans le top 100 des meilleures audiences(contre 56 fictions françaises), rappelle leConseil supérieur de l’audiovisuel. Leurnombreest ensuitepassé à 14, puis 46…

«C’estuneparticularitétrèsfranco-fran-çaise, regrette PatrickBloche, député PS etprésident de la commission des affairesculturellesde l’Assembléenationale.Et lesséries américaines présentes sur le PAF[paysage audiovisuel français], ne sontpas forcément les meilleures, plutôt legenre séries B, comme “Les Experts”.» AuRoyaume-Uni et en Italie, on ne trouveaucune série américaine dans les 10 pre-mières audiences de fiction, de 2009 à2012, a calculé le Conseil supérieur del’audiovisuel (CSA). En Allemagne, uneseule, en Espagne quatre. La France sedémarqueavec… 24.

Comment expliquer cette singularité,voire ce paradoxe, si l’on pense à l’excep-tion culturelle et à la vitalité de son ciné-ma.«Leviragedated’ilyaseptouhuitans,se souvient Stéphane Le Bars, déléguégénéralde l’Union syndicale de la produc-tionaudiovisuelle. Il yaeuunmouvementconcomitant: l’affaiblissement de la fic-tionfrançaise, quiavait étéultradominan-te dans les années 1990 et au début desannées2000;etunrenouvellementcréatiftrès fort aux Etats-Unis.»

Le format français de l’époque est celuides«JulieLescaut»oudes«Navarro», quifont alors les grands succès d’audience deTF1. Des épisodes de 90minutes, alorsqu’aux Etats-Unis arrive un nouveaugenre, de 52minutes, avec beaucoup plusd’épisodes, donc «addictif», raconteM.LeBars. «Il y avait aussi dans la productionaméricaine une transgression des codesque n’avait plus la fiction française, enfer-mée dans un ronron. Personne ne voulaitbougerunmodèle quimarchait.»

Pourun cadre d’une chaîne, l’essouffle-ment des séries françaises est lié au systè-me «stérilisant»mis en place il y a quin-zeans environ: alors que les chaînes doi-vent consacrer une part garantie de leurchiffred’affairesà la créationaudiovisuel-le, par le biais des producteurs indépen-dants, ces derniers ont eu tendance à êtremoins créatifs, juge-t-il. M.Le Bars estimelui que tous – chaînes, producteurs etauteurs –, ont leur part de responsabilitédansle«fossé»quis’estinstalléentrelafic-tion française et sonpublic.

L’importancedessériesaméricainesres-te en France un sujet ambigu dans le dis-cours des chaînes. Un peuhonteux. Inter-rogéen juin2013 sur ladépendancedeTF1à cesprogrammes,sonPDGNoncePaolinil’avait écartée : «S’il y a une surpondéra-tion de la fiction américaine sur TF1, c'estuniquement l’été. D’autres font ça toutel’année, si vous voyez de qui je veux parle-r…», avait-il déclaré à Puremedias. Unefaçonde critiquerM6.

Nicolas de Tavernost, le patron deM6, a lui déclaré que sa chaînedevait «s’affranchir davantage»à terme des séries américaines.

«Aujourd’hui, leur poids baisse partout enEurope, sauf en France», avait-il expliquéauxEchosenfévrier2012.«Nousavonsdéjàsupprimé les fictions américaines à 18heu-res,19heureset20heurestous lesjourspourlesremplacerpardesprogrammesfrançais.On va devoir faire progressivement lamême chose en soirée. On a trois soirées deséries américaines, on devra en retirer unedans lesprochainesannées», imaginait-il.

Aujourd’hui,chezM6,onseditpourtantfier des bons lancements récents d’«Ele-mentary» ou «Under the Dome». La chaî-ne a réalisé ses meilleures audiences en2013 grâce à «NCIS: Enquêtes spéciales».Pionnierde la série américaine en France –avec notamment «X-Files » dans lesannées1990–M6enadésormaisbaisséunpeu la part, à 2,5 soirées par semaine envi-ron, expliqueThomasValentin, vice-prési-dent du directoire, chargé des antennes etdes contenus. Mais pour autant, la sérieaméricaine, quand elle est «différencian-te» comme«NCIS», «Mentalist»ou«Des-perateHousewives»,«appartientàl’identi-téd’unechaîne»,pense ledirigeant.

A TF1, on n’affiche pas de volonté deréduire–nid’augmenter– laproportiondefeuilletonstransatlantiques:«Letop100et

le top 10denosaudiencesest plutôtdiversi-fié et illustre le renouveau de notre anten-ne»,estimeHuguesLaigneau,directeurdumarketing et de la prospective des pro-grammes.Nonsansglisser:«Ilnesuffitpasdemettredessériesaméricainesàl’antennepourfairelesmeilleuresaudiences…» Il fautaussi savoir les choisir. La chaîne se félicited’ailleurs de voir classer dans le top deuxnouveautés : «Person of interest » et«Unforgettable».

SilerègnedessériesaméricainesenFran-ce se prolonge, c’est aussi pour des raisonséconomiques, décrypte Jérôme Bodin, deNatixis.Cesprogrammessontmoinschersque les autres : 300 à 500000 euros del’heure, environ, soit une soirée autour de1million d’euros, calcule l’analyste, quiconstate le manque de chiffres disponi-bles. Une série française coûterait environledoubledel’heureetunmatchdefootballdesBleusautourde 3,5millionsd’euros.

«L’essentiel de la rentabilité des grandeschaînesprivéess’expliqueparlessériesamé-ricaines et le divertissement», estimeM.Bodin. Toutefois, nuance ce dernier, lesséries américaines sont «rentables à courttermemais risquées sur le long terme» carles studios peuvent décider de vendre àune chaîne concurrente. D’où la recherchepetit à petit d’une plus grande productionen France. Au ministère de la culture, onsouligneque lapart des sériesaméricainesest«unélémentdudébat» sur la singulari-té du service public. Et la fiction françaisedoit être encouragée, par le CNC notam-ment,ouparlaréforme–encours–desrela-tionsentre chaîneset producteurs.

«On a touché le fond de la piscine il y adeuxans, relativiseM.Le Bars, aujourd’huion voit une remontée de la pente.» «LesRevenants» sur Canal+ ou «No Limit» surTF1sontcitésenexemple,ainsiquelespro-grammes courts «Pep’s», «Nos chers voi-sins» (TF1) ou «Scènes deménages» (M6).France 2 vante «Candice Renoir» ou «Faispas ci, fais pas ça», France3 «Un Villagefrançais».

TF1faitenfinremarquerauxjalouxqu’el-le est la seule chaîne à hisser de la fictionfrançaise dans le fameux «top 100». Etd’énumérer les productions attendues en2014 : la deuxième saison de «Falco» et«Résistance»avecIlanGoldmanleproduc-teur de La Rafle. Ou encore «Taxi Broo-klyn»,unesériedeLucBessonquiseratour-née…àNewYork.p

AlexandrePiquard

La sérieaméricaine

«Mentalist»est diffusée

sur TF1.WARNER BROS

2 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 21: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

économie&entreprise

M adrid et Rome ne pou-vaient pas mieux com-mencer l’année. Lundi

6janvier, les taux espagnol et ita-lien à dix ans s’établissaient à3,91% et 3,94%, leur plus basniveaudepuismai2010.Dans leursillage, les tauxportugaisontbais-séà5,54%,alorsqu’ilsavoisinaientles 7% en septembre2013. «C’estunebellesurprise»,commenteCle-mente De Lucia, spécialiste de lazone euro àBNPParibas.

Est-ce à dire que, côté dettespubliques, 2014 s’annonce sous demeilleursauspicesque2013pourleVieuxContinent? Les économistessontdeplus enplusnombreuxà lepenser.«Les risquesde faillites sou-veraines comme d’explosion de lamonnaieuniquesemblentenfinder-rièrenous», estimeM.DeLucia.

Alors qu’il y a douze mois, lazone euro s’enfonçait encore dansla récession, elle démarre cette foisl’annéeavecleretourdelacroissan-ce–mêmes’ilrestetimide.Surtout,les signes d’éclaircie semultiplientdu côté des pays périphériques del’Europe, jusque-là les plus dure-mentaffectéspar la crise.

Les exportations espagnolesdécollent et les commandes à l’in-dustrie italienne frémissent enfin.Après l’Irlande en décembre2013,le Portugal sortira à son tour enjuindupland’aidedel’Unioneuro-péenneetduFMI,etferasonretoursur lesmarchés. Toutporteà croirequ’il y arrivera sans trop de peine:au total, le pays ne devra emprun-terque7milliardsd’eurospourcou-vrir ses besoins de financementde2014. «La demande des investis-seurs sera là», pronostique CyrilRegnat, stratégistechezNatixis.

Cette année, les membres de lazone euro devraient, selonNatixis,emprunter 870milliards d’euros àmoyen et long terme sur les mar-chés.C’estunpeumoinsqu’en2013(910milliards).

Seules l’Autriche (26milliards

d’euros, contre 22milliards en2013), et surtout la France (197mil-liards d’euros après 192milliards)augmenteront leur programmed’émission d’obligations à tauxfixe.«Cen’estpasuntrèsbonsignesur la santé de nos finances publi-ques», glisse un investisseur pari-sien.

L’Allemagne réduira le sien de7% (171milliards d’euros au total),laBelgiquede29%(30milliards) etl’Espagnede1%(126milliards).L’Ita-lie,avec235milliardsdedettebruteémise sur l’année (– 9%), restera leplus gros emprunteur de la zoneeuro.

Sauf accident, les observateursestiment que les taux à dix ans del’Allemagne(1,91%lundi),desPays-Bas (2,20%) et de la France (2,53%)devraient légèrement remonterdans le sillagedes tauxaméricains,

tandisqueceuxdel’Italie,del’Espa-gne et du Portugal devraient pour-suivre leur décrue. «Les spreads,c’est-à-direl’écartentrelestauxalle-mands et ceux des autres pays,devraient se resserrer, signe que lasituation se normalise», commen-teM.DeLucia.

Tous les problèmes de la zoneeuro ne sont pas réglés pourautant. Pour preuve, la plupart desinvestisseurs misent toujours suruneaugmentationdeladettepubli-quedans laplupartdesEtatsmem-bres. Selon la Commission euro-péenne, l’endettement moyen dela zone devrait ainsi s’établir à95,9%duPIBfin2014,contre95,5%endécembre2013.Nombred’obser-vateurs parientmêmequ’il frôleraplutôt les97%ou98%.

Un pessimisme qui, à premièrevue, peut sembler contradictoire

avec la forte baisse des taux péri-phériques observée ces dernièressemaines. «En vérité, cela s’expli-que facilement», analyse PatrickArtus, chef économiste de Natixis.«Certains investisseurs européens,notamment les assureurs, retour-nentverslesdettesdespayspériphé-riques moins par optimisme sur lareprise européennequeparce qu’ilssontcontraintsdetrouverdesplace-mentsplus rentables.»

Une analyse partagée par Thi-bault Prébay, directeur de la ges-tiondetauxchezQuilvestGestion:«Ils achètent des obligations espa-gnoles et italiennesprincipalementparce qu’ils sont persuadés qu’encasdeproblème, laBanquecentraleeuropéennerachètera leurs titres.»

Dans ledétail, la croissancede lazoneeuro,quinedevraitpasdépas-ser 1,1% cette année, selon la Com-

mission européenne, ne sera eneffetpassuffisantepourpermettreune véritable réduction des dettespubliques.

D’après les calculs de Natixis, ilfaudrait ainsi, pour stabiliser leurniveau d’endettement, que l’Italieet l’Espagne réduisent leur déficitpublic respectivement à 2% et 1%duPIBfin2014.Or, selon leconsen-sus, ils devraient plutôt s’établir à3%et 5%duPIB.

«Tantque lesdéficitspublics res-teront supérieursaux tauxde crois-sance, les dettes continueront degrimper», résumeBrunoColmant,

économiste à l’Université catholi-que de Louvain. D’autant que lazone euro restera pénalisée par untaux de chômage élevé, un eurofort et une inflation trop faible,autourde 1%.

Moins probable, le scénariod’uneremontéedestauxpériphéri-ques n’est pas complètementexclu. Les économistes identifientdeux grands risques. D’abord, unenouvelle crise des pays émergents,qui pénaliserait, par ricochet, lareprise européenne. «Les pays affi-chantdefortsdéficitscourants,com-me la Turquie, l’Indonésie ou l’Inde,demeurent très fragiles», rappelleM.Artus.

Ensuite, une nouvelle épidémiede doutes sur le secteur bancaireeuropéen, suite à l’évaluation desbilans menée par la BCE. Dans lepire des scénarios, un ou plusieursEtats – en particulier l’Italie –seraient contraints de recapitaliserleurs banques en urgence. Ce quiferait mécaniquement grimperleurdettepublique.Et lestauxaux-quelsilsempruntent.«LaBCEpour-rait toujours acheter des obliga-tions souverainesafinde calmer lesmarchés», commente M.Prébay.«PourMarioDraghi, 2014 sera l’an-néedugrandtest.» p

MarieCharrel

Lundi 6janvier, leministre grecdes finances, Yannis Stourna-ras, a critiqué la «troïka»(Fondsmonétaire international,Banque centrale européenne etCommission européenne) desbailleurs de fonds d’Athènes,jugeant son intervention troptardive et tropmusclée. Cela n’apourtant pas empêché son gou-vernement, la veille, de«repor-ter» à une date nondéfinie lavisite d’une délégation transpar-

tisane de députés européensenquêtant justement sur le tra-vail de la «troïka». Ces derniersdevaient, le 8 et 9janvier, ren-contrer desmembres de la ban-que centrale grecque, leminis-tre des finances, ainsi que plu-sieurs banques du pays et repré-sentants de la société civile. ABruxelles, certains soufflentqu’Athènes, qui vient de prendrela présidence de l’Union euro-péenne, a d’autres priorités…

S i lemarchédesfusions-acqui-sitions(M&A)peutêtreconsi-déré comme un baromètre

de la confiance des chefs d’entre-prise, l’année2013s’estavéréeplei-ned’attentisme.Mais2014sembledémarrer sousdemeilleurs auspi-ces.

En France, les rachats, cessionsoufusionsd’entreprisesannoncésen2013totalisent95milliardsd’eu-ros, selon le cabinet Dealogic, lun-di6janvier,quicouronneBNPPari-bas au rang de première banqueconseil de l’année, devantMorganStanley et JPMorgan. Ce montanttraduitunehaussede52%par rap-port à un cru 2012 calamiteux,mais il reste en recul de 15% parrapport à 2011.

Beaucoup de facteurs positifsétaient pourtant réunis en 2013pour inciter les chefs d’entrepriseà faire leurs emplettes. «Les coûtsde financement approchent desplus bas historiques. La perceptiondu risque macroéconomique s’estaméliorée. Il reste des interroga-tions sur la croissanceeuropéenne,mais il n’y a plus d’inquiétude surun éclatement de la zone euro.D’ailleurs,nombreuxsontles inves-tisseursaméricainsquiontréinves-ti dans les actions européennes en2013», souligneAlban de la Sabliè-

re, responsable des fusions-acqui-sitions chez Morgan Stanley, àParis, banque classée numéro unenFrancedanslepalmarèsconcur-rent de Thomson Reuters, publiéfindécembre2013.

Ce contexte n’a pas suffi à réta-blir la confiance des dirigeants.«En 2013, les opérations de M&Aétaientplutôtdéfensives (recentra-ge du portefeuille d’actifs, débou-clage de coentreprises), mais peud’opérations transformantes ontfinalement été réalisées», relatePierre Hudry, coresponsable desactivités de banque d’affaires deGoldman Sachs à Paris, qui souli-gne néanmoins : «Le retour à laconfiance est perceptible et l’envi-ronnement de marché actuel per-met aux dirigeants d’envisager leM&Acommeunvéritable levierdeleur stratégie de croissance.»

LaBoursedéterminanteLes marieurs professionnels

témoignentainsid’unregaind’acti-vité.«Nousattaquons2014avecunréservoir d’opérations en prépara-tion plus important que les annéesprécédentes», se réjouit ThierryVarène, qui dirige notamment leM&AchezBNPParibas. En clair, lesmallettes des banquiers et avocatsdébordent de projets sur lesquels

les entreprises les font travaillerdans le secret. «Pour 2014, noussommesoptimistes,mais sans exu-bérance»,avertitM.Varène.

La bonne santé de la Boursedevrait s’avérer déterminante.«Les marchés de fusions-acquisi-tions sont corrélés à la Bourse. Laremontée de celle-ci reflète un plusgrand sentimentde confiancedansl’avenir et permet aussi aux ven-deurs de “passer à l’acte”. Si la ten-dance se confirme, elle devrait êtrefavorable au marché des fusions-acquisitions en 2014», analyse Sté-phaneBensoussan,responsableduM&AchezHSBCenFrance.

Le dynamisme des marchés ad’abord permis aux groupes decéder, en 2013, des participationsnon stratégiques, comme celle deLagardère dans EADS ou celle duCrédit agricole dans Eurazeo. Sur-tout, l’année a été marquée par leretour des introductions à la Bour-se de Paris. Le cablô-opérateurNumericable ou encore le leaderdesrevêtementsdesolsTarkettontfait leur entrée au Palais Bron-gniart avec succès à l’automne2013. Gaztransport et Technigaz,une société d’ingénierie contrôléepar Total et GDF Suez, devrait leuremboîter le pasen février.p

IsabelleChaperon

Lesbanquiersmisentsurunereprisedesfusions-acquisitionsen2014enFranceBNPParibasarriveentêted’unpalmarès2013desbanquesconseil

NewYorkCorrespondant

J PMorganChase,quiest confron-téedepuisdesmoisàuneavalan-che de poursuites judiciaires,

s’apprête à payer une nouvelleamende de plus de 2milliards dedollars (plus de 1,4milliard d’eu-ros), cette fois dans le cadre de l’af-faireMadoff.Lajusticeetlesrégula-teursreprochentàlapremièreban-que américaine en termes d’actifsde n’avoir pas alerté les autoritésassez tôt sur l’escroquerie pyrami-dalequ’avaitmiseenplaceBernardMadoff, condamné en 2009 à centcinquanteansdeprison.

JPMorganaétélaprincipaleban-que de l’escroc de 1986 jusqu’en2008, date de son arrestation. Unepériode durant laquelle aucunealerte n’a été lancée sur le fait qu’ils’agissaitd’uneescroqueriedegran-de ampleur portant sur plusieursdizainesdemilliardsdedollars.

Pourtant, dès février2006, desdoutes émergeaient, comme l’ontrévélé des courriels cités au coursdelaprocédure.«J’aiquelquesques-tions et préoccupations», s’étaitalors inquiété un employé deJPMorgan après avoir étudié lecompte de M.Madoff. «Toutes lestransactions sont générées par la

boîte noire de Madoff», alertait-il,sans que ses supérieurs hiérarchi-quesn’aientalors réagi.

En décembre2008, juste avantl’arrestationdeBernardMadoff,undirigeant chargé des risques indi-quaitdansuncourrielavoirétépré-venu par un autre cadre de la ban-que que les soupçons pesant surM.Madoff étaient «bien connus»,faisant référence à une «chaîne dePonzi» pour expliquer les rende-ments que proposait l’escroc à sesclients.

Série de litigesSurlabasedel’enquête,leprocu-

reur et les régulateurs estimentque JPMorgan n’a pas respecté laBank Secrecy Act, une loi fédéralequioblige lesbanquesàdescontrô-les internes contre le blanchimentd’argent et à signaler les transac-tionssuspectesauxautorités.

Dansunpremiertemps,lesauto-rités ont envisagé d’exiger que labanque plaide coupable dans lecadredepoursuitespénales.Finale-ment, lajusticeapréférélui infligerune forte amende. Et se garder lapossibilitéderelancer laprocéduresi de nouveaux errementsvenaientàêtre constatés.

Les détails de l’accord trouvéavec le procureur de Manhattan,

PreetBharara, l’OfficeoftheComp-troller of the Currency, l’Agence derégulation bancaire et JPMorganChase devraient être dévoilés dansla semaine, indiquent leWall StreetJournal et le New York Times. L’es-sentieldelasomme–1,5milliarddedollars–devraitêtreverséauxvicti-mes de l’escroquerie, tandis que lajustice américaine et le régulateurtoucheraient le solde.

Cette nouvelle amende inter-vient après celle de 13milliards dedollars, infligéeendécembre2013àJPMorgan Chase pour régler unesériedelitigesliésàlacriseimmobi-lière de 2008 et une autre en sep-tembre,de920millions,pournégli-gencedanslasurveillancedesprati-quesde ses tradersdans le cadredel’affairede«labaleinedeLondres».

