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UNIVERSITÉ DE PAU ET DES
PAYS DE L’ADOUR *École Doctorale 481Sciences Sociales et
Humanités *
LABORATOIRE SET - UMR 5603 CNRS
Soutenance de thèse pour l’obtention du grade de
Docteur en géographie
LE MONDE RURAL GABONAIS – ENTRE
PRODUCTION ET CONSERVATION
Présentée et soutenue publiquement par :
Leticia Nathalie SELLO MADOUNGOU
Sous la direction de Jean-Yves PUYO et Xavier ARNAULD DE SARTRE
Composition du jury :
Bernard CHARLERY DE LA MASSELIERE (PR. Université de Toulouse 2) Rapporteur
Luc CAMBREZY (DR. Université de Paris 8) Rapporteur
Jean-Marc ZANINETTI (PR. Université d’Orléans) Examinateur
Vincent BERDOULAY (PR. Université de Pau et des Pays de l’Adour) Examinateur
Jean-Yves PUYO, Directeur (PR. Université de Pau et des Pays de l’Adour) Directeur
Xavier ARNAULD DE SARTRE (CR. Centre national de la recherche scientifique) Directeur
Pau, le 05 Décembre 2013
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
1
Dédicace
À
-Lilya Dadiva Nzé, ma fille, née durant cette aventure,
-Marceline Moughola, ma mère,
-David Madoungou Sombella, mon père qui m’a précocement quitté,
-Alphonsine Ngonga, ma meilleure amie,
- Ivan-Cédric Nzé, mon chéri.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
2
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
3
Remerciements
Au terme de ces quatre années qui m’ont permis d’élaborer ce travail, je tiens à remercier un
certains nombre de personnes physiques et morales.
Je tiens en premier à remercier du fond du cœur mon directeur Xavier Arnauld de Sartre
d’avoir accepté de diriger ce travail et de m’avoir fait confiance malgré le fait que j’étais
enceinte au début de cette aventure. Je voudrais lui témoigner ma grande gratitude pour ses
efforts qu’il n’a jamais ménagés pour l’aboutissement de ce travail, pour sa disponibilité, ses
conseils, sa rigueur, sa patience, ses orientations, et ses relectures qui ont été d’un grand
apport pour la rédaction de cette thèse.
Je remercie également mon directeur Jean-Yves Puyo pour avoir accepté de diriger ma thèse,
pour sa relecture et ses annotations.
Au laboratoire Sociétés Environnement Territoire (SET), je remercie ses membres qui m’ont
accueilli et ont permis le bon déroulement de ma thèse durant ces quatre années.
Que Monique Morales soit aussi remercier pour toutes les cartes qu’elle a faites pour moi.
J’adresse également mes remerciements à Noël Ovono Edzang pour ses conseils et ses
orientations. Je n’oublierai pas le laboratoire CERGEP et ses membres, ainsi que les
enseignants du département de Géographie de l’Université Omar Bongo, qui m’ont souvent
chaleureusement accueilli lors de mes séjours au Gabon.
Mes études ont pu se faire grâce à mes bourses d’études. Je remercie ainsi vivement, le
gouvernement gabonais qui a soutenu financièrement ma scolarité du collège jusqu’à cette
thèse doctorale.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
4
Sur le terrain, j’ai obtenu les informations grâces aux administrations, institutions et
populations locales de ma zone d’étude. Ces informations ont été très précieuses pour la
rédaction de mon travail. Qu’elles trouvent ici ma profonde gratitude.
De même, mes remerciements vont à l’endroit de toutes les personnes qui ont facilité mon
séjour sur le terrain :
- Jean François Odzagha qui a été disponible pour m’aider sur le terrain (Makokou) ;
-Judicaëlle Madoungou qui m’a accompagné sur le terrain ;
-La famille Ndolo qui a facilité mon hébergement à la Lopé ;
-La famille Boudoungou pour l’hébergement à Libreville.
J’adresse enfin toute ma reconnaissance et mes remerciements à tous mes parents et amis :
-Ma grand-mère Antoinette Bissalo (Iya) qui m’a inscrite à l’école à 6 ans ;
-Mes tantes Paulette Poumba, Florence Bicka, Annie Michelle Bicka, Alida Virginie Nongo et
Edmonde Nzengué.
-La famille Toussa qui a toujours été présente dans ma scolarité depuis la classe du CM 1.
-Les familles Khouilla, Cubwa, Tiwinot, Boussougou, Bigoundou, qui m’ont soutenu et
encouragé dans ce long parcours.
-Mes frères et sœurs : Franz, Andrelle, Joe, Mastelle, Auxilia, Chirley, Bibiche, Sabrina,
Mamita, Armand, Sarah, Ferly, Maeva, Yowane, Stephane, Kévine, Mano, Tomi, Marcilya,
Anaëlle, Priscille, Dana, et Naomie.
-Mes amis (ies) de Koulamoutou, Libreville, Paris, Bordeaux, Pau, Lyon et Nantes.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
5
Sigles et abréviations
ANPN : Agence Nationale des Pars Nationaux
CARPE : Central Africa Regional Program for Environment
CEMAC : Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale
CIRMF : Centre International de Recherche Médicale de Franceville
COMIFAC : Commission des Forêts de l’Afrique Centrale
DACEFI : Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exploitation Forestière
Illégale
DGS : Direction Générale des Statistiques
ECOFAC : Écosystèmes fragilisés en Afrique Centrale
FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
FIDA : Fonds International de Développement Agricole
FC : Forêt Communautaire
FCFA : Franc de la Communauté Financière Africaine
GIC : Groupes d’Initiatives Communes
IGAD : Institut Gabonais d’Appui au Développement
MAEDR : Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et Développement Rural
MEA : Millenium Ecosystem Assessment
MEF : Ministère des Eaux et Forêts
OIBT : Organisation Internationale des Bois Tropicaux
OMF : Observatoire Mondial des Forêts
ONG : Organisation Non Gouvernementale
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
6
PFBC : Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo
PIB : Produit Intérieur Brut
PFNL : Produit Forestier Non Ligneux
PGG : Permis Gré à Gré
PME : Petite et Moyenne Entreprise
PSE : Paiement pour Services Environnementaux
PSFE : Programme Sectoriel Forêts et Environnement
RAPAC : Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale
RCA : République Centrafricaine
RDC : République Démocratique du Congo
REDD : Réduction des Émissions dues au Déboisement et à la Dégradation
RGPH : Recensement Générale de la Population et de l’Habitat
SE : Service Environnemental
SETRAG : Société d’Exploitation du Transgabonais
SNBG : Société Nationale de Bois du Gabon
TBE : Tableau de Bord de l’Économie
UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture
WCS : Wildlife Conservation Society (Société pour la Conservation de la Vie sauvage)
WRI : World Ressources Institute (Institut des Ressources Mondiales)
WWF : World Wide Fund (Fonds mondial pour la nature)
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
7
Sommaire
Dédicace .................................................................................................................................................. 1
Remerciems ............................................................................................................................................ 3
Sigles et abréviations ............................................................................................................................. 5
Sommaire ............................................................................................................................................... 7
Introduction générale ............................................................................................................................ 9
Première partie : Les activités de production et de conservation dans les pays du Sud et au
Gabon ................................................................................................................................................... 25
Chapitre I : Produire et conserver dans les pays du Sud ............................................................. 27
1. La production, historique, évolution et répercussions dans les pays du Sud ............................. 28
2. La conservation, historique, évolution et répercussions dans le monde tropical ....................... 41
3. Les polémiques actuelles sur la conservation ............................................................................ 71
Chapitre II : Étude du monde rural gabonais .............................................................................. 79
1. Aperçu historique du monde rural gabonais .............................................................................. 79
2. L’économie villageoise ............................................................................................................. 92
3. Des espaces ruraux en perpétuelle crise .................................................................................... 96
4. Quelques actions du gouvernement visant à redynamiser le monde rural ............................... 107
Chapitre III : Production et conservation au Gabon face à la problématique du
développement durable ................................................................................................................. 113
1. Les principales activités de production dans les milieux ruraux et leurs impacts ................... 114
2. Historique de la conservation et son évolution au Gabon ....................................................... 119
3. Les activités et les acteurs de conservation au Gabon ............................................................. 133
4. Les débats actuels sur la conservation des ressources naturelles ............................................ 153
Conclusion de la première partie ................................................................................................. 165
Deuxième partie : La survie des villages gabonais ......................................................................... 167
Chapitre IV : Description de la zone d'étude .............................................................................. 169
1. Choix de la zone d’étude ......................................................................................................... 174
2. Atouts et difficultés rencontrés dans les villages ..................................................................... 189
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
8
3. Lopé ......................................................................................................................................... 208
Chapitre V : À quoi servent les villages gabonais ? ................................................................... 223
1. Exode rural et structure de la population des villages ............................................................. 226
2. Les activités économiques des villages ................................................................................... 247
3. Les villages comme lieux favoris de la tradition ..................................................................... 262
Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 271
Troisième partie : Crises et mutations des espaces forestiers périphériques aux parcs nationaux
............................................................................................................................................................. 273
Chapitre VI : Analyse des tensions existantes aux périphéries des parcs nationaux de la zone
étudiée ............................................................................................................................................. 275
1. Conflits Homme-faune ............................................................................................................ 276
2. Conflits entre villageois et agents des parcs nationaux ........................................................... 290
3. Conflits entre villageois et exploitants forestiers .................................................................... 299
4. Les impacts des conflits sur le développement rural et sur la gestion des ressources ............. 304
Chapitre VII : Les forêts communautaires comme solution à la résolution des conflits dans le
monde rural gabonais ................................................................................................................... 315
1. Les forêts communautaires, un nouveau mode de gestion rationnelle à la portée des ruraux . 316
2. Tensions dans le projet DACEFI ............................................................................................. 338
3. Bilan des activités DACEFI .................................................................................................... 341
4. Handicaps à l’obtention d’une forêt communautaire .............................................................. 346
Conclusion de la troisième partie ................................................................................................. 355
Conclusion générale ...................................................................................................................... 357
Bibliographie .................................................................................................................................. 367
Table des illustrations ....................................................................................................................... 381
Liste des annexes ................................................................................................................................. 381
Liste des cartes .................................................................................................................................... 381
Liste des photos ................................................................................................................................... 382
Liste des planches ................................................................................................................................ 382
Liste des tableaux ................................................................................................................................ 383
Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux ..................................... 383
Annexe 2 : Informations sur les PFNL ............................................................................................ 386
Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika .......................................................... 388
Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé ............................................................... 389
Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo ................................................................ 390
Table des matières ............................................................................................................................. 403
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
9
Introduction générale
Le développement durable, fondé sur l’articulation entre dynamisme économique,
préservation de l’environnement et équité sociale, est devenu au cours des trois dernières
décennies un concept clé de la stabilisation et de l’émergence d’un pays. C’est
particulièrement le cas du Gabon qui a mis la conservation au cœur de ses politiques
stratégiques au travers d’un projet appelé « Gabon vert », c’est-à-dire un Gabon qui respecte,
protège et préserve sa biodiversité.
Mais dans ces pays en développement comme le Gabon, les politiques de conservation sont
confrontées à des problèmes majeurs. La richesse repose encore sur l’exploitation des milieux
naturels et l’extraction des ressources primaires, telles que le bois et le pétrole. Comme la
pauvreté des populations, en particulier rurales, est forte, toute limitation à une politique
extractive risque d’y engendrer des conséquences immédiates – et négatives. Là plus
qu’ailleurs, la tension entre politiques de production et politiques de conservation est
cruciale ; là plus qu’ailleurs, les populations locales sont directement impactées par les
politiques de production et les politiques de conservation. Si la recherche d’une alliance entre
ces deux types de politiques est recherchée dans le cadre du développement durable, en réalité
ces politiques se contredisent, ce qui a des conséquences immédiates pour les populations
locales qui ne sont que rarement prises en compte.
De ce fait, le Paiement pour Services Environnementaux (PSE) apparaît comme un moyen
pour inciter l’application des politiques environnementales dans les pays tropicaux en général,
et dans les pays du bassin du Congo en particulier. C’est une notion, apparue au début des
années 1990 dans la littérature scientifique, et qui s’est institutionnalisée au début des années
2000 au travers du Millenium ecosystem assesment, ce rapport sur l’état de l’environnement
au tournant du millénaire réalisé sous l’égide des Nations unies. Le PSE consiste à
dédommager ceux qui fournissent les services environnementaux. Ce qui permettrait
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
10
d’occasionner un développement local. En effet, les services environnementaux « reposent
sur l’idée que les ressources naturelles et les aménités rurales sont des substrats potentiels
pour mener des actions de développement économique » (Aznar, 2002 : 122). Mais, « la
difficulté de prendre en compte les services environnementaux dans la gestion forestière est
qu’ils ne font rarement l’objet de transactions monétaires. Par exemple, celui qui protège la
forêt, et donc son carbone et sa biodiversité, ne reçoit aucun paiement pour cela,
contrairement à celui qui va abattre un arbre et vendre les planches » (Lescuyer et al., 2009 :
132). Comme l’approche du PSE dans ces pays d’Afrique centrale est récente, alors son
application n’est pas aboutie. Or, dans la sous-région, plusieurs acteurs s’intéressent
davantage au PSE, parce qu’ils y voient une solution adéquate pour assurer la conservation de
la biodiversité tout en apportant le développement social et économique.
Certes, les préoccupations environnementales et les solutions suggérées varient selon les pays
et les régions géographiques (Le Prestre, 2008) ; mais l’impact des politiques
environnementales pour des pays plus industrialisés et ceux dépendant de l’extraction de leurs
ressources naturelles n’est pas le même. « Les conflits qu’engendrent les solutions proposées
aux problèmes d’environnement proviennent donc des inégalités qu’elles reflètent ou qu’elles
pourraient créer. En d’autres termes, elles soulèvent des questions de justice distributive :
comment le fardeau devrait-il être reparti ? Qui devrait profiter de ces mesures ? » (Le
Prestre, op.cit. : 8). Ceci fait apparaître des tensions jugées « inévitables et normales ».
Les préoccupations environnementales remettent principalement en cause le fondement des
États-nations modernes, créés sur le développement économique et la souveraineté nationale.
« Les préoccupations environnementales remettent en question des choix de société antérieurs
ou la notion même de développement, fondement de la construction nationale de nombreux
États récents. Elles soulèvent aussi des conflits de juridiction entre unités administratives ou
entre administrations nationales et agents d’exécution de projets. Au niveau international, des
conflits apparaissent parmi les organisations internationales, les organisations non
gouvernementales et les États, et entre tous ces acteurs » (Ibid. : 9). Cependant, « les conflits
accompagnent aussi les solutions envisagées puisque celles-ci influencent la distribution des
valeurs, du pouvoir ou de la richesse » (Idem).
Cela explique que la conservation peut avoir des effets aussi problématiques que les excès de
production. En 1992, une étude d’anthropologues menée par Serge Bahuchet diligentée par la
Commission européenne sur les populations dites indigènes des forêts denses humides, le
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
11
montre bien. Ainsi son rapport publié en 1994 montra qu’ « il n’y a pas de forêt vierge»1, et
que « l’homme traditionnel ne saurait être considéré comme un destructeur d’une
hypothétique nature vierge qu’il conviendrait de protéger contre lui » (Bahuchet et de Maret,
1994 : 12). De plus, les peuples forestiers peuvent percevoir la création des parcs nationaux
ou des réserves naturelles comme « une catastrophe plus grave que l’ouverture d’un chantier
forestier ou similaire à la construction d’un barrage » (Ibid. : 42). Parce que durant des
générations ils sont restés libres sur leurs territoires dans lesquels ils tiraient leurs moyens
d’existence, avec la création des aires protégées ils se trouvent être privés de leurs territoires,
voire, délogés. Or la permanence de ces activités dans le temps suffit à montrer que ces
activités traditionnelles sont conciliables avec la conservation du couvert forestier. En effet,
les pratiques de défriche sur brûlis que pratiquent les peuples des forêts tropicales sont
respectueuses des milieux tant qu’elles ne sont pas intensifiées ; mais lorsqu’il y a
intensification, la production est difficile et peut générer beaucoup de dégâts si celles-ci ne
sont pas maîtrisées (Mazoyer et Roudart, 1997).
Ce sont ces contradictions entre développement et conservation, et leurs impacts sur les
populations locales, qui nous ont conduit à choisir d’étudier le monde rural gabonais, entre
production et conservation.
Le monde rural gabonais offre cependant des caractéristiques rares. Le Gabon est un pays
fortement urbanisé (avec plus de 80 % de la très faible population2 du pays vivant en ville), ce
qui fait qu’une grande partie du territoire est presque vide d’Hommes. Il demeure cependant
des zones habitées dans les mondes ruraux qui sont affectées par de profonds changements
liés à la généralisation des politiques de conservation qu’il nous parait pertinent d’analyser.
Ce sont ces phénomènes que nous avons étudiés dans quelques villages de la province de
l’Ogooué-Ivindo situés à la périphérie des parcs nationaux de la Lopé, l’Ivindo et de Mwagné
(cf. carte ci-après).
1 Tel fut le préambule de leur rapport.
2 148
ème population mondiale.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
12
Carte 1 : Les trois parcs nationaux de la zone d’étude
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
13
Des quatre parcs nationaux présents sur le territoire ogivin, il n’y a que trois (Lopé, Ivindo et
Mwagné) qui sont proches des villages, c’est la raison pour laquelle nous les avons retenus.
Quant au parc de Minkébé (aussi localisé dans la province), il n’y a presque aucun village
proche de cette vaste étendue forestière, excepté quelques Pygmées Baka.
Parler du monde rural gabonais amène tout d’abord à présenter quelques difficultés
auxquelles le chercheur est souvent confronté. Les termes habituellement utilisés entraînent
des difficultés de définition, car, « la notion de ruralité est parfois marquée par l’héritage de
représentations anciennes du « monde rural » dans l’imaginaire commun » (Gauvrit et Mora,
2009: 15). En effet, s’il n’est pas facile de définir ce qu’on entend par « rural », il est aussi
difficile de délimiter ou de circonscrire ce milieu. Les questions souvent posées sont par
exemple : où commence le monde rural ? Ou encore, existe-t-il réellement une ligne de
démarcation entre milieu rural et milieu urbain ?
Par opposition à la ville, le monde rural est souvent considéré comme étant l’« univers » de
tout ce qui se démarque de la modernité, à savoir construction, limitation ou absence de
plusieurs services, etc. Dans le dictionnaire de géographie et de l’espace des sociétés, le rural
est l’ensemble « d’espaces dont la faible densité de peuplement laisse une large place au
champ et à la forêt dans l’utilisation des sols, mais pas nécessairement à l’agriculture dans
l’économie comme la société » (Lévy et Lussault, 2003 : 807). Mais pour Grawitz (1999 :
362), le rural se définit comme « l'ensemble des problèmes du peuplement agricole et de
l'écologie agraire ». Et quand il lui confère une dimension sociologique, il renchérit en disant
que le rural « qualifie les hommes au service de la terre, conscients de leur communauté
d'intérêt et de comportement »3. Dans tous les cas, le rural fait référence à tous les
phénomènes liés aux campagnes (exode rurale, population rurale, agriculture, etc.).
C’est aussi le lieu où l’activité dominante sinon principale est le travail de la terre. Cette
considération du monde rural trouve tout son sens dans les pays en voie de développement,
dont le Gabon, où il existe encore un grand fossé entre espaces ruraux et espaces urbains. En
effet, dans la plupart de ces pays, la distinction entre ces espaces ne nécessite pas beaucoup
« d’efforts ». À la différence des pays du Nord où les campagnes peuvent être des lieux de
3http://www.memoireonline.com/01/12/5192/m_Enclavement-et-developpement-des-zones-rurales-d-Afrique-
subsaharienne-recherche-bibliographiqu6.html
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
14
production non agricole et de résidence, dans les campagnes du Sud, et notamment en
Afrique, l’agriculture est quasiment la seule activité que pratique la population active. Même
au sein des pays du Sud, on observe quelques particularités qui distinguent les « mondes
ruraux », car ces derniers ne présentent pas tous les mêmes caractéristiques. Ainsi, selon le
niveau de développement d’un pays ou de sa richesse économique, on peut observer différents
types de milieux ruraux, avec des conditions de vie de populations bien particulières. En effet,
« l’hétérogénéité des situations du monde rural rend souvent difficile la recherche de
dénominateurs communs » (Bernier, 1997 : 10). La diversité des milieux ruraux résulte ainsi
de la multiplicité des cultures, des pratiques agricoles, des techniques modernes, des situations
socio-économiques et environnementales rencontrées, qui influencent aussi ces milieux. C’est
pour cette raison qu’espaces ruraux et agricultures doivent se conjuguer au pluriel, même si
actuellement ils tendent vers une uniformisation dans les pays du Sud (Idem). C’est ce qui
permet d’avoir « des régions rurales en voie d’industrialisation voire d’urbanisation rapide
(certaines campagnes dans l’Est de la Chine), des territoires agricoles prospères (les vastes
deltas rizicoles de l’Asie du Sud-est ou le Kerala où l’on enregistre aussi un taux de
scolarisation élevé) et des espaces ruraux moins avancées (la plupart des campagnes
africaines de la zone sahélo-soudanienne) » (Ibid : 98). C’est dans cette dernière catégorie
que le monde rural gabonais peut s’insérer.
Perçue souvent comme un rapport de dominé à dominant, la relation ville-campagne est
cependant un peu plus complexe qu’il n’apparaît. D’une part, parce que les campagnes
peuvent nourrir les villes et les villes favoriser le développement du monde rural. Mais d’autre
part, parce que les citadins se reconnaissent dans le monde rural où ils ont leurs origines et
parfois leurs familles. Enfin parce que la frontière entre rural et urbain est parfois floue. En
effet, « les espaces ruraux connaissent de rapides transformations qui font l’objet
d’appréciations divergentes. D’un côté, la frontière urbain-rural est devenue poreuse. [….].
De l’autre côté, les définitions traditionnelles de la campagne paraissent caduques » (Gauvrit
et Mora, op.cit : 6). C’est pourquoi nous avons jugé utile de définir le concept rural, tout en
considérant sa conception tant dans les pays développées que dans les pays du Sud.
Que doit-on considérer comme faisant partie du monde rural ? Les termes ou concepts utilisés
habituellement trouvent-ils leur sens au Gabon ? Répondre à ces préoccupations revient à voir
les termes qui sont les plus usités au Gabon. Le substantif « village » est souvent employé par
les gabonais pour identifier le milieu rural. Selon les besoins politiques, il existe également
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
15
toute une diversité de termes faisant allusion au monde rural, à savoir : canton, district,
département. Cela correspond aux découpages administratifs du territoire.
Le problème de définition entraîne également celui de délimitation, voire de circonscription.
Parfois, c’est seulement la présence de quelques nouvelles bâtisses modernes, d’une école ou
d’un petit dispensaire qui permet de faire la différence entre ce qui était considéré comme
appartenant « purement » au rural de ce que les politiques ou les individus considèrent comme
faisant partie de l’urbain. Mais de façon générale, les milieux ruraux gabonais souffrent
d’énormes carences (problèmes d’eau, de routes, d’écoles, etc.). C’est bien cela le propre du
monde rural gabonais. C’est un monde « oublié » qui ne profite pas souvent du
développement et de l’urbanisation qui ont cours dans le pays.
En effet, la démarcation entre ce qui est considéré comme rural de ce qui est urbain se
manifeste à tous les niveaux : tant sur les plans économique, social qu’au niveau de
l’urbanisme voire de la démographie. Les espaces ruraux sont complètement privés d’une
réelle évolution. Tout est « précaire » et presque vides d’Hommes. Les biens publics (pompe
hydraulique, groupe électrogène, dispensaire, école) quand ils existent dans un village sont
très élémentaires voire défaillants.
C’est à croire qu’ici rural rime avec précarité, sous-développement et traditionnel. Mais si on
compare dans certaines localités gabonaises ce que sont aujourd’hui les milieux ruraux par
rapport à ce qu’ils étaient hier, on peut affirmer qu’il y a effectivement une évolution, même
si elle est parfois faible. On remarque donc que la majorité sinon tous les villages ont connu et
connaissent encore de nombreux changements. C’est ainsi que l’on peut voir la présence de la
modernité un peu partout à des échelles variables bien sur. En effet, électricité, architecture,
commerces, outillage, matériel, équipements ménagers, etc. sont autant présents en ville qu’au
village. On peut presque y observer ce que Nicole Mathieu (1974) a qualifié, pour l’Europe,
d’une urbanisation des campagnes : « À partir des années 1960 et dans le même temps que la
croissance des villes prend une accélération sans précédent, que commence une période de
croissance des emplois, de la consommation et des niveaux de vie, un nouveau modèle
d’analyse devient dominat : l’urbanisation des campagnes » (Mathieu, 1985 : 38). Mais
beaucoup reste encore à faire dans ces milieux, ce qui traduit au Gabon un énorme écart entre
ville et village. C’est dans ce sens que le groupe de la banque africaine de développement
(2011 : 8) affirmait au sujet de la république gabonaise que « les disparités dans la répartition
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
16
des richesses demeurent fortes […] et de fortes disparités subsistent entre milieu urbain
(94%) et rural (45%) », concernant par exemple le taux national d’accès à l’eau potable.
Avec le processus d’urbanisation qui prend des proportions importantes au Gabon, est
considéré comme milieu urbain toute entité regroupant au moins 1 000 habitants. C’est le
critère administratif qui prime. On relevait donc en 2006, 32 villes pour le Gabon (Garandeau,
2010). Certaines agglomérations de moins de 1 000 habitants peuvent cependant être
considérées comme urbaines. Même si les normes d’urbanisme ne sont pas toujours tout à fait
respectées et que de nombreuses carences sont remarquées, les politiques n’hésitent pas à
faire d’un espace habitable un « centre urbain ». Cependant plusieurs villes au Gabon ont le
caractère de « ville rurale », car plusieurs d’entre elles sont presque sous-développées. Ces
villes n’ont essentiellement que quelques services publics (administrations surtout, quelques
écoles et en général un centre hospitalier). Il n’y a presque pas d’activités industrielles et la
grande partie de la population active fait de l’agriculture. De ce fait, le monde rural est défini
par défaut comme regroupant tout ce qui ne relèverait pas de l’espace urbain.
Les villages périphériques aux parcs nationaux que nous étudierons comme l’ensemble du
monde rural gabonais évoluent dans une dynamique qui montre d’un côté, des activités de
production (forestière, minière et agricole), puis d’un autre, des activités de conservation
(parcs nationaux et autres réserves). L’objet de notre étude est de voir si ces activités
entraînent un développement des localités rurales dans lesquelles elles se pratiquent et si elles
sont rentables pour l’économie du pays. Ceci pose le problème du devenir du monde rural
gabonais qui depuis plusieurs années connaît des difficultés et dont les solutions apportées
jusqu’ici ne contribuent pas souvent à son développement.
De l’époque précoloniale à nos jours, l’économie gabonaise est extractive et repose
fondamentale sur la richesse du sol (bois) et celle du sous-sol (pétrole, mines). Par ailleurs, les
milieux ruraux gabonais se caractérisent par l’exubérance de leur forêt. En effet, le Gabon
constitue au sein de la cuvette du bassin du Congo le deuxième pays forestier important après
la République Démocratique du Congo (RDC), car plus de 80 % de la superficie totale du
territoire national (267 667 km²) est couverte de forêt. Cette forêt y est très variée avec plus de
400 essences forestières dont soixante sont commercialisables. La forêt représente également
la première richesse du pays avant le pétrole. Actuellement, « la filière bois représente à
peine 3,5% du PIB et 10% des exportations mais demeure le premier pourvoyeur d’emploi du
secteur privé (22%) » (Groupe de la banque africaine du développement, op, cit.: 2).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
17
Si le Gabon peut être considéré comme un pays aidé par la nature avec son fort potentiel
forestier, animal et minier, sur le plan démographique il n’en est pas ainsi. Le Gabon donne
l’impression d’un espace presque vide. En parlant de l’espace Gabon-Congo, Sautter (1966 :
987) déclare qu’il symbolise la « portion la plus déprimée d’une aire du sous-développement
à l’échelle de l’Afrique ». Le Gabon se singularise en effet sur le plan humain par une
démographie inférieure aux autres pays africains. Son sous-peuplement s’observe au niveau
des densités régionales faibles ainsi qu’une population inégalement répartie. Par rapport aux
autre pays de l’Afrique centrale, en 2005, le Gabon a la densité moyenne la plus faible (5,28
hab/km²)4, alors que les pays tels que le Rwanda, São tomé et Principe et le Cameroun ont
respectivement 361,54 hab/km², 156,84 hab/km² et 36,31 hab/km²5. De même, à l’intérieur du
pays la densité moyenne de population varie d’une province à une autre. Ce sont les provinces
de l’Estuaire, l’Ogooué-Maritime et du Haut-Ogooué qui ont des densités les plus importantes
du pays, parce qu’elles concentrent plus de personnes profitant des avancées sociales,
économiques et culturelles dans ces provinces. Par conséquent, dans une province, la densité
augmente quand il y a une ville importante ; c’est dire que la densité démographique est
tributaire du taux d’urbanisation d’un lieu.
« Lié en partie au milieu naturel, ce déficit humain s’est aggravé dans le passé par les
contacts des hommes avec l’extérieur. Certains aspects de l’histoire du Gabon en portent une
part de responsabilité » (Bouquerel, op.cit. : 30). Les milieux ruraux gabonais connaissent
tous un déficit humain.
La forêt constitue un des plus grands facteurs déterminants de l’évolution de l’homme sur le
territoire gabonais. Il est établi que les populations habitant les zones forestières sont exposées
à plusieurs pathologies, mais tirent par contre de ces milieux leur nourriture. En dehors des
conditions naturelles, l’agriculture nécessite une importante main-d’œuvre tant elle est peu
mécanisée. Le problème que suscite la main-d’œuvre agricole au Gabon est une situation
ancienne que « subissent » continuellement les milieux ruraux. En effet, dès le début de
l’exploitation forestière, les campagnes se sont vidées de leur population active au profit des
chantiers forestiers (Pourtier, 1989). Puis, l’apparition et la primauté du pétrole et des mines
4http://www.observatoire-comifac.net/knowledgebase.php?sup_dom=socioeconomic&dom=human_population
5 En 2013, les estimations des densités de populations pour les mêmes pays donnent : Gabon (6,1hab/km²),
Rwanda (456,1 hbt/km²), Sao tomé (186,6hbt/km²) et le Cameroun (43,2 hbt/km²), disponible sur
http://www.statistiques-mondiales.com/afrique.htm
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
18
n’ont fait qu’accentuer le déséquilibre humain sur l’ensemble du territoire national. Ce sont
désormais les centres urbains économiquement importants qui attirent plus de populations
(Libreville, Franceville, Port-Gentil). La conséquence immédiate de ce phénomène est la
« désertification » des campagnes au profit des villes. « Les deux seules villes importantes,
Libreville, capitale administrative, et Port-Gentil, capitale économique, situées sur
l’Atlantique, sont très excentrées par rapport au reste du pays. Dans l’attrait prioritaire
qu’elles exercent sur la majorité des immigrants, elles contribuent à accentuer le déséquilibre
démographique au profit du seul bas-Gabon côtier » (Bouet, 1978 : 377). La situation
demeure la même aujourd’hui.
L’impact de ce déséquilibre démographique s’est bien fait ressentir sur l’activité agricole : la
démographie des milieux ruraux n’a pas cessé de décroître. Ceci constitue l’une des
difficultés importantes du monde rural gabonais que nous nous proposons d’analyser dans
notre travail.
Cette étude comporte un double intérêt. Premièrement, au-delà des études faites sur le monde
rural gabonais, il s’agira pour nous de mettre en exergue les quelques raisons qui justifient
l’existence actuelle des villages, et ce, malgré les difficultés qu’ils rencontrent et qui les
paralysent énormément. Galley (2010) montre dans son étude que le monde rural gabonais
n’assure plus son rôle nourricier depuis quatre décennies. En effet, il ne parvient plus à nourrir
les populations comme il essayait de le faire dans les années 1960, à cause d’une production
agricole qui demeure très faible, malgré toutes les opérations initiées par l’État pour essayer
de relancer ce secteur agricole. Ainsi, « on note donc que les campagnes traditionnelles ne
sont plus porteuses d’espoir, sont de plus en plus dépeuplées, parfois au profit d’autres
campagnes à activités agricoles nouvelles et plus valorisantes; et par conséquent, même le
renouvellement des populations, par la procréation, ne peut être assuré par les vieillards
restés sur place. Il va de soi que l’activité productive de ce secteur économique ralentisse et
décroisse notablement » (Galley, op.cit.: 268). On observe cependant de plus en plus la
mutation des activités agricoles vers les périphéries des centres urbains comme Libreville.
Comme le souligne Galley, « La ville est désormais appelée à remplir à la fois sa fonction
urbaine et celle abandonnée par le monde rural : pourvoir aux besoins alimentaires des
populations. Avec la crise alimentaire de ces dernières années, le phénomène tend à devenir
une préoccupation permanente d'alimentation et un véritable mode de subsistance. Il y a
comme un phénomène de migration des territoires agricoles de l'intérieur vers les centres
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
19
urbains » (Galley, op.cit. : 123). De plus, « les périphéries des villes gabonaises et notamment
celle de Libreville, représentent à ce jour les nouvelles zones d'installation et d’activités
agricoles des populations déracinées venues des milieux ruraux. Elles sont par ailleurs
devenues, en termes fonciers, un vaste champ de concurrence entre les terres de culture et les
parcelles à bâtir » : (Ibid. : 124). Ainsi, le transfert de la main-d’œuvre agricole de même que
les travaux champêtres vers les villes ont dévitalisé les villages qui continuent tout de même à
exister. L’intérêt est de savoir ce que représentent actuellement les villages pour les Gabonais.
Deuxièmement, au-delà des avantages qui résulteraient de l’application des politiques
environnementales dans le pays, nous voulons étudier l’impact de la conservation de la nature
sur des villages durement touchés par l’économie extractive, voir aussi l’impact de cette
production sur les milieux villageois.
Depuis plusieurs décennies, l’exode rural prend de proportions plus qu’inquiétantes. En effet,
les villes minières et pétrolières ainsi que, surtout, la capitale du pays, ne cessent de voir leurs
effectifs s’agrandir. La recherche de l’emploi et le désir d’améliorer les conditions de vie
motivent considérablement la population active rurale. De ce fait, les milieux ruraux se
vident. Les villages deviennent ainsi exsangues du fait que leur survie est du seul fait d’une
population âgée associée à quelques enfants. On assiste en conséquence à la disparition, à
l’éclatement, au déplacement voire au regroupement de certains villages. L’ensemble des
territoires ruraux du pays présente presque tous les mêmes soucis : des dispensaires mal ou
presque non équipés, l’absence d’écoles bien organisées, un mauvais état du réseau routier,
l’absence de politiques agricoles « efficaces », etc. sont autant de problèmes auxquels sont
confrontés les sociétés rurales.
Or, la faiblesse du peuplement du monde rural rend facile l’implantation de politiques de
conservation, de même que ces politiques accentuent l’exode rural. Il est en effet plus facile
d’implanter un parc national dans une zone peu peuplée, alors que la limitation des activités
économiques dans ces zones provoque un important exode rural. Avec les politiques
environnementales qui deviennent de plus en plus présentes dans le pays, les milieux ruraux
sont davantage sollicités pour favoriser la conservation. C’est dans cette optique que les treize
parcs nationaux ont été créés en 2002.
Face aux activités de production qui, d’un côté, ont toujours occupé les territoires ruraux
depuis plusieurs décennies, et d’un autre, les activités de conservation qui sont de plus en plus
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
20
présentes dans ces mêmes territoires, l’on est tenté de se demander s’il existe encore des
territoires susceptibles d’accueillir ces populations rurales : c’est presque la continuité, du
monde rural qui devient un défi pour le chercheur, tant les raisons qui concourent à son
extinction sont nombreuses. Ce monde rural gabonais, objet de notre étude, évolue dans un
milieu forestier ; c’est pourquoi il nous incombe de voir les avantages et inconvénients
qu’apporte cette forêt « exubérante » sur les milieux ruraux gabonais. Le bénéfice des espaces
forestiers est d’abord pour les ruraux parce qu’ils leur permettent de construire, de se nourrir
et d’entreprendre leurs activités. Ces espaces sont aussi bénéfiques pour l’économie du pays, à
travers l’exploitation forestière qui y est faite.
Mais les espaces forestiers ne présentent pas que des faits positifs. En effet, à cause de
l’abondance de la forêt, vu que plusieurs villages sont situés en forêt profonde, les ruraux sont
confrontés à de nombreuses pathologies. De même, la faune locale, dont plusieurs « bêtes
féroces », menace encore la vie des paysans. La forêt gabonaise apporte également un plus à
la résolution des changements climatiques locaux et régionaux à travers le stockage de
carbone. « Les forêts du Gabon constituent un important réservoir de carbone qui
emmagasine entre 0,94 et 5,24 giga tonnes de carbone » (Maloba Makanga, 2011 : 46). Et,
annuellement, il capte 70 millions de tonnes de CO2 (WWW-Gabon)6.
Face à cette problématique, quelques questions essentielles méritent d’être posées. Quels
impacts les activités de production et de conservation ont-elles sur le développement du
monde rural gabonais ? Quelles sont les fonctions assurées de nos jours par les villages
gabonais ? Quels sont les conflits présents dans le monde rural gabonais, et quelles en sont
leurs origines ? Enfin, existe-t-il des solutions à ces conflits ? Les réponses à ces
interrogations nous ont amené à formuler les trois hypothèses suivantes :
Hypothèse 1 : Les activités de production et de conservation impactent fortement les
villages et ne favorisent pas le développement rural. Ainsi, le paiement pour service
environnemental se présente comme une « solution future » pour aider les populations
locales à améliorer leurs conditions de vie.
Hypothèse 2 : Malgré les difficultés rencontrées par les villages gabonais, en
particulier de nature démographique, ils restent un lieu de vie pour certaines tranches
d’âges, un lieu de production agricole (même sous développée) et un lieu de tradition
et de culture.
6 http://www.gabon-nature.com/pdf/Dossier_de_presse.pdf
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
21
Hypothèse 3 : les conflits présents dans le monde rural sont la conséquence d’une
absence de prise en compte, dans la gestion politique gabonaise, des spécificités
rurales, en particulier dans sa politique environnementale et foncière. De ce fait, les
forêts communautaires sont une résolution aux problèmes fonciers constatés.
L’analyse de ces hypothèses nous a amené à structurer notre étude en trois parties. Dans la
première partie constituée de trois chapitres, nous analyserons les concepts de production et
de conservation tant dans les pays développés que dans les pays du Sud, puis particulièrement
au Gabon. La description du monde rural gabonais nous sera aussi nécessaire pour voir
décrire et analyser cet espace, à savoir ses aspects économiques, démographiques et sociaux.
Dans la deuxième partie composée de deux chapitres, nous analyserons les activités de
production et de conservation qui impactent le développement du monde rural gabonais, en
étudiant plus particulièrement quelques zones rurales. C’est dans cette partie que nous
chercherons à expliquer les modalités et les raisons du maintien d’un monde rural. Enfin, dans
la troisième partie, nous analyserons les conflits présents dans le monde rural, leurs causes et
les propositions susceptibles d’être avancées afin d’essayer de les résoudre.
Notre travail est fondé à la fois sur des monographies villageoises et sur l’étude des
dynamiques à l’échelle globale et nationale (c'est-à-dire le fonctionnement du marché
international de production et conservation, et son adaptation au Gabon). Ainsi, la
méthodologie employée repose sur une démarche combinant trois temps différents : sur
l’observation des faits dans un premier temps, puis sur la description de ces faits dans un
deuxième temps, et, enfin, dans un troisième, sur leur explication. Pour une bonne analyse du
sujet, cette démarche a favorisé la recherche documentaire ainsi que notre présence sur le
terrain. Un complément à la démarche entreprise est donné dans le chapitre IV en rapport
avec la collecte des données sur le terrain. Ainsi, s’agissant de :
1) La recherche documentaire : nous nous sommes intéressé aux documents généraux
afin de comprendre les concepts étudiés ainsi que les phénomènes globaux observés
tant à l’échelle mondiale qu’à l’échelle nationale. Cela a été utile pour la première
partie de cette étude. De même, les documents spécifiques, analysant les différents
problèmes que nous traitons, nous ont été indispensables pour les deux dernières
parties. Ainsi, cette recherche documentaire nous a conduit :
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
22
a) Dans les bibliothèques et les centres de documentation. Nous nous sommes
rendus dans plusieurs centres de documentation énoncés dans la note ci-
dessous7.
b) Sur le web : les documents électroniques que nous avons trouvés nous ont été
aussi d’un grand apport. Certains d’entre eux étaient « généraux » et d’autres
plus « spécialisés » et moins grand public.
2) Notre présence sur le terrain pour être au contact avec les différents acteurs
(populations, conservateurs, etc.), pour visiter plusieurs sites (parcs nationaux,
villages, champs) et pour observer les faits à décrire, a nécessité un séjour de neuf
mois au Gabon, reparti en deux périodes. La première (décembre 2010 – juin 2011) a
permis de constater la « réalité » du terrain afin d’élaborer notre problématique de
thèse, et de tester les hypothèses antérieurement formulées. Nous avons consacré la
seconde période (juillet 2012 – octobre 2012) à l’étude de l’évolution de notre terrain
d’étude, afin de faire émerger conclusions et propositions.
Au cours de cette collecte des données, nous avons rencontré quelques difficultés que nous
tenons à mentionner. La faiblesse d’informations du secteur agricole gabonais était fréquente.
En effet, il existe de réelles difficultés à trouver des statistiques fiables sur l’agriculture au
Gabon en général et sur la province de l’Ogooué-Ivindo, en particulier. Même le Ministère de
l’agriculture, de l’élevage et du développement rural dispose de très peu de données sur
l’agriculture ; d’ailleurs, cette carence en données statistiques reste le problème
habituellement rencontré dans nombre de ministères et administrations gabonais. Ainsi, il est
difficile de faire des estimations précises sur l’agriculture et sur les actifs agricoles, surtout en
ce qui concerne l’agriculture traditionnelle. À noter que pour sa part, l’agriculture maraîchère
dispose toutefois de quelques statistiques. Ces carences en statistiques sont dues au fait que
7 - En France, à la bibliothèque de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), au Centre d’Études des
Mondes Africains (CEMAF) et au centre de document REGARDS de l’Université de Bordeaux 3.
- Au Gabon, aux bibliothèques du département de Géographie de l’Université Omar Bongo (UOB), du Centre
d'Etudes et de Recherche en Géosciences Politiques et Prospective de l'Afrique Subsaharienne (CERGEP), du
Réseau d’Aires Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC), de l’école des Eaux et Forêts, de Brainforest, de
l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN), du WCS (siège national de Libreville), du WCS (la Lopé), du
Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exploitation Forestière Illégale (DACEFI, Makokou).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
23
l’agriculture n’a toujours pas réussi à occuper une place importante dans l’économie
nationale. Son apport au PIB national est estimé à 6,7 % en 2010. Et ce en dépit des
investissements importants de l’État pour tenter d’améliorer et dynamiser ce secteur, il reste
sous-développé, à l’exemple de ses données statistiques. Une autre difficulté rencontrée était
le tri des données sur internet, ce qui n’a pas toujours été chose facile.
Nous avons dû pallier à ces difficultés en faisant un important travail de terrain afin de nous
constituer nos propres bases de données et de nous rendre compte de la situation locale. C’est
ce travail que nous allons présenter maintenant.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
24
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
25
Première partie : Les activités de
production et de conservation dans les pays
du Sud et au Gabon
La première partie de notre travail se propose d’analyser le monde rural gabonais dans sa
globalité. Pour cela, nous mettrons en exergue les concepts de production et de conservation.
Il s’agira de définir ces concepts tout en évoquant leur perception, et l’évolution de cette
dernière aussi bien dans les pays dits « développés » que dans les pays « du Sud ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
26
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
27
Chapitre I : Produire et conserver dans les
pays du Sud
Le monde rural gabonais est pris dans une tension entre conservation et production. Cette
affirmation, qui fonde notre thèse, demande pour être démontrée non seulement que l’on
s’attache à décrire les faits, mais aussi à définir ce que nous entendons par « production » et
« conservation ». Dans l’absolu, ces deux termes peuvent être appréhendés de manière simple.
La production, telle que nous l’entendrons ici, concerne la transformation d’éléments du
milieu naturel en biens utilisables par l’homme. La conservation, au contraire, peut être vue
comme la volonté d’intervenir minimalement dans les milieux pour laisser s’y développer les
dynamiques des écosystèmes.
Derrière cette apparente simplicité se cache une complexité fortement liée à la manière dont
ces dimensions de l’activité humaine se sont institutionnalisées, en particulier en Occident.
Dans ce chapitre, nous ne chercherons cependant pas à analyser la production ni la
conservation dans leur globalité, pas plus que nous ne chercherons à en retracer la genèse
historique. En analysant quelques événements saillants, nous nous pencherons sur la façon
dont les institutions humaines ont impacté la production et la conservation, et comment celles-
ci ont en retour influencé ces institutions. Cela impliquera de s’interroger sur la manière dont
la production et la conservation sont devenues des sphères autonomes en Occident. Cela est
nécessaire pour comprendre l’influence que ces notions ont pu avoir sur le Gabon
contemporain qui y était profondément étranger8.
8 L’Occident, et en particulier la France, a en effet influencé les pays africains. C’est justement le système
dominant axé sur l’économie, le politique, le vestimentaire, le droit, l’éducation, etc., voire la culture occidentale
moderne qui tend à prendre le dessous sur les autres.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
28
Le but n’est donc pas de faire des sociétés occidentales une référence, mais de voir comment
elles ont donné leurs formes aux sphères de la production et de la conservation. C’est fort de
ce détour par l’Europe que nous pourrons nous concentrer sur les pays tropicaux dans lesquels
nous passerons un peu plus de temps afin de mieux « contextualiser » le cas gabonais. En
prenant en compte non seulement l’émergence de ces éléments structurants de la réalité, mais
aussi leurs dimensions économiques, sociales et politiques, nous pourrons comprendre
comment elles façonnent le monde rural gabonais et ses sociétés dites traditionnelles.
Avant de commencer notre argumentaire sur les deux concepts clés de notre travail que sont
la production et la conservation, nous jugeons utile d’expliquer l’utilisation du substantif
« Occident » auquel nous faisons référence. L’ordre actuel des nations qui présente d’un côté
des pays à économie faible et d’un autre côté des pays à économie de marché où domine le
capitalisme trouve son origine dans « les dynamiques économiques mondiales » (Braudel,
1985). Ainsi, le « modèle économique européen » s’est démarqué, grâce à la révolution
industrielle anglaise en dominant tous les continents et leurs économies. Sa domination se fera
ressentir aussi sur tous les autres aspects. C’est donc en référence à cet espace géographique,
aux mouvements qu’il a connus et à leur impact sur le reste du monde, dont les pays
tropicaux, que nous parlerons de l’Occident ou du « monde occidental ».
1. La production, historique, évolution et répercussions dans les
pays du Sud
La production, entendue comme transformation de biens naturels en bien utilisables par
l’homme, n’a pas connu la même histoire ni eu les mêmes impacts sur les sociétés et leurs
économies dans les différents endroits du monde. Il est aussi évident que nous ne pouvons
dresser de façon exhaustive de par le monde un historique de la production, qui constitue un
concept très large et complexe. Notre objectif est d’évoquer des phénomènes significatifs qui
peuvent nous aider à analyser cette dimension. Comment s’est construite l’économie
occidentale pour influencer aujourd’hui l’économie mondiale et plus particulièrement les pays
tropicaux ? En plus des faits précédemment évoqués qui montrent la domination de
l’économie occidentale, nous verrons plus amplement comme elle influence l’économie
mondiale.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
29
1.1. La production et les révolutions agricoles
La production, telle que nous l’entendons, est principalement une activité agricole. Au cours
des derniers siècles, celle-ci a connu, sous l’influence de l’Occident, différentes révolutions
qui l’ont profondément modifiée. Nous nous fondons principalement, pour cette partie, sur
l’ouvrage de Mazoyer et Roudart (1997).
La première révolution agricole de l’époque moderne intervient en Europe avec le
développement de l’industrie dans les pays développés au milieu du XIXe siècle (et dès les
années 1750 pour le Royaume-Uni). Les prairies artificielles et les cultures sarclées (pomme
de terre, betterave) remplacèrent les jachères. De nouvelles machines performantes pour
l’agriculture furent créées ainsi que de nouveaux modes de transports aptes à transporter sur
des longues distances des produits, des amendements agricoles et engrais minéraux. Après
avoir touché l’Europe, les pays dits neufs comme les États-Unis, le Canada, l’Argentine ou
l’Afrique du Sud furent concernés et purent augmenter massivement leurs productions. Ainsi,
le perfectionnement des transports, avec l’arrivée des bateaux à vapeur transocéaniques ou les
chemins de fer transcontinentaux, a permis à ces pays d’écouler à bas prix bon nombre de
leurs productions (laines, huiles, céréales) dans les pays européens. Aussi, la présence des
denrées alimentaires peu coûteuses dans certains pays d’Europe qui représentaient durant
cette période le marché important a-t-elle entraîné une crise agricole. Ainsi plusieurs pays
européens comme le Royaume-Uni ont connu une diminution de productions des produits
périssables, un exode rural, une disparition des petits producteurs et une réduction de la main-
d’œuvre, tandis que d’autres pays comme la France ont mieux résisté à cette mondialisation et
profité de cette situation pour plus se spécialiser dans certaines productions (vin, produits
laitiers, céréales).
La deuxième révolution agricole des temps modernes apparaît dans la première moitié du XXe
siècle. Là aussi le développement de l’industrie a eu un impact considérable sur la production
agricole. La deuxième révolution industrielle et la deuxième révolution agricole sont
profondément liées. Si la généralisation et l’amélioration de la motorisation, la grande
mécanisation et la « chimisation » en sont les bases techniques, cette révolution « [...] a reposé
aussi sur la sélection de variété de plantes et de races d’animaux domestiques tout à la fois
adaptées à ces nouveaux moyens de production industriels et capables de les rentabiliser »
(Mazoyer et Roudart, 1997 : 377). On assista ainsi à l’essor de la production agricole.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
30
La venue et le développement de la motorisation ont permis une plus grande spécialisation
des cultures agricoles en favorisant aussi leurs rentabilités. C’est après notamment la Seconde
Guerre mondiale (1945) que la motomécanisation (motorisation et mécanisation) a pris un
essor considérable dans les pays développés. De plus, l’accroissement des superficies
agricoles et d’élevage a été possible grâce au développement de la chimie dans le domaine
agricole ainsi que de la sélection génétique, occasionnant ainsi une augmentation très sensible
des rendements.
1.2. Bref aperçu de la production dans un système de civilisation occidental
L’Occident est considéré comme une zone géographique regroupant au départ les pays
européens et puis englobant au fil du temps l’Amérique (du Nord et du Sud), l’Australie, la
Nouvelle Zélande. Ainsi, lorsque nous parlons de civilisation occidentale, dans un premier
temps, c’est avec le souci de la distinguer du reste du monde, dont les pays sous-développés.
Mais cette approche est rapidement intenable tant cette civilisation influence le reste du
monde. Or le système capitaliste impacte profondément la sphère de la production. C’est en
effet, l’économie de marché qui organise et oriente la production, et commande la
consommation.
1.2.1. La production dans la civilisation occidentale
Influencée par la mécanisation, la production a été dans le monde occidental créatrice d’un
marché prônant un libéralisme où tout s’écoulerait librement et rapidement. Au travers des
crises importantes que l’Occident a connues (dont celle des années1930), on peut constater les
péripéties de la production et les rôles qu’elle a tenus dans la révolution industrielle.
La production s’est transformée en prenant appui sur les changements sociaux et politiques, et
entrainant à son tour des changements économiques. Elle ne saurait être vue en dehors des
modifications (générant des guerres, des crises économiques, sociales, politiques, et des
perturbations de tout genre) du XIXe siècle qu’a connu la civilisation occidentale (Polanyi,
1983). Ainsi, par exemple, « les remous de la Révolution française [renforcèrent] la marée
montante de la Révolution industrielle pour faire du commerce pacifique un intérêt
universel » (Ibid. : 26). Les sociétés occidentales du XIXe et début XX
e siècles reposaient sur
un système dans lequel le marché autorégulateur constitue son socle et sa matrice. Ce qui
présume que par exemple la terre, le travail et la monnaie deviennent des marchandises
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
31
puisqu’ils génèrent des revenus issus d’une vente. Ces derniers sont considérés comme des
biens utiles à la production, au même titre que tous les autres biens qu’on retrouve sur le
marché. Les prix régulent désormais ce qui est produit puis vendu sur le marché. L’économie
de marché veut donc transformer tout marché isolé, en transformant profondément les
modalités de fonctionnement. Or cette économie naît d’un système dans lequel l’économie
libérale se révèle être à long terme un processus qui se détruit lui-même et détruit également
les sociétés (Polanyi, 1983).
Ces sociétés occidentales se trouvent ainsi bouleversées par les changements qu’entraîne
l’économie de marché. En effet la considération du travail comme un bien ou une
marchandise désorganise la société qui l’a toujours considéré et c’est ce qu’il est la capacité
de l’être humain à transformer.
1.2.2. La production dans l’économie de marché
Toujours en référence à la civilisation occidentale, la production au sens général du terme a
suscité de nombreux et nouveaux outils qui, augmentant les volumes produits, en ont
profondément transformé les logiques de fonctionnement et la place dans la société. La
recherche constante d’innovations a joué un rôle prépondérant dans l’économie de marché,
générant les révolutions industrielles. Ainsi, « [...] au cœur de la Révolution industrielle du
XVIIIe siècle, on constate une amélioration presque miraculeuse des instruments de
production, accompagnée d’une dislocation catastrophique de la vie du peuple » (Polanyi, op.
cit. : 59). En effet, le progrès de la production n’a pas toujours eu des effets positifs sur les
populations.
Dans l’économie de marché, toute la production est destinée à être vendue sur le marché, car
c’est de cette vente que doivent résulter tous les revenus. Mais le marché va au-delà des
productions : il englobe les services, les outils de productions (dont la terre) et la main-
d’œuvre. Le travail a en effet rapidement été considéré comme une marchandise à vendre sur
le marché. En effet, la division de travail favorisée par les échanges et une spécialisation
importante contrainte par la spéculation du marché a permis aux individus de se spécialiser
dans la production des biens qu’il fallait obligatoirement et formellement échanger sur le
marché afin d’obtenir des biens qu’ils ne produisaient pas, mais dont ils avaient besoin. La
société connut ainsi un bouleversement face aux changements qu’exigeait alors ce système
économique. Réduire en effet tout en marchandise pour être commercialisée entraîne une
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
32
modification du fonctionnement des sociétés non confrontées au marché (Sahins, 1976). Les
sociétés occidentales se trouvent ainsi être conduites par un système économique qui va les
marquer profondément. Ces sociétés deviennent dans le même temps des sociétés de marché
et des sociétés de consommation.
Dans cette économie de marché, le marché en soi occupe donc une place dominante et la
monnaie joue le rôle de pouvoir d’achat. Ceci a influencé l’organisation de la société
occidentale. Les rapports sociaux se trouvent ainsi être insérés dans le système économique
qui favorise l’existence d’une société de marché pour que l’économie de marché fonctionne.
Ces sociétés occidentales du XIXe siècle voient se développer le commerce favorisé par
l’industrialisation. Le commerce au travers des échanges devenant plus qu’important a amené
les grandes puissances européennes à échanger entre elles. Même lorsqu’il y avait des
conflits, il fallait continuer les activités commerciales et industrielles. C’est dire que ces
activités qui imposaient de produire davantage pour faire face aux échanges occupaient une
place importante dans les sociétés occidentales dans lesquelles l’économie de marché
dominait. Le milieu du XIXe siècle voit donc l’avènement du libéralisme pour la société
occidentale en général. Ce système balisait déjà la route pour un autre système économique
plus évolué qu’est le capitalisme.
1.2.3. La production dans le système capitaliste
Il existe une distinction entre l’économie de marché et le capitalisme (Braudel, 1985). En
effet, c’est principalement l’action de l’État qui fait prospérer le capitalisme. C’est pour quoi
nous avons choisi de « contextualiser » la production dans l’économie de marché, puis dans le
capitalisme. Comme nous l’avons déjà dit, ce sont les moyens de production, leur distribution
et la propriété privée, qui donnent un sens au capitalisme. Né et employé en Allemagne au
XIXe siècle notamment par Engels (socialiste allemand) ou Max Weber (sociologue et
historien), le capitalisme est un système économique qui se caractérise fondamentalement par
l’accumulation des richesses (revenus), la recherche du profit, le développement de la
propriété privée : le capitalisme est un concept bien complexe qui combine à la fois
l’économie, la politique et la sociologie9.
9 À ce sujet, Perroux disait dans ses écrits que le « capitalisme est un mot de combat ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
33
La mise en place du système capitaliste dans la civilisation occidentale au travers d’une
industrialisation poussée (de telle sorte que l’on parle de capitalisme industriel) a occasionné
une paupérisation extrême des conditions de vies surtout chez les ouvriers et d’autres paysans
qui se retrouvèrent sans terre. Il y eut également des crises de surproduction (notamment celle
de 1825 qui a singulièrement touché l’Angleterre ; celle de 1929). Tout cela accentua
davantage la misère au point que l’État dut intervenir10
pour réguler les choses et favoriser
une amélioration des conditions de vie. La régulation de l’État consiste en effet à inciter
l’investissement tout en évitant les situations de crises (petites et grandes) et à encourager les
échanges mondiaux. C’est également par l’entremise de l’action de l’État que l’accent fut mis
sur les spécificités des modes de production au niveau national.
C’est avec le capitalisme que le commerce mondial s’accentua et prit des proportions
inquiétantes. En effet, la concurrence fait non seulement que les sociétés produisent davantage
pour les écouler sur le marché international, ce qui a entraîné des crises économiques, mais
aussi que celles qui ne peuvent être compétitives se mettent à l’écart. C’est le capitalisme
marqué par le développement de la consommation de masse dans les sociétés qui fait,
qu’aujourd’hui, l’on observe une subdivision des pays en fonction de leur niveau économique
d’abord ; cette domination se doublant (et trouvant son origine) dans une domination
politique.
Le capitalisme est non seulement un système de production, mais aussi une idéologie qui
prône le libéralisme, l’émergence de liberté dans tous les domaines de la vie. Cette idéologie a
impacté tous les aspects de la vie et s’est même souvent trouvée associée aux systèmes
démocratiques modernes. Vue sous cet angle, la civilisation occidentale devint de facto la
« civilisation de référence » pour toutes les autres dans lesquelles influait déjà le système
capitaliste. Après l’Europe du XIXe
siècle, ce sont les pays en développement qui souffrent
aujourd’hui du capitalisme, mais à la différence de l’Europe, ils n’en maîtrisent pas les règles
du jeu et ne peuvent externaliser sur d’autres pays les impacts négatifs de leur système de
développement.
10
L’intervention de l’État dans l’économie pour contraindre une régularisation en vue d’assurer l’équilibre social
surtout chez les plus défavorisés (les ouvriers notamment) marque le « néo-capitalisme ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
34
1.3. La production dans les sociétés tropicales
Ce bref aperçu de la production dans les sociétés occidentales et le contexte économique dans
lequel elle a évolué permet de revenir sur les pays tropicaux qui nous intéressent, et plus
particulièrement, sur les peuples des forêts étudiés par Marshall Sahlins (1976). Bien que la
production dans ces pays n’ait pas connu les mêmes trajectoires que dans les pays
occidentaux, elle a été profondément bouleversée par la colonisation.
1.3.1. La production dans l’économie des peuples forestiers tropicaux
Contrairement à l’opinion générale qui considérait que pendant le Paléolithique la production
des peuples des forêts était très faible, de sorte que ces peuples primitifs ne jouissaient que
d’une économie précaire du « strict minimum », les peuples des forêts, quoi qu’étant
majoritairement chasseurs et cueilleurs, parvenaient tout de même à répondre aisément à leurs
besoins quotidiens (Sahlins, 1976). Leur économie était plutôt « une économie d’abondance »
dans laquelle la « rareté » n’existait pas. En effet, selon Sahlins, la rareté est le produit de
l’économie de marché. Même s’ils n’avaient pas une technologie avancée, ces peuples
forestiers vivaient « confortablement » selon leur époque ; ils connaissaient leur
environnement et « les saisons d’abondance » ou non, et en fonction de cela, ils prenaient des
mesures de sorte qu’ils ne manquaient de rien dans leurs huttes.
De plus, contrairement à ce que déclarait Lowie11
en 1946 sur les chasseurs qui « [...] doivent
travailler beaucoup plus durement pour vivre que les cultivateurs et les éleveurs », ces
derniers déterminent, selon les circonstances (saisons, environnement), le moment et le lieu
idéaux pour chasser. Et donc y consacrent peu de temps.
De notre temps moderne, on observe d’un côté des peuples forestiers vivant dans un
environnement présentant de « bonnes conditions naturelles » et favorisant ainsi leur « bien-
être », et de l’autre, ceux qui habitent dans un milieu peu propice. Dans tous les cas, les
peuples de la forêt luttent quel que soit leur « environnement économique ». Pour les peuples
forestiers que sont des chasseurs-collecteurs, il existe néanmoins une « abondance
matérielle » qui réside « [...] sur la simplicité des procédés techniques et sur le caractère
démocratique de la propriété des moyens de production » (Sahlins, op. cit. : 48) et sur le fait
11
Cité par Sahlins, op.cit. : 44
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
35
que « la division du travail est simple également, le plus souvent une division du travail par
sexe. À cela s’ajoute la généreuse coutume du partage, pour laquelle les chasseurs sont à
juste titre renommés, de sorte que tout le monde participe généralement à la prospérité
générale, telle qu’elle se présente » (Ibid. : 49).
Ainsi les chasseurs-cueilleurs ne consacraient pas plus de temps à se procurer leur nourriture
que les premiers agriculteurs. Parce qu’ils ne connaissent aucune inquiétude quant à leur
survie, qu’ils disposent de beaucoup de temps de loisirs. On ne peut toutefois pas nier le fait
que certains d’entre eux connaissent des difficultés pour se nourrir, surtout si le milieu naturel
ne le permet pas. Cette manière d’être et de faire chez ces chasseurs ne diffère pas vraiment
de ce qu’on peut voir chez les chasseurs-cueilleurs contemporains. En effet, « nous avons vu
que les activités de subsistance, chez les chasseurs, ont un caractère intermittent, un jour on
travaille, le lendemain on chôme ; et les chasseurs contemporains tout au moins ont tendance
à consacrer ce jour de congé à se reposer, à faire un sommeil dans la journée. Dans les
environnements tropicaux où vivent nombre de derniers peuples chasseurs, le ramassage est
moins aléatoire que la chasse. C’est pourquoi les femmes qui font la collecte travaillent à un
rythme plus régulier que les hommes, et ce sont elles qui procurent l’essentiel de la
nourriture » (Ibid. : 77). De même, bien que leur « système économique » puisse paraître
improductif, ces chasseurs trouvent en la « mobilité » et en la « modération » le moyen de
générer « un haut rendement » à leur pratique de production aux techniques sommaires.
Dans les forêts tropicales en dehors des chasseurs-cueilleurs, vivent également d’autres
peuples forestiers que sont des agriculteurs. C’est essentiellement la culture sur brûlis que
pratiquent ces agriculteurs. Nous verrons plus loin en quoi elle consiste et comment elle a
évolué dans le temps et dans l’espace. De façon générale la production issue de cette pratique
agricole est faible. En effet, « les témoignages les plus probants de cette sous-exploitation des
ressources productives émanent des sociétés agricoles, et de celles, plus particulièrement, qui
pratiquent la culture sur brûlis » (Sahlins, op. cit. : 83). Parce qu’il existe une sous-
exploitation de la main-d’œuvre qu’on observe aussi un déséquilibre dans la division du
travail par sexe pour ainsi aboutir à une faible production.
Bien qu’il ait été constaté de façon générale une diversité de formes de sous-production selon
les cultures, les sociétés et les types d’organisations, « les économies primitives » ne sont pour
autant pas des « économies de misère » (Sahlins, 1976). Il est vrai que parler d’« économie »
dans les sociétés primitives ne cadre pas avec la manière dont elle est perçue aujourd’hui dans
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
36
la société moderne, ce qui permet de dire que structuralement l’économie primitive n’existe
pas (Ibid.). Mais si on tient compte de leur « organisation domestique » ou des « composantes
sociales du travail » on peut alors en parler. Car, « de par sa composition, la maisonnée forme
une sorte d’économie réduite qui, confrontée à la progression et à la diversification
techniques de la production, est même susceptible d’expansion : dans certains types de
famille étendue, la combinaison des éléments nucléaires préfigure l’organisation sociale
d’une réalité économique complexe » (Ibid. : 122). C’est une « économie domestique »
limitée par une technologie simple et c’est également cette dernière qui conditionne « le mode
domestique de production ». Dans une telle économie, c’est une augmentation du temps de
travail par chaque producteur, par exemple, qui peut ainsi entraîner une intensification de la
production pour couvrir les besoins alimentaires de la maisonnée. Mais cette intensification
est fonction de plusieurs paramètres pour être atteinte : une plus grande coordination sociale
dont dépend souvent l’économie domestique primitive qu’est le clan, la parenté, etc. qui ont
aussi besoin de structurer le temps de travail pour arriver à une intensification de la
production, afin que les besoins de tous soient satisfaits.
De même, dans les sociétés primitives des forêts, il s’agissait d’une économie non monétaire
et la valeur qu’ont les échanges est tout à fait différente de celle des sociétés occidentales.
Dans cette économie, les échanges représentent « [...] la distribution des produits finis au sein
du groupe, et non pas, comme l’échange marchand, à l’acquisition des moyens de production
» (Sahlins, op. cit. : 239) Ainsi les transactions se fondent-elles sur la « réciprocité12
» et la
« redistribution13
». Cette illustration ainsi faite de l’économie primitive n’est pas exhaustive,
elle peut différer d’un endroit à l’autre. Toutefois, de façon générale on observe ce schéma et
dans la majorité des cas réciprocité et redistribution peuvent se confondre. Par ailleurs,
suivant les sociétés on peut assister à une typologie et à une variabilité de redistribution et de
réciprocité.
De plus, dans l’économie des sociétés primitives, s’observait un « commerce primitif » qui a
permis à certaines contrées d’exister. En effet, le commerce au travers de l’importation du
taro ou du sagou venant des districts de Buakap et de Busama a permis à certains villages du
sud du Golfe de Huon de demeurer (Sahlins, 1976). Au point que Hogbin (1951 : 94)14
12
C’est lorsque deux groupes se donnent mutuellement des biens. 13
Il s’agit pour le chef d’un groupe de procéder à la collecte de biens auprès des membres du dit groupe, puis de
les redistribuer à chacun. 14
Cité par Sahlins, op.cit. : 306
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
37
déclare que « Sans le commerce, la population méridionale [les potiers] ne pouvait guère
survivre dans son environnement actuel ». En plus, le commerce dans nombre des villages de
ce golfe disposait des « taux d’échanges relativement constants », de telle sorte que « dans
tous les villages où se pratique coutumièrement l’échange des tapis d’écorce, des bourses
et/ou des pots, un tapis d’écorce « vaut » quatre bourses, lesquelles valent un petit pot »
(Sahlins, op. cit. : 307). La manière de commercer change aussi selon l’environnement et la
culture. Mais dans certaines sociétés telles que les sociétés mélanésiennes, le « principe de
marché » est presque absent.
Cette évocation de la production et de l’économie chez les peuples primitifs des forêts comme
les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs des sociétés néolithiques a permis de voir la
manière dont s’organisait la « vie économique » en ce temps. Il existe encore de nos jours
plusieurs ressemblances avec les peuples des forêts tropicales qui se caractérisent par la
chasse et la cueillette d’une part, et par l’agriculture d’autre part. Ainsi, dans les lignes qui
suivent nous accordons une attention particulière à l’agriculture telle que pratiquée
aujourd’hui et à son évolution.
1.3.2. L’agriculture et les systèmes agraires des sociétés tropicales
L’apparition des premiers systèmes de culture et d’élevage marque la fin de la Préhistoire et
l’entrée dans le Néolithique. Ainsi, l’agriculture pratiquée au Néolithique s’est faite sous deux
formes principales : les systèmes d’élevage pastoral qui se sont développés un peu partout
dans le monde, notamment dans les milieux d’abondance (herbes dans lesquels on peut
facilement pâturer, milieux de steppes et de savanes par exemple en Eurasie septentrionale, en
Asie centrale, au Proche-Orient ou au Sahara) et les systèmes de cultures sur abattis-brûlis qui
subsistent encore aujourd’hui dans les forêts d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.
Puis par la suite, les changements de systèmes de cultures qui vont tour à tour apparaître ci et
là seront la résultante de l’adaptation des nouvelles manières de cultiver en fonction des
exigences climatiques des différents milieux. C’est le cas des régions arides avec les systèmes
agraires hydrauliques ou des régions intertropicales parfois peu arrosées dans lesquels le
déboisement a conduit à des systèmes de savanes très variés, dans lesquels on trouve des
systèmes de cultures avec houe sans élevage, ou systèmes de cultures avec pâturage et
élevage, etc. C’est aussi le cas des régions tempérés d’Europe où des systèmes post-forestiers
ont été transformés en d’autres systèmes (systèmes de céréaliculture pluviale à jachère
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
38
associés à l’élevage et au pâturage, systèmes à jachère et culture attelée lourde, systèmes de
cultures céréalières et fourragères sans jachère et enfin les systèmes motorisés, mécanisés,
fertilisés à l’aide d’engrais minéraux et spécialisés aujourd’hui)15
. Tous ces systèmes sont dus
aux différentes révolutions agricoles survenues.
Toutefois, de façon générale, tous les systèmes de cultures ont été confrontés au fur et à
mesure aux difficultés que leur occasionnait le marché mondial. De plus, la révolution du XIXe
siècle, celle des transports, n’a fait que créer les inégalités dans ces systèmes, tout en
permettant une augmentation considérable de la production. Au point qu’on parle de crise
agraire générale, puis que la productivité ainsi que les revenus qui en résultent présentaient
déjà des écarts importants. De plus, la deuxième révolution agricole du XXe siècle,
caractérisée par la motorisation, mécanisation, fertilisation minérale et la sélection de même
que la spéculation, n’a fait qu’agrandir les écarts entre les agriculteurs à travers
l’augmentation de la production. En effet, ce sont plus ceux qui étaient moins équipés et
moins productifs qui ont été d’emblée disqualifiés par le système, parce qu’ils ne pouvaient
faire face à la concurrence. De même, leurs revenus se sont complètement effondrés face à la
crise. Si donc dans les pays développés, des dizaines de millions de petits et moyens
producteurs ont été éliminés à cause de la crise du début du XXe siècle, comment pouvaient
s’en sortir les agriculteurs sous-équipés des pays en développement ? Ils ont été à leur tour
confrontés à la crise et complètement mis à l’écart. Ce qui a entraîné de lourdes conséquences
pour ces paysans et leurs milieux. « Exode agricole, chômage, pauvreté rurale et urbaine »
(Mazoyer et Roudart, op. cit. : 18) sont ainsi ces lourdes conséquences observées dans les
pays du Sud.
1.3.2.1. Une production généralement faible
La productivité, comprise comme le rapport entre la production et les facteurs de production
(capital et travail) dans les systèmes agraires, est un très bon indicateur de l’efficacité des
systèmes de production – et des problèmes qui se posent dans les différents contextes.
D’abord, c’est un grand espace qui au départ est défriché pour recevoir les cultures ; mais à la
fin, il ne reste qu’un petit espace cultivable, car les racines et souches non extraites du sol et
les arbres qui n’ont pas été abattus font qu’une importante superficie ne peut pas recevoir de
15
L’ensemble des systèmes cités a été mentionné dans les pages 17 et 18 de l’histoire des agricultures du monde
de Mazoyer et Roudart.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
39
semences. Aussi, l’important travail entrepris pour cultiver n’occasionne qu’à un faible espace
de cultures. Ce sont en général des systèmes qui demandent beaucoup de travail et nécessitent
de gros efforts pour une faible productivité.
De plus, les cultures sur abattis-brûlis sont temporaires, de courte durée. Pour qu’il y ait une
bonne production, il faut que le temps de reconstitution de la jachère soit respecté, c’est-à-dire
vingt à trente ans, voire plus. Une longue reconstitution de la biomasse permet le
renouvellement de la fertilité du sol. Ainsi, lors du débroussaillage, le boisement ainsi
reconstitué permettra aux agriculteurs de défricher que partiellement, c’est-à-dire que leur but
est de parvenir à une éclaircie et de brûler ensuite pour obtenir beaucoup de cendres
bénéfiques aux plantes. De même, le ou les sarclage(s) qui interviendra (ont) au cours du
développement des cultures leur permettra (ont) davantage de bénéficier de la matière
organique qui en résulte. Ce n’est que dans ces conditions qu’une bonne production peut être
assurée et que les agriculteurs peuvent espérer obtenir de meilleurs rendements. Ainsi est-on
sûr de pouvoir perpétuer le cycle de « bonnes » productions, d’année en année, tout en
assurant une la rotation annuelle des cultures. Étant donné que la fertilité des sols des milieux
boisés dans lesquels se pratique l’abattis-brûlis dépend des conditions climatiques et
écologiques de ces milieux, cela nécessite que les agriculteurs usent de méthodes pour obtenir
une production. Une longue jachère est ainsi l’une des méthodes à s’imposer.
Enfin, lorsque le reboisement spontané de la jachère n’a duré que très peu de temps, c’est-à-
dire moins de dix ans au minimum, le défrichement de cet espace nécessite que les
cultivateurs entreprennent un débroussaillement complet et sur un plus grand espace, pour
peut-être pouvoir arriver à une meilleure production. Dans beaucoup de cas, on est face à un
système agraire post-forestier. En effet, le type de groupement végétal obtenu correspond plus
à une savane qu’à une forêt secondaire.
D’importants problèmes de fertilité des sols se posent par la suite ; lorsque le temps de jachère
aura été long, les cendres ainsi obtenues constitueront l’atout des premières cultures de base
mises en terre. Les cultures secondaires, qui seront plus tard ensemencées, ne bénéficieront
que d’une faible fertilité résiliente. Il est vrai que ces agriculteurs n’accordent que très peu de
valeur à ces cultures secondaires qui ne sont là que juste pour dépanner. Ce sont par contre les
cultures principales, dites de base qui, dans le cas de faibles rendements, vont faire le grand
malheur d’une famille. Si la durée des jachères diminuent davantage, c’est-à-dire se retrouve
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
40
en dessous de dix ans ou même moins de six ans, il faudrait que les agriculteurs repensent à
un autre moyen que le brûlis pour fertiliser leurs sols.
1.3.2.2. La déforestation, une des conséquences immédiates des cultures sur abattis-
brûlis
La déforestation est l’une des résultantes des systèmes agraires abattis-brûlis. Le fait qu’une
forte densité d’agriculteurs soit amenée au travers des rotations de cultures à rechercher
davantage des parcelles cultivables favorise les actions de déforestation. De plus, la
diminution des temps de jachère poussant alors les cultivateurs à défricher de plus vastes
espaces conduit aussi à favoriser la déforestation. Sans oublier qu’il y a des milieux très
fragiles dans lesquels les actions de déboisement ou de déforestation sont très dangereuses. En
effet, « Le déboisement entraîne en général non seulement une réduction de la fertilité du sol,
mais encore l’apparition ou l’aggravation de l’érosion et, dans certains cas, un assèchement
du climat. Ces phénomènes sont très variables, plus ou moins marqués et plus ou moins
graves selon les milieux » (Roudart et Mazoyer, op. cit. : 121).
La déforestation est commune aux pratiques agricoles. Elle favorise des conséquences
écologiques et climatiques, qui varient d’un milieu à l’autre. L’appauvrissement du sol
occasionnant une réduction de la fertilité est l’une des conséquences immédiates de la
déforestation dans le domaine de l’agriculture. En effet, surtout dans les zones les plus
chaudes, on observe une diminution de quantité de cendres après le brûlis et d’humus dans le
sol pour des courtes jachères. Les milieux déboisés favorisent de même l’érosion des sols, les
pluies tombant directement sur le sol dénudé sans aucun effet « d’amortissement » d’une
couverture végétale (« l’effet splach »). Cela favorise de même le ruissellement superficiel
des eaux de pluie, aboutissant dans certaines zones à fortes précipitations à des inondations.
Mais dans d’autres milieux boisés, l’érosion peut favoriser « les dépôts d’alluvions et de
colluvions qui se forment au bas des pentes et dans les vallées [et] peuvent aussi contribuer à
élargir et à enrichir les terres cultivables » (Mazoyer et Roudart, op. cit. : 122).
Le sens que prend la production apparaît donc profondément contingenté selon les périodes
historiques et selon les sociétés. La vision selon laquelle la production est indépendante des
autres composantes de la société (le social par exemple), liée à l’accumulation des richesses et
au commerce à grande échelle, est particulière au capitalisme dans les pays occidentaux et
dans les sociétés qui sont sous leur dépendance. Mais la production n’a pas toujours été
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
41
entendue dans ce sens : elle peut représenter pour les sociétés de chasseur-cueilleurs une
simple composante de la vie matérielle à laquelle on consacre le temps nécessaire pour
parvenir à la subsistance. Ces sociétés, en se transformant par l’agriculture, peuvent changer
radicalement leurs rapports aux milieux sans toutefois entrer dans l’économie capitaliste. La
production prend donc un sens profondément différent selon les sociétés.
2. La conservation, historique, évolution et répercussions dans le
monde tropical
L’hypothèse que nous développerons dans cette partie est la suivante : de la même façon que
l’autonomisation de la sphère de la production a été le produit d’une certaine période de
l’histoire de l’Occident (Sahlins, 1972 ; Polanyi, 1944), l’autonomisation de l’environnement
dans les politiques de conservation en est une plus récente, née là encore en Occident et qui
s’étend dans les pays du Sud de la même manière que le capitalisme a pu le faire à une
certaine période. Or, de la même manière que l’autonomisation de la sphère de la production a
posé des problèmes, l’autonomisation de l’environnement peut conduire à des exagérations
surtout si elle se produit sans prise en compte des populations rurales.