En un an, ce sont donc près de20milliards de dollars qui ont étéréclamésautotalàlabanqueaméri-caine.Celle-ciad’oresetdéjàprovi-sionné 23milliards dans ses comp-tes, alors qu’elle doit publier sescomptes annuels mardi 14janvier.Toutefois, une autre affaire de cor-ruption reste pendante: JPMorganest accusée d’avoir embauché desenfants de hauts fonctionnaireschinois afin d’obtenir desmarchéslocalement. p

Stéphane Lauer

L’affaireMadoffvautàJPMorganunenouvelleamendede2milliardsdedollarsEnunan,prèsde20milliardsontété réclamésà labanqueaméricaine

Lazoneresterapénaliséeparuntauxdechômageélevé,uneurofortetuneinflationtropfaible,

autourde1%

LadettedelazoneeuroinquiètemoinsLestauxespagnolet italienontretrouvéleurniveaude2010.Leniveaud’endettementdemeurepréoccupant

Athènes reporte la visite d’eurodéputés sur la «troïka»

SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE* Prévisions

Les taux d’intérêt des pays du sud de la zone euro se détendent…ÉVOLUTION DES TAUXÀ DIXANS, EN%

2010 2011 2012 2013 3 janvier 2014

0

15

10

5

PortugalItalieEspagneFranceAllemagne

…mais les dettes publiques vont rester à des niveaux inquiétantsDETTES PUBLIQUES EN%DU PIB

2013 2014*

FRANCE ALLEMAGNE ESPAGNE ITALIE PORTUGAL ZONE EURO

93,5 95,3

2013 2014*

79,6 77,1

2013 2014*

94,8 99,9

2013 2014*

127,8 126,7

2013 2014*

95,5 95,9

2013 2014*

133 134

5,6

1,9

3,9

15,2

7,2

3,8

3,53,4

3,6 44,1

7,2

2,5

30123Mercredi 8 janvier 2014

Page 22: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

économie& entreprise

L ’année 2014 amal commencéen Turquie. La livre turquen’en finit pas de dévisser. Elle

subit, comme la Bourse d’Istanbul,le contrecoup du scandale decorruption dans lequel se débat legouvernementconservateuretquia contraint le premier ministre,RecepTayyip Erdogan, à se séparerdetroisde sesministres.Malgré lesdifficultés de l’heure,M.Erdogan aquitté Istanbul, dimanche 5 jan-vier, pour une tournée de six joursenAsie, notammentau Japon.

Aulendemaindudépartdupre-mierministre, la devise nationalea atteint, lundi 6 janvier, un nou-veau plancher historique face aubillet vert à plusde 2,19livrespourundollar. Leprincipal indicebour-sierd’Istanbul,enrevanche,estres-té stable.

Dans un entretien accordédimanche au Financial Times, lenouveau ministre de l’économieMehmet Simsek a concédé que lafaiblesse de la monnaie nationaleavait«à l’évidencedes implicationsmacroéconomiquesnégativespourlaTurquie».«Pourlapremièremoi-tié de 2014, nous anticipons unecroissanceplusfaible,plusmodeste,àcauseduresserrement[delapoliti-que monétaire de la Fed] et desconditions politiques et économi-ques intérieures», a-t-il ajouté.

Jusqu’alors, les autorités politi-questurquess’efforçaientderassu-rerlesmilieuxd’affairesenminimi-sant les conséquences économi-quesde la crisepolitique. La semai-nedernière encore, le vice-premierministreAli Babacanavaitmainte-nuà4%sesprévisionsde croissan-ce pour l’année 2014, alors que leFonds monétaire international(FMI) table sur une progression duPIB limitéeà+3,5%.

La situation est d’autant plusdélicate qu’une série de rendez-vous électoraux sont prévus dansles dix-huit prochains mois : élec-tionsmunicipalesaumoisdemars,présidentielleen juilletetdes légis-latives au premier semestre de2015, qui pourraient sceller le sortde M.Erdogan au pouvoir depuisdix ans. Autant d’échéances qui nesont pas de nature à rassurer lesinvestisseursétrangers.

Les annonces du président de laRéserve fédérale américaine, BenBernanke,enmai2013surunpossi-ble resserrement de la politique

monétaireaméricained’uncôté, etles manifestations à Istanbul, enjuin2013, d’une jeunesse qui netrouve pas à s’employer avaientprovoqué une première fortedépréciationde ladevisequi s’étaitensuite réappréciée. «La Boursed’Istanbul a chuté beaucoup plussévèrement(–20%)quelamoyennedes Bourses des pays émergents(–5%) depuis mai2013. Il est vraiqu’elle avait augmenté de70%entre janvier2012 et mai 2013»,observe SylvainBellefontaine, éco-nomisteàBNPParibas.

Le scandale politico-financieractuel survient dans une phase deralentissementasseznetdel’écono-mie: lacroissance,trèsviterepartieaprès lacrisede2008,étaitde8,8%en2011.Elleaétédiviséeparquatre,à 2,2%, en2012, et devrait atteindre3,8%en2013, selon leFMI, avantderalentirà 3,5%en2014.

«La fin de l’assouplissementmonétaireauxEtats-Unisestenclen-chée et la crise politique turqueaccentue les déséquilibres sur lesmarchés des changes, boursiers etsur les taux», analyseRégisGalland(Sociétégénérale).

Les bons du Trésor à deux ansont pris 100 points de base, ce quiva renchérir le coût de finance-mentdel’économie.Unepoursuitedelahaussedestauxd’intérêtpourlimiter les sorties de capitaux nemanquerait pas d’avoir des effetsnégatifssurlacroissanceturque.Lemoteur de cette dernière est lademande intérieure (consomma-tion des ménages et investisse-ment). Mais en repartant, elle ris-que de creuser le déficit courantqui pourrait être de l’ordrede 7%à8,5%duPIB.

Faute d’une épargne intérieuresuffisante, le pays est lourdementdépendant des capitaux exté-rieurs. Autre faiblesse: l’inflation

est élevée (8% en 2013), même siellen’estplusàdeuxchiffres.

« Le scandale de corruptionactuel renvoie aussi à certainsaspects malsains de la croissanceturque, comme la spéculationimmobilièreàIstanbuloulesventesd’or et toute une économie de tra-fics. Par ailleurs, le marché du tra-vail est très tendu.Le nombre desdiplômés sans avenir explose. Lesmanifestations de juin2013 sur laplace Taksim signaient le malaisede la jeunesseurbaineconnectée.Lebilanessentiel d’Erdoganest écono-mique.Si l’économieentreencrise, ilperdraunatoutessentiel», analyse,DorothéeSchmidde l’Institut fran-çaisdes relations internationales.

Lasituation,nuanceM.Bellefon-taine, est «chahutée, inquiétantemais pas désespérée». L’économieturque,dotéed’unsystèmebancai-re assaini – il avait failli sombrerdanslesannées2000–,estplussoli-dequ’ilyadixans,mêmesiunepar-tiedes réservesde changeadûêtrevendue. «C’est une économie trèsrésiliente, ajoute l’économiste deBNPParibas.Etsiunépisoderécessifn’est pas à exclure à l’horizon dedeuxans,elleaunegrandecapacitéde rebond.»

«Nousavonsprévuunecroissan-ce2014de l’ordrede2,5%à3%, infé-rieure aux 3,5% que nous avionsanticipé pour 2013. Mais nousn’avons pas révisé nos chiffres à labaisse», observe M.Galland, de laSociété générale. Mais si la crisepolitiquedevait s’enliser, il estpro-bable que la confiance des écono-mistes ne serait plus ce qu’elle estencoreaujourd’hui.p

ClaireGuélaud

NewYorkCorrespondant

B oeingaannoncé, lundi6jan-vier,qu’iln’avait jamais livréautant d’avions qu’en 2013.

Avec648appareils, le constructeuraméricain a battu son record, tan-dis qu’en termesde commandes, ilréalise la deuxième meilleureannée de son histoire avec1355avions.Seslivraisonsaugmen-tentde7,8%par rapportà2012, quiétaitdéjàtrèsbon.Quandaucarnetde commandes sur les prochainesannées, ildépassepour lapremièrefois les 5000appareils.

Cetteperformancepourraittou-tefois ne pas suffire à Boeing pourravir à Airbus la place de numérounmondial. Le constructeur euro-péen, quin’apas encorepublié sonbilan annuel, affichait au comp-teur1314commandesnettessurlesonzepremiersmoisdel’année,aux-quelles devraient s’ajouter les

50A380 achetés par la compagnieEmiratesendécembre2013.

Boeing a cependant réalisé unjoli tir groupé en battant desrecords sur trois de ses avions. LeB737 (440 appareils vendus), le 777(98)et le 787dit«Dreamliner» (65).

L’annéeavaitpourtantmalcom-mencé pour ce long-courrier, quiavait été interdit de vol pendanttroismois après des problèmes debatterie, causant plusieurs départsd’incendie. Le constructeur améri-cain,aprèsavoiraffirméavoirrégléces problèmes, a décidé d’accélérerla cadence de production, qui doitatteindredixavionsparmoisd’iciàla fin de l’année, ce qui constitue-raitun rythmerecord.

Les bons résultats des 777 et 737,qui figurent parmi les avions lesplus rentables du groupe, ont pro-pulsé l’action Boeing à des som-mets, le titre ayant gagné 81% en2013. «L’année à venir va être exci-tante: nousnouspréparons à livrer

le premier 787-9, nous poursuivonsnotre travail de conception sur nosprogrammeslesplus récents– le737MAX, le 787-10 et le 777X –, tout enaugmentant notre rythme de pro-duction sur le 737», s’est félicité ledirecteur de la branche d’aviationcivile de Boeing, Ray Conner, dansuncommuniqué.

L’enthousiasme de la directions’explique d’autant mieux qu’ellea obtenu, le 3 janvier, d’importan-tes concessions sociales de la partdupuissantsyndicatdesmachinis-tes. Le groupe demandait l’aban-don des systèmes de retraite etd’assurance-santé actuels et pourdesmécanismes beaucoupmoinsfavorables aux salariés dans le butd’améliorer la compétitivité dusite de Puget Sound, dans l’Etat deWashington.

En cas d’échec, l’avionneurmenaçait de transférer l’assembla-ge du 777X et du 737MAX du ber-ceauhistorique de Boeing vers des

Etats où le syndicat n’est pas pré-sent. La mise en concurrence desEtats est un sport national auxEtats-Unis pour les industriels, quin’ont aucunmal à trouverdes can-didatsprêts à dérouler le tapis rou-

ge fiscal pour accueillir de nou-veaux emplois. Ainsi, dans ce dos-sier, pasmoinsde vingt-deuxEtatsavaient postulé pour accueillir laproductiondeBoeing.

Dansunpremiertemps,lesyndi-cat avait refusé ce qu’il considéraitcommeunchantageavantd’accep-terd’organiserun référendum.Sur

les 24000votants, 51%des salariésont fini par accepter les conces-sions réclamées par leuremployeur.

Bien que le transfert de produc-tionrisquaitdeprovoquerd’impor-tantespertesdesavoir-faire, lesyn-dicat des machinistes savait qu’ils’agissait pour lui d’une questiondesurviesijamaisillaissaits’échap-per l’assemblage de ces deuxavions cruciaux pour le groupe.Une hypothèse qui lui aurait faitperdredeprécieuxsubsides.

Les cotisations prélevées sur lesite concerné ont dépassé 25mil-lions de dollars (18,3millions d’eu-ros) en 2012. D’où les dissensionsapparues ces dernières semainesentreladirectioncentraledusyndi-cat, favorable à l’organisation duréférendum et les responsableslocaux,qui, eux, étaient réticents.

Alors qu’un premier vote, ennovembre, avait abouti au rejet duprojet de la direction à 67%, cette

foisle«oui»l’aemportéd’unecour-te tête grâce à quelques conces-sions sur des montants de primessupérieurs et, surtout, grâce à lagarantie de l’emploi sur le site«pour la prochaine décennie etau-delà», a expliqué Alan May, ledirecteurdes ressourceshumainesdu groupe. La direction de Boeingpeutseréjouird’avoirréussiàamé-liorer la compétitivité d’un siteconsidéré comme une forteressesyndicale, qui a connu cinq grèvesmémorablesdepuis 1977.

Contrairement à l’industrieautomobile qui a renoncé à sesavantages sociaux sous lapressionde la crise financière et de l’effon-drement du marché, l’aéronauti-que réussit sa mue alors que lescommandes sont au beau fixe. Cequiendit longsur lerapportdefor-ce qui existe actuellement auxEtats-Unis entre salariés etemployeurs.p

Stéphane Lauer

Boeingenregistredeslivraisons2013etuncarnetdecommandesrecordL’avionneuraméricainaobtenud’importantes concessionsde lapartdusyndicatdesmachinistes sur lesitehistoriquedePugetSound

«Lebilanessentield’Erdoganestéconomique.

Si l’économieentreencrise, ilperdra

unatoutessentiel»DorothéeSchmid

Institut français des relationsinternationales

LesscandalesdecorruptionenTurquiefontplongerlalivreLeséconomistess’attendentàunralentissementdelacroissanceen2014,après3,8%en2013

LeKurdistanirakientissedesliensétroitsavecAnkaraenlui livrantpétroleetgaz

FICHKHABOUR, lieuperduà lafrontièrede la TurquieetduKur-distan irakien, est devenuunsym-bolepour lesKurdesd’Irak: c’esteneffet auniveaude cette stationdepompageque l’oléoducvenudugisementpétrolierde TakTak,au sudd’Erbil, siègedugouverne-ment régionalduKurdistan (GRK),rejoint le grandpipelineKirkouk-Ceyhanpour livrer lepétrole surlesmarchésmondiaux.

Jusqu’àprésent, seul le brutduSud irakienétait acheminévers leport turcdeCeyhanpar cet oléo-duc. Ennovembre, leGRKaconcluunaccordd’exportationdepétro-le et degaz avec la Turquieet,depuis la findécembre, cetterégionautonomeexporte sesbarils vers songrandvoisinduNordpar cet oléoduc,malgré leconflit qui l’opposeaupouvoircentraldeBagdadsur la réparti-tiondes revenuspétroliers.

Ce conflit interneà l’Irak a inci-téAnkaraàunecertaineprudencepournepas froisserBagdad.«Lefluxdebrut entre l’Irak et Ceyhanadémarréet il est stockédansdesciternes»,a déclaré leministreturcde l’énergie enannonçant lamise en servicedu«pipe».MaisTanerYildiz a immédiatementpré-ciséquecespremiersbarilsneseraientpasvendus sur lesmar-chés internationauxsans le feu

vert dugouvernement irakien, quiinsistepour contrôlerdirecte-ment toutes les exportationsdepétroleet de gazde son territoire.Ankara jouemême les«M.Bons-Offices»pour favoriser le règle-mentdudifférendpétrolier entreBagdadet Erbil.

«Hub» énergétiqueLegouvernementturcya inté-

rêt.Aucarrefourdesvoiesd’ache-minementdesgrandspaysproduc-teursd’hydrocarbures (Russie,Azerbaïdjan,Kazakhstan,Turkmé-nistan, Iranet Irak) et auxportesde l’Europe, laTurquieadeuxpré-occupations.Lapremièreest derenforcer la sécuritédesesapprovi-sionnementsénergétiques.Lepays,qui importe92%de sonpétroleet 98%de songaz, est eneffet tropdépendantde laRussieetde l’Iran. Plusdepétrolekurdeestdoncbienvenu.

Mais laTurquie, quipossèdeprèsde20000kilomètresdepipe-lines,veut égalementconfirmersapositionde«hub»énergétiquepar lequel transiteunepartiedeshydrocarburesd’Asiecentrale etduMoyen-Orientdestinés à l’Euro-pe.Cela renforcesonpoidspoliti-quegrandissantdans la régionetluiassuredes rentréesdedevises.Denombreuxoléoducsougazo-ducs (BlueStreamdepuis laRussie,

leBTCdepuis l’Azerbaïdjan…)arri-ventdéjà enTurquie,mêmesiNabucco, le projetdegazoducdéfendupar l’Unioneuropéenne,estmal enpoint.

L’oléoducvenud’Irakquidébou-cheàCeyhan– loind’êtreutilisé àsapleinecapacitéde 1,5milliondebarilspar jour– estuneautreported’entrée importante.Lebranche-mentenprovenancedesgise-mentskurdespourraitdansunpremier tempsaccroître ledébitde300000barils et renforcer lerôle stratégiquede laTurquie. Fortd’unesituationsécuritairebienmeilleurequedans les régionssun-niteet chiited’Irak, leGRKvoitplusgrand: estimantses réservesd’ornoir à45milliardsdebarils (etde3000à6000milliardsdemètrescubesdegaz), il pensepou-voirexporterplusde 3millionsdebarilspar jourvers laTurquieàpar-tirde 2019.

Il y aquelquesannées, seulesdepetitescompagniesse risquaientàforerauKurdistan, rappelaitrécemmentauMonde lepremierministrekurde.«Aujourd’hui, touslesgrandsnomsdusecteur sont là:ExxonMobil,Total, Chevron,Gaz-prom», se féliciteNetchirvanBar-zani. Et laTurquie, rappelle-t-il, aété«lepremierpaysàmanifesterson intérêtpournos ressources». p

Jean-MichelBezat

Encasd’échecdesnégociations,

leberceauhistoriquedeBoeingrisquaitdeperdrel’assemblage

du777Xetdu737MAX

La livre turque a atteint, le 6janvier, un nouveau plancher historique face au billet vert à plus de 2,19livres pour un dollar. THANASSIS STAVRAKIS/AP

4 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 23: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

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L e gouvernement a beau semobiliser, le tissu industrielfrançais continue de se déli-

ter. Surtout dans l’industrie lour-de. Témoin, la fermeture, annon-cée lundi 6 janvier, de ce qui futl’unedesplusgrandesusines fran-çaises, celle exploitée par le grou-pedepapeterie suédoisStoraEnsoàCorbehem,à la frontièreduNordet du Pas-de-Calais. Quelque335emplois directs sont menacés,près de 600 en incluant les sous-traitants.

A peine la décision communi-quée au personnel réuni dans lacour, les salariés sontpartis sur lesroutes autour de l’usine, jetant dupapier blanc en signe de protesta-tion. Un nouveau comité d’entre-prise est prévu le 21 janvier, pourouvrir les négociations sur le plansocial.«C’estunecatastrophepournotre territoire, déjàmis àmal parplusieursplanssociaux»,commen-tePierreGeorget,leprésident(radi-cal de gauche) de la Communautéde communes Osartis, très impli-quédans ce dossier.

L’usinedeCorbehemétaitsur lasellette depuis octobre2012. StoraEnso, l’un des principaux fabri-cants européens de papier et decarton,avaitalorsannoncélamiseenventedusite, leseulqu’ilexploi-te en France. «Une cession peutêtreune formidableopportunitéetl’histoire de notre société en est lapreuve manifeste», plaidait alorsla direction.

Les salariés et les élus locaux,eux, se montraient plus inquiets :et s’il n’y avait aucun acheteurpour cette usine qui perd de l’ar-gent et fabrique un seul produit,enperte de vitesse? C’est ce scéna-rio noir qui se concrétise aujour-d’hui.

«Pendant quatorze mois, nousavons cherché des repreneurs avecacharnement, en nous faisantaccompagner par une société spé-cialisée, Oneida», assure-t-on à ladirection de Stora Enso. Mais trèspeu de candidats se sontmanifes-tés. Deuxou trois, guère plus.

«Tous se sontmontrés élogieuxsur lepersonnelet l’outil industriel,ajoute-t-on au siège. Cependant,tous avaient aussi de grosses inter-

rogations sur les perspectives dumarché. Et tous se sont finalementdésistés.»Ledernier,qui avaitvisi-té le site en décembre, a récem-ment déclaré forfait, le fonds d’in-vestissement qui devait le finan-cer ayant renoncé auprojet.

Métier de chienQuant à la Banque publique

d’investissement, elle a bien étésondée. Mais sa doctrine lui inter-dit d’intervenir seule. «En l’absen-ce d’investisseur privé, elle ne pou-vaitagir»,relateunprochedudos-sier. Aucune piste de reprise ne seconcrétisant, Stora Enso a finale-ment décidé de tirer un trait surcetteusinehistorique.

Construit à partir de 1920 surles bords de la Scarpe, une petiterivière canalisée, le site a connudes heures de gloire. A la grandeépoque, plus de 3000salariés yétaient employés pour fabriquerdu sucre, du papier ou encore ducartonpour le compte des Béghin,une puissante famille du Nord.«Onytravaillaitdepère en fils», sesouvient M.Georget. Jusqu’audébut des années 1980, le site

regroupait une sucrerie, une dis-tillerie, une fabrique de papier etune autre de carton. Sans compterune unité de pâte à papier et unepetite centrale électrique.

Depuisquinzeans,seulesubsis-te la productiondepapiermagazi-ne.Mais elle aussi est en repli. Peuà peu, les capacités ont été rédui-tes, compte tenu de la surproduc-tion européenne, et tout a étéconcentré sur une seule machine.Un énorme équipement, installéen 1990.

C’était,à l’époque,laplusimpor-tante ligne de production de cetypeaumonde.C’est, aujourd’hui,la dernière à fonctionner en Fran-ce. Et elle ne rentre plus dans lesplansde Stora Enso.

Auxyeuxdesdirigeantsscandi-naves, le papier magazine consti-tueunmétierdechien.Avec Inter-net, le tirage des journaux dimi-nue et les catalogues de vente parcorrespondancepassent demode.Quant aux prospectus, ils sontimpriméssur dupapier de qualitéinférieure.

«Autotal,cemarchébaissed’an-née en année, sans perspective de

remontée», juge-t-onausiègefran-çais dugroupe.

En conséquence, Stora Enso achoisi de se désengager de cemétier.Désormais, ilmise toutsurquelques secteurs jugés porteurs,comme l’emballage et la fabrica-tion de pâte à papier dans les paysà bas coût de production. Cap surlaPologne,l’Inde,laChine, lePakis-tanouencore l’Uruguay. Loin, trèsloinduNord-Pas-de-Calais…p

Denis Cosnard

Lessyndicatssemobilisentalorsquelaloid’aveniragricolearriveàl’AssembléeLetexteveutconcilierperformanceséconomiqueetécologique

M ardi 7 janvier au matin,deux cadresdirigeants del’usine Goodyear

d’Amiens-Nord étaient toujoursséquestrés dans des locaux du siteavec 100à 150salariés et des repré-sentants de la CGT. Cette action adébutélaveillevers10h30.Lessala-riés, que la direction a placés lundisoirendispensed’activité(rémuné-rée), veulent obtenir demeilleuresindemnités que celles proposéespar Goodyear, dans le cadre de lafermeture du site et du plan socialtouchantses 1173salariés.