2.1. Vision de la nature et de sa conservation dans les pays occidentaux
Les conceptions de la nature et de ses rapports avec l’homme sont multiples et diffèrent selon
les cultures et les milieux. Avant d’évoquer la conservation dans le monde tropical, nous
illustrerons la manière de gérer des espaces naturels dans le monde occidental. Il existe, en
Occident, une grande diversité quant aux visions de la nature. Mais en termes de protection de
la nature, la matrice commune à bien des conceptions trouve son origine en Amérique du
Nord.
Les recherches de Stéphane Héritier (2009) permettent d’illustrer nos propos. Il existe au
Canada une tradition ancienne engagée relative à la protection de la nature, qui s’est
manifestée peu de temps après la création du premier parc national étatsunien (Yellowstone,
créé en 1872). De sorte qu’en 2006, on relève quarante trois parcs pour une superficie de plus
de 245 000 km². Mais il faut dire que la stratégie canadienne de créer des aires protégées
repose sur un fondement solide amorcé dès 1885, date de la promulgation de la loi sur les
Parcs nationaux. Une agence nationale, Parcs Canada, a pour une mission d’appliquer les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
42
dispositions prises pour sauvegarder l’environnement. Un débat a cependant fait jour, très tôt
en Amérique du Nord, entre préservation et conservation. Pour les uns, une aire protégée doit
être préservée de toute intervention, voire de présence humaine. Pour les autres, la
conservation implique que certaines activités y soient interdites, mais que d’autres peuvent
être autorisées. Pour les décideurs canadiens, la conception de la conservation a eu peu d’écho
jusque dans les années 1950.
Cela n’a cependant pas résolu les tensions entre production et conservation, qui est
constitutive de la création des parcs nationaux canadiens. Les ressources forestières, minières
contenues dans les réserves, permirent à l’activité économique de se développer dans le pays.
En outre, « La construction de la ligne du chemin de fer par la compagnie du Pacifique
Canadien fut à l’origine de la création et de la mise en tourisme des premiers parcs
nationaux canadiens. Ainsi furent créés les parcs connus aujourd’hui sous le nom de Bannf,
Yoho, Glacier, pour ne citer que les plus anciens » (Héritier, 2009 : 96-97). Les parcs
nationaux participèrent au développement du Canada en favorisant l’activité économique par
l’intermédiaire des compagnies ferroviaires. Mais tout en voulant associer la protection des
aires protégées à l’activité économique, on observe des années 1930 aux années 1960 des
positions contradictoires dans le choix des activités à proscrire ou à encourager dans les aires
protégées. Par exemple, les activités minières sont prohibées dans les réserves tandis que les
activités forestières et touristiques y sont permises, voire incitées.
Toutefois, il y eût un renversement de tendance après les années 1960, qui permit de faire
significativement évoluer la vision canadienne sur les aires protégées. Favorisée par les
mouvements politiques d’une part, et sociaux, d’autre part, favorables à la protection de
l’environnement, l’État fédéral canadien reconsidéra les espaces protégés comme étant des
« espaces de nature sauvage » dans lesquels plus aucune activité économique ne serait
autorisée si ce n’est le tourisme. Ainsi, le passage du développement économique au
développement durable posa des interrogations et favorisa des oppositions et des tensions, de
telle sorte qu’il eût trois groupes de pensées. Le premier considéra qu’il était nécessaire
d’encourager l’activité économique pour le développement économique de la communauté;
le second prônait l’interdiction absolue de l’activité économique dans les aires protégées pour
assurer la pérennité des écosystèmes. Enfin, le dernier groupe prit une position intermédiaire,
en se déclarant favorable à l’activité économique tout en favorisant la protection de
l’environnement.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
43
Dans les années 1970, la vision canadienne pour la protection des espaces protégées fut claire
et plaça le développement durable au centre de la régulation de l’environnement. Aussi, dans
les années 1980, « les parcs nationaux canadiens se sont dotés de plans de gestions précis
fondés sur l’examen approfondi des ressources et des menaces propres à chaque parc »
(Héritier, op. cit. : 99). Ceci plaça les questions environnementales au cœur des « affaires
nationales ». Les espaces protégées du Canada montrent qu’il s’agit d’un réseau d’aires
protégées bien pensé dont la maturité s’est manifestée au fil du temps de manière à ce qu’il
s’inscrive dans une volonté politique de gérer raisonnablement la nature et de favoriser
l’économie nationale. Il symbolise également pour la population un patrimoine national. De
plus, la volonté de mettre 12 % du territoire canadien en réserve montre bien l’intérêt national
vis-à-vis de la protection de l’environnement et du grand enjeu politique que cela représente.
Les plans de gestions dont sont dotés les parcs nationaux canadiens illustrent la maturité de
l’État fédéral canadien à anticiper des solutions à d’éventuelles difficultés qui peuvent être
rencontrées sur le terrain. Ces plans de gestions ont été établis au bénéfice de toutes les parties
(la population, les acteurs économiques, les conservateurs et l’administration). Aussi, les
tensions observées, notamment dans le parc de Banff dans les domaines du foncier,
l’immobilier ou de l’économie, avaient-elles des solutions anticipées dans le but de maintenir
l’ordre et la paix dans ce milieu. Ainsi le « bon gouvernement » dont font preuve les
responsables locaux de Parcs Canada constitue un exemple à suivre surtout pour les régions
dans lesquels l’établissement des Parcs nationaux a suscité des tensions et continue de les
alimenter.
Enfin, pour finir avec l’exemple du Canada, les plans de gestions de ses parcs sont
« complets » car ils tiennent compte aussi bien des besoins de la société que de ceux de
l’économie et de l’environnement. Mais la force d’une telle œuvre réside dans le fait qu’il
existe des textes législatifs veillant à la stricte application de ces plans. Ainsi, la restauration
de « l’intégrité écologique », notion chère à la politique de protection, vise particulièrement le
développement durable des écosystèmes. En effet, « cette situation est le résultat d’une
longue lutte entre les partisans du développement économique et ceux de la protection de la
nature » (Héritier, op. cit. : 102). Donc la vision du peuple canadien sur la conservation de la
nature, qui repose sur une longue histoire, a permis aujourd’hui d’aboutir à une « gestion
raisonnée et proactive » de leurs écosystèmes. Alors que plusieurs pays sont encore entrain de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
44
lutter sur ce qui qu’il faut plutôt promouvoir entre conservation et développement, le Canada
lui, a d’autres batailles.
2.2. De l’origine de la culture conservationniste occidentale des espaces aux
politiques environnementales dans les pays tropicaux
Les écosystèmes naturels sont globalement fragiles, mais ceux des pays tropicaux le sont plus
encore. Ces milieux sont fragilisés principalement du fait du déboisement. La FAO estime que
les forêts tropicales perdent environ chaque année 17 millions d’hectares16
à cause de la
déforestation. Suite à cela, les pensées politiques, éthiques voire personnelles qui partent de ce
constat sont diverses, d’autres sont inspirées par différentes visions des rapports hommes /
milieux. De plus, le plus souvent, ces conceptions sont à l’opposé de celles des populations
locales, qui pourtant ont intérêt à protéger leurs milieux parce qu’elles en tirent leur
subsistance. Les peuples des pays tropicaux ont cependant d’autres préoccupations telles que
l’amélioration des conditions de vie et les difficultés que génère la pauvreté à surmonter. La
considération des préoccupations environnementales qui impose l’application de ces
politiques ne peut être efficace si les problèmes de ces populations ne sont pas pris en compte
et résolus.
Ainsi, étant donné que ce sont les paysages ruraux qui sont les plus convoités pour accomplir
des actions de conservation environnementale, les ruraux des pays tropicaux se voient
notamment obligés de gérer désormais leurs espaces en prenant en compte les injonctions
environnementales. Après avoir été des espaces consacrés à une exploitation intensive au nom
de la production, ces espaces courent le risque de devenir des espaces de préservation
excessive. Parcs, réserves etc. sont alors imposés dans les milieux ruraux avec de fortes
restrictions, parfois au détriment des populations locales. Ce fut le cas de l’implantation des
aires protégées en Asie du Sud-Est, et au Vietnam en particulier, qui a eu des enjeux pour les
populations locales. Elles se sont vues en effet marginalisées à cause des politiques de
conservation dont le but était d’atténuer la forte pression humaine sur les ressources
naturelles, de les sédentariser et de favoriser leur intégration socio-économique dans le
16
http://www.fao.org/ag/againfo/programmes/fr/lead/toolbox/Grazing/Deforest.htm
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
45
territoire nationale. En effet, il y a eu « de principaux changements socio-économiques qui se
sont produits dans cette région depuis la mise en place du parc : sédentarisation et
modification de l’accès au foncier, transformation des moyens de subsistance, ainsi que
l’augmentation et l’intensification des liens avec l’extérieur (de la région) » (Dévy et
Tremblay, 2008 : paragraphe 21). Même si l’objectif était de sauver les ressources naturelles
dans un environnement très peuplé, mais le parc national Bi Doup-Núi Bà a aussi contribué à
bouleverser le milieu de vie de ces populations et à modifier leurs traditions, repères et
ressources.
Les pays occidentaux par contre ont un autre regard sur la protection de l’environnement.
Pour eux, l’idée du bien-être rime avec le développement et toute la technologie qu’ils ont
jusque là connue. En effet, leur développement touche tous les aspects de la vie : économie,
politique, culture, sociale. De telle sorte qu’ils façonnent même certains milieux « naturels »
pour se récréer, se divertir, faire du tourisme. Tout va dans le sens du développement
économique. C’est dans ce contexte que Rossi déclare : « C’est parce que nos sociétés sont
moins directement dépendantes de la nature « sauvage » pour leur développement et leur vie
économique que nous pouvons lui trouver d’autres finalités et d’autres utilisations » (Rossi,
2000 : 18). Mais dans les pays « du Sud » à l’instar des pays tropicaux, les choses ne sont pas
perçues et vécues de la sorte. Les rapports de l’homme au milieu naturel ne sont pas
médiatisés par la technologie comme ils peuvent l’être dans les pays dits du Nord. Il existe
alors des rapports hommes - milieux que seuls eux-mêmes sont capables de définir et de
conserver.
2.2.1. Les objectifs généraux de la conservation dans les pays tropicaux
Avant d’analyser les grands objectifs sur la conservation des ressources naturelles dans les
pays tropicaux, il est judicieux d’avoir un bref aperçu des milieux naturels de ces pays. Les
forêts tropicales se trouvent majoritairement dans quatre ensembles biogéographiques,
constitués de l’Afrique continentale, Madagascar et les quelques îles, ce qui forme
l’Afrotropical ; puis l’Australie, la Nouvelle-Guinée et les îles pacifiques qui forment
l’Australien ; l’Inde, le Sri Lanka, l’Asie continentale, et l’Asie du Sud-Est formant
l’Indomalayan ; et enfin, le Neotropical qui regroupe l’Amérique du Sud, l’Amérique
Centrale et les Petites Antilles. Mais on peut retrouver des forêts tropicales dans d’autres
parties du monde autres que les pays tropicaux comme dans les régions tempérées (États-
Unis, ex URSS). Néanmoins, lorsqu’on parle souvent des forêts tropicales, on fait beaucoup
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
46
plus allusion à ces importantes biocénoses humides des pays tropicaux très divers qui ont
quasiment des caractéristiques identiques. Le climat est notamment l’une des caractéristiques
importantes des forêts tropicales. Le climat tropical ou subtropical en référence aux
températures plus élevées, est marqué par une température constante moyenne, autour de
25° C toute l’année, et par des saisons d’hiver et d’été très pluvieuses ; mais un temps très sec
domine le reste du temps. À l’intérieur de ce climat « global », on trouve de spécificités
climatiques, telles que le climat équatorial, le climat de mousson tropical ou le climat tropical
de savane. L’expression climacique de la couverture végétale est calquée sur ces
caractéristiques ; d’où par exemple les zones marquées par les forêts tropicales humides.
Ces petites différences contenues dans le climat tropical font que l’on rencontre également
une diversité de ressources notamment végétales et des écosystèmes parfois différents. Mais
dans tous les cas, les forêts tropicales se distinguent des autres forêts d’une façon générale,
par une importante végétation très stratifiée et très divergente. La stratification végétale
comprend des grands arbres, de la canopée, du sous-étage, de la couche d’arbrisseaux et du
tapis forestier. Elle bénéficie aussi d’une quantité énergétique solaire favorable à la
photosynthèse des plantes. Ce qui permet aux plantes de fixer le carbone ; c’est le premier
rôle de production des écosystèmes primaires. En effet, les forêts tropicales ont l’avantage par
rapport aux autres types de végétations d’emmagasiner plus de carbone (De Wasseige et al.,
2009).
2.2.1.1. L’arrêt de la dégradation de l’environnement naturel de la planète
L’environnement global connaitrait des perturbations telles que des transformations profondes
pourraient y être apportées, à une ampleur telle que nombre de fondements sur lesquels
reposent nos civilisations pourraient être remis en cause. L’environnement se présente en
effet, comme un milieu de vie conditionné par plusieurs éléments naturels (biologie, chimie,
physique), sociaux, culturels et économiques, agissant sur les êtres vivants. Si des événements
catastrophiques ont toujours touché les hommes vivant sur terre (inondations, tremblements
de terre, tsunamis, sécheresse, désertification) le risque que ces événements se développent à
grande échelle et à un rythme de plus en plus soutenu est grand. Toutes ces situations
interpellent l’opinion internationale, dans le but de trouver des solutions aux problèmes
environnementaux qui surviennent tout en expliquant en amont les causes qui ont mis en route
ces conséquences.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
47
Le Millenium ecosystem assessment (évaluation des écosystèmes pour le millénaire) a
regroupé plus de 1300 scientifiques de 95 pays, de 2001 à 2005, pour un programme
d’évaluation qui devait faire le point sur la dégradation de la biodiversité et des services
écosystémiques. Fondé sur le même principe que le GIEC, il a conclu comme ce dernier sur
l’existence d’une très forte et rapide dégradation des écosystèmes naturels du fait de l’action
anthropique (Millenium Assessment, 2005). Dans les milieux ruraux, les excès de la
production sont souvent mis en cause : exploitation abusive et incontrôlée des terres
cultivables engendrant l’appauvrissement des sols, le développement de l’érosion ;
surpâturage non maîtrisé ; déforestation ; mais aussi urbanisation, avec une conversion de
l’usage de ces espaces. Ainsi, les conséquences que génèrent ces actions au travers des
catastrophes citées plus haut se répercutent à tous les niveaux. La conservation et le respect
des écosystèmes deviennent notamment les solutions envisagées pour protéger
l’environnement. La reconnaissance officielle de la dégradation de l’environnement à une
grande échelle a donné une légitimité nouvelle aux objectifs de conservation, qui ont pu
devenir un outil central des politiques de conservation de la nature promues par les
Conférences internationales.
2.2.1.2. Vers un équilibre climatique
Les forêts tropicales humides participent « directement » par la fixation du dioxyde de
carbone mais aussi indirectement (par leur déforestation, ne libérant ce même élément stocké)
à la stabilité du climat Le dioxyde de carbone étant le facteur dominant du réchauffement
climatique, ces forêts sont donc indispensables pour préserver le climat mondial en luttant
contre ce réchauffement. Toutefois, l’action de ces forêts se manifeste aussi aux échelles
régionale et locale par leur impact sur les microclimats, par la présence des pluies et par la
régulation des températures.
De plus, par leur transpiration et donc le rejet d’eau dans l’atmosphère, les forêts tropicales
humides participent ainsi de maintien et à la régulation du cycle de l’eau. Le rejet d’eau
découlant de la photosynthèse participe aussi à la formation de nuages de pluie qui à son tour,
re précipite sur ces mêmes forêts. C’est pourquoi, en Amazonie par exemple, « 50 à 80 % de
l’humidité demeure dans le cycle de l’eau de son propre écosystème » (USGS)17
. Aussi la
17
United States Geological Survey (Institut d’études géologiques des Etats-Unis)
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
48
préservation de la nature est-elle de même bénéfique au cycle de l’eau, la déforestation de ces
forêts diminuant l’humidité atmosphérique.
2.2.2. Principaux acteurs de la conservation dans le monde tropical
Les acteurs de la conservation dans le monde tropicale sont multiples. On distingue les
organismes internationaux, les organisations non gouvernementales, les organismes privés, les
collectivités locales ou les populations, chacun d’eux avec ses actions et ses obligations.
2.2.2.1. Les organismes internationaux et leurs actions dans les pays tropicaux
Avant d’évoquer les organismes internationaux qui interviennent et agissent dans les
politiques environnementales tropicales, nous passons en revue quelques principales
conventions internationales qui les ont mises en route.
Nous avons vu que c’est sous l’égide des Nations-Unies que se met en place un cadre pour
promouvoir les organismes internationaux et des actions en faveur de la conservation des
ressources tropicales. En effet, pour atteindre le développement durable, les forêts tropicales
furent retenues comme pouvant jouer un rôle fondamental. Ainsi, parmi les huit objectifs
arrêtés par les États des Nations-Unies, aussi appelés « objectifs du Millénaire pour le
développement », les forêts tropicales, plus directement liées aux objectifs no 1 et n
o 7,
peuvent contribuer à lutter contre la pauvreté et la faim, tout en favorisant le maintien d’un
environnement « soutenable ».
La conservation des forêts tropicales va donc entrer dans le plan d’action du Sommet Mondial
du Développement Durable (SMDD) de Johannesburg de 2002 par cette assertion finale du
sommet : « [elle] est un objectif essentiel du développement durable » et « un moyen critique
d’éliminer la pauvreté, de réduire sensiblement le déboisement, de faire cesser la perte de
diversité biologique des forêts et la dégradation des sols et des ressources naturelles et
d’améliorer la sécurité alimentaire et l’accès à une eau salubre et à des sources d’énergies
abordables »18
. D’où autant de défis à relever pour les politiques environnementales
tropicales.
18
Livre blanc sur les forêts tropicales humides, p. 17
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
49
Sur le plan international, certains départements des Nations Unies œuvrent au travers des
principes et actions « convergents » pour sauvegarder l’immense patrimonial naturel qui va
au-delà des limites nationales que sont les forêts tropicales. Parmi ces départements de l’ONU
figurent la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui
porte un intérêt sur les questions forestières. Elle a donc un comité qui s’occupe de la rubrique
forêts, appelé Comité19
des forêts de la FAO. On l’appelle COFO. Il y a aussi l’UNESCO
(Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture) à travers la
Convention20
du patrimoine mondial de 1972 réunit dans un même document « la protection
de la nature et la préservation des biens culturels ». Elle intègre dans son champ la
conservation des écosystèmes. C’est dans cette optique que plusieurs sites naturels et aires
protégées dans le monde tropical furent placés sous la protection de l’UNESCO et considérés
comme patrimoine mondial. Toutefois, la finalité de l’UNESCO n’est pas la préservation de
l’environnement et la lutte pour les équilibres globaux, mais la préservation d’environnements
exceptionnels.
C’est plutôt particulièrement au Forum des Nations unies sur les forêts (FNUF) crée en 2000 et
au COFO que les problématiques sur les forêts et notamment sur les forêts tropicales sont
soulevées et traitées. De plus, la convention sur le commerce international des espèces de
faune et de flore menacées d’extinction (CITES) lutte également en faveur de la gestion de la
biodiversité tropicale, par la réglementation commerciale de quelques espèces de bois. C’est
dans ce sens que fut adopté un accord international sur les bois tropicaux (AIBT) en 1996. Le
but de cet accord est de favoriser la dominance des bois vendus sur le marché issus des forêts
gérées durablement. Ce qui permit la mise en place d’une Organisation internationale des bois
tropicaux (OIBT) dans le but de perpétuer les forêts tropicales.
On observe donc une gamme d’intervenants et institutions intergouvernementaux qui
s’intéressent aux questions forestières ; et comme les milieux terrestres tropicaux abritent les
plus riches espèces notamment de la flore, on retrouve alors leurs représentants dans nombre
19
C’est un comité qui fut établi en 1971 suite à la première conférence de la FAO en 1945 au cours de laquelle
les questions forestières furent abordées. L’objectif principal du comité de forêts est « d’examiner
périodiquement les problèmes forestiers de caractère international et de donner des avis au Directeur général
sur le programme de travail à moyen et long termes de l’Organisation dans le domaine de la foresterie, ainsi
que sur l’exécution dudit programme », D’après la FAO. 20
Cette convention naît de l’association de deux mouvements qui étaient au départ distincts, respectivement
défendant les sites culturels menacés et la conservation de la nature. De façon générale, la convention stipule
qu’il faut préserver l’équilibre existant entre l’homme et la nature car ils sont en interaction.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
50
de pays tropicaux. Ainsi, le Programme des Nations unies sur le développement (PNUD), le
Programme des Nations unies sur l’environnement (PNUE), des organismes de recherches
internationaux tels que le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), l’Union
internationale des instituts de recherche forestière (IUFRO), sans oublier les institutions
financières comme la Banque mondiale, le Fond international de développement agricole
(FIDA), ou l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), etc. sont autant
d’institutions internationales qui traitent tous des problèmes de forêts, mais chacune d’elle a
une fonction différente.
Ces institutions intergouvernementales se heurtent néanmoins à des « chevauchements
juridiques et institutionnels » au point que sur le terrain on n’observe pas un grand
changement. Le « système forestier international » tel qu’il existe aujourd’hui est d’une
complexité telle que son efficacité s’en trouve remise en cause (Smouts, 2001). De plus, les
positions des acteurs qui interviennent dans les questions forestières sont souvent opposées,
par rapport au lien fait entre l’activité économique des pays tropicaux et l’exploitation des
ressources forestières. Effectivement, « les positions des acteurs impliqués dans ce débat
apparaissent souvent divergentes, voire contradictoires, notamment en ce qui concerne la
nature même des aspects économiques des forêts à mettre en valeur au moyen de l’éventail
des instruments des politiques forestières. Schématiquement, le jeu des acteurs peut être
résumé ainsi » (Guéneau, 2004). En conséquence, les uns (les gouvernements des pays
tropicaux) justifient l’exploitation des ressources naturelles qui occasionne leur
développement économique, les autres (les pays développés) mettent plutôt l’accent sur la
conservation de ces ressources. « Face à l’absence d'objectifs partagés par les catégories
d'acteurs sur la valorisation économique des forêts tropicales, force est de s’interroger sur
les différentes options de valorisation économique des forêts tropicales » (Idem). Et même,
les sociétés forestières, les ONG écologistes, les populations forestières, les autorités locales,
ont des opinions divergentes sur le débat.
Par ailleurs, « les organisations de coopération bilatérales et multilatérales cherchent à
promouvoir le développement durable et à mettre en œuvre les recommandations issues des
négociations internationales, comme les sommets de Rio et de Johannesburg, notamment à
l’aide d’incitations financières » (Guéneau, 2004). Mais l’incitation financière doit être au
départ marquée par une valorisation économique des biens et services forestiers issus des
forêts tropicales, et des marchés doivent être multipliés pour soutenir la gestion durable des
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
51
ressources forestières tropicales. De plus, lutter contre la pauvreté des populations locales fait
partie des prérogatives des acteurs du système international forestier parce que cela évitera
aux populations de prélever de façon anarchique les ressources forestières. Il existe toutefois
des limites à ces actions. Ce sont des populations économiquement faibles qui continuent de
dépendre en majorité de leurs forêts. Ainsi, l’absence de politiques efficaces de lutte contre la
pauvreté fragilise davantage les politiques environnementales qui sont en vigueur dans les
pays tropicaux.
Pour rendre plus efficaces les décisions internationales prises à l’endroit des forêts tropicales,
des initiatives régionales et locales naissent. C’est par exemple le cas des pays du Bassin du
Congo qui travaillent ensemble en favorisant des partenariats entre le public et le privé pour
aboutir à une gestion durable de leurs forêts, s’appuyant ainsi sur les décisions prises lors du
Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002. C’est le cas du
partenariat pour les forêts du bassin du Congo (PFBC). C’est un partenariat international qui a
été lancé en septembre 2002, il rassemble les dix pays membres de la commission des forêts
d’Afrique centrale (COMIFAC). Ce partenariat regroupe aussi les délégués des institutions de
recherche, les adhérents du secteur privé, les agences des pays donateurs, des ONG et les
organisations internationales. Son objectif est d’apporter un appui technique à travers ses
membres pour faciliter les actions de la COMIFAC qui est l’organe régional dont la mission
est d’orienter et d’harmoniser les politiques forestières et environnementales dans la région.
Cette mission vise principalement à conserver et gérer durablement les écosystèmes forestiers
du bassin du Congo.
Depuis quelques temps, on observe un engouement de la part des dirigeants de l’Afrique
Centrale par rapport à leurs forêts21
. En février 2005 notamment, a lieu à Brazzaville, le
Sommet des chefs d’États d’Afrique centrale sur les traces de la COMIFAC22
. À cet effet, ces
chefs d’États ont tenu à montrer leur engagement quant à la préservation de leurs
écosystèmes, au point de parler désormais de la Commission des forêts d’Afrique Centrale
21
Il s’agit des forêts appartenant au Bassin du Congo, qui abrite une importante biodiversité. 22
La Conférence des Ministres des Forêts de l’Afrique Centrale.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
52
(COMIFAC). De même en Amérique latine au travers de l’Organisation pour le traité de
coopération amazonien (OTCA)23
ou en Asie du sud-est à travers l’appui du gouvernement
japonais des initiatives identiques sont fréquentes.
Par ailleurs, encourager le développement des coopérations entre pays du Sud est l’optique
choisie par les pays tropicaux pour ainsi défendre plus efficacement une même cause : la
gestion durable de leurs ressources. C’est dans cette perspective que c’est tenu du 29 Mai au 3
Juin 2011 à Brazzaville le Sommet des trois bassins forestiers tropicaux que sont l’Amazonie,
le Bornéo-Mékong et le Congo. Durant ce sommet, l’accent a été mis sur la nécessité pour ces
pays de favoriser un cadre leur permettant de travailler, d’échanger des informations et
d’inciter une coopération entre eux, afin d’obtenir des résultats plus concrets, palpables par
rapport à la gestion durable de leurs forêts. De plus, les chefs d’États des pays tropicaux qui
étaient présents ou leurs représentants24
n’ont pas manqué de montrer le bénéfice de la gestion
durable des forêts tropicales pour les pays tropicaux eux-mêmes. Ils ont également attiré
l’attention des pays développés sur leur responsabilité face aux changements climatiques.
2.2.2.2. Les organisations non gouvernementales dans le monde tropical
Dans ce paragraphe, nous présenterons d’abord les interventions des ONG internationales,
puis les actions des ONG nationales dans le monde tropical.
2.2.2.2.1. Les ONG internationales dans le monde tropical
Le concept d’ONG ne possède pas « une définition unanimement reconnue » (Chartier, 2002)
et guère plus de « catégorie juridique » par opposition aux organisations internationales qui
sont définies dans le droit international (Ryfman, 2004). Le terme ONG prend en compte
plusieurs « organisations de nature diverse ». Malgré cette diversité d’organisations, on peut
retenir qu’une ONG est « [un] organisme privé indépendant à but non lucratif, à caractère
associatif et d’utilité nationale ou internationale et dont sa création ne relève pas d’un accord
intergouvernemental ou d’un gouvernement » (Chartier, 2002 : 3). C’est à la fin du XIXe
23
Cette coopération naît en 1995 à Lima faisant suite au Traité de coopération amazonienne (TCA) de 1978.
L’OCTA se donne comme objectif de favoriser le développement durable des espaces des pays comme la
Bolivie, le Brésil, le Pérou, la Surinam et le Venezuela, pays qui avaient préalablement signé le Traité. 24
En effet plus de 18 pays étaient présents à ce sommet, d’après : http://www.redd-
services.info/fr/content/sommet-des-trois-bassins-forestiers-tropicaux
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
53
siècle, début XXe siècle qu’apparaissent les ONG, mais le concept a été utilisé pour la
première fois en 1945 avec l’établissement de la Charte des Nations Unies, « […] remplaçant
ainsi le terme d’association internationale utilisé jusque-là » (Ryfman, 2004). Toutefois, les
ONG internationales très reconnues en matière de conservation tels que la Wildlife
conservation society (WCS), le World Wildlife Fund (WWF), Conservation international ou
Greenpeace, ou d’autres représentations dont l’objectif commun est la conservation de la
nature ont un impact considérable dans l’évolution des politiques environnementales. C’est en
Amérique du Nord ou en Europe occidentale que se trouvent en effet les ONG très puissantes
et très actives qui agissent sur le plan international parce qu’elles reproduisent les
problématiques environnementales des lieux d’où elles sont issues.
Ces ONG se repartissent en trois groupes, celles qui interviennent nationalement et d’autres
qui ont des activités internationales ponctuelles ; celles qui sont spécifiquement
internationales mais agissent tout de même dans les nations comme Greenpeace ou le WWF ;
celles qui interviennent dans la recherche et le conseil politique (WRI). Nombre d’entre elles
ont atteint leur hégémonie grâce aussi à leur expertise fournie aux gouvernements (WWF,
UICN, WRI) (Le Prestre, 2008). « Bien que leur présence soit très visible et qu’elles soient
les premières à revendiquer un rôle considérable, l’influence véritable des ONGE est difficile
à appréhender et varie en fonction de leur nature, de la question traitée, des tactiques
utilisées et des forums où s’exerce leur action » (Le Prestre, op. cit. : 107). Leur influence est
donc plus limitée (Arts, 1998)25
parce qu’elles sont confrontées à plusieurs obstacles tels que
le fait qu’elles sont obligées de faire alliance avec des États et que ce sont ces derniers qui
définissent leurs modes d’interventions.
Mais, quelques actions positives de ces ONG peuvent être citées. L’UICN qui est l’ONG
« emblématique » parmi toutes les autres, a notamment significativement influencé le fait que
« la définition de la conservation soit élargie aux questions de développement des populations
du Sud dans certaines conventions, comme celle de la conservation de la nature et des
ressources naturelles en Afrique » (Chartier et Ollitrault, 2005: 96). C’est aussi à elle qu’on
peut attribuer la paternité du développement durable (Le Prestre, op. cit.). C’est dire que
l’action des ONG « conservationnistes » est capitale. Ce sont elles qui ont en effet ont permis
25
Cité par Le Prestre, op.cit. : 112
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
54
que la dimension sociale soit désormais prise en compte dans les politiques de conservation
qui autrefois étaient « très rudes », car elles n’envisageaient que « la préservation pure ».
Toutefois, ces ONG n’agissent pas de façon isolée pour faire évoluer les politiques
environnementales, elles agissent en coalition avec d’autres différents types d’acteurs.
Dans plusieurs pays tropicaux, ces acteurs internationaux de la conservation ont plusieurs
partenariats et travaillent en synergie avec le public tout comme le privé. Beaucoup d’entre
elles sont si « puissantes » qu’elles agissent tant sur les scènes nationales qu’internationales ;
aussi, leur impact sur les politiques mondiales forestières et environnementales (dont les
zones tropicales) est très important. Pour illustrer l’implication et l’influence des ONG
internationales dans une zone appartenant au monde tropical, nous pouvons nous appuyer sur
l’analyse faite par Denis Chartier sur l’action de Greenpace en Amazonie, en prenant toutefois
certaines précautions : il demeure en effet « périlleux » de monter en généralité une seule
étude de cas. Il existe en effet un amalgame au sein du substantif « ONG » qui tend à prendre
en compte aussi bien les organisations non gouvernementales qui sont liées aux
gouvernements et dépendent d’elles et celles qui sont « juridiquement reconnues comme ONG
mais représentantes d’entreprises commerciales associées pour défendre un secteur industriel
particulier » (Chartier, 2005: 104). Mais dans tous les cas, Greenpeace est un bel exemple
pour montrer l’influence des ONG internationales sur les politiques forestières, même si, en
ce qui concerne les forêts tropicales elle est parfois confrontée à des contestations de la part
des autres ONG, lors des discours internationaux (Chartier, 2005).
Greenpeace s’est effectivement singularisé à partir de ses travaux sur les forêts primaires à
protéger, et particulièrement sur les forêts tropicales humides amazoniennes, auxquelles elle
consacre nombre de ses campagnes depuis le milieu des années 1990 jusqu’à nos jours. Dans
cette action, elle a deux batailles. D’abord, elle incite les gouvernements à s’engager dans une
« éco-certification », c’est-à-dire une politique qui permettra la cessation de « l’exploitation et
le commerce illégal des produits issus des forêts anciennes », ce qui amènera les
gouvernements à financer la conservation des forêts primaires. Ensuite, sa deuxième mission
est de favoriser au travers de la sensibilisation un moyen qui permet de se faire « des opinions
publiques » pour « influencer les principaux décideurs des politiques forestières ». Mais pour
y arriver cette ONG use de « discours manichéens » pour attirer l’attention sur « les
problèmes » mais sans parfois montrer « leur complexité » (Chartier, 2005). C’est par
exemple le cas avec l’emploi du substantif « forêt » dans ses travaux défini comme étant « des
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
55
forêts qui se sont établies grâce aux événements naturels et qui sont très peu touchés par
l’homme » (Greenpeace, 1991 : 1)26
. Cette démarche utilisée par l’ONG a pour principe de
montrer que l’état actuel des forêts est l’œuvre destructrice de l’homme. Or, cette manière de
faire ne tient pas en compte plusieurs paramètres tels que le processus de « coévolution » au
fil du temps, et fait qu’une ONG aussi importante et forte dans ses discours utilise « des
représentations simplistes » pour diffuser des phénomènes qui lui tiennent à cœur. De plus, il
a été démontré à travers « les travaux sur les peuples des forêts tropicales » notamment de
(Balée, 2005 ; Bahuchet et al., 2001)27
que l’homme peut être à l’origine d’un écosystème.
Donc ne plus le considérer seulement comme un « destructeur » mais aussi comme « un
créateur » permettrait de faire l’analyse sous un autre angle. Mais, si Greenpeace s’organise
tout comme une multinationale, et que la nature de ses discours est notamment ciblée sur un
public précis, comment ne pas s’interroger sur son influence sur les politiques forestières ?
Parce qu’étant peu influentes, d’autres organisations qui aimeraient aborder la question
autrement en tenant compte de « l’action anthropique » notamment manquent de crédibilité
auprès des bailleurs.
Toutefois, on peut tout de même percevoir l’action de l’ONG sur la forêt amazonienne.
L’enjeu de la déforestation a ainsi amené des ONG à l’instar de Greenpeace à s’intéresser à
cette zone. D’après un travail qu’elle a mené pendant trois ans, Greenpeace démontre que
« l'élevage bovin est responsable à 80 % de la destruction de la forêt amazonienne »28
. Ce
rapport fait donc passer le Brésil comme le quatrième pays émetteur des gaz à effet de serre
au travers de ses activités économiques « anarchiques », car il possède un grand « cheptel
commercial au monde ». Donc par ce rapport de Greenpeace il montre que « 90 % de la
déforestation annuelle en Amazonie est illégale » et résulte de « l’exploitation forestière
commerciale » (Greenpeace, 1998).
Pour mieux agir contre cette exploitation, afin d’obtenir des résultats attendus, Greenpeace a
travaillé avec « des groupes locaux brésiliens». Ainsi, par exemple pour protéger le mahogany
au travers de « la labellisation FSC (Forest Stewardship Council) », avec l’aide locale
Greenpeace a fait une contre-campagne face aux entreprises du bois. Notons que c’est le
marché anglais qui est le premier consommateur mondial du mahogany (Padua, 1997) et donc
26
Cité par Chartier, 2005 : 107 27
Idem. 28
D’après En Amazonie : http://www.greenpeace.org/france/fr/campagnes/forets/fiches-thematiques/en-
amazonie/
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
56
l’action de Greenpeace était aussi de contraindre ce marché anglais. Cette contre-campagne a
eu un effet positif et s’est même étendue à l’ensemble de l’Europe. Ceci a donc permis au
gouvernement brésilien de publié dès 1996 « un moratoire de deux ans sur le permis
d’exploitation pour le mahogany et le virola en Amazonie (moratoire prolongé par la suite) »
(Chartier, op. cit. : 109). Finalement en 2000 l’action de Greenpeace commence à montrer des
signes positifs notamment avec le gouvernement anglais qui est contraint de garantir que do-
rénavant dans ses marchés, il ne fera usage que « des produits certifiés issus d’une gestion
durable ». Et en 2002, « le mahogany a aussi été protégé par son inscription en Annexe II de
la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore
sauvages menacées d’extinction) » (Idem). De plus l’influence de cette ONG a été perçue non
seulement sur les programmes politiques nationaux ou internationaux, mais aussi sur quelques
multinationales qui ont été amenées à « changer de politique » à « la demande des
consommateurs ». Ainsi, Ikéa qui est un groupe, qui occupe la première place dans
l’ameublement a pris l’engagement de n’utiliser que le bois provenant « des forêts gérées
durablement et certifiées par le FSC ». De même, le groupe Lapeyre, leader de la revente du
bois amazonien dans le marché européen a pris le même engagement en 2000 (Chartier,
2005).
Toutefois, c’est lorsque Greenpeace emploi ses « discours et propositions manichéens »
qu’elle est discréditée. Mais pourtant lorsqu’il s’est agit d’aider les populations de Porto de
Moz pour la création de la plus grande réserve extractiviste amazonienne, Greenpeace leur a
apporté son aide pour qu’elle soit reconnue par le gouvernement. En effet, sur le terrain
Greenpeace a fait preuve de soutien pour aider ces communautés locales « pour communiquer
et défendre leur projet en toute sûreté » (Chartier, op. cit. : 114). Même si la « représentation
divergente » que ces communautés et Greenpeace ont respectivement de cette réserve, fait que
pour les premiers cette réserve leur permet « de sortir de l’isolement » et de pénétrer dans la
« société de consommation », pour le deuxième, c’est-à-dire Greenpeace, cette réserve est
« une solution optimale de la préservation de la forêt ». On voit bien là que ces « acteurs
environnementaux » n’ont pas les mêmes priorités. De façon générale les ONG se définissent
par la rivalité.
2.2.2.2.2. Les ONG nationales
D’abord développées en Occident, les ONG sont apparues dans les pays du Sud où elles se
sont multipliées à partir des années 1990 (Demenet, 2001). Et aujourd’hui « pas moins de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
57
50 000 ONG seraient présentes dans les pays du Sud » (Canovas, 2008). De sorte qu’on parle
d’ « ONG du Sud ». Mais cette dénomination révèle d’une complexité qui s’est manifestée au
fil du temps pour aujourd’hui illustrer deux catégories. L’une composée uniquement
« jusqu’au début des années 1990 [des] ONG "intermédiaires" qui faisaient office d’"ONG
d’appui" » (Ryfman, 2004 : 54). L’autre catégorie est par contre composée « [des]
organisations locales, dont l’action est de portée nationale, [qui] sont venues se greffer » à
l’appellation d’ONG du Sud (Ibid.). Ces deux catégories se distinguent ainsi par « leur
provenance » (Canovas, 2008). Ce sont également des ONG qui naissent à cause « de besoins
concrets concernant une population donnée ou un secteur d’activité » (Canovas, 2008 : 105).
Les ONG dont « l’action est de portée internationale sont des antennes locales d’ONG du
Nord financées principalement par ces dernières auxquelles elles se rattachent ainsi que par
des bailleurs de fonds internationaux. Pour ces grandes ONG occidentales, l’idée est de se
développer dans un "monde multipolaire" ; ce développement se faisant en partie par
nécessité » (Zufferey, 2011 : 8). C’est à cette catégorie que se rattachent nombre d’ONG
internationales que nous avons analysées plus haut. Et c’est également dans ce cadre que
beaucoup d’entre elles agissent dans les pays du Sud, à l’instar des pays tropicaux. Mais il y a
aussi de l’autre côté, « celles dont l’action est de portée uniquement locale. Il s’agit alors
d’organisations associatives émanant de la société civile locale et faisant appel à des
bailleurs de fonds locaux. Dans ce cas, ce sont des structures relativement indépendantes par
rapport aux protagonistes du Nord » (Idem). C’est sur ce deuxième groupe que nous allons
cette fois nous focaliser. Mais il arrive aussi que nombre d’ONG locales ou nationales
reçoivent des aides financières provenant des bailleurs de fonds des pays développés. Le
problème de financement est en effet le problème récurrent des ONG du Sud ce qui les rend
dépendantes (Zufferey, 2011). Sauf quelques unes de ces ONG dans certaines régions du Sud
parviennent à trouver des fonds locaux « auprès de donateurs locaux (riches entrepreneurs,
propriétaires terriens, commerçants, professions libérales, classes moyennes émergentes,
entreprises) » (Ryfman, op.cit.: 55).
Cet ensemble d’acteurs agissant loin du cadre de l’État et du commerce forme la société
civile. Lorsqu’on parle en effet de société civile on voit d’abord les ONG et les mouvements
populaires (Zufferey, op.cit.). Toutefois ce substantif se réfère à une hétérogénéité d’acteurs
qui se présentent comme des contre-pouvoirs des gouvernements. Ainsi, la multitude des
conceptions sur la société civile permet d’illustrer quelques représentations de la société
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
58
civile : « les définitions sont multiples : associations, tiers secteur, acteurs non étatiques,
organisations non gouvernementales, secteur non lucratif » (Planche, 2007 : 8). Mais la
Banque mondiale a élargi sa définition à un ensemble représentatif d’acteurs. On peut
toutefois considérer que la société civile est un « ensemble des individus et des groupes,
organisés ou non, qui agissent de manière concertée dans les domaines social, politique et
économique, et auxquels s’appliquent des règles et des lois formelles ou informelles. »
(Brodhag et al., 2009 : 209). Toutefois, la plupart du temps il se crée des partenariats entre
l’État, le secteur privé et la société civile (Zufferey, op.cit). Ce qui fait que « les ONG du Sud
reçoivent environ dix milliards de dollars par l’intermédiaire des gouvernements, des organes
de l’ONU, des fondation privées et des ONG internationales » (Premchander, 2005 : 15).
Ce constat fait sur l’ensemble des ONG du Sud est également valable pour les ONG locales
ou nationales environnementales se trouvant dans les pays tropicaux. Pour recevoir un
quelconque financement ces ONG doivent remplir certaines conditions et c’est surtout dans
les domaines de « l’égalité des sexes ou à la préservation de l’environnement » que l’on
constate plusieurs conditionnalités de financement (Demenet, 2001). C’est pourquoi plusieurs
ONG du Sud (internationales, locales ou nationales) spécifient leurs champs d’actions
beaucoup plus vers l’aide au développement. Mais, actuellement ce sont plutôt « la
préservation de l’environnement et la défense des droits humains [qui] prennent de
l’importance » (Ryfman, 2004). Ce sont plus précisément les ONG nationales agissant dans le
domaine de la protection de la nature qui nous intéresse.
Cet exemple de Greenpeace longuement cité précédemment a montré l’influence que peut
avoir une ONG internationale importante dans les décisions gouvernementales ou
internationales ou encore auprès des acteurs économiques. Mais les défaillances que l’on peut
observer au sein des ONG internationales montrent aussi leurs contradictions sur les
politiques forestières tropicales (Chartier, 2005). Ainsi, il y a besoin d’efficacité de la part
d’autres acteurs environnementaux que sont les ONG nationales, pour que des politiques
efficaces soient adoptées dans le monde tropical, en vue de meilleurs résultats.
Il est clair que les ONG internationales de grande envergure présentes dans les pays du Sud
dont le financement, les performances ainsi que l’expérience sont de qualité, soient plus
influents sur le terrain. Leurs actions sont notamment nettement visibles, contrairement à
celles des ONG nationales. Greenpeace en est un exemple. « Grâce à sa grande maîtrise des
outils de communication contemporains, grâce aux importants moyens de transport dont elle
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
59
dispose, grâce à la cohésion du groupe et à l’internationalisation de ses activités,
l’organisation peut agir simultanément, à tout moment et n’importe où sur la Terre »
(Chartier, op. cit. : 4). Avec l’apport des ONG internationales expérimentées, les ONG
nationales dans les pays tropicaux en dépit des difficultés auxquels elles sont confrontées
procèdent à la sensibilisation, à l’éducation et à la formation des concitoyens dans le domaine
de l’environnement.
2.2.2.3. Les autres acteurs de la conservation (administrations publiques, les entreprises
privés et les populations locales)
Dans cette partie, nous évoquerons trois autres types d’acteurs différents qui agissent aussi
pour protéger l’environnement. Le fait que nous les avons regroupés dans cette partie ne
signifie pas qu’elles œuvrent de la même manière. Mais nous avons juste voulu différentier
leurs actions des ONG (nationales et internationales), pour voir si elles sont significatives.
2.2.2.3.1. Les administrations publiques
Les administrations publiques sont celles qui agissent au compte des gouvernements et donc
des pays dans lesquels elles sont. L’INSEE les définit comme étant l’« ensemble des unités
institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou
d’effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Elles tirent
la majeure partie de leurs ressources de contributions obligatoires. Le secteur des
administrations publiques comprend les administrations publiques centrales, les
administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale »29
.Il peut
toutefois exister des différenciations dans l’organisation étatique de chaque pays du monde
tropical, mais tous les pays tropicaux rencontrent cependant presque les mêmes problèmes
environnementaux.
En effet, il a été remarqué que la déforestation accrue que connaissent les pays tropicaux est
un « facteur historique » qui résulte du « non respect des lois du secteur forestier et de la
faible gouvernance vis-à-vis des ressources forestières » (Blaser, FAO et OIBT, 2010 : 8).
Faire donc appliquer ces lois et instaurer leurs gouvernances est le principal défi des
29
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/administrations-publiques.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
60
administrations des pays tropicaux. Ainsi, les gouvernements des pays tropicaux font face aux
« délits forestiers » qui se manifestent par « l’ignorance des règles et des règlements aux
pratiques frauduleuses, en passant par l’abus de pouvoir et l’exploitation et le commerce
illégaux des produits » (Idem : 4). C’est pour cette raison que ces gouvernements participent à
plusieurs activités (forums et processus internationaux) dans l’optique de trouver des solutions
au non respect des lois forestières et à leur gouvernance, sans lesquelles les politiques
environnementales auront du mal à avoir du succès dans le monde tropicale. Mais ces lois ne
sont pas identiques dans l’ensemble des pays tropicaux. Nous voyons dans le tableau ci-après
l’état de ces lois dans les différentes régions tropicales.
Tableau 1 : Évaluation conjointe des principaux éléments contribuant au manque de
conformité aux lois forestières dans les cinq régions
Afrique
Centrale
Afrique de
l’Ouest
Bassin
amazonien
Méso amerique Asie du Sud
Est
Incohérences des
politiques/ cadre
législatif
Identifié comme
obstacle
important
Identifié-
comme
obstacle
important
Les politiques
et le cadre
législatif
doivent être
harmonisés
Identifié comme
obstacle
important
Identifié comme
obstacle
important
Capacité
d’application
insuffisante
Capacité limitée
(formation,
financements)
Identifié
comme
obstacle
important
Les institutions
doivent être
renforcées
Identifié comme
obstacle
important
Manque de
surveillance
indépendante,
carence de
financements
Manque de
données,
d’informations,
de connaissances
Informations
généralement
non disponibles
Identifié
comme
obstacle
important
Identifié
comme qualité
requise
importante
pour la GFD
Manque
d’informations
surtout au
niveau
communautaire
Identifié comme
obstacle
important
Corruption Mentionné par
certains pays
Identifié
comme
obstacle
important
Non identifié
en tant que
problème
Mentionné par
certains pays
Interférence
politique
reconnue
Distorsion du
marché
Considéré
comme
problème par
les exportateurs
de bois
Problème au
niveau régional
Non identifié
en tant que
problème
Approche
régionale
nécessaire
Non identifié en
tant que
problème
Source : FAO et OIBT, 2010
Ce tableau montre que chaque région du monde tropical a ses menaces et ses défis. Ainsi, en
ce qui concerne l’Amazonie, ce sont le problème foncier (propriété et utilisation du sol) et la
déforestation qui, produisant une « insécurité juridique », sont des handicaps au respect des
lois forestières. En effet « les restrictions d’accès aux ressources forestières imposées par la
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
61
législation favorisent les comportements illicites » (Blaser, FAO et OIBT, 2010 : 12). En
Afrique centrale par contre le non respect des lois forestières se manifeste chez tous les
acteurs de la société (administrations, populations, sociétés). Mais il existe une forte
différence entre les pays d’Afrique centrale qui sont beaucoup plus portés vers l’exploitation
forestière à cause de l’importance des ressources forestières et ceux à « couvert forestier peu
réduit », par rapport à la « conformité aux lois forestières ». Dans les pays où la forêt est peu
dense, la pression démographique favorise une forte exploitation forestière illégale. Il y existe
également une absence d’organisation dans les branches du gouvernement (législatif, exécutif
et judiciaire). De façon générale, dans les pays d’Afrique centrale, les hommes politiques sont
très peu engagés dans les politiques forestières.
Il est vrai que ces dernières années, face aux enjeux climatiques, les gouvernements des pays
tropicaux font des efforts considérables pour rendre concrètes les politiques
environnementales et pour matérialiser les accords et conventions qu’ils ont conclus à
l’international. Il y a cependant de gros handicaps de tout ordre qui entravent le respect à
l’environnement. C’est pourquoi, les ONG revendiquent un « renouveau cosmopolitique de la
politique et de l’État » (Beck, 2003 : 13) en devenant elles-mêmes « les principaux
promoteurs d’un abandon nécessaire de l’optique nationale » (Chartier, 2005a : 333). En
effet lorsqu’elles sensibilisent et dénoncent, les ONG contribuent à l’établissement « d’un
renouveau de la politique » auprès de tous les acteurs de la société (individus, gouvernements,
entrepreneurs commerciaux). Ainsi le défi des ONG devient de penser le monde en
considérant la singularité.
L’absence de volonté politique dans plusieurs de ces pays tropicaux se présente aussi être un
réel handicap à l’application des lois forestières ainsi qu’à leur gouvernance. Ainsi, les cadres
législatif et institutionnel incohérents et faibles, la corruption observée dans le secteur privé
tout comme dans les institutions gouvernementales, les anomalies du marché des produits
ligneux, ainsi que l’absence d’informations concernant les ressources forestières, sont autant
de problèmes qui limitent l’avancée des politiques environnementales dans les pays tropicaux.
Devant ces problèmes les gouvernements des pays tropicaux doivent agir au plus vite afin
d’éviter toutes les conséquences que cela génère dans le social, l’économie et dans
l’environnement.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
62
2.2.2.3.2. Les entreprises privées
Les gouvernements sont les principaux propriétaires des forêts dans la majorité des pays
tropicaux. Ainsi, pour que des entreprises privées entreprennent des activités d’exploitation de
bois, il faudrait qu’elles disposent des concessions. En effet, dans plusieurs tropicaux,
l’exploitation de bois se présente comme une importante source de revenus, c’est pour cela
que les gouvernements « continuent à accorder d'importantes concessions en deçà de leur
prix de marché » (Butler, op.cit). Ainsi, une étude faite par (FAO, WRI, 2005) montre que les
petites et moyennes entreprises (PME) forestières dans les pays tropicaux sont « les plus gros
employeurs dans le secteur du commerce national et international des produits de bois »
(Molnar et al., 2005 : 11). En Inde par exemple, ces PME représentent 95 % des activités
forestières (Saigal and Bose 2003) et en Ouganda, la grande majorité des PME forestières sont
des micro-entreprises, ainsi le total de ces PME s’élève à 511 530 (Auren and Krassowska,
2003). Cela montre la place importante qu’occupe l’activité forestière dans nombre de pays
tropicaux. Elle reste capitale pour l’économie locale et nationale. Mais la foresterie est
également utile à l’économie mondiale où elle participe à 2 % dans le PIB mondial et révèle
3 % du commerce international (Butler, op.cit.).
Les entreprises forestières sont confrontées à deux contraintes auxquelles elles doivent faire
face : les lois forestières locales qu’elles doivent respecter, et les contraintes que leur impose
le marché international (« exigences croissantes en matière de traçabilité, nouveaux marchés
"verts"… ») (Guéneau, 2004). C’est pour quoi les entreprises forestières participent aussi aux
politiques environnementales qui ont cours dans les pays dans lesquels elles sont implantées.
C’est aussi aux gouvernements de ces pays de veiller à ceux que ces acteurs respectent les lois
et politiques arrêtés pour la protection des forêts.
Si pour les gouvernements des pays tropicaux, le développement économique au travers des
ressources forestières est très important, pour les pays développés par contre, conserver les
biens et services écologiques issus des forêts tropicales est essentiel. Toutefois les enjeux
économiques entravent la gestion durable des forêts tropicales. C’est pour cette raison que
l’Aménagement durable des forêts de production (ADF) est l’outil pour permettre aux
différents acteurs qui ont des intérêts opposés de parvenir à gérer durablement les espaces
forestiers tropicaux. « Pourtant, force est de constater que cet outil peine à percer dans les
pays tropicaux. L’une des raisons évoquées concerne la prise en charge du coût de
l’aménagement par l’exploitant privé, dans des pays où les systèmes de gouvernance sont
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
63
faibles, où la concurrence avec des opérateurs parfois peu scrupuleux est posée et où les
risques de l’investisseur sont élevés » (Guéneau, op.cit.). Mais les décisions prises par les
gouvernements des pays tropicaux notamment à Rio de Janeiro sur le développement durable
des forêts tropicales ont obligé ces gouvernements à mettre en place des réformes forestières.
En effet, l’une des actions de ces reformes est d’ « améliorer le rôle de la fiscalité comme
instrument de la gestion durable des forêts tropicales » (Idem). Ces réformes ont toutefois
favorisés des débats importants, car le « coût des externalités environnementales » mis en
place par l’ADF peut plutôt favoriser le développement de l’exploitation illégale des bois des
forêts non aménagés au détriment des bois des forêts sous aménagement.
Dans cet ordre d’idées, l’organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) pour atteindre
l’ADF dans les pays membres tropicaux, avait appuyé une étude « sur la gestion des forêts de
production de bois » depuis 1987, mais elle va élargir au fil du temps la portée de son étude
qui visera tous les objectifs par rapport à la GDF30
(Blaser, et al., 2001). Parmi les 65 pays
tropicaux dans lesquels se trouvent la grande majorité des forêts tropicales fermées31
, 33 sont
membres de l’OIBT et l’ensemble de leur superficie représente 85 % de la superficie totale
des 65 pays tropicaux réunis. Ainsi, dans certains pays, « la production de produits certifiés »
ainsi que sa valeur élevée permettrait dans un premier de temps de bénéficier de cette mesure
et dans un second d’ « assurer un avenir viable au secteur des bois tropicaux provenant de
forêts naturelles» (Blaser et al., 2001 : 29). De plus sur le marché des consommateurs de
nouvelles législations sont élaborées et appliquées pour donner la crédibilité aux produits
ligneux des forêts sous-aménagement. Malgré la divergence des données dans les estimations,
constatée à la FAO ou au PNUE-WCMC, mais dont les conclusions sont plus ou moins
convergentes, l’OIBT considère que « Dans l’ensemble, on estime que 131 millions
d’hectares du DFP (domaine forestier permanent)32
de production en forêt naturelle font
30
L’OIBT (2005) considère que la DGF est un « processus consistant à aménager des terres forestières
permanentes en vue d’un ou de plusieurs objectifs de gestion clairement définis concernant la production
soutenue de produits et services forestiers désirés sans excessivement porter atteinte à leurs valeurs intrinsèques
et leur productivité future et sans entraîner trop d’effets préjudiciables à l’environnement physique et social. ».
Dans cette définition, l’OIBT ne tient pas compte des forêts localisées dans les aires protégées intégrales. 31
L’OIBT définit une forêt fermée comme « une forêt dont le couvert arboré couvre 60 % ou plus de la surface
au sol, projeté verticalement ». 32
Pour l’OIBT les pays doivent constituer un domaine forestier permanent qu’elle définit comme étant les
catégories de terres (publiques ou privées) qui « comprennent des terres affectées à la production de bois et
autres produits forestiers, à la protection des sols et de l’eau et à la conservation de la diversité biologique, ainsi
que des terres qui ont pour objectif de remplir une combinaison de ces fonctions ». En effet, ces terres « doivent
être garanties par la loi et conservées sous couvert forestier permanent ». Ainsi, l’OIBT distingue deux types de
DFP : le DFP de production qui prend en compte les forêts naturelles et les forêts plantées quantifiées
distinctement ; et le DFP de protection est « la superficie de forêt située à l’intérieur des aires protégées
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
64
l’objet de plans d’aménagement, soit 35 millions d’hectares de plus depuis 2005» (Idem)). Il
est donc constaté qu’entre 2005 et 2010 le DFP de production a augmenté sa superficie de
production en forêt naturelle dans chaque région des pays tropicaux. Ce qui signifie que dans
ces régions la superficie de forêt certifiée a augmenté, montrant une progression de 63 %.
C’est notamment en Afrique que cette hausse s’est faite le plus remarquer avec une forêt
certifiée passant de 1,48 million à 4,63 millions d’hectares, ce qui a triplé la superficie.
Toutefois cette hausse constatée n’exclut pas le fait que dans certains pays comme la Bolivie
ou le Mexique la surface de forêt certifiée a diminué.
Quant au DFP de protection, « en 2010, la superficie estimée du DFP de protection dotée de
plans d’aménagement forestier (51,9 millions d’hectares) est nettement plus élevée que
l’estimation de 2005 (17,8 millions d’hectares) » (Ibid.: 31). Par ailleurs, les concepts de
REDD ou mieux REDD+ qui en 2005 étaient encore balbutiants dans les débats en ce qui
concerne les forêts tropicales, se voient dorénavant constituer des programmes englobant des
actions en faveur du développement, dans le but que les forêts tropicales jouent leur rôle
d’atténuateur et d’adaptateur du changement climatique.
Même si la politique internationale concernant la gestion des forêts tropicales a largement
évolué (OIBT, 2011) au point que l’on observe des efforts afin d’aboutir à la GDF dans le
monde tropical, il subsiste encore de gros handicaps pour que cette GDF soit au point. En
effet, certains pays membres de l’OIBT (tels que RDC, Cambodge, Guatemala) connaissent
encore des difficultés d’ordre institutionnel pour aboutir à une GDF. Force est de constater
que dans nombre de pays tropicaux l’exploitation illégale des ressources forestières reste
encore dominante en dépit des lois forestières qui existent. En effet, « une forme
particulièrement importante de corruption concerne l’allocation des droits d’utilisation des
forêts, notamment pour les licences d’exploitation forestière et l’octroi des concessions. De
plus, les fonctionnaires chargés de faire respecter les lois étant peu ou irrégulièrement payés,
ils pourraient être tentés d’arrondir leurs fins de mois de façon illicite. Des pouvoirs
discrétionnaires excessifs et le manque de mécanismes pour la résolution des différends et des
conflits peuvent aussi conduire à la corruption » (Blaser, FAO et OIBT, 2010 : 11).
désignées, où la production de bois et autres formes d’exploitation des ressources telles que l’exploitation
minière ou la chasse commerciale ne constituent pas des affectations légales des terres ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
65
2.2.2.3.3. Les populations locales, l’exemple des EFC
Les populations locales participent aussi à la protection de l’environnement. Autrefois exclues
ou moyennement inclues, les populations locales forestières avec la contribution des ONG ont
été ces derniers temps amplement sollicitées.
Les peuples forestiers dépendent majoritairement des biens et services des forêts. Ils les
consomment puis vendent les produits forestiers pour subvenir à leurs besoins. En outre, les
populations forestières peuvent bénéficier de « quelques retombées » dues aux activités
forestières. Dans la même optique, à cause de ces activités elles peuvent aussi profiter des
biens publics (routes, infrastructures). Tout comme les autorités locales, elles peuvent parfois
percevoir « une partie des redevances forestières versées par les entreprises » (Guéneau,
op.cit.). Depuis des temps immémoriaux, les populations forestières participent à
l’aménagement et à la protection des forêts. Avec les réformes foncières ainsi que « les
transferts de compétences aux échelons locaux » qui ont eu lieu depuis un moment, nombre
de ces populations se voient devenir propriétaires de multiples petites entreprises forestières
dont elles-mêmes sont les exploitants. C’est dans cet ordre que dans les pays tropicaux
apparaissent les Entreprises forestières communautaires (EFC). Ces EFC sont en effet une
sorte de PME en expansion dans ces pays. Les EFC sont ainsi « une source principale ou
complémentaire de revenus pour des millions de personnes habitant les massifs forestiers »
(OIBT, 2007). Elles emploient donc plusieurs personnes en les aidant à améliorer leurs
conditions de vie.
Les EFC montrent aujourd’hui plusieurs « atouts incomparables » dans le monde rural
tropical, même si elles sont confrontées à des difficultés qui limitent leurs actions (Molnar et
al., 2005). Ces EFC favorisent ainsi la gestion communautaire des forêts. Cette gestion
encourage d’une part l’économie rurale et d’autre part la conservation des forêts.
Contrairement à l’industrie privée, la gestion communautaire des forets à travers ces
entreprises produit plusieurs biens et services environnementaux. Elle assure notamment la
création d’emplois, et favorise la cohésion, l’équité et même l’investissement sociaux, utiles
au développement rural. Parce que les populations forestières voient les valeurs économiques
des ressources forestières qu’elles se présentent aussi comme des acteurs importants à la
préservation des forêts dans les milieux à forte biodiversité. « C'est ainsi que nombre d'entre
elles visent à développer des liens de marché et des lignes de production pour les essences
dites secondaires dans un souci de préserver sur le long terme la biodiversité et la santé
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
66
écologique de leurs forêts » (Molnar et al., 2005 : 63). Pour y arriver, elles font référence à
leurs connaissances traditionnelles. La plupart des activités des EFC se focalisent de 10 à
50 % sur l’exploitation du bois et des produits non ligneux. Mais pour les des anciennes EFC,
elles ont su diversifier leurs activités (Idem).
La contribution des EFC dans la conservation de la biodiversité dans les pays tropicaux est
importante. Parce qu’elles multiplient les meilleures manières de protéger leurs ressources
forestières que par exemple « elles s’investissent pour réduire les risques de feux de forêt »
(Molnar et al., op.cit.: 8). Elles sont encouragées dans leur processus par l’OIBT sous la
demande de l’Accord international sur les bois tropicaux. Dans ce sens, « L’organisme The
Rights and Resources Initiative (RRI) est une nouvelle coalition mondiale d’organismes
communautaires, de conservation et de recherche ayant pour vocation de favoriser les
réformes des régimes fonciers appliqués aux forêts et celles des politiques publiques et
commerciales qui s’y rattachent, cela dans l’intérêt du développement social et de la
conservation de la nature » (OIBT, 2007). Enfin, l’action des EFC dans les pays tropicaux
engendre des avantages sociaux et environnementaux. Ce sont alors des partenaires de la
gestion environnementale à considérer. Elles reçoivent des aides techniques et financières
extérieurs, de l’Etat, des ONG et des bailleurs de fonds internationaux et donc sont soumises à
certaines contraintes de leur part. Mais dans les pays où il n’existe pas encore de véritables
révisions du foncier ou dans lesquels les politiques ne favorisent pas la gestion
communautaire forestière, les EFC ont du mal à émerger. Dans le tableau qui suit nous
pouvons apprécier l’apport des EFC par région en matière de conservation.
Tableau 2 : Comparaison entre les superficies forestières conservées par les
communautés et les aires publiques protégées Région Forêts
conservées par
des
communautésa
(’000 ha)
Superficies
forestières en
2000b
(FAO/
WCMC)
(’000 ha)
Forêts dans
des aires
publiques
protégéesb
(’000 ha)
Pourcentages
de forêts
conservées par
des
communautés
Pourcentage
de forêts dans
des aires
publiques
protégées
Afrique 33 650 76 5,7 11,7 Asie 156 548 50 28,5 9,1 Amérique du sud 155 886 168 17,5 19 Mexique/Amérique
centrale 26 60 12 30 12
Monde 370 3 869 479 9,7 12,4 Sources :
Molnar et al., 2005
FAO, 2001 ; statistiques pour le Mexique/ l’Amérique centrale extrapolées à partir des données pour l’Amérique du
Nord
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
67
Comparablement aux investissements des bailleurs de fonds internationaux et des
gouvernements, les communautés d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique investissent
considérablement dans les aires protégées. Si dans certains pays tropicaux, les EFC se
développent malgré quelques difficultés et parviennent même à lutter contre l’exploitation
illicite (Molnar et al., 2005), dans d’autres par contre, ils sont confrontés à d’énormes
difficultés tant financières que techniques et foncières. Dans d’autres cas la pauvreté continue
de grandir en milieux ruraux fragilisant ainsi les populations rurales ainsi que leur
environnement.
2.2.3. La conservation dans les sociétés tropicales
Généralement lorsqu’on parle d’aire protégée, on fait allusion à un espace biologique donné,
délimité, ayant un statut bien particulier, qui se singularise par sa qualité de faune ou de flore
aquatique ou non, susceptible de favoriser le tourisme naturel. Elle entre ainsi dans la liste des
territoires hautement surveillés de l’État. Pour l’UICN (1994 : 95), une aire protégée est une
« portion de terre et/ou de mer vouée spécialement à la protection et au maintien de la
biodiversité biologique, ainsi que des ressources naturelles et culturelles associées, et gérées
par des moyens efficaces, juridiques ou autres ». Mais cette définition ainsi donnée est
incomplète et ne montre pas tous les aspects que devrait prendre en compte une aire protégée
(Héritier et Laslaz, 2008). Dans cette définition on ne voit pas son appartenance à un
territoire, il n’est pas clairement mentionné les contextes politiques et culturels, ainsi que
touristique. Or ce dernier a été l’un des arguments qui a favorisé la création des premiers
parcs nationaux américains tels que Yellowstone.
Ces mêmes auteurs donnent néanmoins une définition à l’aire protégée qui pourrait satisfaire
même le géographe : « Une étendue délimitée, bornée (les limites sont matérialisées sur le
terrain), pouvant comporter plusieurs « zones » indiquant un gradient de mise en valeur et au
sein desquelles les pouvoirs publics décrètent des mesures de protection (paysages,
patrimoine sous diverses formes, faune, flore dans leur globalité ou autour d’une espèce en
particulier), en s’appuyant sur des législations et des réglementations, parfois spécifiques à
chaque "zone" » (Héritier et Laslaz, op. cit. : 14). Par là, ils montrent que la création d’un
espace protégé résulte d’un choix politique déterminant une politique publique
d’aménagement du territoire. C’est un concept qui fait intervenir plusieurs disciplines qui
traitent de l’espace (la géographie, l’écologie), des disciplines qui étudient la société et son
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
68
organisation (le droit, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire) et d’autres sciences
biologiques.
Cependant la conception de l’aire protégée a évolué dans le temps et dans l’espace. En 2003,
un directeur33
en charge du recensement des aires protégées pour le compte des Nations unies
affirmait : « les aires protégées semblent être un phénomène nouveau du point de vue
historique. Il se trouve cependant que le souci de protéger et de préserver des régions à
ressources uniques et des sites sacrés a suscité l'enthousiasme humain depuis des millénaires.
En 252 BC, l’empereur Asoka en Inde a établi des aires protégées pour mammifères, oiseaux,
poissons et forêts. C’est le premier cas connu de protection financé par l’État ». Mais depuis
l’Antiquité les connaissances déjà acquises en biologie en ce temps là renseignaient sur la
faiblesse de certaines espèces animales et végétales. En somme, l’évolution du concept vient
de l’écologie évolutive (1949) qui a hérité des fondements philosophiques, culturels,
scientifiques, religieux, et même spirituels de plusieurs civilisations du monde, depuis les
temps ancestraux.
Selon la diversité des politiques écologiques, sont nées également une diversité de
dénominations d’aires protégées suivant les buts de gestion. Ainsi on dénombre plus de
100 000 aires protégées dans le monde depuis la création du parc national de Yellowstone en
1872 (UICN). C’est ce qui a conduit l’UICN à standardiser une classification des aires
protégées à laquelle se référeraient tous les pays. « Cette classification sert de nombreux
objectifs, parmi lesquels : •faciliter la planification des aires protégées, •encourager les
gouvernements à développer un éventail d’objectifs de gestion adaptés aux conditions
nationales et locales, •faciliter les comparaisons entre pays, •réglementer les activités en
fonction des objectifs de gestion de l’aire protégée »34
. En conséquence, selon le « degré de
naturalité » sont établies plusieurs catégories d’aires protégées (Héritier et Laslaz, 2008).
L’UICN en retient six en 1994 :
- Catégorie I : Réserve naturelle intégrale/Zone de nature sauvage : aire protégée
gérée principalement à des fins scientifiques ou de protection des ressources sauvages,
- Catégorie II : Parc national : aire protégée gérée principalement dans le but de
protéger les écosystèmes et à des fins récréatives ;
33
« Stuart Chape, directeur de la compilation des listes des aires protégées des Nations unies dans son discours
lors de l’ouverture du Congrès de Durban le 8 septembre 2003, in Rapport de la Commission Mondiale des
Parcs 2003 (CMP) », cité par Wafo Tabopda, 2008. 34
http://www.uicn.fr/IMG/pdf/Espaces_proteges-Partie-7.pdf
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
69
- Catégorie III : Monument naturel ; aire protégée gérée principalement dans le but
de préserver des éléments naturels spécifiques ;
- Catégorie IV : Aire de gestion des habitats ou espèces ; aire protégée gérée
principalement à des fins de conservation, avec intention au niveau de la gestion ;
- Catégorie V : Paysage terrestre ou marin protégé : aire protégée gérée
principalement dans le but d’assurer la conservation de paysages terrestres ou marins et à
des fins récréatives ;
- Catégorie VI : Aire protégée de ressources naturelles gérées : aire protégée gérée
principalement à des fins d’utilisation durable des écosystèmes naturels.
Ce sont ces catégories d’aires protégées qui permettent d’établir d’autres types de
conservation telles que les réserves de chasse, les réserves de faune, les réserves forestières,
les forêts classées, les sites protégés, les réserves écologiques, les refuges fauniques, les zones
d’exploitation contrôlée (ZEC), etc., selon les objectifs de gestion à atteindre. Parmi les types
d’aires protégées existants, les parcs nationaux ont toujours occupé une place particulière
(Héritier et Laslaz, 2008). Tout comme l’aire protégée, les parcs nationaux ont aussi une
définition limitée.
« À la différence d‘autres formes d’aires protégées, les pars nationaux méritent leur épithète
dans la mesure où ils disposent, en quelque sorte, d’un supplément d’âme. En raison de la
place qu’ils occupent dans la construction des États ou du rôle que ces derniers leur
assignent, certains parcs sont considérés comme de véritables icônes d’un territoire national,
soit parce que les parcs servent à la préservation d’espèces désormais rares, telles que les
tigres du parc national de Virachey (332 500 ha, Cambodge), les chimpanzés du parc
national de Gombe (52 000 ha, Tanzanie), l’antilope du Tibet ou le panda en Chine (G.
Giroir), ou les ongulés sauvages alpins spécifiques comme les paysages de plaine dans les
Pays d’Europe Centrale et Orientale ou en Russie, des paysages culturels tels que ceux
représentés par les moai de l’Île de Pâques » (Ibid.: 20). De même, contrairement aux autres
aires protégées, les parcs nationaux disposent d’un « statut plus précis », même si là aussi on
peut remarquer des incertitudes dans la gestion de la nature.
Le parc national étant une sous-catégorie des aires protégées : « il désigne généralement un
espace jouissant d’une protection forte, dans lequel aucun établissement humain n’est
autorisé et aucune activité n’est permise, à l’exception du tourisme et de la recherche
scientifique » (Ibid.: 34). Telle est la « définition générique » que donne l’UICN en 1994. Or
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
70
en 1992, l’UICN encourageait à chaque pays de convertir au moins 10 % de sa forêt en parc
national ou en d’autres formes d’aires protégées (Costanza Torri, 2005). C’est pourquoi en
1997 le WWF s’évertua à démonter et à exiger à toutes les nations réunies la prise en compte
immédiate de la création des parcs nationaux dans chaque pays comme « une ordonnance
prescrite » à suivre. Ainsi en 1998 un accord35
appelé WWF-World Bank Alliance for Forest
Conservation and Sustainable Use, fut conclu entre le WWF et la Banque mondiale. Cet
accord a davantage favorisé la diffusion de l’établissement des parcs nationaux dans le
monde, mais dont la véritable internationalisation s’est faite à partir des années 1970. Or,
entre 1870 et 1930, le parc national a été spécifique à l’Amérique du Nord (Héritier et Laslaz,
2008).
C’est donc face à « l’institutionnalisation des politiques internationales d’environnement et à
la globalisation des approches de l’écologie scientifique» (Héritier et Laslaz, op. cit. : 41) que
de nombreuses aires protégées à l’instar des parcs nationaux naîtront dans plusieurs pays
sous-développés dont les pays tropicaux. Toutefois, plusieurs pays tropicaux dont les pays
d’Afrique subsaharienne ont vu naître dans leurs territoires des parcs nationaux à partir des
années 1930 sous l’impulsion des administrations coloniales. Mais l’institutionnalisation des
politiques environnementales à l’aide des conventions et accords signés lors des
assemblements internationaux, n’a fait qu’ajouter des nouveaux parcs nationaux à ceux qui
existaient déjà dans certains de ces pays d’une part, et a permis de créer de nouveaux parcs
dans les pays qui n’en disposaient pas d’autre part.
L’acceptabilité des aires protégées par les populations locales a toujours été un point délicat
de cette politique : en effet, ces aires limitent les droits des populations (et des propriétaires)
sur les surfaces classées. Les conflits en Europe ont été nombreux et continuent à faire
l’actualité de la presse. Dans les pays du Sud, et plus particulièrement les pays tropicaux, la
situation peut être bien pire dans la mesure où ces parcs touchent des populations nombreuses
et entièrement dépendantes d’activités extractives. Cela peut provoquer d’importants
bouleversements sociaux.
35
Costanza Torri (2005 : 22) décrit par trois objectifs à atteindre l’accord conclut entre les deux : « 1. promouvoir
l’établissement d’un réseau d’aires protégées écologiquement représentatif couvrant au moins 10 % des
différents types de forêts existant au monde d’ici l’an 2000 ; 2. établir 50 millions de nouvelles aires forestières
protégées dans les pays d’intervention de la Banque ; 3. mettre 200 millions d’hectares de forêts de production
sous aménagement durable, certifié de manière indépendante, d’ici 2005 ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
71
Dans les parcs nationaux, qui sont une catégorie plus restrictive d’aire protégée, les
gouvernements ont procédé à la délocalisation des populations locales pour la création des
parcs nationaux. Ainsi, les Mongondow ont été expulsé du parc national Dumoga-Bonc de
Sulawesi, en Indonésie pour gagner les coteaux (Costanza Torri, 2005). « Les derniers
représentants du peuple aborigène Sri-lankais, les Védas, ont été expulsés du parc national
Madura Osa, lors du démarrage du programme de développement du Mahaweli. Alors qu’ils
réclamaient la reconnaissance de leurs droits territoriaux depuis au moins 1970, les Védas
ont été obligés d’abandonner leurs terres après l’inscription du parc au Journal Officiel en
1983. Les Védas, qui vivaient traditionnellement de chasse, de cueillette et complétaient leur
subsistance par l’essartage, eurent le plus grand mal à s’adapter à une vie sédentaire »
(Ibid. : 26). Dans le même ordre d’idées, au Rwanda, Ouganda ou en République
Démocratique du Congo (RDC), les pygmées Batwa furent délogés de leurs territoires pour la
création des parcs nationaux en vue de protéger les gorilles des montagnes.
Ces expulsions ont été souvent faites dans des conditions catastrophiques, sans indulgence ni
mesures atténuantes pour les populations présentes. C’est parfois pour montrer à ces « peuples
indigènes » qu’ils doivent changer de comportement, de mode de vie, qu’ils doivent
désormais respecter la nature que de telles actions sont menées. On n’oublie cependant que
ces peuples qui habitent ces milieux que nous trouvons aujourd’hui « naturels » et qui doivent
être protégés pour telle ou autre raison existent parce que justement ces peuples les ont
conservés. Comment ? Dans tous les cas c’est de notre société dite « civilisée » qui au travers
de la nouvelle technologie détruit plusieurs milliers d’hectares de forêt au nom du
développement. Alors que les peuples des forêts entretiennent d’autres liens avec la nature
que nous ne connaissons pas toujours, même si, ils tirent d’elle leur existence (habitation,
alimentation, etc.).
3. Les polémiques actuelles sur la conservation
Autour des discussions faites sur la conservation et même sur la production, nous exposons le
rapport entre développement et protection des ressources naturelles, de façon générale, puis
comment se présente ce rapport dans les pays tropicaux en particulier. En dernier ressort, nous
analysons la problématique autour du développement durable, dans le monde et dans les pays
du Sud.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
72
3.1. Débat sur croissance économique et protection de la biodiversité
La prise en considération de la protection des ressources naturelles pour le développement
économique est une préoccupation qui a accompagné la modernité depuis le XVIIIe siècle.
Ainsi au travers de quelques exemples apparus dans le monde occidental, on verra comment
le respect de l’environnement peut être possible tout en maintenant l’économie.
Pour la croissance économique, l’épuisement des ressources naturelles est une idée
inquiétante qui se trouvait déjà au centre des problématiques économiques au XVIIIe
siècle,
même si au XIXe siècle l’apparition du capitalisme industriel avec ses avantages reprendra le
dessus pour ainsi éloigner la pensée économique des dangers qu’elle court, si elle ne tient pas
en compte la dimension environnementale. Ainsi, fût constaté durant plus d’un siècle que le
questionnement sur les ressources naturelles fut « écarté » ou relégué au second plan par les
économistes lors du développement du capitalisme industriel (Flam, 2010). En effet, pour
l’école néoclassique (ou école marginaliste) par exemple la production industrielle résulte du
capital et du travail qui sont des facteurs remplaçables, de sorte que la croissance économique
est « le simple résultat de la double augmentation de la population et du stock de capital »
(Ibid. : 2). Cette pensée36
laisse croire qu’il n’y a aucune entrave à la croissance économique.
Ce qui laisse aussi croire à « la vision d’une croissance économique perpétuelle et non
limitée… » (Ibid. : 11). Or vers à la fin du XVIIIe siècle, les Classiques tels que Robert Malthus
percevaient déjà l’augmentation de la population comme un handicap pour la croissance
économique par la « rareté des ressources naturelles » qu’elle occasionne. Dans ce sens, il
affirma dans son Essai sur le principe de population (1798) que « le choc de la progression
arithmétique des subsistances et de la croissance géométrique de ceux qui veulent subsister
paraît inévitable » (Ibid. : 5). C’est pourquoi l’idée d’équilibrer les ressources et ce qui est
nécessaire aux hommes pour subsister était prônée par l’économie des Classiques.