UneréunionàlaDirectionrégio-nale des entreprises, de la concur-rence, de la consommation, du tra-vail et de l’emploi d’Amiens (Som-me), organisée à son initiative,devait se tenir mardi à 10heures«avec tous les acteurs du dossier»,selon la CGT. Mais la direction deGoodyearDunlopTiresFranceindi-quequ’elle «ne participeraà aucu-ne réunion avec les représentantsdessalariéstantque [ledirecteurdeproduction, Michel Dheilly, et leDRH, Bernard Glesser] serontséquestrés». Elle estime que «cetype d’initiative toujours condam-nableestparticulièrementinoppor-tun et contre-productif aumomentoù les énergies doivent se concen-trer sur l’avenir des salariés».

Ces derniers sont cependantconvaincus qu’ils ne retrouverontpas d’emploi dans cette régionsinistrée et critiquent les proposi-tions de reclassement interne.

«Beaucoup se situent à l’étranger,d’autres à l’usine de Montluçon, àRiom ou au siège de Rueil», expli-que Didier Raynaud, membre ducomité centrald’entrepriseet délé-gué syndical central CFDT. Quantau projet de reprise partielle dugroupe Titan, annoncé en novem-breparArnaudMontebourg,minis-tre du redressement productif, «ladirection nous répond invariable-mentqu’elle n’apasd’infos»,préci-seM.Raynaud.

LaCGT accumule les échecsLes salariés revendiquent des

indemnités «correctes», très supé-rieures à celles proposées par ladirection, soit environ25000eurospar personne. Ils veu-lent revenir aux montants négo-ciés en 2012 pour le plan de départvolontaire qui avait avorté, soitplusde 100000eurospar salarié.

Après avoir axé sa stratégie surlaluttejudiciaire,couronnéedeplu-sieurs succès depuis 2007, ce qui apermis d’éviter tout plan social, laCGTaccumuleleséchecsdevantlestribunaux depuis début 2013. Lesyndicat dénonce «un véritablecomplot autour du dossier Goo-dyear»dont«legouvernementHol-lande est le chef d’orchestre» et où«les jugessonttousaudiapason…».La CGT a donc décidé de «changerde braquet». Les premières lettresde licenciement pourraient êtreenvoyéesdès lami-janvier. p

FrancineAizicovici

DeuxcadresdeGoodyearsonttoujoursséquestrésàl’usined’Amiens-NordLaCGT,quiaépuisé les recours juridiques,veutdemeilleures indemnitésdedépartpour les salariés

Fautederepreneur, lepapetiersuédoisStoraEnsofermesaseuleusinefrançaiseLesitedeCorbehem,quiaemployé jusqu’à3000personnes, arrêterasaproductionen juin

L e débat parlementaires’ouvre sur le projet de loid’avenir de l’agriculture por-

té par Stéphane Le Foll. L’examendu texte devait débuter mardi7 janvier à l’Assemblée nationale.Le ministre de l’agriculture se ditsoucieux de «refonder» la politi-que agricole suivie par la Francedepuis les années 1960. Il veuttoutàlafoisrenforcerlacompétiti-vité des filières agricoles tout enprenant le virage de l’agroécolo-gie. Unpilotage délicat.

Avecses39articles, le texteaunspectre très large. Parmi lesmesu-res phares, citons la création dufameuxgroupementd’intérêtéco-nomique et environnemental(GIEE),présentéparM.LeFollcom-me l’étendard de son ambitionagroécologique. Ce vocable dési-gne de nouveaux collectifs d’agri-culteurs ancrés dans un territoirequi bénéficieraient demajorationdessoutienspublicspourdévelop-per une dynamique de change-mentdespratiques agricoles.

Le texte, qui se donne commeambitionde«préserver le caractèrefamilial de l’agriculture», se pen-che aussi sur deux sujets cruciauximbriqués: la limitationdel’agran-dissement excessif des exploita-tions et l’érosion continue des sur-

faces agricoles. Et l’aide à l’installa-tion de nouveaux agriculteursalors que la profession ne cesse desedépeupler.Ilyaurgence,enparti-culier dans l’élevage, cité commeune priorité du gouvernement.Selon une publication duministè-re datée du 2 janvier, 37% desexploitations laitières ont disparuenFranceentre2000et 2010.

Doléances et propositionsLa santé publique est un autre

enjeu du texte qui veut limiterl’usage des pesticides et des anti-biotiques vétérinaires. Mais aussirendre publics les résultats descontrôles sanitairesdans les canti-nes, restaurantsou entreprises.

La loi agricole veut aussi redon-nerdupoids auxproducteurs faceà la grande distribution et auxindustriels pour une meilleurerépartitiondesmarges.Elleforma-lise le rôle dumédiateur chargédefaire respecter les contrats.

Alors que le débat sur ce textes’ouvre, les syndicats se mobili-sent. La Confédération paysanneappelle à un rassemblement mar-di, devant l’Assemblée nationale.Lesyndicatminoritaireveutdénon-cer l’industrialisation croissantedes élevages en France, incarnéepar le projet de la ferme des 1000

vaches, que finance un industrielnordiste dans la Somme. Pour laConfédération paysanne, le texte,s’ilcontientdesavancées,doitenco-re être complété pourmarquer untournantde l’agriculture.

De son côté, le syndicat majori-taire FNSEA, qui dénonce lescontraintes environnementales,lancelemêmejour, les«Etatsgéné-rauxde l’agriculture», avec les Jeu-nes agriculteurs, le Crédit agricole,les coopératives agricoles et leschambres d’agriculture. Ils ontenvoyé un courrier à leurs adhé-rents pour remonter doléances etpropositions.Thèmeschoisis:com-plexité administrative, innova-tion,fiscalité,financement,gestiondes risques, partage de la valeurajoutée et place de l’agriculturedans la société.

La synthèse sera présentée enfévrier,avantlesalondel’Agricultu-re. L’objectif étantde fairepressionsur le gouvernement en présen-tantune liste depropositionspourrenforcer la compétitivité desexploitationsagricoles.Unemaniè-reaussipourlaFNSEAdereprendrela main alors que ses fédérationsrégionales,enBretagneouenIle-de-France, ont mené la contestationcesderniersmois.p

LaurenceGirard

Quelque 335 emplois sontmenacés à Corbehem (Pas-de-Calais). FRANÇOIS LO PRESTI/AFP

50123Mercredi 8 janvier 2014

Page 24: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

72milliards d’euros

C’est lemontantdes économiesque le gouvernementbritanni-queprévoit encorede réaliser dans les années à venir. Si certai-nesde ces coupes budgétaires sontprogramméespour2014 et2015, une autre part –25milliardsde livres, soit 30milliardsd’eu-ros – devra être faite après les prochainesélections générales pré-vues en 2015, a prévenu, lundi 6janvier, leministre des finances,GeorgeOsborne. La poursuitede l’austérité doit permettre auRoyaume-Unide résorber, en 2019, undéficit public qui s’est éle-vé à 6,8%duproduit intérieurbrut en 2013.

CONSOMMATION

PoursuitedelabaissedesventesdecigarettesenFranceLes ventes de cigarettes en Franceont baissé en volumeen 2013.Lundi6janvier, le site Internet du journal Les Echos, citant de«premières remontées statistiques annuelles», a indiquéque labaissedesventes de cigarettes en 2013 s’est établie à «7,7%, à envi-ron47,5milliards de cigarettes vendues, soit 4milliards demoinsqu’en 2012», alors que 80,5milliards de cigarettes avaient été ven-dues en 2003.Leprésidentde la Confédérationdes buralistes, PascalMontre-don, cité par l’AgenceFrance Presse, estime, lui, que cette chute aatteint 7,6%pour 2013. Cette baissepeut s’expliquerpar plu-sieurs facteurs: l’effet dissuasif des augmentationsdeprix, l’es-sor de la cigarette électroniqueet le recours à desmarchésparal-lèles.p

SantéLe cœur artificiel deCarmat commercialisédans deux à cinq ansLe cœur artificielmis aupoint parCarmat sera commercialisédansdeuxà cinqans, a déclaré, lundi 6janvier, le présidentde lasociété, Jean-ClaudeCadudal. La commercialisationen Europedoit avoir lieu sur lesmarchésprivilégiés que sont la France, l’Al-lemagneet l’Italie. – (Reuters.)

ConjonctureLemoral des Françaisprogresse légèrementL’indicateur synthétiquemesurant la confiancedes consomma-teurs français a gagnéunpoint endécembre2013, à 85pointscontre84 ennovembre, a annoncé l’Insee,mardi 7janvier. Cetteaméliorations’expliqueenparticulierpar un regaind’optimis-me concernant le niveaude vie futur enFrance, et par un légerapaisementdes craintes concernant le chômage.

ESPACE

NouveautirréussipourSpaceXLa société américaine Space ExplorationTechnologies (SpaceX) alancé avec succès, lundi 6janvier, son deuxièmesatellite de com-municationenmoins d’unmois, espérant ainsi jouerun rôle-clésur cemarché enoffrantdes prix très compétitifs. La fusée àdeuxétages Falcon9de SpaceXaplacé sur orbite un satellite del’opérateurasiatiqueThaicomPLC. Le 3décembre2013, SpaceXavait lancé sonpremier satellite de télécommunication. Il s’agis-sait du SES-8du groupe luxembourgeoisSES, deuxièmeopéra-teurmondial de satellites. Ce dernierutilisait auparavant lesfusées européenneAriane et russe Proton, plus chères. – (AFP.)p

techno&médias

P référez-vous le chocolat noirou le chocolat au lait? Fillonou Copé? Etes-vous pour la

légalisation du cannabis? Les diri-geants des instituts qui posent cegenre de questions à longueur dejournéeont,eux,uneautreinterro-gationentête, cruciale: leurmétiera-t-il encoreunavenir?

Uneseulecertitude:danscesec-teur en plein bouleversement, lespoidsmoyenssansspécialitéclaire-ment établie risquent de disparaî-tre.C’estcequiarriveaujourd’huiàLH2, un institut connu jusqu’en2005sous lenomdeLouisHarris.

L’entreprise, qui a déposé sonbilan en septembre2013, va êtredécoupéeendeux,adécidéletribu-naldecommercedeVersaillesdansunedécisionofficialiséelundi6jan-vier. Lesiège, lamarqueet l’activitéd’étuded’opinion, soit une trentai-ne de personnes, vont être reprispar BVA, un autre institut françaisdesondages.

Les deux centres d’appels télé-phoniques de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et Orléans (Loiret), àpartirdesquelssontréaliséslesson-dages, vont, eux, passer sous lecontrôle de Pro2C. Cette société detélémarketing reprendra, elle aus-si, une trentaine de personnes. Autotal, 60salariés devraient doncretrouver un poste, soit environ lamoitiédel’effectifdeLH2ilyaquel-quesmois.

PourBVA,l’enjeuestclair : il fautgrossir. «Le marché des sondagesest dur, des consolidations sontindispensables pour faire jouer l’ef-fet de taille et résister», expliqueson patron, Gérard Lopez. Depuisque le fondsMontefiore a pris 51%de son capital au printemps 2013,ce qui lui a permis de se désendet-ter, BVA a déjà réalisé deux autresacquisitions, dans le domaine des«clientsmystères». Avec l’intégra-tion supplémentaire de LH2, BVAdevraitainsiatteindre100millionsd’euros de chiffre d’affaires cetteannée, contre65millionsen2012.

Mais cela suffira-t-il ? Pas sûr.«Nous sommes dans une coursecontre la montre, reconnaîtM. Lopez. Aujourd’hui, nousgagnons correctement notre vie.Mais notre métier change à touteallure, et si nous restons sur notre

modèlehistorique,noussommesengrand danger de disparaître, com-meKodak il n’y a pas si longtemps.La technologieva tellementvite!»

Toutbouge,eneffet. Ilya lacriseéconomique,quiafaitbaisserl’acti-vité des sondeurs, et pesé sur leursmarges. «Notre secteur est très ato-misé», dit un professionnel. EnFrance,desdizainesd’intervenantscomme l’IFOP, Nielsen, CSA, BVA,TNS Sofres… se partagent un mar-ché d’à peine 2milliards d’eurospar an. «Les directeurs des achatsquipaient les sondagesont souventle choix entre 7 ou 8propositions, etpeuvent faire baisser les prix.»

Cependant, la concentrationesten marche. Témoin, l’achat deSynovate, qui a permis à Ipsos dedevenir, en 2011, le numéro troismondialdessondagesetenquêtes,et le seul français parmi les géantsdu secteur. Témoin aussi, l’offrepublique d’achat sur l’américainHarris Interactive annoncée ennovembre2013 par le leadermon-dial, l’américano-néerlandaisNiel-sen, pour 117millions de dollars(85,9millions d’euros). Alors quele numéro deux mondial, TNSSofres, a intégré en 2008 le géantaméricainde la publicitéWPP.Des

grandes manœuvres qui compli-quentlaviedesgroupesdedeuxiè-me rang.

Parallèlement, le mode derecueil des données a changé. Lessondages en face à face, dans la rueouàdomicile,ontquasimentdispa-ruauprofitdesenquêtestéléphoni-ques. Et celles-ci sont de plus enplus souvent effectuées à partir decentres d’appels situés dans despaysàbascoûts.

Enquêtes en ligneLH2 avait refusé de procéder à

une telle délocalisation. Cela lui acoûtécher.Làoùlaplate-formetélé-phoniquedeBVAàl’îleMauricetra-vaille pour 7 euros de l’heure, lescentres français facturent 22eurosde l’heure, trois fois plus ! Unsérieux handicap compétitif. Cen’estqu’undébut:unnombrecrois-santd’enquêtesestàprésentadmi-nistré en ligne, par Internet. Ce quirevientencoremoins cher.

Mais la menace la plus sérieusereste sans doute à venir. C’est celleque représente lamontée en puis-sancedu«bigdata»etd’Internet.

«Demain, mon concurrent serasansdouteGoogleouFacebook,desgroupes capables de poser une

même question à des millions depersonnes», résume BernardSananès, lepatronde l’institutCSA.Face à desmachines aussi puissan-tes, les sondages auront-ils encoreun sens? Le fameux «échantillonreprésentatif» de 1000Françaisgardera-t-il un intérêt? «Face à cedéfi,notreenjeuestdedémontrer laforce de la représentativité», affir-meM.Sananès.

D’oresetdéjà, lanouvelledonnesurlemarchédessondagesafragili-sé les sociétés de taille moyenne,surtout celles qui proposent desoffres standards et veulent couvrirtous les secteursd’activité.

EnFrance,lechampionIpsosaffi-che une marge opérationnelle de11%etpèseprèsde1,5milliardd’eu-rosenBourse.Mais l’IFOP, contrôlépar Laurence Parisot et sa famille,perdde l’argent,demêmequeCSA,filiale de Bolloré. D’autres acteursplus petits ont dû aller au tribunaldecommerce,commeLH2,MV2ouMICA Research, placé en liquida-tion judiciaire. «Est-ce qu’il n’y apas encore un ou deux généralistesdetrop? Jem’interroge…»,glisseunsondeur.Commesouvent,larépon-seest dans laquestion… p

Denis Cosnard

«Nous avonsd’ores et déjàatteintun tauxbas»C’est le jugement duministre français de l’économie et desfinances, PierreMoscovici, mardi 7 janvier, sur RTL, à propos dutauxdu Livret A, laissant entendre que le gouvernementpourrait le laisser inchangé. Le taux du Livret A doit être fixé le1er février d’un communaccord entre le gouverneur de laBanquede France etM.Moscovici. «Le gouvernement sera trèsattentif au pouvoir d’achat des épargnants», a assuré leministre de l’économie et des finances.

Equipement Tractations pour une reprisedes travaux au canal dePanamaL’administrationdu canal de Panamaa annoncé, lundi 6janvier,qu’elle était disposée à avancerdes fonds au consortiuminterna-tional chargéde l’agrandissementde la voie pour éviter une sus-pensiondu chantier et résoudreun conflit portant sur le surcoûtduprojet.Dirigépar la société espagnole Sacyr, le consortiuminternational, quimenacede suspendre les travaux en raisond’un conflit financier, s’est engagéplus tôt dans la soirée ànégo-cier avec le gestionnairedu canal à la suite d’unemédiationde laministre espagnole de l’équipement.– (AFP.)

Bourse Pékin veut encadrer la banque de l’ombreLeprincipal indice boursier des valeurs deChine continentale afini la journée auplusbas depuis cinqmois, lundi 6janvier,aprèsdes informations selon lesquelles le gouvernementa adres-sé à l’ensembledes autorités financièresdupays denouvellesrecommandationspour renforcer l’encadrementd’un systèmebancaire«parallèle»dont l’essor fait craindreune envoléedesrisques financiers. – (Reuters.)

Les dépensesmondiales ensmartphones, ordinateurs, télé-viseurs et autres produits tech-nologiques grand publicdevraient baisser en 2014, selonune étude conjointe de l’associa-tion américaine d’électroniquegrandpublic (CEA) et du cabinetde rechercheGfK, publiée diman-che 5janvier.L’étude estimeque lemarchémondial des produits technologi-

ques a atteint un pic en 2013, à1068milliards de dollars(784milliards d’euros, en haus-se de 3%par rapport à 2012),mais devrait reculer de 1%en2014, à 1055milliards de dol-lars. Selon l’étude, les ventesd’appareilsmobiles continue-raient de progresser,mais«reposent de plus en plus sur lesappareils d’entrée de gamme»,qui sontmoins chers.

Y aurait-il un frein à l’irrésisti-ble ascension de Samsung?Legéantsud-coréenauxcen-

tainesdemillionsdesmartphonesvendus, a annoncé, mardi 7 jan-vier, qu’il misait sur un bénéficemoins important que prévu auquatrièmetrimestre2013. Pour lestrois derniers mois de l’année2013, legroupetablesurunbénéfi-ce de 8 300milliards de wons(5,7milliards d’euros), soit unebaisse de 6,1% par rapport à lamêmepériodede 2012. Et un reculde 18,3% par rapport au trimestreprécédent.A titredecomparaison,le troisième trimestre 2013 avaitvu le bénéfice du groupe grimperde 26%enunan.

Côté chiffred’affaires, les prévi-sions sont plus rassurantes : lerevenudugroupeautroisièmetri-mestre 2013 devrait augmenterde5,24% par rapport à 2012, pouratteindre 59000milliards dewons.

Onestbiensûr loindesdéboiresdutaïwanaisHTC,quiaévitédejus-tesseledéficitauquatrièmetrimes-tre 2013,mais Samsung avait habi-tué l’industrieàmieux.Sices résul-tatsseconfirmentfinjanvier,pério-de de publication du rapportannuel du groupe, Il s’agirait alorsdes plus «mauvais » chiffresdepuis le troisièmetrimestre2011.

Comme ses cousins japonais, le

géant sud-coréen semble souffrirdu cours du won qui n’a cesséd’augmenter, le contraignant àvendre ses produits plus chers ouà rogner sur ses marges. Mais lerecul du bénéfice serait surtout laconséquence de l’évolution dumarché du smartphone, celui-làmêmequi avait permis au groupede devenir l’un des plus rentablesdumonde.

Concurrence accrueEn forte croissance depuis

2008, les ventes de téléphonesintelligents haut de gamme pré-sentent des signes de recul. Lesconsommateursdespaysocciden-taux, du Japon et de Corée du Sud,sont aujourd’hui presque touséquipés et le marché approche dela saturation.

Or, le groupe a construit sonincroyable réussite en grande par-tie sur le succès de sa gammeGalaxy.Une série de smartphonesetde tabletteshautdegamme,quiont été les seuls parmi la concur-rence à pouvoir rivaliser avec lesproduits d’Apple. Grâce à cettegamme, le constructeur sud-coréen s’est taillé la part du liondans les ventes des téléphonesmultimédias: 31% de part demar-ché au troisième trimestre 2013,selon le cabinet IDC.

Mais, aujourd’hui, selon cer-tains observateurs, le potentiel decroissance se trouve surtout dansles pays émergents (Inde, Chine,Brésil…). Là où les consommateursont plutôt tendance à plébisciterdes smartphonesmilieu et entréedegamme (moinsde 200euros).

Problème, Samsung n’est passeul sur ce marché et rien n’indi-que donc que le succès sera lemême que sur le haut de gamme.Le spécialiste de l’électroniquedoit faire face à une concurrenceaccrue, notamment de la part desfabricants chinois Huawei, Leno-voouencoreXiaomi,déjàbienins-tallés sur cemarché.

Quelle que soit l’issue de labataille, il y a fort à parier que lesmarges du groupe s’en ressenti-ront. Le gros des volumesdeventeayant une forte chance d’êtreconstituédecesfameuxsmartpho-nes àmoins de 200euros.

Selon le cabinet IDC, si le nom-bre de smartphones vendusdevrait doubler en 2017 pouratteindre 1,7milliard d’unités, leprixmoyen de vente devrait dansle même temps passer de 337dol-lars (247euros) à 265dollars.

Même si sa montre connectéeGalaxy Gear n’a pas eu le succèsattendu, Samsung peut toutefoiscompter sur sa capacité d’innova-tion pour continuer à séduire lesconsommateurs.PrésentauConsu-mer Electronics Show, le salon del’électronique de Las Vegas, qui setient du 7au 10 janvier, le géantcoréenaprésenté,lundi,unetablet-te de 12pouces. «Idéale pour lire lapresse sans zoomer.»p

SarahBelouezzane

SamsungvictimedelabanalisationdumarchédessmartphonesLesbénéficesdusud-coréendiminuent faceà l’arrivéede téléphoneschinoisàmoinsde200euros

Sondages:BVAmetlamainsurLH2,l’ex-LouisHarrisLesacteursmoyenssontendifficultédansunmarchémenacépar l’irruptiondu«bigdata»

Lesdépenseshigh-techdevraientbaisser en2014

6 0123Mercredi 8 janvier 2014

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stratégie & innovation

BUCAREST, CORRESPONDANT

D ’originebelge, Benoit Ples-ka est pressenti pourpren-dre la directionde la com-

pagniepublique roumainequis’occupedes ponts et chaussées,la CNADNR.Unemissiondélicatepuisqu’il devra gérerunbudgetdeplusieursmilliardsd’eurosattribuéenpartie par la Commis-sioneuropéenne. «Nous devonsgarantir que les subventions euro-péennes serontmieuxgéréesqu’avant», explique-t-il. La direc-tiond’uneautre société publique,la compagnie aérienneTarom, aété confiée à ChristianHeinz-mann,un autremanageurbelge.

A l’originede cette stratégiedepromotiondes étrangers à la têtedes entreprisespubliques roumai-nes se trouvent les principauxbailleursde fondsdupays: leFondsmonétaire international(FMI), la Banquemondiale etl’Unioneuropéenne (UE).

En 2009, cette «troïka» avaitprêté à Bucarest 20milliardsd’eu-ros pourpermettre au gouverne-mentde faire face à la crise écono-miqueet financière. En 2011, unautreprêt de 5milliardsd’euros aété sollicitépar la Roumanie.Buca-rest a obtenu les fonds,mais, enéchange, le gouvernement s’estengagé ànommerà la tête descompagniesd’Etat – véritablestrousnoirs de l’économiedupays– desmanageurs issusdu sec-teurprivé, y compris étrangers.

Un salaire dequelquesdizainesdemilliers d’euros pose-t-il pro-blèmedansunpaysoù le salairemoyenmensuel atteint tout juste350euros? «Peu importe la som-

meà conditionqu’ils fassent leurtravail, affirme le présidentTraianBasescu. Les compagniesd’Etatont accumulédes pertes éva-luées à 3milliards d’euros. Vu lemontantde ces pertes, le salaired’unmanageurn’est pas unpro-blème, il faut tout simplementtrouver l’hommeapproprié, quin’ait pas de liens politiques.»

«Mobilité européenne»GeorgeButunoiu, l’un des chas-

seurs de têtes les plus convoitésenRoumanie, est employépar legouvernementpour dénicher cesperles rares. Il affirme êtredébor-dépar les demandes. «J’ai recrutépour onze sociétés, et j’ai reçudixmilleCV,dit-il.C’est vrai, les Rou-mains ont tendanceà faire davan-tage confiance aux étrangers, etc’est pourquoi ceux-ci ont demeilleurs résultats.»

L’économie roumaine, qui amis du tempspour se remettresur les rails après le désastre del’époquecommuniste, sembleattirer aujourd’huide plus enplusde cesmanageursqui défientles frontières des nations.

Après avoir géré les affairesducimentier suisseHolcimet dufrançaisDanoneenRoumanie,Benoit Pleska était parti auxEtats-Unis afin deparfaire ses compé-tencesdemanageur. Il en est reve-nugonflé à bloc. «Onpeut envisa-gerunemobilité desmanageurs àl’échelle européenne, ce qui seraitunegrandepremière,dit-il.Pourmoi, ce serait la phase ultimede laconstructioneuropéenne. Pour-quoi nepas imaginer qu’unmana-geur allemandpuisse gérer la pos-te grecque?»p

VU D’AILLEURSpar Mirel Bran

PDGenRoumanie,undéfi

Dongfeng, partenaire incontournable

ProductionAvecDongfeng, Renault investit 870mil-lions d’eurospour créer àWuhan, dans le centre de laChine, une première usine d’une capacité de 150000véhicules par an. La production sera lancée en 2016.

PartenariatDéjà allié deNissan,mais aussi de PSAPeugeot-Citroën ou deHonda,Dongfeng est le deuxiè-me constructeur chinois, avec 3,08millions de véhicu-les vendus en2012, et davantage en 2013.

MarchéA fin novembre2013, il s’était vendu 19,86mil-lions de véhicules enChine (+13,5%), premiermarchémondial devant les Etats-Unis (15,6millions en2013)

A ucun des grands du secteur–Siemens,UnitedTechnolo-gies ou General Electric – ne

lui fait peur! Finsecur poursuit saconquête dumarché de la sécuritéincendie. Issuede l’Ecole supérieu-re de physique et de chimie indus-trielles (ESPCI ParisTech), la start-upcomptesurlacapacitéd’innova-tion technologique de ses sites derecherche, de fabrication et d’as-semblage, tous implantés en Fran-ce. Elle vient de consolider sa posi-tion dans l’Hexagone en rachetantune société marseillaise (Conjonc-ture) et en créant une structure àTours, opérations dans lesquelleselle a investi 7millionsd’euros.

Créée en 2000 par des cher-cheursde l’ESPCI, Finsecur conçoit,fabrique, installe et maintient dessystèmes de sécurité incendie quiintègrent la détection, l’extinctionautomatique et la signalisationsonoreetlumineuse.Ilssontlaplu-part du temps installés dans dessites industriels et des établisse-ments recevant du public (ERP)–supermarchés,maisonsde retrai-te, immeubles de bureaux, etc. Cesecteur est hautement technologi-queet fortementréglementé.

«Bons sur toute la chaîne»Pour se différencier des grands

industriels, Finsecur mise sur sonexcellence scientifique. «C’est unmétier très technologique, quimélange la physique, l’électroni-que, le traitementdusignal, les télé-coms, etc. Notre différenciateur estquenous sommes bons sur toute lachaîne», affirme Jacques Lewiner,président du conseil de surveillan-ceetcofondateurdeFinsecur,maisaussi physicien de renom, direc-teurscientifiquehonorairedel’ESP-CI,détenteurdenombreuxbrevetset cofondateurde start-up.

Finsecurchercheàfairedespro-

duits conformes à la norme, aumeilleurprixet fabriquésenFran-ce. «Nous pouvons fabriquer enFrance moins cher qu’ailleurs entrouvant les composantsqui rédui-sent le nombre de pièces. Peu decomposants chers coûtent moinsque de nombreux composants paschers», affirmeM.Lewiner.

Sur unmarché stable, Finsecuraffiche une croissance de 25% paran enmoyennedepuis dix ans. En2013,ellearéaliséunchiffred’affai-res de 31millions d’euros. Sa partdu marché français atteint 13%.Détenue par des actionnaires pri-vés, elle est bénéficiaire depuis2004. A la suite des opérations decroissance de décembre2013, ellepeut désormais accompagner sesgrands clients partout en France.Elle a aussi des filiales en Belgiqueet auRoyaume-Uni.

Cette couverture géographiqueest importante, car lemarché fran-çais de la sécurité incendie abordeune étape importante. D’ici à 2021,les 7millions de détecteurs defumée à chambre d’ionisation(DFCI) installés dans des ERP enFrance devront être démantelésparuneentreprisehabilitéeetrem-placéspardesdétecteurssanssour-ce radioactive, commeceuxdeFin-securqui exploitent une technolo-gieoptique…

Sans compter que le marchédomestique est lui aussi soumis àl’obligation de s’équiper d’ici à2015. «Même si un foyer sur troischoisit de ne pas s’équiper, celareprésente tout de même quelque20millions de détecteurs à instal-ler», se félicite Christophe Bonaz-zi, directeur général de la société,qui voit dans ces circonstances lemoyen pour Finsecur d’atteindresonobjectif :«Devenirungranddela détection incendie!»p

SophyCaulier

En validant, mi-décem-bre2013, la création d’unecoentreprise avec leconstructeurchinoisDon-gfeng, Renault entame sa

longue marche dans l’empire duMilieu.En2016,lamarqueaulosan-ge devrait commercialiser ses pre-miers véhicules produits dans uneusine actuellement en construc-tion à Wuhan, dans le centre de laChine. A deux pas de celles que lemême Dongfeng partage avecl’autre français, PSA Peugeot-Citroën. Pour Renault, c’est uneobligation, comme l’assurait fin2013 Gilles Normand, son respon-sablepour l’Asie: «S’il prétendêtreunconstructeurde taillemondiale,Renault ne peut être absent desdeuxpremiersmarchésdelaplanè-te : la Chine et les Etats-Unis.»

En vingt ans, le groupe françaisa plusieurs fois tenté de s’implan-ter dans l’empire du Milieu. Envain. Ces essais avortés pèsentaujourd’hui lourd. Le groupe fran-çaisyécoulemoinsde30000véhi-culespar ansurunmarchédeplusde vingt millions de voitures en2013, soit moins d’un demi-pointde part demarché… Par contraste,Volkswagen ou General Motors yvendent désormais chacun plusde3millionsdevéhiculesparanetdisposent de dizaines d’usinesdans tout lepays. Le françaispour-ra-t-il rattraper un tel retard ?Revue des leviers qu’il compteactionnerpour réussir sonpari.

SYNERGIESLA FORCE DE L’ALLIANCE

Pour Renault, il n’est pas troptard. Le marché continue à croîtreà un taux supérieur à 10% par an.En2012, lepayscomptait85véhicu-les pour 1000 habitants, contreune moyenne de 578 pour1000habitants en France… De cefait, deux acheteurs chinois surtroissontaujourd’huides«primo-accédants». C’est donc mainte-nant qu’il faut les fidéliser.

Pour l’aider à s’implanter, lefrançais peut compter sur sonpuissant allié Nissan. Alors qu’audébut des années 2000 Renaults’internationalisait en attaquantdeconcert l’AmériqueduSud, l’In-de et la Russie, le constructeurjaponais s’est concentré sur leseul marché chinois. En 2002, il asignéavecDongfengun largepar-tenariat pour la productiond’automobilesetdecamions.Dou-zeansplus tard, lesdeuxpartenai-res commercialisent sous la mar-que Nissan près d’un million devoitures annuellement.

«AvecNissan,nousallonsbénéfi-cierd’importantessynergies»,assu-re-t-on d’ailleurs chez Renault. Ilspartagent tout d’abord le mêmepartenaire industriel, Dongfeng, ledeuxième constructeur chinoisavecplusde3millionsdevéhiculesassemblés par an. Cela a facilité lesdiscussions.Ensuite,pourperdrelemoinsdetempspossibleetminimi-ser les investissements – 870mil-lionsd’eurosinvestisentreRenaultet Dongfeng –, les ingénieurs de

Renault reprennent le savoir-faireindustrieldeNissan.

InstalléàWuhan,prèsdesautresusines Nissan, le nouveau site, quipourra assembler 150000véhicu-les par an, est une répliquedesusi-nes Nissan locales. Côté produc-tion, les fournisseurs locaux,moins onéreux que les internatio-naux, ont déjà été repérés par lacoentreprise d’achat RNPO, parta-géeentreRenaultetNissan.

Dans un second temps, Renaultet Dongfeng établiront un centrede recherche et développementavec 200personnes enChine, afinde développer des nouvelles tech-nologies pour des voitures électri-ques et hybrides…

MARKETINGCONSTRUIRE SA MARQUE

Avecmoinsde 30000véhiculesvendus par an et moins de100concessions dans le pays,Renault est encore largementinconnu en Chine. Depuis 2009,date à laquelle l’ex-Régie a décidéde revenir sérieusement dans lepays, la marque française tente dese faire un nom. Comme le groupeest obligé d’importerdes véhiculesfabriquéspourl’essentieldansl’usi-ne de Renault Samsung en Coréedu Sud, il doit vendre plus cher sesmodèles. Il a donc été obligé de sepositionner sur lemarché du hautde gamme, loin de son positionne-mentgénéralisteenEurope.

Ainsi, il n’entend pas vendreune «voiture à vivre» en Chine,mais une voiture casual luxury :un luxe sans ostentation qui cor-respondbienàlacampagneactuel-le anticorruption… Et, commebeaucoup de concurrents, il s’ap-puie sur un ambassadeur pourincarner samarque: le basketteurTony Parker. C’est notamment leparrain du Koleos, le sport utilityvehicle (SUV), un faux 4x4 fabri-

qué en Corée qui réalise environ80% des ventes de Renault enChine.Lastarde laNBAjouitd’unepopularité dans l’empire duMilieu et correspond au place-mentde ce SUV: son imageest à lafois « cool» et sophistiquée. Demême, Renault joue à fond de saprésence et de ses victoires en For-mule 1 pour élargir sa notoriété.

COMMERCIALUNE GAMME LOCALE

Au-delà du Koleos, Renault estpourl’instantdémuni.Lesoffresdeberlines,commelaLaguna,laFluen-ceou la Talisman,unmodèledéve-loppé pour le marché chinois, netrouventpasencore leurpublic.

A l’horizon2016, le constructeurdevraétoffersonoffre.Dansunpre-miertemps,ilnedevraitconstruiresur place que deux nouveauxmodèles de SUV, ces faux 4x4 sipopulaires que leur part devraitpasser d’ici à 2020 de 10% à 20%desventes.Pour l’instant, ilnepeutaller plus loin, car la licence autori-sant Renault à produire en Chineremonteenfaità1993etest limitéeà la productionde…véhiculesutili-taires (des camionnettes Trafic).«Dans les années 1990, on ne s’estpas vraiment occupé de notreimplantation, car ce n’était pas lapriorité. On changeait le manage-ment tout le temps. Du coup, on abeaucoup bricolé. Or, les Chinoisjugent sur pièce. Et ils gèrent lesétrangers commecela. Si vous réus-sissez, vous pouvez grandir, créerdes usines…», explique un anciendeRenault.

Ainsi, si Renault veut pouvoirproduire d’autres véhicules,notamment ses Logan et autresDuster de sa plate-forme à bascoût, qui seraient très adaptés enChine, il faudra tout d’abordmon-trer patte blanche. p

Philippe Jacqué

FinsecurdevientungranddelasécuritéincendieLasociété française, quiconnaîtunecroissancede25%paran,vientd’acquérirunconcurrent

2013* 2012*

Europe

Afrique

Eurasie

Amériques

Asie-Pacifique

SOURCE : RENAULT

VENTES DEVÉHICULES DE RENAULT,PAR RÉGION

* Janvier à novembre

1 178 981

237 109

1 180 272

25 602

24 394

211 021

189 052

421 449

415 146

207 309

PourquoiRenaultcroitausuccèsdesonaventurechinoiseLeconstructeurfrançaisse lanceenfin,avecDongfeng,sur lepremiermarchéautomobilemondial. IlpeutcomptersursonpartenaireNissan

LeKoleos,qui réalise environ80%des ventesde Renaulten Chine, dansles rues de Pékin,en septembre2010.O.MARTIN-GAMBIER/RENAULT

70123Mercredi 8 janvier 2014

Page 26: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

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Un film réalisé parSteven SoderberghAv Andie MacDowell,

No12

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15 grands films sélectionnés par Le Monde

1 - 23 oct. Taxi Driverde Martin Scorsese

2 - 30 oct. L’Homme de la plainede Anthony Mann

3 - 6 nov. Tootsiede Sydney Pollack

4 - 13 nov. Birdyde Alan Parker

5 - 20 nov. Cinq pièces facilesde Bob Rafelson

6 - 27 nov. De sang-froidde Richard Brooks

7 - 4 déc. L’Équipée sauvagede Laszlo Benedek

8 - 11 déc. Gandhide Richard Attenborough

9 - 18 déc. Mr Smith au Sénatde Frank Capra

10 - 24 déc. La Poursuite impitoyablede Arthur Penn

11 - 31 déc. Profession : reporterde Michelangelo Antonioni

12 - 8 janv. Sexe, mensongeset vidéode Steven Soderbergh

13 - 15 janv. Soudain l’été dernierde Joseph L. Mankiewicz

14 - 22 janv. Rencontresdu troisième typede Steven Spielberg

15 - 29 janv. Ouragan sur le Cainede Edward Dmytryk

5,90le DVD

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Dès le 8 janvier, le DVD no12

C ompliquédeconvaincrequ’ons’esttrans-forméenagneau lorsqu’ona été un loup.

«Je ne suis pas un homme riche et depuis j’aipayépourcequej’aifait.»Lamainsurlecœur,JordanBelfort, levraiLoupdeWall Street, jouéparLeonardoDiCapriodans le filmdeMartinScorsese, sorti en salles pendant les fêtes, abeau crier sur tous les tons qu’il a tourné lapagedesonanciennevie, l’ex-brokerindélicatest inaudible. Surtout pour ses victimes. Peuprobable que lesmilliers de naïfs qui ont cruaux promesses de gains mirifiques que leuravaitfaitmiroiterBelfortapprécientàsajustevaleur la performance d’acteur de LeonardoDiCaprio.Enmêmetemps, onpeutcompren-dre ceuxqui sontqualifiésdans l’unedes scè-nesdu filmde«déchets».

L’arnaquemontéeparl’escrocmagnifiéparScorseseestaussivieillequelaBourse. Il s’agitduprincipedit«delabouilloire»:onfaitmon-ter artificiellement le cours de sociétés dontles titres s’échangent au compte-gouttes, onincite des investisseurs à en acheter et justeavant que la bulle n’explose, on liquide sespositionsàbonprix.Enfantin,maisillégal.Bel-fort était un «commercial brillant, emportéparl’orgueil», tenteraderelativisersonavoca-te lorsdesonprocèsen 1996.Envain.

Condamnéàquatreansdeprisonpourfrau-de envaleursmobilièreset blanchimentd’ar-gent, le broker a laisséune ardoise de 110mil-lionsdedollars (80,8millionsd’euros). Sur les3378 clients de Stratton, la firme fondée parBelfort,seuls362onttouchédesdédommage-

ments, selon la Securities Investor ProtectionCorporation,pourunmontant ridiculed’unedizainedemillionsdedollars.Si l’onresteaus-si loin du compte, c’est parce qu’en jan-vier1997,l’entreprises’estmisesouslaprotec-tiondelaloisurlesfaillites.Laplupartdesplai-gnants, bien qu’ayant obtenu gain de causesurleplanlégal,sesontalorsretrouvésfloués.

«Voyoudes tempsmodernes»Si le film raconte par le menu comment

l’avidité pousse Belfort aux extravagancesorgiaques lesplus inimaginables, les investis-seursgrugéssontlesgrandsabsentsdelafres-quede Scorsese, qui ne s’attardepasnonplussur le blanchiment d’argent sale. Si ces deuxfacettes avaient fait partie du scénario, «celaaurait certainement diminué le “charme” dece voyou des temps modernes», explique ausite Alternet Jim Chanos, un gestionnaire dehedge fundquidispenseun cours sur la frau-deà l’universitéYale (Connecticut).

Jordan Belfort est sorti de prison enavril2006,aprèsavoirpurgévingt-deuxmoisde détention. Du temps qu’il a mis à profitpour lire et relire Le Bûcher des vanités (1987)deTomWolfe,aupointd’enconnaîtredespas-sagesentiersparcœur,maissurtoutpourécri-re sa propre histoire, dont les droits ont étérachetés par Scorsese. Une transaction qui apermis à Jordan Belfort de toucher à ce jour940500dollars,selonlesdocumentsdelajus-tice. Un début de consolation pour les plai-gnants, car en 2003, un juge du tribunal de

Brooklyn (New York) l’avait condamné à ver-serlamoitiédesesrevenusàunfondsdestinéà indemniser ses victimes. En octobre2013,anticipant le succès du filmet par làmême lapolémiquequ’ilsusciterait, l’avocatdeBelforta proposé à ce juge de verser la totalité desroyalties qu’il toucherait. La justice ne s’estpasencoreprononcéesurcettedemande.

Cette tentative de rédemption laisse mal-gré tout une impression de malaise chez lesvictimesdeBelfort.CommePeterSpringsteel,un architecte qui a avoué auNew York Timesavoirperdu lamoitié des économiesde touteunevie,oucommeAlfredVitt,undentisteà laretraite qui court toujours après les250000dollarsque le broker lui a faitperdre.

Depuissalibération,le«loup»estenpleineintrospection. «Je ne sais toujours pas qui jesuis, mais je sais que je ne suis pas le gars quej’étais. Cela me tue, parce qu’au fond, je saisque je suis une bonne personne», affirmait-ilen 2007. Il y a quelques jours, Belfort assuraitsur sa page Facebook que les droits du filmreprésenteront «plusieursmillions de dollars,ce qui permettra amplement de remboursertoutlemonde».Promessedeloupougénérosi-té d’agneau? Les plus sceptiques feront réfé-rence au proverbe: «Le loup perd des poilsmais jamais du vice. » Les plus indulgentsconstateront que, près de vingt ans après safulgurante ascension, Jordan Belfort n’a rienperdude sonbagou.p

[email protected]

L es bonnes résolutions sont«une coutumede la civilisa-tionoccidentale qui consiste,

à l’occasiondupassageà lanouvel-le année, le 1er janvier, à prendreunouplusieurs engagements enverssoi-mêmepouraméliorer son com-portement, une habitudeou sonmodede vie durant l’année àvenir»,me rappelleWikipédia,l’encyclopédie libre…d’enpren-dre ounon (bit.ly/1cSMIw9).

Un funeste sort est pourtantréservé auxbonnes résolutions.Selonune étude, en 2007, de l’uni-versité britanniquedeBristol,88%des objectifs sont voués àl’échec. Pour optimiser le tauxdesuccèsde ses bonnes intentions, ilest recommandéde les rendrepubliques et/ouqu’elles obtien-nent le soutiend’amis.

«Unechanced’êtremeilleur»Le site de LaNouvelle Républi-

que a établi le palmarèsdes bon-nes résolutions 2014des Loir-et-Chériens: en tête vient la décision«d’arrêterde se laisser pousser lesfesses», autrementdit reprendreune activitéphysiqueet suivreunrégimealimentaire adapté.«Maisdes histoiresde courbes, il y enad’autres», explique le quotidien.Dont celle demaîtriser davantageses finances et de faire fléchir lacourbede ses dépenses.Arrêter defumeraussi ou semettre à la«vapote». Diminuer ses déchets

ouprendredavantage le vélo. Etmême«dene pas s’imposer debonnes résolutions cette année» !(bit.ly/1ia06xh).

Le site «100%entrepreneurs»Widoobiz.comdégaine, lui, sixcitationspour «nepas perdre lecap»des bonnes résolutionspuis-qu’enprendre «c’est tout simple-ment se donnerune chance d’êtremeilleur». Prenons le parti de rete-nir ce proverbe chinois: «Lesgran-des âmes ont de la volonté, les fai-bles n’ont que des souhaits»(bit.ly/1gAPLKj).