36
Cette pensée est nouvelle et révolutionnaire, car les physiocrates au XVIIe
siècle avant les partisans de l’Ecole
néoclassique considéraient que c’est plutôt la terre qui est le facteur limitatif insubstituable de la croissance
économique, car elle est l’unique source de richesse. A cette époque, la terre est considérée comme l’ensemble
des ressources naturelles puisque l’économie était presque entièrement agricole et reposait essentiellement sur
l’agriculture qui générait la véritable production. Ce qui permettait d’établir et de garder le lien entre l’économie
et les ressources naturelles. Par conséquent l’homme avait obligation de préserver et de maintenir les ressources
naturelles afin d’assurer la continuité de ses activités économiques.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
73
Les analyses faites par les Classiques convergent en ce sens que le questionnement sur
l’épuisement des ressources naturelles a été au cœur des débats économiques. Plusieurs
solutions ont été alors élaborées, mais elles ne sont toutefois pas parvenues à résoudre le
problème posé, plutôt à le « déplacer dans le temps », comme avec l’analyse de David
Ricardo sur le développement du commerce international et le progrès technique comme
principale solution pour retarder « l’état stationnaire de l’économie ». Il l’expose dans son
« principe des avantages comparatifs » (Flam, 2010).
Toutefois, parce que n’intégrant pas la dimension environnementale, l’école marginaliste37
n’a pas pris en compte le fait que si la population devient le facteur limitatif de la croissance,
donc que la production augmente en même tant que la population et le capital avec, cela peut
présenter des limites. Cette pensée néoclassique va permettre durant le XXe
siècle, de mettre
complètement de côté la problématique environnementale. Mais c’est après le bilan fait sur
les « Trente glorieuses », période durant laquelle la majorité des pays développés connurent
une forte croissance économique et démographique, que les ressources naturelles seront
reconsidérées en économie. Ainsi, « à la fin du XXe siècle cependant, les premières
conséquences – dramatiques – d’une approche considérant la croissance économique comme
déconnecté de son "milieu naturel" ont obligé à reconsidérer notre manière de voir » (Flam,
op.cit.: 14). C’est en effet The Limits to Growth, aussi appelé le rapport Meadows en 1972 qui
montra « le gaspillage des ressources naturelles » ainsi que la pollution accrue durant cette
période. Ceci amena les pays développés à voir les dangers d’une croissance économique
incontrôlée générant des « coûts sociaux et environnementaux » quoi qu’étant bénéfiques à la
base.
L’idée de décroissance va ainsi conduire à formuler des thèses parfois opposées comme en
France. En 2007, la décroissance favorisée par la dominance de la pensée écologique en
France surtout à la gauche, permettra de mettre au centre des débats politiques la conciliation
entre croissance économique et environnement. Ainsi d’un côté on aura la thèse de
« croissance verte, durable ou encore soutenable » chez les « acteurs dominants » et de l’autre
la thèse qui lui est contraire la « décroissance soutenable » chez les « objecteurs de
37
La position des néoclassiques quant aux ressources naturelles ne montre nullement qu’ils ne traitent pas de la
question environnementale, toutefois ils considèrent « les ressources naturelles marchandes comme des stocks
dont la gestion, ainsi que tout autre bien s’optimise ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
74
croissance ». Cette dernière reposant sur cinq principes indépendants (« culturaliste », « les
annales d’Ivan Illich », « la deep ecology », « la crise de sens » et « la bioéconomie » ont pour
substance que « la décroissance est un élément essentiel d’un avenir meilleur » (Flam, op. cit.
: 19).
C’est plutôt avec l’apport du GIEC et la prise en compte croissante de l’écologie dans les
débats politiques nationaux que l’environnement sera plus reconsidéré dans les débats
économiques. C’est à la suite de cela qu’est né un nouvel outil de croissance économique
plaçant la question environnementale au centre de ses enjeux. Ainsi, les décideurs publics ont
été conduits à « développer des instruments de régulation » pour protéger l’environnement.
Mais la mise en place de politiques environnementales « efficaces » se heurte à des difficultés
telles que les externalités. C’est en effet Alfred Marshall38
qui fut le premier à réfléchir là-
dessus. On parle d’externalité « lorsque l’acte de production ou de consommation d’un agent
influe positivement ou négativement sur l’utilité d’un autre sans que cette interaction ne
transite pas par le marché. La pollution est l’exemple type d’un effet externe négatif : elle
entraîne des coûts pour les victimes sans que le marché intègre spontanément ces derniers
dans le coût de production global des pollueurs » (Flam, op. cit. : 21). Mais c’est plutôt avec
Arthur C. Pigou, successeur de Marshall, dans The Economics of Welfare (1920) qu’une
proposition sur l’internalisation des effets externes au travers d’ « un système de taxation ou
de subvention portant aujourd’hui son nom » sera faite (Idem). Ce qui permettrait au pollueur
de verser une indemnisation aux victimes de la pollution. C’est une sorte de compensation de
dommage. Néanmoins en pratique ce principe est difficilement applicable, dans la mesure où
il faut parvenir d’abord à « identifier précisément les victimes », ensuite « faire une évaluation
précise du coût social », « voir l’ampleur et la durée du dommage », et « s’entendre sur
l’usage à faire du produit de la taxe pigouvienne ». Ces points montrent donc la complexité de
mettre en œuvre une politique environnementale efficace par le principe de Pigou39
.
38
Dans Principes d’économie politique (1890), New York, Gordon and Breach, 1971 39
Ce dernier a été principalement critiqué par Ronald H. Coase qui considère plutôt que l’externalisation des
effets négatifs ne suffit pour montrer le « dysfonctionnement du marché ». Il faut par contre selon lui « rétablir le
marché en accordant des titres de propriétés sur la source de l’externalité et laisser les négociations s’effectuer
librement entre les parties ». Il l’expose dans “The Problem of the Social Coast”, in The Journal of and
Economics, 1960, vol.1, p.1-44. Evoqué par Flam, op.cit. :22
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
75
Par ailleurs, l’engagement des politiques publiques à favoriser l’émergence de la question
environnementale afin de mettre un terme aux faiblesses du marché par le développement de
plusieurs instruments jugés plus efficaces, dont quelques uns ont été précédemment
mentionné, a favorisé des « controverses théoriques » avec des conditions d’efficacité diverse
et finalement peu agissantes. De même, «les désaccords pratiques sont rarement de simples
conflits entre, par exemple, les partisans de la croissance économique et partisans de
politiques de conservation… » (Le Prestre, 2008 : 8). C’est pourquoi, « un nouveau modèle de
développement » qui protège « les grands équilibres naturels et sociaux » par la « croissance
verte » est à construire. Le développement de ce concept conduirait à une « éco-démocratie »,
dans laquelle les dérives économiques ainsi que la « préservation des équilibres naturels »
seront associés. Ainsi, Fitoussi et Laurent montrent dans leur essai La nouvelle écologie
politique de Septembre 2008, que pour mieux traiter de la question environnementale en
économie, il faut s’éloigner du débat longuement entretenu qui consistait à opposer « les
adeptes d’un libéralisme strict » qui considèrent que le marché lui-même va s’en sortir pour
arriver au développer durable pour vu que « la puissance publique » n’entrave pas son
fonctionnement, aux « tenants de la décroissance » qui à leur tour considèrent qu’il faut
réduire les stocks afin que « l’état stationnaire » auquel on sera parvenu favorise la survie de
la planète.
De plus, le « PIB vert » permettrait aussi de participer à « la construction d’un nouveau
modèle de mesure économique ». Pour cela il faut que plusieurs services statistiques de l’État
travaillent ensemble pour aboutir à une « nouvelle nomenclature » qui mettrait en évidence
« un nouveau modèle de mesure économique ». Le PIB tel que habituellement perçu présente
des insuffisances parce qu’il ne tient pas en compte des difficultés que les populations
rencontrent actuellement. Reconnu comme étant le dénonciateur des réussites économiques et
de l’amélioration social, le PIB présente des limites, c’est pourquoi la prise en compte du PIB
vert permet que soit désormais privilégié en statistique le bien-être des populations en
référence à la soutenabilité plutôt que la production économique.
Dans le même sens, toujours pour aboutir à la croissance verte, en France le ministre de
l’Ecologie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire a mis en place le 5
Février 2009 le Conseil économique pour le développement durable (CEDD). L’objectif
principal de ce conseil est de déterminer les nouveaux supports « d’une nouvelle croissance
écologique dans les secteurs économiques. Ce qui prendra en compte tous les problèmes liés à
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
76
l’environnement. Toutefois, « les nouvelles technologies de l’environnement (NTE, capital
environnement) » sur lesquelles repose le nouvel modèle économique, considérés comme un
pilier additionnel, utile au couple NTIC-capital ne suffisent pas pour favoriser la croissance
verte. Mais pour y arriver il faut tenir compte des « enjeux beaucoup plus larges ».Nous
voyons par là le défi à relever face aux problèmes environnementaux que nous connaissons
par rapport à la croissance économique. C’est pour quoi la croissance verte connaît un certain
succès dans le monde politique et économique actuel.
3.2. La problématique du développement durable
À cause des critiques des ONG sur le capitalisme ainsi que leur perception des problèmes
environnementaux qu’elles ont considérablement impacté les discours internationaux. C’est
de cette manière qu’a été érigé le développement durable. « Le développement durable se
présente en effet à la fois comme une notion moderne et comme une notion qui fait la critique
de la modernité » (Arnauld de Sartre et Berdoulay, 2011 : 8). Car, c’est aussi grâce aux
critiques sur la modernité que cette notion a pu être construite. Ainsi, ONG et développement
durable sont mutuellement dépendants (Chartier et Ollitrault, 2009). En effet, l’histoire du
développement durable est liée à celle des ONG environnementales. Car l’apport des idées de
ces ONG a été d’une importance capitale dans les définitions que l’on peut aujourd’hui
donner à la notion du développement durable. « C’est ensuite grâce à l’implication d’ONG
conservationnistes internationales, comme le WWF et l’UICN, que la notion a pu être codifiée
pour la première fois, avant de s’imposer comme un référentiel de politiques publiques et un
justificatif d’actions collectives » (Ibid. : 93). De la même façon, plusieurs ONG existent
grâce au développement durable qui leur a permis d’obtenir « un nouvel espace politique »
pour mieux traiter de leurs préoccupations environnementales. Mais cet impact reste réduit et
partiel (Chartier et Ollitrault, 2009). Par exemple toute définition « radicale» du
développement durable comme avec le « concept d’écodéveloppement » a été proscrite, parce
que cela portait préjudice à l’économie libérale, et parce que la codification du développement
durable telle que présente aujourd’hui dans le monde a été faite non par les ONG
environnementalistes, mais par les ONG conservationnistes.
En effet, dans le mouvement anglo-saxon, la différence entre ces deux types d’ONG est très
prononcée. D’abord les conservationnistes résultent d’une ancienne coutume anglo-saxonne
qui consiste à conserver la nature et de la préserver de toute activité humaine. Ensuite, vint à
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
77
la fin des années soixante « une deuxième vague de mobilisation environnementale » qui sont
les environnementalistes ; ces derniers par contre prônent l’intégration des politiques de
protection de la nature d’avec la gestion des populations locales à la gestion des écosystèmes.
L’histoire du développement durable a donc été profilée au fil du temps avec l’aide des
organisations mondiales environnementales telles que l’UICN qui est la plus représentative de
toutes. Depuis les années 1960 notamment, elle est présente « dans toutes les manifestations
où environnement et développement ont été associées de façon significative… » (Ibid. : 95).
Par exemple en 1962 lors du premier congrès des parcs, l’UICN a favorisé le fait que la
conservation soit considérée dans les débats, car le développement en dépend essentiellement,
et que les agences internationales tiennent désormais compte dans leurs travaux des analyses
écologiques.
De même le développement durable trouve ses origines dans « l’environnementalisme
tropical », dans la tradition historique des politiques préservant la nature dans les pays du Sud,
dans l’écologie évolutive, ou dans les « discours environnementalistes » qui étaient en vogue
dans les années soixante, dont les principaux arguments tournaient autour de « la crise
démographique » et de « la crise écologique globale » (Chartier et Ollitrault, op.cit.). Mais
avant le sommet de Rio en 1992, on assiste à deux définitions de développement durable qui
se contredisent. La première qui met l’accent sur le fait qu’on doit délimiter la quantité à
produire pour le respect de la biodiversité et l’autre qui met plutôt en relief le développement
comme moyen de lutte contre la pauvreté et permettrait par la suite de sauvegarder les
écosystèmes, ce qui n’est pas vrai. Bien au contraire on assiste au fil du temps à des inégalités
énormes, où des écarts entre pauvres et riches sont croissants et les écosystèmes en perpétuel
danger.
Dans la pratique, les politiques publiques des États n’arrivent pas toujours à traduire le
développement durable, faute de définition des logiques de ces politiques. De plus, les États
ne s’approprient pas souvent le concept mais cherchent par contre à le faire implanter
(Arnauld de Sartre et Berdoulay, 2011). Pour certains auteurs, le développement durable
apparaît comme un outil dont se servent les Occidentaux qui en sont les initiateurs pour
dissimiler leurs propres idéologies, dans le but de préserver leur dominance sur les pays du
Sud (Rist, 1996). Ces situations ne favorisent pas l’efficacité du développement durable dans
les politiques publiques où les droits des populations locales peuvent être lésés. Cela nécessite
ainsi des consensus « importants » qui aboutissent à des compromis et à des solutions
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
78
partielles dont l’absence peut entraîner des sabotages aux politiques prises, à la violence des
mesures arrêtées et même au mépris des autorités par ceux qui s’y opposent (Le Prestre 2008).
Or, pour le développement durable deux consensus sont indispensables : « un consensus
national et un consensus par les acteurs externes ».
Conclusion du chapitre I
Au terme du chapitre, il convient de retenir que l’environnement est une des principales
préoccupations contemporaines. Toutefois malgré les enjeux environnementaux, ces dernières
n’ont pas la supériorité sur la multitude des dossiers à traiter (Smouts, 2001). Ne pouvant nier
l’impact des conséquences des activités humaines sur les milieux naturels, les problématiques
environnementales présentent néanmoins des problèmes dus à la manière dont elles ont été
construites au départ. Ceci impacte négativement les résultats à atteindre en matière de
conservation naturelle pour le bien de la planète.
Au regard de l’analyse précédemment faite, on a remarqué qu’il y a eu excès dans la
production au moment où elle est devenue autonome et indépendante du reste de la société
(Polanyi, 1983). Ainsi, l’autonomisation de la production a eu des effets néfastes sur le social
notamment en milieu tropical (Sahlins, 1972) ou sur l’environnement (Mazoyer et Roudart,
1997). Toutefois, la conservation suit la même tendance. Idée intéressante au départ et
nécessaire pour lutter contre les excès du mode de production capitaliste que nous venons de
démontrer dans la première partie, elle aussi devient envahissante quand elle exclut les
populations. Ainsi le développement durable pourrait être une idée intéressante pour relier les
deux éléments (production et conservation), mais son utilisation à bon escient est encore loin
d’être garantie.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
79
Chapitre II : Étude du monde rural
gabonais
Le Gabon, une ancienne colonie française dévient indépendante en 1960 et en 1990 entre en
démocratie après un long règne de monopartisme. À la différence de certains pays avec
lesquels il partage ses frontières et d’autres pays africains, le Gabon connaît une « stabilité »
politique et une économie notablement dominée par les ressources naturelles du sous-sol
(pétrole et manganèse) et du sol (bois) qui attirent de nombreux immigrants. Par contre, le
manque de diversité de son économie constitue un handicap pour l’agriculture, pilier de
l’économie rurale qui connaît depuis des décennies des difficultés et entraîne inéluctablement
le sous-développement du monde rural gabonais. Les problèmes que connaît ce monde rural
amènent à analyser différents points.
1. Aperçu historique du monde rural gabonais
L’histoire du Gabon étant peu connue avant le XVe siècle (Bouquerel, 1970), nous amène à
nous focaliser sur les faits historiques connus avant la période coloniale. Ceci ne veut pas dire
qu’il n’existait pas avant ce siècle. Car « pointes de lance, flèches en pierre taillée, haches
polies et débris de poteries attestent l’ancienneté d’une implantation humaine » (Ibid. : 40).
L’époque coloniale sera essentiellement celle marquée par la France.
1.1. Le monde rural gabonais pendant les périodes précoloniale et coloniale
L’histoire du Gabon au cours des périodes précoloniale et coloniale est aussi celui du monde
rural gabonais. Il ne s’agit pas pour nous de faire l’histoire du Gabon, mais au travers des
périodes précoloniales et coloniales, nous cherchons à faire ressortir l’état du monde rural
gabonais.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
80
1.1.1. L’ère précoloniale
Quelques sources actuelles sur lesquels s’appuient certains chercheurs gabonais, telle que
l’ouvrage d’Oslisly et Peyrot (2008), permettent de parler de la préhistoire du Gabon actuel.
Mais nous nous appuierons sur le découpage fait par Metegue N’nah (2006) lorsqu’il parle
des grandes périodes de l’histoire du Gabon pour illustrer l’histoire précoloniale de l’espace
qui aujourd’hui fait partie du territoire gabonais. Cette dernière s’articule autour de trois
grandes phases. La première phase prend compte de la préhistoire au VIIIe siècle avant Jésus
Christ au cours de laquelle l’homme apparut et fut essentiellement nomade, en utilisant
d’abord la pierre taillée, par la suite la pierre polie. Puis, la deuxième phase est celle qui va du
VIIIe siècle avant Jésus à 1470. Cette phase correspond à la période antique essentiellement
marquée « par la propagation de l’industrie du fer, par la pratique de l’agriculture et
l’apparition de l’organisation villageoise » (Metegue N’nah, 2006 : 12). Enfin la troisième
phase englobant l’ère précoloniale est celle correspondant à la création du Gabon par les
Européens et à l’influence occidentale sur les populations qui peuplent l’espace gabonais et
qui constitueront, au fil des ans la société gabonaise et son économie. Cette phase de l’histoire
précoloniale qui est la plus décrite est celle sur laquelle nous nous fonderons.
Au cours du XVe siècle ou peut-être avant a existé un royaume bantou du Loango qui
englobait le sud du Gabon ainsi que la côte, dirigé probablement par « une confédération de
chefferies » (Bouquerel, 1970 : 40). Ce qui montre une organisation territoriale plus
importante à cette époque là. Cependant avant ce siècle l’étude de Metegue N’nal (2006)
montre qu’il y avait toute une organisation qui permettait aux habitants des villages surtout les
hommes de veiller sur le village. Car le territoire s’érigeait par exemple en « villages-États ».
De même la convivialité que connaissaient les habitants d’un même village faisait que le
gibier rapporté de la chasse par un chasseur pouvait être partagé par tous les habitants du
village. De la même manière par l’établissement des chefs ils savaient régler leurs différents.
Mais lorsque Vennetier (1980) évoque le royaume de Loango avec sa capitale Boali, d’après
les récits sur lesquels il s’est appuyé, il montre cependant que ce royaume n’était qu’ « un très
gros village » qui compterait 1500 habitants.
Découvertes par les marins portugais en 1472, les côtes gabonaises vont accueillir plusieurs
comptoirs. Ces Portugais étant basés à São Tomé dans le Golfe de Guinée qui connaissait à
cette période une croissance économique au travers de la culture de la canne à sucre, amena
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
81
les Portugais à rechercher une main-d’œuvre en Afrique. Et donc « les côtes gabonaises
furent seulement un terrain de recherche et d’exploitation » (Reynard, 1955 : 415) pour
développer leur commerce. Ainsi les Portugais « échangent des marchandises contre de
l’ivoire, de la cire et du miel, de l’huile de palme et des esclaves » (Pourtier, 1989 : 46). Ils
trouvèrent en effet au Gabon un appui favorable à cette quête d’hommes : l’esclavage qui y
existait déjà (Pourtier, op.cit: 46). En effet, « l’esclavage est une institution partout répandue,
que les guerres tribales ont développée considérablement. Des villages entiers peuvent être
tributaires d’autres villages et les captifs de case, incorporés à la famille du vainqueur, sont
considérés comme des domestiques, en général, d’ailleurs, assez bien traités » (Bouquerel,
1970 : 41). Mais c’est plutôt avec « le développement agricole et minier du Nouveau Monde
qu'une autre conception apparut : celle de l'esclave-marchandise, notion correspondant à une
économie qui n'est déjà plus 1’"économie de manoir" du Moyen Age » (Reynard, op.cit.: 415).
C’est nouvelle forme d’esclavage aussi appelée Traite des noirs marqua profondément le
Gabon.
Cette traite fut en effet importante dans le Sud du Gabon comme dans les villes de Chiloango,
Mayumba, parce qu’elles étaient plus en contact avec les Portugais que leurs habitants furent
le plus sollicités (Idem). Puis au XVIe siècle, les missionnaires jésuites ainsi que des
commerçants portugais s’installèrent sur les côtes gabonaises. Ils vont ainsi se tourner vers les
populations locales chez qui ils trouveront des esclaves pour leurs plantations d’orangers, de
cocotiers, de bananiers ou de manioc. Les Hollandais vont également à leur tour vouloir
s’installer au XVIIe siècle à l’Estuaire même s’ils sont repoussés par les M’pongwé.
Organisé en chefferies ou en royaumes en ce qui concerne quelques tribus, le territoire
Gabonais avant l’établissement des coloniaux était prédominé par des villages qui occupaient
une place prépondérante. L’armature et la morphologie des villages à l’époque précoloniale
n’ont pas vraiment changé par rapport à ce que l’on observe aujourd’hui. En effet « les
villages, bâtis près des rivières ou des chemins, devaient avoir déjà l’aspect linéaire qu’ils
présentent de nos jours. Les cases, rectangulaires, soudées les unes aux autres, précédaient
des jardins où les bananeraies abritaient des cultures de piment ou de patate douce. Parfois
le village était fortifié à ses extrémités par des fortins en rondeaux de musango. On pouvait de
là surveiller le chemin ou le fleuve par où l’ennemi était censé venir » (Bouquerel, op. cit. :
42). Durant cette même époque, en dehors de quelques noms des lieux dont quelques uns ont
été déformés dans les langues du Sud du Gabon particulièrement le vili, comme autres
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
82
souvenirs des marins portugais ou brésiliens au Gabon figurent certaines nouvelles plantes,
des fruits ou des plantes à tubercules qui furent introduits dans les villages gabonais, ou
certaines danses qui ont une origine lusitanienne (Reynard, 1955).
Ainsi, dans la forêt où se trouvaient les villages, on pouvait observer une organisation dans les
activités des ruraux. C’étaient aux femmes que revenait principalement la pratique de
l’agriculture ainsi que son entretien sur le terroir. C’était une agriculture sur brûlis qui se
pratiquait. À cela s’ajoutait la cueillette des fruits ou des autres produits forestiers non
ligneux. Ces derniers venaient compléter les repas. En effet, dans la forêt le moment favori
pour la cueillette des fruits était Février et Mars. Ainsi, durant cette période on pouvait
assister au « déplacement d’une partie du village » (Bouquerel, op.cit.: 42). Alors durant ce
temps, des campements provisoires pouvaient être construits pour permettre aux femmes de
remplir leurs paniers. Du côté des hommes par contre, les activités principales étaient la pêche
et la chasse. Eux aussi à certaines époques de l’année pouvaient quitter le village pour
entreprendre leurs activités dans la forêt. Ainsi, ils établissaient aussi des campements dans la
forêt pour leur permettre de sécher du poisson ou pour faire de la chasse. Le séchage du
poisson et de la viande se faisaient de façon rudimentaire et constituaient un important mode
de conservation.
« Le nomadisme agricole de ces sociétés primitives était caractérisé par une grande mobilité
des villages, abandonnés tous les quatre ou cinq ans » (Ibid. : 43). Les populations
villageoises seront donc en perpétuels déplacements, de sorte qu’on parle de grandes
migrations que le Gabon a connues jusqu’à la fin du XXe siècle. Toutefois, le contact avec les
Européens va entraîner de bouleversements sociaux. Ainsi la structuration des villages de
même que leurs modes de vie traditionnels vont changer de façon progressive.
Les peuples de la côte vont être profondément influencés par les Européens à partir de la fin
du XVIe siècle au point qu’au XIX
e siècle ces peuples qui seront les guides des premiers
navigateurs Européens vers l’intérieur du pays trouveront que les habitants de ces contrées
sont différents d’eux, dans les habitudes comme dans le vestimentaire (Gaulme, 1988). Or,
« d’après les descriptions faites par les Hollandais vers 1600 et reprises ensuite, les habitants
des côtes gabonaises avaient le corps peint en rouge, des vêtements d’écorce ou de fibre
végétale tressée (pagnes et, pour les femmes, carrés sur le pubis), des scarifications
nombreuses et des ornements et bijoux de toutes sortes : labrets, pendants d’oreilles, plumes
dans les cheveux, anneaux aux bras et aux jambes » (Gaulme, op.cit.: 30). Le contact avec les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
83
Européens ont considérablement changé les habitudes et les comportements des ruraux
Gabonais, partant des côtes et progressivement vers l’intérieur du pays.
De même, durant la période précoloniale, l’économie des villages reposait sur un « système
de troc » dont l’origine est très lointaine. Mais ce système fut diversifié et bouleversé avec la
traite des Noirs à laquelle s’ajoutait la traite de marchandises (Bouquerel, 1970). En effet, afin
d’obtenir quelques produits venus d’Europe, plusieurs villages pratiquèrent le commerce des
hommes et le butin était partagé entre tribus. Ainsi, « au Cap Lopez, sous les yeux de Paul du
Chaillu, "un jeune homme fut cédé pour une barrique de rhum de cent litres environ, quelques
aunes de cotonnades et bon nombre de perles" » (Ibid. : 45). Lors de leurs transactions, le sel
et la poudre constituaient la monnaie d’échange (Idem). Ce n’était plus que produit contre
produit qui était échangé, mais on pouvait dorénavant échanger homme contre produit ou vice
versa.
1.1.2. L’ère coloniale
« Dès le XVIIe siècle, sans doute, on arrivait à un équilibre où les Européens étaient intégrés
dans la vie côtière au Gabon et dans le Cap Lopez au même titre qu’à Loango, dont les
relations commerciales étaient cependant beaucoup plus marquées avec l’Europe » (Gaulme,
op.cit.: 75). Jusque là, ce sont beaucoup plus les villages situés près des côtes qui ont eu des
contacts directs avec les Européens, même si l’exploration se poursuivra par la suite au reste
du pays. Mais c’est surtout « avec l’implantation française au Gabon et à l’époque coloniale
que l’intérieur du pays s’ouvre à la prospection des négociants, à l’établissement de leurs
comptoirs, entraînant la désagrégation progressive des économies anciennes » (Ibid. : 47).
L’ère coloniale est essentiellement marquée par les rapports existants entre le Gabon et la
France. Car de tous les Européens arrivées sur les côtes gabonaises, les Français sont ceux qui
ont su établir les liens les plus durables avec les Gabonais.
C’était par rivalité avec les Anglais que les Français eurent une nouvelle politique pour
s’établir sur les côtes africaines : à partir des années 1840 fut fondé un comptoir au Gabon.
C’était également pour développer leur commerce. À cela s’ajoute la mission humaine par le
fait qu’à partir de l’Estuaire du Gabon qui s’avérait être l’endroit le plus favorable les français
lutteraient contre la traite négrière et de plus ils « civiliseraient » « des populations demeurées
"sauvage" par l’action des missions chrétiennes » (Pourtier, 1989 : 58). Ainsi par
l’intermédiaire de Bouët-Willaumez le processus d’établissement de la France sur la terre
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
84
gabonaise fut accéléré. A partir de 1839 et des années après des traités furent signés entre
Bouët-Willaumez et quelques rois ou chefs de terres (le roi Kowerapont-chombo, chef de la
rive gauche ; le roi Dowe : chef de la rive droite du fleuve). De sorte que le roi Dowe dit
Louis « cédait en toute propriété aux représentants de la France "le terrain de l’ancien
village de son père pour y élever une bâtisse ou fortification qui leur plaira" » (Bouquerel,
op. cit. : 48). Signalons que de l’Estuaire à ses alentours plusieurs traités furent signés avec
des responsables de territoires pour marquer la propriété française. Il n’y avait pas un seul
grand chef. Ceci montre que les villageois reconnaissaient seule l’autorité de leur chef, mais
au-delà des limites de leur village ou territoire ce dernier ne pouvait plus agir.
Durant la période coloniale, plusieurs explorations furent entreprises dans le but de découvrir
le pays. Au cours de ces explorations « des traités d’amitié » furent signés à l’intérieur du
pays au nom de la France. C’est le plus grand fleuve gabonais, l’Ogooué qui permit
l’exploration du Gabon et l’introduction dans la forêt. Compiègne en 1874 ou Savorgnan de
Brazza en 1876, qui figurent ainsi parmi les explorateurs découvrirent les autres contrées du
Gabon. Ces traités et explorations permirent en effet l’établissement de postes militaires sur
les principaux axes de circulation à l’intérieur du pays. Avec la création de Libreville en 1850
en référence aux premiers esclaves libérés, « le capitaine Parent avait dressé le plan du
village, d’une rigoureuse géométrie » (Pourtier, 1989 : 53). Avant cela il n’y avait aucun plan
dans ce village.
« Depuis 1860, un commissaire-adjoint de la Marine remplissait les fonctions administratives
et judiciaires à Libreville avec le titre de "commandant particulier du Gabon" » (Bouquerel,
op. cit. : 48). Toutefois cette organisation administrative sera bouleversée par une organisation
territoriale avec les voyages de Brazza notamment au Congo. Ainsi, en 1883 un Commissariat
de l’Ouest africain englobant le Gabon ainsi que le Congo fut crée. En 1888 les deux colonies
Gabon et Congo qui au départ étaient autonomes furent unifiés et en 1910 fut crée l’A.E.F.
(Afrique Equatoriale Française).
Ensuite dans l’intérieur du pays des concessions sont données aux sociétés françaises avec
plusieurs privilèges (Bouquerel, 1970). C’est également là que l’exploitation forestière se
développa. Ainsi, « les produits de cueillette perdirent de ce fait une grande partie de leur
intérêt et le portage dut abandonner aux chantiers forestiers une grande partie des effectifs
recrutés par les traitants » (Ibid. : 52). Dans la même période, la traite négrière diminuant
progressivement permit aux produits manufacturés de se répandre au Gabon.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
85
1.2. De l’Indépendance à aujourd’hui
Plusieurs raisons modifièrent les rapports entre le Gabon et la France ; parmi elles figure la
contribution des combattants gabonais auprès des Français lors des deux guerres mondiales.
Ceci leur permis d’avoir de l’expérience dans le combat et aussi de favoriser une prise de
réflexion concernant le système colonial. Celui-ci fut alors remis en cause par les « anciens
combattants » dès leur retour des batailles. C’était une situation vécue dans plusieurs pays
africains dans lesquels des soldats avaient combattus avec la France. Leurs revendications
étaient soutenues par les premiers intellectuels africains. Ainsi, « pour se conformer à cette
évolution, le général de Gaulle, chef de la France Libre, convoqua en 1944 la Conférence
franco-africaine de Brazzaville et engagea des réformes destinées à atténuer la violence des
rapports entres colonisateurs et colonisés. Cette conférence marquait un premier pas vers
l’autonomie de l’AEF et par voie de conséquence vers celle du Gabon » (Ratanga-Atoz,
2004). Les événements qui suivront auront comme optique d’aboutir à l’indépendance du
Gabon qui le devint le 17 Août 1960. Cette indépendance s’est passée pacifiquement pour la
France, et cela peut expliquer les liens étroits entre les deux pays, contrairement aux autres
colonies. De même, cette indépendance n’était pas radicale.
Bien qu’il devint indépendant, la France continua à assurer son assistance technique au Gabon
au travers des accords de coopération précédemment signés. Il est vrai que les Gabonais
occupèrent progressivement les postes occupés autrefois par les Français, mais ces derniers
par l’entremise de leurs entreprises « omniprésentes et toutes puissantes dans tous les secteurs
de l’économie» (Metegue N’nah, 2006 : 161), contribuèrent « à tenir fermement le pays dans
une étroite dépendance et à peser lourdement sur son évolution » (Idem). Ceci entraîna
plusieurs malaises dus au fait que les Gabonais accédant à peine à l’indépendance n’avaient
pas encore l’expérience dans les responsabilités, et le développement du pays ne représentait
pas un intérêt général. De plus, sur le plan politique se fut une phase d’expérimentation de
gouvernance nationale au cours de laquelle le Gabon sous la première république (1960-1967)
connût des crises.
Toutefois, quelques avancées furent remarquées pendant la première république avec le
président Léon Mba. Par exemple sur le plan social la législation héritée des colonisateurs
connut une avancée et permit aux Gabonais d’améliorer leur niveau de vie tout en scolarisant
leurs enfants (garçons et filles en plus grand nombre). Ce qui valut un taux de scolarisation de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
86
plus de 80 % (Metegue N’nah, 2006). De plus, le pays eut une bonne couverture sanitaire
avec des hôpitaux « correctement ravitaillés en médicaments » dans lesquels les soins étaient
gratuits.
Le Gabon indépendant, en dépit des difficultés rencontrées, connut une progression
significative de même sur le plan économique. Durant cette période l’exploitation du bois
connut une expansion. De plus, à partir de 1961-1962, de nouvelles perspectives prometteuses
pour l’économie gabonaise s’annonçaient notamment avec l’exploitation de l’uranium et du
manganèse. Durant les années qui suivirent c’est le pétrole qui fut découvert puis exploité et
pris par la suite le dessus sur l’économie nationale en apportant d’importantes devises. Cette
expansion économique permit à l’activité agricole de connaître malheureusement une phase
de marginalisation entre 1960-1976. Si durant les périodes précoloniale et coloniale les
Gabonais parvenaient à être autosuffisants sur le plan agricole, durant la période post
coloniale l’agriculture a connu des difficultés.
Sous l’action des colonisateurs, les pays africains ont plus favorisé une agriculture
exportatrice avec les cultures comme le café, le cacao, le caoutchouc, etc., afin d’obtenir des
devises pour les caisses des gouvernements (Dufumier, 2007). C’est principalement le cas du
Gabon à la période postcoloniale. Ainsi, l’agriculture vivrière mise à l’arrière-plan, jusqu’à
lors, ne permet guère de nourrir les populations rurales et urbaines devenues de plus en plus
nombreuses.
1.3. La délimitation du monde rural gabonais
C’est l’État qui a favorisé l’organisation spatiale aujourd’hui observée au Gabon. Il a tenu
compte des activités économiques (exploitation forestière, minière et pétrolière) pour
organiser et construire son espace. C’est ainsi que le phénomène d’urbanisation s’est étendu à
l’ensemble du pays et a profondément vidé d’hommes les villages (Pourtier, 1984). Toutefois,
la population gabonaise se partage aujourd’hui un territoire qui se subdivise en neuf provinces
dans lesquelles on retrouve cinquante communes, cinquante départements, 152 cantons, vingt-
six districts et 3 483 villages et regroupements de villages. Avec quarante ethnies rassemblées
en neuf groupes ethnolinguistiques (Onkra, 2004: 20).
Le Gabon qui ne disposait encore que des postes créés en 1883 pour assurer l’organisation et
le développement du commerce français, vit son espace se transformer grâce à « la convention
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
87
du 5 février puis l’Actes général de Berlin du 26 février 1885 [qui] marquent un tournant
dans l’histoire de l’Afrique centrale » (Pourtier, 1989 : 92). C’est ainsi qu’une délimitation de
son espace fut possible grâce aux frontières, même si dans l’ensemble le découpage des
frontières en Afrique lors de cette conférence de Berlin s’est fait de façon aléatoire. Ce fut
donc exactement en 1909 que des circonscriptions et subdivisions furent mirent en place la
première fois pour délimiter le territoire gabonais. Ainsi pendant la colonisation « tous les
postes deviennent dès lors des "chefs-lieu", ceux de subdivisions étant subordonnés à ceux de
circonscriptions qui eux-mêmes assurent le relais du chef-lieu de la colonie » (Ibid. : 17). En
fait le maintien ou non d’un poste était fonction du contexte humain. « De même quinze des
actuelles préfectures se retrouvèrent déjà dans la liste des postes » (Garandeau, 2010 : 28).
Le nombre élevé de postes (dont en tout une cinquantaine en 1909) sur l’étendue du territoire
gabonais était en même temps un avantage et un handicap. Avantage parce qu’au travers de
ces postes les colonisateurs français avaient la vision sur tout le pays et étaient suffisants pour
encadrer la population qui n’était pas nombreuse. Mais malgré ce nombre de postes,
l’enclavement des milieux dû au problème de circulation avec une carence de voies de
communications et de télécommunication limitait leur « rayonnement », car les postes étaient
distants les uns des autres de nombreux jours de marche.
L’inaccessibilité du terrain a donc beaucoup limité l’administration coloniale. Mais la
réorganisation du territoire gabonais amorcée plusieurs fois montre la volonté des coloniaux,
puis les nationaux prenant le relais dès l’indépendance, de favoriser une certaine cohérence de
délimitation spatiale. La délimitation ou la circonscription du territoire gabonais s’est fait
progressivement avec bien sûr « un changement de nomenclature » (Ibid. : 34). Ainsi,
plusieurs raisons ont été prises en compte lors des dénominations des circonscriptions de
l’espace, à savoir administratives surtout (Libreville, Ndjolé), économiques, scolaires
(Tchibanga fut par exemple appelé « ville scolaire »), ecclésiastiques (mission ou église),
ethniques (afin de lutter contre le tribalisme) ou présence d’un marché ou d’un hôpital. Ces
éléments étaient suffisants pour circonscrire l’espace et de le faire passer d’une nomenclature
à une autre. Par exemple l’arrêté du 29 Septembre 1909 du Gouverneur général Merlin permit
une nouvelle réorganisation avec une nouvelle nomenclature. Ainsi, « les villes sont nées d’un
même modèle fonctionnel qui s’expose avec clarté dans leur décor articulé sur les deux
organes qui sont sa raison d’être » (Pourtier, 1980 : 25). Là également plusieurs
modifications apparaîtront tour à tour entre 1934, 1946 et 1975 et feront apparaître deux
niveaux de nomenclatures que nous mentionnons dans le tableau ci-après.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
88
Tableau 3 : Dénominations des niveaux d’encadrement
Premier niveau Deuxième niveau
Circonscription (1909-1934) Subdivision (1909-1946)
Département (1934-1946) ‘‘
Région (1946-1975) District (1946-1975)
Province (1975- ) Département (1975- )
Source : Pourtier, 1980
C’est l’arrêté de 1909 qui montre la première tentative de circonscrire dans son intégrité le
territoire gabonais. Bien que le nombre de changements de termes n’étant pas significatif, il y
a eu tout de même plusieurs modifications dans la délimitation de l’espace. Toutefois, il n’y a
pas toujours eu de prolongement d’action lors de ces réformes administratives, sauf lorsque le
poste passa à la ville. De plus en 1934 les postes de contrôle administratif (PCA) ont été créés
pour constituer un niveau qui s’ajouterait aux deux niveaux précédents. Cependant «les PCA
ont vocation, si l’état des lieux le justifie, à être érigés en unités de deuxième niveau »
(Pourtier, 1989 : 35). Ces PCA connaîtront une autre appellation en 1975, ce seront désormais
des districts.
C’est la colonisation qui a favorisé la naissance des villes gabonaises, excepté les villes
minières (Gamba, Moanda, Mounana) nées après l’Indépendance. Ces villes ne sont pas nées
d’elles-mêmes, elles sont le fruit de l’État. En effet « les villes du Gabon (et généralement
d’Afrique Noire) sont « filles de l’État », comme les villes médiévales d’Europe étaient « filles
du commerce » selon l’expression d’Henri Pirenne » (Pourtier, 1979 : 122). Ainsi, deux
contraintes furent données pour justifier la délimitation de l’espace ; d’un côté il fallait
parvenir à découper l’ensemble du territoire, puis d’un autre maintenir les limites des
frontières avec les autres pays limitrophes. Ainsi, une délimitation équilibrée de l’espace
donnant satisfaction fut réalisée en 1950. En effet, le cadre territorial est resté inchangé depuis
la colonisation même si quelques petites modifications au niveau du vocabulaire quant à la
désignation de certains lieux ont aujourd’hui changé. Ce qui permettra au monde rural
gabonais de se singulariser tel que nous le voyons actuellement.
1.4. Description du monde rural
Au Gabon l’urbanisation est un phénomène très récent qui trouve son origine lors de la
colonisation. C’est ce qui fait dire à Vennetier (1980 : 49) que « la quasi-totalité des villes
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
89
contemporaines sont donc nées de la colonisation : elles ont trouvé leur origine dans un poste
militaire ou administratif, et ont grandi comme chefs-lieux ou capitales, comme ports ou
comme gares ». Ainsi, le reste de l’espace gabonais qui n’a pas pu être urbanisé a gardé son
caractère rural bien que la modernisation ait atteint aussi les villages. Ces derniers ont des
éléments communs que nous détaillons dans la suite.
1.4.1. Un habitat aux caractéristiques communes
Le village est ce qui représente le monde rural gabonais et traduit la vie traditionnelle rurale.
Globalement les villages gabonais ont une même morphologie, même si on peut retrouver
quelques dissemblances. En effet, « à quelques détails près (importance plus grande de la
chasse ou des cultures) la nature gabonaise impose des méthodes de subsistance, d’habitat,
de vêtement, d’industries dont la monotonie a dû, plus d’une fois, lasser mes lecteurs. Le
Gabon possède là, dans une certaine mesure, un élément d’unité » (Deschamps, 1962). Ainsi,
malgré la grande diversité ethnique des traits communs démontre une même culture au sens
large du terme, probablement due à la propagation de la culture bantou lors des migrations qui
ont eu lieu au Gabon jusqu’au XIXe siècle. Mais la culture bantoue est différente de la culture
Pygmée.
Les villages gabonais en particulier bantous peuvent se schématiser en trois parties. La
première comportant la grande cour centrale ; la deuxième partie où se localisent les cases
plus ou moins alignés et la troisième partie est celle de l’arrière des cases où sont observés des
petites bandes de terres de cultures. Cette schématisation peut en effet être différente chez les
Pygmées se trouvant loin des Bantous. Mais pour les Pygmées dont les villages sont proches
des Bantous on retrouve presque le même schéma.
Selon les types de villages que l’on peut observer, on remarque quelques différences dans la
morphologie. D’après l’analyse de Biffot (1964) reposant sur les relevés des plans de villages
de Ndjolé aux limites du nord-est du Gabon, il distingue trois types de villages gabonais. Bien
que l’étude ait été faite en 1964, les villages d’aujourd’hui entrent dans le cadre de ces
typologies. Ainsi, les villages de type I sont des anciens villages dans lesquelles la majorité
des cases ont le même modèle : case-habitation-cuisine. Ici le lieu de préparation se juxtapose
aux lits. Dans cette catégorie les cases sont alignées le long d’une cour centrale dans laquelle
se trouve une seule piste qui permet au village d’être en contact avec l’extérieur. De même les
jardins de case sont presque directement liés aux cuisines et il peut avoir une discontinuité
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
90
entre ces jardins et les champs. Dans les villages de type I marquant l’époque ancienne, les
cases sont essentiellement construits en écorce de bois forestier ou en paille ; elles sont
exigües et parfois sans fenêtres. Il y a aussi communauté des lieux d’aisance. Les liens de
sang ou mariage renforcent la parenté. L’exogamie y est autorisé et non l’inseste et l’adultère.
En un mot les villages de type I sont à l’écart de toute forme de modernisation. Il n’est donc
pas aussi surprenant de ne pas y rencontrer de boutiques.
Le type II, se présente comme la forme « améliorant » les villages de type I. Même dans
l’organisation de l’espace habitable il y a une différence. Ainsi il y a une séparation entre la
case-habitation et la case-cuisine. On observe une séparation nette entre les jardins de cuisine
et la cuisine en elle-même ; et les champs sont éloignés de ces jardins. « Les cases présentent
un ensemble de moins en moins symétriques, signe de relâchement de la solidarité du groupe
et des liens du sang, qui a pour conséquence, l'introduction de l'adultère, de l’esprit
d’initiative, de l’atypicalité » (Biffot, 1964 : 7). Là les villageois vivent différemment ; il peut
avoir présence d’une boutique appartenant à un villageois. Les lieux d’aisance appartiennent à
chaque famille. Les cases dans ce type II ont des fenêtres. L’endogamie a fait son entrée dans
les clans et même l’exogamie y est observée.
Les villages de type III sont par contre la forme la plus répandue montrant ainsi l’évolution du
monde rural gabonais. On y observe des bouleversements dans la manière de construire, dans
les mœurs et habitudes. On observe aussi « le relâchement des liens sociaux, de la solidarité
du groupe et la tendance vers la famille restreinte (père, mère, enfants et grands-parents avec
exclusion des oncles et tantes) : une stratification sociale se dessine. » (Biffot, 1994 : 8). Ici il
y aussi des jardins qui se trouvent à l’arrière des cuisines combinant un mélange de cultures et
d’arbres fruitiers. De nos jours on retrouve beaucoup les villages de type III dans lesquels les
villageois acquièrent une certaine liberté et ne sont plus trop soumis à l’esprit de communauté.
Le schéma général que décrit Vennetier (1980 : 58) dans son ouvrage sur l’Afrique
équatoriale est le suivant : « "les villages" sont les quartiers où l’habitat est en majorité
traditionnel dans sa forme et dans les matériaux utilisés. Un plan en grille, ou radio-
centrique dessine des centaines de « cellules » dans lesquelles sont découpés des lots, ou
concessions ; sur chacune de celles-ci s’élèvent une ou plusieurs "cases" ». Le village tel que
nous le voyons actuellement a subi plusieurs modifications. Ainsi, le type d’habitat est la
résultante immédiate de l’économie d’un village.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
91
1.4.2. La structure agraire
La structure agraire fait partie de l’aménagement et de la gestion des territoires ruraux. Ainsi
les ruraux transforment leur milieu naturel soit pour s’abriter, soit pour produire, ou soit pour
circuler en créant un réseau de chemins en vue de desservir les parcelles ou aller vers les
territoires voisins. On peut ainsi définir la structure agraire comme l’ensemble des
combinaisons qui existe dans un environnement rural, y compris les hommes. Elle prend en
compte l’habitat, la morphologie rurale, le système de culture et l’élevage. Cependant, les
villageois n’associent pas l’élevage à l’agriculture. Les quelques animaux issus du petit bétail
sont élevés pour les cérémonies et parfois pour être commercialisés.
1.4.3. Les paysages ruraux
Les paysages ruraux gabonais sont en général multiformes. En effet, bien que la forêt domine
presque toute l’étendue du territoire, on retrouve des paysages à prégnance forestière, ce qui
donne une certaine homogénéité. À cause des sécheresses saisonnières qui surviennent on
retrouve néanmoins des formations paysagères de types forêt-savane et savane-forêt
(Bouquerel, 1970). À cela s'ajoutent les facteurs anthropiques. « De cette juxtaposition des
milieux végétaux découle une suite de paysages originaux que le survol du Gabon permet de
découvrir, dans l'imbrication des plaines herbeuses et des grandes zones boisées »
(Bouquerel, op.cit: 17). On observe donc deux grands ensembles de types de paysages: les
paysages forestiers et les paysages de savanes.
Les paysages forestiers vus depuis les axes de communication présentent une diversité
d'espèces d'arbres qui se resserrent les uns contre les autres avec des feuillages très contrastés.
Dans la majorité des paysages forestiers, la marque humaine est presque peu visible. D'un
côté on observe des forêts primaires ayant « tous les traits classiques des forêts hombrophiles
et [couvrent] le haut pays, les monts de cristal, le massif du Chaillu, le Mayombé... [et
s'étendent] sur le Moyen-Ogooué, les plateaux du nord et [subsistent] en noyaux au cœur des
interfluves » (Bouquerel, op.cit.: 18-19). Ces forêts qui conduisent aussi à parler de forêt
dense présentent aussi une « richesse infinie » floristique. La grande pénombre que favorisent
ces forêts est un désavantage à leur régénération et au développement du sous-bois.
Les forêts secondaires quant à elles « se [rencontrent] partout sur les lisières du bloc
forestier, dans les vallées, à l'emplacement des anciennes clairières, cultivées dans un
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
92
lointain passé » (Ibid.: 20). Dans les forêts secondaires par contre le sous-bois est « presque
infranchissable ». Dans ce type de forêt les arbres sont très grands et atteignent parfois vingt
mètres de haut.
À l’opposé, « de vastes savanes herbeuses qu’on appelle au Gabon les plaines s’étendent sur
des sols très divers et des régions parfois fortement arrosées » (Ibid. : 22). Il peut aussi
arriver que forêt et savane se mêlent sur de vastes espaces. On rencontre les savanes
notamment à l’est des plateaux Batéké, dans les provinces de la N’gounié et la Nyanga, dans
le littoral et même au sud-est du pays. En définitif, « le changement de terrain est un facteur
plus concluant dans l’évolution du paysage végétal » (Ibid. : 22-23). Une faune diversifiée
selon les cas, l’humidité, les disponibilités en nourriture, ou l’obscurité sont présents dans la
forêt gabonaise. Dans l’ensemble, l’aménagement des paysages ruraux restent l’œuvre de
l’agriculture. Même si dans un milieu donné l’activité agricole n’y est plus, on remarque
toutefois que ce milieu reste longtemps marqué par l’aménagement qui y a été faite.
2. L’économie villageoise
L’économie villageoise s’observe à travers l’économie de l’arrière-cour et l’économie
vivrière, mais il peut exister d’autres sources économiques qui permettent aux villageois de
répondre à leurs besoins.
2.1. L’économie de l’arrière-cour
Au village, derrière chaque cuisine ou chaque cour on observe une diversité de quelques
cultures sur une surface réduite. On peut y voir quelques pieds de cultures vivrières de base,
des légumes particulièrement et parfois quelques arbres fruitiers sont associés. Le sens
premier de l’économie renvoie à toute activité humaine qui consiste à produire, distribuer,
échanger, voir consommer les biens et services. Dans le sens où les foyers villageois
parviennent à répondre à leurs besoins alimentaires nous permet alors de considérer la
pratique de l’agriculture derrière les cases d’économie de l’arrière-cour. C’est un terme que
nous avons emprunté à Biffot (1964).
Cette économie aide beaucoup la famille, surtout lorsqu’il y a des intempéries. Parce que les
pluies ne sont pas souvent prévues que lorsque le ciel s’obscurcit très tôt le matin, les femmes
sont contraintes de rester au village, car le travail en brousse lors de la pluie est souvent
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
93
pénible et dangereux. Ainsi, ces dernières se dirigent vers l’arrière des cuisines pour cueillir
des plantes qui peuvent être cuites rapidement pour le repas. Dans ce cas, l’économie de
l’arrière-cour ou encore comme le dit Biffot « l’économie du village » ou « de l’arrière-
cuisine », est une économie de dépannage. Si les besoins sont importants elle ne saurait y
répondre. C’est également une économie à laquelle se réfèrent toutes les femmes des villages.
Certes elle est moins signifiante, mais elle est efficace à un moment donné.
2.2. L’économie vivrière
Aux confins lointains, c’est-à-dire hors de la périphérie habitable des villages, on observe des
aires cultivées à dimensions variables. C’est là que l’économie rurale se définit
majoritairement. L’économie rurale gabonaise est dominée par l’agriculture familiale et
demeure traditionnelle. Pour ce qui est des cultures vivrières, elles occupent la plus grande
partie des superficies cultivées. En 1967 par exemple, « elles occupaient environ 95 000 ha,
soit 77 % de la superficie cultivée » (Bouquerel, op.cit.: 63). Le reste de la superficie du
champ accueille les autres cultures aux cycles végétatifs courts. Dans les cultures vivrières, le
manioc et la banane plantain qui sont deux cultures de base occupent une place de choix dans
l’agriculture et l’alimentation des ruraux, et des urbains.
Ceci permet de voir que les surfaces cultivées des produits vivriers ont triplé en 2009 et
atteignent 363 hectares (TBE 2010). Cette augmentation de la production vivrière dans
l’ensemble du pays est due à l’augmentation du nombre de stagiaires du MAEDR sur le
territoire national. Ces derniers en effet contribuent à faire promouvoir et à développer
l’agriculture au Gabon. Ainsi, le chiffre d’affaires dérivant des cultures vivrières a connu une
augmentation, 454 millions de FCFA en 2009 contre 414 millions en 2008 (Idem).
Le manioc principalement a connu une forte progression de 8,3 %, en 2009 donc 520 tonnes
contre 480 tonnes en 2008. Occasionnant par la suite une hausse du chiffre d’affaires de 104
millions de FCFA contre 96 millions de FCFA en 2008 (Idem). Cette augmentation de la
production du manioc s’est manifestée sur le terrain par l’augmentation du nombre d’ateliers
de production de pâte de manioc. Au total 25 unités. Ces données manquent cependant de
transparence quand il s’agit de voir la part réservée uniquement à l’agriculture rurale. Les
données statistiques faisant défaut, le plus souvent les informations données sur l’agriculture
englobent aussi bien l’agriculture pratiquée dans les villes et à leurs alentours, que celle des
villages. Ce qui rend disparate les conclusions. Malgré les difficultés des villageois, au travers
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
94
de la commercialisation des produits vivriers, ils reçoivent quelques devises, même si les
conditions d’acheminement vers les centres urbains demeurent un véritable handicape.
2.3. Autres sources économiques
Hormis la pratique de l’agriculture qui demeure jusqu’à ce jour une réelle source
d’approvisionnement en denrées alimentaires et en devises en milieu rural, les villageois
exercent l’artisanat, la foresterie. Le métier d’artisan était quasiment pratiqué partout dans le
monde rural gabonais bien avant la colonisation, car « la plupart des peuples du Gabon
savaient travailler les diverses sortes de matières premières pour les transformer en produits
finis » (Metegue N’nah, 1979 : 40). Toutefois la diversité des domaines dans l’artisanat
entraînait aussi leur maîtrise chez certains paysans. Ainsi, la maîtrise de fabrication des
étoffes revenait surtout aux peuples du sud tels que les Gisir, Punu et mieux Apindji et
Mitsogo qui tissaient remarquablement. Cette entreprise consistait à tisser du raphia. Tout un
génie se manifestait durant ce laborieux travail. La fabrication des étoffes avait plusieurs
usages. Avant la pénétration de l’économie de marché, les étoffes servaient à fabriquer des
moustiquaires ou des vêtements. Mais aujourd’hui avec la modernisation les villageois
préfèrent beaucoup plus les produits industrialisés. Cependant l’utilisation du raphia devient
une mode parce que de nombreux couturiers l’utilisent pour valoriser la culture gabonaise.
C’est ce qui permet encore à quelques paysans sachant encore tisser de fabriquer cette étoffe
et de la commercialiser auprès des modélistes.
Comme autre métier d’artisan apparaît le travail du fer remarquablement entrepris par les
peuples du nord comme les Simba et les Fang surtout. Là aussi les paysans faisaient preuve
d’habileté. Mais aujourd’hui, on ne rencontre presque plus de forgerons dans les villages.
Ceux qui pratiquent encore cette tâche se voient faire payer leurs services aux autres
habitants. Enfin d’autres activités pouvant permettre aux villageois de se faire un peu d’argent
à savoir la fabrication des paniers, des nattes, des tabourets, pillons ou mortiers intéressent
encore quelques uns. La commercialisation de ces objets fabriqués par des artisans villageois
est beaucoup plus bénéfique lorsque ces objets sont vendus dans les milieux urbains où des
citadins ayant la nostalgie de leurs villages s’en procurent. Dans ce cas des commandes
peuvent leur être faites par les citadins.
Par ailleurs, la foresterie bien que n’étant pas généralisée à l’ensemble des paysans, permet à
quelques familles disposant de quelques pieds d’arbres de soit les commercialiser directement
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
95
aux sociétés forestières, soit de devenir eux-mêmes des entrepreneurs forestiers. Il s’agit des
PGG (Permis Gré à Gré) ; c’est une source de revenus que l’Etat a initié et voudrait en faire
bénéficier tous les ruraux. C’est aussi dans le but d’inciter les activités forestières au sein des
communautés rurales que les projets sur les Forêts Communautaires (FC) ont été créés. Mais
les FC sont encore à l’état embryonnaire au Gabon. En attendant son développement quelques
paysans continuent de bénéficier de l’article 114 de la Loi n°16-01 du 31 décembre 2001, leur
permettant d’obtenir des PGG afin d’exploiter le bois.
Même s’il existe d’autres moyens pour obtenir de devises afin de subvenir aux besoins de la
famille, l’agriculture demeure la principale activité des ruraux gabonais. C’est pourquoi quand
bien même entreprenant quelques activités telles que citées plus haut, un villageois a toujours
un champ. La carte ci-après permet de voir l’agriculture au Gabon ainsi que les différents flux
de produits observés.
Source : Ovono Edzang, 2004 :31
Carte 2 : L’agriculture au Gabon
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
96
3. Des espaces ruraux en perpétuelle crise
Les analyses antérieures comme celle faite par Balandier et Pauvert sur les villages gabonais
en 1952, et même bien avant cette date, montre déjà les crises traversées par ce monde rural.
Ces crises se sont amplifiées au fil du temps en creusant davantage le fossé entre les espaces
rurales et urbains. Nous voyons quelques causes favorisant la continuité de ces crises.
3.1. Le déclin de l’agriculture familiale
Depuis 1975, le secteur agricole est très marginalisé à cause du sous-peuplement gabonais, de
l’exode rural, du manque ou de l’insuffisance des politiques agricoles performantes, etc.
Aujourd’hui encore, le constat est que le secteur agricole ne parvient pas toujours à satisfaire
les besoins alimentaires des populations, et son apport dans l’économie nationale reste
négligeable.
Dans le monde rural, l’économie vivrière repose essentiellement sur les produits vivriers et
leur vente issus de l’agriculture familiale. Les agricultures familiales sont souvent confrontées
à de multiples difficultés parmi lesquelles, l’absence de véritable organisation et gestion de la
production. Dans ce cas l’épargne n’est pas envisagée. La plupart du temps, les paysans
s’acquittent de leurs dettes agricoles à court terme, mais à moyen terme ils ont souvent eu du
mal à rembourser (Devèze, 2004). La survie des agricultures familiales apparaît donc comme
étant une réelle préoccupation. Avec un marché international toujours en mutation il faut que
ces agricultures connaissent une modernisation et une structuration pour mieux s’en sortir.
Défavorisée par la croissance des autres activités, l’agriculture a toujours été le « talon
d’Achille » de l’économie gabonaise. (Pourtier, 1989). Il est vrai qu’il y a eu une incitation à
l’agro-industrie (canne à sucre, palmier à huile, hévéaculture, etc.) dont les résultats ne sont
pas satisfaisants, l’agriculture vivrière a toujours été relégué à l’arrière-plan par les pouvoirs
publics, ce qui met le pays dans un état de dépendance alimentaire important.
3.2. L’exode rural et le vieillissement de la population rurale
En Afrique Centrale, la croissance des villes pose de graves problèmes dont l’exode rural. Par
ailleurs plusieurs études présentent l’immigration comme étant dominant dans le
développement des villes noires (Robequain, 1956). En ce qui concerne le Gabon, l’exode
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
97
rural est très avancé. En effet, « au début de l’installation française, on trouvait encore de
gros villages Fang, comptant jusqu’à 700 ou 800 individus. Ils dépassent rarement cent
aujourd’hui, malgré les essais administratifs de regroupement » (Ibid. : 306). On voit là déjà
un problème de dépeuplement des villages qui se manifeste avant l’indépendance.
Selon les cas étudiés, dans les pays du Sud, il ressort que l’exode rural ne touche pas toutes
les campagnes du Sud. En fait, les campagnes prospères sont celles qui sont plus reliées aux
villes mais celles qui sont éloignées des centres urbains subissent des difficultés énormes.
Elles sont même parfois menacées de « disparition ». À l’opposé, les conditions défavorables
de certaines villes ont entraînées le retour des citadins vers les milieux ruraux urbanisés.
C’était en effet le cas du Cameroun et de la Zambie (Chaléard et Dubresson, 1999). Au
Gabon, l’exode rural touche tous les milieux ruraux, surtout enclavés. « En une vingtaine
d’années, la moitié de la population a réalisé son transfert du village à la ville. Dans le même
temps la productivité de l’agriculture n’a connu aucun progrès sensible, de sorte que le
support alimentaire national est de plus en plus étroit » (Pourtier, 1984 : 448). On remarque
donc une régression nette de la population rurale. En effet, entre 1960 et 1970, elle est passée
de 80 % à 63 % de la population globale. En 2000, elle passe à 20 %. Et, aujourd’hui
plusieurs raisons poussent à croire que la population présente dans les villages s’est davantage
réduite, nous le vérifierons dans la seconde partie. La diminution de la population rurale peut
en effet s’expliquer par deux facteurs. Le premier d’ordre économique fait que le
développement industriel et minier nécessite une main-d’œuvre importante. Ce qui réduit
constamment la main-d’œuvre agricole.
Le second facteur d’ordre sociologique montre que parce que l’économie gabonaise est
beaucoup plus axée sur les activités extractives, les paysans n’ont pas d’attachement
particulier avec la terre, et leur mobilité géographique connue depuis les temps anciens n’est
pas surprenante. Cependant, l’exode rural n’impacte pas de la même manière la structure
démographique rurale. Ainsi, « cet exode rural n’a pas touché indistinctement tous les sexes
et toutes les classes d’âge ; frappant beaucoup les plus jeunes que les personnes âgées et les
hommes que les femmes, il a eu pour conséquence de vieillir la population et d’accroître le
déséquilibre entre les sexes au détriment du dynamisme de l’agriculture » (MAEDR, 2005 :
12). À ce sujet, Balandier et Pauvert (1953 : 27) affirment à propos de l’analyse faite sur les
villages Fang et Punu que « l’exode rural sévit avec une intensité et une gravité qui ont été
signalées. Il est à la base de la dissolution actuelle de la structure traditionnelle ; il opère une
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
98
ségrégation sexuelle nette : la masse des hommes jeunes étant portée vers les villes, tandis
que les femmes restent au contraire dans les villages… ». Par ailleurs, le dépeuplement des
zones rurales au profit des zones urbaines accroît également les besoins alimentaires et
contribue à défavoriser la croissance.
3.3. Le mauvais état des infrastructures de transport
Dans l’optique de favoriser l’unité du territoire, ainsi que le développement économique et
social, l’État gabonais a formé plusieurs Plans. Les transports ont souvent constitué une
priorité de ces plans. Ce souci de développer les infrastructures de transport résulte du fait que
le Gabon devenant indépendant devait désormais prendre son destin en main en améliorant les
insuffisances constatées durant l’AEF, où il fut complètement mis à l’écart au profit des autres
pays dont le Congo.
Les voies de « communications, au sens large, représentent la pièce maîtresse de
l’organisation de l’espace, le principal enjeu de la stratégie territoriale de l’État autant
qu’une condition de développement » (Pourtier, 1989 : 125). C’est dans ce sens que le
gouvernement gabonais a décidé d’entreprendre depuis 1960 un vaste programme pour
désenclaver le territoire national. Ce vaste programme d’aménagement de désenclavement
bénéficiant d’une part des bénéfices de l’économie extractive, et d’autre part des emprunts, a
favorisé le lancement des grands travaux dont le réseau ferroviaire reliant Libreville-Owendo
à Franceville. La concentration de l’État sur la construction de la voie ferrée a nécessité un
fort investissement laissant pour compte le développement d’autres voies de transport.
L’État gabonais déploya ses premiers efforts dans l’aménagement des réseaux de
communication fluviaux et terrestres qui « furent longtemps les principaux modes
d’acheminement valorisés pour le déplacement des produits et des hommes » (Ndjambou,
2008 : 209). Le Gabon pourvu d’un réseau fluvio-lagunaire important a permis pendant des
décennies aux populations de communiquer avec le reste du pays. Même si les techniques
utilisées sont traditionnelles et marquent en général le transport par voie d’eau, l’utilisation
notamment de l’hors-bord permet d’aller un peu plus vite. Cependant les formes modernes de
ce type de transport sont actuellement observées chez les sociétés forestières pour le transport
des grumes. Quant au réseau terrestre, il est longtemps resté de très mauvaise qualité. En effet,
les pistes et les routes en latérite sont les principaux caractères de ce réseau. Malgré la volonté
du gouvernement gabonais à développer son réseau routier, « aujourd’hui encore on peut
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
99
constater que le réseau routier gabonais est fait, à 94 %, de voies non bitumées » (Madebe,
2004 : 42). En dehors des axes publics généralement de mauvaise qualité, il existe aussi des
routes privées entretenues tant bien que mal.
En dépit des opérations faites sur le réseau de transport, il ressort que les centres urbains ont
du mal à communiquer avec l’arrière-pays. Il est vrai que la problématique des infrastructures
de transport (routes) au Gabon repose sur deux faits essentiels qui ne favorisent pas leur
développement. Le premier est que les raisons naturelles jouent en défaveur du réseau routier.
Le fait que l’on soit en milieu forestier équatorial nécessite de grands travaux pour créer des
routes dans cette immense forêt. À cela s’ajoute une abondance pluviométrique menaçant
continuellement les infrastructures faites au travers de l’érosion occasionnée lors du
ruissellement. Sans oublier les « contraintes écologiques » rencontrées notamment dans les
Monts de Cristal où l’on observe les pentes fortes rendent difficiles les travaux des routes
(Pourtier, 1989). Enfin l’autre raison qui explique la médiocrité des routes gabonaises est
d’ordre démographique. Le fait en effet que la population soit peu nombreuse fait que « le
coût de la construction et de l’entretien d’’une route, ramené au trafic potentiel de voyageurs
ou de marchandises, est très élevé. Bien que des tronçons routiers ne voient passer que
quelques véhicules par jour : leur entretien coûte cher à la collectivité » (Pourtier, op. cit. :
219). Face à cette situation les ruraux notamment sont davantage confrontés aux problèmes de
transports. Aller se faire soigner en ville, ou faire des courses, ou encore aller vendre des
produits agricoles devient de plus en plus difficile pour ces ruraux surtout en saison pluvieuse.
Ceci a contribué au déclin de l’économie villageoise.
Ainsi, l’enclavement de plusieurs milieux ruraux constitue un véritable handicap au
développement rural. C’est pourquoi, « villageois et transporteurs sont unanimes : ils ne
demandent qu’une chose à l’État : de bonnes routes ». (Ibid. : 228). En plus des difficultés
rencontrées, mentionnées plus haut quant à l’essor des infrastructures de transport, il existe
des problèmes d’organisations qui contribuent à l’inefficience de la politique de construction
et de gestion des routes.
C’est donc dans le souci d’améliorer les conditions de déplacements des populations et pour
redonner un nouveau déploiement à l’économie notamment rurale, que le nouveau Président
de la République déclare : « J'ai décidé de lancer la construction de ce qui constitue l'épine
dorsale de notre économie, c'est-à-dire la route Libreville-Franceville, dont le financement
vient d'être acquis, grâce à un partenariat avec des pays émergents qui croient à la capacité
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
100
économique du Gabon de se hisser parmi eux » (Archives du 24/04/2010)40
. Il en est de même
pour l’amélioration du transport maritime. Ainsi des projets montrant de nouveaux chantiers
de routes sur les axes tels que Lalara-Koumameyong-Ovan ou Tchibanga-Mayumba et du
pont de la lagune Banio sont les défis du gouvernement actuel.
3.4. Le déficit de structures de premières nécessités
Comme dans l’ensemble du pays le monde rural connaît des déficiences dans les domaines de
l’éducation, la santé, et même dans la desserte d’eau et d’électricité. C’est pourquoi face aux
préoccupations des populations, l’État met en œuvre une politique sociale en vue d’améliorer
les conditions de vie. Concernant l’éducation, « le système éducatif connaît de nombreux
dysfonctionnements, tant au plan institutionnel qu’à celui des résultats scolaires et
académiques, malgré un taux d’alphabétisation élevé » (TBE, 2010 : 106). Le constat est plus
alarmant dans les villages. On remarque encore de nos jours des enseignants qui refusent de
rejoindre leurs lieux de travail surtout lorsqu’il s’agit des villages très enclavés. Et lorsqu’il
existe une école dans un village ou dans un regroupement de villages, les conditions de travail
sont plutôt difficiles. Le manque de salles de classes, ainsi que le matériel pédagogique sont
en effet les difficultés que rencontre les écoles villageoises. À cela s’ajoute le fait que
plusieurs parents décident de scolariser leurs enfants en ville parce que le manque
d’enseignants, ou leur absence lors de leurs déplacements pour s’approvisionner ou pour
prendre leurs salaires en ville, ou encore le retard enregistré lors de la prise de fonction une
fois affecté, participent à élever davantage le taux d’analphabétisation dans les villages.
Parfois c’est le sous-effectif d’élèves dû à un nombre réduit d’enfants en âge de scolarisation
vivant dans les milieux ruraux qui complique la situation. Le système éducatif des villages ne
comprend que les écoles primaires. Lorsque les enfants sont admis en Sixième, ils rejoignent
les établissements secondaires des centres urbains.
À propos de la santé « le gouvernement prône un meilleur accès aux soins de santé pour
l’ensemble des populations quel que soit le niveau social. Pour ce faire, une opération de
grande envergure a été entreprise. Elle a porté à la fois sur la formation du personnel
soignant et sur la rénovation des équipements et des bâtiments des structures de santé
40
http://www.gabon-services.com/l-actualite/l-actualite/957/les-infrastructures-de-transport-l-heure-de-l-
emergence.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
101
publique » (TBE, 2010 :107). Cependant les actions de rénovations sanitaires concernent
beaucoup plus les hôpitaux urbains. Quelques villages seulement bénéficient de dispensaires
mal ou peu équipés dans lesquels on ne peut trouver que des médicaments de première
nécessité. C’est pourquoi plusieurs paysans préfèrent recourir à la médecine traditionnelle et
ne vont au dispensaire ou dans les hôpitaux urbains que lorsque la maladie devient grave.
Pour ce qui est des affaires sociales, une innovation récente, très avancée permet aux
populations économiquement faibles de bénéficier des allocations familiales et des soins
médicaux à moindre coût. Crée par l’ordonnance n°0022/2007/PR du 21 Août 2007, la Caisse
Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale (CNAMGS) qui conduit cette action
fait preuve de bonne organisation en associant à leurs opérations les ruraux des zones très
enclavées. Quant au problème de l’eau et l’électricité, il se pose actuellement avec beaucoup
d’acuité aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Pour l’instant il n’y a
pas encore de véritables solutions apportées à ce problème.
3.5. Un environnement économique peu propice
L’aspect économique n’est pas le seul à justifier le dépérissement du monde rural gabonais.
Mais son impact sur ce monde est crucial. Parce que les milieux ruraux se vident davantage de
leurs mains valides parties vers d’autres horizons à la recherche d’emplois pouvant changer
leurs conditions de vie, que l’activité agricole aura toujours un manque à gagner, avec une
main-d’œuvre de plus en plus faible.
3.5.1. Une agriculture face à plusieurs concurrents
Il existe un profond déséquilibre entre l’agriculture et les autres secteurs. Le secteur agricole
employant beaucoup d’actifs est marginalisé. Il ne profite pas des fruits de la croissance des
autres secteurs. Ce qui entraîne des conséquences graves dans l’économie. En effet une forte
partie du budget national est orientée vers l’importation des denrées alimentaires (250
milliards de FCFA/an). La faiblesse de l’agriculture gabonaise peut s’expliquer par le fait que
le Gabon n’a pas une véritable coutume agricole. Toutefois, durant l’époque précoloniale et
coloniale, l’agriculture vivrière traditionnelle parvenait presque à nourrir la population. Mais
l’urbanisation apportant une évolution dans les comportements alimentaires et la démographie
galopante des centres urbains ont révélé les insuffisances de cette agriculture.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
102
L’agriculture gabonaise comprend l’agriculture vivrière, le maraîchage et les cultures de
rente. L’agriculture vivrière constitue en effet l’ensemble des produits de base (banane,
igname, taro, patate douce, manioc, etc.) et les cultures à court cycle (arachide, maïs et les
légumes). Le maraîchage par contre tourne autour des produits tels que l’aubergine locale et
violette, le chou, l’amarante, la carotte, etc. Quant aux cultures de rente, ce sont le cacao, le
café, l’hévéa et le sucre qui favorisent les exportations des produits agricoles gabonais vers
l’extérieur. Mais il faut dire que l’ensemble de la production gabonaise nationale ne permet
pas de résoudre les insuffisances alimentaires des ruraux et des urbains, c’est ce qui favorise
l’importation des quantités considérables pour l’alimentation. En conséquence plus de la
moitié des besoins alimentaires des Gabonais sont satisfaits par les produits agricoles
étrangers. Ce sont les bénéfices du pétrole qui apportent une grande part dans l’économie et
permettent ainsi l’importation des produits agricoles.
La concurrence de l’agriculture gabonaise d’avec les autres secteurs d’activités ainsi que les
produits agricoles étrangers participe à maintenir son sous-développement. En effet, le Gabon
dépend à plus de 60 % de l’extérieur pour répondre à ses besoins alimentaires et agricoles. Le
premier pays de la CEMAC qui vient en tête dans l’approvisionnement des marchés gabonais
est le Cameroun (cf. carte 2). La CEMAC est en effet la Communauté Economique et
Monétaire de l’Afrique Centrale. Cette communauté regroupe six pays dont le Gabon.
L’agriculture joue un rôle très important dans les échanges des pays de la CEMAC. En effet,
son apport au PIB de la CEMAC est de 27 % (Douya et al., 2005). Depuis 1999, les taxes
douanières sur les produits agricoles provenant de la zone CEMAC sont quasi inexistantes. À
cet effet, le Cameroun, à cause de sa forte production agricole est le gros fournisseur des pays
de la région. Il détient les trois quarts des exportations intra régionaux. Il est donc très
excédentaire dans les échanges intra régionales. C’est vers le Gabon qu’il exporte le premier.
Ainsi, en 2003, le Gabon a dépensé 13 394 millions de FCFA (Douya et al., op.cit.) dans
l’importation des produits agricoles en provenance du Cameroun. Ceci montre que dans la
région c’est le Gabon qui est un grand consommateur en produits agricoles. Mais en matière
d’exportations intra régionales, le Cameroun est suivi de loin par le Gabon qui exporte
principalement ses produits agricoles vers le Tchad. Ces produits agricoles concernent
essentiellement l’huile de palme, les préparations alimentaires, le sucre, etc.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
103
3.5.2. Le choix des agro-industriels
Les filières agro-industrielles (cultures de rente, élevage) apparaissent à la fin des années
1970, dans le but de disperser les activités économiques sur l’ensemble du territoire national
afin de répondre aux besoins nationaux, et contribuer au développement économique par
l’exportation des produits agro-industriels (Mianzenza, 2001). Certaines des filières agro-
industrielles n’ont toutefois pas pu prospérer jusqu’à ce jour. La dépendance alimentaire du
Gabon vis-à-vis de l’extérieur n’a pas cessé d’interpréter les pouvoirs publics. Plusieurs
tentatives seront alors effectuées dans le but de restaurer le secteur agricole afin de satisfaire
les besoins alimentaires des Gabonais (urbains et ruraux). C’est dans cette optique que vont
naître les différentes interventions de l’Etat.
Face à l’évolution des habitudes alimentaires, la sécurité alimentaire se présentait comme
étant une priorité. C’est donc dans le but de résoudre les problèmes alimentaires des Gabonais
et de réduire les importations des produits vivriers que le gouvernement à décider de mettre
l’accent sur l’agriculture. En effet, durant la période 1960-1975, la production vivrière avait
considérablement chutée de l’ordre de 15 % (Magnagna Nguema, 2005) parce que le secteur
agricole était totalement abandonné. Ainsi, c’est au cours du 3e plan quinquennal (1976-1980)
que le gouvernement gabonais décide de mettre un accent particulier sur l’agriculture, en la
déclarant « priorité des priorités ». Ce plan prendra appui sur l’augmentation des recettes
pétrolières du moment de telle sorte que le budget alloué au département de l’agriculture
grimpa à 4 % contre 1,2 % (1966-1975).
Des projets agro-industriels combinant élevage et cultures verront le jour, parce que l’accent
sera mis sur la modernisation et l’industrialisation de la politique agricole. Mais la politique
agroindustrielle ne favorisera pas le développement des cultures vivrières, mises à l’écart.
C’est pourquoi la mise en place d’un 5e plan quinquennal (1984-1988) et des politiques
d’ajustement structurel (1986-1990) seront élaborés pour favoriser l’amélioration des
conditions de vie des ruraux et de leurs cultures. C’est aussi dans cette même période que des
opérations zonales intégrées (OZI) apparaîtront. Mais les finances qui seront octroyées ne
seront pas suffisantes parce que la situation économique se dégradait. Après toutes ces
réformes sur le secteur agricole, il est constaté que le bilan est négatif, car les objectifs n’ont
pas véritablement été atteints. De ce fait, commencera en 1994 le projet d’appui au paysannat
gabonais (APG-FIDA), financé par le fond international pour le développement agricole
(FIDA). Celui-ci présentera également ses limites dès 1998.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
104
À l’instar de l’agriculture, le sous-développement de l’élevage au Gabon causée par l’absence
de tradition d’élevage, et le manque de système de commercialisation du bétail ont favorisé
une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur. En effet, les effectifs des producteurs issus de
l’élevage industriel et artisanal ne contribuent guère à satisfaire les besoins alimentaires des
Gabonais.
Pour pallier à ce déficit, le gouvernement décide de créer la SIAEB (élevage des poules) en
1977 dans le but d’approvisionner les marchés urbains. Mais le coût élevé de la main-
d’œuvre, les obstacles techniques, et l’éloignement de la SIAEB par rapport aux principaux
centres urbains (Libreville et Port-Gentil) ont entraîné l’inflation du prix du poulet. La
concurrence étant favorable aux poulets importés parce que coûtant moins chers que le poulet
de la SIAEB, a plongé la société dans de grandes difficultés, car toute sa production n’était
plus totalement vendue. Ainsi, les ménages ont substitué la consommation du poulet à celle
du poisson dont le prix du kilogramme est à la portée de tous.