Le gouvernementaméricainnedérogepas à la coutumeet propo-se treize résolutionspour 2014dont celles de décrocherunmeilleur emploi ouencore de«réduire, réutiliser et recycler»(1.usa.gov/1lKmz3R). Sur ses pas,l’humoristeTwog.fr attribueàplu-sieurspersonnalitéspolitiquesfrançaisesde bonnes résolutions:JérômeCahuzac s’exhorte à«tenir ses comptes et faire sonbud-get», SégolèneRoyal à «ne rien fai-re commeà l’“accoutumétude”»et FrançoisHollandeà «acheterun ciré» (bit.ly/1cT6UOL).

Et si, en 2014,onse contentaitdevérifier labonnerésolutiondenosécrans?Clicdroit surmonbureau,puis«résolutiond’écran».«1920×1080recommandé.» Jevais tenterdem’y tenir.p

[email protected]

LETTRE DE WALL STREETpar Stéphane Lauer

Leloupetl’agneau

C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUEpar Marlène Duretz

Mabonnerésolution

L’ARNAQUEMONTÉE

PARJORDANBELFORT,L’ESCROC

MAGNIFIÉPARSCORSESE,ESTAUSSIVIEILLEQUELABOURSE.ILS’AGIT

DUPRINCIPEDIT«DELABOUILLOIRE»

0123

LES INDÉGIVRABLES | par Xavier Gorce

8 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 27: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Le retour des virus guérisseursDélaissée au profit des antibiotiques,la phagothérapie revient. Des essaiscliniques sont prévus à l’automneen France, Belgique et Suisse. PAGE 3

Uncouple détonnantGuidoKroemer et Laurence Zitvogel étu-dient les interactions entre les cellulesimmunitaires et les différents types demort cellulaire lors d’un cancer. PAGE 7

c a r t e b l an ch e

EtienneGhysMathématicien, directeur

de recherche au CNRS à l’Ecolenormale supérieure de [email protected]

(PHOTO: FABRICE CATERINI)

DesfossilesdanslephosphateLesminesexploitéespar l’Office chérifiendesphosphates, auMaroc, sont aussiun formidablegisementde fossiles.

Le sitedeKhouribgacouvre lapériodequi avu ladisparitiondesdinosaures, il y a66millionsd’années.Onyadécouvertde féroces lézards aquatiques, des tortues-aspirateurs, des ancêtresdes éléphants etdesoiseauxdentus. Reportage.

PAGES 4-5

D ansquelle langue sont écrits les articles derechercheenmathématiques? Enanglais? Sou-vent,mais pas toujours: lesmathématiques

sontpeut-être la dernière science exacte dans laquellesubsisteuneproportion–faiblemais significative– depublicationsen français.

Certainspenserontque la langue importepeupuis-qu’il s’agit de formulesmises bout à bout: ce serait éga-lementune erreur.Mêmesi les symboles jouentunrôle central, un article est destiné à des êtres humainsqui parlentune languenaturelle…

Depuis toujours, le stylemathématiquehésite entredeux tentations opposées.D’un côté, onpeut considé-rer que le seul but est de démontrerun théorèmenou-veauet de s’assurerqu’il ne contientpas d’erreur. Ilfaut alors enfiler des syllogismes froids, sansnécessitéd’endévoiler le sens profond; les articles qui en résul-tent sont enquelque sortedestinés à desordinateurs.

L’informatique théoriquea d’ailleurs fait récem-mentdesprogrès fantastiquesdans la vérificationautomatiquededémonstrations. A l’opposé, l’auteur

peut aussi souhaiter expliquer à son lecteur le chemi-nementde sa pensée, le convaincrede l’intérêt de sesrésultats, et lui transmettredes idées. La rigueur contrel’intuition, la syntaxe contre la sémantique: le débatn’est pas nouveauenmathématiques!

Suivant les auteurs, les époques, les culturesou lesdomainesde recherche, les textes publiéspenchentd’uncôté oude l’autre. Par exemple, beaucoupconsidè-rent que les textesmathématiquesduXIXesiècleétaientunpeu«bavards».

Ondispose aujourd’huid’unoutil d’aide à l’écrituremathématiqued’une souplesse extraordinairequioffreune grande liberté de style auxauteurs. Inventépar l’informaticienDonaldKnuthen 1977, TeX (pronon-cer tekk) est devenu, après quelques améliorations, LAlanguedans laquelle s’expriment tous lesmathémati-ciens. Superficiellement, on pourrait penser que cen’est qu’un traitementde texte parmid’autres,mais ils’agit biend’un véritable langage. Il n’a aucundesinconvénientsdeMicrosoftWord, unanimementhaïdans la communauté!

TeXest un logiciel gratuit, indépendantdumatérielutilisé, qui ne changepas tous les cinq ans et qui neprendaucunedécisionà votreplace. Sa grandeorigina-lité est de dissocier complètement la formedu fond. Larédaction se fait dansun simple fichier texte, sansaucunemise enpagesmais contenant en revanchedescommandesqui structurent l’ensemble.

Ce fichier source contient toute l’information; soncontenuest doncvirtuellementéternel ! Ce n’est quedansundeuxièmetemps, celui de la compilation, quel’objet typographiqueest produit, en suivant les ins-tructionsprécisesde l’auteur.

Denos jours, TeXest devenu la lingua francadesmathématiciens,mais aussi des informaticiensetd’unebonnepartiedesphysiciens.Avecunpeud’habitude,onpeutmême lire le fichiernoncompilé, et beaucoupdecourriersélectroniquesentre collègues sont rédigésdirectementdans ce langage (unpeuabscons, il faut enconvenir). Il n’estpas exagérédedirequ’enmodifiantleurmoded’expressionTeXa changé la vie desmathé-maticiens, et adonc transformé lesmathématiques.p

La lingua francadesmathématiciens

Lesmédias, sources de«big data»L’activité journalistique, grâce àdenou-veauxoutils d’analyse numérique, fait

l’objet d’investigations inéditesde la part des chercheurs. PAGE 2

En 2009, dans les carrièresdeKhouribga, à 120 kmau sud-est de Casablanca.

EMMANUELGHEERBRANT/CNRS

Cahier du «Monde »N˚ 21453 datéMercredi 8 janvier 2014 - Ne peut être vendu séparément

Page 28: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Internetpeutaussi êtreutilecontre les troublesalimentairesUnrapportsoulignequedessites,blogsouforumspeuventaiderlesanorexiquesetlesboulimiquesàrompreleurisolement

David Larousserie

Le «big data» s’empare des médias.Onneparlepaslàdelamodemédia-tique qui use de cette expressiondésignant la collecte, l’analyse etl’utilisation de grandes quantitésde données –qu’il s’agisse des don-

néesscientifiquesoude celles récupéréespar lesespions de l’Agence nationale de sécurité (NSA)américaine enpassant par les traces laissées surleWebpar les internautes.Onveutsignifierque,désormais, c’est l’activité journalistique elle-même, grande pourvoyeuse de documents, quiest l’objetd’investigationsà la saucebigdata.

Ils’agitderépondreàdevieillesquestions:quiparle de quoi dans lesmédias? Qui sont les lan-ceurs d’informations et les suiveurs? Quels thè-mes restent dans les oubliettes? Les sujets sont-ils traitésde lamêmefaçonpar la télé, la radio, lapresse écrite et leWeb? L’irruption d’un nouvelacteur comme Internetpeut aussi poser denou-vellesquestions, commecelle-ci: ladiversitédessourcesd’informationsfavorise-t-ellelepluralis-meounon?Oubien, y a-t-il des lois dubuzz?

«Larecherchesurcesthèmesn’estpasnouvellemais il y a aujourd’hui une convergence d’outils

qui permettent de la rénover. Un paysage seconstruit sur l’analyse opérationnelle desmédias», indiqueMarie-LuceViaud,enouvertu-re du colloque «Le big data pour l’analyse desmédias», qui s’est tenu à Issy-les-Moulineaux(Hauts-de-Seine) les 16et 17décembre2013.

«Nousobservonsunmondeenmutation,celuides médias », ajoute cette chercheuse àInaExpert, la société de formation de l’Institutnational de l’audiovisuel (INA), qui est aussicoresponsable de l’outil le plus complet sur lesujet,OTMedia,dontlapremièrephase,financéeentre autres par l’Agence nationale de la recher-che (ANR), vientde s’achever.Ceprojet, dévelop-pé notamment par l’INA, l’Institut national derecherche en informatique et en automatique(Inria), les universités Sorbonne-Nouvelle etParis-Est, l’Ecoledesponts, l’AgenceFrance-Pres-se (AFP) et l’entreprise Syllabs, est un vrai glou-ton. Depuis juin2011, il a collecté les vidéos de21chaînes de télévision, les émissions de neufradios, tout le fil d’actualités de l’AFP, plus de1500flux d’informations en ligne demédias, lecontenud’environ1300sitesWebdepartispoli-tiques ou d’institutions, de blogs… Soit au totalprès de 4millions de documents écrits et 5mil-lionsd’images. Et lamoissondevrait continuer.

Impressionnant également, dans un autreregistre, l’Europe Media Monitor (EMM), déve-

loppé depuis 2002 par l’un des centres com-muns de recherche de l’Union européenne àIspre (Italie). Cent soixante quinzemille articlespar jour provenant de 4000sources d’informa-tionsécritesdans70langues!Lesystèmeestspé-cialisédans l’identificationd’événementspoliti-ques, sociaux ou sanitaires. Il fournit notam-mentdesclassementsd’histoiresmarquantesetcompare ce que disent des sources étrangèresd’unévénementnational.

Enanglais,d’autresgrandsprojetsontétéévo-qués lors du colloque. L’université de Columbiaet l’Institut Millward Brown pour l’innovationdans les médias ont depuis peu un prototype,news rover, qui s’intéresse à plus de 100chaînesde télé et près de 500sujets d’actualité par jour.L’outilpeutproposerdesarticlesetdesvidéosen

rapport avec un thème donné. Une option ditedesérendipitépermetdeliredesarticlesassociésàune recherche, sansyêtredirectement reliée.

Collectern’estpastout, ilfautaussiexploreretanalyser ces masses de données. La plupart deces projets reposent surdes extractions dans lestextes demots-clés, de noms de personne ou delieux,dedates…

Rapidement,desindicesdecouverturemédia-tique sont calculables pour voir quelle vedette,quelhommepolitiquea leplusdesuccèsdans lecorpus.Pluscruel,desexpertsdel’INAontétudiédes corrélations entre la couverturemédiatiquedes événements culturels et leur fréquentationréelle. Hellfest, festival consacré à la musiquemetal, est l’un des plus fréquentés de Francemais recueille lemoinsd’articles…

Souvent, les logiciels permettent d’agrégerautomatiquement plusieurs articles sous unmême chapeau. Franck Rebillard et Dario Com-pagno (université Sorbonne-Nouvelle)ont ainsimontrécomment,avecOTMedia, ilsontrésuméautomatiquementletraitementdedeuxtueries(en Finlande et en France) en quelques thèmes(aspects politiques, psychologiques, critique dela police…). Sans avoir à lire, en première analy-se, le contenumêmedes documents.

Grâce à un outil repérant les copies ou pla-giats, couplé à l’identification des citations desources, leurs collègues de l’INAont commencéà explorer le réseau des interactions entremédias. Sans surprise, l’AFP apparaît centraledans cette représentation.

Dans OTMedia, deux outils impressionnentencore davantage : un moteur de recherched’images et un détecteur d’événements. Issudes travaux de recherche de l’Inria, le logicield’analyse des images est capable de retrouverdans un corpus le détail d’une image sélection-née par l’utilisateur : un logo de marque, unefaçaded’immeuble, unmonument…

De quoi suivre les réutilisations d’une imagedans lesmédias ou étudier les détournements.«Images et textes véhiculent aussi des informa-tions différentes», insiste Alexis Joly de l’Inria.La technique consiste, pour chaque image, àgénérer des descripteurs caractéristiques dequelquespixels (deuxmilliardsde descripteursau total pour les cinqmillions d’images dans labase de données) qui sont autant de «motsvisuels». Les requêtes se font donc sans taperdes mots-clés mais en sélectionnant des boutsd’image.

Ledétecteurd’événements,encoreenrodage,consisteàregrouperautomatiquementdesarti-cles «proches», à un instant donné, afin d’étu-dier la fréquenced’apparitiondecepaquetdansle corpus. En aveugle, l’agenda médiatique estreconstruit. Cette véritable fouille de donnéesestplusrichequ’unmoteurderecherche,quineréagit qu’à des requêtes pour trouver des docu-ments. Là, on trouve ce qu’onne cherchait pas…Inversement,celarendpossiblel’étudedes«rési-dus», c’est-à-dire l’ensembledesarticlesn’ayantpas fait «événement». Ou le silence contre lebruitmédiatique.

«Il est facile de dire des choses fausses avec cesoutils»,metengardeMarie-LuceViaud.«Acom-bien nos analyses sont-elles justes, à combiensont-elles fausses? Personne ne sait le dire, enfait», ajoute-t-elle. L’exercice a en effet ses limi-tes. Les flux reçus des différentes sources peu-ventnepasêtrepropres: desarticlesmanquent,les dates sont incorrectes, desmises à jour d’unarticlemultiplient saprésencedans la base…

«Avec le big data, on passe notre temps àessayer de comprendre la base de données, plusqu’à l’utiliser», complète Dario Compagno. Etpuis,méthodepharede la sociologie, il fautaus-si établir des «vérités terrain», c’est-à-dire com-parer les résultatsdesmachines àdes corpusoudes situations bien connues. Ce qui peut pren-dredu temps.

Les chercheursdoiventégalementapprendrel’interdisciplinarité.Auseind’OTMedia,sociolo-gues et informaticiens travaillent ensemble.Des linguistes sont fondamentauxdans la réus-site d’EMM. Des géographes sont impliquésdansd’autresprojets. Seuls les journalistes sontencorepeuprésents…p

Lesmédiasdanslamoulinettedu«bigdata»n u m é r i q u e | Pourmieuxcomprendrelafaçondontlesinformationssediffusent,viventetmeurent,

deschercheursontconstituédelargesbasesdedonnéesqu’ilssondentavecdenouveauxoutils informatiques

SCIENCE&MÉDECINE a c t u a l i t é

Pascale Santi

Le développement de com-munautés en ligne, deblogs, de forums sur l’ano-rexieoulaboulimieencou-

rage-t-il les troubles du comporte-ment alimentaire (TCA)? Un rap-port intitulé «Les jeunes et leWebdes troubles alimentaires : dépas-ser la notionde “pro-ana”», dispo-nible sur anamia.fr, apporte undémenti à cette accusation fré-quemmentémise.

Ce rapport est le fruit d’uneétu-de coordonnée par AntonioCasilli, sociologueàTélécomParis-Tech, et Pierre-Antoine Chardel,philosophe à Télécom Ecole demanagement. Appelé Anamia(dans le jargon d’Internet, Ana etMia désignent respectivementl’anorexieet laboulimie),ceprojet

de recherche, financépar l’Agencenationale de la recherche (ANR), adémarré en 2010, coordonnénotamment par l’Institut Mines-Télécom et l’Ecole des hautes étu-des en sciences sociales. Il vise àétudier la structure, la fonction etl’influence des réseaux sociauxregroupant des personnes tou-chéespar des TCA.

L’anorexie mentale toucheraitentre 1%et 2%de la population, etlaboulimie3%à4%,maisiln’exis-te pas de données épidémiologi-ques en France. Les causes de cesmaladiessontmultiplesetcomple-xes. Les communautés en ligneregroupant des personnes souf-frant de TCA sont apparues audébut des années 2000. Depuis,une soixantaine d’études analy-sant le contenude tels sitesontétépubliées, surtout par des méde-cins,mais peude cette ampleur.

Pour cette étude, Anamia ad’abord réalisé une cartographiedu Web afin d’extraire un corpusde données par data mining(fouille). L’étude comportait aussides questionnaires en ligne, desentretiens et une analyse deréseaux sociaux.

Les contenus de ces sites,forums, réseaux sociaux, blogsd’usagers, dont certains dévoilentdes pans de vie, représentent unemassededonnéesimpressionnan-te, qui a été passée au crible. EnFrance, 559sites ont été réperto-riés en 2010, 593 en 2012 – proba-blement une fourchette basse, carces chiffrent n’incluent pas lesgroupes de réseaux de type Face-book. 287 questionnaires en ligneexploitablesont été collectés, puis37 entretiensont été réalisées.

Premier enseignement de cestravaux : «Contrairement aux

idées reçues, ces sites ne font nil’apologie des troubles alimen-taires ni du prosélytisme», expli-queAntonio Casilli.

Certes, le tonest souventprovo-cateur, plusieurs sites affirmantque ces troubles sont un choix devie plutôt qu’une maladie, et lesimages parfois choquantes, ce quiavaluàcessites l’appellationpéjo-rative de pro-ana. M.Casilli jugecependantl’expressionabusive,etlui préfère celle d’anamia.

Offre de soutien en ligneLes jeunes filles vontparfois jus-

qu’àdécrirelesméthodespours’af-famerouse fairevomir, etmettenten ligne des photos personnellesou de célébrités retouchées et trèsamincies. Certaines font l’éloge duthighgap,ou«espaceentrelescuis-ses», Graal de celles qui veulents’identifieràdesmannequins.

Pareil phénomène, dangereuxpour la santé, inquiète.Lepsychia-tre Gérard Apfeldorfer, spécialisédanscespathologies,dénonceain-si la façon dont ces sites glorifientles TCA. Et une proposition de loi,portéepar la députéeUMPValérieBoyer,visantàpunir lapromotionde la maigreur, a été adoptée enavril2008 –mais elle n’est jamaisparvenueau Sénat.

Autreenseignementde l’étude:«La censurene fonctionnepas, ellepeut être nuisible et avoir poureffetunenfermementdes commu-nautés dans un entre-soi», estimeAntonio Casilli. Pour ce dernier,les espaces en ligne aident cer-tains malades à retrouver, dumoins partiellement, la commen-salité – alors que ces maladiesentraînent souvent la perte desvaleursdepartageetduplaisir ali-mentaire. Les blogs sont aussi

vécuscommevecteursd’entraide,de conseil. Leur lecture aide lesmaladesàrompreleprofondisole-ment qu’ils ressentent.

L’étude relève en outre que cer-tainsmaladesne trouventpas for-cément enmilieu clinique un sui-vi médical qui leur convienne etvont le chercher sur Internet. Plusde 50% des internautes souffrantd’untroubleducomportementali-mentaire sont suivis parplusieursprofessionnels, mais l’offre desoinsdisponibleest souvent jugéeinsuffisante. Ces sites s’inscriventdans une mouvance de désinter-médiationmédicale.

Les chercheurs préconisentdonc d’intégrer la sociabilité enligne aux thérapeutiques visantlesTCA,notammentpar lamiseenplace d’une offre de soutien surInternet émanant de profession-nels de santé. p

Désormais, c’est l’activitéjournalistique elle-même,

grandepourvoyeusededocuments,

qui est l’objet d’investigationsà la sauce «bigdata»

ILLUSTRATION : FABRICE MONTIGNIER

2 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 29: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

ArchéologieDes caries chezdes chasseurs-cueilleursde l’âge de pierre

Onconsidèregénéralementque les cariesse sontdéveloppées chez l’hommeavecl’avènementde l’agriculture et l’accès àunenourriture riche en sucres. L’examendedentures trouvéesdans la grotte desPigeons, à Taforalt auMaroc, qui a étéoccupéeà l’âgedepierre il y a 15000ans,montreque ces attaquesbactériennesontpu atteindredes populationsde chas-seurs-cueilleurs,dès le paléolithique. Enl’occurrence, chez ces Ibéromaurusiens,51%desdents des adultes étaient affec-téespar des caries, uneproportioncom-parable à celle rencontréedans la popula-tion actuelle, contre0%à 14%engénéralchez les chasseurs-cueilleurs. Les cher-cheurs attribuent cettehauteprévalenceà la consommationde glands et depignonsdepin. (PHOTO: ISABELLE DE GROOTE)> Humphreyetal., «PNAS»du7janvier.

MédicamentsEssais cliniques: unpasvers la transparenceLe laboratoire français Sanofi a annoncé,le 2 janvier, qu’il va élargir l’accès auxdonnéesde ses essais cliniques.«Lepartagedesdonnéesaideà réduire lesdoublonset permetauxchercheursdeprogresserplus efficacementàpartirdesdécouvertesd’autres chercheurs», adéclaréChristopherViehbacher,directeurgénéralde la firme. L’accèsauxdonnéesinterviendraaprèsque les étudesaient étéprésentéesauxagences réglementairesdesEtats-Uniset de l’Unioneuropéenne,précise le communiqué. Sanofi indiqueégalementparticiperàunportail departagedebasesdedonnées(www.clinicalstudydatarequest.com)avecd’autresentreprises. Par ailleurs, le textedunouveaurèglementeuropéenconcernant les essais cliniquesdevraitêtreadoptéauprintemps.Cenouveaurèglement (voir «cahierScience&médecinedes27novembreet4décembre2013)prévoitnotammentderendrepublics les résultatsdesessaiscliniquesdansundélai d’unan.