Malgré les efforts accomplis par le gouvernement en vue d’améliorer la SIAEB, elle suspend
ses activités en 2000. De même, la création de la Société Gabonaise d’Elevage (SOGADEL)
en 1977, spécialisée dans l’élevage industriel des bovins, devait permettre de limiter les
importations de viande. Là aussi, les difficultés de fonctionnement que connaît la société suite
à une diminution des aides, à la cherté des produits vétérinaires sur le marché international, la
décroissance du cheptel, etc. ont contribué à réduire l’activité de la SOGADEL. Par ailleurs
l’élevage artisanal connaissant également des problèmes n’a pas pu améliorer sa production.
Cette situation entraîne ainsi une forte dépendance. C’est pourquoi dès la fin de l’année 1994,
l’importation des quantités de viande prend une ampleur considérable. Aujourd’hui encore les
besoins en viande sont loin d’être satisfaits par les efforts des quelques particuliers ou
entreprises d’élevage. De même, la pisciculture qu’elle soit traditionnelle ou industrielle
n’induit pas également une production conséquente. En effet, le ravitaillement pour nourrir les
poissons se bute à des obstacles et l’insuffisance de la formation des initiateurs stagne
l’activité.
Tous les plans et politiques pour améliorer le secteur agricole ont montré leurs défaillances de
telle sorte que le monde rural n’a pas connu une amélioration, et la sécurité alimentaire
devenant de plus en plus problématique. Plusieurs sociétés agro-industrielles telles que la
SIAEB (élevage avicole), AGROGABON (palmier à huile), etc. ont dû fermer. Mais il faut
toutefois dire que pendant cette période de réajustement de l’activité agricole quelques points
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
105
positifs ont été observés. Toutefois, malgré toutes ces activités, l’agriculture n’est pas
parvenue à se développer. On le voit clairement au travers des taux d’importation alimentaires
respectivement constatés au fil du temps. De plus, la faiblesse de l’environnement
institutionnel qui s’est manifestée au travers des projets retenus n’a pas joué en faveur de
l’activité agricole.
3.5.3. Le développement rural en question
Le choix de l’agro-industrie pose le problème du développement rural gabonais. En effet, les
investissements orientés pour faire développer ce secteur n’ont contribué qu’à défavoriser le
développement en milieu rural. Ce développement passait par des projets dont un Plan arrêté
en 1966-1971 consistait d’une part à « créer une classe paysanne à niveau de vie élevé »
(Bouquerel, op. cit. : 68). Ceci ferait que la population paysanne soit stable et que les activités
modernes ne défavorisent pas la production rurale. « Rechercher un équilibre entre les
activités industrielles et commerciales et celles de l’agriculture » (Idem) d’autre part.
Cependant, l’application de ces projets n’a pas permis au monde rural de se développer, bien
au contraire. Même les cultures de rente (cacao, café) qui ont été d’abord choisies par les
puissances coloniales pour permettre aux paysans d’augmenter leurs revenus agricoles et pour
permettre au pays d’exporter, ont eu pour conséquence la diminution des superficies
cultivables des produits vivriers et le redéploiement des actifs agricoles vers ces cultures de
rente.
Pourtier (1989) a montré que les causes structurelles et conjoncturelles mises ensemble ont
favorisé la crise du secteur agricole. Ainsi, bon nombre d’éléments justifient bien cette crise.
En effet « l’archaïsme des techniques de production agricole, l’isolement des villages
demeurés à l’écart des circuits de l’argent sont apparus insupportables à la fraction jeune de
la population, le départ vers les chantiers, les mines, les villes représentant le seul moyen de
pénétrer dans le présent, de devenir acteur du renouveau social » (Pourtier 1984 : 448). Bien
que le développement agricole et rural ait été déclaré par les autorités gabonaises comme étant
« la priorité des priorités » depuis les années 1970, les résultats des projets ne sont pas
concluants. On peut alors se demander s’il n’existe pas à la base une adéquation entre ces
projets de « restauration » et le développement rural ? Penser à l’après-pétrole pour une
économie largement dominée par l’or noir a toujours été une réflexion chez les autorités, d’où
la mise en place de tant de projets agricoles. Cependant la politique de développement des
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
106
agro-industries ayant montré ses limites quant à la résolution des problèmes ruraux montre
que le développement rural ne sera guère favorisé par elles.
Il existe une forte concurrence entre les activités agro-industrielles et l’activité agricole qui
demeure marginalisée, alors que le devenir du monde rural gabonais réside dans le
développement de l’agriculture. Il vrai qu’il serait précoce de dire avec certitude que si les
autorités pensent le « développement autonome » des villages autrement, en incluant le fait
que les villageois eux-mêmes sont capables de penser leur développement en apportant des
ajustements aux insuffisances observées, au lieu de faire d’eux des éternels assistés,
changerait certainement la situation. De même, le désenclavement des milieux ruraux par des
voies de communication de bonne qualité leur permettra de trouver dans le fait de
commercialiser leurs produits et des bénéfices qu’ils en tireront, le moyen de mieux
développer leur production. Il est également vrai qu’en dehors des techniques traditionnelles
la production agricole dans les villages reste faible par le fait que les hommes ne s’impliquent
pas beaucoup dans l’agriculture vivrière. En effet, il a été remarqué que les cultures
commerciales (cacao, café, palmier, hévéa) étaient l’apanage des hommes parce qu’elles
généraient plus de bénéfices que les cultures vivrières. De même, si la commercialisation des
cultures vivrières apporte d’importants bénéfices, alors hommes et femmes trouveront
ensemble en l’agriculture le moyen d’améliorer leurs conditions de vie.
« L’évolution récente montre en revanche que la participation des hommes à la production
est stimulée lorsque les villages ont pleinement accès à l’économie de marché » (Pourtier,
1989 : 302). En effet, « l’ouverture sur le marché, garantie par un transport régulier, et à
condition que les prix payés aux producteurs soient suffisamment rémunérateurs, constitue à
nos yeux le facteur le plus important, le seul susceptible de réduire la distance du village à la
ville et par conséquent d’enrayer l’hémorragie rurale avant qu’elle n’atteigne le seuil
irréversible qui compromettrait tout effort de développement » (Idem). C’est ainsi que
l’économie rurale pourra se développer. De plus, si la commercialisation des produits vivriers
s’avère bénéfique, on pourra même penser au retour des citadins n’ayant pas d’emplois vers
les villages.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
107
4. Quelques actions du gouvernement visant à redynamiser le
monde rural
Plusieurs tentatives ont été effectuées dans le but de restaurer le secteur agricole et les milieux
ruraux. C’est dans cette optique que vont naître les différentes interventions de l’Etat dont
deux sont évoquées ici.
4.1. La politique de décentralisation
La décentralisation est un « système d’organisation des structures administratives de l’Etat
qui accorde des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux ou
locaux (collectivités locales, établissements publics) » (Le petit Larousse 2013 : 310). Cela
occasionne un transfert des compétences administratives de l’Etat vers les collectivités
locales. Depuis la colonisation la décentralisation a été considérée comme étant l’outil qui
pouvait permettre au territoire gabonais de se développer. C’est pour réformer l’Etat et
l’administration dans le but de rendre plus efficace les services publics que la décentralisation
était plus que nécessaire, dans la moitié des années 1990.
C’est au cours de la conférence nationale de 1990 que l’unanimité reconnut « l’excessive
centralisation comme la cause majeure du dysfonctionnement de l’Etat » (Garandeau, 2010 :
63). Ainsi, la décentralisation bien que n’étant pas au centre des problématiques de cette
conférence a toutefois permis d’envisager l’élaboration d’une loi qui permettrait de réduire les
inégalités existantes dans les régions du Gabon. Ceci sera possible grâce au « transfert de
compétences et [à] la promotion du développement local » (Ibid. : 64). Le processus de
décentralisation s’accélérant avec le support des « accords de Paris » ferait que les communes
et les départements bénéficient de « la délocalisation de certains cycles d’enseignement, de
certaines structures sanitaires, sportives et socioculturelles, ainsi que des structures de
protection de l’environnement » (Idem). C’est ainsi que le monde rural pouvait profiter des
avantages de ce processus.
Mais la décentralisation constitua un « vaste chantier d’accompagnement » qui occasionna
plusieurs amendements administratifs au travers de l’établissement de plusieurs lois. Ainsi, la
Loi 15/96 est celle sur laquelle elle s’appuie. Toutefois l’élaboration de cette loi ne suffisait
pas pour entamer le processus de décentralisation. Il fallait aussi que soit mis en place des
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
108
textes parallèles tant sur les attributions des collectivités locales, que sur les aspects financiers
ou encore la manière dont le transfert de compétences pourrait être fait, pour ne citer que cela.
C’est dans ce sens que le gouvernement a mis en place trois organismes pour mettre en œuvre
la politique de décentralisation : une Commission nationale de la décentralisation (CND), un
Comité technique de la décentralisation (CTD) et des Commissions provinciales de la
décentralisation (CPD), d’après les articles 223 à 227. Malgré cette organisation, plusieurs
insuffisances ont été observées dans l’application de cette politique. Les acteurs impliqués
s’approprient peu cette politique, les services centraux ont toujours l’exclusivité du pouvoir,
le manque d’expertise dans certaines collectives locales, le problème financier sont autant de
problèmes qui réduisent l’efficacité du processus de décentralisation. À cela s’ajoute un point
central, qui est l’absence de précision autour des textes sur lesquels s’appuie la
décentralisation. Ce sont des textes qui manquent de clarté pour qu’ils soient applicables. En
effet, « dans l’ensemble, la loi est restée assez vague sur le détail des différents contrôles.
Certes, elle renvoie à des textes futurs pour l’organisation de ces contrôles, mais l’impression
qui se dégage à la lecture du titre relatif à la tutelle, « De la tutelle de l’Etat sur les
collectivités locales », est celle d’une grande prudence, comme d’ailleurs dans l’ensemble du
texte » (Garandeau, op. cit. : 97). Même si plusieurs collectivités locales ont vu le jour grâce à
la décentralisation, mais cette dernière est restée très limitée quant à son applicabilité. Plus
d’une décennie d’exécution, la politique de décentralisation révèle un bilan très mitigé.
C’est pourquoi dans l’optique d’amoindrir les disparités existantes entre les villes principales
du Gabon, surtout Libreville et les autres villes de l’intérieur du pays, le gouvernement a
décidé de reprendre la politique des « fêtes tournantes » qui sont célébrées rotativement dans
toutes les provinces, d’après la Loi 15/96 relative à la décentralisation. Mais cette initiative
n’a pas vraiment changé grand-chose dans plusieurs communes rurales. Ces communes sont
presque restées avec leurs mêmes problèmes : chômage, insuffisance des équipements
sanitaires, services administratifs très limités, etc. C’est pourquoi, l’activité agricole devient le
dernier recours pour mettre la famille à l’abri de la misère en attendant qu’une offre d’emploi
se manifeste.
Si la décentralisation est apparue comme le moyen de déposséder du pouvoir le système
monopartisme qui en était « foncièrement centralisateur » afin d’aboutir à un libéralisme
politique au travers du transfert de pouvoir vers les collectivités locales, avec l’arrivée de la
démocratie, il existe néanmoins un large fossé avec la réalité sur le terrain (Ikoghou Mensah,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
109
2009). Toutefois, face à tous ces dysfonctionnements, le gouvernement gabonais a entrepris
un projet de révision de la Loi 15/96 dès 1998. Parmi les modifications apportées à cette loi
en 2000 figurent la suppression des communes rurales, car elles n’ont jamais été mis en place
à cause de plusieurs entraves. Ainsi, ce dysfonctionnement occasionnant une désorganisation
dans l’aménagement du territoire, a fait que le gouvernement dut créer un ministère de la
Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire, institutionnalisé par le décret 7775/PR
du 20 Janvier 2006. Celui-ci a pour mission d’encadrer les activités des collectivités locales
afin de favoriser « la politique de développement et d’aménagement du territoire »
(Garandeau, 2010). C’est dans cette perspective que les communautés rurales succédèrent aux
communes rurales, et qu’une réorganisation spatiale du département fut initiée. En effet, avec
loi précédente (15/96) qui a défini un nombre précis pour les habitants d’un village, plusieurs
villages sont restés en attente de communalisation, ce qui a contribué à consolider leur
précarité. Par conséquent, quelques objectifs liés à ce projet pour la restauration des villages
visaient « à conserver, autant que faire se peut, le village comme élément du patrimoine
culturel auquel la plupart des Gabonais restent attachés (même si plus personne ne veut y
habiter) » ; « À donner une chance de survie aux villages, en les réorganisant en
communautés rurales » (Ibid. : 116). Malgré toutes ces réformes dues à différentes révisions
de loi, le monde rural continue de subir des inégalités qui entravent son développement.
4.2. La restructuration du secteur agricole
Les politiques de réforme de l’agriculture ne vont pas seulement concerner les milieux ruraux,
mais vont également s’étendre aux milieux urbains. Ce sont dans les zones urbaines et dans
leurs périphéries que se développa une agriculture individuelle, parfois de petites et moyennes
entreprises. Des plantes locales et étrangères étaient alors cultivées. Afin de mettre un terme
aux pénuries des produits maraîchers le gouvernement avec l’aide d’Elf-Gabon a entre temps
mis en place la création de projets tels qu’Agripog et l’IGAD. Crée en 1980, Agripog, est une
société agricole située à Port-Gentil. L’institut gabonais d’appui au développement (IGAD),
né quant à lui en 1992, sert à promouvoir et à superviser l’agriculture maraîchère voire
vivrière au Gabon. Ces deux projets ont favorisé l’aménagement et la gestion des territoires
dans les périphéries des villes; Agripog pour le cas de Port-Gentil et l’IGAD pour le reste des
autres villes. Mais les activités de ces acteurs restent majoritairement limitées au monde
urbain.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
110
Si les actions de l’État dans le but de développer le secteur agricole, font que le nombre
d’actifs en ce qui concerne l’agriculture périurbaine est en hausse, de l’autre côté il apparaît
toutefois que le nombre d’actifs ruraux décroît davantage. En effet, le développement de
l’agriculture périurbaine se manifeste aussi par la croissance du nombre d’actifs qui
s’adonnent au travail de la terre. Il existe un nombre important d’agriculteurs périurbains.
Avec les mouvements de populations, l’agriculture gabonaise bénéficie des expériences des
migrants africains. Ainsi, beaucoup d’étrangers se sont spécialisés dans le maraîchage tandis
qu’une grande partie d’agriculteurs nationaux domine l’agriculture vivrière. Les Ouest-
africains (Burkinabé, Maliens) et São-toméens notamment s’en sortent beaucoup mieux dans
le maraîchage à cause de leur expérience agricole acquise dans leurs pays originaires. Ce n’est
véritablement que dans ce domaine que les expatriés participent au travail de la terre et
augmente la production maraîchère des centres urbains, en dehors de l’aspect commercial.
Aux maraîchers étrangers s’ajoutent les agriculteurs nationaux.
Ce constat montre bien la rivalité entre l’agriculture rurale et l’agriculture périurbaine à
l’instar du maraîchage. En effet, l’ambiguïté toujours constatée dans le choix des politiques
agricoles du gouvernement jouent constamment en défaveur du monde rural. Les opérations
lancées récemment pour remettre sur pied les cultures de rente telles que le cacao en
implantant de nouvelles surfaces agricoles dans les provinces comme le Moyen-Ogooué, et de
restaurer les anciennes surfaces cacaoyères, n’aident pas à résoudre le problème de
l’agriculture. Si dans les décennies antérieures, le monde rural a bénéficié de plusieurs
programmes agricoles avec des organismes tels que le APG-FIDA dont les pancartes existent
encore dans certains villages, et qu’il n’y a pas eu des résultats positifs, cela montre bien que
de véritables solutions pouvant résoudre les maux du monde rural gabonais n’ont pas encore
été trouvées ou sont insuffisantes.
Ce rapport fait sur la situation d’élevage (bovin, porcin, poisson) plus haut a amené le
gouvernement à concevoir d’autres projets afin d’améliorer cette activité. Parmi les actions
entreprises par le gouvernement pour développer l’agro-pastoralisme et le monde rural,
figurent le projet d’appui au développement de l’agriculture périurbaine (PADAP). Par
ailleurs, le gouvernement décide de soutenir les petits exploitants agricoles et éleveurs,
individuels ou en associations. À cet effet, l’IGAD s’inscrira dans la même logique que l’Etat.
Mais l’institut n’est pas seul à agir pour améliorer la pisciculture. Il existe également d’autres
services au Ministère de l’économie, des eaux et forêts.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
111
En somme, on assiste à des projets agricoles bien cohérents de part leurs structures mais qui
se révèlent au fil du temps non adaptés aux réalités villageoises. Il n’existe pas un seul
problème dans le monde rural, ou un qui soit dominant. Parce qu’il faut les considérer comme
un tout l’ensemble des difficultés que rencontre les ruraux qu’ainsi un ensemble de solutions
seront également apportées.
Conclusion du chapitre II
Cette présentation globale du monde rural gabonais a permis de montrer les caractéristiques
communes à ce monde. Elle nous permet de fonder l’analyse des terrains que nous avons
étudiés. De la période précoloniale à nos jours, le monde rural gabonais a non seulement
connu une évolution spatiale, politique, vestimentaire et même alimentaire à travers
l’introduction des nouveaux modes de consommation, grâce à l’urbanisation, mais a aussi
subit des bouleversements sociaux (exode rural) et économiques (sous-développement de
l’agriculture) qui le paralyse. Ainsi, malgré les tentatives du gouvernement à favoriser l’essor
de l’agriculture à travers de multiples projets parfois contradictoires, elle demeure sous-
développée et n’occasionne pas le développement rural.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
112
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
113
Chapitre III : Production et conservation au
Gabon face à la problématique du
développement durable
Dans ce chapitre, nous analysons les différentes activités de production entreprises dans le
monde rural gabonais. Les activités sur lesquelles se fonde l’économie gabonaise ont
récemment fait l’objet d’une évaluation qui a montré les limites du système d’exploitation
actuel. Les autorités ont donc pris des mesures dans le but d’une part de favoriser la
diversification de l’économie, et d’autre part d’encourager la pérennité des ressources
naturelles exploitées, à travers une gestion durable. À cet effet, les activités de conservation
amorcées timidement pendant la colonisation, réapparaissent avec force au cours des années
1990 grâce à l’appui des discours internationaux. Depuis lors, des projets et autres activités de
conservation sont menés au Gabon en référence aux décisions prises dans la sous-région en
rapport avec la question. De nombreux acteurs intéressés par la conservation œuvrent
ensemble dans l’objectif d’aboutir à des véritables politiques environnementales qui inciteront
les développements économique, socioculturel et politique. Ainsi, le contexte politique et
institutionnel ayant permis une avancée en politiques de conservation, à travers les réformes
des codes forestier et environnemental, révèle toutefois des insuffisances.
Nous verrons également à travers les discours qui sont faits sur le développement durable,
comment les politiques environnementales sont abordées au Gabon, leurs limites, enjeux,
ainsi que les espoirs qu’elles suscitent auprès des populations locales. Ainsi, à travers le
concept de service environnemental, nous verrons les avantages dont peuvent bénéficier ces
populations, de même que les limites observées. Il s’agira aussi de voir de quoi est fait ce
concept et les contraintes qu’il possède.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
114
1. Les principales activités de production dans les milieux ruraux
et leurs impacts
Les ressources minières (pétrole, manganèse), ainsi que l’exploitation forestière sont les
supports de l’économie gabonaise. Mais la plus importante qui joue un rôle fondamental sur
l’économie, en fonction des variations de prix sur le marché international est le pétrole
(Mianzenza, 2001). Ainsi, ces activités de rente génèrent les revenus publics de l’Etat. Dans
cette économie de rente, la production agricole n’a pas cessé de diminuer faute de main-
d’œuvre agricole suffisante au profit des autres activités économiques. Est présenté ci-après la
contribution de chaque secteur d’activités dans l’économie gabonaise.
Graphique 1 : Répartition du PIB gabonais par secteurs d’activités de 2001 à 2010
Source: Direction Générale de l’Economie (DGE)
Le secteur primaire domine l’économie grâce au pétrole, et connaît un pic en 2008 avec
3 906,30 milliards de FCFA. « En 2008, les cours du baril de pétrole ont atteint des niveaux
très élevés (144,22 dollars le baril au mois de juillet), ce qui a occasionné un cours moyen du
Brent s’élevant à 75,55 dollars le baril en 2008 contre 72,52 dollars le baril en 2007, soit un
relèvement de 4% »41
. Ainsi, la contribution au PIB du secteur primaire n’a pas cessé
d’augmenter de 2001 à 2010. Plus largement, « l’économie du Gabon est fortement
41
http://www.dge.gouv.ga/images/dge/TBE/tbe2008.pdf
0,00
500,00
1 000,00
1 500,00
2 000,00
2 500,00
3 000,00
3 500,00
4 000,00
4 500,00
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Va
leu
rs e
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ard
s d
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CF
A
Secteur primaire
Secteur secondaire
Secteur tertiaire
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
115
dépendante de l’extraction des ressources naturelles pour les marchés
d’exportation »42
. Parce que l’économie repose sur le secteur primaire que nous détaillons
dans les lignes qui suivent les activités qui composent ce secteur. En dehors de l’activité
agricole dont on a longuement parlé dans le chapitre précédent, qui fait partie du secteur
primaire et qui elle aussi est une activité de production qui se pratique à la périphérie des
espaces ruraux, nous mettons plus d’accent dans cette partie sur les activités forestière,
minière et pétrolière.
1.1. L’exploitation forestière et la filière bois
La forêt gabonaise constitue depuis toujours une grande source de prélèvements du bois et de
ses dérivés pour de multiples usages. En dehors du bois commercial exploité formellement, il
existe d’autres manières de se servir du bois et de la forêt. Les populations exploitent les
produits de la forêt (bois, PFNL) de façon informelle soit pour construire, pour la cuisson
(bois de feu et charbon de bois), pour la fabrication des meubles, ou soit pour l’alimentation.
Ainsi, la commercialisation de ces produits par les populations devient depuis un moment une
préoccupation du gouvernement dans l’objectif de mieux structurer la filière bois au Gabon,
afin qu’elle soit bénéfique aussi bien à l’économie gabonaise qu’aux populations (Christy et
al. 2003).
Cependant, pour ce qui est de l’exploitation forestière, elle constitue une forte source de
l’économie gabonaise. En 2010 notamment 600 407 m3 de grumes ont été exportées
principalement vers le marché asiatique (TBE, 2010). Il a été donc remarqué une baisse
d’exploitation de 62,5 % par rapport à 2009 suite à une décision du gouvernement d’interdire
l’exportation de grumes de bois. Nous reviendrons plus loin sur ce point.
Au Gabon l’exploitation du bois commercial remonte à la fin du XIXe siècle lorsque les vertus
de l’Okoumé furent découvertes sur le plan technologique (Edou, 2004). Il y a plus d’un
siècle d’exploitation de bois au Gabon, ce qui ne constitue pas autant une menace pour la
forêt, parce que le bois est une ressource renouvelable. Néanmoins, « au cours des quarante
dernières années, la part de forêt destinée à l'exploitation forestière est passée de moins de 10
% à plus de 50 %, la majeure partie de cette accélération s'étant produite au cours des dix
42
http://www.forestsmonitor.org/en/reports/549968/549987
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
116
dernières années (UNEP, 2008) » (Maloba Makanga, 2011 : 44). L’Okoumé est l’essence qui
occupe une place importante dans l’exportation des grumes. C’est ce qui fait dire à Félix
Eboué que « “l’Okoumé richesse” du Gabon a pompé le Gabon »43
. En effet, jusqu’en 1960
l’Okoumé représentait 95 % de la production forestière (Pourtier, 1980). Sa proportion a
cependant considérablement diminué au fil du temps à cause de la valeur des autres essences.
L’exploitation forestière a connu de façon générale deux phases au Gabon : la première qui se
singularise par la dominance de l’Okoumé et la seconde où l’exploitation du bois n’occupe
qu’une place secondaire après l’exploitation des ressources du sous-sol dominant dorénavant
l’économie.
L’exploitation forestière « a profondément marqué l’espace et les hommes et [a] fortement
contribué à la spécification de l’entité Gabon » (Pourtier, 1980 :145). À propos de l’espace, la
demande massive en main-d’œuvre durant la période coloniale ou même avant a favorisé la
migration de plusieurs hommes vers les chantiers forestiers. Ainsi il y eût-il une répartition
inégale de la population dans l’espace. De plus, sur le plan humain, « les chantiers forestiers
furent des lieux de brassage de population, d’initiation à la modernité d’où émergea
précocement une conscience » (Idem). L’exploitation forestière a toutefois été bénéfique pour
l’économie gabonaise après la colonisation qu’avant, car avant son indépendance elle a
beaucoup plus servi aux colons et à l’AEF (Londres, 1929). S’étant libéré des contraintes
douanières de l’AEF, l’indépendance du Gabon a permis que l’activité forestière se répande
dans tout le pays afin de doter en infrastructures routières l’intérieur. De même, le
développement technologique est venu résoudre le problème de la main-d’œuvre.
Par ailleurs, la volonté de l’Etat de « gaboniser » le secteur forestier n’a pas été accompagnée
de résultats positifs parce que ce secteur continue d’être l’apanage des sociétés étrangères et
que les contrats d’exploitation ne sont pas respectés. Les textes stipulaient par exemple que
« tous les permis d’exploitation pour des superficies supérieures à 15 000 hectares prévoient
la transformation d’une partie du bois (la Loi 1/82 fixe un objectif national de 75 pour cent)
par l’intermédiaire d’une entreprise locale. Toutefois, entre 1988 et 1995, le taux de
transformation du bois n’a jamais dépassé les 18 pour cent » (Collomb et al., 2000 : 25).
Cependant il a toujours existé des contrats d’exploitation entre l’État et ces sociétés qui
devraient entraîner des bénéfices pour les deux parties, mais pas à part égale, et des
43
Tiré d’Instructions de Juillet 1941. Braz. G.G. 139, cité par Pourtier 1980 : 145
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
117
contraintes telles que le fait de transformer à un pourcentage important le bois localement, soit
72 % en 2012. Cette nouvelle mesure quoique ancienne a entraîné un véritable malaise chez
les sociétés forestières dont les activités connaissent un ralentissement.
1.2. L’exploitation minière
Sur le marché international, le minerai de manganèse présente une valeur importante, ce qui a
largement rehaussé son prix à 64 % contre celui de 2009 (TEB 2010). Quant au minerai de
fer, ce sont les Brésiliens et Australiens qui se partagent plus de la moitié du marché
international de ce minerai, ce qui les a amené à obliger une extraordinaire augmentation des
prix de plus de 63,4 % (idem). En somme, ces variations des prix de manganèse ou de fer sur
le marché international sont à l’avantage du Gabon qui exploite et exporte ces deux minerais.
C’est le manganèse qui constitue le minerai important le plus exploité au Gabon. Sa forte
production de 95 % orientée vers la sidérurgie industrielle fait passer le Gabon pour le second
producteur mondial. « Acteur majeur de l’économie gabonaise, la Compagnie Minière de
l’Ogooué (Comilog) exploite à Moanda, dans la province du Haut-Ogooué, les gisements de
manganèse parmi les plus riches et les plus rentables au monde avec des réserves estimées à
500 millions de tonnes » (TBE, 2010). Ainsi, avec une hausse de production de 60,7 % en
2010, Comilog a augmenté son chiffre d’affaire par l’augmentation des exportations et par la
forte évolution des prix sur le marché.
Même si le manganèse n’a pas toujours eu la même production au cours des années, mais il
continue de bénéficier des avantages du marché international. Ce qui laisse comprendre que
les recettes des exportations de ce minerai sont d’une grande importance pour l’économie
nationale qui en bénéficie déjà depuis quelques décennies. En effet, l’exploitation du
manganèse au Gabon remonte depuis 1962 (Pourtier, 2004). Le manganèse entra ainsi dans
l’ère économique gabonaise marquée par la dominance des produits miniers (aussi uranium
dans la même période, c’est-à-dire 1961) et pétrolier.
On retrouve de nombreux minerais dans plusieurs provinces du Gabon. Bien qu’il existe des
difficultés à faire des prospections en milieu forestier équatorial à cause du milieu naturel,
mais profitant de la connaissance géologique du Gabon et du développement technologique,
quelques recherches ont été faites. Ainsi, « parmi les minerais les plus abondants et qui
pourraient être valorisés dans le futur, on peut retenir le fer de Bélinga, le talc et la barytine
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
118
de la Nyanga, le niobium près de Lambaréné » (Pourtier, 2004 : 38). Mais la valorisation des
mines du Gabon ainsi que leur exportation dépendra de la demande du marché.
1.3. L’exploitation pétrolière
L’exploitation pétrolière démarre au Gabon en 1956 dans la province de l’Ogooué-Maritime
où elle se fait encore aujourd’hui. Depuis cette date, elle a procuré d’importants revenus
financiers qui ont contribué à fortifier l’économie nationale. Ainsi, dans les années 1970-1980
on assiste au boom pétrolier gabonais avec une forte production pétrolière nécessitant
d’importantes exportations et profitant des cours du marché international, qui ont ensuite
permis le développement du pays.
D’un côté, le pétrole a fortifié l’économie, d’un autre il a défavorisé la croissance des autres
activités économiques. Ce qui permet de faire cette observation : « le pétrole pèse lourd dans
l’économie nationale. Il compte en chiffres arrondis pour 40 % du produit intérieur brut,
80 % de la valeur des exportations, 60 % des recettes budgétaires de l’État. Les recettes
pétrolières produites par les impôts sur les sociétés, les redevances diverses et les contrats de
partage de production représentent entre 40 et 50 % du PIB pétrolier » (Pourtier, 2004 : 40).
C’est ce qui permet largement de couvrir les dépenses de l’Etat. Cependant le secteur pétrolier
n’induit pas plusieurs emplois directs. Etant donné que le pétrole est exporté à l’état brut à
95 %, le besoin d’une main-d’œuvre importante est limité par le développement
technologique en cours. Par ailleurs, sur le plan environnemental, la production du pétrolière
entraîne de lourdes conséquences. En effet, « les infrastructures destinées à l’exploitation du
gisement de Rabi-Kounga, par exemple, ont provoqué la déforestation de 3 000 ha de forêt.
Près du littoral, l’ouverture de layons pour la sismique porte atteinte aux mangroves »
(Idem). Sans oublier le milieu marin qui subit la pollution due aux fuites d’huile.
1.4. L’influence de la production sur l’économie gabonaise
« La production est à la fois une activité consistant à créer des biens en combinant des
ressources et le résultat de cette activité (la production d’un bien, la production des
entreprises, etc.) »44
. Au Gabon la croissance économique repose essentiellement sur les
44
http://www.universalis.fr/encyclopedie/production-economie/
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
119
activités de production des ressources du sous-sol (pétrole et mines) d’abord et des ressources
du sol (bois) ensuite. Ainsi, concernant le secteur primaire sur lequel s’appuie principalement
l’économie gabonaise mis en part l’agriculture dans sa globalité (agriculture, élevage, pêche)
dont la faible production ne participe que de l’ordre 6,7 % au PIB nominal en 2010, c’est
essentiellement le pétrole suivi des mines (manganèse) qui ont favorisé une forte croissance
économique à travers leur production importante. Ainsi, jouissant des cours du marché
mondial, la production du pétrole brut à elle seule a contribué à 84,7 % dans le PIB, quant aux
mines c’est à près de 8 % qu’elles ont participé au PIB nominal, et l’exploitation forestière
que de 0,6 %. Cependant la part des productions notamment forestière et pétrolière dans le
secteur secondaire avec les industries entraîne encore des résultats plus probants.
On observe cependant dans les dernières années une progression dans les secteurs secondaire
et tertiaire (cf. graphique précédent). C’est d’abord l’État puis les populations qui jouissent à
proportion variable et inéquitable des bienfaits des différentes activités de production
entreprises dans les espaces ruraux gabonais. Même si l’activité forestière est en régression
depuis que les ressources minérales et pétrolières ont montré leurs atouts à favoriser la
croissance économique, elle demeure une activité indéniable sur laquelle peut compter
l’économie.
L’exploitation durable du bois est un enjeu pour le Gabon. En effet, la filière bois constitue le
second employeur au Gabon, derrière la fonction publique. Elle crée en effet près de 20 000
emplois directs et indirects. Donc si les parts des contrats sont respectées par les exploitants
forestiers dans le sens de créer davantage d’emplois par la transformation du bois sur place,
plusieurs emplois seront créés. De même, dans le but de pérenniser la forêt gabonaise, source
de nombreuses richesses nationales, suite aux limites souvent observées dans les activités de
production, des activités de conservation sont entreprises à proximité de ces activités de
production. Ainsi est-il important de voir comment les politiques environnementales sont
apparues au Gabon, les acteurs de ces actions ainsi que toute la problématique qu’elles
soulèvent.
2. Historique de la conservation et son évolution au Gabon
L’histoire de la conservation au Gabon prend appui sur « une prise de conscience
environnementale à l’échelle de la planète [qui] a contribué à porter l’attention de la
communauté internationale sur la thématique de la conservation de la biodiversité » (Binot,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
120
2010 : 64). Cependant les premières aires protégées naissent en Afrique durant la période
coloniale. Les puissances coloniales ont en effet crées dans leurs colonies africaines de
nombreuses aires protégées pour diverses raisons (convention, protection de faune et flore).
En Afrique Centrale l’apparition des premières aires protégées date de 1920-1940 et s’est
poursuivie durant la période postcoloniale. Dans les années 1990, la vulgarisation du concept
du développement durable a davantage favorisé la montée des politiques environnementales.
Ce qui a eu des répercussions à l’échelle mondiale. C’est dans cette optique que lors du
sommet de la Terre de Johannesburg le Président gabonais Omar Bongo décide de créer 13
parcs nationaux, mettant 11 % du territoire national en réserve.
2.1. La gestion forestière au Gabon, de la période coloniale à aujourd’hui
Si les Belges ont crée en 1925 dans leur colonie africaine (Congo démocratique) le parc
national Albert, les français de leur côté s’étaient aussi activés pour créer des réserves
intégrales à Madagascar ou encore en Algérie en 1921. Ainsi, après les décrets et principes
arrêtés en 1935 par l’administration coloniale française sur la chasse, puis sur les parcs pour
les animaux concernant les colonies de l’Afrique Occidentale Française (AOF), ils se sont
ensuite poursuivis aux colonies de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) (Obiang Ebanega,
2004).
C’est sous cette lancée que plusieurs aires protégées sont nées au Gabon durant l’ère
coloniale. Parmi les plus anciennes figurent « la réserve forestière de la Mondah (16 février
1951), et la réserve de Lopé-Okanda (26 septembre 1946), et par la réserve totale de faune et
le domaine de chasse de Ndendé, la réserve totale de faune du mont Fouari et la réserve
totale de faune de Nyanga Nord (datant tous du 8 février 1956). Font également partie de ce
patrimoine le domaine de chasse de Ngové-Ndogo, le Parc national du Petit-Loango, la
réserve totale de faune du Petit Bam-Bam, et les deux réserves partielles de Wonga-Wongué
et du Grand Bam-Bam, qui ont tous vu le jour le 17 février 1956. » (Ibid.: 17). On peut bien
observer le patrimoine naturel gabonais hérité de la colonisation française à travers la carte
d’Obiang Ebanega (2004).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
121
À l’Indépendance, les Gabonais n’ont fait que poursuivre et renforcer ce que les colons
avaient déjà fait en matière de « conservation » au Gabon. Bien sûr que les actions de
conservation connaîtront des avancées survenues avec le soutien des discours internationaux
contemporains en matière de gestion environnementale. Ainsi plusieurs aires protégées vont-
elles apparaître tandis que certaines anciennes vont disparaître. Par exemple les réserves de
faune localisées dans les environs de Ndendé ou encore la propriété de chasse du mont Fouari
n’existent plus (Christie, 1997).
Carte 3 : Le réseau d'aires protégées du Gabon en 1960
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
122
Deux ans après l’Indépendance, c’est-à-dire en novembre 1962, plusieurs décrets viennent
changer et compléter le réseau d’aires protégées crée précédemment. Ces décrets apportant
des modifications, attribuent à chaque aire protégée un statut « d’aire d’exploitation
rationnelle de faune (AERF) et englobe une (ou plusieurs) réserve de faune et un (ou
plusieurs) domaine de chasse » (Brugière, 1998 : 47). Dans la même période l’AERF de la
Moukalaba voit le jour. De plus, les changements survenus avec le décret du 13 Avril 1971
ont permis d’ajouter aux aires protégées existant la dimension touristique par les particuliers,
à l’exception des aires protégées localisées dans les zones de Ndendé et de Moukalaba
(Obiang Ebanenga, 2004). Un autre décret du 2 octobre de la même année vient classer le site
naturel d’Ipassa en réserve naturelle intégrale et lui accorde un statut de site international
destinée à faire de la recherche scientifique.
D’autres modifications intervenant au travers du décret du 14 Juillet 1972 permettent de
considérer l’AERF de Wonga-Wongué comme une réserve présidentielle. Poursuivant la
même logique des séries des décrets, le domaine de chasse de Lopé-Okanda fera désormais
partie de la réserve de faune de l’Offoué-Okanda lorsqu’au prélude des années 1980 la
brigade de faune de la Lopé est établie. Enfin, les transformations prenant appui sur les
décrets qui apparaîtront par la suite n’auront pour objectif que de consolider le réseau d’aires
protégées. C’est la loi du 25 Juillet 1982 qui s’intitule « Loi d’orientation en matière des Eaux
et Forêts » qui permettra de gérer ces aires protégées en les catégorisant et en spécifiant leurs
objectifs jusqu’à ce qu’apparaisse en 2003 une loi plus récente ou en 2007 une loi spécifique
aux parcs nationaux. Nous présentons sur la carte ci-après un aperçu des aires protégées en
1996, localisées spatialement sur le territoire national.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
123
Source : Brugière, 1998 : 48
Ce réseau d’aires protégées au Gabon montre une avancée significative en matière de
conservation. Cependant des insuffisances occasionnant des critiques quant à la gestion de ces
aires protégées ont été révélées. En effet, « les réserves fonctionnent avec des moyens limités
en hommes comme en matériel. La plupart d’entre elles ne sont pas dotées de brigades, et
celles qui ont la chance d’en être pourvues ne disposent pas d’un effectif de plus d’une
poignée d’individus » (Obiang Ebanenga, 2004 : 28). Les situations variant d’une aire
protégée à une autre selon l’activité économique dominante des localités ont parfois perturbé
les contextes sociaux et économiques des aires protégées. Par exemple le complexe d’aires
protégées de Gamba connaît une situation particulière : « la ville de Gamba connaît quelques
Carte 4 : Aires protégées existantes et proposées au Gabon en 1996
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
124
bouleversements occasionnés par l’activité pétrolière. Notamment un mouvement d’exode
rural, qui attire les habitants du secteur et ceux des régions plus lointaines vers le bassin
d’emploi suscité par le pétrole » (Idem). Avec l’aide des ONG internationales telles que le
WWF et le WCS, des solutions vont être proposées et appliquées afin d’assurer la pérennité
des aires protégées.
Jusque dans les années 1990, le statut de parc national, bien qu’existant dans la législation
gabonaise, n’était assigné à aucune aire protégée. Le cas du Gabon fut une exception par
rapport aux autres pays africains dont les aires protégées héritées de la colonisation furent
considérées comme des parcs nationaux. C’est dans cette perspective que l’UICN, au travers
de son rapport de 1990, a suggéré que soient créées une dizaine d’autres aires protégées et a
également proposé que certaines aires protégées aient le statut de parc national. Treize ans
après cette proposition de création d’autres aires protégées, treize aires protégées bénéficient
au total du statut de parcs nationaux. La création de ces aires protégées repose sur des décrets
et articles de la Loi 16/93 du 29 mai 1993 relative à la protection et à l'amélioration de
l'environnement. Le réseau des parcs nationaux gabonais se traduit actuellement comme suit :
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
125
2.2. Les politiques environnementales gabonaises
En 1959, le Générale de Gaulle déclare que : « quand nous nous sommes installés dans les
colonies, nous avions la perspective d’exploiter les matières premières qui dormaient jusque-
là. Mais aujourd’hui (la colonisation) est devenu(e) pour la métropole, non plus une source
de richesse, mais une cause d’appauvrissement et de ralentissement… Le profit a cessé de
compenser les coûts » (Peyrefitte, 1994 : 57). Dans ce sens, l’analyse de Bouquerel (1970),
montre qu’en dehors de l’importance de la traite négrière qui a profondément marqué le
Gabon, le développement du trafic de l’ébène et de l’ivoire n’était pas en reste. En effet, « en
1850, le lieutenant de vaisseau Bouet-Willaumez énumérait les produits du Gabon les plus
Carte 5 : Nouveau réseau des aires protégées
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
126
recherchés “… l’ivoire, un des plus beaux de la côte, mais qui devient de jour en en jour plus
rare ; le bois d’ébène qui se trouve en grande abondance sur les bords du Gabon même et des
rivières voisines ; puis le bois de santal ou bois de teinture rouge qui vient avec une
abondance encore plus remarquable dans cette contrée ; aussi un peu de cire et de gomme
copal" » (Ibid. : 47). Ceci montre que l’exploitation des ressources était déjà intense à cette
période, sans en assurer un usage durable.
Pour eux, les ressources exploitées (animales et floristiques) ne devaient jamais s’épuiser.
Elles devaient à la limite se renouveler d’elles-mêmes. Telle fut le mythe qui se rependit dans
la sphère des colons français à l’égard de leurs colonies d’Afrique occidentale et équatoriale
françaises (Puyo, 2001). Cette pensée de l’inépuisabilité des ressources a favorisé
l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles durant 1900-1940. Près d’un demi-siècle,
les colons ont passé du temps à dévaster la biodiversité, encouragé par le processus de
colonisation et par la méconnaissance des questions de gestion environnementale. « Dès
l’après-guerre, un grand nombre de rapports de recherche ont souligné l’ampleur, dans les
forêts tropicales, des dommages associées aux opérations d’exploitation » (Ibid. : 482). Ainsi
les travaux d’André Aubréville45
illustrent « l’inexorable dégradation des forêts tropicales
africaines » (Idem). Cependant, la crise de 1929 qui impacta considérablement le marché des
bois exotiques a permis de mettre progressivement fin au mythe colonial. Dès lors quelques
projets aménagistes vont timidement naître pour sécuriser l’avenir de la biodiversité.
2.2.1. Les cadres législatif et institutionnel de la gestion des ressources
naturelles au Gabon
L’administration coloniale n’a pas réussi à mettre en place une vraie politique de protection et
de renouvellement de la biodiversité au Gabon. En effet, « la politique d’aménagement du
territoire forestier gabonais qui devait consister à gérer le temps (il faut cinquante et cent ans
à un arbre pour se trouver à un stade d’exploitabilité) est jusqu’à preuve du contraire
inexistante » (Genissieux, op.cit.), jusqu’en 1960. Mais ce n’est qu’après son Indépendance
que le Gabon va établir un cadre institutionnel et législatif en vue de résoudre les problèmes
45
Cité par Puyo, 2001 : 482
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
127
environnementaux de la période coloniale. Il va ainsi s’inspirer des conventions
internationales ainsi que de protocoles à l’issue desquels des lois et décrets seront pris et
appliqués. Mais c’est d’abord le cadre politique gabonais qui va favoriser la gestion
environnementale nationale. En effet, l’importance de cette gestion est fonction de sa
contribution dans l’économie. Etant donné que l’exploitation forestière est bénéfique, la
conservation durable des ressources naturelles pour maintenir sinon améliorer le
développement économique et social s’imposait. Ainsi, la réflexion portée sur l’exploitation
globale des ressources naturelles gabonaises sans nuire à l’environnement et aux écosystèmes,
a amené le gouvernement à certifier sa volonté politique en matière de conservation. De plus,
faisant suite à la conception du feu président gabonais sur les questions environnementales
particulièrement capitales pour le Gabon, le nouveau président poursuit cette logique au
travers de l’un des axes constituant son triptyque économique avec le concept de « Gabon
vert ».
Dans le but de matérialiser cette volonté politique, le gouvernement gabonais a mis en place
des instruments juridiques. Ce sont ces instruments juridiques accompagnés de décrets et
arrêtés qui forment l’ensemble des ordonnances législatives internes sur lesquelles se fondent
les politiques environnementales, inspirées de la réglementation coloniale. Le cadre juridique
gabonais sur les questions environnementales comprend alors des accords multilatéraux en
rapport avec l’environnement qui a pour sigle AME46
, ainsi que des textes nationaux. Ce
corpus juridique a beaucoup évolué surtout à partir de la Conférence des Nations Unies sur
l’Environnement et le Développement (CNUED) de Rio de Janeiro en 1992. De plus, les
instances internationales, les colloques ou autres actions en relation avec l’environnement ont
contribué à mettre en place et à consolider le cadre juridique gabonais. Pour l’instant on
évalue à 500 le nombre des instruments internationaux (organismes) qui traitent de
l’environnement, dont 323 concernent les instruments régionaux (Ndong Biyo’o et al., 2010).
Les AME traitent de divers thèmes dont, la désertification et la protection des écosystèmes,
les pollutions marines, le vivant, l’air, les déchets et substances dangereuses, etc.
Ainsi, comme nous l’avons déjà dit dans la section plus haut, la Loi n°1/82 du 22 Juillet
appelée Loi d’orientation en matière des Eaux et Forêts a longtemps été considérée comme
46
On considérerait ces accords comme le nœud fondamental des politiques de conservation au Gabon, sans
lequel elles ne peuvent pas exister.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
128
étant la référence de la politique gabonaise concernant la gestion environnementale. Mais elle
s’est notamment inscrite dans une vision développementaliste (Rossatanga-Rignault, 1999).
De plus, par l’intermédiaire de cette loi, apparaissent les différentes zones d’exploitation
forestière dont, le Domaine Forestier Non Permanent (DFNP) et le Domaine Forestier
Permanent (DFP). Dans le premier domaine, il s’agit des forêts protégées qui contiennent les
terres destinées à l’agriculture et autres formes d’utilisation. Le second domaine quant à lui,
est celui des forêts classées qui prennent en compte les concessions forestières et les aires
protégées. C’est également cette loi qui confère à l’Etat l’appropriation exclusive du sol et des
forêts.
Après cette loi, d’autres lois concernant plusieurs domaines ayant trait à la nature sont
successivement crées dans le but de mieux assurer la gestion environnementale au Gabon.
Nous en illustrons cinq ici :
1) Dans le domaine de la pêche : c’est la loi n°9/84 qui en est la référence. Elle
établit une zone économique spécifique de 200 miles marins qui permettra de
protéger les ressources halieutiques contre toute prédation. Elle est complétée par
la loi n°015/2005 soutenant le Code des Pêches et de l’Aquaculture. Celle-ci
stipule clairement les principes de gestion constante des ressources halieutiques et
des écosystèmes marins.
2) Dans le domaine de l’environnement : c’est la loi no 16/93 du 26 Août 1993 qui est
le référent. Elle aussi appelée le Code de l’environnement. Elle renseigne sur la
protection de l’environnement et son amélioration ; de même que sur les multiples
sortes de pollutions et nuisances.
3) Dans le domaine de forêt : c’est la loi no 16/2001 du 31 Décembre 2001 qui est le
repère, c’est le Code Forestier. Elle « met en exergue l’aménagement des
ressources, la mise en place des forêts communautaires et la réorganisation de
l’exploitation des ressources, notamment forestières à travers la création de
nouveau types de permis » (Ndong Biyo’o et al., 2010 : 36).
4) Dans le domaine de la conservation de la biodiversité : c’est la loi no 003/2007 du
27 Août 2007 relative aux parcs nationaux. Cette dernière fait le détail de tout ce
qui concerne les parcs nationaux dans leur gestion, aussi bien l’aspect financier
que le cadre institutionnel.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
129
5) Dans le domaine de l’agriculture : c’est la loi no 0022/2008 du 10 Décembre 2008
considérée comme Code agricole qui supervise les activités agricoles. Dans le
même sens elle est suivie de la loi no 0023/2008 du 10 Décembre 2008.
Cependant, c’est la Loi no 16/93 qui fait immédiatement suite à la Loi n
o 1/82. Elle se présente
en effet comme une amélioration de cette dernière, parce qu’elle incorpore dans l’ensemble la
problématique environnementale pour la première fois. Par ailleurs, les autres lois précitées
apparaissent constamment lorsque des insuffisances sont constatées dans les lois antérieures.
À propos de ces lois, on observe une absence de précisions « fondamentales » qui les
fragilisent ; nous le verrons plus tard avec la loi concernant les parcs nationaux dans la
troisième partie de notre analyse. Toutefois, « malgré les indépendances, les conceptions
africaines endogènes concernant la conservation de la nature et de ses ressources n’ont pas
sinon peu inspiré les politiques et lois forestières » (Ndinga, 2005 : 77). Dans l’ensemble, ces
lois s’inspirant majoritairement de la « pensée occidentale » (Bahuchet et al., 2000) montrent
une inadéquation avec les traditions environnementales locales du milieu sur lequel elles se
veulent appliquer. « Un transfert des outils juridiques des pays extérieurs vers les pays
d’Afrique centrale » (Ndinga, 2005 : 79) est le constat général observé dans les pays du
Bassin du Congo par rapport aux textes juridiques environnementaux, reléguant ainsi les
règles du droit coutumier au second plan. Ceci est notamment la raison de certains conflits
entre acteurs.
Pour ce qui est du cadre institutionnel, afin de mieux coordonner les actions de conservation,
le gouvernement a mis en place depuis son indépendance plusieurs centres de recherche et
instituts. On peut en citer : l’Institut de Recherches Agronomiques et Forestières (IRAF) ;
l’Institut de Recherche en Ecologie Tropicale (IRET) ; l’Institut de Pharmacie et de
Médecines Traditionnelles (IPHAMETRA) ; la Station d’Etudes des Gorilles et Chimpanzés
du Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF) ; etc. Mais sinon ce
sont les administrations publiques traitant des questions de biodiversité qui globalement en
sont les gestionnaires. Elles apparaissent en effet graduellement selon les besoins que
nécessite la conservation, et délèguent la plupart du temps le pouvoir à d’autres acteurs en
référence aux accords et coopérations signées.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
130
2.2.2. Avancée des politiques nationales conservationnistes
Les politiques conservationnistes gabonaises ont connu une certaine évolution, grâce aux
conférences, sommets et autres instances internationales auxquels le gouvernement gabonais a
participé. C’est aussi grâce aux programmes et projets internationaux ou sous-régionaux
auxquels il a pris part qui lui ont permis de faire évoluer les politiques conservationnistes.
Enfin, grâce aux ratifications qu’il a signées, le Gabon s’est engagé dans la conservation
durable du domaine forestier. Quelques exemples nous permettront de le constater.
2.2.2.1. La révision de quelques codes
Suite aux limites constatées dans la législation en rapport avec la gestion environnementale
dont plusieurs textes étaient très vieux, les réalités actuelles imposaient des nouveaux textes
de lois qui favoriseraient l’avancée des politiques de conservation au Gabon. Cette tâche
consistait en effet à réviser quelques codes, celui du secteur forestier et celui de
l’environnement.
En ce qui concerne le secteur forestier, l’exploitation forestière qui y est faite, se fait suivant
la Loi 1/82 du 22 Juillet. De plus, l’article 26 de cette loi déclare que toute exploitation
forestière obéit à un cahier de charges dans lequel se trouvent des closes globales et
individuelles de la réglementation. Les modalités de ce cahier de charges ont été fixées par le
décret no 1206/PR/MEFPE du 30 Août 1993. Ce décret présente toutefois des insuffisances. Il
ne détermine pas en effet les contours du plan d’exploitation auquel il fait allusion. Or,
d’autres décrets allant dans le même sens que celui-ci seront progressivement pris dans ce
cahier de charges. Nous en citons quelques uns.
Le décret no 1209/PRMEFPE du 30 Août 1993 détermine les zones d’exploitation de la forêt ;
le décret no 1285/PR/MEFPE du 27 Septembre 1993 définit le diamètre minimum
d’exploitation des bois d’œuvre ; le décret no 559/PR/MEFPE du 12 Juillet 1994 est relatif à
la réglementation des coupes familiales ; le décret no 664/PR/MEFPE du 22 Juillet 1994 est
relatif à la réglementation de la commercialisation du bois en République Gabonaise. Cet
ensemble de lois constituant le cadre juridique régissant l’exploitation forestière (comment
elle doit se faire), ainsi que la commercialisation des produits forestiers, révèle de nombreuses
limites. En effet l’une des insuffisances très marquée est l’absence de définition cohérente au
sujet des plans d’exploitations et plans d’exécution. On constate en effet un non respect du
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
131
diamètre minimum qu’une grume exploitable doit avoir, absence de surveillance en vue de
minimiser les dégâts lors des abattages, non respect des animaux protégés entièrement ou
partiellement dans les concessions forestières, etc.
Ces carences limitant clairement les actions de conservation ont conduit le gouvernement à
procéder à la révision du code forestier. À cet effet, de nouvelles lois et nouveaux décrets
apparurent pour favoriser l’aménagement durable des forêts gabonaises. Ainsi, le nouveau
code forestier s’articule autour de la Loi no 16-01 du 31 décembre 2001 sous l’impulsion
unanime des deux chambres parlementaires (le Sénat et l’Assemblée Nationale). Ce code a
pour but de mettre fin à toute forme d’anarchie précédemment observée dans le secteur
forestier. Car, disposant de deux titres dont le second et le plus important s’intitule « Gestion
durable des ressources forestières », ce code forestier, à travers les dix chapitres qui
composent ce titre explicite comment cette gestion peut être atteinte. Ce code favorise
également l’introduction des populations dans la gestion environnementale à travers la notion
de forêts communautaires dont il donne amplement les indications en privilégiant les droits
d’usages coutumiers.
Quant au code de l’environnement c’est la Loi 16/93 du 26 août 1993 relative à la protection
et à l’amélioration de l’environnement sur laquelle il se fonde. Cette loi vient pour améliorer
la Loi 1/82. Cette loi qui constitue la référence du code de l’environnement vient mettre en
exergue la préoccupation environnementale, en déterminant les grands principes utiles pour
protéger et améliorer l’environnement gabonais. Pour ce faire, le code de l’environnement
avant toute chose a tenu à expliquer dans les articles 2 et 3 l’environnement. Mais dans
l’article 1 il a d’abord tenu à détailler les grands principes qui sont au nombre de cinq
constituant les objectifs de la Loi 16/93.
Le gouvernement procède par la suite à la révision du code de l’environnement en prenant de
nouveaux décrets pour tenir compte des réalités qu’imposaient chaque période, afin de mieux
assurer la conservation. En conséquence, cinq décrets furent pris durant l’année 2005 pour
consolider la Loi 16/93 :
1. Décret no 539 du 15 juillet 2005 réglementant les études d’impact sur
l’environnement,
2. Décret no 541 du 15 juillet 2005 réglementant l’élimination des déchets,
3. Décret no 542 du 15 juillet 2005 réglementant le déversement de certains produits dans
les eaux superficielles, souterraines et marines,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
132
4. Décret no 543 du 15 juillet 2005 fixant le régime juridique des installations classées,
5. Décret no 545 du 15 juillet 2005 réglementant la récupération des huiles usagées.
L’adoption de ces décrets peut s’expliquer par quelques raisons : les exigences des discours
internationaux, la création du réseau des parcs nationaux dont le fonctionnement ne pouvait
plus se contenter de l’ancienne loi et les difficultés économiques et sociales. C’est pourquoi la
Loi no 03/2007 du 27 Août 2007 sera promulguée à l’avantage des parcs nationaux. Toutefois,
ces avancées au travers de la révision des codes forestier et environnemental ne parviennent
pas toujours à résoudre tous les conflits et manquements que peuvent susciter la non
application entière des textes ou la défaillance que ces derniers peuvent présenter.
2.2.2.2. L’intégration de la dimension conservatrice dans les programmes nationaux
Deux projets importants ayant une dimension internationale viennent appuyer la conservation
au Gabon. C’est d’une part le projet de l’Union Européenne concentré sur la Lopé illustré par
ECOFAC, d’autre part le projet Forêt et Environnement (PEF) qui rassemblait les acteurs du
WWF-Gabon et jouissait des coopérations allemande et française. Il orientait la moitié de ses
activités vers le complexe de Gamba et l’AERF de Sette-Cama. Le gouvernement gabonais a
bénéficié d’un prêt de la Banque Mondiale pour financer ce projet. Ceci pour essentiellement
aboutir à l’amélioration de son secteur forestier par l’intermédiaire « d’un renforcement
institutionnel et d’un appui à la formation, à la recherche et à la conservation forestière »
(Brugière, 1998 : 53). La mise en exécution de ces deux projets avait également comme but
de réaliser des activités d’écodéveloppement à la périphérie de ces aires protégées. A ce
propos, l’orientation était tournée vers l’écotourisme, une manière d’associer conservation et
développement dans l’optique de générer des revenus.
Bien que récent au Gabon, l’écotourisme devient un élément fondamental que devraient
dorénavant intégrer tous les projets qui permettront aux populations de voir en la conservation
une activité bénéfique et non comme « une série coercitive d’interdictions » (Idem). Mais sur
le terrain on observe des limites. Mais, dans la globalité, ces deux projets ont permis
d’observer sur le terrain quelques points positifs notamment au complexe de Gamba. Avec
l’appui d’un important matériel, les brigades de surveillance du complexe sont parvenues à
arrêter l’exploitation forestière dans la zone. Quant à l’écotourisme entrepris au nord de la
Lopé, il a vu ses activités diminuer davantage ces dernières années.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
133
Nous donnons quelques détails sur ECOFAC à la Lopé. Le projet ECOFAC (Ecosystèmes
Forestiers en Afrique Centrale) a démarré en 1992 avec le financement de l’Union
européenne. Ce projet englobait sept pays de la sous-région. L’objectif du projet était de
contribuer à la gestion des aires protégées qui entraînerait le développement des populations
habitant proches de ces aires protégées. Ce projet « [privilégiait] une approche régionale de
conservation et d’exploitation durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale »
(Nguinguiri, op. cit. : 5). À la Lopé, le projet employait près d’une cinquantaine de personnes
provenant particulièrement des villages périphériques au Parc. Le tourisme était l’une des
activités qui occupait les personnes travaillant dans ce projet. De plus, le projet ECOFAC a
bénéficié pendant une année des installations et des résultats de la station de recherche du
CIRFM. C’est avec cette contribution de la station de recherche que les éco-gardes
d’ECOFAC furent formés (Angoué, 1999).
De même, le volet tourisme sur lequel travaillait le projet « a suscité la reprise du Lopé Hôtel
par un particulier, structure qui dépend du tourisme organisé par ECOFAC et qui a rouverte
en Janvier 1995 » (Angoué, op. cit. : 194). Mais le projet ECOFAC à son terme n’a pas atteint
tous les objectifs visés tels que la création d’emplois durables et l’écotourisme n’a réellement
pas été promue. Si ECOFAC a mis en valeur le Parc national de la Lopé au Gabon et à
l’extérieur, il a tout même laissé un malaise chez les populations habitants autour du Parc.
Pour elles, ECOFAC n’a pas tenu ses promesses. C’est ce qui justifie le scepticisme de ces
populations par rapport à d’autres projets. La venue d’ECOFAC V dénommé cette fois
(Ecosystèmes Fragilisés d’Afrique Centrale) qui a démarré quelques-unes de ses activités, à
savoir la formation des personnes issues des sept pays membres du RAPAC en 2011,
permettra-t-elle de relancer l’écotourisme et de favoriser le développement des localités ?
3. Les activités et les acteurs de conservation au Gabon
Comme vu plus haut, le présent cadre législatif et institutionnel gabonais a été mis en place
dans le but de permettre une gestion raisonnable de la biodiversité forestière. Mais l’aspect
financier limite considérablement les actions de l’administration de tutelle dans l’optique de
les globaliser à une grande échelle. « À ce titre une part importante des superficies
répertoriées sous convention provisoire d’aménagement n’a jamais véritablement concrétisé
l’engagement vers la gestion durable. » (De Wasseige et al. 2008 : 73). Néanmoins,
l’aménagement durable des ressources forestières a connu quelques avancées.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
134
3.1. Les activités de conservation au Gabon
Ci-après quelques activités de conservation et de gestion durable ayant retenu notre attention.
3.1.1. Les aires protégées
Mis progressivement en place depuis l’administration coloniale, le réseau d’aires protégées
s’est développé pour occuper actuellement près de 14 % du territoire dont 11 % représentant
les parcs nationaux. Cela a été manifeste grâce à l’apport d’une législation raffermie,
influencée par les instances internationales. Par exemple, « en 1987, le Gabon a inscrit trois
sites (Loango, Setté Cama, Wonga-Wongué) au titre de la Convention de Ramsar sur les
zones humides » (Rabenkongo, 2004 : 15). Il existe alors une diversité des aires protégées. On
peut l’observer sur le tableau ci-après.
Tableau 4 : Typologie des aires protégées au Gabon
Type d’aire protégée Objectif de protection Modes de valorisation Restrictions
Réserve naturelle
intégrale
Protection absolue Sol, eau, flore, faune Autorisé aux
chercheurs, agents des
Eaux et Forêt
Réserve de biosphère Protection absolue Sol, eau, flore, faune Autorisé aux
chercheurs, agents des
Eaux et Forêt
Parc national Protection absolue Flore, faune, paysage Tourisme organisé et
réglementé
Réserve de faune Protection absolue Flore, faune, paysage Accès réglementé
Jardin botanique et
zoologique
Protection absolue Exhibition animaux
vivants
Accès réglementé
Sanctuaire Protection absolue Espèces animales ou
végétales
Accès réglementé
Domaine de chasse Protection absolue Faune Limite d’abattage Source : adapté du Code forestier du Gabon
3 617 038 hectares représentent la superficie totale des aires protégées au Gabon dont 2 467
131 hectares pour les parcs nationaux. La protection absolue signifie que des mesures de
protection très exigeantes seront prises contre toute pression humaine. De même, cela
protégerait les aires protégées des pressions économiques qui ont toujours été une entrave à
leur gestion. Les aires protégées jouent un important rôle dans la conservation des ressources
naturelles. C’est pour cette raison que lors de la Convention sur la Diversité Biologique les
nations s’engagèrent à mettre en place un important réseau d’aires protégées pour mieux
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
135
conserver l’ensemble des ressources animales et végétales, ainsi que des milieux (De
Wasseige et al., 2008). Grâce à ces aires protégées la conservation peut être envisagée
puisque, plus de sept millions d’hectares sont en cours d’aménagement (Madingou, 2008). Or,
« le Gabon présente le taux de couverture forestière le plus élevé d’Afrique et la forêt
recouvre plus des trois-quarts du pays. La diversité biologique de ce milieu n’est pas encore
totalement évaluée et de nouvelles espèces régulièrement découvertes » (Brugière, op.cit. :
45). Mais globalement, le projet régional47
dans lequel s’inscrit le réseau des aires protégées,
« entend appuyer à terme, un réseau de près de 10 millions d’hectares de parcs nationaux et
d’aires protégées, efficacement gérées, et de près de 20 millions de concessions forestières
aménagées » (Tchoba, 2005 : 151). Ces aires protégées ont toutes le même objectif de
protection mais elles ont des restrictions différentes.
Si l’UICN (1994) ne considère pas les domaines de chasse comme étant les aires protégées au
point de ne pas les inscrire sur sa liste mondiale des aires protégées, cependant pour le Gabon,
avec leurs modes de valorisation, ils font en font partie comme les autres. Ces domaines
« constituent des aires protégées à part entière dans la mesure où les dispositions de
protection des milieux valables pour les réserves de faune y sont intégralement applicables »
(Ibid. : 47). L’ensemble des aires protégées gabonaises sont confrontées à des perturbations de
deux ordres : le fait que d’un côté, les ressources soient exploitées commercialement perturbe
la gestion durable de ces ressources, puisque la législation permettant cette activité n’est pas
appliquée. De même, de l’autre côté, le braconnage occasionné par la vente de la viande de
brousse qui se développe davantage faute de systèmes de surveillance véritables contribue à
compliquer le processus de politiques de conservation.
De toutes les aires protégées, ce sont les parcs nationaux qui sont les plus importantes, car
leur superficie représente aujourd’hui 11 % du territoire48
. Et, le reste du territoire érigé en
aires protégées revient aux jardins zoologiques, sanctuaires animal et végétal, les réserves de
faunes et domaines de chasse, comme nous l’avons vu dans le tableau ci-dessus. De plus, les
textes des articles tels que 27, 28, 32 de la Loi 1/82 ont permis d’étendre la superficie des
aires protégées au travers la création des stations de recherche scientifique, des monuments
47
Il s’agit du projet régional du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo. 48
En Juin 2013, un quatorzième parc national est créé dans la province du Haut-Ogooué (parc de Lekeye). Le
gouvernement gabonais souhaiterait augmenter la superficie des aires protégées pour qu’elle représente 17 % du
territoire national et soit un patrimoine protégé pour les générations futures.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
136
naturels, des stations piscicoles, etc. (Tchoba, op.cit.). Toutes bénéficient d’une protection
législative.
Au sujet des aires protégées, la législation en vigueur à travers son article 29 stipule que toute
activité dangereuse qui viendrait à modifier la structure initiale du paysage, de la flore, de la
faune ou d’un écosystème, en favorisant le déséquilibre écologique est proscrite ; sauf si un
« organisme légalement compétent » (art.29) en juge autrement. Cette considération trouve
son origine à l’époque coloniale (Duplaquet, 1936)49
. Dans le même ordre d’idées, cela a été
renforcé par les lois 16/01 et 003/2007. Sauf que sur le terrain, il n’en est pas toujours ainsi.
Toutefois, grâce aux révisions de lois, les agents de la conservation agissent dans le sens de
parvenir à une protection absolue des aires protégées. Les parcs nationaux sont actuellement
gérés par l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN). C’est cette institution étatique qui
est chargée de mettre en place la politique environnementale du gouvernement dans ces parcs,
prenant principalement appui sur la loi relative aux parcs nationaux (la Loi 003/2007).
En général dans les parcs nationaux, la conservation de la biodiversité est privilégiée et
l’écotourisme a plus de mal à se développer. Le tableau de bord de l’économie ne présente pas
des recettes provenant de l’écotourisme. Serait-elle une activité peu productrice ? De même,
dans l’optique d’apporter un plus au processus de conservation, l’Etat gabonais a mis en place
la protection de la faune. Pour cela, il a établi une classification des espèces qui sont
totalement protégées ou non. Le tableau ci-après permet de voir cette catégorisation.
Tableau 5 : Espèces animales protégées
Espèces intégralement protégées Espèces partiellement intégrées
Aigle couronné Bongo
Aigle pêcheur Buffle de forêt
Céphalophe à patte blanche Céphalophe noir à dos jaune
Céphalophe de Grimm (Ntsa) Chat doré
Cercopithèque à queue de soleil Crocodile du Nil
Chevrotain aquatique Crocodile nain
Chimpanzé Drill
Cob Defassa Eléphant
Cob des roseaux Faux gavial (crocodile à long museau)
Daman des arbres Guib harnaché
Galago d’Allen Hylochère
Galago de Demidoff Ibis sacré
Galago élégant Ibis tantale
49
Cité par Tchoba, 2005 : 134 ; il dit que : « dans une réserve en effet, telle qu’on la conçoit à l’heure actuelle,
toute action de l’homme devrait être proscrite ou à peu près. » (Duplaquet L., Une tournée forestière au Gabon,
in Revue des Eaux et Forêts, vol.3, n°74, 1936 : 206).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
137
Gorille Jabiru du Sénégal
Hippopotame Mandrill
Lamantin Perroquet gris à queue rouge
Oryctérope Potamochère
Pangolin géant Python de Seba
Panthère Serval et servalin
Pélican gris Sitatunga
Potto de Boshman Spatule d’Afrique
Potto de Calabar Tortue luth
Varan du Nil
Vautour palmiste
3.1.2. Le reboisement
Le reboisement peut être défini comme étant la « plantation de forêts sur des terrains qui
étaient autrefois occupés par des forêts mais qui ont ensuite été transformés pour être utilisés
à des fins diverses »50
. Aussi synonyme de reforestation, le reboisement consiste en
sylviculture à favoriser la restauration d’un espace déboisé et d’assurer son équilibre naturel
en plantant des arbres. Au Gabon, cette action a été sollicitée pour redonner vie aux milieux
qui ont été soit surexploités, soit brûlés, ou soit détruits dans le but de contribuer à la
protection de l’environnement.
Pour l’OIBT (1999), le reboisement est « la réinstallation d'arbres et de végétaux du sous-
étage sur un site immédiatement après l'enlèvement du couvert forestier naturel ». Quant à la
FAO, c’est « le rétablissement des forêts au terme d'un état temporaire (d'une durée
inférieure à dix ans) où la canopée a été inférieure à 10 %, sous l'effet de perturbations
anthropiques ou naturelles ». Au Gabon, le reboisement commence à partir des années 1930,
mais à titre expérimental à cause de la faiblesse financière. Après une suspension entre 1939
et 1945, les activités de reboisement reprennent « en 1946 avec comme réalisation une
plantation d'Okoumé de 300 ha mise en place dans la Forêt de la Mondah et un arboretum de
5 ha à Sibang (Nimbot, 2005). En 1957, une taxe de reboisement et un fond forestier
Gabonais de reboisement sont institués sur la vente des bois exportés, afin de financer les
opérations sylvicoles » (Minko Mi Obame, 2009 : 8). Afin d’appuyer les actions de
reboisement déjà entamées, le gouvernement avec l’apport du Fonds d'Aide et de Coopéra-
50
Source: Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire MA Glossary Traduit par GreenFacts, consulté sur
http://www.greenfacts.org/fr/glossaire/pqrs/reboisement.htm
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
138
ration, et soutenu par l’ordonnance du 12 février 1965 qui favorisa la création de la Société
Technique de la Forêt d'Okoumé (STFO), va permettre à d’autres plantations de voir le jour.
Il s’agit notamment du reboisement dans les brigades de Mvoum, Haut Como, Mbiné,
Bakouma, etc. Sans trop s’appesantir sur l’histoire du reboisement au Gabon, il y a eu
plusieurs rebondissements dans la politique du reboisement. Par exemple la disparition de
STFO, puis la reprise des activités en 1975 par la Direction du reboisement travaillant sous la
surveillance de la Direction Générale des Eaux et Forêts. De même, les différents appuis
techniques comme avec le CIRAD-Forêt, sans oublier les difficultés financières que vont
entraîner les coûts de reboisement51
, vont beaucoup impacter cette activité.
C’est l’Okoumé qui a le plus bénéficié des activités de reboisement. En effet, « de 1930 à
1999 des plantations d'environ 30 000 hectares ont été réalisées au Gabon dans les provinces
de l'Estuaire, du Moyen-Ogooué et du Haut-Ogooué (DIARF, 1993). L'essence la plus utilisée
est l'Okoumé couvrant environ 29 000 hectares. Parallèlement, il existe approximativement
600 hectares d'essences exotiques (Pins, Eucalyptus, ...) et 400 hectares d'essences indigènes
(DIARF52
, 1993). Les plantations d'okoumé sont localisées dans les massifs de Bokoué (10
819 hectares dont le dispositif expérimental d'Ekouk sur 1000 hectares), Mvoum (8596
hectares), Nkoulounga (4176 hectares), Haut-Como (2887 hectares), Mbiné (1112 hectares)
et Mondah (1120 hectares) » (Mapaga et al., 2000a). La Direction du reboisement à travers
des projets ainsi que les concessionnaires, sont les principaux acteurs du reboisement au
Gabon.
Cependant, bien que les nouveaux codes forestier et de l’environnement stipulent clairement
la nécessité du reboisement, les actions sont plus difficiles à mettre en place. De plus, les
entreprises forestières en dépit des contrats qu’elles ont signés pour assurer et maintenir le
reboisement, et en dépit des contraintes que leur imposent ces différents codes, n’intègrent pas
le reboisement dans les devoirs à remplir. Un responsable de l’aménagement dans l’entreprise
forestière française, Rougier, affirme que «la non prise en compte par les opérateurs
forestiers de l'activité de reboisement est surtout liée à l'absence d'une culture de reboisement
des acteurs » (Mapaga et al., op. cit. : 29). Ils sont beaucoup plus préoccupés par l’exploita-
51
« Les coûts par hectare de plantation sont évalués en 1992, à 803 000 FCFA et à 316 000 F CFA
respectivement pour la méthode « coupe à blanc » et celle de « sous couvert» (Koumba et al., 1998) », cité par
Minko Mi Obame, 2009 : 8 52
Direction des Inventaires, des Aménagements et de la Régénération des Forêts
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
139
tion forestière. L’observation générale observée chez les concessionnaires montre ainsi que le
reboisement qu’ils devraient faire est malheureusement non respecté. Même si quelques-uns
d’entre eux essaient de se démarquer, beaucoup reste encore à faire dans ce domaine.
3.1.3. L’aménagement des concessions forestières
Malgré la non efficacité des concessionnaires dans la politique de reboisement, d’autres
acteurs s’efforcent d’appliquer la politique d’aménagement des concessions forestières
prévues. C’est la Direction Générale des Eaux et Forêts, à travers la DIARF et les services
provinciaux des Eaux et Forêts à savoir les brigades, inspections et cantonnements, qui
examine et suit l’aménagement forestier au Gabon. Ce dernier se fait à travers un Plan
d’Aménagement (PA), qui représente un document présentant les objectifs fixés à l’endroit
d’un massif forestier. L’établissement des concessions forestières est contemporain de la
colonisation. Elle consiste à l’attribution à un exploitant forestier d’un territoire à exploiter.
Les concessions forestières ainsi que les permis d’exploitation sont alloués par décret ou par
arrêté. Elles font l’objet de politiques de développement durable.
Après une très longue période durant laquelle la gestion forestière était quasi exclusivement
l’affaire de l’Etat, en Afrique centrale en général et au Gabon en particulier, une nouvelle
situation s’impose dans les années 1970, surtout avec l’Assemblée Générale de l’UICN en
1975 à Nsele, durant laquelle la conservation des forêts tropicales fut reconnue et encouragée.
Ainsi, les années 1980 favoriseront la mise en place de nombreux programmes dans le but
d’encourager la conservation en réglementant particulièrement l’exploitation forestière. À cet
effet, les concessionnaires commencèrent à jouer un rôle fondamental dans la gestion
forestière gabonaise dans les années 1990, en dehors des populations locales qui seront
sollicitées dans l’implication de cette gestion forestière.
Ainsi, les devoirs des concessionnaires au Gabon vont inclure plusieurs responsabilités et vont
croître selon le temps. Parmi ces responsabilités figurent les responsabilités techniques qui
leur permettent de préparer des « plans d’aménagement suivis de directives et de normes, de
la gestion des assiettes de coupe, etc. » (Yanggen et al, 2010 : 86). Il y a également des
responsabilités environnementales qui entraînent le respect des animaux dans les lieux de
production, des responsabilités sociales qui les obligeraient à créer des emplois. Aussi, des
responsabilités qui les amèneraient à fournir des biens et services aux populations ainsi
qu’aux administrations locales. Enfin, des responsabilités qui les conduiraient à contribuer
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
140
aux projets locaux, à verser des taxes et frais tels que le prévoit la loi. Et, des responsabilités
économiques qui les amèneraient à créer et à entretenir des routes, ou à mettre en place des
unités de transformation.
Cependant, ces responsabilités sont légèrement prises en compte au Gabon par les
concessionnaires. Ne respectant pas totalement la loi soutenant ces obligations, les
concessionnaires entrent parfois dans des compromis avec les administrations et populations
locales, ou même entrent en conflit avec ces dernières. Ainsi, les responsabilités sociales et
économiques ne sont pas remplies. Le tiers n’est même pas fait. Faute d’assumer des
responsabilités économiques par la quasi absence des unités de production notamment, la
décision présidentielle de 2010 à propos de la transformation du bois sur place conformément
à la loi y relative, a profondément surpris et mis mal à l’aise les concessionnaires habitués à
faire ce qu’ils voulaient.
3.1.4. La certification du bois
« Au Gabon, dès 2002, la certification forestière a été conduite chez Rougier par un bureau
d’audit indépendant et professionnel (DNV-France) selon le référentiel hollandais Keurhout
accompagné d’une vérification du Système de Management Environnement selon la norme
ISO 14001 » (Tadjuidje, 2009 : 6). La certification du bois forestier est aussi en effet un autre
moyen qu’utilise le marché pour encourager une bonne gestion des forêts. Or, « la
certification environnementale des forêts est une vieille pratique qui date de 1941 aux Etats-
Unis (Bouslah, Lafrance et Maurais, 2004) » (Tadjuidje, op. cit. : 4). La certification a pour
principal objectif de montrer qu’un lien peut exister entre la préservation et la demande de
bois pour satisfaire les besoins du consommateur.
S’inscrivant dans le contexte du développement durable, la certification est un concept qui va
être notamment adopté dans les pays du Bassin du Congo. Son objectif est d’atteindre une
meilleure gestion forestière, tout en répondant à la demande internationale du bois.
Cependant, « la certification forestière prend plusieurs visages dans le Bassin du Congo
puisqu’il convient de distinguer les systèmes de certification de la durabilité forestière de
ceux portant sur la légalité » (Ibid.: 1). Parmi les certifications forestières de durabilité qu’on
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
141
rencontre dans le Bassin du Congo figurent : le PAFC qui est un système panafricain de
certification forestière, la FSC (Forest Stewardship Council) et label Keurhout53
.
Le PAFC se veut être un outil qui aide les producteurs d’Afrique à gérer durablement leurs
forêts en s’adaptant aux mouvements des marchés internationaux sur le bois d’œuvre. Cela est
né de la volonté politique des chefs d’Etats africains partisans de l’OAB dès les années 1990.
Le PAFC a donc été réadmis en Février 2005 à Brazzaville, où les chefs d’Etats du Bassin du
Congo adoptèrent le Plan Convergence dans lequel la certification forestière devient une
priorité. Ainsi, le PAFC-Gabon s’introduit dans cette vision globale du PAFC, c’est-à-dire la
gestion durable des forêts d’Afrique que développent l’OIBT et l’OAB. La mise en place du
PAFC-Gabon en 2004 était une initiative pour intégrer dans un ensemble, les réalités
socioculturelles et économiques que présente la gestion forestière au Gabon. La mise en place
de ce programme vient aussi de la demande locale faite par les opérateurs de la filière du bois
dont les progrès faits à l’endroit de l’aménagement ont été appréciés. Cependant, le PAFC est
encore en cours de validation au Gabon. Mais, trois entreprises forestières sont intéressées par
cette certification, dans le but d’atteindre environ 1,5 millions d’hectares de superficie
globale.