AddictologieUnemolécule bloquecertains effets du cannabisChez le rat et la souris, unemoléculenatu-rellementprésentedans le cerveaupeutcontrecarrer certains effets duTHC, l’undesprincipes actifs du cannabis. En casd’administrationde fortes dosesde THC,la prégnénolonevient se fixer à des récep-teurs cannabinoïdesdits CB1, contrantpartiellement chez les rongeurs l’actionde la drogue. Il pourrait s’agir d’unméca-nismenaturel de protection contreuneintoxicationau cannabis, selon les cher-cheurs duneurocentreMagendie (Bor-deaux)qui ont contribué à lemettre enévidence.A l’inverse, l’administrationdeprégnénoloneaux rongeurs «accros» aucannabis restituait des capacitésmnési-quesnormales et leur vigilance, et rédui-sait leurmotivationpour s’auto-adminis-trer duTHC. Les chercheursveulent com-mencer rapidementdes essais cliniquesavecdes dérivésdeprégnénolone.> Valléeet al., «Science» du3janvier.

C’est, enmillions, le nombredemortsprématuréesévitées auxEtats-Unisdepuis 1964grâce à la lutte antitabac,selondes estimationspubliées le 8jan-vierdans le JAMA (Journalof theAmeri-canMedical Association). Dans leur arti-cle, TheodoreHolford et ses collèguesrappellentque lesmesuresde luttecontre le tabagismeontdébuté il y atout juste cinquanteans auxEtats-Unis.Durant ce demi-siècle, 17,7millionsdedécès survenusdans les Etats améri-cains sont attribuables auxméfaits dela cigarette, évaluent-ils.Mais la politi-queantitabac apermisde faire gagnerenmoyennevingt ansdevie à 8mil-lionsd’Américains, 5,3millionsd’hom-meset 2,7millionsde femmes.

Lesespoirsdelaphagothérapiem é d e c i n e | Lesphages,desvirusnaturelspouvantcombattredesbactéries,sontutilisés

danscertainspayscommelaGéorgie.EnFrance,desessaiscliniquessontprévusàl’automne

8

a c t u a l i t é SCIENCE&MÉDECINE

t é l e s c o p e

David Larousserie

Ausens figuré,unmatériau, legra-phène, a souvent fait des vaguescesdernières années, avec leprixNobel en 2010, un financement

européenàunmilliardd’euros surdix ansetsurtoutdespromessesvariéesenélectro-nique, optique, mécanique, santé… Désor-mais, il fait des vagues aussi au sens pro-pre. Deux équipes indépendantes, dans lemême numéro de Physical Review Lettersdu6décembre 2013, proposent de secouerce tapis fait d’atomes de carbone pour enfaire jaillir la lumière, oupresque.

Plus exactement, il s’agit, par deuxméthodes différentes, de faire vibrer cettecouche très fine d’atomes de carbone afinde modifier ses propriétés d’interactionavec la lumière. Au repos, le matériau estparticulièrementtransparent,n’absorbantque 2%de la lumière. En vibrant, selon les

calculs des chercheurs, il pourrait deveniropaqueà 50%. La lumière«perdue» seraitenfait transforméeenunesortedesurfeurvoguantsur les vaguesdugraphène.

En termes techniques, ce surfeur estappelé plasmon. Il équivaut à une excita-tion collective des électrons du graphènese déplaçant à la surface. Il se passe lamême chose que lorsque la chute d’unepierredansun lac créedesondes.

Théorie et simulations numériquesCes plasmons sont connus de longue

date dans des matériaux comme l’or oul’argent. Ils servent notamment de scalpelmicroscopique, car leur longueur d’ondeest plus petite que celle de la lumière inci-dente, ce qui permet de «voir» des objetsminusculescommedesmoléculesbiologi-ques,par exemple, invisibles à la lumière.

Mais dans le graphène, aux propriétésélectroniques meilleures que l’or ou l’ar-gent, créer des plasmons restait difficile.

«Ce n’est pas le fait de faire vibrer le gra-phène qui est important. Ce qui compte,c’est de créer une structure périodiqueayant la bonne longueur d’onde par rap-port à la lumière», explique MohamedFarhat,chercheurpostdoctorantàl’univer-sité de sciences et de technologie du roiAbdallah d’Arabie saoudite (KAUST enanglais). L’idée lui est venue en mêlantdeux compétences acquises pendant sathèseen acoustiquedesplaquesminces etaprès unpostdoc sur le graphène. L’articleest cosigné par Sébastien Guenneau(CNRS),de l’InstitutFresneldeMarseille,etparHakanBagci, de KAUST.Un oscillateurmécanique crée les vibrations dans le gra-phène,de10à100nanomètresdehauteur.

Lesecondgroupe,composédediversins-titutsmadrilènes, utilise unmatériau pié-zoélectrique pour comprimer et dilater lasurface de graphène, déposée sur un subs-trat.Danslesdeuxcas, ilnes’agitpourl’ins-tantquedethéorieetdesimulationsnumé-

riques.«Cesontdebonsarticleset jenedou-te pas que des expériences se fassent bien-tôt», témoigne Mark Goerbig (CNRS), del’université Paris-Sud, qui, quelques moisplus tôt, avait montré avec des confrèresaméricains qu’un découpage régulier derubans dans le graphène améliore la créa-tiondeplasmons.«Descontactsontétéprispour passer à la réalisation pratique»,confirmeMohamedFarhat.

L’avantage de cette nouvelle techniqueestd’offrirplusdesouplessequedessystè-mes où la périodicité est figée une bonnefois pour toutes, comme avec les rubans.Là, arrêter lesvibrationsfaitdisparaître lesplasmons. Et modifier la longueur d’ondedes vibrations change la fréquence desplasmons, donc leurmanièrede sonder cequi se trouverait sur leur passage.Ne resteplus alors qu’à déposer des «poussières»,comme des virus ou des protéines, sur letapis de graphène pour les repérer et lescaractériserprécisément.p

RaphaëlleMaruchitch

Al’automne, des essais cliniquesinédits devraient débuter ausein de sept hôpitaux de France,Belgique et Suisse sur les bacté-riophages,desvirusnaturelsspé-cifiques des bactéries dont le

potentiel médical a déjà fait ses preuves par lepassé. Cette ancienne thérapie, dite phagothéra-pie, suscitedenouveauxespoirsen tantque trai-tement complémentaire des antibiotiques danscertaines infections à bactériesmultirésistantes.

Il y a dix-huit mois, le docteur Alain Dublan-chet,microbiologisteetancienchefdeserviceaucentre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges(Val-de-Marne), fervent défenseur de la phago-thérapie,seheurtaitencoreàdenombreuxobsta-clesdanssacroisadepourlaréintroduireenFran-ce dans un cadre légal (supplément «Science&techno»du 16juin 2012).

A l’époque, la start-up française PherecydesPharma débutait les premiers tests précliniquesde phages sur des modèles animaux. Les résul-tatsontdepuisattestéd’une«trèsbonneefficaci-tédesproduits», explique JérômeGabard, lePDGde Pherecydes Pharma. Avec le docteur PatrickJault, responsable de l’unité des brûlés de l’hôpi-tal Percy, à Clamart (Hauts-de-Seine), et le doc-teurFrançoisRavat, chefde serviceducentredesbrûlésducentrehospitalierSaint-Joseph–Saint-Luc (Lyon), ils ont alors monté un dossier pourrépondreàunappel à projets européen.

NomméPhagoburn,leurprojetaétéretenuaumois de juin2013 par la Commission européen-ne.Unpeuplus de 3,8millionsd’euros lui serontalloués.Phagoburnrassembleaussibiendespar-tenairesprivésquepublics et impliquedeshôpi-taux civils comme militaires. Il va inclure

200patients environ, issus d’unités de grandsbrûlés. Pherecydes Pharma mettra au point lescocktails de bactériophages; quant à la produc-tion, elle sera assurée par Clean Cells, établisse-ment pharmaceutique basé à Nantes. Deux pro-duits thérapeutiques contre deux espèces bacté-riennes(colibacilleetpyocyanique)vontêtretes-tés sur les brûlures infectées. «Nous espérons enpremier lieu montrer que les phages sont aussiefficacesqueletraitementderéférence,puisobser-ver que la vitesse d’éradication des bactéries estplus grande», résume ledocteur FrançoisRavat.

Cepasenavantversl’obtentiond’uneautorisa-tion de mise sur le marché, la phagothérapie ledoit aussi auxpolitiques qui se sont emparés dusujet. La sénatriceMaryvonneBlondin a adresséune question orale à ce propos, en février2013, àMichèle Delaunay, la ministre déléguée auprèsde laministre de la santé, et a interpellé d’autres

ministèressur le sujet.«Lesacteursqui s’investis-sentdans cette thématiqueréalisentun travaildetitan, dans un environnement peu favorable»,juge-t-elle.LadéputéeeuropéenneMichèleRiva-si a, elle, organiséune réunion sur la question auParlement européen le 17septembre 2013. Elle aégalement inscrit le sujetdesphagesdans lepro-jet pilote de la commission «Horizons 2020» etprévoit,en2014,deprésenterunrapportd’initia-tive spécifique sur la phagothérapie.

Quid des industriels intéressés? Si les phagesne sont pas brevetables car issus du vivant, Jérô-meGabard (Pherecydes Pharma) affirmeque lescocktails,eux,lesont.«AvecPhagoburn, lesindus-trielsvontsentirqueleschosesbougent», penseledocteurRavat.MichèleRivasiestimepoursapartque « les laboratoires pharmaceutiques ne sontpas intéressés» etne voit d’autre solutionque de«développer la recherche publique». Du côté del’Agencenationaledesécuritédumédicamentetdes produits de santé (ANSM), le dossier phago-thérapie est désormais bien connu.Une réunionde travail sur le sujet aura lieu au cours du pre-mier semestre, coordonnée par l’Agence euro-péenne du médicament. Le statut des bactério-phagessembleclair :«Lesproduitsàbasedepha-gesrépondrontdemainàladéfinitiondesmédica-ments biologiques», explique Alban Dhanani,directeur adjoint de la direction des médica-ments anti-infectieuxà l’ANSM.

Le dossier avance, mais l’utilisation des pha-ges n’est pas encore possible en France. Jean-Marc Chatellier fait partie de ceux qui se sontconfrontésàcetteréalité.Samèresouffraitd’unedilatation des bronches et avait contracté uneinfection résistante aux antibiotiques. Elle n’apas obtenu d’autorisationpour utiliser des pha-ges et il n’était pas envisageable qu’elle se rendeenGéorgie, où la phagothérapie est toujours lar-gementutilisée.Elleestmorteà73ansdecompli-

cations de l’infection, en janvier2013. Son filsregrette amèrementqu’elle n’ait pas pu tenter laphagothérapieendernier recours.

De son côté, le docteur Dublanchet continue,avec d’autresmédecins impliqués, à prendre enchargequelquespatients–mais limite cetteacti-vité, illégale. «Définir des protocoles pour enca-drer l’usagede laphagothérapie»estdevenusoncheval de bataille. «Il ne faut pas la laisser libred’utilisation, comme cela a été le cas pour l’anti-biothérapie», met-il en garde. Sa volonté est defaire reconnaître par le ministère de la santé leCentre français d’étude de la phagothérapie entantquecentrederéférence.Ilpourraitalorsfédé-rer les centres d’autres pays afin d’aboutir à uneréflexion commune et être habilité à constituerunebanquedephages àusage thérapeutique.

Pour l’heure, l’un des points qui le chagrineencoreestqu’ilserévèledifficiledegarantirlasta-bilité des cocktails de phages. Le docteur Ravatpartage ce scepticisme. C’est pourtant bien unproduit stable et prêt à l’emploi qui devra êtreprésenté à l’Agencedumédicament.p

LegraphènefaitdesvaguesEntretenirdesondessurcetapisdecarbonepourraitenfaireuncapteurmicroscopique

Tourismemédical enGéorgie

«Les produits à basedephages répondront

demainà la définitiondesmédicaments biologiques»

AlbanDhananidirecteur adjoint de la direction

desmédicaments anti-infectieuxà l’ANSM

A la suited’unaccidentdevoiture, SergeFortuna souffrait d’uneplaiequi, infectéeparunstaphylocoquedoré,neguérissaitpas. Lorsquel’amputationaété envisagée, il s’y est refuséet a décidéde tenter letoutpour le tout: aller se faire soigner enGéorgie. Le traitementafonctionné,et aujourd’hui laplaie est cicatrisée.Après cette aventure,M.Fortunaadécidéde créer l’associationLesphagesdu futuravecCorinneGrumberg, journalistequi s’est prisedepassionpour le sujet.Aucoursdevoyagesde trois semainesenvironenGéorgie, ils ontescortédespersonnesqui, à coursde traitementefficace, voulaientessayer les phagescommedernier recours.«Pournepas les laisserpar-tir tout seuls dans lanature», expliqueCorinneGrumberg. Surplace,à Tbilissi, ils ontnégocié lesprixdes soins, organisé la logistique, trou-véun interprète.Début janvier, ils réaliseront leur troisièmevoyage.

BactériophagesTattaquant

une bactérie«Escherichia coli».

Chaquephage est composé

d’une têtecontenant sonADN

et d’unequeuemunie de fibres.Le phage injectesonADNpar

ces fibres dansla cellule hôte,la transformantainsi enmachine

à répliquer le virus.EYE OF SCIENCE/PHANIE

30123Mercredi 8 janvier 2014

Page 30: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

SCIENCE&MÉDECINE é v é n e m e n t

Viviane Thivent

Khouribga (Maroc), envoyée spéciale

Restez groupés et, surtout, nevousapprochezpasdesfalai-ses car elles peuvent s’effon-drer à tout moment», avaitprévenu le responsable dela sécurité de la plus grande

minedephosphatesà ciel ouvert dumon-de, celledeKhouribga,exploitéepar l’Offi-ce chérifien des phosphates (OCPSA) etsituée à 120kilomètres au sud-est de Casa-blanca, auMaroc.

Une mise en garde énoncée en toutedécontraction, après s’être polimentinquiétéquechaquevisiteur,unequinzai-ne ce jour-là, ait bien reçu son gilet jaunefluorescent, son casque de chantier blancet ses chaussures de sécurité noires. Il larappellera sur le site. Amaintes reprises. Ycompris pour tenter de retenir les troispaléontologues du CNRS et du Muséumnational d’histoire naturelle de Paris(MNHN) qui, à peine débarqués sur place,traversent l’exploitation d’un trait pourvenirs’agenouillerpilepoil sousune falai-se de 15 à 20mètresdehaut.

«Voici une couche fossilifère», indiquel’und’eux,EmmanuelGheerbrant, toutenfrappantau sol avec unmarteauune zoneplus blanche et plus dure que les couchesenvironnantes, sableuses, composées àpresque 90% de phosphates. «Veuillezvous éloigner des fal…» «Un coprolithe!»,coupe le chercheur en brandissant fière-

ment une sorte de boudin blanc. Consta-tant que sa trouvaille laisse demarbre lesvisiteurs, il ajoute : « Il s’agit d’un excré-mentde crocodile fossilisé. Il date de l’éocè-nebasal…soitmoins55millionsd’années.»

Effet immédiat: l’auditoire s’agenouillecommeunseul hommeet semet àgratterle sol, sortant ici des dents de requins, làdes vertèbres de poisson. En dix minuteset presque autant d’«éloignez-vous» sup-pliants,cesontdespoignéesdefossilesquisont sorties de terre.

«Regardez !» D’un geste rapide, M’ba-rek Amaghzaz, le responsable OCP de lagéologie à Khouribga, charcute avec unedent de requin une partie de mon bloc-notes. «Tranchante comme au premierjour, sourit-il. C’est à cause du mode deconservationde ces fossiles.» Lesphospha-tes, que l’on trouve en abondance sur les

margesafricaines,conserventeneffetpar-faitement les os ou les dents de vertébrés,qui sont constitués d’hydroxyapatite. Al’inverse, ils nepermettentpas la fossilisa-tion des coquilles d’invertébrés, forméesd’aragonite et qui constituent le gros desfossilesque l’ontrouveenEurope,danslesdépôts calcaires. «Si on résume la situa-tion: aunord, c’était la craie, au sud, c’étaitles phosphates, synthétise Nathalie Bar-det, duMNHN, en puisant son inspirationdansunechansondePierreBachelet.Maisdans les deux cas, cela fait desmines.»

Le tempsde trouverunepage indemne,Emmanuel Gheerbrant commence sonexplication: «Si aujourd’hui cette partieduMarocestunplateaude800mètresd’al-titude, il y a quelques dizaines de millionsd’années, il s’agissait d’une mer aérée,ouverte sur l’Atlantique, profonde d’à pei-ne 100 à 200mètres et alimentée en nutri-ments par une remontée d’eaux profon-des.» La viemarine y prospérait, à l’instardebactériesditesphosphatogènes,photo-graphiées pour la première fois en 2013dansuncoprolitheissudesminesdeKhou-ribga et qui, dans certaines conditions detempérature et de pression, sont capablesde transformer la matière organique enphosphates.

Des phosphates qui se déposent encontinu au fond, recouvrant les carcasses,les dents ou les déjections animales. «Etc’est d’autant plus intéressant que cesdépôts se sont formés entre le maas-trichtien et l’yprésien!…», s’enthousiasmeEmmanuel Gheerbrant. Danse de sourcils

dans l’assemblée. «… C’est-à-dire entremoins 70 et moins 48millions d’années.Soit avant et après lagrande crise du créta-cé-tertiaire (KT) qui, il y a 66millions d’an-nées, a vu l’extinctiondes dinosaures!»

Nousyvoilà: ce site est uniqueaumon-de parce qu’il renferme quantité de fossi-lesdevertébrés,parfaitementbienconser-vés et rangés dans un ordre chronologi-que, le tout sur une période critique del’histoire de l’évolution. «Il s’agit aussi duplus long enregistrement continu connu

pour cette période puisqu’il couvre 24mil-lionsd’années, ajouteNour-EddineJalil,unprofesseurdepaléontologieauMNHNquia grandi dans la région de Khouribga. Etdire que j’ai passé toutemon enfance ici, àjouer les vampires avec des dents derequins, sans savoir ce qu’elles représen-taient…»

Nour-Eddine Jalil poursuiten racontantquelespremièresrecherchespaléontologi-ques menées à Khouribga ont débuté en

Au tempsdesdinosaures, il y a 70mil-lionsd’années, c’était lemégapréda-teurdesmerspar excellence. Et pourcause: ce lézardmarin, dont lesmem-bres ont évolué enpalettesnatatoi-res, pouvait atteindre 15mètresdelong! Le plus gros crâne retrouvédans les phosphatesmesureplusd’unmètrede long. Le prognatodonappartient augroupe éteintdesmosasaures, apparu il y a 90millionsd’années, et dontunedizained’espè-ces ont été décrites dans les phospha-tesmarocains. Certainesmesurenttroismètres, d’autres ont des lon-gueurs intermédiaires.«L’étudedeleurs dents amontré que lesmosasau-res s’étaient spécialisés dans certainsrégimesalimentaires,expliqueNathalieBardet, duCNRS-MNHN. Il yenaquinemangeaientquedes crevet-tes, d’autres étaient opportunistes oune chassaient quedes poissons…Bref,il ne s’agissait pas d’unepopulationendéclin.»Undétail qui, pour la cher-cheuse, corrobore l’idéeque l’extinc-tiondes dinosaures et desmosasau-res est liée àun facteur extérieur,comme la chuted’unemétéorite.NATHALIEBARDET/CNRS-MNHN/DMITRI BOGDANOV

«Cette séquence évolutiveaudébut de l’ère desmammifères

est sans équivalentdans lemonde»EmmanuelGheerbrant

paléontologue

Ocepechelon

p a l é o n t o l o g i e

Prognatodon

Littéralement, la tortuede l’OCP.Agéede 70millionsd’années, cette espècea desnarinesplacées entre les deuxyeux, ce qui lui permettaitde respirerau ras de l’eau. Elle a aussi un crânelarge, plat et unmuseau très allongé,ce qui a beaucoup intrigué les cher-cheurs.«Nousavons pumontrer quecette tortue chassait enaspirant l’eauet ses proies», expliqueNour-EddineJalil, duMuséumnational d’histoirenaturelle à Paris. Il s’agissait doncd’une tortue-aspirateur! «C’est uneadaptationunique chez les tétrapo-des»,précise-t-il. A ce jour, seul le crâ-ne est connu. Pour autant, les cher-cheurspensent que l’ocepechelonaurait puatteindrequatre àcinqmètresde long. Dans les phos-phatesmarocains, 14nouvelles espè-ces de tortues ont été décrites. Les for-mes les plus étranges, comme la tor-tuebroyeuse géanteou l’ocepeche-lon, ont disparuaprès la crise crétacé-tertiaire, laissant la place à des formesqui,mêmesi elles sont plusnombreu-ses, sontmoinsvariées, plus commu-nes, peut-êtreparce qu’il y avait alorsmoinsde compétitionpour la ressour-ce alimentaire.BARDET ET AL, 2013/C. LETENEUR/MNHN

FossilesUneminemarocaine

Lesgisementsdephosphatesessentielsàl’économieduMarocsontaussiunesourceinépuisabled’ossementsd’animauxfossilisés.

Unfilonscientifiquequirecoupelapériodeoùlesdinosauresontdisparu

FèsRabat

Agadir

Essaouira

Casablanca Fès

Tanger

MAURITANIE

MALI

ALGÉRIE

250 km

MAROC

OCÉANATLANTIQUE

OCÉANATLANTIQUE

Saharaoccidental

Iles Canaries(Esp.)

Khouribga

4 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 31: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

é v é n e m e n t SCIENCE&MÉDECINE

1934 avec l’arrivée de Camille Arambourg,duMNHN. Le tout jeune OCP – à l’époquefrançais – lui avait demandé de dater lesdifférentes couchesde phosphates. Uneentreprise malaisée puisque ces gise-ments sontdépourvusde fossilesd’in-vertébrésetdesmicrofossilesqui,d’or-dinaire, permettent la datation desroches.

C’est donc en utilisant les dents derequin, objets abondants aussi biendans les phosphates que sur le logo del’OCP, qu’il a mené sa tâche à bien,publiant en 1952 une monographiedans laquelle il décrivait 150espècesdepoissonsoude reptilesmarins. L’histoi-re aurait pu en rester là si, en 1996, uncollectionneur, François Escuillié,n’avaitpas trouvédansune foireaux fos-siles d’Alsace un fragment demammifèrefossiliséqui, d’après le vendeur, provenaitdesmines deKhouribga.