Quant à la FSC, elle occupe actuellement la première place du système de certification au
Gabon, avec deux forêts certifiées : celle de Rougier avec 688 262 ha et celle de CEB avec
600 000 ha (Tadjuidje, 2009). FCS est considéré comme le système de certification le plus
exigeant au niveau mondial parce qu’il insiste aussi bien sur les aspects sociaux et
environnementaux, que sur les aspects techniques sur lesquels s’appuie l’aménagement
forestier. Enfin, « le label Keurhout est, lui, en perte de vitesse puisque les certificats n’ont
pas été renouvelés par les compagnies forestières, probablement en raison de son manque de
lisibilité sur les marchés européens. Ces compagnies ont toutefois profité du passage au
système Keurhout pour adopter les normes de gestion ISO, ce qui demeure une avancée
importante pour tout système de certification » (Tadjuidje, op. cit. : 1). En ce qui concerne les
53
C’est un système de certification établi par le gouvernement hollandais à propos de son marché domestique. Il
s’appuie sur le fait que la gestion forestière doit garantir totalement les fonctions écologiques et assurer le
prolongement des fonctions économique, sociale et culturelle de la forêt. Il fut créé en 1996 et s’arrêta au terme
de l’année 2003 pour réapparaître au cours de l’année 2004 par l’intermédiaire de la Fédération Néerlandaise du
Commerce de bois. Dans le Bassin du Congo, comme au Gabon, son objectif est de couvrir à court terme de plus
en plus de concessions et d’étendre son label à plusieurs autres marchés européens.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
142
certificats de légalité, ils sont présentement moins influents sur les marchés occidentaux, alors
qu’en 2004-2005 ils ont connu une accélération. Or, ces attestations sont indispensables à
certaines entreprises qui veulent obtenir une certification reconnue à l’international.
La certification, malgré le type auquel on se réfère, considère l’aspect social de
l’aménagement dont les procédures sont exigeantes. « Ainsi, les grands principes et critères
de l’OAB/OIBT et du FSC (Forest Stewardship Council) constituent tous les deux en matière
sociale, des référentiels importants pour la zone tropicale. L’augmentation attendue du coût
social de l’activité forestière est compensée par des retours sur des investissements, des
bénéfices sociaux, pour être économiquement soutenable » (Ibid. : 7). La certification
forestière constitue donc un aboutissement en matière sociale. Cependant, au Gabon comme
dans les autres pays, il existe des contraintes propres à la sous-région. « Ces difficultés
s’expriment clairement quand il s’agit de déterminer des référentiels nationaux sur la base
des systèmes internationaux de certification » (Tadjuidje, op. cit. : 8). De plus, les aspects
sociaux sont difficilement pris en compte.
3.2. Les principaux acteurs de la préservation de l’environnement au
Gabon
Pour la préservation des ressources naturelles du Gabon, plusieurs acteurs contribuent à la
mise en place, l’exécution et l’évolution des politiques environnementales gabonais. Chacun
d’eux intervient en fonction de ses compétences. Nous analysons respectivement la
contribution de chacun des acteurs de la conservation.
3.2.1. Les administrations nationales
Comme acteurs politiques nationales de l’environnement figurent : le Ministère des Eaux et
Forêts (MEF), le Ministère de l’agriculture, le Ministère du tourisme, le Ministère des
hydrocarbures, le Ministère de l’Intérieur, etc. Mais les départements de ces ministères qui
s’occupent de l’environnement ne sont pas encore très performants en la matière. C’est
pourquoi, historiquement le plus important de ces ministères est le MEF. Ce dernier est en
effet le ministère qui se présente comme la première institution ou administration nationale
qui intervient le plus dans la gestion des ressources naturelles. Le MEF est donc chargé
d’élaborer et de mettre en place les politiques environnementales.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
143
Il a en son sein des départements (Direction Générale de l’Environnement, DGE, suivies des
Direction Générale des Eaux et Forêts, Direction Générale de Pêche et de l’Aquaculture,
Direction Générale de l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts) qui tous travaillent dans la
conservation. Ces directions se présentent comme des structures importantes qui aident l’Etat
à œuvrer en faveur de la conservation. Cependant les remaniements qui interviennent selon
les décisions du gouvernement, dans la composition des ministères entraînent parfois le
basculement d’une de ces directions générales dans un autre ministère autre que le MEF. Ce
qui entrave parfois le bon déroulement des activités, surtout lorsque les projets entamés ne
sont clôturés.
De façon formelle, c’est la DGE qui est la plus représentative de par ses obligations. Elle a le
devoir de veiller à la protection du milieu naturel ainsi que sa conservation, de prévenir et de
lutter contre les pollutions. En plus, de protéger et d’améliorer les milieux de vie urbain et
rural, d’harmoniser le développement industriel. C’est également elle qui est censée garantir
la sensibilisation, l’éducation, de même que l’application des politiques de conservation.
Quant au MEF, ses attributions se groupent en deux ordonnances. Pour ce qui est de la
première ordonnance, le MEF est globalement chargé de gérer l’environnement, le domaine
forestier, la faune sauvage et les ressources halieutiques. Pour ainsi favoriser ces activités de
gestion, le MEF est censé déterminer les conditions qui conduisent à exploiter les ressources
du domaine forestier et aquatique. Ansi que déterminer et mettre en pratique les politiques de
reboisement des ressources, classifier et surveiller les milieux dans lesquels se fait
l’exploitation raisonnable des ressources naturelles, sans oublier les politiques restaurant des
sols cultivés. La deuxième ordonnance quant à elle amène le MEF à globalement contrôler et
faire appliquer la réglementation et la législation forestières dans les milieux forestiers
appartenant au domaine public. Cette ordonnance fait suite à la première et permet au MEF de
sanctionner le non-respect des arrêtés.
Afin de bien assurer la gestion durable des ressources de même que l’application des
politiques environnementales des instruments de gestion sont établis. À cet effet, le Code de
l’environnement et le Code forestier en sont les références. De plus, la Cellule de
Planification et de Suivi-Evaluation (CPSE) permet le suivi des activités externes et internes
du MEF. De même, le Système d’Information de Gestion Forestier (SIGEF) aide à suivre et à
gérer les activités forestières.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
144
Par ailleurs, d’autres administrations viennent s’insérer à la liste des acteurs nationaux
œuvrant à la gestion forestière gabonaise. On peut également citer la participation des acteurs
du corps législatif dans l’exécution des politiques environnementales. En effet, à travers les
deux chambres du Parlement (Sénat et Assemblée nationale), ces acteurs politiques favorisent
l’élaboration et la validation des lois forestières dont nous avons déjà fait référence lorsque
nous abordions le cadre législatif et institutionnel en matière de conservation. Ainsi, les
députés et sénateurs contribuent à la conservation de la biodiversité gabonaise.
Enfin, l’ANPN, les instituts et centres de recherches dont nous avons parlés agissent en
synergie et constituent des partenaires nationaux de l’Etat pour favoriser la conservation de la
nature au Gabon. D’autres acteurs agissant sous la tutelle du Ministère de l’intérieur, tels que
les gouverneurs des provinces, les préfets et sous-préfets, les maires des communes et les
responsables des collectivités faisant partie des systèmes politico-administratifs gabonais ont
du pouvoir dans la gestion du territoire, selon la politique de décentralisation analysée dans le
chapitre II.
3.2.2. Les ONG
Les Organisations Non gouvernementales auxquelles nous faisons allusion dans notre analyse
sont internationales ou nationales. Chacune d’elles se distingue par son statut. Néanmoins
toutes œuvrent dans le sens de pérenniser la biodiversité en devenant des collaborateurs de
l’Etat.
3.2.2.1. Les ONG internationales
Les ONG internationales font partie du système de gouvernance international de
l’environnement, au même titre que les OIG (organisations inter gouvernementales) et les
États. Ainsi, grâce à divers programmes, les ONG internationales notamment ont aidé les
administrations gabonaises à développer leurs politiques environnementales. Cela a été
favorisé par les institutions internationales telles que le PNUE, l’OIBT pour qui la forêt
constitue l’un des aspects de leurs études. « Ce sont des organismes techniques et de
développement qui procurent aussi bien un cadre à de nombreuses discussions sur les
politiques mondiales et autres tractations y relatifs » (Tchoba, op. cit. : 179). Au Gabon deux
ONG internationales le WWF et le WCS sont les plus importantes de par leurs envergures et
leurs actions.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
145
C’est en 1986 que le Fonds mondial pour la nature, aussi connu par World Wildlife Fund for
Nature (WWF) s’introduit dans la conservation des ressources forestières au Gabon à la
demande du gouvernement envisageant la mise en place d’un réseau d’aires protégées. C’est
ainsi qu’en 1988, avec l’appui de l’UICN, le WWF, qui s’était déjà fait remarquer par son
étude sur la situation des écosystèmes forestiers gabonais, dirigea un programme de soutien
pour contribuer à la conservation de la biodiversité gabonaise. Ce programme consistait à
apporter une série de soutiens à la lutte anti-braconnage dans la réserve du Petit-Loango, à la
formation et à la réinsertion des agents du MEF, à l’éducation ainsi qu’à la sensibilisation sur
la conservation rationnelle des ressources, sans oublier le soutien institutionnel au MEF.
De plus, constituant un rapport très important dans les années 1990, le WWF a participé à
faire évoluer la conservation au Gabon. En effet, « le rapport du WWF sur la conservation
des écosystèmes forestiers au Gabon fait état de la bonne qualité de la conservation de la
biodiversité de ce pays, et attribue cette situation à une faible pression démographique.
Cependant, il insiste sur la nécessité de prendre d’avance des mesures pour prévenir la crise
et d’améliorer la gestion des aires protégées existantes » (Obiang Ebenga, 2004 : 30). Ce
rapport a permis au gouvernement d’élaborer un projet qui s’intitule Projet Forêt et
Environnement (PFE) qui fut exécuté par le Ministère des Eaux et Forêts et celui de
l’Environnement, du Tourisme et des Parcs nationaux.
En 1991, le WWF signa une convention avec l’Etat gabonais. Afin de marquer son
établissement au Gabon, le WWF a mis en place son bureau à Libreville et continue d’assurer
son appui technique non seulement aux agents du MEF, mais aussi aux agents des autres
administrations qui traitent de l’environnement. De plus, dans le cadre de cette convention, le
WWF avait pour mission de réaliser le projet de réaliser le Complexe d’aires protégées de
Gamba, de même que la mise en place de la réserve de Minkébé, ainsi que sa gestion. Par la
suite les actions du WWF seront davantage consolidées par les conventions et programmes
régionaux et internationaux dans lesquels le gouvernement gabonais va s’impliquer.
Le WCS (Wildlife Conservation Society) a une action plus importante encore. Le WCS est
une ONG d’origine étasunienne qui a toutefois un statut international. Ses actions de
conservation de la biodiversité au Gabon datent de 1985. Il contribue à plusieurs niveaux aux
politiques environnementales gabonaises. Originellement, le WCS s’appelait la Société
zoologique de New-York. Orienté de par ses origines vers la préservation des grands
mammifères dans leur milieu naturel, le WCS est progressivement devenu un acteur politique
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
146
au Gabon. Il associe aujourd’hui une politique de recherche sur la biodiversité, d’éducation à
l’environnement auprès des populations, mais aussi d’appuis technique aux agences d’État
gérant les parcs nationaux.
Le signe le plus évident de cette proximité entre le WCS et l’État gabonais est qu’un
biologiste de la conservation, ancien directeur du WCS Gabon, Lee White, est maintenant le
responsable de l’Agence nationale des Parcs nationaux. Cette décision, symboliquement très
forte et très contestée, comme l’on s’en doute, a été motivée par la très bonne connaissance du
milieu de la conservation de Lee White, mais aussi par sa proximité avec le nouveau Président
de la République.
Enfin, ces deux acteurs internationaux de la conservation de la nature ont contribué à
l’élaboration puis à l’exécution d’une opération qui consistait à évaluer l’ensemble du
territoire gabonais pour ainsi mettre en place le réseau de parcs nationaux, initiée par le MEF.
En plus des inventaires effectués par Lee White et son équipe sur la nature, l’écologiste et
explorateur américain Mike Fay54
a mené une opération d’exploration/valorisation des
milieux forestiers du Bassin du Congo en faisant un transect à pied, pendant 440 jours, dans la
forêt. Cette opération a été accompagnée par un journaliste du National Geographic, ce qui lui
a assuré une grande médiatisation. Un argumentaire en faveur des parcs nationaux a été
élaboré sur la base des photos prises pendant cette aventure et des connaissances écologiques
de Lee White. Un livre richement illustré proposant de valoriser et protéger ces milieux au
travers de la création de treize parcs nationaux associés à un écotourisme de luxe a été édité.
Ce serait la présentation de cet ouvrage au Feu Président Omar Bongo qui a provoqué la
décision de création des parcs nationaux en 2002. En effet, « en mai 2002, alors Ambassadeur
du Gabon aux États Unis, c’est lui [Jules Marius Ogouebandja], qui a introduit Dr. Mike Fay
dans une salle de réunion au New York Palace Hôtel, pour rencontrer feu le Président Omar
Bongo Ondimba. C’est lors de cette réunion avec l’explorateur renommé, qui a traversé les
forêts du Gabon de Minkébé jusqu’aux plages de Loango à pied, qu’est née l’idée de créer un
réseau des Parcs » (ANPN, 2010 :4).
Cette décision, et les modalités suivant lesquelles elle a été prise, fonde la contestation, dans
certains milieux, des parcs nationaux. En effet, les arguments avancés sont principalement
esthétiques et liés à l’écotourisme, mais ils ne reposent pas sur des études préalables analysant
54
Il a exploré en 440 jours le Bassin du Congo et a ainsi contribué à la valorisation des richesses de la région.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
147
les conditions physiques et humaines de ces parcs. Nombre d’acteurs se plaignent de ce
qu’une décision d’une telle envergure aurait dû être fondée sur un processus de concertation
plus élaboré. Une des conséquences de cette précipitation fut que la création des parcs
nationaux qui s’est faite en 2002 n’a été suivie d’une loi portant création des parcs qu’en
2007. Mais c’est surtout son caractère arbitraire qui est aujourd’hui contesté par nombre
d’acteurs politiques gabonais.
3.2.2. Les ONG nationales
La situation politique du pays suite au mouvement de démocratisation qui naît en Afrique
autour de 1990 créa un contexte favorable à la constitution des associations. Mais en dépit de
ce climat qui pourrait apparaître favorable, et en dépit des enjeux socio- environnementaux du
Gabon, le nombre d’ONG présente au Gabon est peu élevé et celles-ci ont une autonomie
toute relative.
Tableau 6 : Liste des ONG environnementales gabonaises
1 Croissance Saine Environnement (CSE)
2 Agence pour la Conservation et le Développement en Afrique Centrale
(ACDAC)
3 NYANGA Tour
4 Humanitaire Environnement (HUMEN)
5 Association Gabonaise de Protection de la Nature (AGAPRONA)
6 Aventures Sans Frontières (ASF)
7 Brainforest Gabon
8 Centre d’Actions pour le Développement Durable et l’Environnement
(CADDE)
9 Comité Inter- Associations Jeunesse et Environnement (CIAJE)
10 Groupe des Amis du Sentier Nature (GRASNAT)
11 ANCE
12 Amis du Pangolin
13 IBONGA
14 Mayumba Nature
15 Image Gabon Nature
16 POLLAS Gabon
17 Gabon Environnement
18 FOVIGENA REJEFAC
19 ITSAMANGHE
20 Forêt Développement
21 FENSED REFADD
22 FOGAPED
23 AGROFED
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
148
24 Amis du Littoral et des Eaux
25 Génération Eau Claire
En général, « la croissance des ONG dans les pays en développement, quoique moins rapide
est aussi significative. Leur création est fortement favorisée par l’action des ONG des pays
industrialisés et la politique des organismes d’aide au développement qui y trouvent des
relais à leur action » (Le Prestre, op. cit. : 106). Mais ces ONG gabonaises sont peu
nombreuses et la création de plusieurs d’entre elles est assez récente. La majorité d’entre elles
est peu autonome techniquement, financièrement et manque même de local où travailler, c’est
pour quoi leurs actions sont peu visibles dans l’évolution des politiques environnementales.
Cependant quelques unes comme Brainforest, les Amis du pangolin et Gabon environnement
se distinguent par leurs actions, leur autonomie et leur influence sur les politiques
environnementales ; c’est pour cette raison que nous avons choisi de les présenter.
Les ONG environnementales gabonaises travaillent en collaboration avec le WWF et le WCS,
et avec les autres acteurs internationaux de la conservation. Ces ONG gabonaises œuvrent
toutes dans l’information, la sensibilisation ainsi que dans l’éducation du grand public
concernant les questions environnementales. Cependant les actions de ces ONG peuvent se
distinguer les unes des autres selon les domaines dans lesquels chacune d’elle s’inscrit pour
œuvrer au nom de la conservation.
3.2.2.1. Les Amis du pangolin
Les Amis du pangolin ont joué un rôle important en matière d’environnement. Mais cette
ONG n’est pas tout a fait nationale parce qu’elle a été crée avec l’apport d’un américain en
février 1994. C’est une ONG historique dans la société civile environnementaliste gabonaise.
Elle fait toutefois partie des plus anciennes ONG environnementales gabonaises. Elle se
donne pour mission de contribuer à la sauvegarde, la protection de l’environnement et la
conservation des ressources naturelles par l’édition d’un journal relatant l’actualité
environnementale (le cri du pangolin) et l’organisation d’événements autour de la protection
des milieux naturels.
À l’aide de son outil de communication, le Cri du pangolin créé antérieurement (1991),
l’ONG les Amis du pangolin a connu une avancée remarquable. Le Cri du pangolin un petit
fascicule mis en place par un coopérant français, soutenu par Elf-gabon et par le Centre
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
149
culturel français, avait pour but d’aider les professeurs de physique et sciences naturelles lors
de leurs interventions sur l’environnement. Il deviendra par la suite un journal. Lorsque les
Amis du pangolin fut créée, au lieu seulement d’apporter un appui aux enseignants, elle
intervient directement elle-même dans les établissements du primaire principalement. Elle se
lancera ainsi dans la communication pour se mettre dans la même continuité que le journal.
L’aide financière qu’elle a obtenu d’ECOFAC lui a permis d’entreprendre cette activité dans
les villages de la zone périphérique de la Lopé55
.
De plus, attiré par les ONG internationales, l’Union européenne ou le Centre culturel français,
ce journal va servir de porte-parole à tous ceux qui travaillent dans le domaine de la
conservation. Au départ petit fascicule à l’usage des enseignants, le Cri du pangolin deviendra
un outil qui va servir d’appui pour la communication sur l’environnement, exigeant ainsi une
certaine rigueur. C’est aussi grâce à ce journal que les acteurs de la conservation vont
sensibiliser le public et l’informer de leurs préoccupations, activités, et des résultats qu’ils
enregistrent sur le terrain.
C’est aussi à travers ce journal que les ONG internationales auront une certaine crédibilité du
point de vue international pour rendre compte de ce qu’ils font. Par la suite, le journal le Cri
du pangolin resté la propriété de l’ONG Les Amis du pangolin, devient un moule dans lequel
tout le monde apportera ses connaissances en matière d’environnement. Le journal va
généraliser toutes les informations concernant l’environnement. Puisqu’il sera présent dans les
écoles tout comme dans les institutions, plusieurs jeunes seront attirés et découvriront ainsi à
travers ce journal leurs passions pour l’environnement. Ainsi naîtront d’autres associations en
rapport avec l’environnement. À ses débuts, le Cri du pangolin sera particulièrement financé
par Total qui en effet avait acheté près de 5 000 exemplaires pour les redistribuer aux écoles
primaires.
Les ONG gabonaises œuvrant dans l’environnement reçoivent en général leurs financements
des bailleurs internationaux (l’Union européenne à travers ECOFAC ou RAPAC aujourd’hui),
des entreprises privées, ou des particuliers généreux. Cependant les Amis du pangolin
notamment ont bénéficié du deuxième prix du concours international lancé par le WCS, Terre
sauvage en 2007. Pour le journal c’est l’Agence des Etats-Unis pour le développement
55
Lopé qui n’était encore qu’une réserve de faune à ce moment là.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
150
international qui a un programme sous-régional (CARPE) qui le soutenait, dont 3 000 dollars
en 2007 et 18 000 dollars en 2009.
La création des parcs nationaux en 2002 nécessitait la mise en place d’un outil de
communication qu’utiliserait le Conseil des parcs nationaux. Le choix fut alors porté vers le
Cri du pangolin qui avait déjà une expérience en la matière. C’est ainsi qu’en 2004 un
partenariat s’est fait entre le Conseil des parcs (ANPN aujourd’hui) et les Amis du pangolin
au sujet du journal. Le Conseil devait alors apporter un appui technique et en retour près 70 %
du journal devrait être consacré aux parcs nationaux. Ce journal était également ouvert aux
autres ONG ou acteurs économiques, les Amis du pangolin n’assurait que l’édition. Ainsi,
après deux années d’inactivité, car le dernier numéro du journal fait par les Amis du pangolin
s’arrêta en 2002 suite au départ du responsable de l’ONG, le journal fut relancé en 2004 grâce
au partenariat conclut entre l’ONG et le Conseil des parcs.
L’appui du conseil des parcs dans l’élaboration du journal a toujours été matériel
(remplacement d’ordinateur défectueux, électricité, etc.) et l’aide financière par les bailleurs.
Le dernier numéro du journal a paru en 2009. Compte tenu du fait que le conseil a subi des
modifications pour devenir l’Agence, le nouveau responsable n’a pas trouvé utile de continuer
le partenariat qui avait été signé entre les Amis du pangolin et le conseil. Le journal reprendra
sa publication quand la nouvelle organisation sera faite par l’ANPN.
3.2.2.2. Gabon environnement
L’ONG Gabon environnement, qui est la fusion de deux ONG (“vie verte” et “Gabon-faune-
flore-environnement”) a été crée en 2004. Cette ONG s’intéresse aux travaux qui portent sur
les tortues marines et travaille dans les parcs de Mayumba56
, Pongara et Akanda. Travaillant
de même avec l’ANPN et étant son partenaire, Gabon environnement participe à répertorier la
faune et la flore, et à protéger les espèces qui sont menacées dans ces parcs. Elle œuvre
également à promouvoir un « écotourisme contrôlé». Elle regroupe soixante personnes
reparties sur ces sites.
56
Depuis deux ans, Gabon environnement a cessé de travailler à Mayumba à cause des problèmes de routes et
d’absence d’aéroport. Ce qui ne facilita pas le transport du matériel ainsi que l’hébergement des jeunes sur le
terrain. La difficulté de financement, d’alimentation et les problèmes de santé sont également les raisons du
retrait de l’ONG dans ce parc national.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
151
Gabon environnement fait de l’écotourisme dans ces parcs. L’ONG se donne comme objectif
de faire en sorte que cet écotourisme soit plus attrayant. L’argent issu de l’activité
écotouristique est reversé dans les programmes de conservation des tortues luths et autres
programmes. Comme contribution de cette ONG au développement social des habitants de
Pongara, elle élabore des programmes liés à la santé et à l’environnement qui entraîne la visite
des médecins tous les deux mois, parce qu’il n’y a pas de dispensaire sur place. De même, elle
fait que la population apprenne à faire de l’agriculture autour des maisons par le biais de
l’Institut Gabonais d’Appui au Développement (IGAD). Tout ceci dans le but de régler les
tensions existantes et de permettre à la population de participer à la conservation. Enfin, cette
ONG a fait des propositions de textes à l’Agence des parcs pour que Pongara soit la vitrine de
tous les parcs, à cause de son écotourisme et de l’action de la population dans la préservation
de l’environnement.
3.2.2.3. Brainforest
Brainforest est elle, très engagée dans la préservation de l’environnement. Née en 1998,
Brainforest se distingue par ses nombreuses actions. Elle est une ONG unique dans le
contexte gabonais, en particulier parce qu’elle porte un regard critique sur les actions de
production ou de conservation qui ne prennent pas en compte les intérêts des populations
locales. En effet, son engagement pour protéger la zone de l’Ivindo qui était menacée par
l’exploitation forestière a eu un résultat positif. Alors qu’on ne parlait pas encore de parcs
nationaux à l’époque, Brainforest a milité pour que la compagnie Rougier retire tous les
permis autour de Chicoungou. Car, l’exploitation forestière qui y était faite avait un impact
négatif sur les milieux naturels de l’Ivindo, dont les chutes de Chicoungou. Cette bataille se
solda par la victoire de l’ONG et permit ensuite que cette région soit intégrée dans le réseau
des parcs nationaux établi en 2002. Toutefois, cette même zone fait encore l’objet de
polémiques entre Brainforest et les exploitants chinois au sujet de l’exploitation du fer de
Bélinga57
.
Brainforest se particularise aussi par son travail sur la cartographie participative. La
cartographie est en effet un outil qu’elle met à la disposition des populations pour mieux
défendre leurs intérêts. Brainforest entreprend cette action dans le cade du projet de
57
Le projet du fer de Bélinga a été dénoncé par Brainforest parce que les intérêts gabonais n’étaient pas pris en
compte. C’est un projet qui est encore non entamé.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
152
cartographie participative dans le Bassin du Congo, financé par le DFID58
. « Ce projet vise à
sécuriser l’accès des communautés rurales et des peuples autochtones du Bassin du Congo
aux ressources nécessaires pour leur survie. À ce titre, il supporte l’élaboration de cartes
participatives des terroirs traditionnels de ces populations » (Brainforest, 2009 : 6). Grâce au
partenariat avec l’ONG anglaise Rainforest Foundation UK établi à Londres, Brainforest a
réalisé depuis Mars 2009, date à laquelle le projet a démarré, quatre esquisses de cartes
participatives qui étaient en attente de validation. Actuellement, l’ONG a édité plus de huit
cartes participatives. De plus, en 2009, Brainforest à travers son secrétaire exécutif obtient le
prix Goldman pour l’environnement, à San Francisco (Etats-Unis). Ce couronnement confère
à l’ONG l’attribut de protecteur de l’environnement au Gabon.
L’inexpérience de plusieurs ONG nationales fragilise davantage leur participation dans la
gestion environnementale. Jusque là ces ONG ne sont pas encore totalement indépendantes et
elles ont donc tendance à faire ce que leur demandent leurs financeurs. C’est ainsi que, des
programmes tels que celui de CARPE59
vient les soutenir dans l’optique d’être plus efficace.
En effet, « selon CARPE, les ONG locales pourraient concourir de façon pertinente, à travers
leurs activités à la compréhension des causes de déforestation et à la recherche des solutions
durables » (Tchoba, op. cit. : 188). Au regard des actions des ONG (nationales et
internationales), une avancée a été observée par rapport à leur contribution dans la
conservation. Mais pour l’instant, la participation des ONG à la conservation de
l’environnement se fait surtout par le biais de sous-traitance des ONG internationales que sont
le WCS et le WWF
3.2.3. Les populations locales
Les populations locales apparaissent comme la dernière catégorie d’acteurs de la conservation
au Gabon. Bien que les réformes du secteur forestier par l’intermédiaire de nouvelles lois et
dispositions tendent à privilégier la contribution des populations locales dans la gestion
environnementale, leur apport reste encore infime aujourd’hui. Elles devraient dorénavant
assister aux conventions dédiées à tout ce qui touche l’exploitation dans le but de protéger et
d’assurer leurs droits (Nguinguiri, 1999). Ce qui, au bénéfice de ces populations favoriserait
58
Department For International Developpment (Ministère Britannique du Développement International). 59
C’est un projet exécuté en 1995 et financé par l’Agence Américaine pour le Développement International
(USAID).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
153
l’institutionnalisation d’une telle participation par le truchement de structures dont chacune
des principales entités que sont l’Etat, les exploitants forestiers et les paysans serait
représentée (Maître, 1996 : 45).
La foresterie communautaire se présente comme l’unique forme de gestion forestière qui soit
valable sur le plan juridique à laquelle participent les populations locales. Mais au Gabon, ce
processus d’attribution des forêts communautaires n’est qu’à l’état embryonnaire et ne peut
donc pas montrer l’apport des paysans dans la conservation à travers leur domaine forestier.
Si dans les pays de la sous-région comme le Cameroun, la foresterie communautaire peut être
appréciée, au Gabon de nombreuses entraves limitent bien son appréciation. Nous le verrons
en détail dans la troisième partie.
De façon générale, les villageois gabonais continuent de subir les projets de conservation sans
que leurs opinions soient réellement prises en compte. Toutefois, les ONG environnementales
œuvrent pour que les populations locales soient davantage intégrées dans la conservation. À
cet effet, ces ONG internationales et nationales les aident à s’ériger en associations dans
lesquels les projets montés permettront aux populations d’apprécier la gestion
environnementale.
4. Les débats actuels sur la conservation des ressources naturelles
Après cet exposé sur les politiques environnementales au Gabon, il est utile de voir comment
se présente la problématique sur la conservation en général. Sauver la planète des catastrophes
qui menacent son fonctionnement actuel, produire davantage pour la survie des hommes tout
en assurant la durabilité, gérer les conflits d’usage des terres, etc. constituent, nous l’avons vu,
des défis du monde contemporain. Ces défis présentant d’énormes difficultés amènent toutes
les nations à rechercher des solutions efficaces produisant des résultats positifs. Nous verrons
alors les proposions faites à l’échelle internationale en général et à l’échelle du Gabon en
particulier.
4.1. Une gestion participative rationnelle des ressources de plus en plus
envisagée
La loi de 1996 sur la décentralisation au Gabon prévoit que la protection de l’environnement
soit l’une des missions affectées aux collectivités locales. La gestion participative apparaît
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
154
alors pendant les débats comme l’une des solutions pouvant résoudre les problèmes
qu’entraîne la conservation. Ainsi, dans les programmes et projets d’Afrique centrale, la
gestion participative est plus que jamais sollicitée et intégrée. En effet, depuis l’amorcement
des reformes dans les années 1980, dans la sous-région, l’observation faite à ce propos
présente un bilan peu satisfaisant qui appelle à « réformer la réforme » pour que les buts visés
soient dorénavant atteints sans handicaps (Joiris et Bigombe, 2010). Cette situation trouve son
origine dans l’établissement de quelques aires protégées durant la colonisation. Au cours de la
période postcoloniale, la situation n’a fait qu’empirer lorsque les modèles de conservation des
Occidentaux ont été confirmés et justifiés par le monde scientifique. Or, cela ne fait
qu’accentuer davantage le clivage entre les références de conservation occidentale et les
systèmes autochtones de gestion de la nature, dont les populations locales sont les principaux
détenteurs.
Les ruraux gabonais contestent souvent les choix de programmes et types de projets de
conservation parce que globalement ils ne s’y retrouvent pas. Pour ce faire, la recherche d’un
choix aux orientations précédentes, a entraîné assez récemment la diffusion du « modèle
participatif » et beaucoup plus lors des interventions sur la gestion des forêts d’Afrique
centrale. Cependant, ce modèle qui prit de l’ampleur dans les années 1990, en manifestant
ainsi une prise de conscience globale dans le but de résoudre les problèmes qu’entraînent le
développement, la pauvreté, la protection de la planète, etc., n’est réellement pris en compte
qu’assez récemment. Aujourd’hui, l’accent est par contre mis sur une alternative de modèle
participatif contemporain pouvant entraîner un développement rural (Nguinguiri, 1999).
Parce qu’il existe un poids de l’environnement politique tendant à prioriser les préoccupations
internationales et étatiques au détriment des préoccupations des populations, des reformes
institutionnelles, législatives et politiques en faveur du secteur forestier ne cessent de voir le
jour au Gabon. En effet, le développement durable est très souvent associé à la participation.
Dans ce sens, « le développement ne peut être durable que s’il est effectivement pris en
charge par les populations qu’il concerne, ce qui suppose une certaine libéralisation
politique et une pratique effective de la démocratisation à la base » (Lazarev, 1993 : 19).
Puisque les premiers Programmes d’Action Forestier (PAFT/ PAFN) en Afrique centrale
n’ont pas privilégié l’approche participative (Nguinguiri, op.cit.), désormais elle devrait
intégrer tous ces programmes, de même que les Plans de Gestion ou d’Action
Environnementale (PNGE/ PNAE).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
155
4.2. Approche des services environnementaux comme moyen d’incitation
vers l’application des politiques environnementales dans les pays tropicaux
La prise en compte des services environnementaux offerts par la forêt apparaît comme un
nouvel outil pour conduire à une gestion durable des forêts des pays tropicaux en général et de
ceux d’Afrique centrale en particulier. Ainsi, la mise en place de leurs paiements suscite-t-elle
beaucoup d’espoirs. Nous verrons alors les enjeux et contraintes que favorise le Paiement
pour Services Environnementaux (PSE) dans le bassin du Congo. Ici, nous introduisons juste
la notion et voyons sa construction et les débats qu’elle suscite de façon générale. Il est donc
utile de savoir ce que renferme cette notion et comment elle a émergé.
4.2.1. Définition des services écosystémiques
De façon simple, les services écosystémiques peuvent se définir comme l’ensemble de
bénéfices que les hommes tirent de la nature. En reconnaissant d’une part la participation
cruciale des « services écosystémiques » pour le bien-être humain et la dégradation rapide et
irrémédiable de la plupart de ces services, le MEA a appelé à une meilleure protection des
services par une estimation des coûts de la dégradation des milieux. Si l’estimation des coûts
a une vocation principalement pédagogique, certains acteurs proposent d’inciter à la
préservation des services écosystémiques soit en faisant payer pour leur destruction, soit en
rémunérant ceux qui les protègent.
Le MEA a proposé un recensement de 17 services écosystémiques dont bénéficie l’homme.
On les structure ainsi en grands groupes de quatre services selon le MEA :
o 1. Services d'approvisionnement : ce sont des biens produits ou provenant
des écosystèmes (ex : nourriture, eau, bois, fibres, matières et molécules
organiques, molécule d'intérêt pharmaceutique, ressources génétiques, pétrole,
minerais, sable, etc.).
o 2. Services de régulation : régulation macro et microclimatique ; régulation
des crues ou inondations (lorsque les crues recouvrent le lit d’une plaine
d’inondation, l’eau est temporairement stockée. C’est évidemment un avantage
pour les populations vivant en aval) ; régulation des maladies ; purification de
l’eau, pollinisation et régulation des ravageurs ; par la photosynthèse, les forêts
participent à la séquestration du CO2 ou à la régulation de la qualité de l’air.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
156
Les zones humides à mangroves ou les prés salés, en atténuant l’énergie des
vagues, protègent les terres cultivées côtières ou les villages.
o 3. Services culturels (bénéfices non matériels). Ils incluent : les plaisirs
récréatifs (randonnées, écotourisme) et culturels, les valeurs esthétiques, ainsi
que l'intérêt pédagogique offert par la nature, voir même l'enrichissement
spirituels.
o 4. Services de soutien. Ils sont la condition du maintien des conditions
favorables à la vie sur Terre, avec notamment les cycles bio-géoécologiques
des éléments (nutritifs ou non). Ils contribuent notamment à l'entretien des
équilibres écologiques locaux et globaux, la stabilité de la production
d'oxygène atmosphérique et du climat global, la formation et la stabilité des
sols, le cycle entretenu des éléments et l'offre d'habitat pour toutes les espèces.
4.2.2. Le cas des mécanismes de paiement pour services environnementaux
Les paiements pour services environnementaux émergent vers la fin des années 1990. Mais
leur genèse exacte est difficile à faire parce qu’elle se situe dans une suite de faits englobant
d’une part l’apparition au cours de la décennie 1990 de l’évaluation monétaire de la
biodiversité, et d’autre part, du développement des PSE au cours du début des années 2000.
Cependant, la moitié des années 1990 peuvent être retenues comme le lancement de la
marchandisation des SE, avec notamment le programme du PSE au Costa Rica. C’est à partir
de ce moment que plusieurs ateliers internationaux consacrés à la marchandisation des SE
vont se multiplier. Ce qui va favoriser dès 2002 l’apparition des premières publications sur les
PSE, dont deux principaux ouvrages : celui de Landell-Mills et Porras intitulé « silver bullet
or fool’s gold ? A global review of markets for environmental services and their impacts on
the poor », et « Selling environmental services: market-based mechanisms for conservation
and development » et celui de Pagiola, Bishop et Landell-Mills. Le premier ouvrage fait la
synthèse sur les expériences faites à propos des approches de marchandisation et dans la
classification des SE en quatre (carbone, beauté scénique, biodiversité, bassins versants), qui
constitue l’un des points essentiels de cet ouvrage. Le second s’inscrit dans le même sens que
le premier ouvrage, en exposant des expériences internationales concernant particulièrement
l’Amérique latine et centrale.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
157
Le PSE a pour principe fondamental de faire bénéficier ceux (utilisateurs et collectivités) qui
peuvent générer des services environnementaux d’une compensation monétaire qui
proviendrait de ceux qui en tirent profit. Ceci favorise l’internalisation de ces privilèges et
permet de voir dans le PSE le principe du « pollueur-payeur » par la mise en place des
mesures d’incitations à la conservation. Ce mécanisme se présente plus efficace pour la
conservation parce qu’il est « plus flexible et plus économique que la création des zones
protégées traditionnelles. Ces systèmes peuvent être mis en place lorsque la création de zones
protégées est impossible pour des raisons socioéconomiques ou politiques » (Mayrand et
Paquin, op. cit. : 7). Or, ce concept est encore balbutiant.
Les mécanismes de REDD (Réduction des Emissions dues au Déboisement et à la
Dégradation) constituent un des mécanismes de paiement pour services environnementaux les
plus prometteurs pour les forêts tropicales. En effet, ces forêts sont considérées comme l’un
des plus importants émetteurs de CO2, à travers la déforestation tropicale notamment. Le
GIEC a en effet estimé les émissions brutes de CO2 à 8,7 GtCO2e/ an en 2004. Dans cette
estimation, on retrouve 5,8 GtCO2e/an dus à la déforestation stricto sensu, puis 1,9 GtCO2e/an
qui reviennent aux zones humides asséchées. En tout, soit 17 % des émissions mondiales de
CO2 en 2004 (Bellassen et al., 2008). Suite à ce constant et en référence au Protocole de
Kyoto, les regards internationaux furent portés vers le principe de REDD des forêts dans les
pays su Sud. En Décembre 2007 à Bali, la conférence des parties des Nations Unies établit
une feuille de route dans laquelle la REDD fut retenue comme l’un des principes à inclure
dans le traité qui remplacera le Protocole de Kyoto dont la fin est indiquée pour 2012.
Or, la mise en place de ce mécanisme se heurte à la difficulté de financement. L’une des
problématiques liées à ce mécanisme est en effet la provenance d’argent qui permettra de
financer la REDD. Il est vrai que l’idée principale est que cet argent provienne directement ou
indirectement du marché de carbone à travers la vente des tonnes de CO2 dont les émissions
auraient été évitées. Cependant, il n’en est pas toujours ainsi. De plus, savoir qui sont ceux qui
vont profiter de l’argent issu des compensations, alors que les populations riveraines qui sont
susceptibles d’être les bénéficiaires potentiels ne disposent même pas de titre foncier ou de
représentants pour défendre leurs intérêts, est un autre problème. Comment sera calculée la
déforestation évitée ? Comment récompenser des pays plus avancés dans la déforestation et
qui assez récemment essaient de la diminuer comme le Brésil et ceux qui conservent leur bois
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
158
il y a longtemps comme le Guyana ? Telles sont des interrogations qui limitent l’efficacité de
la REDD (Karsenty et Pirard, 2007).
Bien que la finance carbone ait été crée lors du protocole de Kyoto, ce dernier n’a toutefois
pas favorisé l’élaboration du principe liant cette finance aux programmes ou aux projets qui
ont pour but de diminuer les émissions que favorise la déforestation. « A l’heure actuelle, le
seul débouché pour les « actifs climatiques » des initiatives REDD demeure le marché de la
compensation carbone volontaire : les émissions réduites par ces initiatives sont financées
par des entreprises ou des particuliers qui souhaitent volontairement compenser leurs
émissions de GES » (Bellassen, op. cit. : 17). Malgré les difficultés auxquelles peuvent être
confrontés la REDD, elle marque un renouvellement des méthodes qui luttent contre la
déforestation.
Ce mécanisme, et son évolution en REDD+, marque une rupture dans la manière de protéger
les forêts tropicales. Auparavant, Pour lutter contre la dégradation de l’environnement, la
destruction de la biodiversité, les pollutions, etc., les gouvernements se fondaient sur une
méthode contraignante qui est l’adoption des lois et règlements. Cette méthode était établie
pour que tous les acteurs des sociétés respectent la nature. Cependant, cette dernière ne
mettait toujours pas en évidence les instruments de marchés qui tiendraient compte des
valeurs économiques liées aux services environnementaux. Or, ces derniers temps, les
régimes environnementaux évoluant, « ils préconisent maintenant des instruments
économiques fondés sur le jeu du marché qui visent à internaliser les externalités
environnementales par l’intermédiaire des indications fournies par les prix et des systèmes
d’encouragement qui comprennent entre autres les subventions, les politiques fiscales, la
création de marchés pour les émissions polluantes et de nombreux autres outils »
(Commission de coopération environnementale, 2003). C’est dans cette optique qu’apparaît le
concept de PSE qui contrairement à ce dispositif contraignant de règlementations
environnementales, semble être plus efficace.
4.2.3. Polémiques actuelles sur la rémunération des SE et les problèmes qu’ils
posent
Selon les cas, les systèmes de paiement pour services environnementaux varient. Cependant,
par rapport à la forme dont ils sont actuellement élaborés, ces systèmes révèlent des limites et
posent de véritables problèmes. En effet, d’après l’étude faite par Mayrand et Paquin (op. cit. :
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
159
iv) sur l’évaluation des systèmes actuels, bien que cette étude ait été faite à l’endroit de
l’hémisphère occidental, les problèmes que posent ces systèmes ainsi que leurs limites sont
peut-être à quelques exceptions près relativement générales à l’ensemble du globe. Ils
déclarent que :
1. « ils sont souvent fondés sur des généralisations scientifiques qui n’ont pas été
confirmées par des études empiriques,
2. « ils sont parfois mis en œuvre dans un contexte qui n’en fait pas les méthodes les
plus rentables permettant d’atteindre les objectifs établis,
3. « il arrive que les fournisseurs et les utilisateurs des services, et les services eux-
mêmes, soient mal définis,
4. « ils sont exécutés en l’absence de mécanisme de surveillance ou de contrôle
approprié,
5. « le coût des services environnementaux est établi de façon arbitraire et ne
correspond pas aux résultats des études relatives à la demande et à l’évaluation
économique des ressources,
6. « leur conception ne s’appuie pas sur de précédentes études socioéconomiques ou
biophysiques,
7. « ils risquent d’offrir des incitatifs pernicieux aux utilisateurs des terres ou de
transférer aux terres environnantes les problèmes environnementaux ou les
pratiques d’utilisation non durables,
8. « ils dépendent largement de ressources financières externes,
9. « les activités et les programmes sont mal répartis entre les membres de la
population locale ».
Pour les adeptes de l’économie de l’environnement, dans leur démarche néo-classique, le fait
que la marchandisation des services environnementaux ne soit pas prise en compte favorise la
mauvaise gestion de ces services. Ce qui montre qu’il existe une sous-évaluation des SE par
rapport aux autres facteurs de la production, faute d’évaluation monétaire. Cependant, la
difficulté que suscite le manque d’évaluation monétaire des SE réside dans l’absence d’une
synthèse globalisant l’ensemble des données dans le but de parvenir à une valeur économique
totale approximative de tous les SE fournis par la biosphère (Meral, op.cit.). Ce problème
attire l’attention de Costanza et al. qui rédigent un article pour pallier à ce déficit, en
proposant une synthèse des données existants pouvant permettre l’évaluation monétaire des
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
160
SE selon leurs valeurs. Ainsi, « la méthode retenue consiste à calculer la valeur par hectare
et par biome puis multiplier ces valeurs par la surface que représente sur terre chaque biome
et enfin sommer ces valeurs obtenues » (Ibid. : 12). Cet article a cependant suscité des
controverses importants dans le monde académique, beaucoup plus pour les adeptes de
l’économie écologique.
Ces controverses vont faire naître des réactions contraires. À cet effet, Norgaard et al. (1998),
importants partisans de la soutenabilité forte, à travers leur article intitulé « Next, the value of
God… » « montrent que les choses de la terre ne devraient pas être exprimés en termes
monétaires. Ils se demandent par la suite si eux en tant qu’économistes économiques peuvent-
ils donner la valeur que Dieu accorde à ces choses, ou, étant donné que la valeur des choses
est connue peut-on savoir avec qui échanger, ou quoi faire avec l’argent provenant de cet
échange ? ». Ceci constitue l’une des réactions les plus vives contre cet article. À l’opposé, il
y a quelques auteurs qui ont réagi en faveur de cet article dont, Herrendeen (1998).
Dans le bassin du Congo, ces limites précédemment citées sont pratiquement les mêmes. Cela
montre que les systèmes de rémunération des SE doivent être encore mieux explorés pour que
les objectifs visés soient atteints. Les forêts du Bassin du Congo constituent aussi bien pour
les populations locales que pour l’Etat, les entreprises forestières, et même pour le monde
entier un véritable « capital naturel » à multi-usages. C’est dans cette logique qu’apparaissent
les services environnementaux qui sont des bénéfices indirects indispensables à la survie et au
bien-être des hommes. C’est pour quoi, leur disparition causerait de graves conséquences.
Compte tenu du fait que malgré les diverses conventions internationales signés par les Etats
des pays du Bassin du Congo sur le changement climatique notamment, ces services
environnementaux sont très peu intégrés dans les politiques forestières.
À cet effet, en 2008, la Banque Africaine de Développement (BAD) a mis en place un
« Fonds pour les Forêts du Bassin du Congo », dont le financement s’élevait à plus de 110
millions de dollars, dont la moitié est dédiée à la réalisation des PSE, dans le but de préserver
le climat. Dans le même sens, la Banque mondiale et les Nations unies, respectivement avec
« Forest Carbon Partnership Facility » et PNUD, PNUE, FAO, luttent aussi contre le
changement climatique au travers « des programmes de déboisement ou de déforestation
évitée » (Lescuyer et al., 2009 : 133). De plus, le « Programme stratégique d’appui à la
gestion durable des forêts au bassin du Congo » du Fonds pour l’environnement mondial vient
lui aussi promouvoir les PSE. L’ensemble de ces investissements financiers sont
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
161
particulièrement consacrés aux SE suivant : la séquestration de carbone, la conservation de la
biodiversité et le maintien de bassins versants.
4.2.4. Exemples de quelques services issus de la nature déjà monnayés ou en
cours
Dans certaines régions du monde, le paiement pour services environnementaux existe déjà
sous la forme de grands marchés. Aux Etats-Unis par exemple, en 1972, le Clean Water Act
exige que tout développeur de projets d’infrastructures doive compenser les dégâts causés à
l’environnement, surtout dans les zones humides (« wetlands »). Ce qui les amènerait à
compenser en créant ou en conservant une zone équivalente jugée de grande importance
écologique. Pour cela, des grilles pour favoriser la compensation selon la valeur du type
d’environnement ont été mises en place. Dans le même sens, dernièrement en Australie, le
New South Wales Department of Environment and Conservation a exigé des concepteurs de
projets d’infrastructures qu’ils compensent les impacts négatifs de leurs projets sur l’écologie,
en achetant des crédits. L’applicabilité de ce mécanisme a non seulement favorisé la
conservation des milieux naturels considérés comme ayant une grande valeur écologique
(«biobank sites »), mais a aussi permis d’établir un marché dans lequel les ONG
environnementales et autres acteurs pourraient venir vendre ou acheter des crédits.
La mise en place des mécanismes de PSE dans la sous-région d’Afrique centrale encouragée
par le Protocole de Kyoto, a incité plusieurs acteurs privés à initier divers projets de
conservation comprenant le boisement ou le reboisement. Ainsi, parmi les services de la
nature qu’on peut monnayer, la séquestration de carbone se présente comme le SE le plus
sollicité, à cause des enjeux qu’il suscite et des financements qui lui sont dédiées. Trois
formes essentielles de mécanisme de paiement sont en effet liées soit au maintien de la
séquestration de carbone, soit à sa reconstitution. On distingue ainsi, le mécanisme pour un
développement Propre (MDP), la Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la
Dégradation (REDD) et les initiatives reliées aux marchés volontaires. Cependant, dans la
sous-région (Afrique centrale) aucune de ces formes de mécanisme n’est encore actuellement
opérationnelle.
Mais, actuellement certains projets de MDP sont « confrontés à des difficultés
méthodologiques importantes et basculent à terme vers le marché volontaire où les critères
sont moins sévères. Mais, contrairement aux projets MDP ou REDD, de telles démarches
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
162
volontaires ne pas reconnues par la CCNUCC et ne peuvent pas être utilisées pour atteindre
un quota d’émission de gaz à effet de serre. Ils bénéficient donc d’un prix inférieur par tonne
de carbone séquestrée (Halmilton et al., 2008) » (Idem). Quant à la biodiversité qui est le
deuxième SE, la rémunération qui peut en découler est fonction du degré de biodiversité.
S’agissant de la certification forestière, elle est « une incitation indirecte plutôt qu’une forme
de paiement direct pour la conservation de la biodiversité » (Ibid. : 138). En somme, les PSE
liés à la conservation de la biodiversité peuvent occasionner des arrangements de la part des
gestionnaires d’aires protégées et des populations locales. Ce qui entraînerait la rétribution de
ces populations grâce à leur contribution massive à la protection de certains animaux. Ainsi,
au Cameroun par exemple, les populations riveraines sont compensées pour la cessation de la
pêche des tortues marines. Il en est de même pour la RDC ou la RCA avec l’indemnisation
pour la dénonciation des braconniers autour des parcs nationaux. Mais ce genre d’accord est
actuellement rare dans les pays du Bassin du Congo. En effet, une étude de Tchiofo (2008)60
reposant sur une enquête faite dans trente aires de ces pays, montre que « seules cinq
expériences de compensation directe pour la restriction des droits d’usage sont effectives à
l’heure actuelle, tandis que la quasi-totalité de ces aires protégées proposent des incitations
indirectes et/ou semi-directes pour la conservation de la biodiversité » (Idem). Le dernier SE
qui peut induire un paiement est lui aussi confronté à des obstacles.
Conclusion du chapitre III
Ce chapitre montrait les activités de production et de conservation au Gabon. L’économie
gabonaise reste encore tributaire des produits du sol et du sous-sol. C’est une économie qui
dépend fortement du pétrole. « En 2011, le poids du secteur pétrolier dans le PIB est de 49 %
et représente 83 % des recettes d’exportation et 54 % des recettes budgétaires »61
. Très
remarqué avec près de 50 % dans le PIB, « le pétrole pèse lourd dans l'économie nationale »
(Pourtier, 2004 : 40). La diversité économique tant prônée se heurte à plusieurs difficultés
analysées dans le chapitre. Pour l’instant la solution idoine est portée vers la conservation
pour pérenniser la production des ressources naturelles. Or, les politiques environnementales
60
Cité par Lescuyer et al., op.cit :138 61
http://www.tresor.economie.gouv.fr/6586_le-secteur-petrolier-au-gabon-2012
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
163
portées par plusieurs acteurs (administrations, ONG, privés), sont elles aussi confrontées à des
difficultés législatives, techniques et financières. Par ailleurs, les populations locales
participent très peu ou presque pas à la conservation au Gabon. De ce fait, la présence des
aires protégées ne suffit pas à elle seule à lutter contre le pillage des ressources naturelles. La
gestion participative est de plus en plus sollicitée, même si elle a du mal à se concrétiser.
Actuellement, c’est le paiement pour services écosystémiques qui apparaît comme une des
solutions pouvant impliquer les populations du Bassin du Congo en général et celles du
Gabon en particulier dans la gestion environnementale. Bien que le PSE soit une notion qui
demande à être bien élaboré, les populations locales tout comme le gouvernement pourront en
bénéficier dans les prochains jours.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
164
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
165
Conclusion de la première partie
Dans les pays tropicaux tels que le Gabon, les intérêts des acteurs face aux ressources
forestières sont multiples et souvent contradictoires. Mais ces intérêts doivent pour tant être
conciliés pour atteindre non seulement le développement local, mais aussi répondre aux
besoins exprimés. Ainsi cela demande une conciliation entre production et conservation des
ressources naturelles. Ces deux concepts traités dans cette partie, que ce soit dans les pays
développés ou dans les pays tropicaux comme le Gabon présentent des limites. Ce sont ces
limites que tente de résoudre le développement durable pour permettre l’utilisation des
ressources ainsi que leur protection en tenant compte des contraintes, enjeux et défis qu’elles
présentent.
Au Gabon, sur le plan économique, les projets réalisés pour entraîner le développement du
secteur agricole qui devrait permettre aux ruraux d’améliorer leurs conditions de vie, n’a pas
produit les résultats attendus, parce qu’ils ont plus privilégié les cultures agro-industrielles
plutôt que les cultures vivrières. De plus, les ruraux n’ont pas toujours participé à
l’élaboration de ces politiques, ce qui peut être à l’origine de leur échec, dans la mesure où les
choix pouvaient ne pas être compatibles avec les réalités rurales. Or, la participation des
populations aux décisions économiques les concernant est primordiale. Mais faudrait-il leur
donner les moyens de participer à leur développement.
Sur le plan environnemental, les politiques environnementales que développe le Gabon dont
l’économie s’est toujours appuyé sur l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol
participent au maintien des écosystèmes. Cependant, ces politiques sont exécutées dans un
environnement (monde rural) durement confronté à de multiples difficultés, telles que la
pauvreté, les problèmes de transport liés au mauvais réseau routier, le faible
approvisionnement des équipements basiques, l’agriculture peu développée, etc. C’est un
ensemble de difficultés rencontré par les populations villageoises qui souvent tend à affaiblir
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
166
les politiques environnementales dans la mesure où elles sont parfois contestées par ces
populations. De ce faite, « la réussite d’une politique s’articule autant autour de sa
contribution au développement de capacités d’adaptation et de résilience - afin de pouvoir
faire face aux incertitudes à venir - qu’autour de la réduction immédiate des impacts
négatives des activités humaines sur l’environnement » : (Le Prestre, op. cit. : 11-12). De
plus, si les populations rurales tirent profit de ces politiques, elles sauront mieux les apprécier.
C’est grâce aux avantages résultant des politiques environnementales que la contribution des
ruraux pour la réussite de ces politiques peut être possible. Il faut aussi, que les ruraux
parviennent à participer à la production en développant leur agriculture, afin de mieux utiliser
leurs milieux.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
167
Deuxième partie : La survie des villages
gabonais
Si l’agriculture gabonaise a pu bénéficier de programmes de subventions spéciaux, ceux-ci ne
se sont pas traduits par des résultats tangibles :
« L’État gabonais a régulièrement affecté, pendant de nombreuses années, une
enveloppe budgétaire aux activités agricoles et au développement du monde rural. Les
efforts les plus importants ont été consentis à partir du début des années 1980 jusqu’en
2000, année où la nécessité de privatiser les entreprises publiques et parapubliques
s’est imposée de façon impérieuse à l’économie du pays. Mais c’est au milieu des
années 1980 que les investissements les plus remarquables ont été faits, (cf. tableau ci-
dessous). Ils ont globalement atteint et dépassé le montant de 20 milliards FCFA, l’an,
pour culminer en 1985 à près de 24 milliards. A partir de cette période l’effort s’est
relâché pour se situer entre 10 et 12 milliards l’an, entre 1987 et 1994. Cette période
correspond au début de l’application du plan d’ajustement structurel, 1986-1990,
imposé par le FMI) » (Galley, op. cit. : 219).
Tableau 7 : Evolution des investissements entre 1984 et 1993 (milliards FCFA)
Années 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
Agriculture 21 23,7 22,9 15,8 12,1 12,2 14,8 11,3 12,2 12,2
Source : DGSEE, 2002
En dépit des fortes dépenses de l’État qui ont sans cesse diminué probablement à cause des
résultats négatifs obtenus, la production agricole est restée insignifiante pour répondre aux
besoins alimentaires des Gabonais. Galley (2010) explique la fragilité de la production
vivrière à travers trois facteurs : le fait que l’économie gabonaise soit essentiellement
extractive, les choix gouvernementaux portés vers l’agro-industrie et l’urbanisation. Comment
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
168
donc le monde rural gabonais a-t-il évolué pour qu’il survive de nos jours ? C’est à cette
question que nous répondons dans cette partie constituée de deux chapitres. Dans le premier
chapitre, nous décrivons la zone d’étude, les difficultés que connaissent les villages étudiés
ainsi que leurs atouts et comment s’organise la vie au village. Dans le deuxième chapitre,
nous cherchons à comprendre les fonctions que remplissent les villages gabonais.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
169
Chapitre IV : Description de la zone d'étude
Nous avons étudié plus particulièrement la province de l’Ogooué-Ivindo. L’estimation de la
population faite en 2010 est de 64 163 habitants, soit 1,4 habt/km². Or en 2003, la population
était estimée à 61 883 habitants par le RGPH, soit une augmentation de 3,6 % par rapport à
14, 27 % d’augmentation de la population totale du Gabon sur la même période. Ainsi,
l’Ogooué-Ivindo se présente comme une province sous-peuplée et qui le reste puisque le taux
d’accroissement ailleurs est quatre fois plus élevé que celui de la province.
La province est peuplée de plusieurs ethnies dont les Kota, Fang, Simba, Okandé, et les
Pygmées. Son sous-sol possède plusieurs minerais tels que le fer, l’or. L’Ogooué-Ivindo est
également connue grâce au tourisme effectué à la Lopé qui est l’une des vieilles réserves du
pays. Plusieurs autres sites extraordinaires (les chutes de Mingouli, Djidji, le mythique baï
Mwagna) attirent aussi les touristes dans la province. C’est en fait une province favorable au
tourisme naturel. Ci-dessous est localisée la zone d’étude.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
170
Carte 6 : L’Ogooué-Ivindo dans le Gabon
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
171
L’Ogooué-Ivindo est la sixième province du Gabon. Ses villages Ayem, Kazamabika,
Makoghé, Mikongo, Ebe, Messe, Melane, La Scierie, Nzé-Vatican et la ville la Lopé qui
ont particulièrement été retenus se situent à la périphérie des parcs de la Lopé, l’Ivindo et de
Mwagné. Au cours de ce chapitre, nous décrirons notre zone d’étude. Les différents parcs
nationaux sont évoqués tout en montrant leurs particularités. Par la suite, les différents
villages qui leurs sont périphériques sont analysés en tenant compte aussi bien des aspects
humain, économique que social.
Nous avons recueilli nos données en 2011 par le biais d’un questionnaire agro-socio-
économique de dix points repartis en plusieurs sous-questions (cf. annexe 6). Ce questionnaire
était essentiellement adressé aux « chefs de familles » ; dans la plupart des cas, ce sont les
hommes qui se sont présentés comme tels. Ils étaient chargés de donner des renseignements
sur le reste des membres de la famille. Toutefois, il est arrivé plusieurs cas où ce sont les
femmes qui ont répondu aux questions soit à la place de leurs maris absents, soit parce
qu’elles n’étaient pas mariées. De plus, un guide d’entretiens avec d’autres acteurs a permis
d’obtenir des informations aussi bien sur les différents lieux d’étude que sur les éléments
favorisant l’analyse approfondie du thème étudié. Ces données nous ont été utiles aussi pour
les chapitres suivants. Dans ce chapitre, nous n’allons parler pas uniquement de la
présentation de nos terrains, mais aussi de la méthode générale. Les acteurs avec qui nous
avons eu les entretiens sont :
a. Niveau local
Dans les villages étudiés :
- Les chefs de villages,
- Les chefs de regroupements de villages,
- Les chefs de cantons,
- Les responsables d’associations (présidents et trésoriers),
- Les directeurs d’écoles,
- Les villageois.
Dans les parcs nationaux :
- Les conservateurs des parcs étudiés,
- L’adjoint du conservateur de la Lopé,
- Quelques guides, éco-guides et éco-gardes,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
172
- Un agent du WCS-Lopé (partenaire du parc dans la gestion environnementale),
- Quelques responsables d’associations touristiques et de pêche.
Difficultés
Au niveau local, il était difficile de soumettre les questionnaires aux populations
surtout dans les villages périphériques au Parc national de la Lopé, parce qu’elles
ne souhaitent plus répondre aux questions des chercheurs. Elles déclarent avoir été
régulièrement sollicitées par plusieurs personnes pour l’avancement des travaux
de recherche sans pourtant profiter des études qui se font. Se sentant exploitées,
elles ne désirent plus donner des informations. C’est ce qui explique que nous
n’ayons pas pu rencontrer beaucoup de familles dans les villages autour de la
Lopé et à la Lopé. Une autre difficulté majeure est l’absence de transport pour se
rendre aux différents lieux, à cause de leur enclavement.
b. Au niveau régional
À DACEFI :
- Les assistants techniques de Makokou,
- Les Agronomes,
- Le logisticien.
Difficultés
Au niveau régional, nous nous sommes beaucoup appuyés sur le projet DACEFI
dans les villages choisis dans cette zone. Les documents que nous avons eus nous
ont été d’un grand apport, toutefois, la problématique sur les forêts
communautaires à laquelle nous nous sommes intéressés a nécessité un séjour
dans les villages de la première phase du projet. Le problème de transport,
l’incompréhension avec les villageois qui pour la plupart ne souhaiteraient plus
entendre parler du projet ont été les principales difficultés auxquelles nous avons
été confrontées.
c. Au niveau national
Au WCS :
- Le Représentant, directeur général du WCS,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
173
- Le Coordinateur du paysage Ivindo-Chaillu,
- Un représentant du point focal Mist forests.
Autres ONG :
- Le Président de Brainforest,
- Le Président des amis du pangolin,
- Le Président de Gabon-environnement,
- Le Président des amis de la nature.
Dans les Ministères, les administrations et services publics et privés
- Le Directeur général de l’environnement,
- Le Directeur de l’Environnement et de la Nature,
- L’Ingénieur des Eaux et Forêts chargé d’Etudes,
- Le Directeur des forêts communautaires,
- La Responsable du volet conflits Homme-faune,
- Un Agent des Eaux et Forêts sur le PSFE,
- Le Sous-préfet de La Lopé,
- Une secrétaire de la Sous-préfecture,
- Le Directeur administratif et financier du RAPAC,
- Le Responsable du CARPE-Gabon,
- Quelques employés du STTAF (Société des Travaux Topographiques,
Architecturaux et Fonciers),
- Un Employé du CIRMF,
- L’Inspecteur des Eaux et forêts de Makokou,
- Un Représentant de CADDE,
- Quelques enseignants de l’Université Omar Bongo.
Difficultés
Au niveau national, il n’était pas facile de rencontrer toutes les personnes
souhaitées à cause de leur manque de disponibilité. Cependant, certaines d’entre
elles avec qui nous avons eu des entretiens nous ont permis d’obtenir des
informations générales sur la thématique étudiée. L’une des difficultés sans cesse
rencontrée au niveau national est la quasi absence des statistiques économiques et
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
174
démographiques sur les zones étudiées. En conséquence, il fallait avoir recours
aux enquêtes de terrain afin de mieux aborder la problématique de notre étude.
À travers des questionnaires agro-socio-économiques, des mesures des champs et des pesées,
nous avons pu avoir des informations sur les populations de la zone étudiée, leurs conditions
de vie, ainsi que sur leurs activités. Au total 144 questionnaires ont été appliqués et plus d’une
trentaine d’entretiens ont été menés. Dans les lignes qui suivent l’observation faite sur les
différents lieux, ainsi que les informations recueillis permettront d’avoir une vue globale de
ces milieux. Parce que chaque lieu diffère d’un autre qu’une description particulière de
chacun d’entre eux a été faite. Nombre d’entre ces villages n’ont presque jamais été étudiés
ainsi leur description n’a pas été facile.
1. Choix de la zone d’étude
Le choix a été porté sur la province de l’Ogooué-Ivindo pour deux raisons. Parce que la
gestion environnementale y est davantage considérée et que plusieurs actions y ont été
entreprises. Des treize parcs nationaux du Gabon, quatre sont dans cette province. Mais trois
seulement d’entre eux ont retenu notre attention, à cause de leurs proximités avec les villages
étudiés. En effet, la réserve ancienne (la Lopé) a été transformée en parc national et trois
nouveaux parcs nationaux (Mwagné, l’Ivindo et Minkébé) ont vu le jour. Étant en outre
intéressé par le monde rural gabonais dont les territoires sont de plus en plus sollicités par
différents acteurs, nous avons jugé utile d’observer principalement les activités de production
et les activités de conservation dans la province de l’Ogooué-Ivindo. Il fallait donc voir
comment s’organisent ces activités et leurs impacts sur les populations locales. De plus, un
autre objectif est de voir comment ces populations conçoivent la conservation, va-t-elle de
paire avec leur agriculture, est-ce une voie de sortie vers le développement rural?
La seconde raison du choix est que la province de l’Ogooué- Ivindo est le premier lieu où le
projet sur les forêts communautaires a été réalisé. Nous avons alors voulu comprendre ce que
les forêts communautaires une fois attribuées apportent aux populations rurales, et voir
également l’enjeu des ces forêts dans la politique territoriale du pays. Dans les rubriques qui
suivent nous montrons aussi bien la particularité de chaque parc national que de chaque
village retenu. Nous présentons de façon succincte et individuelle les villages et la ville se
trouvant aux proximités des trois parcs étudiés avant de les considérer dans leur globalité.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
175
1.1. Le parc national de Mwagné
Avec une superficie de 1160 km², le parc national de Mwagné est situé dans la province de
l’Ogooué-Ivindo, particulièrement à l’est de Makokou. Il est frontalier avec le Congo. Ce parc
fait partie des parcs nationaux créés en 2002. Le parc dispose d’un grand espace forestier
presque inhabité qui représente l’une des importantes zones forestières pluviales. Seuls les
Pygmées et les chasseurs pratiquent le parc : l’espace forestier étant presque vide, de
nombreux animaux trouvent un abri favorable. On y trouve les animaux comme les éléphants,
les singes, les oiseaux, l’antilope Bongo ou des animaux rares comme le canard de Hartlaub,
le cercopithèque de Brazza.
Carte 7 : Le parc national de Mwagné
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
176
En dehors des animaux qui se réfugient dans ces grandes étendues forestières presque vides
d’hommes, il se rencontre aussi des espèces végétales importantes. C’est en effet une
végétation dense et humide, dont la plus grande partie est composée de forêts guinéo-
congolaises qui sont intactes et pas encore exploitées, avec un fort potentiel éco-touristique.
Le parc est très enclavé, une desserte en pirogue est toutefois possible grâce aux rivières
Liboumba et Lodié. Cependant, ce parc est très isolé et le tourisme a du mal à se développer.
Ainsi, dans le but d’améliorer le tourisme dans le parc, un projet de développement qui
mettrait en place de petites infrastructures est envisagé. Une autre particularité de ce parc est
la qualité de son sol riche en minéraux.
Le parc national de Mwagné se situe à plusieurs dizaines de kilomètres des villages choisis
tels que Nzé Vatican et La Scierie. Le conservateur de ce parc va aussi vers les populations de
ces villages pour les interpeller et les informer sur la gestion environnementale. Contrairement
aux populations vivant aux environs du parc de la Lopé, les villageois de Nzé Vatican et de
La Scierie voient rarement les agents du parc chez eux, mais ils sont conscients de la nécessité
de la conservation et des contraintes qu’elle entraîne, même s’ils ne sont pas toujours d’accord
avec.
Comme les autres parcs nationaux, le parc de Mwagné a un conservateur qui est le principal
acteur de la conservation et les autres agents et éco-guides qui travaillent avec lui. Ils sont
tous soumis aux directives de l’ANPN. Le bureau du conservateur de Mwagné se trouve à
Makokou. Du fait qu’il y ait plusieurs acteurs de la conservation à Makokou, c’est-à-dire le
WWF62
, les Eaux et Forêts, ou d’autres particuliers œuvrant dans la gestion
environnementale, les agents du parc de Mwagné travaillent en collaboration avec eux.
1.2. Les villages voisins au parc de Mwagné
Deux villages ont retenu notre attention. Ce sont en fait des villages sélectionnés pour
accueillir la première phase du projet DACEFI (Développement d’Alternatives
Communautaires à l’Exploitation illégale). Il s’agit des villages Nzé Vatican et La Scierie.
62
Le WWF est le partenaire indéniable du parc et aide les agents de la conservation à bien mener leurs activités à
travers son expérience en la matière et à l’aide des formations des ces agents qu’elle met en place.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
177
1.2.1. Le village Nzé Vatican
Nzé Vatican est situé près d’une voie de communication comme plusieurs villages gabonais.
Planche 1 : A Nzé Vatican
Les deux extrémités du village sont entamées et clôturées par des habitations faites en terre
battue ou en planche. C’est un long village construit en bordure d’une voie de communication
très restreinte et mal entretenue, conduisant à Mékambo (l’une des villes importantes de la
province). La fréquence irrégulière des transports menant à Nzé Vatican comme dans les
villages voisins limite énormément les déplacements des villageois surtout en saisons des
pluies où la route est presque impraticable. Nzé Vatican se situe à 78 km de Makokou. Ce
village situé dans le département de l’Ivindo et dans le canton de Liboumba est peuplé des
Kota, Mahongwé et Saké. Cependant Perrois (1970) montre que Kota, Mahongwé et Saké
appartiennent au groupe ethnique gabonais appelé ba-kotas de l’Ogooué-Ivindo. Étant donné
qu’il est difficile de comparer les statistiques officielles des recensements des lieux étudiés
Le village s’étend sur une longueur de 1,5 km. Une maison en terre battue
Parfois les villageois les plus démunis utilisent la tôle pour revêtir les murs de leurs maisons.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
178
avec nos propres données, parce que nous ignorons les considérations qui ont été retenues
pour les entreprendre, que nous nous appesantissons sur nos données. Lors de notre passage
en Mai 2011, à travers le questionnaire agro-socio-économique que nous avons effectué
auprès de 38 chefs de famille, nous avons recensé 230 personnes vivant chez ces chefs de
familles au cours de la période précisée. Dans ce village, plus de 90 % des chefs de familles
ont été interrogés. Nous n’avons retenu que les personnes présentes.
1.2.2. La Scierie
La Scierie est un petit village du département de l’Ivindo appartenant aussi au canton
Liboumba. Le village a à sa tête un chef de village qui s’occupe des affaires administratives,
politiques et sociales. Cependant lorsque nous étions dans le village en Mai 2011, le chef de
village était décédé suite à un accident de voiture. Ainsi, l’absence d’un chef a mis le village
dans une grande insécurité. Tout comme Nzé Vatican, le village La Scierie est habité par les
Kota, les Saké et les Kwélé. Il se situe à 42 Km de Makokou. Le village est construit de
maisons en terre battue et en planche. Il est construit le long d’une route faite en terre, mal
entretenue. Il s’agit de la même route qui mène à Nzé Vatican.
En Mai 2011 nous avons obtenu des données sur 103 personnes y compris les enfants,
résidant chez 14 chefs de familles auprès desquels nous avons rempli un questionnaire. En ce
qui concerne les diverses activités du village, outre les périodes électorales, les ruraux
partagent leurs moments notamment à travers l’association des parents d’élèves et celle de
DACEFI, appelée Ndonga bana La Scierie (ce qui signifie les biens faits des fils de La
Scierie).
1.3. Le parc national de l’Ivindo
Le parc national de l’Ivindo a une superficie de 3 000 Km². Il fut crée en 2002 et se situe dans
les provinces de l’Ogooué-Ivindo et de l’Ogooué-Lolo.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
179
Plusieurs concessions sont limitrophes au parc, d’où une grande menace pour la gestion
environnementale. En effet, le parc est borné au nord-est par la concession SFM, au nord-
ouest par les concessions Rougier, au sud-est par les concessions Cora’wood, et au sud-ouest
par le chantier LUTEXFO. Le parc est également borné au nord par la route Ovan-Makokou.
Ce parc a aussi un fort potentiel touristique. C’est un parc localisé sur de très vastes étendues
forestières dans lesquelles se trouvent des rapides et chutes remarquables (Kongou, Mingouli,
Djidji). De même, ce parc est le lieu idéal où peuvent être observés plusieurs espèces
d’éléphants, ainsi qu’une forte diversité d’espèces de singes (gorille, chimpanzé,
cercopithèque, etc.), d’oiseaux et autres animaux. Ces animaux peuvent s’observer depuis la
clairière naturelle (baï) de Langoué, situé au sud du parc. Ce sont les images rapportées de ce
Carte 8 : Le parc national de l’Ivindo
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
180
site extraordinaire qui ont convaincu le feu Président du Gabon de créer les treize parcs
nationaux.
Dans le parc il y a la réserve naturelle d’Ipassa qui est protégée depuis 1971 et est inscrite
depuis 1983 dans le réseau mondial des Réserves de Biosphère (MAB). Cette réserve abrite
une station de recherche gérée par l’Institut de Recherche en Ecologie Tropicale (IRET) qui
est active depuis les années 1960. Localisée au nord du parc, la station de recherche d’Ipassa
est située à cinq kilomètres du village Loa Loa. Dans ce village par exemple, en 2003 le
conservateur du parc sortant et son équipe ont fait des séances de sensibilisation pour montrer
le bien-fondé du parc. Ces sensibilisations continuent aujourd’hui. Les habitants de ce village
comprennent bien ce qui se fait dans le parc au sujet de la conservation, mais ils disent qu’ils
ont toujours vécu des activités de chasse et de cueillette. Face à cette situation les agents de la
conservation du parc leur ont accordé une zone dans le parc pour faire uniquement de la
pêche. Ce qui fait qu’on observe plus de douze campements de pêche. Dans ces campements
habitent des familles qui font de la pêche. Elles sont sous la surveillance des éco-gardes. Le
séjour de ces familles doit durer au plus deux semaines. Elles peuvent renouveler le séjour si
elles le veulent.
Les agents du parc travaillent aussi avec quelques villageois de Loa Loa. Ils sont quatre
guides, deux pinassiers, des pisteurs pour le tourisme. Il y a en effet des zones dans le parc
que les agents de la conservation ne maîtrisent pas et donc ce sont ces villageois qui les aident
parce que c’était autrefois leurs zones de chasse. Ces villageois ne travaillent pas en
permanence dans le parc, mais ils sont contactés quand il y a une activité. En général, ils sont
payés à 5 000 francs CFA la journée. Il n’y a pas de femmes parmi eux. L’autre village avec
qui les agents du parc ont des contacts est Mouyabi. Ce village est situé au sud du parc.
Contrairement aux guides du village de Loa Loa, deux guides du village de Mouyabi font
partie de l’effectif des travailleurs permanents du parc. Les recrutements se font en fonction
de la demande de l’ANPN.
Le village de Mouyabi n’a pas de rivière comme le village de Loa Loa. C’est pourquoi la
seule activité des habitants de Mouyabi est la chasse. Comme ils sont des chasseurs63
, une
zone de chasse n’a pas pu leur être donnée dans le parc, puisque protéger les animaux est
l’une des activités des agents du parc. C’est pour cela qu’on leur demande plutôt de s’ériger
63
Il ne s’agit pas ici de la chasse traditionnelle qui n’est pas interdite pas la Loi parce qu’elle permet aux
villageois de se nourrir, mais plutôt de la chasse commerciale (braconnage) qui prend d’importantes proportions.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
181
en associations pour faire des champs. Étant donné qu’ils ont l’Ogooué de l’autre côté du
village, on leur conseille de faire également de la pêche. Le Parc est chargé d’aider ces
villageois à concrétiser ces activités. Cependant, le Parc n’a pas toujours les moyens qu’il faut
parce que l’ANPN ne tient pas compte de ces activités dans le budget qu’elle alloue au Parc.
Le bureau du conservateur est à Makokou. Il travaille conjointement avec la gendarmerie, la
police, les Eaux et Forêt et surtout avec le WCS qui est le partenaire du parc. Le WCS apporte
son appui technique et financier au parc. Le parc national de l’Ivindo bien qu’il soit grand
subit les menaces des braconniers et des sociétés forestières qui ont tendance à empiéter sur le
parc. Le fait qu’il soit un lieu favorable pour le tourisme naturel n’empêche pas les agressions
humaines. Par exemple autour du parc de l’Ivindo il y a des campements d’orpaillage. Les
orpailleurs font également beaucoup de chasse. C’est pourquoi au-delà des actions de
sensibilisation qui ont déjà eu lieu, le conservateur et son équipe s’attèlent aujourd’hui à faire
des répressions ou missions de police. Le parc travaille avec tous les villages qui
l’environnent. Il s’agit des villages de Makokou à Ovan et vers Booué, et les villages situés
dans la province de l’Ogooué-Lolo qui sont proches du parc.
1.4. Les villages proches du parc de l’Ivindo
Là encore c’est le projet de DACEFI qui nous a conduits à ne retenir que trois villages. Les
villages d’Ebe, Messe et Melane ont en effet attiré notre attention parce qu’ils figurent dans la
liste des villages dans lequel le projet a démarré.
1.4.1. Ebe-Messe
Ebe et Messe sont deux villages situés dans le canton Beleme et dans le département de la
Mvoung. Ebe-Messe est un regroupement de deux villages dont Ebe et Messe, construits tous
les deux en bordure de route. Les deux villages sont séparés de sept kilomètres. Non
seulement ces villages ont été regroupés par l’administration, mais aussi étant donné que le
village Messe qui semble être abandonné n’est habité que par une famille, alors nous avons
décidé de parler de ces deux villages simultanément. En plus les habitants des deux villages
considèrent qu’il ne s’agit que d’un seul village. Ils sont peuplés de personnes appartenant à
l’ethnie Fang.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
182
Le village Messe n’est habité que par les habitants de la famille du chef de regroupement Ebe-
Messe-Melane, élu depuis le 30 Juin 2003. D’après ce que nous avons observé quand nous
étions de passage en Avril 2011, Messe est actuellement peuplé de treize personnes, y
compris les enfants. Le village est également sous le commandement du chef de village
d’Ebe. De même en Avril 2011, nous avons interrogés onze chefs de familles à Ebe qui nous
ont donné des informations sur 38 personnes vivant globalement dans leurs maisons. À ce
nombre, s’ajoute plus de 30 malades qui séjournent à Ebe en vue de bénéficier des soins du
chef de canton qui est un guérisseur.
1.4.2. Melane
Melane est le troisième village qui fait partie du regroupement Ebe-Messe-Melane. Il
appartient également au département de la Mvoung et au canton Beleme. Melane est un village
composé de cinq maisons appartenant à une seule et même famille (celle du chef de village),
comme le village Messe. Cette famille parle le Fang. En Avril 2011, il y avait treize
personnes présentes, c’est-à-dire qui habitaient dans le village de façon permanente. Or, lors
de notre passage dans le village, nous avons remarqué que sur la liste électorale de 2010 du
village Melane, il y avait quarante un votants inscrits. Mais le constat fait est que ce sont des
électeurs qui n’habitent pas forcement au village. Les élections sont en effet des événements
qui obligent la présence des citadins dans les villages auxquels ils appartiennent.
Durant les périodes électorales, les effectifs des villages s’en trouvent ainsi gonflés grâce à la
venue des personnes qui en sont originaires mais qui habitent ailleurs. Pendant ces mêmes
périodes, les villages qui avaient l’air de ne plus vivre sont revitalisés et animés. L’autre
moment privilégié est celui des grandes vacances, lorsque les jeunes qui sont souvent les plus
nombreux vont passer un séjour chez parents et grands-parents.
1.5. Le parc national de la Lopé
Le parc national de la Lopé se trouve au centre du Gabon, particulièrement au nord du massif
du Chaillu. Il se situe dans quatre provinces du Gabon : Ogooué-Ivindo, Moyen-Ogooué,
Ogooué-Lolo et Ngounié. Cependant la plus grande superficie du parc se trouve dans la
province de l’Ogooué-Ivindo. Ainsi, sa superficie de plus de 500 000 ha fait de lui le parc le
plus important du pays après celui de Minkébé. Le parc national de la Lopé est limité au nord
par le fleuve Ogooué, à l’est par la rivière Offoué et à l’ouest par la Mingoué.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
183
Avant qu’il ne soit déclaré parc national en 2002, il fut une ancienne réserve dans laquelle on
trouve « d’anciennes savanes datant d’il y a au moins 40 000 ans, et d’une des régions
forestières dites refuges pléistocènes » (Voisin, op.cit: 188). Cette ancienne réserve comme
nous l’avons vu dans la première partie, témoigne du passé de l’Afrique Centrale. « En effet,
ses savanes sont le reflet de ce à quoi devait être la majeure partie de l’Afrique Centrale, il y
a dix huit mille et douze mille ans quand les savanes se sont substituées aux forêts tropicales
après le refroidissement de la terre » (Mve Ndo, 2002: 26). Ceci fait de la Lopé un site
historique qui attire de nombreux chercheurs.
De plus, sa forte richesse floristique abrite une faune diversifié. Le paysage de la Lopé montre
un mélange de savane et de forêt. Dans ce parc on observe une forte population de mandrills,
Carte 9: Le parc national de la Lopé
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
184
des gravures rupestres et pierres taillées. Le parc national de la Lopé est aussi connu pour les
nombreuses recherches scientifiques qui sont faites sur son site. De plus, le programme
d’ECOFAC, les sociétés forestières, la présence des gares ferroviaires ainsi que l’activité
touristique ont permis à un moment donné à la Lopé de connaître un développement. Nous
reviendrons sur ces éléments plus tard.
Le développement économique a aussi entraîné la croissance démographique dans la localité
de la Lopé. C’est autour des années 1970 que l’exploitation forestière débuta à la Lopé avec
des méthodes modernes, profitant de la construction du chemin de fer pour acheminer les
grumes vers Libreville. Cependant, de 1954 à 1967, quelques particuliers exploitaient déjà le
nord de la forêt artisanalement (Angoué, 1999). Les recettes issues de l’exploitation forestière
des zones où passeraient les rails ont ainsi contribué à construire le chemin de fer. La
proximité des exploitations des sociétés forestières (Leroy Gabon et la Nouvelle Société
Gabonaise, NSG) au Sud et à l’Est avec les villages a contribué à engendrer des flux
migratoires importants entre les camps des ouvriers, les villages et le centre de la Lopé.
Cela a occasionné la présence d’une population composite qui favorisa « le développement
d’activités connexes, particulièrement l’implantation des parcs à bois chargés d’expédier les
grumes par le rail, des scieries et des commerces tenus par des allogènes autour des gares »
(Angoué, op. cit. : 186). De plus, « le développement de ces activités a des implications tant
au niveau sociologique que politique : sociologique parce que la population de la Lopé s’est
accrue ces dix dernières années (elle est passée de 1 000 à environ 2 000 habitants), politique
car cette nouvelle situation a profité aux décideurs politiques, qui ont érigé le département en
district depuis 1995 » (Idem). Toutefois, le retrait des activités forestières de la réserve de
Lopé en 2000 suite à un conflit entre les ONG environnementales et les sociétés forestières
marque un tournant important dans l’économie de la localité. Des conséquences importantes
que nous verrons plus loin montreront ce qu’on observe actuellement sur le terrain : une
économie en déclin et beaucoup de chômage.
Le classement du parc de la Lopé comme premier parc national appartenant au patrimoine
mondial de l’Unesco lui confère une place importante. Le WCS est le partenaire principal du
parc. Comme le montre la carte du parc de la Lopé, les villages qu’on y observe sont des
enclaves dans lesquelles vit une petite population villageoise. Ainsi, les villages périphériques
au parc à savoir Kazamabika, Makoghé, Mikongo et Ayem, voient leur population régresser
depuis quelques années et particulièrement depuis le départ des sociétés forestières en 2000.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
185
Nous y reviendrons quand nous présenterons chacun de ces villages. Ainsi, la détermination
des agents du parc dans la conservation, la destruction des cultures par les animaux et le
retrait des activités forestières dans la zone ont contribué au départ des populations de ces
villages et de la ville de la Lopé. Par ailleurs, le tourisme traditionnel fait dans le parc par
quelques associations attire les visites des touristes.
1.6. Les villages périphériques au parc de la Lopé
Ces villages que nous avons retenus à la périphérie de la Lopé permettent de saisir les
conditions de vie de populations directement touchées par l’implantation d’un parc. Nous
confronterons ici les recensements régulièrement réalisés par Angoué (1995 et 1996-1997) qui
étaient facilement effectuables du fait de la faible démographie autour de la Lopé, avec les
chiffres que nous avons pu recueillir en 2011.
1.6.1. Ayem
Le village Ayem est situé dans le département de Booué. En Mars 2011 le chef de village qui
est une dame affirmait qu’il y a actuellement dans le village une quarantaine d’adultes sans les
enfants. Nous avons remarqué qu’Ayem et Kongomboumba ne formait qu’un village. D’après
le chef de village, le fait que les deux villages ne font plus qu’un se justifie par le fait que la
population de Kongomboumba a fuit son village à cause des éléphants. Ainsi, le
gouvernement leur a demandé de venir s’installer à Ayem. Les habitants d’Ayem sont Kota,
Fang, Okandé et Mbahouin.
1.6.2. Kazamabika
Le village Kazamabika est situé dans le département de Booué. Il a un chef de village qui est
aussi le chef de regroupement de Gabon village, Dolé et Kazamabika. C’est l’exode rural et
les décès qui ont fait en sorte que les villageois de Gabon village et Dolé quittent leurs
villages pour venir s’installer à Kazamabika, parce qu’ils ont les mêmes coutumes.
1.6.3. Makoghé
Makoghé est un village appartenant au canton Offoué-Aval. Il a à sa tête un chef de village qui
est également le chef de regroupement de Makoghé et Badondé. Ce sont les Simba et Okandé
qui sont les originaires du village. D’après les recensements d’Angoué, Makoghé avait 153
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
186
habitants (entre 1996-1997). Cependant en 2011, nous avons remarqué qu’il n’y avait que très
peu de personnes qui vivaient de façon permanente au village, c’est-à-dire près de cinq
familles. Plusieurs maisons sont vides d’hommes. Cet effectif montre bien l’exode rural que
connaît le village, parce qu’actuellement l’ensemble des personnes vivant dans le village ne se
limite qu’à quelques adultes (moins de dix) et quelques enfants. Mais il est clair que pendant
les grandes vacances, plusieurs personnes surtout les jeunes reviennent pour y passer quelques
temps. Présentement (Août 2012), plus personne n’habite au village. Même le chef de village
séjourne dorénavant à la Lopé. Il ne repart à Makoghé que lorsque les touristes souhaitent
visiter le village et bénéficier de quelques prestations.
Planche 2 : Apperçu du village Makoghé
Makoghé est un petit village dont les habitations sont faites de matériaux multiformes comme les autres
villages. L’utilisation de bois de forêt présenté sous forme d’empilement de planches comme on l’observe
sur cette photo présente un des types de matériaux de construction.
1.6.4. Mikongo
Il existe deux villages ayant le nom Mikongo : Mikongo 1 et Mikongo 2. Angoué (1999)
montre que certains villages périphériques au parc de la Lopé, comme Makoghé, Badondé et
Mikongo avaient les mêmes habitants qui ont décidé de vivre par la suite séparément dès les
années 1960 à cause de la sorcellerie. En effet, « Badondé et Mikongo sont habités par les
mêmes populations. Elles se sont séparées parce qu’elles estimaient que les nombreux
problèmes et décès que le village enregistrait résultaient d’une activité mystique des uns
contre les autres. Ceux qui se sont constitués en victimes sont les fondateurs de Badondé
(encore appelé Mikongo 1) » (Angoué, op. cit. : 26). Nous avons cependant effectué nos
recherches à Mikongo 2, parce qu’à Mikongo 1 il n’y avait personne lorsque nous sommes
passé. D’après le chef de village Mikongo 2 compte présentement 112 adultes (sans les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
187
enfants). Dans le village on trouve des Simba, Akélé (en majorité) ; des Sango et Pové sont les
femmes qui sont venues en mariage. Mikongo est situé à 43 kilomètres de la Lopé.
1.6.5. Ramba
Ce village ne fait partie de notre zone d’étude, parce qu’il se situe à l'extérieur du parc.
Ramba ne figure pas sur la liste des villages situés aux proximités des parcs vu sa localisation.
Cependant, nous avons voulu illustrer un village se trouvant en dehors du parc pour montrer
comment vivent les villageois, voir également si les conditions de vie sont identiques à
l’intérieur ou à l’extérieur du parc. Nous n'avons pas pu passer des questionnaires dans le
village parce que le chef de village devient hostile à toute forme de recherche dont les
villageois ne tirent pas profit. Il disait : « Nous sommes fatigués de répondre aux questions
des gens qui viennent chez nous. On ne sait pas ce qu’ils font de ces informations. De plus, les
animaux ne cessent de détruire nos champs et personne ne réagit ». Ces propos ont été tenus
par l’ensemble des villageois chez qui nous sommes allés récolter des informations.
Cependant, c’est grâce aux entretiens faits avec le chef du village et le directeur de l’école que
nous avons pu avoir des informations sur l’ensemble des villageois.
Le village Ramba encore appelé Massenguelani fait partie du canton Offoué-Aval. Parce que
Ramba se trouve hors de la périphérie du parc que ses habitants ne sont pas soumis aux
mêmes exigences que les habitants des autres villages situés à la proximité immédiate du parc.
Ceci fait que plusieurs ruraux envient les villageois de Ramba qui sont libres de faire ce qu’ils
veulent disent-ils. Ces villageois bien qu’ils peuvent manger de la viande de brousse sans trop
de contraintes se plaignent toutefois de la destruction de leurs cultures par les animaux. Tout
comme les autres villageois, les habitants de Ramba luttent également contre les actions
dévastatrices des animaux face auxquelles ils sont impuissants. Cela signifie que la
dévastation des cultures n’est pas propre qu’aux zones proches des parcs nationaux qui sont
soumis à plus de restrictions que les autres villageois.
Ramba est un village de Pygmées aussi appelés Babongo. Ils ont un chef qui est très respecté
et envié des autres chefs de villages parce qu’il entretient de bons rapports avec le Président
de la République. Au début de son mandat lorsqu’il décida de visiter le monde rural gabonais
en passant par la route économique, il séjourna à Ramba. Beaucoup de chefs de villages
auraient bien entendu voulu jouir de ce privilège. Ramba n’est pas habité que par les
Babongo, il y a aussi des Bantous qui y vivent. Pour diverses raisons (mariage, maladie) les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
188
Babongo se sont fusionnés aux Bantous, mais ils gardent toujours leur culture. Leurs langues
ressemblent à celles parlées par les Bantous. Cependant ils parlent et entendent très vite les
langues des Bantous.
Les villageois de Ramba sont comme les autres villageois du point de vue vestimentaire. À
première vue, rien ne laisse croire qu’on est dans un village de Pygmées. Leur cohabitation
avec les Bantous avec qui ils entretiennent de bons rapports, a changé leurs habitudes. Leurs
maisons sont identiques aux autres maisons villageoises. Seuls leur physionomie un peu
particulière (petite taille pour certains, nez évasé, peau claire) et leur langue montrent qu’on
est en face des Babongo.
Au terme de cette présentation sommaire des villages périphériques aux parcs nationaux, nous
faisons un récapitulatif des données que nous avons recueillies dans ces villages, excepté
Ramba.
Graphique 2 : Données démographiques des villages
L’ensemble des chefs de familles interrogés dans les villages est 73. C’est à Nzé Vatican, à La
Scierie et à Ebe que plus d’hommes et de femmes ont répondu aux questionnaires. Le nombre
de chefs de famille interrogé est respectivement, 38, 14 et 11. Dans des villages tels que
Kazamabika, Ayem, Makoghé, Messe, Melane et Mikongo, l’effectif total des personnes
interrogées est inférieur à quatre. Cela correspond à quelques chefs de familles qui étaient
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Nombre de chefs de familles
estimé dans le village
Nombre de chefs de familles
interrogé dans le village
H
F
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
189
disposés à répondre aux questionnaires. La réticence et la méfiance des villageois vis-à-vis
des enquêtes auxquelles ils sont souvent soumis de la part des chercheurs et étudiants suscite
un climat de tensions. Ainsi, dans certains villages, le sous-effectif a tout de même permis
d’obtenir des informations générales à travers les personnes qui ont répondu aux
questionnaires. Le graphique ci-après montre les tranches d’âges des personnes interrogées.
Graphique 3 : Tranches d’âges de la population interrogée
Le plus jeune chef de famille ayant répondu à nos questions était âgé de 17 ans. Au village, on
devient très vite chef de famille à cause des mariages précoces. Le plus grand nombre de
chefs de famille ont entre 40 et 50 ans, ce sont principalement les hommes. Par ce graphique
on peut remarquer qu’il y a très peu de personnes âgées de plus de 70 ans.
2. Atouts et difficultés rencontrés dans les villages
Les villages figurant dans l’étude ont presque les mêmes atouts et problèmes. Afin de mieux
les présenter, nous avons trouvé utile de les présenter sous-forme de tableau. La colonne
“atouts” explique qu’il y a des choses qui existent dans les villages, mais que ces atouts ont
aussi des limites. C’est ce que ce qui se traduit par la colonne “insuffisance”. Par contre la
colonne “difficultés rencontrés” traduit en général ce que souhaiteraient avoir les villageois
mais qu’ils n’ont pas.
0
2
4
6
8
10
12
17-30 30-40 40-50 50-60 60-70 70 et +
Ayem
Ebe
Kazamabika
La scierie
Makoghé
Melane
Messe
Mikongo
Nzé vatican
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
190
Tableau 8 : Atouts et difficultés des villages étudiés
Villages Atouts Insuffisances Difficultés rencontrées
Village Ayem
Population
estimée en 2011 :
40 adultes (sans
les enfants)
-Ecole primaire
-Village éclairé par
SETRAG
-Pompe de SETRAG
-Trois boutiques
-Agriculture
-Ecole en mauvais état
-Approvisionnement en
produits très limité
-Agriculture peu développée
-Pas de dispensaire
-Pas de groupe électrogène
-Pas de pompe villageois
-Insuffisance d’acheteurs
-Destruction des cultures
-Absence des activités non
agricoles
-Problème de transport
Village
Kazamabika
Population
estimée en 2011 :
58 adultes
(sans les enfants)
-Ecole primaire
-Dispensaire
-Deux groupes
électrogènes
-Boutique
-Pompe hydraulique
-Agriculture
- Approvisionnement en
produits très limité
-Pompe actuellement en
panne
-Agriculture peu développée
-Destruction des cultures
-Insuffisance d’acheteurs
-Absence des activités non
agricoles
-Problème de transport
Village Makoghé
Population
estimée en 2011:
19 personnes
-Ecole primaire
-Groupe électrogène
-Activité touristique
-Agriculture
-Insuffisance d’enseignants
-Absence de logements pour
enseignants
-Groupe électrogène en
panne
-Activité touristique
saisonnière et peu
développée
-Agriculture peu développée
-Pas de dispensaire
-Pas de boutique
-Problème de transport
-Absence des activités non
agricoles
-Insuffisance d’acheteurs
-Destruction de cultures
Village Mikongo
Population
estimée en 2011 :
112 adultes
(sans les enfants)
-Ecole primaire
-Dispensaire
-Groupe électrogène
-Boutique
-Agriculture
-Insuffisances de tables-
bancs et de tableaux
-Centre d’examen éloigné
-Manque de médicaments
-Dispensaire pas très
opérationnel
-Groupe non fonctionnel
- Approvisionnement en
produits très limité
-Agriculture peu développée
-Pas de pompe
-Insuffisance d’acheteurs
-Destruction des cultures
-Problème de transport
Absence des activités non
agricoles
Village Ramba
Population
estimée en 2011 :
aucune
information
-Ecole primaire
-Agriculture
-Insuffisance de salles de
classes
-Insuffisance de tables-
bancs
-Manques d’outils et de
livres didactiques
-Agriculture peu développée
-Destruction des cultures
-Problème de transport
-Insuffisance d’acheteurs
Village Ebe
Population
estimée en 2011 :
49 personnes
-Groupe électrogène
-Case de soins primaires
-Ecole primaire
-Boutique
-Agriculture
-Manque de médicaments
-Ecole fermée en 2010
-Approvisionnement en
produits très limité
-Agriculture peu développée
-Pas de pompe
-Problème de transport
-Insuffisance d’acheteurs
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
191
Village Melane
Population
estimée en 2011 :
13 personnes
-Groupe électrogène
-Agriculture
-Pisciculture
-Agriculture peu développée
-Pisciculture peu développée
-Pas de pompe
-Pas de dispensaire
-Pas de boutique
-Problème de transport
-Insuffisance d’acheteurs
-Pas d’école
Village Messe
Population
estimée en
2011 :13
personnes
-Groupe électrogène
-Agriculture
-Groupe électrogène en
panne lors de notre passage
-Agriculture peu développée
-Pas d’école
-Pas de dispensaire
-Pas de boutique
-Pas de pompe
-Problème de transport
-Insuffisance d’acheteurs
Village La
Scierie
Population
estimée en 2011 :
103 personnes
-Ecole primaire,
-Pompe hydraulique
-Quelques détaillants
-Agriculture
-Pas de pré-primaire
-Manque de structures au
sein de l’école
-Insuffisance de salles de
classes
-Manque de matériels
didactiques et manuels
-Centre d’examen très
éloigné
-Logements d’enseignants
insécurisés
-Eau insuffisante et de
mauvaise qualité
-Approvisionnement en
produits très limité
-Agriculture peu développée
-Absence de dispensaire
-Absence de boutiquier
-Absence d’activités non
agricoles
-Problème de transport
-Insuffisance d’acheteurs
Village Nzé
Vatican
Population
estimée en 2011:
230 personnes
-Ecole primaire et pré-
primaire
-Dispensaire,
-Boutique
-Quelques détaillants
-Agriculture
-Insuffisance de tables-
bancs,
-Centre d’examen éloigné
-Manque de médicaments,
-Approvisionnement en
produits très limité
-Agriculture peu développée
-Absence de pompe depuis
2005
-Mauvaise qualité d’eau
-Absence de groupe
électrogène
-Absence d’activités non-
agricoles
-Problème de transport
-Insuffisance d’acheteurs
Nous avons trouvé utile de mettre les atouts et difficultés du village de Ramba dans le tableau
pour avoir un regard général sur les conditions de vie des populations vivants à proximité des
parcs et celles des autres villageois comme ceux de Ramba. En définitive, les situations dans
les villages sont presque identiques mais il y a quelques particularités. Certains villages ont
des atouts que d’autres n’en ont pas. De même ce qui constitue un problème dans un village,
ne l’est pas forcément dans un autre.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
192
2.1. Les atouts des villages
Nous en citons quelques principaux selon les villages et donnons quelques-uns de leurs
avantages.
2.1.2. L’école
Au Gabon, l’enseignement est presque gratuit. En 2010 le taux de scolarisation au Gabon était
à près de 95 % chez les enfants âgés de 6 à 15 ans (TEB, 2010). Ce taux de scolarisation est
plus élevé que dans les autres pays d’Afrique subsaharienne64
. L’école primaire que nous
évoquons est composée de cinq niveaux (1ère, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème
année). Bien qu’en
général les infrastructures éducatives soient souvent vétustes et insuffisantes tant dans les
villes que dans les villages, il existe une volonté gouvernementale à favoriser la scolarisation
de tous les enfants gabonais. «En 2000, le taux de scolarisation des enfants de 6-15 ans était
de 93,5 %. La situation est quasiment identique entre milieux urbain (93,6 %) et rural
(93,2 %), entre garçons (94,2 %) et filles (92,8 %) »65
. L’école constitue de ce fait un des
atouts considérables dans les villages dans la mesure où elle permet de maintenir les enfants
au village. De plus, elle participe à l’augmentation de la population villageoise et à l’équilibre
du village. En d’autres termes, l’absence de l’école dans un village a pour conséquence le
départ des enfants en âge d’être scolarisés. Ainsi, les villages dépourvus d’une école n’ont
presque pas d’enfants.
L’école de Nzé Vatican a six enseignants dont deux pour le pré-primaire et quatre pour le
primaire. Il y a trois classes physiques reparties en six classes pédagogiques (allant de la
première à la cinquième année). Les enseignants travaillent dans un système de mi-temps.
Durant l’année scolaire 2010-2011, 175 élèves étaient inscrits à la fin du premier trimestre.
Mais à la fin du deuxième trimestre il n’en restait plus que 166, dont 26 au pré-primaire. Lors
des examens les élèves de cinquième année vont à 18 km du village de Nzé Vatican, au centre
de Batouala. Ils y vont à pieds, accompagnés de leurs enseignants, faute de moyen de
transport. L’école de ce village connaît quelques difficultés : manque de tables-bancs,
d’armoires pour conserver les manuels, de bureaux pour les enseignants. De plus, le budget
64
http://www.gabsoli.org/gabon/gabonbref.html 65
http://www.ga.undp.org/publications/Rapport_national_sur_les_OMD.pdf
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
193
que reçoit l’école est insignifiant. Cependant lors de notre passage, le directeur de l’école
témoignait qu’il était satisfait de la dotation des manuels scolaires de la première à la
cinquième année.
Les élèves forment donc le dynamisme de la population de ce village. L’effectif des élèves de
Nzé Vatican est considérable par rapport à ceux des villages de Makoghé et de Mikongo qui
avaient respectivement onze et trois élèves durant l’année scolaire 2010-2011. L’insuffisance
des élèves dans ces villages peut s’expliquer par l’exode rural que nous verrons dans le
chapitre suivant qui est très prononcé dans ces zones. Bien que les écoles villageoises soient
un atout, elles peuvent néanmoins rencontrer des limites. À La Scierie où le nombre des
élèves est aussi important (60), l’école possède trois salles physiques pour cinq classes
pédagogiques allant de la première à la cinquième année. Il y a également trois enseignants
dont le directeur. Mais les élèves de cinquième année font leur examen au centre de Batouala
et chacun se débrouille pour s’y rendre, tout comme les élèves de cinquième année de Nzé
Vatican. Lors de notre passage, le directeur de l’école de La Scierie se plaignait du manque de
structures dans l’établissement. En effet, il n’y pas de logements sécurisés. Les logements
existants sont très vieux et abritent des reptiles tels que des serpents. L’école n’a pas
également de matériels didactiques, de manuels et de pré primaire. Aussi, un besoin de salles
de classes se pose-t-il. Comme autre insuffisance mentionnée par le directeur, figure le fait
que certains parents ne sont pas toujours conscients des études de leurs enfants. Par
conséquent ils les emmènent en brousse et leur font rater les évaluations.
Quant à l’école de Makoghé, elle a été fermée pendant deux ans parce que l’ancien enseignant
était malade. Cependant l’école a rouvert ses portes en 2010. L’enseignant qui est aussi
directeur donne les cours de la première à la cinquième année. Il y a trois salles de classes et
un bureau pour le directeur. D’après l’enseignant-directeur, l’année scolaire 2010-2011 est
une remise à niveau sauf pour la cinquième année dont il faut respecter le programme à cause
de l’examen. L’école a onze élèves. Comme difficultés soulignées par le directeur, figurent le
fait qu’il n’y a pas d’autres enseignants. Le fait aussi qu’il va prendre son salaire ailleurs fait
que ses élèves restent touts seuls durant le temps de son absence. Il n’a pas de domicile, mais
habite chez un parent d’élève parce que sa maison se trouve dans un mauvais état.
L’enseignant-directeur fait part de toutes ces difficultés à l’INP de Booué. Toutefois, c’est le
WCS qui apporte son aide dans la réfection des maisons des enseignants et des écoles.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
194
À Ramba aussi il y a une école primaire qui va de la première à la cinquième année. Durant
l’année scolaire 2010-2011, l’école avait un effectif de 33 élèves. Nous avons remarqué que
les filles sont moins scolarisées que les garçons parce que nombre d’entre elles continuent
encore d’entreprendre quotidiennement des tâches à la maison et au champ plutôt que d’aller
à l’école. L’enseignant qui est également le directeur nous a fait part de ses nombreuses
difficultés. Parmi elles figure le fait qu’il n’y a pas assez de salles de classes. Tous les élèves
de la première à la cinquième année sont dans une même salle avec deux tableaux. Il n’y a pas
assez de tables-bancs. Il y a aussi un manque d’outils : règles de tableaux, compas, etc. Et
même des livres didactiques sont absents.
Une autre difficulté est le fait que les parents ne sont pas toujours conscients de l’utilité de
l’école. C’est pourquoi le directeur a dû les sensibiliser là-dessus. Le directeur de l’école nous
a confié qu’il est difficile d’enseigner dans cette école avec toutes les difficultés qu’il
rencontre, mais comme il a 28 ans de service il arrive tout de même à travailler. Cependant,
un nouvel enseignant aura eu du mal à s’en sortir. Le tableau ci-après montre l'avantage
démographique d'une école dans un village.
Tableau 9 : Estimation de la population des villages en rapport avec le nombre d’élèves
Villages Population du
RGPH en 2003
Population
estimée en 2011
Nombre d’élèves
Ayem 336 40* **
Ebe-Messe 108 62 0
Kazamabika 192 58* **
La Scierie 138 103 60
Makoghé 174 19 11
Melane 30 13 0
Mikongo 276 112* 3
Nzé Vatican 354 230 175
*Sans enfants
**Aucune information
En général la population d’un village est composée à près de 60 % par les élèves. A Nzé
Vatican le nombre d’élève contribue à plus de 75 % à la population du village. Dans d’autres
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
195
cas comme à Makoghé, le nombre d’élèves est supérieur au nombre d’adultes. Mais à
Mikongo, le nombre d’élèves est largement inférieur au nombre d’adultes.
La présence d’une école primaire dans un village montre que le village connaît un
développement parce que désormais les déplacements des enfants en âges d’être scolarisés
sont limités. Mais, on remarque qu’au Gabon en général l’échec à l’école primaire demeure
très important. Dans une étude faite par Matari (2011) sur L’échec scolaire dans le primaire
au Gabon vu par les instituteurs en milieu urbain plusieurs raisons sont données pour
l’expliquer. Parmi elles, figure le fait que « les analyses ont montré qu’une proportion
importante d’élèves et d’enseignants travaillent dans des conditions matérielles difficiles,
marquées essentiellement par les effectifs pléthoriques conduisant au système à mi-temps ou
de classes multigrade, l’insuffisance de matériels et équipements pédagogiques, de manuels
pour élève et de manuels et guides pour enseignant et l’insuffisance de structures d’accueil
(Rapport PASEC Gabon, 2008, p.5) » (Matari, 2011 :43).
Les analyses issues de l’étude présentent l’Etat comme premier responsable de l’échec
scolaire au Gabon, suivi des parents qui n’assument pas leurs responsabilités en suivant leurs
enfants, enfin la compétence des enseignants remis en cause et les capacités intellectuelles des
élèves avec la suppression du châtiment à travers la chicote viennent en dernière position. Les
causes de l’échec scolaire mentionnées sont identiques dans le monde rural gabonais. L’échec
scolaire se manifeste par le redoublement ou l’abandon des élèves. Ainsi, « les taux de
redoublement sont élevés au Gabon avec des abandons très marqués en fin de CP1. De 1999
à 2010 les taux de redoublement au CEPE sont passés de 36,1 % à 42,60 % soit une
augmentation, et ceux du concours d’entrée en 6ème
sont passés de 68,7 % à 47 % soit une
baisse (Direction de l’Office des Examens et Concours, 2010) » (Ibid.: 45). La réussite à
l’école reste un véritable défi tant pour les villages que pour les villes.
2.1.2. Le dispensaire
Avoir un dispensaire dans un village fait partie des demandes que font les villageois à
l’endroit de leurs élus locaux. En dehors de la médecine traditionnelle à laquelle ils ont
souvent recours, les villageois souhaiteraient aussi bénéficier des avancées de la médecine
moderne par la présence d’un dispensaire. De plus, vu que plusieurs villageois sont très
éloignés des centres médicaux et que le réseau routier est en mauvais état, il est nécessaire
pour un village d’être doté d’un dispensaire. Cela est également une marque de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
196
développement pour un village. En 1992, il n’y avait que cinquante agents de santé de villages
dans tout le Gabon. De plus, en 1996, l’État a doté chaque regroupement de villages d’une
école et d’un centre de santé (Doumba, 2002).
L’un des objectifs des regroupements des villages était de permettre aux villageois de
bénéficier des soins médicaux par l’implantation des structures sanitaires telles que les
dispensaires. Mais certains villages à défaut d’avoir un dispensaire ont une case de santé
villageoise. « Les cases de santé villageoises (CSV) sont mises en place par les populations
au niveau du village et tenues par un agent de santé villageois (ASV) dont la formation est
assurée par l’équipe du centre médical du département. Ces structures n’appartenant pas à la
hiérarchie nationale des districts sanitaires financés par l’Etat n’ont pas de ligne budgétaire
de fonctionnement car désormais, l’unité de base est le dispensaire tenu par un agent de
santé, qui rayonne sur plusieurs villages constituant le district » (Gasquet, 2011 :124). En
milieu rural on parle de centre médical pour désigner la structure sanitaire intermédiaire entre
l’hôpital public et le dispensaire, contrairement au centre de santé en milieu urbain. Mais les
structures sanitaires gabonaises connaissent en général des difficultés qui limitent leur bon
fonctionnement. Ainsi, « sur les 399 dispensaires et CSV gabonais, seuls 285 sont
fonctionnels en 2003 » (Idem). Ce sont surtout les structures sanitaires présentes en milieu
rural qui sont souvent non fonctionnelles.
Le dispensaire de Nzé Vatican a une infirmière diplômée, travaillant toute seule. Il est
toutefois dépourvu de médicaments. Il y a certes du matériel soignant pour les premiers soins,
mais la pénurie de médicaments limite l’efficacité de ce dispensaire. Ainsi, les villageois n’y
vont que lorsqu’ils sont sommairement malades afin de bénéficier de quelques petits soins
singulièrement, quand ils ne peuvent aller à Makokou. Mais lorsque la maladie est grave, le
dispensaire du village est dans l’incapacité d’intervenir efficacement. Cela est à l’origine du
nombre élevé de décès en milieu rural en général (on pourra l’observer dans les pyramides des
âges que nous présentons dans le chapitre suivant). Les habitants de Nzé Vatican souhaitent
alors que leur dispensaire soit muni de nombreux médicaments, qu’un autre infirmier soit
affecté dans ce dispensaire et que ces derniers soient logés.
Dans d’autres cas, le dispensaire peut être remplacé par la case de soins. Le but est de
permettre aux villageois de se faire soigner. Ebe n’a pas de dispensaire mais une case de soins
primaires avec un infirmier formé. Cette case a des médicaments pour les premiers soins. Les
injections et perfusions y sont interdites. On y trouve cependant des comprimés et des sirops
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
197
pour les enfants. Quand il n’y a plus de médicaments, l’infirmier fait un bon qu’il adresse au
DRS (Directeur Régional de Santé) qui enverra par la suite des médicaments. La case de soins
d’Ebe est aussi bien pour les habitants d’Ebe que pour ceux de Messe.
Les villages qui n’ont ni dispensaire ni case de soins connaissent d’énormes difficultés pour
se faire soigner. Les villageois de La Scierie, Melane, Ayem ne disposant ni de dispensaire ni
de case de soins sont obligés de se rendre dans les structures médicales les plus proches avec
le risque de ne jamais y arriver à temps, parce que les distances sont parfois très longues, les
routes sont mauvaises et l’accès au transport très difficile. Pour résoudre le problème à leur
niveau, les habitants de Makoghé disposent d’une petite pharmacie de quelques médicaments
de secours. Cette dernière a été ravitaillée par la Première Dame lors de son passage dans le
village. Ces médicaments aident les ruraux en cas de petites maladies (maux de tête et fièvre).
Parfois certains touristes leur apportent aussi quelques médicaments.
Et d’autres villages comme Mikongo peuvent bénéficier de leur proximité avec certains lieux
d’études. Les villageois de Mikongo possèdent un dispensaire qui n’est pas opérationnel en
tant que tel. Il y a manque de médicaments. Toutefois, avant il était approvisionné par
ECOFAC, grâce au travail sur les gorilles. Les villageois demandaient aux responsables
d’ECOFAC de leur donner des médicaments parce qu’ils utilisaient leur forêt. Jusqu’à un
moment donné le dispensaire bénéficiait de l’aide d’ECOFAC. Mais aujourd’hui, il n’y a que
quelques comprimés que l’administration a envoyés. Ce n’est pas tous les jours que le
dispensaire est ouvert. Quand les villageois sont malades ils y vont et quelques comprimés
leur sont donnés, mais lorsqu’ils sont très malades, ils vont à l’hôpital de la Lopé qui est situé
à 43 kilomètres du village.
2.1.3. Le groupe électrogène
Au Gabon, les coupures d’électricité sont récurrentes. C’est la Société d’énergie et d’eau du
Gabon (SEEG) qui assure la distribution d’eau et d’électricité. Face à la montée croissante de
la demande en eau et en électricité, la SEEG ne parvient pas à satisfaire ses clients. Pour cette
raison, quelques projets pour résoudre les problèmes de coupures de courant par la création
des barrages sont lancés. Ces projets visent non seulement à augmenter la production en
électricité des villes, mais aussi l’électrification rurale.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
198
En 2000, 30 % des villageois utilisait l’électricité (Doumba, 2002). Plusieurs villages sont
éclairés grâce aux groupes électrogènes achetés par les villageois ou par les élus locaux, ce
qui nécessite des ravitaillements en carburant et des contrôles permanents. Par ailleurs,
d’autres villages s’éclairent grâce à l’énergie solaire. Cependant, beaucoup de villageois
s’éclairent encore à la lampe tempête. Et, parfois l’éclairage avec un groupe électrogène n’est
que passager au point que la plupart du temps c’est la lampe tempête qui éclaire le villageois
le plus pauvre. Les villageois nantis parviennent à s’acheter un groupe électrogène familial ou
collectif avec quelques autres villageois aisés. Afin que tous les villageois aient accès à
l’électricité gratuitement, plusieurs acteurs (association, privé, politique, gouvernement)
mettent en place l’énergie solaire. Plusieurs villages en bénéficient déjà. Mais il n’y a pas
d’énergie solaire dans les villages étudiés.
L’éclairage à travers un groupe électrogène entre dans les éléments montrant la marque de
développement d’un village. Ce sont par contre les groupes électrogènes qui éclairent certains
d’entre eux. Par exemple, les villageois d’Ebe disposent d’un groupe électrogène qui est un
don de leur député. Les habitants du village font des cotisations pour acheter le carburant. La
somme des contributions va de 3 000 FCFA pour ceux qui n’ont aucun branchement, à 5 000
FCFA pour ceux qui en ont. Mais lorsque le carburant finit et que les villageois ne
parviennent plus à cotiser, deux habitants du village qui disposent d’un poste téléviseur
achètent eux-mêmes le carburant pour suivre le journal, et tout le village en bénéficie. Il y a
un groupe électrogène à Ramba. Cependant le jour où nous étions dans le village, il n’y avait
pas d’électricité. Lorsqu’il n’y a pas de carburant ou que les membres du village refusent ou
ne parviennent pas à acheter le carburant le groupe ne peut fonctionner
De même, le village Kazamabika est éclairé la nuit par les groupes électrogènes. Avant il y
avait trois groupes électrogènes donnés par les membres du gouvernement après doléances
mais un est en panne. Ces groupes fonctionnent de 18 à 23h. Chaque famille doit donner un
bidon de gasoil après deux jours, ainsi est faite la rotation. La journée il n’y a pas d’électricité.
À Nzé Vatican la grande partie des villageois sont éclairés à la lampe tempête. Cinq chefs de
familles possèdent par contre leurs groupes électrogènes qu’ils donnent à quelques personnes
s’ils le veulent, surtout s’ils sont capables de les aider à payer le carburant. Cet état met ainsi
l’ensemble du village dans une grande obscurité pendant la nuit, de telle sorte qu’il n’est pas
toujours facile de se déplacer dès que disparaît le jour.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
199
De plus, le village d’Ayem quant à lui profite bien de sa proximité avec la SETRAG pour
s’éclairer. Parce qu’il n’y a pas de groupe électrogène villageois, les ruraux utilisent
l’électricité de SETRAG. Presque tout le monde a l’électricité et chacun paie auprès de la
SETRAG la somme de 15 250 FCFA par mois. Quelque soit le nombre d’appareil tous paient
la même somme. Dans les villes, la SEEG fixe le prix normal d’un abonnement électrique
d’un client en fonction de la consommation individuelle due aux appareils. Par conséquent
plus, le consommateur possède d’appareils, plus il est taxé. Cependant, dans le cas des
villageois d’Ayem la somme demandée quelque soit la consommation peut être un avantage
pour un villageois qui possède plusieurs appareils, mais pour celui qui n’a que des ampoules
pour s’éclairer cela devient problématique. 15 250 FCFA pour s’éclairer est une somme
exorbitante pour les villageois dont les conditions de vie sont souvent difficiles.
En dehors des élus locaux, les sociétés forestières ont également permis à quelques villageois
à avoir de l’électricité grâce aux dons. À Mikongo il y avait un groupe électrogène acheté par
un exploitant de la société forestière Comesfo qui avait exploité la forêt se trouvant aux
proximités du village. Mais ce groupe a cessé de fonctionner il y a plus d’un an faute de
carburant. Les gens du village ne se mettent pas d’accord pour faire des cotisations afin
d’acheter le carburant. La population de Mikongo se plaint des conditions de vie qui sont
archaïques. Dans le même sens, les villages tels que Makoghé, Messe ou Mikongo qui n’ont
plus d’électricité parce que leurs groupes électrogènes connaissent un disfonctionnement ou
n’ont pas de carburant vivent mal le fait d’utiliser les lampes. C’est pour cette raison qu’ils
n’hésitent pas à faire mention de ce problème lors des élections à leurs candidats respectifs.
2.1.4. La pompe hydraulique
L’accès à l’eau potable constitue pour le gouvernement gabonais l’un des éléments pris en
compte dans la politique de développement et d’aménagement territorial. En milieu rural,
l’accès à l’eau potable est rendu possible à travers l’installation de l’hydraulique villageoise.
Les ménages villageois s’alimentent essentiellement en eaux de surface, car elles sont la
source principale d’approvisionnement en eau. En effet, dans les villages, l’utilisation de l’eau
du robinet reste considérablement déficiente. À cet effet, « Les OMD définissent l’eau potable
comme l’eau se trouvant à moins de trente minutes du lieu d’habitation et provenant soit d’un
robinet individuel, soit d’un autre robinet (voisin, revendeur, public), soit d’un forage »66
. Ce
66
http://www.oecd.org/fr/pays/gabon/38582073.pdf.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
200
sont les villageois qui restent encore défavorisés à l’accès à l’eau potable par rapport aux
citadins. L’ensemble des villages étudiés présente cette observation. Lorsqu’il existe des
pompes hydrauliques villageoises, elles sont soit vétustes et ont besoin d’être restaurées, soit
connaissent un disfonctionnement dû à l’absence d’une pièce par exemple, et dans ce cas elles
ne sont plus usitées. Cela a une répercussion sur l’eau qui est souvent non potable.
« Néanmoins, l’accès à l’eau potable s’est quelque peu amélioré au cours des cinq dernières
années »67
dans le pays.
Le village de La Scierie est doté d’une pompe hydraulique à pédale qui ne favorise la montée
d’eau que le matin. Mais cette eau n’est pas de très bonne qualité à cause du dépôt de la lie. A
cause de l’affluence, quand l’eau tarit, les ruraux sont contraints d’aller à la source pour
s’approvisionner en eau. Les villageois d’Ayem par contre bien que ne disposant pas d’une
pompe villageoise ont accès à de l’eau potable grâce à la pompe de SETRAG. La présence de
la gare de SETRAG à Ayem donne au village quelques avantages, tels que le transport de
produits et marchandises d’Ayem vers les autres localités et de ces dernières vers Ayem. De
plus, les enfants du village bénéficient de l’école primaire de SETGRAG, parce que le village
n’en a pas.
Comme Messe, Ebe n’a pas de pompe. L’eau constitue en effet l’un de leur problème
récurrent. Pour trouver de l’eau, les villageois creusent des puits, parce qu’il n’y a pas de
cours d’eau. Selon le chef du canton de Beleme qui réside à Ebe, la raison qui explique
l’implantation de leurs parents à cet endroit malgré la difficulté d’eau est la fertilité de la terre
pour l’agriculture. De même, le village Nzé Vatican connaît des difficultés
d’approvisionnement en eau potable. Il existait auparavant deux pompes qui alimentaient le
village en eau, mais depuis 2005 leur panne a conduit les villageois à avoir recours à l’eau du
puits qui n’est pas forcément potable.
2.1.5. La boutique
Pour satisfaire les besoins en produits de consommation non produits sur place, les villageois
désirent avoir des points de vente des produits. C’est la boutique qui est souvent présente dans
les villages, tenus habituellement par des étrangers. Bien qu’étant limitée, la boutique permet
67
Idem.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
201
néanmoins aux villageois de se procurer des produits primordiaux qui leur sont indispensables
(pétrole, sucre, café, huile, sel, riz, lait, allumette, boîtes de conserve, etc.). Ainsi, cela les
évite d’effectuer plusieurs déplacements en ville, car le transport est difficile dans les villages.
Toutefois, la limitation des boutiques villageoises ou leur inexistence contraignent les
villageois qui le peuvent d’aller faire leurs courses au moins une fois par mois en ville. Dans
d’autres villages, l’absence d’une boutique peut susciter des détaillants encore plus limités.
Parfois on peut aussi retrouver en même temps boutique et détaillant.
Le plus souvent, les habitants du village d’Ayem font leurs courses à la Lopé lorsqu’il y a des
occasions pour y aller. Néanmoins, il y a trois boutiquiers originaires de l’Afrique de l’Ouest
dans le village. De même, à Nzé Vatican, il existe un boutiquier d’origine haoussa qui permet
aux ruraux de se ravitailler en quelques produits avant de se tourner vers la ville. D’autres
petits commerçants vendent aussi en détail certains produits dont ont souvent besoin les
villageois. En effet, les villageois voient ces commerces comme un moyen de les dépanner,
surtout quand ils ne peuvent pas se rendre en ville (Makokou). À part quelques détaillants
vendant certains produits, les habitants de La Scierie n’ont pas de boutique où
s’approvisionner. En cas de besoin, les villageois vont soit à Makokou lorsque c’est possible,
ou soit à Massaha, une localité proche du village.
Quand le transport est difficile et que la ville est très éloigné, il arrive qu’un autre village
relativement proche soit le lieu où peuvent s’approvisionner les villageois. C’est le cas pour
les habitants de Messe qui vont à pied à sept kilomètres s’acheter des provisions chez un
boutiquier du village d’Ebe.
2.2. Les difficultés rencontrées dans les villages
Les difficultés que rencontrent les ruraux des villages étudiés sont identiques à celles de
l’ensemble du monde rural gabonais (voir la première partie de notre travail). Ainsi, parmi les
difficultés rencontrées dans les villages figurent le problème de transport, le mauvais réseau
routier, la destruction des cultures et l’absence des activités non agricoles. L’exode rural se
présente ainsi non pas comme une difficulté mais comme l’une des causes et surtout la
conséquence des difficultés que rencontrent les villageois. L’exode rural touche actuellement
le monde rural gabonais, nous en parlerons dans le prochain chapitre. À travers quelques
exemples, nous montrons les difficultés des villageois.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
202
2.2.1. Le problème de transport et le mauvais réseau routier
Dans les villages comme dans les villes, le problème de transport est souvent lié à l’état du
réseau routier. L’ensemble des villages ogivins sont reliés à leurs centres urbains par des
routes souvent mal entretenues qui limitent considérablement le transport en saisons
pluvieuses. En grande saison sèche, lors des grandes vacances, les véhicules de transport sont
assez fréquents, mais l’un des inconvénients pour des routes non bitumées est l’excès de
poussière pouvant entraîner des maladies pulmonaires auxquelles sont exposés les voyageurs
et les villageois. Il existe des routes départementales, nationales, provinciales, des pistes et
même des routes non classées qui ont besoin d’être aménagées et entretenues. Car, les
éléments naturels (climat, forêt, orographie) ainsi que la mauvaise gestion des fonds affectés
aux routes favorisent un réseau routier non fiable.
Les acteurs économiques œuvrant dans le monde rural tels que les exploitants forestiers ont
été à l’origine de l’ouverture et de l’entretien de plusieurs voies rurales. Cependant, leur
départ pour de nouvelles zones a entraîné la dégradation de ces voies. Afin de pallier à cela, le
gouvernement s’est lancé dans un processus de construction et d’entretien des routes, parce
que la majorité de routes est en latérite et en terre. Le problème de transport est partout
ressenti de la même façon.
Par exemple, à Ayem, les villageois se plaignent du même problème. Comme ils n’ont pas de
dispensaire, quand ils sont malades, ils se rendent à la Lopé pour se faire soigner. L’accès à la
Lopé est difficile. Il est en effet rare de trouver un véhicule qui va à la Lopé. Les habitants de
Mikongo ont relaté la même chose mais ajoutant que le transport rend aussi difficile leur
besoin de se ravitailler. Chez le seul boutiquier ils ne peuvent avoir que du pétrole et des
boîtes de conserves, mais pas de surgelés. C’est pourquoi ils sont obligés de se rendre à la
Lopé. Pour y aller il faut 1000 FCFA, sans bagages. Cependant, les villageois ont souvent un
grand mal pour payer leur transport. Ils vendent leurs produits avec les routiers, mais ils ne
sont pas toujours achetés, faute de clients. C’est pour quoi ils sont contraints d’aller les vendre
au marché de la Lopé.
2.2.2. La destruction des cultures
Tous les villageois se plaignent du fait que leurs cultures sont détruites par les animaux
sauvages. Mais ce problème est très récurent dans les villages très proches des parcs
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
203
nationaux, parce que la protection des animaux y est plus rigoureuse. Nous reviendrons sur ce
problème plus en détail dans la troisième partie.
Comme dans tous les villages, c’est l’agriculture qui est l’activité la plus pratiquée. Mais
depuis le début des années 2000, les villageois de Kazamabika se plaignent davantage de ne
plus rien manger à cause des animaux (éléphants) qui sont plus protégés. Ils se plaignent
également du fait que les agents du Parc ne font rien pour résoudre ce problème. Les animaux
viennent en effet jusque près des maisons pour dévaster les cultures. Autrefois les agents du
Parc venaient faire des constats mais maintenant ils ne font plus rien. « Nous, tout ce qu’on
veut c’est de retrouver nos modes de vie d’antan. Nous voulons un changement » déclare le
chef de village. Ainsi, les rapports avec le Parc sont tendus parce que les villages trouvent que
les agents du Parc ne les sollicitent pas. De plus, le Parc ne leur donne pas du travail comme
le faisaient les sociétés forestières.
Il y a de cela quelques années lorsque les animaux avaient détruits les champs, le Ministère
des Eaux et Forêts leur avait envoyé de l’argent pour les dédommager, mais cet argent a été
détourné à la Lopé d’après ce que nous a confié le chef de village. Ces derniers temps la vie
s’est davantage compliquée à Kazamabika comme dans les autres villages voisins. Quelques
années auparavant, les sociétés forestières venaient acheter les produits agricoles chez les
villageois et il n’y avait pas encore beaucoup d’animaux comme aujourd’hui et cela les aidait
beaucoup. Mais aujourd’hui les choses ont complètement changé. Les sociétés forestières ont
fermé et tout devient difficile. Les animaux ne laissent presque plus rien dans les champs.
C’est pour cette raison qu’il n’y a presque plus personne dans le village parce que les gens
vivent en brousse pour surveiller leurs champs contre les animaux sauvages. Le séjour des
villageois en brousse est temporaire, il est influencé par le calendrier cultural et par l’ampleur
de la dévastation des cultures.
De même, bien que les animaux sauvages mangent ce que plantent les villageois d’Ayem, ils
continuent tout de même à pratiquer l’agriculture dans le village. Ces animaux ne viennent
pas à l’époque du maïs ou de l’arachide. Ce qui permet aux agriculteurs de manger un temps
soit peu leurs produits durant cette période. Mais à partir du mois de Mars lorsque le manioc
commence à avoir quelques tubercules, les animaux commencent à dévaster les champs. Les
ruraux d’Ayem se plaignent des éléphants et des hérissons. Malgré toutes les dispositions
prises par les villageois pour protéger leurs cultures, les animaux sauvages parviennent
toujours à détruire ce qu’ils plantent. De telle sorte que les paysans affirment qu’ils n’ont plus
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
204
rien à manger. Ainsi certains d’entre eux reçoivent même quelques seaux de pâte de manioc
envoyés par leurs enfants habitant d’autres contrées. Cette situation fâche les populations
d’Ayem et entraîne de vives tensions entre les villageois et les agents du Parc national de la
Lopé.
D’après l’entretien que nous avons eu avec le chef de village de Mikongo, éléphants, gorilles
et mandrills constituent leur menace quotidienne. Chaque fois, ces animaux détruisent leurs
plantations. Ils se plaignent de cela auprès du conservateur mais rien n’est fait. Les villageois
sont impuissants face à ce problème. Il n’y a vraiment pas de contact entre les gens du Parc
national de la Lopé et les villageois. Sauf lorsque le nouveau conservateur rejoignant son
poste d’affection a rencontré les responsables du village. De temps en temps, les responsables
du Parc conseillent la population de tuer une bête pour manger mais pas plus. En matière de
conservation les ruraux ne savent pas trop ce qui se passe. Il est vrai que les populations
villageoises font parfois beaucoup d’exagérations quand ils parlent de leurs cultures
dévastées. Néanmoins, le conflit Homme-faune est une réalité dans le monde rural gabonais
qui demande à être résolu, dans le but d’aboutir à une préservation environnementale
concertée. Nous en parlerons amplement dans la troisième partie.
2.2.3. L’absence des activités non agricoles
Il est nécessaire pour les villageois gabonais d’avoir des revenus complémentaires non
agricoles. En effet, l’agriculture étant très faible, les revenus agricoles le sont aussi et ne
peuvent à eux-seuls répondre aux besoins des villageois. La diversité des revenus villageois
est sans doute une voie de sortie vers le maintien des populations sur leurs territoires. C’est
également une des solutions aux conflits et crises rencontrés dans les milieux ruraux. À ce
sujet Bernier (1997 : 80) déclare que « les crises et les mutations récentes conduisent en effet
un grand nombre de paysans à rechercher des moyens de subsistance en dehors de
l’agriculture. Cette évolution concerne d’abord le secteur informel et se fonde par exemple
sur le développement ou la revivification de certaines formes d’artisanat ou encore sur le
commerce de détail. Le rôle des femmes est ici souvent déterminant ». Cela pourra avoir un
impact positif considérable sur l’économie familiale villageoise qui est de plus en plus faible
sans qu’on ne puisse réellement l’évaluer.
Certains villageois comme ceux de Mikongo à cause des difficultés qu’ils rencontrent
présentement ressassaient les avantages qu’ils avaient lorsque les sociétés forestières
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
205
travaillaient près de chez eux, ou quand des activités en rapport avec la conservation se
faisaient dans leurs périphéries. Avant il y avait des sociétés forestières : NSG, le Roy Gabon.
Mais il y a quelques années que l’activité forestière est arrêtée (2000 notamment). Comme il
n’y a plus d’activités les jeunes sont obligés d’aller ailleurs pour chercher du travail. Mais les
vacances ils reviennent au village. De même, lorsqu’ECOFAC avait son projet dans la zone,
les villageois profitaient de ses véhicules pour se déplacer. ECOFAC venait surveiller les
gorilles dans le brousse de Mikongo. ECOFAC avait en effet un centre de conservation des
animaux à huit kilomètres du village. Toutefois, quand ECOFAC vint vers les villageois, il
promit plusieurs choses qui n’ont pas été réalisées. Le problème d’ECOFAC est très
complexe : non seulement il y a des promesses non tenues de part et d’autre, mais il y a aussi
eu détournement d’argent. C’est l’une des raisons qui justifie le fait que les villageois n’ont
plus confiance aux projets qui viennent se réaliser dans la périphérie de la Lopé. C’est ZSL
qui s’occupait de ce centre en créant un volet tourisme avec des guides. Mais lorsque ZSL a
arrêté de faire le tourisme, les guides ont décidé de continuer leurs activités en créant leur
association Mikongo vision. Cependant les membres de cette association ne sont pas issus du
village Mikongo; ils sont des autres contrées de la province.
D’une part, le tourisme peut stimuler le développement d’activités artisanales (vannerie,
teinturerie, poterie) et autres prestations traditionnelles pour les villages très proches des parcs
nationaux. D’autre part, la commercialisation des produits forestiers non ligneux, la
fabrication artisanale des produits des terroirs peuvent être bénéfiques aux villages moins
proches des parcs nationaux. Ces sources d’entrées financières issues de la pluriactivité
villageoise peuvent être appréciables pour des ruraux qui ne parviennent pas à tirer profit du
travail de la terre.
Les difficultés que rencontrent les villageois suscitent la recherche des solutions dans le but
d’améliorer leurs conditions de vie. C’est dans cette optique que les associations villageoises
naissent. Elles ne sont pas la seule solution possible, mais c’est une option parmi tant d’autres.
Elles peuvent être un des remèdes aux crises et mutations des villages gabonais. Il est vrai que
les associations sont un moyen de s’assurer que le projet est une volonté communautaire, mais
cela nécessite un fonctionnement qui convient mal, parce qu’il est assez formel et ne coïncide
pas toujours avec les hiérarchies traditionnelles. Dans plusieurs pays africains tels que le Mali,
le Cameroun, le Niger, les solidarités sociales ont permis à plusieurs ruraux de résoudre leurs
problèmes. « Fondées sur un recrutement et un fonctionnement locaux, ces associations
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
206
reposent sur des regroupements de femmes et d’hommes désireux de mettre en commun leurs
forces et leurs potentiels techniques, économiques ou bien encore un réseau de relation »
(Bernier, op. cit. : 88). Mais cette expérience toute nouvelle dans le monde rural gabonais a du
mal à se développer. Confrontés à plusieurs obstacles que nous énumérerons, les associations
des villages étudiés ont encore du chemin à parcourir pour que les adhérents en voient la
nécessité.
Il s’agit des associations touristiques pour certains et pour d’autres des associations agricoles.
Il y a une association touristique dans le village de Makoghé appelée Mogheso. Elle fut crée le
05 Avril 2005. A présent il y a 53 adhérents mais avant il y en avait 86 d’après ce que nous a
dit le responsable de l’association qui est également le chef de village. Certains membres de
cette association habitent bien attendu hors de Makoghé. Cet effectif diminue chaque fois que
les adhérents refusent de cotiser. Le montant des cotisations s’élève à 1000 FCFA par mois.
L’association offre plusieurs activités pour maintenir son fonctionnement. Ainsi, lorsque les
touristes viennent à Makoghé, les villageois présentent des danses traditionnelles dont le coût
de la prestation est de 50 000 FCFA / touriste. Mais quand il y a plusieurs touristes quelque
soit leur nombre ils donnent 100 000 FCFA et 15 000 FCFA reviennent à l’association. Pas
plus de 2 heures de prestation, le reste de l’argent revient à ceux qui ont dansé.
C’est avec l’aide du Parc que les associations se sont formées autour de la Lopé. Afin de
mieux assurer le bon fonctionnement de ces associations, une fédération s’est constituée dont
le président est le chef de village de Makoghé. L’association Mogheso du village Makoghé a
comme produits à présenter aux touristes : l’excursion à pied, l’excursion en pirogue, pêche
artisanale en pirogue, cuisine locale. Théoriquement cette association est bien structurée, elle
possède même un règlement intérieur. Mais dans le fond, il existe des problèmes qui nuisent
au bon fonctionnement de l’association. Parce que le chef de l’association est également le
chef de village, il a tendance à imposer ses décisions d’après ce que nous ont confié quelques
habitants du village que nous avons rencontrés, par exemple, la construction des bungalows
pour accueillir les touristes situés derrière son domicile, pas sur un autre site. Cependant
d’après le chef cette décision a été prise à l’unanimité avec les membres de l’association. Ci-
dessous quelques clichés des bungalows de l’association.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
207
Planche 3 : Quelques bungalows de l’association Mogheso de Makoghé
Situés sur un site où savane et bosquets forestiers sont présents, ces quelques petites cases possèdent le strict
minimum : lit, douche et petit coin pour séjour. Cependant les sanitaires sont communs et se trouvent à
l’extérieur.
Le responsable a sollicité les prestations d’une autre association touristique plus avancée
appelée Mikongo Vision pour amener les touristes dans son village. Cependant il y a un
problème de logistique. Il est en effet difficile d’aller chercher les touristes qui viennent faute
de véhicules. C’est pourquoi le chef aurait voulu qu’une structure hôtelière possédant des
voitures comme Lopé Hôtel véhicule contre rémunération les touristes. Ce projet a été financé
par l’Agence française de développement. Aujourd’hui, le chef cherche d’autres financements
pour notamment s’acheter un véhicule. L’association Mogheso a également comme objectif
de faire une plantation communautaire, puis avoir une pharmacie. Toutefois, il y a des
obstacles qui limitent l’évolution des activités de l’association. Déjà le fait que les quelques
membres du village ne se reconnaissent pas dans cette association disant qu’elle appartient au
chef et à sa famille. Il y aura donc une difficulté à solliciter les membres du village pour
présenter des danses traditionnelles ou autres prestations. De plus, il y a un manque
d’expérience. Cela est valable pour l’ensemble des associations des villages. Toutes désirent
être épaulées par le Parc, alors que cela ne fait partie des obligations du Parc. En fait il n’y a
pas de texte qui stipule cela.
Ayem par contre avait deux associations : ASFRA et Ufac. Ces deux associations concernaient
l’agriculture. L’association ASFRA (Association des Femmes Rurales d’Ayem) en effet est
celle dans laquelle se pratiquait le maraîchage. Elle fut crée en 2005 grâce à une idée des gens
du village. Les membres de cette association reçurent du matériel pour l’agriculture et la
pêche. L’activité agricole a bien commencé jusqu’à ce que se pose le problème de vente de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
208
produits. En effet, lorsque les produits agricoles furent arrivés à maturité, il n’y avait pas de
démarcheur, c’est-à-dire quelqu’un qui irait vendre les produits par exemple dans les
supermarchés des villes. Face à cette difficulté, l’activité n’a pas connu de succès. Les
agriculteurs se sont alors découragés parce qu’ils ne gagnaient rien et tout fut arrêté. La
deuxième association est celle appelé Ufac, crée aussi en 2005. Cette association a mis en
place une plantation de manioc et de banane. À Ufac, il y avait également beaucoup
d’hommes et de femmes. Ces derniers ont reçu beaucoup de matériel de l’ex Ministre
Georgette Coco pour leurs activités. Hormis l’agriculture, il y avait du matériel pour faire de
la pêche (hors-bord), des machines à coudre pour la couture (destinées uniquement aux
femmes). Suite à un problème d’organisation, les activités de l’association n’ont pas connu un
succès. Tout est arrêté aujourd’hui.
Les problèmes d’organisation dans les associations villageoises sont généralement liés au fait
que d’une part les villageois ont beaucoup de lacunes dans la mise en place des projets et
objectifs à atteindre, faute d’expérience ou de compétence. D’autre part, lorsque des projets
parviennent tout de même à être définis, l’esprit associatif n’y est pas. De même le
découragement gagne souvent très vite le plus grande nombre d’adhérents qui ne voient pas
de suite des résultats escomptés.
D’autres villages qui n’ont pas encore d’associations souhaiteraient en avoir, même s’ils
ignorent les difficultés auxquelles ils seront confrontés. Kazamabika n’a pas encore
d’association. Mais les villageois désirent bientôt créer une association au nom de Waoukwa
ce qui signifie « réveillez-vous on part ». Parce que selon les villageois de Kazamabika ils
sont en retard par rapport aux autres associations, il faudrait donc qu’ils fassent comme les
autres. Ils ont l’ambition de faire une association parce qu’il y a beaucoup de sites touristiques
dans le village : grotte à pitons, lac à crocodiles, grotte à porcs-épics, salines où viennent se
nourrir les éléphants, etc. Les villageois pensent que cela pourra attirer les touristes parce
qu’ils sont les seuls à posséder ces choses. Il existe aussi un vieux caillou sur lequel leurs
ancêtres limaient les couteaux. Il y a certes beaucoup de choses à présenter aux touristes mais
les habitants de Kazamabika ignorent complètement tous les obstacles qui les attendent et tous
les défis qu’ils doivent relever pour que leur activité touristique soit fleurissante.
3. Lopé
La Lopé est aussi appelé Boléko.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
209
Planche 4 : Le marché et l’école de Boléko (la Lopé)
C’était le lieu de marché de Boléko (à gauche) et école (à droite). On y trouve également des épiceries, des
bars et restaurants, ainsi que d’autres activités commerciales. Cependant, actuellement un nouveau marché a
été construit pour les commerçants.
Boléko une petite ville de part les activités administratives et sociétés privées qui y sont
présentes. On y trouve en effet, une sous-préfecture, une brigade de gendarmerie et une
brigade des Eaux et Forêt. La présence du WCS, du CIRMF, de l’hôtel, de la gare et du parc
donne à Boléko une position que n’ont pas les autres villages qui entourent le parc. Elle est en
outre considérée comme une petite ville touristique à cause du parc. En effet, les habitants de
Boléko voient depuis plusieurs décennies arriver sur leur territoire de nombreux touristes
surtout étrangers. Ces particularités font que nous la présentons à part des villages. Est
présentée ci-après la composition de notre échantillon à la Lopé.
Tableau 10 : Chefs de famille interrogés à la Lopé par sexe et par tranches d’âges
Lieu Effectif H F 17-30 30-40 40-50 50-60 60-70 70 et +
Lopé 71 37 34 20 28 14 6 1 2
71 chefs de famille ont été interrogés à la Lopé. Ce découpage des tranches d’âges est dû au
fait que le plus jeune chef de famille a 17 ans. Tout comme chez les villageois, on observe un
nombre non négligeable de chefs de famille se situant entre 17 et 30 ans. Il est aussi remarqué
que très de peu de responsables de famille ont à partir de 60 ans. Rappelons de même que
beaucoup de personnes ont refusé de répondre à nos questions à cause de la multiplicité de
sollicitations dont elles ont été l’objet, sans qu’elles n’aient eu un bénéfice.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
210
La Lopé a une école primaire importante. 370 élèves du primaire et 82 élèves du pré-primaire
fréquentent l’école de la Lopé. L’école a dix enseignants, dont six au primaire, trois au pré-
primaire et le directeur. Il y a quatre salles de classes au primaire et une salle au pré-primaire.
C’est une école dont les niveaux vont de la maternelle à la cinquième année. Compte tenu de
la position de la ville par rapport aux localités voisines, l’école de la Lopé est un centre
d’examen qui accueille tous les élèves de cinquième année des autres villages. Lors des
examens les enseignants des écoles des autres localités viennent à la Lopé avec leurs élèves.
Dans ces circonstances ce sont le WCS ou le Parc qui donnent leurs véhicules pour le
transport.
Il y a un budget alloué à l’école mais il ne vient pas toujours à temps. Ainsi, le directeur fait
part des difficultés de l’école aux différentes personnalités qui sont à la Lopé qui les aident si
cela est possible. Il existe des rapports entre l’école et les responsables du Parc et les autres
privées. Par exemple, le bureau du directeur a été construit par l’association des parents
d’élèves et le Parc. Le Parc est un grand partenaire pour l’école. C’est le WCS qui dispense
l’éducation environnementale dans toutes les écoles situées à la périphérie du Parc. Ils ont un
programme qu’ils exécutent. Ce sont les cours de 1h à 2h en général. Les élèves aiment ce
cours. Ils viennent chaque semaine dispenser des cours de la première à la cinquième année.
Le WCS fait les cours d’éducation de l’environnement à l’école de la Lopé tous les mercredis
soir et vendredi matin. Pendant ce temps, les enseignants y assistent aussi.
Toutefois, il existe un enseignement sur l’éducation environnementale dans les programmes
éducatifs de l’école. Ce cours est dispensé par les enseignants de l’école qui s’inspirent d’un
manuel écrit par l’institut pédagogique national (IPN) sur l’environnement. En dehors du
manuel de l’IPN, le WCS a le projet d’élaborer un guide pédagogique sur l’éducation
environnementale. Pour établir ce projet, le WCS a sollicité l’apport des enseignants de la
Lopé, mais ces derniers lui ont demandé de se rapprocher de l’éducation nationale qui est
responsable de l’éducation pour la conception du dit manuel. Ce guide ne concernera pas
seulement les élèves de la Lopé, il sera mis sur le marché national.
Le directeur de l’école soulignait également le déplacement inopiné des animaux comme
présentant un risque pour les élèves et le corps enseignant. Une autre difficulté rencontrée est
l’insuffisance de salles de classes. Il y a en effet beaucoup d’élèves et peu de salles de classes,
c’est pourquoi il y a la mi-temps. De plus, l’absence de banque sur place amène les
enseignants à se déplacer régulièrement pour prendre leurs salaires dans les régions voisines
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
211
(Libreville surtout). Ainsi, le directeur s’arrange à donner des permissions d’absence par
vague de peur que les élèves ne restent touts seuls sans enseignants.
En 2003, Boléko comptait 1104 habitants d’après le RGPH. Cependant depuis 2000 la
population de Boléko est en baisse à cause de l’activité économique qui s’est davantage
dégradée, d'après les déclarations du Sous-Préfet. Les habitants de Boléko ont
progressivement quitté la ville parce que les conditions de vie devenaient de plus en plus
difficiles. En effet, le départ des sociétés forestières, les restrictions du parc, n’ont contribué
qu’à ralentir l’activité économique sans que cela soit compensé par une création équivalente
dans le secteur de la conservation ou de l’écotourisme.
On observe plusieurs activités commerciales qui se situent surtout au sud de l’enclave de
Lopé. Il s’agit du territoire situé dans le parc mais dans lequel vit la population de Boléko.
Beaucoup de commerces sont localisés à proximité de l’axe principal qui est la route
économique qui conduit dans l’Ogooué-Lolo et le Haut-Ogooué. Les commerçants profitent
ainsi du passage des routiers qui durant plusieurs heures de route s’arrêtent par là pour se
rafraîchir et manger quelque chose. Ils sont effectivement plus favorisés que les commerces
situés loin de cette route. Nous présentons de façon détaillée les différents commerces que
nous avons localisés à la Lopé.
3.1. Les commerces
Ils sont de tous genres.
a) Le marché
Le marché de la Lopé a une superficie de près de 200 m². C’est le lieu où sont principalement
vendus les produits agricoles (vivriers et maraîchers). Cependant les commerçants de ces
produits ne sont pas réguliers. Plusieurs hommes et femmes s’improvisent commerçants
lorsqu’ils ont des choses à vendre. Quelques-uns seulement le font fréquemment. Les
commerçants en majorité les femmes viennent surtout des villages environnant. Leur présence
au marché est fonction de la possibilité à trouver un véhicule pour s’y rendre, même quand
elles ont quelque-chose à vendre. Ces commerçantes se sentent limitées dans la vente de leurs
différents produits parce qu’il y a constamment le regard des agents du parc. Afin de ne pas
avoir des ennuis avec ces derniers elles sont tenues de vendre les produits qui ne favorisent
pas la polémique. Il s’agit de la vente des PFNL, collectés dans la forêt et dont certains
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
212
d’entre eux sont inscrits sur une liste de produits menacés d’extinction et qui doivent être
gérés durablement (annexe 2). En Avril 2011 notamment, quelques femmes qui vendaient le
Koumou (nom local) dont le nom scientifique est Gnetum ont été réprimandées par les agents
du Parc, qui leur ont demandé de ne plus le vendre parce que cela fait partie de ce que se
nourrissent des animaux qu’il faut préserver. Il en est de même pour les feuilles dans
lesquelles est mis le manioc pour en faire du manioc en bâton (dont le nom local est
Chikwague). Face à ces restrictions, les populations ont l’impression que les animaux sont
beaucoup plus privilégiés qu’elles, ce qui contribue à durcir le climat entre elles et les agents
du Parc.
b) Les bars (bar - restaurant ou bar - motel)
Ils vendent aussi bien la boisson des brasseries du Gabon que la boisson traditionnelle telle
que le vin de palme (Tutu, nom local le plus rependu) et le Musungu, vin de canne à sucre. Il y
a plusieurs bars qui sont aujourd’hui fermés, mais presque tous avaient soit un coin de
restauration au point qu’on voyait quasi partout l’inscription bar-restaurant, ou soit un coin
motel de sorte qu’on lise bar-motel. La forte présence des bars-restaurants ou bars-motels
montre bien qu’il fut un temps où il y a avait beaucoup de monde à la Lopé et par ricoché
beaucoup de clients. Cependant il n’y a plus que quelques bars qui continuent leurs activités
en dépit de la pénurie des clients. Les responsables ou gérants des bars nous ont fait savoir
que depuis que les sociétés forestiers ont fermé ou quitté Lopé, ils ne font plus de grosses
recettes parce qu’il n’y a plus assez de clients. Le manque d’activités est notamment la
principale explication à cette situation. Les bars augmentent également leurs recettes lorsque
viennent les touristes, particulièrement pendant les grandes vacances.
c) Les épiceries
Ce sont des commerces qui occupent une place importante à la Lopé parce qu’elles permettent
aux habitants de Boléko ou de la Lopé de s’approvisionner en produits non agricoles. Il est
vrai que ces épiceries n’ont pas tout, mais les habitants n’ont pas trop de choix également.
Cinq épiceries approvisionnent les habitants de la Lopé.
d) Les boutiques
On retrouve à la Lopé des boutiques dans lesquelles on vend des vêtements et accessoires, et
au moins une dans laquelle on vend des articles artisanaux. La boutique artisanale vend
quelques articles traditionnels que pourraient acheter les touristes en souvenir de la Lopé.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
213
e) Les détaillants
Les détaillants sont surtout les femmes qui vendent quelques produits agricoles ou voire
boissons à domicile. Elles vendent condiments et autres produits que peuvent solliciter la
cuisinière qui ne peut se rendre à l’épicerie ou au marché. Elles les vendent en détail pour
permettre à chaque client d’acheter selon ses moyens financiers. Toutefois, lorsque les
détaillants ne peuvent répondre à la demande exprimée par les clients, l’épicerie ou le marché
reste le seul lieu où ils peuvent s’approvisionner.
f) Les auberges
Ce sont des lieux qui offrent aux passagers (routiers et touristes) de l’hébergement dont les
prix varient en fonction du type de structure. Ainsi, à la Lopé comme structure
d’hébergement, on note un hôtel principal, des motels et des cases de passage.
L’hôtel principal
Lopé Hôtel est l’hôtel principal. Il est construit sur le site d’un ancien comptoir où se
vendaient et s’achetaient des esclaves (Angoué, 1999). Et, il y avait des villages à côté qui
favorisaient les échanges. Cet hôtel a une vue sur l’Ogooué. Suite aux problèmes
(électricité, eau) rencontrés à l’hôtel, le propriétaire a décidé de réfectionner
complètement la structure hôtelière. Pendant le temps de réfection, l’hôtel n’était pas en
fonction. Ainsi, avant la réfection, les prix des chambres variaient entre 40.000 à plus de
70.000 FCFA. Cette réfection achevée en fin 2011 a davantage favorisé l’élévation des
prix des chambres. En effet les prix actuels des chambres se situent entre 52 000 et 95 500
FCFA. Quant au petit déjeuner il varie entre 7 500 et 23 000 FCFA. Quelques images ci-
dessous illustrent Lopé hôtel.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
214
Planche 5 : Lopé hôtel
Un aperçu extérieur de l’hôtel (à gauche) et l’accueil de l’hôtel (à droite).
C’est un hôtel de luxe dans un milieu enclavé où quelques clients de prestige viennent
séjourner et même organiser des mariages ou des réunions (telle que le séminaire des
membres du gouvernement sur la bonne gouvernance en 2009). Il s’agit « Des bungalows en
bois, de différents standings et plein de charme, [permettant] à chacun de trouver une
solution adaptée à son budget » (Auzias et Labourdette, 2011 :187) – à condition bien
entendu de disposer d’un budget de base assez élevé. C’est en saisons sèches particulièrement
que l’hôtel principal et son annexe ont plus de clients parce que c’est durant cette période que
les agents du Parc brûlent la savane, ce qui permet aux touristes de voir plus facilement les
animaux.
L’accès à l’hôtel pour ceux qui n’ont pas de véhicule n’est pas aisé, d’autant que le train qui
dessert quotidiennement la Lopé arrive de nuit. Lorsque viennent les clients, ils contactent
l’hôtel pour qu’un véhicule vienne les chercher en gare. Quels que soient les horaires
auxquelles arrive le train, les clients ne peuvent aller directement eux-mêmes à l’hôtel parce
qu’il est très éloigné de la gare. Lopé hôtel travaille avec l’APN et les éco-gardes ou éco-
guides. C’est l’hôtel qui donne les véhicules pour permettre aux touristes de faire des
excursions. En effet, les touristes paient l’entrée du parc auprès du responsable du Parc, puis,
sont accompagnés par des éco-guides ou éco-gardes pour le Safari (cf. photo ci-après), la
marche à pied en forêt, ou aller au mont Brazza, etc. C’est ainsi que le Parc et l’hôtel se
partagent l’argent que donnent les clients qui vont visiter le parc. Quand on arrive à la Lopé,
on est tout de suite frappé par le luxe de cet hôtel en comparaison de la pauvreté de la localité.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
215
En effet, pour une petite localité dans laquelle les activités économique et touristique sont peu
florissantes, il est presque aberrant de voir un tel standing.
Planche 6 : Un safari à la Lopé
Un véhicule servant à faire du safari (à droite) et un troupeau de buffles observé à distance grâce au
véhicule utilisé.
Les Motels
La Lopé a deux motels que sont Mbeyi et Lopé lodge le chalet
Mbeyi Motel
Mbeyi Motel est l’annexe de Lopé hôtel. Il a été construit pour permettre aux clients qui ont
moins de finances que ceux de Lopé hôtel. Ce motel appartient au même propriétaire que
Lopé hôtel. Mbeyi n’a pas été réfectionné comme l’autre hôtel. Ce motel qui se trouve au
centre de la Lopé dispose de onze chambres dont neuf sont ventilées et coûtent 18 000 et deux
chambres climatisées coûtant 27 000 FCFA. Ces prix sont commodes pour tout touriste qui
n'a pas assez d'argent. Une restauration locale y est proposée aux clients.
Lopé Lodge le chalet
C’est un motel appartenant à un autre particulier qui offre aussi des petits prix. Le motel est
également isolé comme Lopé hôtel. Se trouvant du même côté des rails que ce dernier, c’est-
à-dire assez isolé, Lopé lodge le chalet se situe à plus de 2 kilomètres. Il se situe dans un
milieu naturel offrant des choix aux clients selon leur convenance, avec une vue vers le mont
Brazza. Ainsi, le motel donne aux clients la possibilité de camper sous des tentes (à raison de
7 000 FCFA la location), ou de prendre des chambres (dont les prix varient entre 15 000 et
20 000 FCFA. Il y a la possibilité de se restaurer dans le motel.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
216
Les cases de passage
Il existe deux cases de passages à la Lopé : la case de passage appelé Daki-Y-Ndeh et la case
de passage des Eaux et Forêts.
La case de passage Daki-Y-Ndeh «Chez papa Jules»
Elle est située au centre près des commerces (épiceries, bars, restaurants). Cette case de
passage présente des chambres sommaires au prix de 5 000 FCFA celles qui ont des
moustiquaires et 10 000 FCFA celles qui sont ventilées. Cependant les clients se partagent la
douche et les toilettes. Monsieur Jules, propriétaire de la case de passage Daki-Y-Ndeh
construit un nouveau bâtiment pour améliorer la structure qui offrirait des chambres
climatisées et d’autres chambres ventilées.
La case de passage des Eaux et Forêts
Cette case de passage existe depuis 1984. C’est la première structure hôtelière de la Lopé. La
structure a sept chambres, dont cinq petites chambres qui coûtaient 5 000 FCFA et les deux
grandes 10 000 FCFA. L’argent reçu après le passage des clients servait à répondre à certains
besoins (carburant, frais de réparation des voitures, etc.) des Eaux et Forêts en attendant que
la direction de Libreville envoie le budget. La case de passage des Eaux et Forêts ne propose
pas de restauration. Elle est constamment entretenue par deux femmes de ménages employées
respectivement pour s’occuper du parc et l’autre pour la brigade de faune.