«Il s’agissait de la mâchoire supérieured’un mammifère terrestre, primitif etinconnu, explique M.Gheerbrant, à quil’amateur avait porté sa trouvaille. C’étaitinattendumais très intéressant.» Car aveclafindesdinosaures,ilya66millionsd’an-nées, lesmammifèressemettentàprolifé-rer partout dans le monde. Y compris enAfriquequi,à l’époque,est isoléedel’Euro-pe et de l’Asie par la mer Téthys. « Lesconnexionsavec les autres continentsne sefaisaient que ponctuellement, lorsque leniveau des mers baissait suffisamment.»De fait, lesmammifères africains ont évo-lué indépendammentdesautres,donnantdes groupes aussi particuliers que les élé-phants, les damans ou les lamantins. «Ornous savions très peu de chose de l’histoiredecesmammifères.»D’où l’enthousiasmesuscité par l’improbable découverte alsa-cienne.

Dans les semainesqui suivirent,Emma-nuel Gheerbrant s’est rendu à Khouribgapour vérifier l’origine du fossile. Puis, il ademandé à l’OCP une autorisation defouilles. Les tractations débouchèrent surdeux conventions de recherches signéesen1997eten2005. Ledébutd’unepluiededécouverte.Cardepuislestravauxd’Aram-bourg,où l’exploitationdesphosphatessefaisait par des galeries souterraines, leschoses ont bien changé: désormais, l’OCPgère d’immenses carrières à ciel ouvert,épluchées en continu par des machines.Une manne pour les paléontologues, qui

peuvent ainsi se faire une idée des faunesde l’époque.

Ainsi, au temps des dinosaures, cettemer était le royaume des mosasaures,d’énormes lézardsmarinspouvantattein-dre les 15mètres, quipartageaient le statutdemégaprédateursavecdesrequinsgigan-tesques et un groupe de reptiles connuspourleurtrès longcouet leurrelativepeti-te tête, les plésiosaures. «Les mosasauresde l’époque étaient, comme les tortues, trèsdiversifiés et adaptés à des niches alimen-taires spécifiques, explique Nour-EddineJalil.C’est souvent le signe d’une forte com-pétition alimentaire.» Avec la crise KT, lesmosasaureset lesplésiosaures s’éteignentd’uncoup,«cequiàl’aunedestempsgéolo-giques prend quand même un certaintemps», nuance Nathalie Bardet. Unemajeurepartie des espècesde requins dis-paraissent, tandis que la diversité des cro-codiles et des tortues explose.

C’est dans cesniveaux-là, formés aprèsla crise KT, que l’on trouve des fragmentsde mammifères terrestres. «Ces fossilessont très rares car ils proviennentde cada-vres flottés, issus dumilieu terrestre, ache-

minés par des cours d’eau et qui finissentpar se disloquer et se déposer en mer»,explique Emmanuel Gheerbrant. Avec lamâchoire de 1996 et d’autres fragmentsdécouverts sur place, les chercheurs ontdécrit le phosphatherium,unancêtredeséléphants pesant 10 à 15kg et datant de55millionsd’années.Mais aussiun repré-sentantplusanciendecegroupe, l’erithe-rium, 4 à 5 kg et datant de 60millionsd’années,etunautreplusrécent, ledaoui-therium, 200kg et vieux de 53millionsd’années.

«Cette séquence évolutive au début del’ère des mammifères est sans équivalentdans lemonde, s’enthousiasme le paléon-tologue. Et il y a fort à parier que d’autresdécouvertes viendront puisque l’exploita-tionprogresseendirectionde l’ancien riva-gecontinental,cequiaugmentelaprobabi-lité de trouver des fossiles terrestres.» Ceciest d’autant plus important que l’Afriquene comptequepeude gisements fossilifè-res à mammifères correspondant à cettepériode, à peine six découverts à ce jour.

«Mais éloignez-vous de cette falaise ! »Cette fois, la coupe semble pleine pour leresponsable de la sécurité. Derrière lui,d’énormes camions jaunes, transportantjusqu’à 190tonnes de minerai, font desva-et-vientensoulevantunepoussièrequiassèche la bouche et voile de minusculessilhouettes sombres, sans casques nigilets,accroupiesicietlàaupieddesmachi-nesoudes falaises.Ce sontdes ramasseursde fossiles, dont la présence, illégale dansles carrières, est toléréepar l’OCP.

«On a bien essayé de leur interdire l’ac-cès, mais le site d’exploitation est tropgrand : c’est peine perdue», expliqueM’barek Amaghzaz. «A Khouribga, assu-re un ancien membre de l’OCP, environ300personnes – anciennement des pay-sans – vivent du ramassage de fossiles.Elles les vendent à des grossistes», qui lesrevendent deux à trois fois plus chers àdes collectionneursétrangers.Ouà l’OCP,quiconstituesaproprecollectionpaléon-tologique.

Si pour certains ces ramasseurs partici-pent au pillage du patrimoine marocain,pour Emmanuel Gheerbrant ils consti-tuent une force: «C’est grâce à ce marchéparallèle que le phosphatherium a étédécouvert,explique-t-il.Sanseux,unegran-de partie des fossiles seraient tout simple-mentbroyés par lesmachines de l’OCP.»p

Cemammifère, gros commeunchien, est unancêtredes élé-phantset desmammouths. Il estâgéde55millionsd’années. Initia-lement trouvéedansune foire àfossiles enAlsace, en 1996, cetteespèceest à l’origined’un regaind’intérêtdespaléontologuespour lesminesdephosphatesmarocains.«Si les fossiles demam-mifères sont rares dans ces gise-mentsd’originemarine, la propor-tiondephosphatheriumretrou-véeparmieux est nonnégligeable,expliqueEmmanuelGheerbrant,duMuséumnationald’histoirenaturelleàParis.Ceci suggéreraitque cet animal vivait enabondan-ce sur les rivagesafricainsde lamerdes phosphates.»D’unpointdevuemorphologique, le phos-phatheriumn’apasde trompemais il a déjàdepetites défenses.

Il pèse entredix etquinzekilos.Depuis sa description,un repré-sentantdes éléphants encoreplusancien, datantde60mil-lionsd’annéeset nomméerithe-rium,a étédécouvert àKhouri-bgaen2009. Il nepesait quequa-tre à cinqkilos. «Nousavonsaussitrouvéundescendantduphospha-therium,daouitherium,âgéde53millionsd’années et pesant200kilos! Cecimontreque la crois-sance en taille dugroupedes élé-phants s’est faite rapidementaprès la crise du crétacé-tertiaire.»EMMANUELGHEERBRANT/CNRS, C. LETENEURMNHN

Oiseauàpseudo-dents

Phosphatherium

Il y a 55millions d’années, certainsoiseaux, tels les dasornis, avaient desdents, où en tout cas des pseudo-dents,des excroissancesosseuses auniveaudubecqui facilitaient la préhensiondesproies.Oiseauxmarins adaptés au volplané, ils ressemblaient à l’albatros…endeux fois plus grandpuisqu’ils pou-vaient atteindre jusqu’àquatremètresd’envergure.«Les squelettes retrouvéssont très incomplets, expliqueEstelleBourdon, qui a travaillé sur les volatilesdesphosphatesmarocains.Mais la struc-ture tridimensionnelledes os, souventcreux, est bien conservée», ce qui a per-misdemontrer que ces oiseauxétaientplusprochesdes canardsoudesoies quedes albatros. En tout, dixespècesnouvel-les d’oiseauxont été découvertesdansles phosphates, toutes dansdes couchess’étant formées après la criseKT.Maispour la jeune chercheuse, il est certainquedes spécimensbienplus anciensserontun jour ou l’autre découvertsdans les phosphatesmarocains.ESTELLEBOURDON

Lesobjectifsambitieuxde l’OCP

AuMaroc, l’Office chérifiendesphosphates [OCPSA], c’est l’Etatdans l’Etat, indiqueun interlocu-

teurqui préfère rester anonyme. Ici, ledirecteurde l’OCPaplus depouvoir qu’unministre.»Avecun chiffre d’affaires de59,4milliardsde dirhams (5,3milliardsd’euros) en 2012, l’OCP est la premièreentreprisemarocaine.Détenuà 95%parl’Etat et à 5%par la Banque centralepopulaire, le groupeest le premier expor-tateurdephosphates et le troisièmepro-ducteurderrière les Etats-Unis et laChine.

Unehégémoniequine devrait pas fai-blir dans les années à venir puisque lesgisementsmarocains (Sahara occidentalcompris) représenteraientpresque 50%des réservesmondiales.D’où les objec-tifs ambitieuxaffichéspar l’OCP: dou-bler la productionde sesmines d’ici à2017 pour atteindre 55millionsde ton-nes…et tripler dans lemême temps lesquantitésde produits transformés, qu’il

s’agissed’engrais, d’acide phosphoriqueoude tout autre chose, comme les pro-duits alimentairespour le bétail ou lavolaille lancés ennovembre2013.

Cette volontéde développement, legouvernementmarocain souhaite l’ac-compagner: «Notre objectif est de déte-nir 50%des brevets déposés sur les phos-phates d’ici à 2030», expliqueLahcenDaoudi,ministre de l’enseignementsupérieur, de la recherche scientifiqueetde la formationdes cadres.

Desbataillonsde chercheursDans cette perspective, l’OCP a finan-

cé à Benguerir, entreMarrakechet Casa-blanca, la constructionde l’universitépolytechniqueMohammed-VI, adosséeà de grandesuniversités internationaleset qui devrait formerdes bataillonsdechercheursoud’ingénieurs susceptiblesde travailler, lit-on sur le site de l’OCP,«dans les domaines qui sont importantspour le développementdu groupe», à

savoir l’industrieminière, lemanage-ment industriel et le développementdurable.

Ce dernierpan est d’ailleurs l’autre ferde lance de l’OCP, qui, autourde l’univer-sitéMohammed-VI, a prévu la créationd’uneville verte, accueillant laboratoireset habitations et permettant de tester engrandeurnaturedes dispositifs de pro-ductiond’énergie innovants. Cette initia-tive, lancéeen 2009, s’est accompagnéeauniveau gouvernementalpar la créa-tionde l’Institut de recherche enénergiesolaire et en énergiesnouvelles (Iresen).

A la fois centrede rechercheet agencedemoyens, l’Iresena d’ores et déjà per-mis de financer 24projetsde rechercheconsacrés audéveloppementd’éolien-nes, de panneauxsolaires oude batteriesadaptées aux conditions climatiquesduMaroc. Si l’Iresennedépendpas de l’OCP,il devrait s’établir dans la ville verte deBenguerir, et ce, dès cette année.p

V.T.

50123Mercredi 8 janvier 2014

Page 32: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Si quelques-unesdes boîtes dechocolats que l’on vous aoffertes durant les fêtes ontsurvécu,mettez-les de côté

pour vous livrer, à lamaisonou autravail, à une expérience scientifi-que. La recette en a été donnée dans

leBritishMedical Journal (BMJ),revue très sérieuse qui a néanmoinscoutumede se déboutonnerunefois par an à l’approchedeNoël. Ain-si, le 14décembre, leBMJ a-t-il publiéune étude gentiment loufoque surla durée de vie des chocolats enmilieuhospitalier.

A l’originede ce «travail», on trou-ve la générositédes patients, quioffrentdes chocolats aupersonnelsoignantpour le remercier dene lesavoir pas tués (dans le cas desfamilles et des héritiers, lesmotiva-tions sont plus ambiguës).Or, expli-que l’étude, ces cadeauxsont sourcesde conflits, les différentes catégoriesdepersonnel (aides-soignants, infir-miers,médecins…) s’accusant sou-ventmutuellementde s’empiffreraudétrimentdes autres.

Comme la littérature scientifiquenedisait rien sur le sujet, nos cher-cheurs ontdécidé de combler cettelacune avecune rigueur et unhumour tout britanniques.

Unprotocole strict a étémis enplace dans quatre services répartissur trois hôpitauxdifférents. Pourchaque lieud’expérimentation leschercheursont acheté, sur leurs

fondspersonnels, deuxboîtes de350grammesdemarquesdifféren-tes. Le jourJ, lorsqueBig Ben sonnait10heures, unmédecin les déposaitsubrepticement sur le comptoir d’ac-cueil. Puis il se postait non loinde là,crayonet formulaire enmain, pournoter à quelleheure les boîtesétaient ouvertes, quand les friandi-ses étaientprélevées et par quellecatégoriedepersonnel.

La surveillancedurait entre deuxet quatre heures, ce quin’était passans impliquerquelquesproblèmes,notammentd’obliger l’expérimenta-teur àmentir lorsquequelqu’un luidemandait ce qu’il pouvait bien fabri-quer cachéderrière les plantes vertesde la salle d’attente. Les auteurs pré-sententd’ailleurs leurs excusespourles bobards qu’ils ont dû raconter:personnenedevait savoir que le ser-vice était transforméen laboratoire.Pour lamêmeraison, il n’a étédemandéde consentementéclairé àaucundes cobayes, alors qu’ils ris-quaient clairement la prise depoids.

En partant, l’observateur comp-tait combien il restait de chocolatsdans les boîtes, le reliquat étantabandonnéà son triste sort et perdu

pour la science. L’analyse statistiquemontre qu’il ne faut qu’unedouzai-ne deminutes pour que la boîte soitouverte. Les premières friandisespartent alors très vitemais, au fur etàmesure que le tempspasse, laconsommation ralentit.

Peut-être l’indigestionmena-ce-t-elle ou peut-être les variétés pré-férées ont-elles toutes déjà étéenglouties? Il faudraune autre étu-de pour le déterminer. La durée desurviemoyenned’un chocolat s’élè-ve à cinquante et uneminutes, sesplus grands ennemis étant, à égalité,les aides-soignants et les infirmiers,devant lesmédecins.

Dans leur conclusion, les auteurssoulignent que l’ingestion régulièrede chocolat réduit les risques cardio-métaboliques.Or, leur expérienceayantmontré que les boîtes sevidaient trop vite pour que tout lepersonnel hospitalier en tire unbénéfice sanitaire, ils émettent deuxsuggestions: inciter les patients etleurs familles à plus de générositéet, surtout, organiser un lobbyauprès de la corporation chocolatiè-re afin de lutter contre la réductionde la taille des boîtes.p

Cinqsigma,sinonrien!

Al’hôpital, leschocolatsontlaviecourte

Le résultat scientifiqueestdans la dernière lignedroite.Derrièrenous, un longpar-courspour former la collabo-

ration, construire le détecteur, enre-gistrer les données, les analyser.Dansmondomaine, la physiquedesparticules, tout cela dure des années

et des centaines de chercheurs etingénieursy ont travaillé. La publica-tion sembleà portéedemain.

Reste à exprimer le résultat, ouplutôt son impact sur la théorie, sousune formequantitative. Peut-onexclureunmodèle? Si l’on observeunphénomènenouveau, est-on sûrque celane soit pas le résultat d’unefluctuation, c’est-à-direduhasard?

Toutes ces questions sont ledomaine d’une science, la statisti-que, une branche desmathémati-ques. Or, curieusement, c’est juste-ment ce point qui donne lieu auxdiscussions les plus interminableset passionnées au sein de la collabo-ration.

Pour comprendrepourquoi, ilfaut remonter auxannées1960 et1970, quand les découvertesdenou-vellesparticules étaient fréquentes.Cela a surtout encouragé les physi-ciens à la prudence. Prenons l’exem-ple typiqued’une expériencequichercheunenouvelleparticule. Pourcela, on compte lenombred’événe-mentsdétectés en fonctionde lamas-se, encorehypothétique, de lanou-velleparticule, ce qu’on appelleunhistogramme. L’expérimentateurcommenceà frétiller s’il voit unpetit

«pic» se former. Ailleurs, en général,s’accumulentdes événementsparasi-tes, le bruit de fond.

Commentêtre sûr d’avoir fait unedécouverte? La réponse est loind’êtreunique. Enparticulier s’il y aungrandnombred’expériences etdephysiciensqui étudient deshisto-grammesdifférents, la probabilitéque l’und’euxobserveune fluctua-tionpeuprobable dubruit de fondaugmente considérablement.Unphysicien s’est donc fait l’avocat dudiable et amontré à ses collèguesdeshistogrammesfictifs, générés aléatoi-rement. Ils ydécouvrirent bien sûrnombrede «signaux»potentielle-ment intéressants, alors qu’il n’y enavait aucun!

Par convention, on décida alorsd’adopter des critères très stricts. Onmesure les fluctuations dues auhasard en les rapportant à une cour-be très générale, dite deGauss. Elledécrit, sous certaines conditions, lesfluctuations desmesures autourd’une certaine valeur centrale et estcaractérisée par une largeur, dite«sigma». Ainsi, seulementmoinsde 1% desmesures dévie de plus de3 sigma. Parmesure d’extrêmepré-caution, on convint demettre la bar-

re à 5 sigma, soitmoins d’un cas sur1million.

Naturellement, cette précautionn’a rien demagique,mais elle a per-mis de limiter les fausses découver-tes. Dansd’autres disciplines,d’autresnormes sont en vigueur,beaucoupmoins strictes. La«bigscience», et surtout les«bigdata», remettent tout cela enquestion. En effet, lamultiplicationdes équipesde rechercheet des expé-riencesne peutquemener àune aug-mentationdes résultats non fondés.Cela est par ailleurs vrai, quel quesoit le critère statistique retenupourunedécouverte.

Un remède serait d’encourager lesexpériencesqui essayentde repro-duireunemesureparticulièrementretentissante, la probabilité quedeuxexpériences se trompentde lamêmemanière étant particulière-ment faible.Demanièreplus généra-le, il faudrait encouragerune attitu-deplus sobre par rapport à la scien-ce: plusnosmoyensd’investigationsont sophistiqués, plus nosmesuressont soumises auxeffets d’une incer-titude inévitable. Enfin, aider legrandpublic à développer son senscritiqueme semble indispensable.p

Dépassementducorpsà l’èrenumérique

Le transhumanismeprometuntechnocorps immortel.Les scienceshumaines critiquentsondiscoursmaisadmettentsapuissance transformatrice

IMPROBAB LO LOG I E

PierreBarthélémyJournaliste et blogueur

(Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

HervéMorin

L’annonce récente de la première trans-plantation d’un cœur artificiel par deséquipes françaises suscite l’espoir chezles personnes en insuffisance cardiaque.

Mais au-delà, le grand public s’est passionnépour la perspective de disposer d’un cœurimmortel. Cette curiosité montre l’attrait pourlestechnologiesderéparation,maisaussid’amé-liorationducorps: lecyborg,mélanged’humani-té et de techniques, semble àportéedemain…

L’ouvragecollectifTechnocorps,dirigéparBri-gitteMunier, aborde cette thématique, déjà lar-gementexploréepar la fiction, par leprismedessciences humaines, de l’anthropologie et de laphilosophie. Il yaunpeuplusdedixans, rappel-le-t-il, le rapportNBIC, commanditépar laNatio-nal Science Foundation et le département ducommerce américains, annonçait la convergen-ce des nanotechnologies, des biotechnologies,des technologies de l’information et des scien-ces cognitives pour transformer l’humanité. Il adonnéplusdepoidsauxdiscourstranshumanis-tes – éradiquer lamaladie et lamort – et posthu-manistes – dépasser l’humainpar lamachine.

Aubord d’une révolution ontologiqueLes auteurs de Technocorps dressent des

constats similaires (et on pourra regretter lecaractère répétitif de leur exposition) : ces dis-cours ont une dimension religieuse. Le salut nevientplusdeDieu,maisde la technique.S’ilsontdes racines anciennes dans les mythes – leGolem, les machines d’Hephaïstos, la créaturede Frankenstein –, ils se sont ressourcés dans letragique du XXe siècle : après Auschwitz etHiroshima, n’y a-t-il pas lieu de désespérer del’hommeet de vouloir le transcender?

Cesvisions transhumanistesontaussi enpar-tage unmépris pour le corps humain, ce «tem-ple de bave». Pour David Le Breton, les adeptesde cet adieu au corps « tournent une nouvellepage de l’histoire du puritanisme» : il soulignel’utopie d’un monde sans corps, dont toute lasaveur aura été extirpée. Ils témoignent aussid’unehonteprométhéenne,d’uncomplexed’in-fériorité du créateur envers sa créature. La com-paraisonhomme-machinene conduit-ellepas àrabaisser le premier, considéré comme «moinssophistiqué que ne le disent les philosophes, lesprêtres, lesécrivainsoulespsychanalystes?», s’in-quiète le philosophe Jean-MichelBesnier.

Le posthumanisme n’est cependant pasqu’un discours, avec ses points aveugles et sesnaïvetés. Comme le souligne le philosopheDominique Lestel, l’homme est effectivementau bord d’une révolution ontologique car, pourla première fois de son histoire, il va pouvoir setransformer par des mutations voulues. PourLestel, ce pas décisif, ce «chèque en blanc», a dequoi terrifier, mais brandir l’éthique ne serad’aucunsecours.Carl’humaniténeveutpasarrê-ter le progrès.p

«Technocorps», sous la direction de BrigitteMunier(Editions François Bourin, 200p., 15 ¤).