3.2. Les services et autres activités
Comme nous l’avons vu ce sont les différents services privés ou administratifs qui donnent au
village Boléko un statut bien différent des autres villages environnants. Comme services
privés, nous avons la SETRAG, Mica services. La présence de la SETRAG à la Lopé est
d’une grande importance. Non seulement la gare de la Lopé est reconnue comme étant la gare
touristique, mais aussi la SETRAG a une cité logeant principalement ses agents, qui contribue
à donner à Boléko la physionomie de la ville. Quant à Mica services, cette société s’occupe de
l’électricité et de l’eau à la Lopé. Presque toutes les maisons68
sont éclairées et les
lampadaires alignés le long des axes principaux facilitent le déplacement nocturne surtout
68
Les sommes demandées aux familles pour la consommation de l’électricité sont en général abordables, malgré
le nombre d’appareils que peut avoir une maison. 15 000 FCFA est la somme payée par chaque famille.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
217
pour une zone où les animaux se déplacent constamment. La nuit étant leur moment favori, il
est demandé aux populations de limiter les déplacements tardifs. Outre les activités
commerciales, ces services ainsi que les activités forestières ont contribué jadis à faire le
rayonnement de la ville Lopé. Ainsi, nous nous attarderons particulièrement sur les sociétés
forestières qui d’après les témoignages que nous avons obtenus ont apporté un plus à la Lopé.
C’est pourquoi la cessation de ces activités a mis la ville dans un grand malaise. Nous ferons
également allusion au CIRMF de la Lopé.
a) Les sociétés forestières
A la Lopé, des sociétés forestières telles que Leroy Gabon, Rougier et NSG possédaient des
concessions forestières qui couvraient une grande partie de la superficie de la réserve. Leroy
Gabon et Rougier sont des sociétés d’exploitation forestière françaises. Par exemple, en 1990
Leroy Gabon devient propriétaire du lot 32 qui appartenait d’abord en 1983 à la Société
d’Okoumé de la Ngounié (SONG). Rougier quant à lui possédait le lot 31 dans la réserve de
la Lopé. Ils ont crée à la Lopé comme dans ses alentours des camps pour leurs employés
(c’est le cas du « parc à bois » à la Lopé représenté sur la photo qui suit).
Photo 1 : Le parc à bois de la Lopé
Ce parc se situe près de la gare ferroviaire de la Lopé et derrière le camp où
vivaient les travailleurs de la société forestière Le Roy Gabon. Ces grumes ont été
abandonnées par des sociétés forestières. Il n’est pas rare de trouver des grumes
brûlées et abandonnées sur les pistes forestières ou dans les camps forestiers.
Ces sociétés forestières ont permis à la population de la Lopé et celle des villages
environnants de travailler. Les sociétés forestières ont ainsi contribué à développer
l’économie de la localité non seulement à travers les salaires des travailleurs, mais aussi en
suscitant plusieurs petites activités commerciales. Cependant, l’arrêt des activités forestières
en 2000 à la Lopé, a conduit au dépérissement de l’économie, au chômage et au départ de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
218
plusieurs personnes. Car, plusieurs travailleurs ont été licenciés, des commerces ont fermé
faute de clients et beaucoup sont partis de la ville lorsque les sociétés forestières ont quitté le
Parc. Il ne s’agit pas pour nous de regretter le départ des sociétés forestières à la Lopé qui ont
été à l’origine de beaucoup de pillages comme dans l’ensemble du pays et dont les
conséquences historiques sont très négatives par exemple sur la démographie gabonaise à
travers de nombreux décès (Londres, 1929). Mais il s’agit juste de montrer comment à
contrario le départ des sociétés forestières a pesé sur économie de la Lopé.
Le départ des sociétés forestières de la réserve de la Lopé est dû aux oppositions faites par les
défenseurs de la nature (ONG nationales telles que les amis de la nature et organisations
internationales à l’instar de l’UICN). L’exploitation forestière depuis plusieurs années dans
une aire protégée comme la Lopé révélait l’exploitation anarchique de la forêt et le non
respect de l’environnement. Mais cette situation vient du fait que « depuis sa création, son
statut a changé plusieurs fois, ce qui a conduit à une situation contradictoire dans laquelle
des licences d’exploitation sont valides dans une région où toute exploitation forestière est
interdite »69
. De plus, « l’incohérence et les chevauchements de la législation font que
l’exploitation forestière est légale selon une loi mais illégale selon l’autre. Ces contradictions
juridiques, source de tension entre diverses parties, ont été résolues en juillet 2000 quand les
sociétés forestières Leroy Gabon et Rougier ont renoncé à leurs droits d’exploitation dans le
noyau dur de la réserve de la Lopé. En échange Leroy Gabon a reçu une forêt riche en
Okoumé sur le flanc est, située en dehors de la réserve »70
. Ainsi, cette victoire des
protecteurs de la nature a pour impact le renoncement de 61 000 hectares71
du lot 32 par
Leroy Gabon. De même Rougier abandonne 18 000 hectares72
du lot 31, contre des échanges.
Cette situation a permis au gouvernement de revoir sa politique d’attribution des permis qui
désormais serait en adéquation avec la politique environnementale. L’arrêt des activités
forestières a défavorisé le rayonnement économique et social de la Lopé. D’après les
témoignages, il semblerait qu’il y a près d’une décennie déjà que l’ambiance n’est plus la
même à la Lopé. Il y avait beaucoup de monde qui y vivait et beaucoup de commerces
69
http://www.forestsmonitor.org/en/reports/549968/549994#Sonae 70
Idem. 71
http://www.ips.org/fr/environnement-gabon-les-forestiers-francais-quittent-la-reserve-de-la-lope-suite-a-une-
pression-des-ong/ 72
Idem.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
219
(cafétérias en grand nombre) qu’on pouvait rencontrer. Mais tout cela n’existe plus à cause de
l’ampleur du chômage dans la localité.
b) Le CIRMF
Le CIRMF (Centre International des Recherches Médicales de Franceville) a une station
d’études des gorilles et des chimpanzés (SEGC) à la Lopé. Cette station a été crée il y a 25
ans spécifiquement pour l’étude de ces animaux par une primatologue et un botaniste. Et
depuis la station a évolué et s’est orientée vers l’étude de l’écologie tropicale en général avec
la botanique, la génétique et toujours la primatologie. La station s’est récemment recentrée sur
la santé (une sorte d’observatoire de la santé). C’est toujours l’aspect écologie tropicale qui
intéresse la station par rapport aux dynamiques forestières, suivis des surveillances de la santé
des grands singes, des différentes recherches sur les virus ou les parasites qui peuvent être
portés par les animaux. Toutes les espèces sont des réservoirs de maladies pour les hommes.
C’est pourquoi sont étudiées les interactions hommes-faunes pour voir les transmissions
possibles des maladies.
Lorsqu’un projet est validé par CIRMF, la station constitue une structure d’accueil à tous les
chercheurs. Elle reçoit les différents chercheurs et leur donne la logistique pour leurs travaux.
Avec les autres structures ou services de la ville, la station du CIRMF entretient des bons
rapports. Avec le WCS par exemple la station a une longue histoire de collaboration parce que
les anciens directeurs faisaient partie du WCS. Ainsi, la station était quasiment gérée par le
WCS jusqu’en 2006 et après le CIRMF s’est plus ou moins réintéressé à la station et s’est
remis à la gestion. Une entente cordiale existe donc avec le WSC mais ce n’est pas une grande
collaboration. Bien que la station emploie très peu de personnes, soit six (une ménagère, un
chauffeur, deux gardiens, deux assistants de terrain), il participe tout de même à réduire le
chômage avec ses quelques employés.
3.3. Les activités touristiques
La Lopé est considérée comme une ville touristique. Cependant, comme les activités
économiques, les activités touristiques sont aussi au ralenti, ainsi nous ont confié les habitants
de la Lopé. Il existe maintenant un chargé du tourisme au sein du Parc. Mais, ce sont les
agences de voyages ou de tourisme notamment de la capitale qui font la promotion du
tourisme à la Lopé. Les touristes viennent à la Lopé, soit en voiture, soit en train, d’autres
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
220
touristes fortunés prennent l’hélicoptère. Dans beaucoup de cas, les touristes contactent eux-
mêmes les associations de tourisme qui sont sur place. Mais, beaucoup reste à faire pour que
le tourisme soit développé à la Lopé en particulier et dans les autres localités en général.
C’est pour développer l’activité touristique que plusieurs associations ont été crées. Pendant la
dernière phase d’ECOFAC, des associations ont vu le jour dans le but de permettre les
populations d’entreprendre des activités dont celles qui sont touristiques73
. Cependant,
plusieurs d’entre elles n’ont pas pu se maintenir par faute de compétence (surtout dans la
gestion). Ainsi, de 2005-2008, il y a eu près de onze associations qui ont été formées à la
Lopé et dans les villages voisins. Trois associations ont été subventionnées par le programme
CARPE, le RAPAC et même le fonds français de développement. Il s’agit d’ASFRA (village
d’Ayem), Ecoutour-Lopé (Lopé) et Moghéso (village de Makoghé). Par ailleurs, beaucoup
d’associations ne sont toujours pas légales parce que le processus de légalisation est long. En
dépit des lacunes observées dans le tourisme, deux exemples ont néanmoins retenu notre
attention.
a) Ecotour-Lopé
Ecotour-Lopé est une PME ayant un statut légal. Elle n’est pas une association. Cette PME est
composée de cinq personnes. Elle travaille avec le WCS (par exemple pour faire des
impressions en cas de besoin) et a signé un partenariat avec le Parc. Lorsqu’il y a des
touristes, la PME loue une voiture du parc pour les excursions en brousse. Comme objectifs,
Ecotour-Lopé souhaiterait construire des lodges qui respecteraient l’environnement, c’est-à-
dire des constructions faites à partir des éléments de la nature. La PME envisage également
former plus de monde dans le tourisme, parce qu’elle a un volet formation. Ce sont des éco-
guides contactés le plus souvent directement par les touristes qui sont conduits pour faire des
visites culturelles dans des villages, des visites dans des sites préhistoriques et historiques. La
majorité des touristes qui viennent sont d’origine anglo-saxonne, suivis de quelques français.
73
Ce n’est pas que pour l’activité touristique que les populations ont été encouragées à créer des associations.
Mais d’autres associations comme Mambia créée en 2006, bien que le tourisme faisait aussi partie de leurs
objectifs se sont également tournées vers l’agriculture et la pêche même si ces activités n’existent presque plus.
Les difficultés auxquelles sont fréquemment confrontées les associations telles que l’absence de logistique
(véhicule) font qu’ils pensent à diversifier leurs activités. Ils associent par exemple le plus souvent la pêche à
l’agriculture. Mais celles-ci sont aussi confrontées aux mêmes difficultés (manque de motivation des adhérents,
absence de compétence dans la gestion, etc.).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
221
La PME a plusieurs formules pour vendre son produit aux touristes. Il y a par exemple la
formule forfait 1 jour qui coûte 50 000 FCFA comprenant toutes les charges (safari, entrée du
parc, location du véhicule, pique-nique, prestation, etc.). Il s’agit d’une excursion en forêt de
7h30 à 18h. Il y a aussi la formule forfait groupe de 6 personnes coûtant 290 000 FCFA.
Cependant, les nationaux et les partenaires de la PME ont un rabais afin de les encourager à
visiter le parc. Malgré les difficultés rencontrées par la PME (manque de logistique, entretien
des voies et pistes), elle envisage redynamiser le tourisme à la Lopé en restaurant le lodge de
Mikongo qui selon l’un des responsables d’Ecotour a été construit pour développer le
tourisme.
b) Mikongo vision
Mikongo vision est une association composée de quinze membres, mais actuellement il n’y a
que six qui travaillent de façon permanente. Ngonde tour, ittineris voyage sont les deux
agences avec lesquels travaille l’association Mikongo Vision. Cette association de jeunes
guides dont certains ont travaillé avec ZSL est très dynamique. Ils ont reçu l’autorisation du
Parc à utiliser le lodge de Mikongo dans lequel travaillait ZSL. En effet, ce lodge de huit
chambres dont quatre simples et quatre doubles, ne disposant plus de sanitaires permet aux
touristes de se loger. Mais lorsque le souhaitent les touristes ils peuvent rester dans des tentes
sous la surveillance des guides. Le tarif global par jour et par personne est de 107 000 FCFA
et comprend l’hébergement, le transport, l’entrée dans le parc, la restauration, les excursions
et les prestations. L’association travaille également avec certains villages (Makoghé, Mikongo
ou Ramba) qui organisent des danses traditionnelles sous la demande des touristes.
Tout comme Ecotour-Lopé, Mikongo vision louait aussi les véhicules du Parc, ce qui montre
qu’ils travaillent en partenariat et se partagent les bénéfices. Cependant en 2012, l’association
a acheté son véhicule, ce qui a entraîné le progrès de leur activité touriste. Avec cette voiture,
les guides de l’association peuvent dorénavant conduire eux-mêmes leurs touristes sur les
différents sites sans ne plus compter sur les véhicules du Parc comme autrefois. L’activité
touristique est plus importante à partir du mois de Mai, mais même en Mars déjà il y a des
touristes qui viennent. Sur le site du lodge les guides peuvent montrer aux touristes plusieurs
sortes d’animaux. En effet, «Cette partie du parc compte de nombreuses espèces comme le
picatarthe, les éléphants, les primates et des gorilles des plaines. Ils proposent des balades
pédestres en forêt avec accès à une cascade et des salines » (Auzias et Labourdette, op. cit. :
189). L’activité touristique de l’association rencontre quelques handicaps : Les agences
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
222
touristiques font mal la vulgarisation des produits qu’offre l’association. Ce qu’elles
présentent aux touristes ne cadre pas toujours avec la réalité du terrain. Dans ce cas, il est
souhaitable que les touristes posent directement leurs questions aux guides s’ils veulent
obtenir des réponses concrètes. En effet, lorsque les touristes sont mal informés, il se crée des
incompréhensions entre eux et les guides. Cela n’est pas toujours facile à gérer. À cause de
cette situation, l’association souhaiterait créer son site web afin de vendre correctement ses
produits correspondant à la réalité. De plus, ces agences retirent beaucoup de la somme que
donnent les touristes alors qu’elles ne font que la publicité des activités de l’association.
Depuis 2010 que l’association a été crée, elle n’est pas encore légalisée. L’absence de
légalisation de l’association par le Ministère de l’intérieur limite beaucoup le développement
des activités de l’association. A cause de cette situation, l’association a du mal à obtenir des
financements. Or, si elle est légalisée elle sera en règle avec les autorités. Bien que la
légalisation tarde à arriver, l’association continue d’entreprendre ses activités. Cependant, il
est bien d’avoir une autre activité rémunératrice autre que le tourisme parce que les revenus
résultant des activités touristiques ne sont pas permanents. Vu que le tourisme n’est pas
encore bien développé il est difficile de ne vivre rien que des revenus du tourisme.
Conclusion du chapitre IV
Ce chapitre a permis dans un premier de temps de montrer comment les informations ont été
recueillies et les différents acteurs interrogés sur le terrain. De plus, la description de la zone
étudiée consistait à passer en revue les différents lieux retenus ainsi que les avantages, les
inconvénients et les limites de chacun d’eux. Ces avantages et difficultés montrent le
quotidien des villageois qu’ils souhaiteraient améliorer. De même, les habitants de petites
villes comme la Lopé connaissent eux aussi des difficultés. Avec le départ des sociétés
forestières, ils sont confrontés au problème de travail et par la suite ont du mal à répondre à
leurs besoins. La Lopé est comme les autres petites villes rurales qui bénéficient de quelques
administrations mais dont la plus grande partie de la population fait l’agriculture. Cependant,
à la Lopé l’agriculture est peu pratiquée à cause de la proximité avec le Parc national qui
favorise la dévastation des cultures par les animaux sauvages. Bien que rencontrant des
problèmes, les villages restent des milieux de vie pour plusieurs gabonais. Pour les raisons
que nous expliquerons dans le chapitre suivant, les villages gabonais continuent tout de même
à exister.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
223
Chapitre V : À quoi servent les villages
gabonais ?
Le monde rural gabonais évolue depuis plusieurs décennies dans de multiples contradictions
pouvant conduire à sa « disparition ». D’abord, l’agriculture supposée être l’activité principale
des villageois n’est pas importante et ne parvient pas de ce fait à répondre aux besoins
alimentaires du pays ; d’où le fait que le Gabon dépense en moyenne 250 milliards de FCFA
par an, soit 381,12 millions d’euros, pour l’importation des denrées alimentaires. La FAO
(2013) dit que dans la sous-région, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo dépendent
beaucoup des marchés internationaux, car ils importent de fortes quantités de céréales (blé, riz
et autres produits alimentaires), contrairement au Cameroun et à la RDC qui sont globalement
autosuffisants74
. Pour cela, le gouvernement vise à long terme une autosuffisance alimentaire
en réduisant chaque année 5 % des importations des produits de base (manioc, banane,
légumes, etc.). Pourtant, comme nous l’avons dit dans la première partie, la politique
économique axée principalement sur les activités extractives ne favorise pas l’essor de
l’agriculture et paralyse ainsi le monde rural gabonais. Le choix de concentrer la main-
d’œuvre dans les villes et de recourir aux importations pour assurer l’alimentation du pays a
été fait consciemment au moment de la décolonisation, quand le Gabon a décidé de vivre de
l’extraction du pétrole.
Or, cette politique s’est mise en place sur un tissu social rural déjà largement entamé par
l’exode rural. Or, si déjà en 1956, Robequain dans son étude intitulée Citadins et ruraux du
Gabon et du Moyen-Congo déplorait déjà le dépeuplement des villages gabonais, la situation
74
http://www.fao.org/africa/central/actualites/fpxali/fr/
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
224
s’est davantage dégradée de nos jours. Dans son étude, Robequain déclarait que : « le
phénomène urbain ne saurait être compris sans l’étude des villages eux-mêmes. Ils se vident
de façon catastrophique, en particulier au Gabon. Au début de l’installation française, on
trouvait encore de gros villages Fang, comptant jusqu’à 700 ou 800 individus. Ils dépassent
rarement 100 aujourd’hui, malgré les essais administratifs de regroupement » (Robequain,
1956 : 306). Si la colonisation a favorisé le « déséquilibre tragique » des sociétés villageoises
gabonaises, ailleurs il n’en a pas été ainsi. Dans la même sous-région et dans la même
période, les Bakongo, eux par contre ont profité de la colonisation en développant leurs
activités commerciales pour en faire bénéficier leurs villages. À cet effet, « ils gardent des
attaches solides avec leur village et leur terroir, y pratiquent cultures vivrières et fruitières
pour le ravitaillement des citadins. Ils ne laissent pas fondre leurs communautés par une
émigration massive sur les chantiers ; ils restent en bonne santé démographique » (Ibid. :
307). Pour ce qui est du monde rural gabonais, la colonisation n’est pas le seul élément qui a
favorisé son déséquilibre démographique.
Dans le même sens Balandier (1950) montrait plus tôt par son étude sur les Fang que « la
société Fang apparaît déjà déséquilibrée par la traite à l’époque des voyages de Du Chaillu
(1860). Elle subira ensuite un extraordinaire brassage par l’effet des recrutements lointains
sur les chantiers forestiers (Okoumé) et, plus tard, miniers. Les villages se vident, deviennent
exsangues, tandis que se gonflent les agglomérations urbaines : Lambaréné, et surtout, sur la
côte, Libreville et Port-Gentil » (Idem). Les villages Fang sont toujours apparus comme étant
les villages gabonais les plus importants, de par leur taille et leur démographie. Si une
désorganisation est constatée à cette époque dans les villages Fang à plus forte raison dans les
villages des autres ethnies qui sont parfois plus petits. Au sein même du Gabon, les effets de
la colonisation sont vécus différemment. Bien qu’étant désorganisés à la base, les villages
Fang du Woleu-Ntem ont su profiter de l’administration française à travers la culture
cacaoyère. Les villageois sont ainsi devenus des planteurs de cacao. Cela leur a permis
d’améliorer leurs conditions de vie même si d’autres faits négatifs ont été observés : « ruinant
le régime foncier traditionnel, disloquant la grande famille, mais enrichissant l’Africain et le
fixant au sol » (Robequain, op. cit. : 307-308). Tandis que les Batéké du Gabon vivant au bas
Ogooué ont mal vécu la pénétration européenne et n’en ont pas profité. Ainsi, « l’émigration
était stoppée dans le Woleu-Ntem dont les villages vivants, aux maisons améliorées
contrastent avec le délabrement de ceux du bas Ogooué » (Ibid. : 308). Ceci montre que la
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
225
désorganisation démographique du monde rural gabonais telle que perçue ne date pas
d’aujourd’hui.
Enfin, les différentes tensions observées dans ce monde rural, que nous verrons dans la
dernière partie, ne contribuent guère au développement des milieux ruraux gabonais. En effet,
les tensions foncières, les concessions forestières et les restrictions environnementales
participent au disfonctionnement des villages. De plus, les difficultés que rencontrent les
ruraux analysés dans le chapitre précédent, telles que le problème de transport et le mauvais
réseau routier, la destruction des cultures par les animaux, l’absence des activités non
agricoles et même la carence des distractions, ne favorisent pas le maintien des villageois sur
leurs territoires.
Tout est réuni pour que les villages gabonais ne prospèrent pas. Finalement, les tendances
sont tellement défavorables à une vie dans le monde rural gabonais que c’est son maintien qui
devient un défi pour le chercheur : dans ce cas, la question n’est pas comprendre le sous-
peuplement des villages gabonais, mais de comprendre pourquoi ces villages continuent-ils
d’exister, malgré toutes les difficultés qu’ils rencontrent ? Depuis la période coloniale jusqu’à
nos jours, comment ces villages subsistent-t-ils ? Quelles fonctions remplissent-ils ? C’est à
travers l’étude de villages présents à la périphérie de parcs nationaux, où donc les tensions
sont particulièrement vives, que nous proposons d’apporter quelques éléments de réponses à
ces questions. Et afin de mieux qualifier la dynamique des villages par rapport aux bourgs
avoisinants, nous avons aussi enquêté dans une petite ville, la Lopé.
Ce chapitre s’organise en trois points. Dans le premier, il s’agit de qualifier l’exode rural à
travers les différentes migrations des populations de la zone d’étude. Pour y arriver, nous nous
focalisons tant sur leur histoire des familles que sur la localisation de leurs enfants. Le
deuxième point montre la conséquence négative de l’exode rural sur la production agricole.
Nous analysons l’agriculture dans ces villages et leurs rendements, ainsi que leurs impacts
dans la consommation locale et nationale. Enfin, le dernier point montrera l’attachement
culturel des populations envers leurs milieux ruraux qui favorise également leurs
déplacements vers les villages - ce qui est sans doute une des clefs du maintien de ces
villages.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
226
1. Exode rural et structure de la population des villages
Qualifier les villages gabonais passe en premier lieu par une qualification de sa population,
tant en termes démographiques que sociaux. Afin de qualifier ces dynamiques, nous avons
utilisé une technique d’enquête fondée sur la démographie rétrospective (Courgeau et
Lelièvre, 1989). Cette technique consiste à interroger les informateurs non seulement sur leur
situation présente, mais aussi sur leur situation passée : nous obtenons ainsi des données,
année après année, sur la situation démographique de l’informateur, mais aussi sa situation
professionnelle et sa localisation géographique. Cela permet de suivre les dynamiques des
personnes que nous rencontrons, et de comprendre comment s’est construite la situation que
nous rencontrons le jour de l’enquête. Cela est particulièrement intéressant en ce qui concerne
l’exode rural. En effet, cela permet de comprendre si les informateurs ont toujours été
présents dans la zone d’étude, quels emplois ils ont occupé, etc.
Pour notre étude, nous partirons du constat établi en 1999 par Angoué (1999) qui décrit alors
la zone de la Lopé comme connaissant une situation de crise démographique et structurelle :
« les villages de la Réserve de la Lopé sont comparables à des hospices de vieillards,
encadrés par des adolescents » (Angoué, op. cit. : 34). Mais afin de mieux mettre en
perspective cet aspect, commençons par présenter l'arrière-plan ethnique de la zone étudiée à
travers quelques faits historiques.
1.1. Bref aperçu historique des villages étudiés
Les villages étudiés se fondent dans l’histoire commune de la province de l’Ogooué-Ivindo.
Plusieurs groupes ethnolinguistiques ont progressivement peuplé cette province. Comme
l’ensemble des autres provinces du Gabon, les peuples se sont installés suivant plusieurs
migrations dues essentiellement aux guerres ou à la poursuite d’un espace vital meilleur.
Sur un socle de population présent depuis l’âge de la pierre (Ratanga-Atoz, 1985) se sont
rajoutés, dans les derniers siècles, des peuples venus au gré de plusieurs mouvements
migratoires. Plusieurs raisons expliquent les migrations des peuples du Gabon, notamment
dans la région de la vallée moyenne de l’Ogooué où se situent les villages étudiés. Il s’agit,
selon Angoué (op. cit.) :
- Du développement du commerce d’esclaves pratiqué sur la côte ouest par les
Portugais au XVe siècle (Méyo-Bibang, 1975 : 28 ; Gaulme, 1999),
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
227
- Des conséquences qu’entraîna l’occupation allemande de 1870 à 191675
,
- De l’organisation administrative coloniale dans laquelle le travail forcé et l’impôt
étaient sollicités.
Les cours d’eau ont notamment favorisé le déplacement des populations. Ainsi, l’Offoué et
l’Ogooué dans le massif central, la Mvoung, l’Ivindo au nord-est ont permis aux populations
de se déplacer. C’est à partir de ces cours d’eau que les subdivisions départementales portant
leurs noms ont été faites. La province compte alors quatre départements : Mvoung, Ivindo,
Lopé et Beleme. Comme on peut le lire chez Angoué (op. cit. : 202) « l’Offoué et l’Ogooué
furent des voies de communications empruntées par les habitants de la région durant des
siècles, jusqu’à ce que la route nationale 3 et le chemin de fer soient construits (de 1967 à
1974 pour la route, de 1976 à 1983 pour le rail – jusqu’à Booué) ». De même, c’est
également dans l’une des parties des zones étudiées, c’est-à-dire dans le Parc de la Lopé que
de remarquables découvertes marquant l’ère des recherches archéologiques du Gabon furent
faites. Ainsi, « la découverte des plus vieilles traces de pierres taillées en Afrique centrale
forestière sur la terrasse du fleuve Ogooué perchée à 175 mètres à Elarméroka et estimées à
environ 350.000/400.000 ans" (Oslisly et Peyrot, 2008) » montre que l’homme a
anciennement vécu dans cette zone du Gabon. De plus, les structures très anciennes marquant
l’âge du fer datant de 400 ans avant Jésus- Christ, ou le merveilleux art rupestre découvert en
1987, montrant plus de 1 500 gravures, fait de la Lopé la zone archéologique du Gabon la plus
remarquable. Ces traces très anciennes sont en effet importantes pour comprendre les relations
que l’homme a eues avec son milieu naturel depuis les siècles.
Bien qu’il existe une problématique sur la classification des groupes ethniques au Gabon, on
peut tout de même se référer aux groupes ethniques par rapport aux régions du Gabon. Ainsi,
les groupes centraux du massif central et les groupes du Nord-Est intéressent parce qu’ils se
trouvent dans la zone étudiée. D’après l’étude de Ratanga-Atoz (op.cit.), plusieurs peuples se
rencontrèrent dans le massif central. Certains sont restés et d’autres ont migré ailleurs. De ces
groupes habitant actuellement dans la région on rencontre les Tsogo, les Pindji, les Eshira et
les Massango. Concernant particulièrement la zone d’étude, on retiendra la différence entre
75
La France reprit ses territoires africains qu’elle céda aux Allemands en 1871 et en 1911, c’est-à-dire Minvoul,
Bitam pour ce qui est du Gabon (Kwenzi Mikala 1997 : 28 ; Birmingham et al. 1994 : 14).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
228
les Okandé, les Simba, les Pové. En effet, « les Okandé, localisés entre Booué et les portes de
l’Okandé, et les Shimba du haut Ikoye et de la Ngounié sont ethnologiquement et
linguistiquement apparentés » (Ibid. : 6). De même, la moyenne vallée de l’Ogooué dans
laquelle se situe la ville de la Lopé et ses villages périphériques « a constitué un pôle
important de l’histoire du bassin du Congo, tant lors du commerce des esclaves sur la côte
qu’au moment des explorations vers le centre du bassin congolais» (Angoué, op.cit. : 199).
Ces événements ont ainsi été à l’origine de l’implantation des peuples dans cette région du
Gabon.
Le deuxième ensemble ethnique qui concerne la zone étudiée est constitué par les groupes du
nord-est. « Ce courant migratoire fort puissant, de direction Nord-Sud, est représenté
essentiellement par les Kota et leurs proches parents, les Mahongwé, auxquels on peut
associer les parents Kélé, les Shanayé et les Shake-Dambono» (Ratanga-Atoz, op. cit. : 8). Ce
groupement est actuellement localisé en rive gauche de l’Ivindo. La migration de ce groupe
s’est faite en deux phases dans la région. En effet, la première migration s’est faite avant le
XVIIIe siècle et la seconde par la suite. C’est également autour de ce même siècle ou peut-être
même au XVIIe siècle que le groupe Kota a rencontré d’autres ethnies mobiles qui étaient aussi
à la recherche d’un espace vital. Il s’agissait des Yangéré, les Baya, les Bakwélé, les Osyeba
et les Fang. Beaucoup d’entre elles ont émigrés ailleurs mais d’autres comme les Fang sont
restés sur le territoire. C’est ce qui fait dire à Kwenzi Mikala (1997 : 25) que « les Gabonais
n’ont atteint leur emplacement actuel que dans un passé relativement récent – le XIVe et la fin
du XIXe siècle ». Or, « avant et au cours de cette période, ils s’installaient temporairement à
l’intérieur des forêts et à proximité des principaux cours d’eau, qu’ils empruntaient dans
leurs déplacements » (Angoué, op. cit. : 203). Leurs nombreux déplacements ont ainsi
entraîné un type d’habitat simple appelé à disparaître, puisque les peuples étaient nomades
avant de se sédentariser.
1.2. La diminution de la population rurale gabonaise
Dans la première partie nous avons plusieurs fois souligné le dépeuplement des zones rurales
d’après les analyses souvent faites. Ce point nous permet ainsi de montrer que l’exode rural
gabonais est un phénomène qui s’est enclenché depuis l’Indépendance. Pour le démontrer
nous faisons d’abord une analyse globale à l’échelle du pays à travers le graphique ci-après,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
229
puis dans les points que nous traitons par la suite, nous analyserons l’exode rural dans la zone
de notre étude.
Graphique 4: Population totale et part de la population urbaine au Gabon (1960-2011)
Source : Banque Mondiale
D’après la Banque Mondiale, en 1960 le taux de la population vivant en ville était de 17,4 %
et la population totale était de 485 732 habitants. Cela veut dire que la popualtion rurale était
très importante (soit 82,6 %) et représentait 401 215 habitants. Le Gabon étant presque rural à
ce moment ne connaissait pratiquement pas de difficulté d’approvisionnement en produits
vivriers. La population rurale importante parvenait à répondre aux besoins de toute la
population. De telle sorte que, grâce à la production chaque Gabonais consommait en
moyenne 220 kg/hab./an de manioc en 1960 contre 75 kg/hab./an76
en 2002 (FAO et NEPAD,
2005). Il est vrai qu’il a été souvent dit que le Gabon était presque autosuffisamment en 1960
76
Mais il faut aussi dire que cette baisse de la consommation est due d’une part à la sous-production du manioc
et d’autre part à la diversité alimentaire constatée surtout en milieu urbain.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
230
(Zomo Yebe, 1993), mais même à cette époque on pouvait déjà percevoir une crise
alimentaire. En effet, « en 1960, le Gabon importait pour 941 millions de FCFA de produits
alimentaires et de boissons pour satisfaire la consommation des « expatriés » et combler le
déficit de la production locale au profit de la population urbaine et des chantiers » (François,
1991 : 111). La mobilité des personnes vers la côte et vers les chantiers due au recrutement
excessif de main-d’œuvre va commencer à fragiliser la population rurale et la production
agricole. Ainsi, « à partir de l’enquête agricole de 1961, on a estimé la production agricole à
165 000 tonnes de manioc, 79 000 tonnes de banane, 27 000 tonnes d’igname et 17 tonnes de
taro. Cette production représente grosso un bâton de manioc et une banane plantain par
habitant et par jour […] » ( Idem). Les surfaces agricoles ne représentaient qu’environ 0,30 %
du territoire et moins d’un hectare par agriculteur en 1960 (François, 1991).
On remarque également à travers ce graphique que la population urbaine n’a pas cessé de
s’accroître pour atteindre 1 321 766,71 habitants en 2011, soit 86,15 % de la population totale.
Elle a été multipliée par quinze en 51 ans. La popualtion rurale a ainsi connu une regression
sans précédent. En 2011, la population rurale gabonaise ne représente plus que 13,85 % de la
population totale, et sa population s’évalue à 212 495 habitants. Il est évident que cette
popualtion ne peut produire pour nourrir les urbains, en plus si on considère que les enfants et
les vieillards font aussi partie de cette population rurale, le nombre des actifs agricoles est par
conséquent insignifiant. C’est pour cette raison que le gouvernement importe fortement les
denrées amimentaires (250 milliards de FCFA/an). C’est la mobilité de la population qui s’est
davantage accrue occasionnant un fort taux d’exode rural comme nous venons de le voir qui
par la suite entraîna une crise alimentaire. En effet, on peut lier la diminution de la population
rurale (agricole) entraînant un déséquilibre démographique rurale au déséquilibre alimentaire
résultant de la sous-production agricole.
1.3. Les migrations des populations de la zone étudiée : une agonie
démographique ?
« La migration n’est pas, simple déplacement d’individus dans l’espace, ni simple
déplacement de main-d’œuvre fuyant une situation de crise ou répondant à l’appel de la ville.
Elle est aussi fait social, d’une richesse infinie, qui ne peut être pleinement appréhendé que
replacé dans le contexte vécu par le migrant » (Franqueville, 1984: 7). L’étude de
démographie rétrospective que nous avons menée permet de faire ressortir, avec certaines
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
231
limites, le contexte dans lequel ont opéré les migrations. Après avoir qualifié ces histoires,
nous mettrons en perspective l’histoire des personnes par une caractérisation de la situation de
leurs enfants.
1.3.1. L'histoire des personnes - migrations
Les pyramides des âges constituent un outil classique et pertinent de caractérisation des
populations. C’est au travers de nos enquêtes de terrains sur les populations résidentes,
l’année de l’enquête, dans les villages étudiés et à la Lopé que nous avons pu faire cette
pyramide. Robequain (op. cit. : 306) s’est servi de telles pyramides pour qualifier ce qu’il
qualifie d’agonie démographique : « l’étude des pyramides d’âges précise pour beaucoup
d’entre eux la menace d’une extinction plus ou moins prochaine. Ainsi, dans le district de
Franceville, le nombre de femmes entre 15 et 45 ans est le double de celui des hommes ; on
compte seulement 75 enfants vivants pour cent femmes adultes, alors qu’il en faudrait au
moins 130 pour assurer la progression ; le taux annuel de mortalité est le double du taux de
natalité : tableau d’une agonie démographique ». Par agonie démographique, Robequain
entend la fin de villages, qui meurent peu à peu par une disparition des forces qui peuvent en
assurer la vitalité.
Graphique 5: Pyramide des habitants de la zone d'étude en 2011 (villages et la Lopé)
-14-9-41611
-20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20
1
6
11
16
21
26
31
36
41
46
51
56
61
66
71
76
Nombre de personnes
Ag
e
Femmes
Hommes
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
232
Or, notre pyramide ne montre pas le même phénomène que celui qualifié par Roquebain. La
pyramide des âges a une structure très inhabituelle, avec trois éléments que nous tenons à
signaler :
Tout d’abord, on n’observe pas de déséquilibre homme / femme aussi net que le
montre Roquebain,
Ensuite, on constate qu’il y a un véritable trou démographique entre 20 et 40 ans :
autant les enfants sont nombreux dans la zone d’étude, autant la génération d’après est
quasiment absente.
Ensuite, pour ce qui concerne les tranches d’âges plus âgées, celles-ci sont aussi
importantes que les 20-40 ans alors que l’on peut s’attendre à une réduction
progressive due à la mortalité. C’est le signe qu’il y a proportionnellement plus de
personnes de cet âge qu’attendu.
On peut décrire trois groupes d’âges dans la pyramide étudiée :
1. Le premier groupe est composé des personnes âgées de 50 ans et plus. Il s’agit des
hommes et des femmes qui organisent la société villageoise et urbaine. Ce sont eux en
effet qui sont considérés comme les aînés. Dans les villages, ils accèdent à tous les
titres que ne peuvent avoir les plus jeunes: initiateurs, conseillers, guérisseurs,
gardiens du pouvoir et de la connaissance, médiateurs entre le monde réel et irréel, etc.
Ils sont une pièce essentielle des villages. Une autre observation importante faite sur
les 50 ans et plus est que très peu atteignent plus de 60 ans, parce qu’en 2011
l’espérance de vie au Gabon est de 62 ans contre 39 ans en 1960 ; soit une moyenne de
54 ans. Mais par rapport à la période 1960-211 il existe des différences chez les
hommes et chez les femmes.
2. Le deuxième groupe constitué des personnes âgées de 20 à 50 ans représente 23,67 %
des personnes enquêtées. Pour une localité, ce groupe d’âge est celui de la tranche
d'âges des actifs par la main-d’œuvre forte et abondante représentée et par la
procréation qu'elle assure. Ce groupe est de loin le plus sous représenté.
3. Le groupe des moins de vingt ans est par contre plus nombreux, constituant une base
ferme dans la pyramide des âges. Dans les villages comme dans les villes, les enfants
sont élevés par leurs parents ou grands-parents. Ils restent particulièrement longtemps
dans les villages pendant leur scolarité si leurs écoles primaires le leur permettent,
sinon ils sont obligés de changer de localité pour continuer leurs études. « Cependant,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
233
une fois âgés de 16-18 ans ou même à l’âge adulte, les jeunes quittent l’environnement
villageois; celui-ci n'offre en effet plus de structures d'intégration et restreint par là
même les possibilités d'émancipation et d'accès au monde moderne » (Angoué, op. cit.
: 31). Beaucoup d’entre eux quittent les villages pour des raisons d'aventure, à la
recherche de la modernité, ou éprouvent la nécessité de se constituer un capital. Il
arrive aussi mais très rarement que quelques enfants partent des villes pour se faire
scolariser au village.
Toute la question est de savoir si la forme de cette pyramide est structurelle ou
conjoncturelle :
Par conjoncturelle, nous entendons qu’il y a un exode rural massif qui se met en place
après 20 ans, avec des jeunes qui seraient peu tentés de revenir habiter dans les
villages par la suite.
Par structurelle, nous entendons que dans le fonctionnement de la société villageoise,
les individus de certaines tranches d’âges (ici, les 20-60 ans) partent travailler en ville
avant de revenir dans le monde rural pour leur vieillesse et d’y faire élever leurs
enfants.
Cette différence est essentielle pour savoir si l’on peut qualifier la situation du rural gabonais
d’agonie démographique. Si la forme est conjoncturelle, alors oui on observe bien un
processus de disparition de classes d’âges essentielles à la vie des villages. Si la forme est
structurelle par contre, alors on trouvera dans le fonctionnement de la société rurale gabonaise
actuelle la clef de l’explication de cette situation. Le fait que la situation décrite aujourd’hui
soit la même que celle décrite il y a soixante ans par Robequain pourrait nous inciter à
conclure qu’il y a là un fonctionnement structurel du monde rural ; cependant, la quantité de
personnes concernées à l’époque de Robequain était plus importante qu’aujourd’hui, et la
disparition des villages annoncée a bien eu lieu. La vérité se trouve certainement dans un
compromis entre ces deux visions : ces pyramides relèveraient à la fois du fonctionnement de
la société et d’un exode rural de long terme.
Pour pouvoir apporter des pierres à cette analyse, il est important de connaître l’histoire des
personnes que nous avons rencontrées. La question est de savoir si elles sont tout le temps
restées au village, ou si elles sont parties à un moment en ville et revenues ensuite. Cela nous
permet de faire l’hypothèse suivante: si ces personnes sont revenues après un moment en
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
234
ville, c’est que le village est un lieu pour passer sa retraite ; si ces personnes sont tout le
temps restées au village, c’est que ces personnes sont les derniers représentants des villages
appelés à disparaître.
Pour vérifier cette hypothèse, nous avons créé trois cohortes d’informateurs selon leurs âges.
Précisons que ces cohortes sont composées uniquement d’informateurs, et pas, comme dans la
pyramide, de personnes sur lesquelles nous avons obtenues, par le biais des informateurs, des
données.
Cohorte 1 : 50 ans et plus
Cohorte 2 : de 30 à 50 ans
Cohorte 3 : Moins de 30 ans
On s’attachera en outre à distinguer les populations vivant dans le monde rural des
populations vivant à la Lopé. Le tableau suivant représente le nombre d’informateurs par lieu
de vie et par cohorte :
Tableau 11 : Lieu de vie des individus des différentes cohortes
Cohortes
Localisation 50 ans et
plus 30-50 ans
Moins de
30 ans Total
Rural 35 30 8 73
Urbain 11 41 19 71
Total 46 71 27 144
73 personnes de tous les âges sur 144 vivent dans les villages contre 71 à la Lopé. Les plus
petits effectifs sont observés dans les cohortes de moins de 30 ans pour les milieux ruraux et
pour les 50 ans et plus pour le milieu urbain. Le fait qu'il n'y ait que 5,56 % de chefs de
familles de moins de 30 ans habitant dans les villages traduit le schéma souvent rencontré,
c’est-à-dire l’absence des personnes de cette tranche d'âges dans les villages, comme on l’a
fait remarqué plus haut. En milieu urbain par contre, les 50 ans et plus ne représentent que
7,64 %.
À travers les cohortes définies, nous montrons l’histoire des personnes en s’appuyant sur les
migrations et les lieux de vie pour vérifier notre hypothèse sur la nature de l’exode rural dans
les villages étudiés.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
235
1.3.1.1. Nombre de migrations
Si on regarde en termes de nombre de migrations, on constate que les populations des villages
migrent assez peu et ont des comportements peu différenciés. En moyenne, une personne
change de résidence une à deux fois au cours sa vie. Mais on fera une exception pour les 30-
50 ans vivant en ville : cette catégorie de population a plus bougé que les autres, avec un taux
deux fois supérieur aux autres. Il n’y a pas de différence significative pour les femmes.
Tableau 12: Nombre moyens de migrations
Âges Rural Urbain Total
50 ans et plus 1,5 2,8 1,8
30-50 ans 1,2 1,3 1,2
Moins de 30 ans 0,6 1,1 1,0
Total 1,3 1,5 1,4
Ce tableau permet de dire que :
Le fait que les urbains les plus âgés aient le plus bougé peut signifier qu’il y a eu
un fort exode rural. À la Lopé, cela peut se justifier par la comparaison que nous
avons faite avec la population de cette même tranche d’âges recensée par Angoué
dans les villages. Cela veut dire qu’en 1997 beaucoup étaient encore dans leurs
villages respectifs et qu'en 2011 ils vivent désormais à la Lopé.
Le fait qu’il n’y a pas de différence sensible entre les migrations des ruraux et des
urbains de la génération intermédiaire signifie qu'il y a des comportements
similaires. Les populations des villages comme celles de la Lopé qui ont 30-50 ans
se déplacent de la même façon. Seule une partie d’entre eux semble finalement
avoir eu une expérience migratoire hors de leur lieu de résidence actuel. En effet,
une telle expérience implique deux migrations par individu (départ et retour sur
lieu). Or le fait que l’on ait un chiffre intermédiaire (1,2 à 1,4) indique que peu de
monde a connu ces deux migrations.
Les chiffres de migrations pour les moins de 30 ans ruraux, et les distinctions
ruraux / urbains, indiquent que nombre de ruraux sont nés et restés dans le monde
rural ; alors que les urbains, eux, ont déjà connu un épisode migratoire On peut
justifier le fait que certains n’ont pas migré par la présence non négligeable des
« enfants naturels » qui, d'après (Angoué, op. cit. : 258), sont dans les villages qui
ont généralement leurs parents (mère surtout) en ville. Il s’agit souvent des enfants
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
236
dont les géniteurs sont inconnus et qui sont élevés par leurs grands-parents aux
villages à l'absence de leurs mères restées en ville. À ceux-là s’ajoutent
« plusieurs filles-mères (âgées de 16 à 18 ans à la naissance du premier enfant) et
donc des enfants des pères différents » (Idem) qui séjournent également au village.
1.3.1.2. Lieux de vie
L’analyse sur les lieux de vie conduit à suivre les itinéraires des chefs de famille interrogés;
cela permet de s'interroger sur le temps moyen qu’ils ont passé dans le monde rural selon leur
âge et leur localisation.
Tableau 13 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par cohorte
Localisation actuelle
Âge Rural Urbain Total
50 ans et plus 77 50 70
30-49 ans 71 15 38
Moins de 30 ans 58 22 33
Total 72 22 48
Lorsqu’on s’intéresse aux itinéraires des chefs de familles, on s'aperçoit qu'il n'existe pas une
différence significative entre les déplacements des hommes et ceux des femmes. Par contre,
70 personnes âgées de 50 ans et plus qui sont les plus représentatifs dans ce tableau ont passé
77 % de leur temps dans le monde rural que dans les milieux urbains (50 %). Pour des raisons
de santé, rapprochement familial, recherche des meilleures conditions de vie, etc. ces
personnes ont séjournées en ville, puis sont revenues au village où elles passent plus de temps.
En terme de mouvements, ce sont elles qui se sont plus déplacées, suivis des personnes de la
cohorte 2, qui elles aussi ont passé plus de temps en milieu rural (71 %) qu'en milieu urbain
(15 %) où elles n'étaient en réalité que de passage. On peut tirer différents enseignements de
ce tableau.
1. Pour les urbains
a. Les urbains d’aujourd’hui ont vécu en moyenne 78 % de leur temps en ville. Cela
signifie qu’il y a dans ces villes assez peu de personnes qui ont vécu un exode
rural
b. Par contre, on constate que les personnes les plus âgées parmi les urbains
d’aujourd’hui ont vécu plus de la moitié de leur temps de vie en monde rural : cela
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
237
signifie que pour cette génération des plus de 50 ans, il y a eu en effet un fort
exode rural. La moitié des vieux vivant en ville ont vécu plus de la moitié de leur
temps dans le monde rural.
c. Les autres générations se comportent différemment. La jeune génération d’urbains
a passé un temps plus important dans le monde rural (22 %), alors que la
génération intermédiaire seulement 15 %. Cela signifie sans doute qu’une partie
d’entre eux ont été éduqués dans le monde rural, puis qu’ils sont venus en ville.
C’est sans doute le phénomène qui explique le fait qu’on observe de nombreux
jeunes dans le rural.
2. Pour ce qui est des ruraux, on constate qu’il y a aussi eu un exode urbain.
a. Il s’agit des personnes les plus âgées. En moyenne, les informateurs les plus âgés
ont vécu un quart de leur temps en ville. Cela veut dire qu’il y a eu un exode
urbain. En fait, on constate que la moitié des individus (ruraux de plus de 50 ans)
n’ont jamais quitté le monde rural (18 sur 35), et l’autre moitié y a moins vécu.
Cela veut dire qu’on a deux types de populations rurales : des gens qui ont passé
une partie de leur temps en ville, et ceux qui n’y ont jamais été. Le graphique ci-
dessous permet de mieux observer le phénomène.
Graphique 6 : Pourcentage du temps de vie passé en ville des ruraux de plus de 50 ans
b. La génération intermédiaire est dans la même situation. De même les moins de 30
ans ont vécu une partie importante de leur temps dans le monde rural. On peut
aussi se permettre d'observer le temps passé dans les villages par les hommes et
les femmes.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
238
Tableau 14 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par sexe
Localisation actuelle
Sexe Rural Urbain Total
F 75,1 22,3 45,6
M 70,5 22,0 48,1
Total 72,3 22,1 47,6
Les femmes ont passé plus de temps au village (75,1 %) qu’en ville (22,3 %) par rapport aux
hommes. Mais, il n’en demeure pas moins que tous (hommes et femmes) aient passés plus de
temps au village qu'en ville. La fréquence supérieure des femmes dans les villages peut se
justifier par le mariage et par le fait que lorsqu'elles n'ont pas de qualification, elles préfèrent
rester au village où elles entreprennent 90 % des activités agricoles, par rapport aux hommes.
Globalement donc, ces analyses confirment l’hypothèse que nous avons émise ci-dessus quant
à la forme des pyramides des âges : il paraît y avoir une partie de la population qui reste
stabilisée dans le monde rural, une partie qui connaît un épisode migratoire en ville avant un
retour vers le rural, et une partie d’exode rural pur et simple. Les pyramides sont le reflet de
ces dynamiques avec, en plus, une forte présence des enfants dans les villages pour y être
élevés. Ce n’est pas à proprement parler à une agonie du monde rural que l’on assiste, mais
plutôt à une dynamique de lente disparition : une partie de la population passe du rural à
l’urbain puis au rural, mais une partie semble connaître aussi un exode rural définitif. La
localisation des enfants peut nous permettre de préciser ce phénomène.
1.3.2. La localisation des enfants
Les localisations des enfants sont un facteur important de qualification de l’exode rural. Ils
sont en outre importants pour une localité. Au village par exemple, les enfants jouent un rôle
important. Ils représentent un capital précieux dans la tradition africaine (Guillot, 1973 et
Gourou, 1969). Les enfants aident leurs parents dans les travaux champêtres. Déjà à partir de
six ans, les enfants peuvent aider leurs parents ou grands-parents, au champ, à la chasse, à la
pêche. La contribution des enfants aux différentes tâches est fonction de leur âge et de leur
sexe. Les filles par exemple, en dehors des tâches ménagères qu’elles entreprennent, sont
formées au fur et à mesure aux travaux de femmes dans les champs. Les garçons quant à eux
sont formés pour entreprendre les tâches réservées aux hommes. Ci-après est présenté
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
239
l’ensemble des enfants dont les informations ont été données par l’ensemble des chefs de
famille.
Tableau 15: Les enfants de la zone étudiée
0-14 15-24 25-40 40 et + Total
Lopé 125 46 23 1 196
Villages 142 52 44 16 254
Total 267 98 67 17 450
Sur les 450 enfants dont les informations ont été données par les 144 chefs de famille, ce sont
les enfants âgés de 0-14 ans qui sont les plus représentés. C’est pour cela que la pyramide des
âges que nous avons montrée plus haut est assez élargie à la base. Mais à partir de 15 ans on
remarque à travers ce tableau que l’effectif des enfants diminue davantage de façon générale.
À 40 ans et plus, plus presque personne à Lopé et dans les villages l’effectif des enfants est
divisé par neuf. À travers les différents graphiques nous montrerons comment se manifeste le
phénomène de migrations des enfants dans les différentes localités (urbaine et rurale). Pour
analyser la localisation actuelle des enfants de la zone étudiée, nous nous focalisons sur deux
points : les lieux d’habitations des parents et les lieux de travail.
1.3.2.1. Les migrations des enfants de la zone étudiée
Nous pouvons représenter la localisation des enfants en fonction du lieu de résidence de leurs
parents (tableau suivant).
Tableau 16 : Les migrations des enfants
Rural Urbain
Autre
urbain Libreville Total
0-14 121 104 18 24 267
15-24 22 27 13 36 98
25-40 16 11 7 33 67
+ 40 4 3 4 6 17
Total 163 145 42 100 450
À la suite de ce tableau, nous montrons à travers trois graphiques les différentes migrations
des enfants selon les différents milieux d’études retenus et par sexe.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
240
a) Les migrations des enfants de la Lopé
Graphique 7 : Les migrations des enfants de la Lopé
Ce graphique montre les proportions des migrations des enfants des chefs de famille de la
Lopé par tranches d’âges.
b) Les migrations des enfants des villages
Graphique 8: Les migrations des enfants villageois
Les localités les plus sollicitées par les enfants des chefs de famille villageois sont d’abord les
villages dans lequels beaucoup sont nés et y demeurent encore à cause de leurs parents.
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
0-14 15-24 25-40 + 40
Rural
Urbain
Autre urbain
Libreville
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
0-14 15-24 25-40 + 40
Rural
Urbain
Autre urbain
Libreville
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
241
De ces graphiques, on peut faire les observations suivantes :
- La différence entre les graphiques des migrations des enfants de la Lopé et ceux du
monde rural pour les moins de 14 ans montre qu’à cet âge, nombreux sont ceux qui
demeurent dans leurs lieux de naissance : 76 % des enfants de la Lopé sont à la Lopé,
85% des ruraux dans le rual. Il y a un petit pourcentage qui s’est éloigné. Pour le rural,
le bon équipement en école primaire des villages est un facteur essentiel de
stabilisation des jeunes.
- Sur 98 enfants de 15-24 ans, plus d’enfants vivent en milieu urbain proche (27) et à
Libreville (36). À partir de cette tranche d’âges comme on l’a vu dans la pyramide des
âges les déplacements des villageois vers les zones urbaines commencent à
s’accélérer. Comme on l’a déjà dit, ces jeunes quittent leurs lieux de naissance, soit
pour continuer leurs études, soit pour des raisons économiques, soit tout simplement
par attrait pour la ville.
- Sur 67 enfants qui ont 25-40 ans, le plus grand nombre qui s’est déplacé vit
actuellement à Libreville ou dans une autre grande ville. Ce chiffre montre clairement
une tendance à l’exode rural, que ce soit au départ des villages ou au départ de la
Lopé.
- De même, sur 17 enfants âgés de 40 ans et plus, il n’y a que 4 qui vivent au village et
6 à Libreville.
On remarque au fur et à mesure qu’on évolue en tranche d’âges, le nombre d’enfants vivant
principalement dans les villages diminue davantage. Les deux dernières tranches d’âges
maintiennent une population dans les villages par la main-d’œuvre qu’elles représentent, mais
elles ne restent pas par la suite. Tous migrent en général vers les grandes villes du pays, en
particulier vers Libreville. Cela justifie le dépeuplement des villages en faveur des villes telles
que Libreville ; constat déjà fait dans les années 1960 (Franqueville, 1984 ; François, 1991 ;
Pourtier, 1989 ; Sautter, 1966). On peut aussi observer cette situation par milieu.
Par ailleurs, Les enfants qui sont nés en milieu urbain comme à la Lopé ne vont presque pas
vivre dans les villages, excepté les enfants âgés de 25-40 ans (9 %). Il s’agit des personnes qui
n’excerçant aucune activité en milieu urbain ont décidé d’aller vivre dans les villages de leurs
parents. Cependant beaucoup d’entre eux préfèrent vivre dans les zones urbaines proches des
zones urbaines où ils sont nés. Ce sont les enfants âgés de 40 ans et plus qui migrent plus vers
ces zones. Il s’agit des villes de la province de l’Ogooué-Ivindo (Makokou, Ovan, Booué,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
242
Mékambo). On le verra sur la carte des migrations. Libreville est l’autre localité importante
où vont vivre les enfants des chefs de famille vivant à la Lopé. Et, ce sont les enfants de 15-24
(50 %) et 25-40 (48 %) qui ont le plus migré à Libreville.
De leur côté, les localités les plus sollicitées par les enfants des chefs de famille villageois
sont d’abord les villages dans lequelles beaucoup sont nés et y demeurent encore à cause de
leurs parents (par exemple les 0-14 ans qui sont les plus représentatifs avec 85 %) et
Libreville où les 25-40 ans sont plus nombreux avec 50 %. On peut aussi observer les
migrations par sexe.
c) Les migrations par sexe
Graphique 9: Les migrations par sexe
En termes de distinction de genre, il y a une légère différence entre les migrations des femmes
et des hommes. Les femmes sont de manière générale plus présentes dans le monde rural, et
moins dans les villes proches. Mais statistiquement, les différences ne sont pas significatives.
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
Rural Urbain Autre urbain Libreville
Féminin
Masculin
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
243
1.3.2.2. Les professions des enfants
On peut maintenant s’intéresser à la situation professionnelle des enfants. Nous avons pour
cela réalisé le même tableau que précédemment.
Tableau 17 : Les professions des enfants
Etudes
Agri.
pêcheurs Bricole
Petit
employés
Prof
inter. ou
sup chômeurs
Total
(hors
NSP)
NSP
(pour
info) Total
0-14 100% 0% 0% 0% 0% 0% 195 76 271
15-24 86% 2% 3% 3% 0% 6% 98 98
25-40 19% 12% 17% 13% 6% 33% 69 2 71
+ 40 0% 12% 6% 29% 18% 35% 17 17
Total 77% 3% 4% 4% 2% 9% 380 79 459
Ce tableau montre la réparition des professions exercées par les enfants de nos informateurs.
Comme précédemment, nous avons fait une distinction pour les lieux de vie des enfants des
informateurs à travers les graphiques suivants.
a) Les professions des enfants des chefs de famille de la Lopé
Graphique 10 : Les professions des enfants de la Lopé
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
0-14 15-24 25-40 + 40
Etudes
agri.pêcheurs
bricoles
Petits employés
Profession inter. ou sup.
Chômeurs
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
244
b) Les professions des enfants des chefs de familles villageois
Graphique 11 : Les professions des enfants villageois
D’après ces deux graphiques nous pouvons y constater les élémens suivants :
- Bien évidemment, les enfants les plus jeunes sont tous en train de faire des études,
indifféremment du lieu de vie de leurs parents.
- Les deux activités les plus représentées sont les petits employés et les bricoles. Les
petits employés sont surtout les enfants de 40 ans et plus (29 %), ceux qui font les
bricoles, surtout les 25-40 ans (17 %) résidant dans les milieux urbains en particulier
parce qu’ils peuvent y exercer ces professions contrairement à s’ils vivaient dans les
villages.
- Les agri-pêcheurs sont les moins représentés parmi les enfants d’informants.
Représentés uniquement chez les ruraux (et de manière très marginale chez les
urbains) par les 25-40 ans (12 %) et les 40 ans et plus (12 %), ce résultat est
symptomatique de l’abandon de l’agriculture.
- Les chômeurs singulièrement représentés par les 25-40 et 40 ans et plus se déplacent
plus, à la recherche du travail. Une observation professionnelle par sexe est aussi utile.
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
0-14 15-24 25-40 + 40
Etudes
agri.pêcheurs
bricoles
Petits employés
Profession inter.ou sup.
Chômeurs
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
245
c) Les professions des enfants par sexe
Graphique 12 : Les professions des enfants par sexe
Les différences de genre ne sont pas discriminantes des activités économiques exercées.
1.4. Représentation des migrations des informateurs
Les villages étudiés semblent bien pris dans une double dynamique qui contribue à leur
affaiblissement démographique, voire lorsque des seuils critiques sont atteints à une agonie
démographique. D’un côté, on constate une tendance, inscrite dans le temps long, d’organiser
la vie dans les villages autour des plus jeunes et des plus vieux ; les classes d’âges actives
partent en ville pour travailler, et reviennent plus tard ; seuls quelques personnes restent
vraiment dans le village ou la petite ville, sans migrer. Mais d’un autre côté, on constate que
nombre de personnes ne reviennent jamais dans le monde rural : la situation des jeunes, la
perte progressive de populations, participe de cet exode. On peut maintenant s’attacher à
représenter les migrations des informateurs de notre base (carte suivante).
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
F
M
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
246
Carte 10: Les migrations des populations de la zone d'étude
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
247
À travers cette carte, on observe à partir de la zone étudiée, les différentes destinations des
parents et des enfants vers plusieurs localités du pays. Ces derniers migrent, à l’intérieur de la
province de l’Ogooué-Ivindo et vers les autres provinces, notamment celle de L’Estuaire où
Libreville est la destination la plus sollicitée par tous. Il y a aussi des personnes qui ont quitté
leurs milieux d’origine pour migrer vers la zone d’étude, à l’instar de ceux qui sont partis du
Mali et du Cameroun pour l’Ivindo et pour la Lopé. Les migrations des populations de la zone
d’étude s’expliquent comme nous l’avons dit par :
- L’exode rural : les ruraux qui quittent leurs milieux pour les villes, pour les raisons de
santé, et de recherche de confort.
- L’exode urbain : les urbains qui soit vont vivre dans d’autres milieux urbains plus
favorables, soit vont vivre dans les villages parce qu’ils sont retraités, ou parce qu’ils
n’ont pas d’activité en ville.
- L’exode scolaire et professionnel : les populations rurales ou urbaines qui quittent
leurs milieux pour des raisons d’étude, ou chercher ou exercer une profession ailleurs.
Ces différents exodes concernent aussi bien les adultes que les enfants. Mais, sur la carte on
remarque qu’il y a aussi des parents et des enfants représentés réciproquement par les étoiles
rouge et vert qui sont restés dans leurs lieux de naissance. Ils n’ont pas bougés comme nous
l’avons démontré tout au long de ce chapitre.
2. Les activités économiques des villages
Une fois caractérisée la structure démographique des zones enquêtées, il nous apparaît
nécessaire de qualifier plus précisément quelles activités exercent les informateurs, et
comment ces activités ont évolué dans le temps. Cette rubrique permet de poser la question :
comment les populations des villages étudiés parviennent-elles à répondre à leurs besoins ? Il
est question de voir l’économie villageoise qui justifie leurs modes de vie aujourd’hui. Ci-
après est présenté l’ensemble des activités qui occupent les ruraux des villages étudiés. Le
graphique suivant représente les secteurs d’activités des habitants des villages. Il permet de
constater l’importance de l’agriculture dans ces villages, mais aussi la faiblesse des autres
secteurs d’activité. Nous allons d’abord caractériser les types de champs réalisés dans ces
villages, avant d’approfondir les causes de l’absence d’autres activités.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
248
Graphique 13 : Activités dans les villages
2.1. L’agriculture
Du fait de la pratique de l’agriculture itinérante, les territoires autour des parcs nationaux sont
des espaces conflictuels car ces espaces périphériques constituent les milieux dans lesquels
s’effectuent les activités villageoises (agriculture, coupe de bois, pêche, chasse, extraction de
vin de palme, etc.). Il faut noter que l’agriculture itinérante est l’activité qui nécessite le plus
d’espace, car même si la production est très faible elle demeure néanmoins une activité qui
sollicite toujours un large espace parce qu’elle se déplace chaque année.
Dans les sociétés rurales d’Afrique Centrale en général et celles du Gabon en particulier,
hommes et femmes travaillent tous dans les champs, ils ont des tâches spécifiques. Le travail
fourni varie selon l’enjeu ou le type de culture. En effet, on observe souvent une spécialisation
masculine pour les cultures de rente, telles que le cacao, l’hévéa, ou le café présentant une
importante valeur commerciale. Les cultures vivrières par contre sont en général du ressort
des femmes. Dans les villages étudiés, ce sont plutôt les cultures vivrières qui occupent le plus
les actifs agricoles parce que les cultures de rente ont presque disparu, même si quelques
projets tentent de les relancer dans certaines localités.
Nous présentons dans le tableau ci-après les différentes pratiques culturales.
76%
6%
12%
6%
Agriculture, pêche, chasse,
cueillette
Commerces
Services
Retraite
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
249
Tableau 18: Calendrier cultural des produits vivriers
Périodes Opérations Cultures
Juin-fin août Défrichement
Mi-juillet-
septembre Abattage
Mi-août-mi-
septembre
Brûlage et préparation du
matériel végétal
Septembre-
novembre Ensemencement
Arachide, maïs, manioc, banane,
légumes
Décembre Ensemencement Igname
Janvier Ensemencement Courge
Mi-novembre
décembre Premier sarclage Arachide
Janvier Première récolte Arachide, maïs
Janvier – février Deuxième sarclage Banane
Mars – avril Deuxième récolte Arachide
Dès août Pré-récolte Manioc
Dès Août Récolte Banane
Juillet – septembre Récolte Courge
Ce calendrier ne concerne que l’agriculture itinérante sur brûlis. Les opérations de récolte ne
s’appliquent qu’à l’arachide et au maïs ; mais pour les autres cultures (banane, manioc,
patate…), elles varient suivant les variétés.
2.1.1. Les types de champs chez les Ogivins
Tout comme les autres agriculteurs gabonais, les ruraux Ogivins ont au moins deux types de
champs par an : le champ de manioc et celui de banane. Ces champs sont indispensables à
leur survie. Les agriculteurs plantent en fonction de leurs besoins et de leurs forces de travail.
a) Le champ de manioc
En milieu ogivin, le champ de manioc se situe généralement en zone de savane (cf. photos ci-
dessous). Le plus souvent, on le place dans une ancienne jachère qui a duré 2 ans au moins,
presque jamais en forêt primaire. Les champs de manioc n’ont pas besoin d’être très éloignés
du périmètre villageois, sauf lorsque les agriculteurs ne disposent plus d’espace libre, et sont
contraints d’aller plus loin. En général, il est souvent en polyculture, car il lui est toujours
associé des plantes à cycle court.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
250
Planche 7: Champs de manioc en monoculture dans la périphérie de la Lopé
Photographie des boutures de manioc prises dans un
champ de manioc situé près du village de
Kazamabika. Ce sont ces boutures qui sont par la
suite utilisées une fois que le champ devient une
jachère pour cultiver les nouvelles parcelles, l’année
suivante
Ce champ en monoculture se trouve près du village
de Makoghé. La culture de manioc qui y est
présentée exige peu d’entretien lorsqu’il occupe tout
le parcellaire. Mais le sarclage y est toutefois plus
difficile à cause de la quantité de l’herbe qui envahit
les plantes
Le manioc est planté de façon désordonnée. Deux à trois boutures sont plantées
superficiellement dans le sol à l’aide d’une houe ou d’une courte machette et espacées
d’autres pieds d’au moins dix centimètres voire plus. Ceci dépend des autres cultures qui
doivent être aussi prises en compte. Les boutures de manioc sont déposées dans le sol de
façon oblique (penché).
b) Le champ de banane
Les bananiers cultivés (dits cultivars) se subdivisent en deux sous-groupes : celui des bananes
douces et celui des bananes à cuire, dans lequel le plantain a une place dominante. Le
bananier est cultivé sur des sols sains, aérés, riches en azote et en potasse. Il a un grand besoin
d’eau et vit mieux dans les régions tropicales humides, c’est-à-dire dans les milieux forestiers.
La photo ci-après illustre la culture de banane dans un champ.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
251
Photo 2: Une bananeraie en milieu forestier
Ayant un grand besoin en eau, le bananier pousse mieux dans les milieux ouverts, chauds et humides. Les
rendements obtenus par les cultivateurs montrent que c’est le milieu forestier qui est le plus approprié pour la
culture de banane
Dans les villages périphériques au parc de la Lopé, la culture de banane n’est pas très présente
parce qu’elle attire particulièrement les éléphants d’après le témoignage de l’ensemble des
agriculteurs. Cependant, dans les milieux périphériques aux parcs de Mwagné et de l’Ivindo,
les cultures de manioc et de banane sont les plus dominantes.
2.1.2. Rendements et estimations des quantités produites
S’agissant du manioc, « l’optimum de rendement est obtenu, sous 1200 à 1500 mm de pluies,
à température moyenne 23° à 24° C, avec 2 à 3 mois de saison sèche. Dans ces conditions,
tous les sols sont acceptés à l’exception des sols asphyxiants ; le sol idéal est sablo- argileux,
profond, bien drainé, à PH 6 » (Ministère de la coopération : 667). De même source, en terres
fertiles les rendements peuvent aller jusqu’à 60 tonnes, mais en moyenne ils varient entre 3 et
15 t/ha. Le rendement dépend du climat, de la région, des variétés cultivées, des sols, etc. Les
données physiques des villages obéissent en majorité aux exigences précitées. Ils ont des
conditions naturelles globalement propices à l’agriculture. De plus Vandeput77
atteste que
77
Cité par Barampama, op.cit. : 134
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
252
« les terres en qualités moyennes donnent 20 à 25 tonnes de tubercules à l’hectare en zone
équatoriale ». Ainsi, dans les villages ogivins, les rendements du manioc peuvent se situer
dans cette fourchette, même si les sols sont en général acides. En plus, les rendements peuvent
être élevés si de bons soins ont été donnés au manioc. Ces données naturelles sont aussi
bénéfiques aux rendements du bananier plantain. Lorsque davantage de soins sont apportés à
la plante durant sa période fragile, le rendement s’en trouve amélioré.
L’absence de statistiques pouvant indiquer les quantités produites par les agriculteurs des
villages nous a conduit à entreprendre quelques opérations, pour ainsi avoir une évaluation de
la production des cultures vivrières à l’aide des carrés de densité. Nous n’avons fait que des
estimations sur les quantités produites de manioc, parce que nous avons voulu faire une
comparaison entre ces quantités produites dans les environs de la Lopé et celles des villages
autour des parcs de l’Ivindo et de Mwagné. De plus, vu que nous n’avons pas rencontré des
agriculteurs cultivant la banane dans les villages proches du parc de la Lopé, nous ne sommes
pas aussi allés mesurer les champs de banane dans les villages voisins avec les autres parcs,
bien qu’ils cultivent aussi la banane.
Après avoir mesuré les champs de quelques exploitants agricoles, nous avons pesé le poids de
quelques pieds de manioc. Pour ce qui est du manioc, puisque les femmes ne déterrent pas
souvent d’un seul coup les deux ou trois boutures d’un pied, nous avons considéré le poids
moyen d’un pied de manioc à l’aide de plusieurs pesées. Ainsi, les superficies et les
productions que nous avons obtenues auprès de douze cultivateurs nous ont permis de dresser
le tableau qui suit.
Tableau 19: Evaluation des rendements moyens de manioc
Ch1 Ch2 Ch3 Ch4 Ch5 Ch6 Ch7 Ch8 Ch9 Ch10 Ch11 Ch12
Durée de
vie des
plants
La récolte intervient entre 8 et 10 mois après l’ensemencement +1an +1an +1an +1an
Localisation Champs autour de la Lopé Champs autour de Mwagné et de
l’Ivindo
Surface (m²) 585 487 399 191 540 210 193 543 789 810 753 617
Nombre
pieds de
manioc
580 480 350 190 540 210 194 509 701 659 624 574
Poids
moyen d’un
2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 2,2 3,4 3,4 3,4 3,4
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
253
*Si toute la production est vendue (1 kg de tubercules de manioc coûte 1000 FCFA)
Il est à préciser que tous les 12 champs de ce tableau sont des champs en monoculture. Le
tableau permet de faire les observations suivantes :
Une surface moyenne de 510 m²79
, un pied de manioc moyen de 2,6 kg, une
production moyenne de 1284,44 kg80
et un rendement moyen de 2,45 kg/ m². Les
champs sont très petits mais on peut extrapoler en disant que s'ils atteignaient les
hectares, ils auraient comme rendement moyen 24,08 t/ha81
.
En zone périurbaine autour de la Lopé les champs sont en moyenne plus petits avec un
rendement moyen de 2,14 kg/m², que dans les autres zones rurales (Mwagné et
l’Ivindo) qui ont par contre un rendement moyen de 2,94 kg/m².
Les agriculteurs des zones rurales récoltent plus tardivement leurs champs. La récolte
de tubercules intervient généralement plus d’un an après l’ensemencement.
L’explication peut résider dans le fait qu’en zone rurale les agriculteurs possèdent plus
d’un champ, alors qu’en zone périurbaine cela n’est pas toujours le cas.
Il est notable que les champs de plus d’un an sont plus productifs que ceux ayant 10
mois. Cela traduit que la maturation optimale du tubercule de manioc se situe au delà
de 12 mois.
78
« Un pied de manioc peut produire 5 à 6 kg dont le poids varie de 100g jusqu'à 3 kg » d'après CNUCED,
INFOCOMM FICHE PRODUITS MANIOC [consulté en ligne en Juin 2103 sur
http://www.unctad.info/fr/Infocomm/Produits-AAACP/FICHE-PRODUIT---Manioc/]. 79
Au Gabon en agriculture de subsistance, les exploitations ont en moyenne environ 1 ha (FAO et NEPAD,
2005). 80
La production annuelle du manioc des villageois est de 230 000 t (source FAOSTAT 1960–2002). Elle fait près
de deux fois la production moyenne des villageois Ogivins. 81
Ce rendement moyen est très élevé par rapport à l'ensemble des pays africains. Une étude de la FAO montrait
qu'en 2007 le rendement des tubercules de manioc en Afrique était de 9,9 t/ha et qu'au Gabon il était de 5,33 t/an
(FAO, 2010). Cela veut dire qu’en général les plantes de manioc s’ils présentent des espoirs quand ils sont
jeunes rencontrent plusieurs difficultés (maladies, épuisement des sols) au cours de leur croissance qui par la
suite réduisent considérablement leur productivité.
pied (kg)78
Production
(kg)
1275,
3
1056,
79
770,
07
416,3
8
1188 462 426,5
3
1118,
58
2382,7
8
2243,
7
2123,
46
1949,
72
Rendement
(kg/m²)
2,18 2,17 1,93 2,18 2,2 2,2 2,21 2,06 3,02 2,77 2,82 3,16
Rendement
(t/ha)
21,8 21,7 19,3 21,8 22 22 22,1 20,6 30,2 27,7 28,2 31,6
Revenus
obtenus
après vente
(FCFA)*
1275
300
1056
790
770
070
4163
80
1188
000
462
000
4265
30
1118
580
238278
0
2243
700
2123
460
1949
720
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
254
Si toute la production d'un champ est vendue, le revenu moyen par an d'un cultivateur
est de 1 284 442,5 FCFA (soit 1 958,12 euros), cela veut dire qu'il gagne en moyenne
107 036,875 FCFA (soit 163,18 euros) par mois. Cette somme n'est pas importante à
côté du SMIG Gabonais qui est de 150 000 FCFA (soit 229 euros). Le coût de vie au
Gabon est assez élevé. Même si on est en zone rurale ce revenu minimum mensuel que
percevrait un cultivateur ne répondra que partiellement à ses besoins et ceux de sa
famille. Il est aussi à noter qu'un cultivateur ne peut pas vendre totalement la
production de son champ, sauf s'il a plusieurs champs et désigne certains uniquement
pour la vente. En général, les cultivateurs peuvent vendre 30 % de leur production et le
reste est consommé sur place. Ainsi, si un cultivateur vend 30 % de sa production de
manioc, il gagnera en moyenne 385 330 FCFA/ an ou 32 110,83 FCFA/mois, c'est très
dérisoire pour nourrir une famille, sans oublier la récurrence des produits impayés
faute des clients, problème souvent rencontré dans les villages. De plus, « la
commercialisation du manioc est considérée actuellement comme inadéquate avec une
forte dissipation de la plus-value dans l’intermédiation, des pertes quantitatives et
qualitatives du produit et faiblement orientée sur la demande » (FAO et NEPAD,
2005: 4). Cela est dû à la conservation du manioc qui n'est pas toujours bonne (pâte de
manioc, chikwague), au coût du transport, aux mauvaises conditions de transport, à
l'offre très dispersée, etc. Il est toutefois clair que cette somme l'aidera sans doute à
acheter les produits indispensables (sel, allumettes, pétrole, etc).
Le manioc est très important dans l’alimentation des villageois. C’est un de leurs produits
alimentaires quotidien. Si le manioc est très consommé en milieu rural comme en milieu
urbain, sa production reste peu importante pour couvrir la consommation nationale de manioc.
Les agriculteurs gabonais produisent en gros 230 000 t/an (source FAOSTAT 1960–2002)82
par rapport au Congo qui produit 915 000 de tonnes de manioc par an. Par le graphique ci-
après, nous présentons la consommation quotidienne des féculents chez les villageois.
82
ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/008/af327f/af327f00.pdf
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
255
Graphique 14: Féculents de base dans les villages
Le manioc que produisent les habitants des villages étudiés est consommé dans toutes ses
formes de consommation (cassada, tubercules de manioc, chikwague, etc.). Une fois de plus,
la forte consommation du manioc dans les villages (54 %) par rapport à la banane et au riz
interpelle parce qu'elle permet de comprendre que les villageois doivent davantage produire
du manioc pour répondre à leurs besoins alimentaires quotidiens. Les villageois consomment
de la banane plantain (33 %) qui est également leur aliment de base. Cependant, les villageois
complètent leur alimentation en consommant le riz (13 %) qui est davantage très présent dans
les villages près du parc de la Lopé. Il a été remarqué que ce sont plutôt les villageois habitant
la périphérie du parc de la Lopé qui consomment plus les cassada et presque pas de banane
plantain contrairement aux villageois qui habitent autour des parcs de Mwagné et de l’Ivindo.
La prédominance du manioc dans chaque famille villageoise interrogée par rapport aux autres
produits de base, traduit l'importance qu’occupe le manioc dans les cultures villageoises. Un
projet fait par la FAO et le NEPAD en 2005 sur la filière manioc, utilisant les sources du
FAOSTAT (1960–2002), déclare que 75 kg/hab/an (soit 205 g/hab/mois)83
est la consomma-
83
D’après la même source la consommation moyenne de manioc a fortement chutée par rapport à 1960 où elle
était de 220 kg/hab/an. C'est l’urbanisation qui s'est fortement accélérée depuis l’Indépendance en introduisant
de nouveaux produits alimentaires qui en est la principale raison.
banane
33%
manioc
54%
riz
13%
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
256
tion actuelle (2002) du manioc au Gabon. Or, dans les villages étudiés, la consommation de
manioc en 2011 est de 17,60 kg/pers/an (soit 48 g/pers/mois). Même s’il s'agit d’une étude de
2002, la consommation annuelle de manioc d'un villageois en 2011 est près de cinq fois en-
dessous de la consommation de manioc d’un Gabonais par an. Ainsi, si les villageois de la
zone étudiée veulent atteindre chacun la consommation annuelle d'un Gabonais, il faudrait
qu'ils produisent 4 190,55 kg, si on estime que chacun d’entre eux devrait consommer en
principe 75 kg/an. Or, nous avons vu que la production moyenne de ces villageois est de 1
284,44 kg/an. En conséquence, la sous-production observée montre que les ruraux ogivins ne
parviennent pas à répondre à leurs besoin alimentaires en ce qui concerne le manioc, c’est
pour cela qu'ils sont obligés d’avoir recours à d’autres aliments tels que la banane, le taro,
l’igname, la patate et le riz pour ceux qui peuvent en acheter.