L E S COU L I S S E SD E L A PA I L L A S S E

MarcoZitoPhysicien des particules,

Commissariatàl’énergieatomiqueetauxénergiesalternatives

(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Unemiseaupointsur lesabeilles

SCIENCE&MÉDECINE r e n d e z - v o u s

Jeunesse«La Reproduction,ce qu’on ne sait pas encore…»Pourquoi, chez certaines espèces, les individussont à la foismâle et femelle, pourquoi, chezd’autres, cette frontièredugenre est bienétancheet, chez d’autres encore, les femellespeuvent se passer d’unmâle pour assurer leurdescendance? Ces questions, et biend’autres,sont au cœurde ce richepetit livre destiné àaiguiser la curiositédes 7-11 anspour lareproduction. Elles pourraientbien leurdonnerenvie plus tardde devenir scientifiquepour chercher les réponses.p> d’AnnaAlter, avecPierre-HenriGouyon,illustréparCharlotteDesLigneris(EditionsLePommier, 52p., 13¤).

l e l i v r e

Cet insecteestuneabeilledesorchidéesde l’espèceEuglossadilemma, capturéeenFloride. Elle figuredans la collectiondemacrophotographiesconstituéeparSamDroege, responsableduprogrammed’inventaireetde surveillancedesabeillesde l’USGeological Survey. La technique

utilisées’inspiredecellemiseaupointpar lesentomologistesde l’arméeaméricainepouridentifier les insectespathogènessur le terrain: elleconsisteàprendreplusieursdizainesdephotosendécalant légèrement l’appareil,puisà les fusionnerenuneseule, parfaitementnette. (SAM DROEGE USGS)

Livraison

6 0123Mercredi 8 janvier 2014

Page 33: LE MONDE Et Supplements Du Mercredi 8 Janvier 2014 (1)

Florence Rosier

Achacun son contre-néant.L’idéede lamortglissesurmoiquand je regarde cer-tains visages ou quand jemanipule mes cra-pauds»,confiaitJeanRos-

tand dans son Carnet d’un biologiste(Stock, 1959). Pour Laurence Zitvogel, lecontre-néant prend le visage despatientsatteintsdecancer.Ceuxqu’ellesuit en tant quemédecin oncologue, àl’InstitutGustave-Roussy(IGR,Villejuif,Val-de-Marne).Maisaussiceuxpourles-quels elle conçoit et développedes thé-rapies innovantes, dans le laboratoireInsermqu’elle dirige à l’IGR. «Dès l’âgede 8ans, je voulais mettre au point desvaccinscontre le cancer», dit-elle.

«J’ai une peur panique de lamort, jene supporte pas de perdre un de mespatients.»Aussiconjure-t-elleceteffroipar unemise en abyme: en plongeantau cœur même des mécanismes qui

anéantissentunecellule.Car, au lieudemanipuler d’aimables batraciens, Lau-renceZitvogelnie lenéantenanalysantdes cellulesmourantes, avec sonparte-naire de recherche et son compagnondans lavie:GuidoKroemer.Professeuràl’universitéParis-Descartesetàl’hôpi-talGeorges-Pompidou,àParis,ceméde-cin dirige aussi un laboratoire Insermsurl’immunologiedestumeurs,àl’IGR.Il a 52 ans, elle 50.Détonnant tandem.

«Guido et Laurence forment un cou-ple extraordinaire dans le monde de larechercheencancérologie,dit leprofes-seur Alexander Eggermont, directeurgénéral de Gustave-Roussy. Leurstalents sont une des raisons qui m’ontconduit à quitter l’Erasmus UniversityMedical Center (Pays-Bas) pour venirdiriger ce centre anticancéreux, le plusimportantd’Europe.»

Avec 22990citations pour 264étu-des publiées entre2005 et 2011, GuidoKroemer, lauréat du prix FondationARC2013, est en tête du peloton euro-péendeschercheursen immunologie,selon la revue Lab Times de juin 2013.Professeur à l’université Paris-Saclay,Laurence Zitvogel y figure en huitiè-

me position – c’est la première fem-me. Depuis 2004, le duo a cosigné133publications.

Du couple, elle est à l’évidence lafigure extravertie. Lui est plus secret,dans la distance et l’ironie. «Leur asso-ciation est complémentaire et synergi-que, relève le professeur Wolf-HervéFridman, directeur du Centre derecherche des Cordeliers (Inserm-UPMC), pionnier de l’immunothéra-pie des cancers en France. Tous deuxont une force de travail gigantesque,un désir de réussitemajeur, une volon-té d’être aux frontières de la science.»

C’est une question scientifique quiles a réunis, en 2003. «Je revenais d’unpostdocauxEtats-Unis,raconteLauren-ce Zitvogel. On venait d’y découvrir lerôle pivot de certaines cellules de l’im-munitépourorienter la réponse immu-ne, soit vers une tolérance soit vers unedestruction de sa cible.» Guido Kroe-mer était un spécialiste reconnu desprocessus de mort des cellules. «Ons’est dit qu’il fallait absolument qu’on

étudie les interactions entre ces cellulesimmunitaires et les différents types demort cellulaire, lors d’un cancer.»

«Il y a deux types demort cellulaire,explique Guido Kroemer. L’apoptoseestun“suicideprogrammé”parlacellu-le, tandis que la nécrose est une mortaccidentelle non contrôlée.» Selon undogme, l’apoptose était unemort tou-jours «silencieuse» : elle ne déclen-chait pas de réponse immune. «Nousavons montré que, parfois, l’apoptosedes cellules tumorales peut être“bruyante”,c’est-à-direimmunogène.»

Les dix années suivantes, le duo vacreuser ce sillon. Bâtissant pierre àpierre l’édifice montrant qu’un deseffetsbénéfiquesdes chimiothérapiesse fonde sur l’immunité. «Lors d’unechimiothérapie, les cellules cancéreu-ses peuvent, dans certaines conditions,mourir d’une façon bruyante quiréveille le système immunitaire», résu-me Laurence Zitvogel.

En septembre2012, un travail pilotéparGuidoKroemer, publié dans Scien-

ce,montrait que les cellules tumoralesaccumulent du matériel génétiquesuperflu,d’oùunstress chroniquequele système immunitaire détecte : ildétruitcescellules.Mais il se laissepar-fois déborder. «Une chimiothérapieefficace rétablit ce stress immuno-gène», souligne Guido Kroemer. D’oùl’idée des chercheurs : rendre leschimiothérapies durablement effica-cesparuntraitementadjuvantquiren-force l’immunitéanticancer.

Le22novembre2013, ladernièrepier-redecetédificeaétépubliéedansScien-ce. «Nous montrons comment, lorsd’une chimiothérapie, des bactéries dutube digestif peuvent franchir la paroiintestinaleà la perméabilitéaltérée,ditLaurenceZitvogel.Cepassageimmuni-se lepatientcontrecesbactéries, renfor-çant la réponse anticancer.» Elle déve-loppe aussi une stratégie de vaccina-tionpardesnanoparticulesnaturelles,chargéesenantigènes tumoraux.

«J’ai longtemps été considérée com-me la danseuse de l’IGR», admet-elle.

Touta changéen2011et 2013, avec l’ar-rivée de trois immunothérapies anti-cancéreuses: «La démonstration quecette voie de recherche n’est pas qu’unornement décoratif.»

«En France, l’immunologie est unediscipline fondamentale très producti-ve, analyse le professeurFabienCalvo,directeur de la recherche de l’Institutnational du cancer.Mais le passage deces recherches académiques à la clini-que a toujours été difficile. Ainsi, l’undes principaux anticorps ciblant l’im-munité anticancer, l’anti-CTLA-4, a étémis sur lemarchéparune firmeaméri-caine en 2011. Mais lamolécule CTLA-4a été découverte à Marseille, en 1991,par Pierre Goldstein. Laurence est unedes rares immunologistes françaises àfaire cet effort de translation clinique.Guido est probablement le biologistefrançais qui a la plus grande visibilitéinternationale en cancérologie, avecune nouvelle publication chaquesemaine ces dernières années : un vraifeuilletoniste, un travailleur acharné.Leurs travaux livrent de grandesavan-cées conceptuelles.»

En 2011, le couple a créé une revuemensuelle, OncoImmunology, et uneAcadémieeuropéennedel’immunolo-gie des tumeurs qui réunit 120cher-cheurs de 30pays.

D’origine allemande, Guido Kroe-mer a adopté la double nationalitéautrichienne et espagnole. « Je medéfiniscommeEuropéen», dit cepoly-glottequinedédaignepas laprovoca-tion. « La médecine est un métierempirique, qui ne fait pas de placeaux intellectuels. Le rationnel surlequelse fondent lespratiquesmédica-les est souvent erroné.»Un autre dog-me mis à mal par cet iconoclaste estl’autophagie: cette dégradation par-tielle de la cellule par elle-même,a-t-il montré, est un mécanisme desurvie et non demort cellulaire.

«Guido et Laurence proposent desidées nouvelles et parfois provocatri-ces, observe Sebastian Amigorena, del’InstitutCurie. Certaines devien-dront consensuelles, d’autres non.C’est ainsi que la science avance. L’as-sociation des deux donne un couplede“Terminator” scientifiquestrès effi-caces et créatifs. Il y a des gens que çapeut choquer.»

«Ilestremarquablequedeuxperson-nes avec une telle intelligence et un telego–sans lesquelsonn’arrivepas làoùelles sont – parviennent à travailler sibien ensemble», relève AlexanderEggermont.Selon lui, l’immunothéra-piedes cancersdominera la rechercheen oncologie des cinq à dix ans àvenir : «Sans une mobilisation correc-te du système immunitaire, on ne par-viendra pas à contrôler durablementune tumeur ni à guérir une maladiemétastatique.» p

r e n d e z - v o u s SCIENCE&MÉDECINE

TINAMERANDON POUR «LE MONDE»

a f f a i r e d e l o g i q u e

ExpositionLa voix: l’expo qui vous parleElémentessentiel denotre identité, la voix estunoutil fascinant, aussi familierqueméconnu.L’expositionorganiséepar la Cité des scienceset de l’industrie enpartenariat avec l’INA,l’Ircamet le Centre Pompidouvise à fairedécouvrir commentelle est produite, ce qu’ellecommunique, et commentelle peut êtremoduléeau servicede l’art: timbre, tessiture,intonation,prosodie, accent…Unevingtained’expériences interactivespermettent auvisiteurd’explorer sa proprevoix. Pour lesscientifiques, elle est aussi unmatériau, qu’ilestpossibled’imiter, de synthétiser, detransformer: le comédienAndréDussollier, autimbre si reconnaissable, est lui-mêmeblufféparunevoixde synthèsequi l’imite de façontroublantedans la lecture duPetit Chaperonrouge. Pour ceuxqui n’aurontpas la chancedese rendre à l’exposition, son site Internetproposedes extraits sonores et vidéode cesmanipulations.> Cité des sciences et de l’industrie. Jusqu’au28septembre.www.cite-sciences.fr

«L’associationdesdeuxdonneun couplede “Terminator”scientifiques très

efficaces et créatifs»SebastianAmigorena

chercheurà l’Institut Curie

Agenda

GuidoKroemeretLaurenceZitvogel,l’uniondel’immunologieetdelacancérologie

p o r t r a i t | Cedétonnantduodemédecins-chercheursanalysecommentmeurentnoscellules…pourrenforcerl’immunitéantitumorale

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8 0123Mercredi 8 janvier 2014 SCIENCE&MÉDECINE

¶Thomas Burelli

est doctorant en droità l’université d’Ottawaet assistant de recherche

au sein de la chairede recherche du Canadasur la diversité juridiqueet les peuples autochtones.

ThomasBurelli,doctorantendroitàl’universitéd’Ottawa(Canada),prôneunenouvelleéthiquepourquelesavoirdesautochtones,«partenaires»avisésdesscientifiques,nesoitpasdéconsidéréet ignoréparlesEtats

Leschercheurs, incorrigiblesflibustiersdelaconnaissance?| t r i b u n e |

Lesautochtonesontdetouttempsétédes«partenaires» avisés des scientifiques,permettant notamment la découvertederessourcesnaturellesd’ungrandinté-rêtpourlessociétéshumaines.Desdisci-plinesspécialiséesdans l’étudesystéma-

tiquedessavoirs traditionnelsassociésà l’environne-ment – comme l’ethnobotaniqueou l’ethnopharma-cologie–ont ainsi vu le jour.

Pour autant, les autochtones sont des partenairesavec qui les scientifiques entretiennent souvent desrelations fluctuantes. De l’amour fusionnel lors de laphased’identificationderessourcesnaturellesd’inté-rêt,letraitementréservéauxsavoirstraditionnelsetàl’apport des autochtones peut rapidement virer àl’ignorance, voire au mépris total lors des phasesd’analyseetdevalorisationdesressourcesidentifiées.Cette relation de partenariat à géométrie variableconduit parfois certains commentateurs à dépeindreles scientifiques commedes «pirates» sans scrupuledes connaissancesautochtones.

Laréalitéserévèlesouventplusnuancée.Lesscien-tifiquesne sontni angesni démons,mais des acteursnaviguant à vue entre légalité et légitimité. Desacteurs se contentant parfois des dispositions dudroitquilesautorisentàexploiterlégalement,etgéné-ralementsansobligationdepartagedesbénéfices, lesconnaissances traditionnelles. Des acteurs ignorant–sciemmentounon–leurresponsabilitédanslechan-gement social touchant le domaine de la circulationdes savoirs traditionnels. Et ce, au risque de mettresérieusement en péril les relations de collaborationavec les autochtones.

Un projet de recherche français illustre parfaite-ment ce caractère parfois fluctuant des relationsentrescientifiquesetautochtonesaucoursdesdiffé-rentes phases successives de la recherche. Dans lesannées 1990, des chercheurs de l’Institut de recher-che pour le développement (IRD), basé enNouvelle-Calédonie ont commencédes recherches au sujet dela ciguatera, une intoxication alimentaire résultantde l’ingestion de poissons contaminés par des toxi-nes. Les recherches ont notamment consisté en desenquêtes auprès des populations autochtones, per-mettant ainsi d’identifier une liste importante deremèdes traditionnels (près d’une centaine) utilisésdepuis des temps immémoriauxpour le traitementde l’infection et notamment le faux tabac ouHelio-tropiumfoertherianum.

Ensebasantsur ces remèdeset suiteàdesanalysesen laboratoire, les chercheurs sont parvenusà identi-fierunprincipeactif,l’aciderosmarinique.L’ayantiso-lé et identifié, l’IRD et ses chercheurs ont déposé, en2009,unbrevetportantsurl’utilisationdecettemolé-

cule et ses dérivés pour le traitement de la ciguatera.Durant la phase de recherche préliminaire, les com-munautés autochtones ont fait l’objet d’une atten-tion trèsparticulière en raisonde leur statut depour-voyeurs privilégiés d’informations pertinentes. Puis,par la suite, elles ont étrangementdisparudu champdesacteurs impliquésdans larechercheetn’ontobte-nuaucun crédit ni aucune redistribution lors de l’ob-tentiondubrevet.Danscetteaffaire, commentfaut-ilinterpréter le comportement des chercheurs, asso-ciant les communautés lors des premières phases derecherche, puis les «oubliant» lors de la valorisationdes résultats?

Assurément, les chercheurs ont tiré profit desconnaissances autochtones et admettent d’ailleurss’être«inspirésdes remèdes traditionnelsocéaniens».Mais leur démarche répond dans les faits à une dou-ble logique: la valorisationmaximale de leurs résul-tats de recherche sous forme de droits de propriétéintellectuelle et, plus important encore, le sentimentde respecter scrupuleusement la loi, qui ne les obligepas, généralement, à partager les bénéfices de leursdécouvertesavec les autochtones!

Eneffet, leschercheurs,etnotamment lesscientifi-ques français, sont de plus enplus contraints par desobjectifs de résultats et de valorisation de ces der-niers, en particulier dans le domaine des sciences duvivant. Ainsi le dépôt de droits de propriété intellec-tuelleconstitueundescritères lesplusvaloriséspourl’évaluation des chercheurs et des laboratoires. Leschercheurssetrouventdoncpoussésàconvertirleursrésultats en droits de propriété intellectuelle, quandbien même (de l’aveu de certains d’entre eux) cesdroits n’auraient pas vocation à être exploités, fautedemoyensoudemarché viable. C’est le cas de l’aciderosmarinique pour lequel aucune étude clinique n’aétéprévueà ce jour et quin’estpas exploitécommer-cialement jusqu’à présent. Pour les autochtones

exclus de ce processus – car n’étant pas considéréscomme«inventeurs»ausensdudroitde lapropriétéintellectuelle–, ledépôtd’unbrevetestsouventperçucommeune appropriationet une exploitation injus-tesde leurs savoirs!

D’un autre point de vue, les chercheurs n’ontaujourd’hui,danslaplupartdesEtatsdumonde,aucu-ne obligation de partage des avantages découlant del’exploitation des savoirs autochtones. En effet, bienque la convention sur la diversité biologiquede 1992et le protocole de Nagoya de 2010 aient reconnu lavaleurdecessavoirsetlanécessitéd’organiserunpar-tagedes avantagesavec les communautés, lamiseenœuvredecesprincipesest confiéeauxEtats.Or, com-me une très grandemajorité d’entre eux (parmi les-quels la France) n’a pas adopté de mesures spécifi-ques, aucun cadre réglementaire ne protège lessavoirs sur leurs territoires.

Cette situation est-elle pour autant une invitationau«pillage» légaldes connaissancesautochtonesou,au contraire, une raison de suspendre tout projet decollaborationaveceux,etce,audétrimentdel’avance-mentdes connaissancesscientifiques?

Ni l’unni l’autre si l’onadmetetpromeut la capaci-té qu’ont les acteurs de la société civile de se doter deleurs propres cadres normatifs, enmargeou en com-plémentdescadresétatiques.Encesens, l’inactiondel’Etat pourrait être vuenon commeune fatalitémaisaucontrairecommeune invitation,voireune chancepour les acteursde la société civile.

Certains chercheurs, organismeset communautésautochtones se sont saisis de cette opportunité. Eneffet,unetrèsgrandevariétédepratiquesvisantàpal-lier l’absence de réglementationdes Etats est aujour-d’hui observable. Il s’agit, par exemple, de codes debonnespratiques,deprotocolesderecherche,d’enten-tes conventionnelles, voirede véritables institutions,sortes de bibliothèques chargées de la gestion dessavoirs,commel’AgencepourledéveloppementdelaculturekanakenNouvelle-Calédonie.Defait,unevéri-tablerévolutiontranquilledesrèglesd’accèsetd’utili-sation des savoirs autochtones est progressivementen traindevoir le jour, à l’ombredudroit desEtats.

Mais alors que ces pratiques sont souvent malconnuesetmaldocumentées–enraisonnotammentdeleurampleurparfoismodeste–, laquestionde leurqualité se pose demanièrede plus enplus pressante.Danscecontexte,seulletempsetleursusagespermet-tront de dire si elles participent réellement à l’émer-genced’unenouvelle éthique et àune réelle refonda-tion des relations avec les autochtones. Ou s’il nes’agit,finalement,qued’unmiragequantàlacapacitéde changement social des acteurs de la société civiledanscedomaine…p

«Comment faut-il interpréterle comportement des chercheurs,

associant les communautéslors des premièresphases de recherche,

puis les “oubliant”lors de la valorisationdes résultats ?»

Le supplément «Science&médecine»publie chaque semaine une tribunelibre ouverte aumonde de larecherche. Si vous souhaitezsoumettre un texte, prièrede l’adresser à [email protected]

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Le Volocopter, nouveau concept d’hélicoptère électrique

SOURCE : E-VOLO.COM, AGUSTAWESTLANDTEXTE : HERVÉ MORIN INFOGRAPHIE E-VOLO

Le 17 novembre 2013, à Karlsruhe,le Volocopter, une nouvelle classe d’enginvolant, a effectué ses premiers vols, sanspilote. Il s’agit d’un hélicoptère électrique dotéde 18 hélices lui conférant une stabilitéintrinsèque que les appareils classiques nepeuvent offrir. En 2011, un premier prototypetrès rudimentaire avait déjà volé, maisle nouveau modèle biplace est plus proche decelui que les créateurs de la start-up allemandee-volo espèrent commercialiser en 2016, pourun prix qui devrait avoisiner les 250 000 euros– comparable à celui d’un petit hélicoptère.En plus des 2 millions d’euros de subventionsallouées par le ministère de l’industrieallemand, e-volo a levé 1,2 million d’eurossur un site de financement participatifen décembre. De quoi assurer les futursdéveloppements : l’engin ne dispose qued’une faible autonomie, mais ses concepteursenvisagent de lui adjoindre un moteurthermique pour produire l’électricité requisepar ses rotors. Pour les essais en extérieur avecpilotes, il faudra aussi obtenir une licencede vol provisoire, ce qui pourrait intervenirau printemps. Le Volocopter est destinéaux particuliers. « Nous avons des demandesnotamment du Brésil, explique Stephan Wolf,directeur financier et informatique d’e-volo.Dans des villes comme Sao Paulo, les bouchonsont conduit à une utilisation accruedes hélicoptères pour aller d’un gratte-cielà l’autre. Le Volocopter, qui nécessite peude maintenance, permettrait de le faire de façonsûre et peu coûteuse. »

18 hélicesLa sustentation et la propulsion sont donc assuréespar des hélices dont le pas est fixe. Un simplejoystick permet d’orienter l’appareil dans ladirection souhaitée. Des ordinateurs prennent lerelais pour faire varier la vitesse de rotation desrotors correspondants : si ceux de l’arrière tournentplus vite, l’appareil ira vers l’avant, par exemple.

« Projet zéro »Développé par l’anglo-italien AgustaWestland pourtester de nouvelles technologies, le prototype« Projet Zéro », visible au dernier Salon du Bourget,est aussi un hélicoptère électrique. Il fait appel àdeux gros rotors inclinables, à pas variable. Même siles ailes doivent lui conférer une certaine portance,il est lui aussi handicapé par une autonomie réduite.

AutonomieLes performances visées par le Volocopter sont lessuivantes : vitesse de croisière de 100 km/h, altitudede vol de 2 000 mètres, masse maximale audécollage de 450 kg, autonomie d’une heure.Actuellement, les batteries ne permettent que vingtminutes de vol, si bien qu’une version hybridethermique-électrique est à l’étude.