Au regard de tout ce qui a été dit plus haut, l’agriculture pratiquée dans les villages est
extensive. Les activités connexes à l’agriculture sont moins florissantes. Les villageois
produisent alors pour eux-mêmes d’abord ; pour répondre à leurs besoins, même s’ils n’y
arrivent pas. Il n’en demeure pas moins que quelques surplus peuvent être quelquefois vendus
sur la route ou en ville quand cela est possible. 13 % de chefs de famille villageois interrogés
consomment le riz dans leurs foyers, surtout lorsqu’ils ont les enfants. La consommation du
riz peut justifier que les quantités produites ne sont pas suffisantes, mais cela peut aussi dire
que quelques familles parviennent à diversifier leur alimentation en consommant des produits
étrangers à leurs terroirs. De plus, le riz a la renommé de nourrir plus de personne. Ceci nous
permet de faire des comparaisons entre la production de manioc au Gabon et celles d'autres
pays de l’Afrique centrale, à partir d'un tableau dressé par la FAO sur quinze pays africains en
2007, dans le but de voir comment se comporte la production dans ces pays.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
257
Tableau 20: Productivité et production du manioc en 2007
Pays Hectares Rendements des
racines
(tonnes/ha)
Tonnes
Burundi 82 000 8,66 710 000
Congo 100 000 9,15 915 000
Gabon 45 000 5,33 240 000
République Centrafricaine 188 000 3,01 565 000
République Démocratique
du Congo
1 850 000 8,11 15 000 000
Source : Extrait du tableau de l'annexe 1 (FAO, 2010 : 53).
Ces pays d’Afrique centrale ont une superficie moyenne de 453 000 ha (contre 335 850 ha
dans quelques pays d‘Afrique Orientale et Australe), un rendement des racines de manioc de
6,85 t/ha (contre 8,58 t/ha en Afrique Orientale et Australe) et une production moyenne de 3
486 000 tonnes (contre 32 170 800 tonnes en Afrique Orientale et Australe). Il apparaît
clairement que les pays d‘Afrique centrale dominent dans la superficie et la production
moyennes par rapport aux autres pays africains qui dominent cependant par leur rendement
moyen. La prédominance des pays d’Afrique Centrale se fait grâce à la RDC qui à elle seule
dispose des valeurs importantes, ce pays figure parmi les plus grands producteurs mondiaux
du manioc. Dans cet ensemble, on voit bien que le Gabon est le pays qui produit le moins et
qui a des superficies culturales très inférieures par rapport aux autres pays de la sous-région.
Ceci montre bien sa nécessité à importer le manioc de ces pays qui se distinguent par leur
production.
2.2. Les diverses entrées financières villageoises
L’absence d’activités économiques dans les villages, nous conduit à nous intéresser aux
diverses sources d’entrées financières des villageois. L’économie rurale reposant sur
l’économie de l’arrière-cour et l’économie vivrière, est faible pour permettre aux ruraux de
répondre à leurs besoins. De ce fait, les ruraux ont recours à d’autres sources financières. Ils
font notamment du commerce, reçoivent de l’argent de leurs enfants et parents d’ailleurs.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
258
Pour ce qui est du commerce, il s’agit d’une part du commerce des produits des terroirs, issus
de l’activité agricole (légumes, maïs, arachide, féculents), du commerce des PFNL recueillis
dans la forêt et du commerce du gibier et poisson d'eau douce. D’autre part, les villageois
commercialisent aussi les produits issus de l’art artisanal. Il n’est pas facile d’obtenir des
informations sur les entrées financières que disposerait en moyenne un villageois, parce que
ce sont des commerces irréguliers qui reposent sur une clientèle irrégulière et sur des produits
vendus saisonnièrement. Ce sont des commerces saisonniers qui ne dépannent les villageois
qu’à un moment donné.
De plus, des chefs de familles interrogés, 6 % qui sont retraités et de même 6 % qui font le
commerce affirment répondre à leurs besoins respectivement avec l’argent de leur retraite et
de leurs commerces. Selon ce qu’il y a à vendre et en fonction de la clientèle, au village un
commerçant (boutiquier) gagne en moyenne 3 000 FCFA par jour. Quant aux pêcheurs
villageois, ils se distinguent des autres commerçants villageois par leur activité. Ils pratiquent
une pêche saisonnière, c’est-à-dire qu’ils vont deux fois par mois pêcher et peuvent gagner
jusqu’à 100 000 FCFA quand ils vendent leurs poissons.
Par ailleurs, quelques chefs de famille reçoivent quelques fois de l’argent de leurs enfants et
parents en provenance d’autres localités. Mais, il est difficile de savoir combien reçoivent ces
villageois et la fréquence des envois. Les montants et envois varient en fonction de plusieurs
paramètres (urgence, maladie, disponibilité financière). Une autre source de provenance
d’entrées financières villageoise est la proximité avec les chantiers forestiers qui permet à
quelques villageois d’y trouver un emploi. Cela fait partie des engagements des exploitants
forestiers à l’endroit des villages proches des lieux où ils ont des permis forestiers. Il est
important de savoir que les villageois malgré l’agriculture qu’ils pratiquent ont le profond
besoin d’avoir un emploi qui leur permet d’avoir un salaire fixe, car la rentabilité de
l’agriculture dépend de plusieurs facteurs. Cependant, il y a très peu de villageois employés
dans les chantiers forestiers, parce qu’en général les exploitants forestiers ne tiennent pas
leurs engagements même si le manque de qualification des villageois jouent aussi en leur
défaveur. Bien qu’il n’y ait que quelques employés villageois, ces derniers permettent à leurs
familles et parents d’espérer recevoir de l’argent mensuellement.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
259
2.3. Histoire professionnelle : la place des activités liées à l’extraction
forestières et aux parcs nationaux
Nous avons voulu, pour terminer cette partie sur les activités économiques des villages,
replacer ces activités par rapport aux deux tensions principales auxquelles sont soumis les
ruraux : l’extraction forestière et la conservation. A quel point ces activités profitent-elles aux
villageois ? Comment la substitution – partielle – de l’une par l’autre s’est-elle traduite en
termes d’emplois. Nous avons choisi, pour montrer ces éléments, de ne pas nous concentrer
que sur les villages mais de traiter aussi des habitants de la Lopé : en effet, l’extraction
forestière comme la conservation peuvent se faire depuis les villages comme depuis la ville.
On constate, classiquement, que les personnes vivant en milieu urbain ont un itinéraire
professionnel plus diversifié que ceux qui vivent dans le monde rural, et que cet itinéraire est
variable selon l’âge. Ceci est observé dans le tableau ci-dessous.
Tableau 21 : Nombre moyen de changements de profession par individu
Âge Rural Urbain Total
50 ans et plus 1,0 2,7 1,4
30-50 ans 0,7 2,2 1,5
Moins de 30 ans 0,4 1,8 1,4
Total 0,8 2,2 1,5
La vie professionnelle des ruraux est bien plus stable que celle des urbains, même si ces
chiffres ne doivent pas masquer une certaine diversité de comportements. Une approche par
secteur d’activité permet de préciser quelle analyse on peut faire sur les emplois tels que
mentionnés ci-dessous.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
260
Tableau 22 : Les professions exercées au cours de la vie des personnes enquêtées
(en nombre d’années de vie active)
Rural Urbain Total
Agriculture 659 100 759
Administration 239 69 308
Commerce 9 170 179
Chantiers forestiers 49 70 119
Emplois en lien avec les parcs nationaux 0 54 54
Autres 105 259 364
Total 1115 668 1783
Au cours de la vie des personnes, on peut relever deux points importants :
Agriculture et administration pour les ruraux, et commerce et emplois divers pour
les urbains sont les secteurs d’activités dominant de la vie des personnes.
Les métiers de forestier ont permis de donner 119 années de salaires, alors que les
parcs nationaux ont fourni 54 années de salaire.
Les emplois liés à l’extraction forestière ont connu une chute rapide depuis 2008 (graphique
suivant).
Graphique 15 : Les emplois forestiers par année
Ce graphique montre les années où ces emplois ont été pratiqués. D’après les différentes
cohortes et les lieux de vie (rural et urbain), on constate qu’il n’y a pas une diminution du
nombre d’emplois forestiers avec les parcs nationaux créés en 2002, au contraire. Cependant,
on peut observer des variations depuis 2002, même si en 2011, les emplois forestiers
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
261
diminuent considérablement. On constate aussi que c’est la génération des 30-50 ans qui est la
plus concernée par ces emplois. Les deux tiers de ces emplois concernent les urbains. Or ces
emplois qui disparaissent ne sont que partiellement compenser par la création d’emplois liés
aux parcs nationaux (graphique suivant).
Graphique 16: Les emplois liés aux parcs nationaux par année
Dans ce graphique ce sont les années où ces emplois ont été pratiqués qui sont reprises. On
constate évidemment qu’il y a une importance des emplois liés à la conservation à partir de
2004. Il est aussi à noter que les emplois sont seulement pour les urbains. Les parcs nationaux
ne créent pas d’emplois dans le monde rural, ce qui bien entendu les rendent plus dramatiques
pour les ruraux, qui subissent les effets négatifs (perte d’emplois forestiers et attaques des
cultures) et pas les effets positifs. Là aussi ce sont les personnes âgées de 30-50 ans qui
bénéficient plus de ces emplois à la Lopé.
Les mondes ruraux n’agissent pas comme base arrière de la conservation ou de l’extraction
forestière ; ils servent principalement de résidence à des personnes âgées et à des jeunes qui
étudient, sans que les activités économiques de ces populations ne sortent d’une agriculture
très traditionnelle. Le manque de dynamisme est évident. Ces villages pourraient apparaître
comme condamnés à disparaître s’ils ne remplissaient une autre fonction – culturelle cette
fois-ci.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
262
3. Les villages comme lieux favoris de la tradition
Globalement, les villageois fondent leur culture sur les rites et les initiations. Ce qui favorise
l’animisme. Parce qu’il y a plusieurs ethnies, il existe aussi une diversité culturelle. Ainsi, les
chants et les danses caractérisent également la spécificité culturelle ethnique. De même,
consulter des esprits, aller voir un guérisseur, être sorcier entrent dans le patrimoine cultuel et
culturel des villageois. Cette partie a pour objectif de montrer en quoi la tradition participe à
la survie des villages gabonais.
3.1. Les initiations pendant les vacances
Les villages restent encore les lieux favoris où les initiations peuvent se faire dans le plus
grand des secrets. Là, on peut encore trouver la « forêt sacrée » où seuls les initiés peuvent
accéder. On entend par forêt sacrée de petites portions d’espaces ouvertes à une catégorie de
villageois et au sein desquelles les activités villageoises sont parfois interdites. A travers les
différentes confréries initiatiques réservées aux hommes, aux femmes ou mixtes, il se crée des
« espaces sacrés ».
Ce sont particulièrement pendant les grandes vacances scolaires que les initiations ont lieu
dans les villages. C’est à cette période que les urbains décident de venir faire initier leurs
enfants. Les initiations des jeunes citadins se font sous le regard de leurs grands-parents
vivant au village.
Les rites auxquels s’adonnent les villageois appartiennent à des sociétés secrètes qui incarnent
le patrimoine culturel. C’est pourquoi les parents incitent leurs enfants à se faire initier. Les
rites initiatiques permettent dans la société traditionnelle la transition entre l’adolescent et
l’adulte. Il existe des initiations pour les hommes et pour les femmes. Les rites initiatiques
varient selon les localités. Le Bwiti et les associations initiatiques annexes (le Diyandzi, le
Duwa qui sont les branches du Mweli) sont des rites d’hommes vivant dans les villages
périphériques au parc national de la Lopé. Ces associations masculines favorisent
particulièrement la protection des biens et des personnes dans le village et à l’extérieur. Les
hommes faisant partie de ces associations assurent aussi des fonctions économiques, voire
médicinales. Il s’agit des associations initiatiques qui confèrent aux hommes beaucoup de
notoriété dans la société rurale. Les femmes (Simba, Okandé) de cette même contrée intègrent
le Mimianga qui est un rite initiatique féminin. Cette association initiatique féminine est aussi
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
263
appelé Nyembé ou Djembé selon les localités. Ce rite s’occupe de l’éducation des jeunes
filles, de leur intégration dans la société, ainsi que de leur défense vis-à-vis des hommes. Mais
ce rite est sous la tutelle du Mweli. Chez les habitants des villages autour de la Lopé, le Mweli
et le Bwiti expriment le pouvoir politique.
Chez les villageois habitant les zones périphériques aux parcs nationaux de l’Ivindo et de
Mwagné, les hommes et les femmes ont d’autres confréries initiatiques. Par exemple, les
confréries masculines Kota sont Ngoy (panthère) et Mungala et leur confrérie féminine est
Isembwé. Ces hommes et femmes pratiquent également d’autres rites d’initiations. Chez les
Fang, les initiations auxquelles s’adonnent les hommes sont : Melane, Mvet et le Biéri. Leurs
femmes s’initient aussi au Melane. Mais les autres hommes ogivins comme les Kota, les
Mahongwé, Saké, s’initient principalement au Bwiti. Ils font beaucoup de cérémonies de
circoncisions au cours desquelles les jeunes sont initiés. Le Bwiti est rependu dans tout le pays
et n’est plus le seul héritage des peuples du centre (Apindzi, Simba, Okandé). Presque tous les
peuples du Gabon s’initient au Bwiti. Mais les cérémonies de Bwiti et les interdits qu’ils
entraînent diffèrent selon les ethnies. En effet, contrairement aux autres, le Bwiti des Tsogo
permet aux femmes de se faire initier. De plus, les initiés du Bwiti Tsogo sont aussi reconnus
comme étant des Nganga (guérisseurs). Au cours des rituels du Bwiti la racine d’Iboga est
utilisée car c’est une plante considérée comme sacrée. L’Iboga contient une douzaine
d’alcaloïdes dont l’ibogaïne, psychostimulante et hallucinogène, est la plus abondante.
L’Iboga est une plante très importante dans le Bwiti et les effets dépendent de la dose
absorbée. Ci-dessous la plante d’Iboga.
Planche 8: L'Iboga
Plante d’Iboga dans la cour d’un village
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
264
Les initiations sont importantes dans ces sociétés villageoises parce qu’elles permettent aux
habitants d’intégrer des cercles d’initiés.
Des rites et croyances naissent des religions qui diffèrent selon les ethnies et selon les
villages. « La religion est une composante essentielle de l’existence humaine. Elle intègre en
profondeur l’existence des populations » (Van Eetvelde, 1998 : 211). Les pratiques
religieuses font partie de la vie des villageois. Par exemple, les croyances religieuses des Kota
se fondent sur le Bwiti qui est le culte qu’ils font aux ancêtres. De plus, les religions des
villageois sont fondées sur des mythes en fonction des ethnies et en fonction des modes de
vie. Les villageois sont des animistes. Pour eux l’âme est dans toute chose (animal, végétal).
Ils croient aussi à plusieurs divinités selon leurs représentations.
Les villageois considèrent qu’il est fondamental d’être en relation avec tous les êtres qui les
entourent : génies, fées, sirènes, esprits des défunts… Car ils estiment que ces êtres
invincibles ont une influence sur leur existence. Il est remarqué que les individus qui sont soit
disant en relation avec ces êtres invincibles ont une ascendance sociale. Par ailleurs, la
musique et la danse font partie de la culture des villageois ogivins. Ils sont indissociables. Les
danses et la musique accompagnent toutes des cérémonies d’initiations (Mvet, Bwiti,
Nyembè). Certains instruments sont le monopole des hommes (balafon, tam-tam, cithare). De
plus, les chants sont circonstanciels (mariage, décès, naissance, initiation, pêche, chasse).
3.2. Les tradi-praticiens et leurs cliniques
Tous les Gabonais pensent qu’il faut être protégé des « mauvais sorts » pour être à l’abri des
dangers. Certains ont la « chance » d’avoir des membres de leurs familles qui sont capables de
faire des protections. Par contre ceux qui n’ont pas dans leur famille un spécialiste des
protections vont le faire contre de l’argent. Presque dans tous les villages étudiés il y a des
cliniques de guérisons traditionnelles dans lesquelles interviennent les tradi-praticiens ou
tradi-thérapeutes. Ces derniers guérissent et protègent « des mauvais sort ». Généralement
guérison et protection vont ensemble. Car, on est malade se disent les gens parce qu’on a été
victime d’un sort. Après que le sort ait été enlevé, il faut ensuite se faire protéger. À Ebe, le
nombre d’habitants du village est élevé à cause des malades qui sont venus des autres
horizons pour se faire soigner chez le tradi-praticien du village, il y a plus d’une trentaine de
malades. Certains d’entre eux sont là depuis plusieurs mois, et d’autres ne sont pas prêts de
repartir. L’un des inconvénients de séjourner longtemps chez un guérisseur c’est la difficulté
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
265
de payer tous les soins. Généralement, beaucoup finissent par travailler pour le guérisseur et
deviennent comme des membres de sa famille.
À Nzé Vatican il y a aussi des tradi-patriciens. Ils sont reconnus par les autres habitants du
village, mais leurs véritables clients sont les gens de la ville qui ont la capacité de payer leurs
soins. Le guérisseur est aussi appelé Nganga ou féticheur. Il est vrai qu’au village plusieurs
paysans connaissent les vertus des plantes et les utilisent pour se soigner. Mais ne peut être
Nganga qu’une personne qui a reçu un certain pouvoir de ses ancêtres, car le Nganga est
redoutable et maitrise l’occultisme et les rites initiatiques. Aujourd’hui, il est vrai que l’impact
des Nganga sur la société a diminué car beaucoup d’entres eux sont considérés comme des
charlatans. La présence du christianisme est aussi une des raisons du déclin du pouvoir des
Nganga. Les villageois croient beaucoup aux fétiches. En effet, les fétiches sont faits en
général à partir des éléments naturels palpables (animal, végétal, poudre, essence, liquide).
Ces éléments bien qu’étant naturels sont dotés de « puissances surnaturelles ». Les fétiches
sont suivis d’interdits. Ces interdits permettent de pérenniser la puissance et l’influence du
fétiche.
Malgré l’image ternie des féticheurs, ils continuent d’être des hommes investis de pouvoirs
surnaturels et pouvant résoudre de nombreux problèmes. En effet, « le féticheur joue dans la
vie sociale africaine un rôle très important. C’est lui qui devra déterminer la cause ou
l’origine des événements de la vie publique ou privée, sera chargé d’apporter le remède
psychique ou naturel aux malheurs des hommes ou du village. C’est aussi à lui que l’on
demandera d’apaiser les esprits courroucés, ou les interroger pour connaître l’avenir. C’est
éventuellement lui qu’on ira trouver pour lui demander de capter ces forces vitales pour
pouvoir s’en servir à son usage personnel dans un but souvent inavouable. Enfin c’est encore
au féticheur qu’on aura recours pour déterminer le coupable dans certaines affaires
judiciaires. C’est ainsi que le nganga sera tour à tour, devin, médecin, juge ou sorcier sans
qu’il soit possible de séparer l’homme de ses fonctions » (Bouquet, op.cit: 25). La sorcellerie
est un fait culturel.
Le sorcier est doté de pouvoir mystique, il est considéré par ses congénères comme un
méchant. Parce que le sorcier est capable de tuer ou de jeter un mauvais sort sur quelqu’un,
les villageois considèrent la sorcellerie comme un acte antisocial. En effet, « la sorcellerie est,
chez les Bakota, une menace constante et obsédante. Les devins-guérisseurs (nganga) sont
des chasseurs de sorciers et de « médicaments » - le médicament peut être aussi bien un
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
266
poison qu’un remède - qui sont craints et respectés » (Perrois, op. cit. : 37). Dans la société
villageoise aucun problème ou maladie n’est naturel, même si les accusations peuvent être
parfois farfelues.
3.3. Le tourisme initiatique dans les villages
Les villages sont parfois connus à cause de la renommée de leurs guérisseurs. Makoghé est
connu grâce à son chef de village qui est réputé être un « très bon » et « très puissant » tradi-
praticien. De même le village de Ramba est connu par de nombreux Gabonais à travers son
chef Babongo, car le Président de la République a séjourné chez lui lors de sa première
tournée républicaine. Plusieurs citadins n’hésitent pas à se rendre dans ces villages pour se
faire soigner ou pour chercher à se faire protéger des maléfices et des « mauvais sorts ».
Avec plus d’une quarantaine d’ethnies, le monde rural gabonais dispose d’une multiplicité de
cultures riches où danses traditionnelles, rites et croyances forment un patrimoine culturel
important que pourrait apprécier les touristes étrangers. Le Bwiti et l’Iboga sa plante sacrée
sont indissociables. Ils valorisent la culture gabonaise à l’extérieur auprès des touristes
étrangers fascinés par le discours fait par les nationaux sur leurs vertus. Ainsi, pour les
Gabonais, ils constituent leur patrimoine culturel qu’il faut jalousement préserver ; au point
que le thème du séminaire organisé par l’université (U.O.B.) en 2000 portait sur l'Iboga.84
De
réels espoirs et un avenir radieux que font constamment les initiés et maîtres-initiateurs auprès
des profanes gabonais et étrangers à l’endroit du Bwiti et de l’Iboga. C’est également à travers
eux que le tourisme initiatique peut se développer.
Actuellement, il y a un réel développement du tourisme initiatique au Gabon. Il attire
beaucoup plus des touristes de l’Europe et d’Amérique du Nord. En effet, « ce tourisme
d’inspiration new-âge s’appuie sur des ouvrages (Ravalec et al., 2004 ; Laval-Jeantet, 2005)
ou des sites internet vantant les mérites de l’iboga » (Bonhomme, 2007 : 5). Cela met ainsi en
place un réseau qui favorise la promotion du tourisme initiatique gabonais. De telle sorte que
« parmi les acteurs de ce réseau transnational en voie d’organisation, on peut trouver un
Français expatrié au Gabon qui initie des étrangers contactés par internet ou encore un
84
C’est un séminaire qui a lieu à Libreville à l’université Omar Bongo sur le thème « le Bwiti du Gabon » en
2000, organisés par les anthropologues, dont les grands points sont donnés par Bonhomme dans son article.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
267
Nganga gabonais désormais installé en France et organisant des séminaires de découverte
sur le Bwiti en région parisienne et des voyages initiatiques au Gabon » (Idem). S’il y a tant
de publicités sur le Bwiti et l’Iboga par rapport aux rites et plantes traditionnelles, c’est parce
que les initiés trouvent qu’ils apportent un plus à la vie. C’est ce qui fait dire aux initiés que
« le Bwiti [est la] « science de l’homme » » (Bonhomme, op. cit. : 7). Ainsi, les touristes
étrangers et même les nationaux n’hésitent pas à se faire initier.
Face à la montée de ce type de tourisme, les villageois peuvent augmenter leur économie,
collectivement ou individuellement grâce aux produits présentés selon que cela implique un
groupe ou non. Mais c’est un tourisme saisonnier et sporadique. Les villages avec leurs
milieux sacrés constituent une « école de brousse » (Idem) pour les initiés qui la comparent à
une « véritable université » (Idem). Cependant, « le « Bwiti du Gabon », oscillant entre
patrimoine ethnique, patrimoine national, patrimoine bantu et patrimoine de l’humanité, se
retrouve ainsi au centre de tentatives d’appropriation conflictuelles » (Ibid. : 5). Les conflits
sont d’abord observés au niveau national entre les initiés non universitaires pour qui le secret
doit subsister pour protéger le Bwiti et les universitaires (anthropologues, initiés ou non) qui
souhaitent à travers la connaissance occidentale de leur discipline faire promouvoir le Bwiti
avec le risque de dévoiler le secret. Au niveau international, les Gabonais souhaiteraient avoir
le monopole de l’Iboga alors que cette plante a été classée comme patrimoine de l’humanité.
A tel point que « Howard Lotsof, un ancien toxicomane américain reconverti en prosélyte de
l’iboga, a déjà posé plusieurs brevets sur les usages potentiellement antiaddictifs de
l’ibogaïne, doublant les Gabonais et renforçant le ressentiment contre la biopiraterie
occidentale » (Bonhomme, op. cit. :5). Mais, le patrimoine à préserver perd aussi de sa
notoriété quand on observe les dangers auxquels sont souvent confrontées les personnes
désirant se faire initier au Bwiti.
A propos du tourisme initiatique, il y a déjà eu quelques dérives qui ont été observées.
Plusieurs cas de décès ont été observés chez les guérisseurs pendant les initiations, les séances
thérapeutiques. Quand les urbains viennent séjourner durant plusieurs mois dans les villages
et qu’ils ne parviennent pas à être guéris, ils finissent par succomber. Il y a certaines maladies
comme le Sida qui continuent encore de faire des ravages parce que les malades refusent de se
rendre à l’hôpital et préfèrent plutôt croire au mauvais sort qui ne peut être enlevé que par un
guérisseur. C’est ce qui explique le tourisme initiatique des citadins dans les villages.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
268
Certains touristes étrangers quant à eux, ayant entendu parler du rite initiatique gabonais, le
Bwiti, désirent se faire initier. Lors des initiations, ils doivent obligatoirement absorber
l’Iboga, la plante hallucinogène (Fernadez, 1982 ; Mary, 1999 ; Bonhomme, 2005)85
. Ainsi,
les plus fragiles ou ceux qui sont mal préparés, réagissent mal à ce qui est fait et parfois cela
peut entraîner des décès. Si en général le tourisme gabonais manque d’organisation et
rencontre plusieurs obstacles (hostilité du milieu naturel, mauvais réseau routier, absence de
véritable politique organisationnel et de valorisation du tourisme, personnel qualifié déficient,
coûts élevés des billets vers le Gabon ainsi que le transport, l’hébergement et la restauration)
ce qui limite son développement, le tourisme initiatique l’est davantage. D’abord, ce genre de
tourisme n’est pas contrôlé par les autorités. Ensuite, aucune structure légale ou traditionnelle
ne gère ce tourisme. Par conséquent, lorsque les dérives sont observées et que des morts
d’hommes surviennent, il est difficile de retracer les faits et les personnes impliquées en vue
d’une quelconque enquête.
À travers, les tradi-praticiens et leurs cliniques, le tourisme initiatique et les initiations
pendant les vacances, la tradition constitue un important avantage pour le maintien des
villages gabonais. Ainsi, tant que les milieux ruraux seront sollicités pour perpétuer la
tradition et que les touristes et nationaux urbains trouveront la nécessité de s’y rendre pour
bénéficier des pratiques traditionnels des ruraux, on peut être sur que les villages continueront
d'exister. Mais, il est vrai que la tradition ne pourra pas à elle seule maintenir les villages;
pour cela il faut que plusieurs conditions agissent ensemble.
Conclusion du chapitre V
En définitive, le bouleversement de la population rurale est déjà observé avant l’indépendance
grâce à l’action coloniale. Car, « lorsque la puissance coloniale, pour les besoins de son
économie d’exploitation, assure des « recrutements » qui bouleversent la démographie d’une
région (dans le Haut-Gabon, subdivision de Makokou, le rapport de la population hommes-
femmes est absolument faussé : 4 603 hommes, 7 018 femmes, en 1946) on peut s’attendre à
des sérieuses transformations au sein des structures sociales » (Balandier, 1950 :12). Mais le
fait colonial est aussi à l’origine de la modernisation de certains villages comme ceux du
Woleu-Ntem, grâce à la culture du cacao. Au fil du temps les structures sociales villageoises
85
Cité par Bonhomme, op.cit.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
269
se sont davantage transformées de telle sorte qu’aujourd’hui on se questionne sur le devenir
du monde rural gabonais.
Pour une zone économiquement peu attrayante comme l’Ogooué-Ivindo, l’une des raisons est
donnée sans doute par l’économie. L’exploitation forestière étant l’activité dominante a
notamment permis, comme nous l’avons déjà dit, aux chantiers forestiers de gonfler leurs
populations. Ainsi, ce sont principalement les villages qui se sont vidés de leurs actifs
agricoles pour travailler dans la filière bois où une rémunération certaine et mensuelle est
assurée. Le même scénario s’est produit avec le recrutement de la main-d’œuvre pour les
activités minières et pétrolières. Il n’est pas exclu que les urbains quittent également leurs
localités pour aller travailler dans les milieux forestiers, miniers et pétroliers. Cela justifie
d’une part les migrations des Ogivins. De même, le départ des actifs vers d’autres localités
situés en dehors de leur province, comme l’Estuaire, l’Ogooué-Maritime, le Haut-Ogooué
offrant plus de possibilités de travail à cause de la multiplicité et de la diversité de leurs
emplois, explique les migrations des populations de l’Ogooué-Ivindo d’autre part. D’autres
raisons justifiant les migrations des Ogivins sont englobées dans la poursuite des études, le
mariage, le regroupement familial, les affectations pour les travailleurs, l’amélioration des
conditions de vie, etc.
Si d’autres ruraux dans le monde et en Afrique centrale particulièrement parviennent encore à
nourrir leurs familles à travers leur activité agricole, quoi que les fluctuations des marchés et
les difficultés économiques ne facilitent pas les choses, les ruraux Ogivins sont pratiquement
dans l’incapacité de retenir leurs enfants sur leurs territoires et de répondre aux besoins de
leurs familles. En effet, leurs champs de très petites tailles avec de très faibles rendements,
l’insuffisance de main-d’œuvre agricole, le mauvais réseau routier, la dominance extractive de
l’économie du pays, ne favorisent pas le développement rural gabonais.
Malgré tout, au village on naît, puis on se déplace pour chercher à améliorer les conditions de
vie surtout si on est dans un village éloigné de la ville. Ce sont par contre les villageois
habitant proches des centres urbains qui ont la chance de faire plus de déplacements entre
leurs villages et ces centres urbains. Parfois leurs séjours en ville n’est que passager. Ils
peuvent aller faire des courses ou vendre leurs produits en ville puis revenir dans leurs
villages. De plus, beaucoup d’entre eux, investissent dans leurs villages, ce qui justifie leur
présence régulière au village. Ils semblent n’être jamais partis de leurs milieux ruraux. Mais
les villages qui sont enclavés sont plus exposés à un fort taux de migrations, parce que lorsque
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
270
leurs habitants s’en vont, très peu y reviennent. C’est le cas des villages périphériques au parc
de la Lopé. De même, après plusieurs déplacements, on revient au village pour y mourir.
Enfin, le village à cause de son vaste milieu forestier reste le lieu où la tradition et tout ce qui
s’y réfère peut encore être pérennisé. Ces raisons justifient la présence des villages gabonais,
ce pour quoi ils subsistent encore aujourd’hui et à quoi ils servent. C'est ce que nous
permettent de retenir les trois points qui ont été traités dans ce chapitre.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
271
Conclusion de la deuxième partie
S’interrogeant sur l’importance du monde rural gabonais, nous avons d’abord tenu à décrire la
zone étudiée pour montrer les réalités actuelles dans les villages retenus. Les aspects
économiques, sociaux et culturels ont été analysés dans cette deuxième partie. Cette partie a
permis de montrer comment se traduisent dans les villages choisis les tensions pesant sur le
monde rural gabonais que nous avons analysées dans la première partie. Nous avons montré
que les villages de la zone étudiée n’échappent pas aux difficultés qui sont celles du monde
rural. Ainsi, à travers l’exode rural et la structure de la population des villages qui ont permis
d’étudier les migrations des informateurs dues aux professions, aux lieux de vie et à la
localisation de leurs enfants, nous avons montré qu’il existe un déficit démographique de
certaines tranches d’âge (les jeunes adultes) dans ces villages. Par conséquent, ils sont
particulièrement peuplés par les enfants et les âgés revenus vivre au village lors de leur
retraite. Ce qui permet de dire que « dans la plupart des campagnes, les personnes âgées de
plus de 50 ans représentent plus du ¼ de la population, tandis que les adultes de 20 à 45 ans
comptent moins de 20 % des résidents » (Galley, op.cit. : 267). Cette situation est dangereuse
pour la survie des villages. «D’aucuns pourraient raisonnablement se demander si le
mouvement naturel des naissances est encore aujourd’hui assuré dans les monde rural,
créditant ainsi les données extrêmes (5 %) attribuée à la population rurale gabonaise par
certains observateurs » (Galley, op. cit. : 262). Cela défavorise davantage la production
agricole, parce qu’une relève n’est pas assurée dans les villages en ce qui concerne le travail
de la terre.
Cette sous-production observée est un réel handicap pour ces villages qui ne parviennent
même pas à répondre à leurs besoins et sont alors obligés de diversifier leur alimentation avec
la consommation du riz notamment. Mais, si les migrations et la sous-production paralysent
les villages, elles contribuent aussi à assurer encore leur pérennité. Car, dans le moulage des
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
272
migrations certains comme les retraités et les chômeurs reviennent vivre au village, avec leurs
enfants et petits enfants. De plus, c’est cette agriculture sous-développée qui leur permet de
rester au village. À cela s’ajoute la fonction culturelle qui permet aux villages de revivre
pendant les vacances grâce aux initiations et au tourisme culturel. Cependant, le fait que ces
villages subsistent malgré tout ne les épargne guère de « disparition », car le problème
principal du monde rural étant l’abandon de sa fonction première demeure et reste
préoccupant pour le pays.
La sous-production agricole malgré la présence des villages, et malgré les efforts de l’État à
l’endroit du secteur agricole a plongé le pays dans une forte dépendance alimentaire,
l’obligeant ainsi à devenir un grand importateur des produits agricoles notamment vers le
Cameroun. « Le niveau de la dépendance alimentaire du Gabon de l’étranger en termes de
produits alimentaires demeure imprécis. Cependant, toutes celles que l’on trouve traduisent
une seule et même réalité : la sécurité alimentaire des populations gabonaises dépend bel et
bien de l’extérieur. La moindre crise majeure, qu’elle soit à caractère naturel, économique ou
sociopolitique, entrainant la suspension des approvisionnements du pays, mettrait gravement
en péril la vie des populations gabonaises. Car aujourd’hui, toute proportion gardée, le
Gabon est devenu un grand marché de produits alimentaires importés que l’on peut répartir
en deux grandes catégories: ceux du circuit africain (notamment la Cemac) des importations
de vivres ; et ceux en provenance du reste du monde » (Galley, op. cit. : 299). Ainsi, la
croissance démographique et la croissance urbaine ne font qu’amplifier les besoins
alimentaires.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
273
Troisième partie : Crises et mutations des
espaces forestiers périphériques aux parcs
nationaux
Le monde rural gabonais en général et les villages ogivins en particulier évoluent dans un
contexte de crises liées à la gestion des milieux qui paralysent leur développement. Cette
dernière partie a pour objectif de présenter, en nous appuyant sur des exemples concrets, deux
politiques de gestion des milieux naturels, l’un de conservation (les parcs nationaux) et l’autre
de production (les forêts communautaires). Nous analyserons les logiques de ces politiques et
les conflits qu’elles suscitent. Le chapitre sur les parcs nationaux portera principalement sur
les conflits avec les populations locales liés à ces parcs : ce choix de faire porter la focale sur
les conflits s’impose tellement les conflits structurent ces espaces. Le dernier chapitre part
d’une des solutions trouvées pour résoudre les tensions liées par la dichotomie production-
conservation, à travers un projet pilote sur les forêts communautaires.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
274
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
275
Chapitre VI : Analyse des tensions
existantes aux périphéries des parcs
nationaux de la zone étudiée
Les parcs nationaux constituent, nous l’avons dit, la principale politique de gestion de
l’environnement gabonais. Exemple cité partout dans le monde, ces parcs ont été rendus
possibles par une politique très volontaire de la part du Président Omar Bongo. Mais, comme
nous l’avons montré, ces parcs ne sauraient être considérés indépendamment de l’histoire du
Gabon et de l’ensemble des mondes ruraux gabonais. Ce ne sont pas des territoires détachés
de leur milieu.
Trois types d’acteurs sont présents dans les milieux ruraux ogivins. D’abord, les populations
locales, qui vivent soit dans des petites villes, comme la Lopé, soit dans des villages, comme
ceux que nous avons présentés. Ensuite, on trouve les exploitants forestiers. Comme nous
l’avons déjà dit, les principales activités économiques présentent dans les territoires ruraux
ogivins sont forestières. Les autres acteurs économiques sont plus marginaux, comme par
exemple les entreprises touristiques, les chasseurs non locaux. Enfin, on trouvera les organes
chargés de la gestion des milieux : parmi ceux-ci, nous entendons bien sûr l’administration
(dont celle qui a une charge directe de gestion des milieux forestiers, les Eaux et Forêts), mais
aussi les acteurs de la conservation. Parmi les acteurs de la conservation, nous avons vu que
l’on compte l’Agence nationale des parcs nationaux, (ANPN), l’administration des Eaux et
Forêts (qui a un pouvoir de police) et les organisations non gouvernementales (principalement
le WCS et le WWF) à qui l’État gabonais a délégué la gestion des Parcs nationaux.
Les relations entre ces différents types d’acteurs sont le plus souvent conflictuelles, d’où
l’importance, dans ce chapitre, de l’analyse des conflits. Nous allons dans les trois sous
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
276
parties à suivre décrire les conflits liés à ces différents types d’acteurs, avant d’analyser leurs
conséquences et de voir quelles solutions sont actuellement explorées pour les résoudre.
1. Conflits Homme-faune
Les relations entre les animaux sauvages et les populations rurales en général, les agriculteurs
en particulier, sont une constante dans l’histoire rurale. Ces relations conflictuelles sont gérées
le plus souvent par la chasse et la destruction des habitats des animaux. Ainsi ces conflits ont-
ils considérablement diminués dans les pays où les mondes ruraux sont anthropisés. Pourtant,
ils se manifestent toujours dans les lisières, au niveau des frontières entre espaces cultivés et
forêts (ou toute autre zone qui peut servir de refuge à des animaux). Pour les animaux en effet,
les parcelles agricoles constituent une formidable source d’alimentation : le territoire d’un
animal n’est pas celui des hommes, et ce que les hommes considèrent comme une frontière
entre l’espace cultivé et l’espace forestier (même si ce forestier est cultivé) est utilisé par les
animaux comme une complémentarité (Poinsot, 2012). Ainsi en Europe la recrudescence des
aires protégées s’est-elle accompagnée d’une augmentation des destructions par les animaux.
On imagine aisément à quel point la multiplication des aires protégées ces dernières années au
Gabon, accompagné d’une législation très restrictive en matière de chasse, a eu comme
conséquence une augmentation très nette des conflits entre les populations locales et les
animaux. On entend par populations locales, celles qui résident de façon permanente dans une
localité donnée. Dans notre étude, il s’agit des villageois habitant aux périphéries des parcs
nationaux de la Lopé, de l’Ivindo et de Mwagné. Le mécanisme est le même que celui décrit
plus haut par Poinsot (2012) pour l’Europe : « la mise en réserve conduit à une plus forte
concentration en espèces animales sauvages que dans les zones non préservées, soit parce
que les preneurs de décision cherchent à maximiser la viabilité des populations sur des
espaces parfois réduits (Teel et al., 2010), soit parce que les animaux eux-mêmes décident de
trouver refuge dans ces zones (Tolon, 2007) » (Marchand, 2012 : 2). D’après le MEF et la
FAO, les causes des conflits Homme-faune résultent de trois principaux facteurs que nous
reprenons dans le tableau ci-après.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
277
Tableau 23 : Les facteurs qui sont à l’origine des CHF au Gabon
Facteurs humains Facteurs liés à l’habitat Facteurs liés à l’animal
responsable du conflit - L’expansion démographique
et ses corollaires,
- L’absence de plan
d’occupation de l’espace,
- La non-appropriation de la
ressource faunique par les
populations locales,
- La concurrence née entre
l’homme et les animaux sur les
sources alimentaires.
- L’exploitation minière,
pétrolière et forestière,
- L’expansion agricole,
- L’agriculture industrielle,
- L’intensification de la
cueillette des PFNL.
- L’état sanitaire et/ou
physiologique,
- Les préférences alimentaires,
- Les migrations,
- La crainte de l’homme,
- Le comportement prédateur.
Les facteurs humains, ceux liés à l’habitat et à l’animal responsable du conflit sont les
principales causes des conflits Homme-faune retenus dans la zone d’étude et dans les autres
villages. Toutes ces causes désignent les hommes comme les principaux auteurs des conflits.
En effet, « de manière générale, c’est la très forte pression anthropique sur les milieux
écologiques de la faune sauvage qui a modifié le comportement des animaux vis-à-vis des
humains et a ainsi conditionné un conflit naturel pour la survie entre les animaux et l’homme
avide et envahisseur (Oko, 2007) » (Mekui Biyogo, op. cit. : 14). Or, le fait que les villages
considèrent l’État comme le seul responsable des ressources fauniques et de leur conservation,
explique qu’ils vivent très mal les dégâts causés.
Les populations villageoises ont toujours cohabité avec les animaux et lorsqu’un animal
devenait nuisible, elles résolvaient le problème elles-mêmes en l’abattant. Cependant,
aujourd’hui avec les principes qu’imposent la conservation, cette cohabitation devient presque
impossible. La situation a atteint un tel point que pour les villageois les animaux sont devenus
des « favorisés ». Au cours de nos enquêtes et entretiens, les villageois avaient le sentiment
que les animaux comptaient beaucoup plus pour l’État qu’eux.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
278
1.1. Analyse des conflits Homme-faune
On peut faire, en fonction de leur impact sur les populations locales, une distinction des
conflits Homme-faune constatée dans les territoires autour des parcs nationaux étudiés. D’un
côté, il y a les conflits que l’on peut considérer comme directs et d’un autre côté les conflits
indirects.
1.1.1. Les principaux conflits directs
Les conflits directs sont ceux qui ont des impacts négatifs et directs sur les villageois et sur
leurs activités économiques. Ainsi, leur bien-être physique et économique s’en trouvent être
menacés. Même si depuis toujours les villageois tirent divers profits des animaux, mais
lorsque ces derniers deviennent une menace pour eux, il y a des tensions. Ces tensions
peuvent occasionner plusieurs dégâts peu ou très importants pour les villageois. Nous
illustrons quelques dégâts.
1.1.1.1. Mort et dommages corporels
Ce type de dégât est rare, mais parce qu’il se présente comme le plus redouté car mettant en
danger la vie des hommes, qu’il mérite d’être souligné : il a un impact psychologique fort. Les
hommes craignent tous de se faire attaquer par les animaux, surtout ceux qui sont dangereux.
Aux périphéries des parcs nationaux les animaux les plus dangereux qui attaquent et même
tuent occasionnellement les hommes sont les éléphants et les buffles. Pour ce qui est des
éléphants, ils peuvent attaquer les chasseurs, ou dans d’autres cas les touristes. Quant aux
buffles, ils sont très dangereux quand ils sont blessés. C’est à ce moment qu’ils peuvent
attaquer les hommes.
Ces conflits sont nous l’avons dit rares. D’après le rapport d’état de lieux des conflits
Homme-faune (Mekui Biyogo, 2010) quelques exemples de blessures humaines ont été
enregistrés à la Lopé. Entre 1996 et 2006 : un cas, s’agissant des éléphants et plus de deux cas
entre 2005 et 2009, s’agissant des buffles. Lorsqu’un homme est blessé ou tué par un animal,
les populations le vivent très mal ; cela ne contribue qu’accroître la polémique qu’engendrent
les conflits Homme-faune.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
279
1.1.1.2. Destruction des cultures
Parmi les conflits directs opposant les hommes aux animaux, c’est la destruction des cultures
qui est le plus rependu. De nombreuses études montrent qu’en Afrique en général et au Gabon
en particulier la destruction des cultures est la principale raison des conflits Homme-faune.
Les dévastateurs des cultures villageoises sont particulièrement les mandrills, éléphants,
hérissons, oiseaux, buffles. Mais, chacune de ces espèces endommagent différemment les
cultures.
Ce sont les éléphants qui sèment plus le trouble chez les villageois parce qu’à leur passage
une grande partie des cultures est détruite. Les éléphants n’ont pas besoin de beaucoup de
temps pour détruire complètement un champ. En fonction de leur nombre (petit groupe pour
les mâles, grand groupe pour les femelles), les éléphants peuvent détruire rien qu’à un seul
passage de grandes surfaces cultivées. En outre, la rapidité d’exécution n’est pas un élément
essentiel pour les éléphants : nous avons assisté à une dévastation dans un village proche de la
Lopé qui a duré plus de 36 heures : les éléphants ayant fini par comprendre que les villageois
ne pouvaient leur tirer dessus, ils ont consciencieusement mangé les champs, menaçant de
charger les agriculteurs qui essayaient vainement de défendre leurs cultures. Une illustration
est faite dans la photo ci-dessous.
Photo 3 : Attaque d’un champ de Manioc par un éléphant
Cette photo montre un éléphant attaquant un champ de manioc.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
280
Les attaques de Mandrill sont plus impressionnantes encore, car elles peuvent concerner plus
de 200 individus en une seule fois : tel un nuage de criquets. Les Mandrills (eux aussi
protégés) dévastent les cultures en quelques minutes.
Aux périphéries des parcs, les prédateurs détruisent toutes les cultures que plantent les
villageois. Pour les éléphants les cultures vivrières (banane, manioc, maïs, canne à sucre) sont
celles qui les attirent le plus. Elles attaquent aussi les cultures de rente. Le fait que les
animaux comme les éléphants détruisent les cultures nuit considérablement au développement
socio-économique des villageois, en ce sens que leur production agricole est menacée. La
destruction des cultures par les animaux se fait de plusieurs manières : les animaux arrachent,
consomment, piétinent ou déracinent. Un exemple de dévastation des cultures est montré sur
la photo qui suit.
Photo 4 : Un champ de manioc après le passage des éléphants
Constat fait par une agricultrice au lendemain du passage des éléphants dans son
champ, près du village de Makoghé. Les tubercules de manioc plantés il y a sept mois
ont été déracinés. Cela a profondément attristé l’agricultrice.
1.1.1.3. D’autres dégâts
Les conflits Homme-faune sont aussi dus aux transmissions de maladies des animaux vers les
hommes. Il s’agit des maladies graves pouvant entraîner la mort humaine. Ebola est bien
entendu la maladie la plus courante. La fièvre hémorragique Ebola est une maladie rare mais
très grave. Sa présence a été observée au Gabon en 1994, 1996, 1997, 2001 et 2002,
occasionnant de dizaines de décès à chaque vague d’épidémie. Le virus Ebola se transmet de
l’animal à l’homme par le canal de l’alimentation. Il est mentionné que ce sont soit les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
281
animaux morts, soit les fruits contaminés (chauves-souris frugivores) qui transmettent la
maladie à l’homme. Ensuite la maladie se transmet de proche à proche.
Ces maladies sont présentées ci-dessous.
Tableau 24 : Zoonoses présentes au Gabon
ZOONOSE FREQUENCE GRAVITE PRESENCE AU GABON
Brucellose ++ +++ Oui
Charbon ++ ++ Oui
Fièvre jaune + ++++ Vaccination
Psittacose + +++ Oui
Rage + ++++ (Oui)
Salmonelloses +++ ++ Oui
Tuberculose + +++ Oui
Ebola + ++++ Oui
Source : Dr Ibrahim Wora Salami (2009)
Echelle d’intensité : + correspond à faible ; ++++ correspondent à très fort
Les clôtures, les habitations ou les campements abîmés d’une part, les provisions détruites
d’autre part, font partie des dégâts qui alimentent les conflits directs entre Homme et faune.
La destruction de ces biens par les animaux (éléphants surtout) désole les populations
villageoises.
1.1.2. Les principaux conflits indirects
Ce sont des conflits qui n’affectent pas directement les villageois, mais qui impactent
négativement leur vie. La limitation des mouvements nocturnes et la psychose chez les
populations locales figurent parmi ces conflits indirects.
1.1.2.1. Limitation des mouvements nocturnes
Très proches des parcs nationaux comme la Lopé, il est conseillé de ne pas sortir la nuit. La
plupart des accidents surviennent pendant la nuit. Ainsi est-il risqué pour les villageois de se
déplacer la nuit pour se rendre par exemple dans un village voisin ou dans un autre lieu du
village. Habituellement, les villages ne sont pas éclairés et les zones dangereuses sont
nombreuses.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
282
Les villageois savent que les déplacements nocturnes sont très dangereux, même s’ils sont
conscients qu’ils peuvent se faire attaquer par des animaux pendant la journée. Face à cette
situation, ils prennent, quand cela est possible, leurs précautions et essaient de rester dans les
habitations pendant la nuit. Mais les accidents surviennent toujours lors des cas exceptionnels.
1.1.2.2. La psychose chez les populations locales
Lorsqu’une agression par un animal est récemment survenue, on observe une psychose chez
tous les villageois. Cette psychose peut également entraîner la limitation des mouvements que
nous venons d’illustrer plus haut. Mais, la limitation des mouvements peut aussi se manifester
dans la journée. Les enfants et les parents peuvent respectivement diminuer leur assiduité à
l’école ou en brousse (chercher du bois ou à manger) ou à la rivière (chercher de l’eau), quand
la psychose plane dans le village. De même, le fait que les villageois restent plusieurs nuits à
surveiller leurs champs (comme c’est le cas des habitants de Kazamabika, Makoghé et de
Mikongo) les expose aussi au paludisme, car les moustiques ont le temps de les piquer toutes
les nuits.
Face à cela, les villageois n’ont pas grand-chose à faire pour se protéger, surtout lorsqu’ils
sont face aux animaux totalement protégés tels que les buffles et les éléphants. Lorsqu’il y a
un accident dans un village proche d’un parc, le conservateur du parc concerné ainsi que les
agents des Eaux et Forêts se rendent sur les lieux. Mais, dans la plupart des cas leur présence
n’apporte rien de concret comme solution : ils dressent un constat, qui est adressé aux
instances administratives, sans qu’il n’y ait jamais de suite. Les villageois ne sont pas
autorisés à tuer un animal agressif, seuls les agents des Eaux et Forêts sont tenus de le faire.
1.2. Les espèces et les lieux privilégiés des conflits
Les espèces animalières qui sont constamment à l’origine des conflits Homme-faune dans les
villages étudiés comme dans les autres villages gabonais sont particulièrement les éléphants,
les primates, les rongeurs, les ongulés et les oiseaux. Mais chez les villageois les dégâts
qu’occasionnent les animaux n’ont pas la même importance selon les espèces. Ainsi,
l’importance des dégâts causés favorise le degré d’hostilité que les hommes ont envers les
animaux.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
283
Les écosystèmes forestiers étant perturbés par les habitations et activités humaines (forestière,
minière, agricole, pétrolière et agro-industrielle) favorisent le déplacement incessant des
animaux. Le fait de changer constamment d’habitat naturel leur conduit à détruire tout ce
qu’ils rencontrent sur leur passage. De plus quand les animaux manquent de ressources, ils se
confinent dans les aires protégées qui sont des milieux naturels peu troublés, ou soit vont
ailleurs pour se procurer à manger. Ainsi, les cultures situées dans leurs couloirs de
migrations sont endommagées. Dans d’autres cas, le comportement des animaux sont à
l’origine des conflits Homme-faune. En effet, lorsque le buffle est par exemple blessé ou
déstabilisé dans son milieu naturel il devient agressif ; il en est de même pour la femelle de
l’éléphant quand elle est avec son petit.
L’étude de Mekui Biyogo (2010) a montré que dans le Complexe d’Aires Protégées de
Gamba (CAPG), les éléphants sont responsables de 52 % des dégâts causés sur les cultures ;
que les primates tels que les gorilles sont comptables de 13 % des dégâts causés sur les
cultures ainsi que leurs semblables les chimpanzés de 7 %. Mais les rongeurs restent ceux
dont l’impact est le plus important : ils réduisent jusqu’à 30 % la production annuelle. À la
Lopé, les chiffres sont sensiblement les mêmes. Ce sont des « aires à forte densité de
conflits » (MEF et FAO, 2010 : 7). Ainsi, « dans le Parc National de la Lopé et sa périphérie,
Lenguiesse (2009) a montré dans son étude que les éléphants sont les animaux les plus
dévastateurs des champs (51 %), suivis des mandrills (28 %). Les dégâts causés par les
autres espèces (les rongeurs : 21 %) ne sont pas négligeables. Les déprédations ont lieu juste
avant le début de la saison sèche ; période correspondant à la baisse des fruits en forêt et au
début de la récolte dans les plantations. Cette tendance corrobore plus ou moins avec celle
trouvée par Walker en 2007 » (Mekui Biyogo, op. cit. : 11). D’autres milieux à fortes densité
de conflits sont également « les concessions forestières sous aménagement durable (CFAD)
où des efforts de conservation sont effectifs » (MEF et FAO, idem). Dans ces milieux, les
dégâts causés par la faune hautement représentée par les éléphants réduisent considérablement
la production agricole. Ceci est l’une conséquence négative directe de l’action des animaux
sur les cultures humaines.
Les cultures souvent attaquées par les animaux sont la banane, le maïs, le manioc, la canne à
sucre, les mangues, le gombo, l’ananas, le taro, etc. Cependant, les cultures endommagées par
exemple par les éléphants varient dans le temps et dans l’espace. À travers l’étude de Parker
et al. (2007), les manières dont les éléphants détruisent les cultures sont différentes selon les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
284
lieux et les moments. « Ainsi, l’endommagement des cultures se produit souvent dans les
zones proches des frontières des aires protégées et ont tendance à se raréfier quand on s’en
éloigne. Les éléphants des aires protégées vont attaquer les cultures les plus proches de la
réserve car le risque de détection y est plus faible » (Parker et al., op. cit. : 23). .
1.2. Les conséquences et gestion des conséquences des conflits Homme-
faune
Habituellement, les animaux endommagent les cultures quand elles sont matures. Les
éléphants particulièrement aiment naturellement les plantes issues de la famille des graminées
(le maïs), car leurs fruits et graines leur sont très nutritifs. La forte capacité des éléphants à
manger un peu de tout se justifie par le fait qu’ils ont développé un comportement alimentaire
largement varié. En dehors des saisons de maturité, les cultures sont couramment
endommagées la nuit.
Un grand nombre de conflits a été signalé à l’intérieur et autour des aires protégées, tels que
les régions proches des parcs nationaux de la Lopé et de l’Ivindo. Une étude a permis, pour
l’année 2009, de calculer le manque à gagner pour les villageois dans le cas de trois villages
que sont Koumameyong (sur la route de Makokou), Mbess et Minton, tous situés à la
périphérie des parcs nationaux de l’Ivindo et de Minkébé.
Tableau 25 : Estimation du manque à gagner des populations victimes
Cultures Rendement à
l’hectare (t)
Superficie
endommagée
(ha)
Quantité
perdue
(t)
Prix unitaire
(Fcfa/t)
Manque à
gagner (Fcfa)
Maïs 2 7 14 250 000 3 500 000
Manioc 3 14,36 43,08 350 000 15 078 000
Banane 7 7,70 53,9 300 000 16 170 000
Canne à sucre 3 5,95 17,85 150 000 2 677 500
Source : Mekui Biyogo, op. cit. : 12
Lorsque la récolte est réduite, les familles se retrouvent sans provision et des pertes
économiques sont aussi constatées. Pour des agriculteurs habitués à vendre leurs produits, la
dévastation de leurs cultures traduit un manque à gagner de 37 425 500 FCFA pour ces trois
villages – soit une grande partie de leurs ressources tirées de l’agriculture. Or, comme nous
l’avons dit dans le précédent chapitre pour ce qui est du manioc uniquement, le revenu moyen
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
285
annuel d'un cultivateur est de 1 284 442,5 FCFA. Pour les trois villages, l’estimation fait sur
le manque à gagner des cultures endommagées est très significative.
L’autre conséquence de ces attaques est le sentiment d’abandon qu’elles engendrent chez les
villageois. Ceux-ci ne bénéficient en effet d’aucune indemnisation : la loi est particulièrement
floue, puisque c’est tantôt l’État qui doit indemniser les victimes de dégradation, tantôt les
ONG gestionnaires de ces espaces. Pourtant, le décret qui fixe le montant des indemnisations
des villageois a essayé de résoudre la situation en précisant les responsabilités des
dégradations:
« Indemnisations dues par les organismes protecteurs de la nature et gestionnaires des
parcs naturels et par les propriétaires d'animaux domestiques en raison des destructions
causées par les animaux protégés et ceux dont ils ont la charge ». Décret
n°1016/PR/MAEPDR du 24 août 2011 fixant le barème d’indemnisation à verser en cas
de destruction volontaire de cultures, de bétail, de bâtiments d'élevage, d'étangs piscicoles
ou de ressources halieutiques.
Les organismes protecteurs de la nature, au premier rang desquels les ONG, ou les
gestionnaires de parcs nationaux, peuvent être rendus responsables des dégradations causées
dans les cultures par les animaux protégés. En outre, ces animaux sont protégés par la loi
gabonaise, et non par les ONG dont le rôle se borne à fournir un appui technique aux services
de l’État. De ce fait, le Décret pose plus de problème qu’il n’en résout car les organismes se
renvoient la responsabilité des indemnisations qui, pendant ce temps, n’arrivent pas aux
agriculteurs. Le meilleur moyen pour les agriculteurs est encore de ne pas avoir de
dégradations.
1.3. Les moyens utilisés pour résoudre les conflits
Au Gabon comme dans les autres pays d’Afrique centrale, « il existe peu de législation sur les
CHE86
et les ressources pour les gérer sont limitées » (Parker et al., op. cit. : 13). La
déficience des textes institutionnels et des finances quant à la résolution des conflits n’est pas
propre aux CHE, les conflits entre les hommes et les autres espèces animales sont aussi
concernés. De même, l’absence de capacités techniques limite la gestion des conflits. En dépit
de ces défaillances, pour résoudre les conflits Homme-faune, il existe globalement des
86
Conflit Hommes Éléphant
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
286
méthodes traditionnelles et les méthodes conventionnelles. Quelques méthodes villageoises de
lutte contre la dévastation des animaux sont présentées ci-après.
La première technique consiste à zoner les espaces en évitant d’implanter des cultures là où
les animaux se rendent le plus souvent : ainsi, les cultures situées le long des routes de
migration des éléphants sont particulièrement susceptibles d’être détruites. C’est pour cette
raison que les conservateurs des parcs encouragent les villageois à identifier ces routes
migratoires afin d’éviter d’y mettre les cultures. De même, les champs situés près des sources
sont susceptibles d’être dévastés parce que « les éléphants dépendent de l’eau et là où elle est
limitée, le potentiel des conflits est élevé » (Parker et al., op. cit. : 24). Il arrive aussi que
l’apparition des fruits sucrés, des plantes grimpantes épaisses aimés par les éléphants les
conduisent inévitablement vers les cultures.
L’autre technique consiste à protéger les cultures (planche suivante). Traditionnellement, les
villageois utilisent tout ce qu’ils ont en leur possession pour lutter contre les dégâts des
animaux. Les battements des tambours ou de boîtes de conserves, les divers types de
barrières, et même le feu, sont les principales méthodes villageoises de lutte contre les
dommages animaliers. Mais ces méthodes sont fortement archaïques, voire dérisoires au
regard des capacités destructrices des animaux. En outre, les animaux s’y accoutument.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
287
Planche 9 : Différents matériaux utilisés contre l’intruison des animaux autour du parc
de la Lopé
Afin d’aider les villageois, les agents du MEF ont également mis en place quelques méthodes
conventionnelles. Parmi ces méthodes figurent l’abattage d’animaux à problèmes. Selon les
articles 196 et 201 de la loi 016/01 du code forestier gabonais, les animaux à problèmes ne
peuvent être tués que par les agents du MEF que si au préalable une enquête a été faite. De
plus, la contribution des ONG à la résolution des conflits Homme-faune a aussi été un moyen
de mettre en œuvre des méthodes conventionnelles pour lutter contre les conflits. Par cette
À gauche : Une barrière faite de tôles près d’une habitation à la Lopé permet de protéger les cultures.
À droite : Un jardin combinant manioc et banane situé près de la gare de SETRAG (Lopé) est entouré d’une barrière
de bois.
Cette forme de barrière composée de boites de conserves vides est faite par les agriculteurs du village de Makoghé
pour lutter particulièrement contre les éléphants. Cet ensemble de boites reliées les unes avec les autres à l’aide
d’une ficelle fera un grand bruit quand s’approchera un éléphant. Cela lui fera croire qu’il y a des gens dans le champ.
Il aura alors peur et prendra la fuite. Mais ce genre de protection fonctionne assez mal.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
288
occasion, le WWF-Gamba a mis en place une expérience dans le CAPG (Complexe d’Aires
Protégées de Gamba) en collaboration avec les villageois. Cette expérience visait
essentiellement l’endommagement des cultures par les animaux.
Depuis une dizaine d’années, le programme WWF-Gamba accompagne les populations
villageoises. Beaucoup d’agriculteurs se sont rassemblés pour concentrer leurs efforts afin
d’être plus efficace pour tester les différents outils qui leur étaient présentés. À cet effet, les
villageois ont construit des barrières électriques fixes ou mobiles autour des plantations. Ce
type de barrière est très coûteux et demande à être entretenu. La construction des campements
permanents autour des champs est aussi un autre type de méthode permettant aux villageois
de monter la garde. Il a également été demandé aux villageois d’éloigner certaines cultures de
leurs champs, et d’abattre les arbres fruitiers existants autour des champs et habitations. Cette
méthode présente ses limites parce qu’elle réduit considérablement les revenus agricoles des
villageois. En effet, la banane constitue une culture très rentable pour les villageois qui ne
peuvent pas l’éliminer de leurs champs à causes des éléphants.
Une étude comme celle de Walker (2000) a montré que dans certains sites, c’est le manioc qui
doit être banni des champs à cause des mandrills et des hérissons, ou bannir d’autres sites la
canne à sucre à cause des chimpanzés. En définitive, ces méthodes ne sont pas très efficaces
parce qu’elles demandent aux villageois d’investir pour obtenir et maintenir les barrières
électriques d’une part, de rompre avec leurs habitudes alimentaires d’autre part. Car, les
cultures sont plantées pour répondre aux besoins (alimentaires et financiers) des villageois. De
plus, proscrire certaines plantes des champs peut entraîner une insécurité alimentaire dans les
villages.
Face aux conflits Homme-faune, d’autres initiatives en vue de les résoudre sont nées. C’est en
effet à l’échelle sous-régionale, que le RAPAC collaborant avec le WWF-CARPO, en 2008 a
mis en place une stratégie qui a conduit à synthétiser les conflits dans la sous-région, ce qui a
également permis de mettre en œuvre une méthode régionale pour lutter particulièrement
contre les attaques des éléphants. Faisant suite à cette méthode, quelques recommandations
ont été énumérées :
« Améliorer le cadre légal et institutionnel,
promouvoir l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’affectation des terres,
capitaliser les connaissances acquises sur ces conflits,
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
289
intégrer la dynamique sociale et économique,
mettre en œuvre des techniques d’atténuation des impacts,
élaborer et mettre en œuvre un plan d’action national pour chaque pays
membre du RAPAC. » (Mekui Biyogo, op. cit. : 20).
C’est en s’appuyant sur cette méthode issue de la collaboration du RAPAC avec WWW-
CARPO que la stratégie nationale des conflits Homme-faune fut élaborée. La stratégie
nationale du CHF s’appuie sur huit axes distincts qui ont toutes pour objectif de résoudre les
CHF. Ainsi, la vision est qu’« à l’horizon 2016, les conflits Homme-faune soient atténués en
vue de concilier la conservation de la faune et la sécurité alimentaire, et lutter contre la
pauvreté au Gabon » (MEF et FAO, op. cit. : 9). Ces huit axes définis par MEF et FAO sont :
«
1- Gérer de façon efficiente les animaux responsables des conflits ;
2- Promouvoir les pratiques adaptées de protection des cultures contre les animaux à
problème ;
3- Renforcer les capacités techniques des parties prenantes dans la gestion des
CHF ;
4- Diminuer la compétition entre l’homme et la faune sauvage pour les ressources
naturelles ;
5- Gérer efficacement les espaces agraires pour atténuer la déprédation des cultures
et du bétail et favoriser l’intensification de la production agricole et piscicole ;
6- Intégrer la conservation de la faune dans la dynamique sociale et économique des
communautés locales ;
7- Elaborer les plans d’affectation des terres pour prévenir les conflits ;
8- Renforcer le cadre législatif, réglementaire et institutionnel sur les CHF ».
De façon pratique, la stratégie nationale CHF est constituée d’un ensemble de projets dont la
mise à exécution dépend en majorité du financement. D’après les informations obtenues, le
projet démarrera à Gamba, dans la zone de Moukalaba, parce qu’il y a beaucoup de conflits
notamment avec les pétroliers. Pour l’instant la zone de la Lopé où les habitants se plaignent
régulièrement des CHF n’est pas priorisée, parce qu’elle n’est pas la seule à connaître ce
problème. L’horizon visé par la stratégie est 2016, mais aujourd’hui (fin 2012) rien à encore
commencé faute de moyens financiers. Le rapport sur la stratégie indique un budget
approximatif de dix milliards de FCFA, repartis inégalement selon l’importance des projets
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
290
établis autour des huit stratégies. Même si cette estimation budgétaire repose sur une réalité
d’anciens projets réalisés par ECOFAC, Cartographie participative, DACEFI, etc., elle est
énorme. Il s’avère que c’est un financement difficile à trouver. De plus, cette stratégie ne peut
aboutir s’il n’y a pas une ressource humaine formée et expérimentée pour mener à bien ces
projets. On est encore loin de la concrétisation de cette législation.
La résolution des CHF passent par plusieurs acteurs. En dehors des villageois que nous avons
amplement illustrés, les opérateurs privés (entreprises forestières, minières, pétrolières, agro-
industriels), les ONG, les organismes partenaires (FAO, COMIFAC, UICN, ANPN, RAPAC,
etc.) et les ministères des Eaux et Forêts, de l’Environnement et du Développement durable,
de l’Intérieur, de la Santé, de l’Aménagement du territoire, de la Recherche scientifique, etc.
sont tous concernés pour résoudre les conflits observés dans le monde rural gabonais. Il est
aussi vrai qu’il va falloir commencer dans les zones sensibles où les CHF sont les plus élevés.
La conséquence directe des attaques des animaux est, nous l’avons dit, la rancune des
populations locales à l’égard de l’État et de ses représentants ou délégataires locaux, les
organisations non gouvernementales et les agents des Eaux et Forêts. Les conflits autour des
parcs nationaux ont cependant d’autres racines, plus larges encore.
2. Conflits entre villageois et agents des parcs nationaux
Les conflits qui entourent les parcs nationaux sont communs partout dans le monde. En effet,
les villageois qui habitent aux périphéries des parcs devaient dorénavant se priver de certaines
ressources qu’ils utilisaient et lieux fréquentés à cause des restrictions qu’impose la
conservation.
Au Gabon, ces conflits prennent une tournure particulière du fait de l’importance de l’État
dans la génération des dégâts (au travers de sa politique de conservation) et de son absence
dans sa résolution. D’où des incompréhensions qui conduisent parfois à des conflits.
2.1. Manifestations des conflits
La décision d’implantation des parcs nationaux au Gabon a été prise, nous l’avons dit, de
manière assez autocratique par le Président de la République. Sans contestation en amont, et
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
291
sans doute en considérant que ces espaces étaient vides de populations locales, le Président a
décidé de consacrer 11 % du territoire national aux aires protégées.
Da manière logique, l’une des premières actions qui a suivi cet acte fondateur a été de
procéder à la délimitation des parcs. C’est bien évidemment là que les conflits sont apparus :
les agents de la conservation empiétaient souvent sur les domaines villageois, puisque les
limites des parcs étaient souvent remaniées. Par exemple, la superficie du Parc de la Lopé à
plusieurs fois été revue. Se sentant réduites dans leur espace, absentes des processus de
décision, les populations ne pouvaient rien faire face à cela. C’est pour quoi lorsque les CHF
devenaient récurrents dans ces villages périphériques aux parcs nationaux, les populations
manifestaient leur colère.
Les conflits observés entre les villageois et les agents de conservation provient des impacts de
la conservation sur les villageois, leurs habitations et sur leurs activités. Nous l’avons vu lors
de l’illustration des CHF. Ces conflits grandissant à travers la conservation favorisent les
tensions entre les villageois et les agents de la conservation. Or non seulement ces populations
ne sont pas indemnisées, mais elles ne voient pas les bienfaits de la conservation dans leurs
milieux. Des 144 chefs de familles interrogés, cinq seulement avaient une activité directement
liée aux parcs nationaux : deux seulement sont des éco-guides, deux autres travaillent dans le
parc et 1 seule fait de l’écotourisme à titre personnel et la considère comme sa principale
activité. Détail important : ces personnes profitant de la présence du parc notamment celui de
la Lopé ne sont pas toujours natifs de ces régions périphériques aux parcs. Le problème des
parcs nationaux prend alors la forme d’un problème autochtone / allochtone, ressort toujours
facile à activer des dévastateurs.
Ce sont les conflits Homme-faune et les restrictions issues de la conservation qui sont en
général à l’origine des conflits entre agents de la conservation et populations villageoises.
Lors de nos enquêtes nous avons posé quelques questions en rapport avec la conservation. Il
s’agissait de voir par exemple si les villageois sont d’accord pour la création des parcs et
quelles sont leurs rapports avec les agents de la conservation afin de déceler s’il y a tensions
ou pas. Le graphique ci-après met en exergue les réponses données par les villageois à la
question qui leur étaient posée.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
292
Graphique 17 : Acceptation du parc national
Les réponses obtenues sont étonnantes. Comme tendrait à le montrer l’histogramme qui
reprend les réponses de la question « êtes-vous d’accord avec la création du parc ?», 45 chefs
de famille sont d’accords avec la création du parc de la Lopé qui contrairement aux autres
parcs nationaux auxquels nous nous intéressons est très proche des villageois. Moins de dix
chefs de famille interrogés dans les périphéries des parcs de l’Ivindo et de Mwagné ne sont
pas d’accord avec la création du parc. Ces villageois vivent très loin de ces parcs et ne vivent
pas la même situation que les villageois habitant autour de la Lopé. De même, parmi ces chefs
de familles, il y a eu plus de résignés qu’à la Lopé.
Cependant, les arguments que les villageois donnent en faveur des aires protégées amène à
penser qu’il peut y avoir un biais méthodologique. Nous avons cependant constaté beaucoup
d’hésitations pour justifier le « non » donné par les 7,64 % des villageois. La peur de
s’exprimer, de donner son avis se faisait ressentir lors de nos enquêtes. Cet histogramme
illustre les réponses obtenues.
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Oui Non Résignés
Lopé Ivindo, Mwagné
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
293
Tableau 26 : Réponses données à la question : Etes-vous d’accord avec la création du
parc ?
Type de réponses Nombre de
citations
Pourcentage
On n’a pas le choix 8 5,5 %
Oui, parce que la conservation
est une richesse pour le pays
79 54,86 %
Oui, en partie 3 2,03 %
Non 11 7,64 %
Aucune idée 37 25,69 %
Je ne suis pas du coin 6 4,17 %
Total 144 100 %
Ce tableau permet de comprendre un peu mieux les situations. 54,86 % des villageois
interrogés dans la zone d’étude après avoir dit qu’ils sont d’accords avec la création des parcs
nationaux ont également renchérit en montrant le bien-fondé de la conservation. Les
arguments utilisés reprennent ceux développés par l’État. Après information et sensibilisation
lors de la création des parcs, ils comprennent bien les enjeux de la conservation. Mais on
perçoit, dans le caractère assez stéréotypé de ces réponses qu’ils sont peu enclins à donner
leur avis sur le fait que ces parcs doivent exister ou pas. Cela va plus loin encore quand on
demande de justifier les réponses (histogramme suivant).
Graphique 18 : Arguments développés en faveur ou contre le parc national
C’est lorsqu’ils justifiaient leurs réponses, que nous nous sommes aperçus que près de 41 %
des habitants autour de la Lopé, Ivindo et Mwagné ne donnaient pas d’argument pour ou
0
5
10
15
20
25
30
35
Lopé
Ivindo, Mwagné
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
294
contre le Parc (NS, Ne sait pas). Les villageois habitant près du parc de l’Ivindo n’ont pas
signalé les conflits Homme-faune, la protection nature / développement et l’apprentissage
pour expliquer leurs choix. Presque toutes les réponses données, lorsqu’elles étaient
affirmatives montraient l’enjeu que représente la conservation au Gabon. Lorsque les
réponses étaient négatives, leurs justifications faisaient allusion au fait qu’ils ne tirent pas
profit de la conservation.
2.2. Quelques raisons des conflits entre villageois et agents de conservation
Il y a sans doute plusieurs raisons qui expliquent les conflits constamment observés entre les
populations locales et les agents de la conservation. Mais, nous n’en retiendrons que deux que
nous estimons être fondamentales.
2.2.1. Les parcs nationaux, un projet inopiné
La création soudaine de treize parcs nationaux n’a pas tenu compte des réalités du terrain.
Une étude au préalable englobant les aspects social, économique et culturel, aurait dû être
faite avant de prendre la décision de créer d’un seul coup les treize parcs. La création des
parcs nationaux au Gabon révèle des insuffisances que l’on peut observer à partir de
l’organigramme de l’ANPN (cf. annexe 1). En plus de ce qui a été dit dans le chapitre 3 sur la
manière dont les parcs ont été créés, nous nous appesantissons sur l’organigramme de
l’ANPN dans lequel quelques carences sont observées.
L’ANPN dispose de trois organes de fonctionnement pour réaliser ses missions : le comité de
gestion, le secrétariat exécutif et l’agence comptable :
Le comité de gestion représente l’organe délibératif de l’ANPN. Il est composé de
quinze membres partagés en deux collèges. Il y a d’un côté le collège des pouvoirs
publics et de l’autre côté le collège des partenaires. Ces deux collèges sont dirigés par
un président. Le comité a pour rôle de fixer les orientations et de s’assurer de
l’exécution de ces orientations (en termes de travail, projets à faire). C’est le comité
qui valide les budgets et en fin d’année contrôle si le budget a été bien géré. Le comité
de gestion a aussi un regard sur la gestion administrative et financière du secrétariat
exécutif. C’est lui qui définit le règlement intérieur de l’ANPN, approuve les plans de
gestion et les tarifs d’entrée dans les parcs.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
295
En principe, parmi les membres constituant le comité de gestion il devrait avoir un
représentant de la population. Mais, il n’y en a pas, peut-être parce qu’il n’existe pas à
la base des critères de désignation d’un représentant de la population. Ainsi, l’absence
du représentant de la population est un handicap dans la mesure où lorsque le comité
prend des décisions il n’a pas l’avis de ce représentant qui pourrait apporter des
doléances de la population. Un représentant de la population permettrait un
assouplissement quand les décisions sur la conservation sont considérées rudes et peu
bénéfiques à la population. Cela ne serait cependant pas suffisant : il faudrait s’assurer
que, cette personne remplisse son rôle de représentant – ce qui implique la mise en
place de politiques représentatives auxquelles le monde rural gabonais est peu
familier, comme nous le verrons dans le chapitre suivant.
Le secrétariat exécutif représente l’organe d’exécution de l’agence. C’est lui qui
assure le fonctionnement quotidien de l’agence. Le secrétariat exécutif dirigé par un
secrétaire exécutif et son adjoint a aussi des conseillers. Ce secrétariat a pour mission
de concrétiser tout ce que le comité de gestion a arrêté comme plans de gestion, de
travail, d’affaires de l’agence et des parcs qu’elle gère. Le secrétariat exécutif est
composé d’une :
Direction technique qui s’occupe des actions de conservation (connaissance des
ressources, aménagements et suivis écologiques). C’est elle qui est chargé de
savoir ce qu’il y a comme ressources dans les parcs. Elle gère, surveille et préserve
les ressources. C’est également elle qui fait de la répression.
Direction de la communication qui permet d’informer, de valoriser et de
promouvoir les richesses biologiques des parcs. Elle prend également en compte la
formation et la promotion des richesses pour le tourisme auprès des opérateurs
touristiques. La direction de la communication travaille aussi avec la population,
considère ses avis dans le but de trouver les alternatives aux répressions qui leur
sont imposées. C’est le partenaire de la population.
Direction administrative et financière qui entreprend deux principales actions. Elle
gère d’un côté les finances de l’ANPN et de l’autre côté gère les ressources
humaines de l’agence (recrutement, organisation de l’organigramme, etc.).
Direction des Opérations dont l’objectif est d’acquérir la logistique (voitures,
ordinateurs, etc.) et d’assurer la maintenance, l’entretien de l’agence, etc.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
296
En définitive, d’après les informations obtenues, la direction technique est composée à
plus de 90 % des agents des Eaux et Forêts qui sont beaucoup plus des gendarmes
qu’autre chose. Leur rôle principale est d’assurer la protection des ressources et non de
négocier avec la population. Il a donc été remarqué qu’il y a beaucoup de zèle lorsque
ces agents font des répressions, ce qui fâche la population et fait naître des tensions.
Or, un mélange de formation et de profils des agents de la conservation ferait que les
tensions entre les villageois et ces agents diminuent.
En principe, lorsque les parcs nationaux ont été créés et que l’agence était sous la tutelle du
MEF, le schéma qui avait été fait, disait qu’il devait avoir un conservateur à la tête d’un parc
(profil conservateur des ressources en tant qu’agent des Eaux et Forêts), suivi d’un
responsable de formation, d’éducation et de développement communautaire (profil
réconciliateur), puis d’un responsable de surveillance (profil surveillant) et d’un responsable
du tourisme (parce que le parc a aussi un caractère touristique). Mais aujourd’hui, il n’en est
pas ainsi. On retrouve actuellement dans les parcs un conservateur et son adjoint ayant la
même formation, celle des Eaux et Forêts. N’obéissant plus à l’ancien schéma dont le but était
d’atténuer les conflits, les deux principaux agents du parc ont les mêmes compétences et par
ricochet les mêmes incompétences aussi. Cette situation participe à alimenter les conflits,
puisqu’il n’y a personne qui se place comme médiateur entre la population et l’ANPN.
L’agence comptable enfin, assure la gestion financière de l’agence. Elle vérifie si les
dépenses ordonnées par le secrétariat exécutif ont été prévues et si elles correspondent
au budget alloué. Elle encaisse également les recettes et paie les dettes.
En regardant l’organigramme, l’accent n’est pas réellement mis sur l’aspect social, ce qui
amènerait à considérer les populations habitant aux périphéries des parcs. Pour l’instant ce
n’est que la conservation qui se fait. De plus, il n’existe pas de plans d’aménagements des
parcs, sauf celui de la Lopé. L’absence de ces plans d’aménagements montre la difficulté qu’il
y a à définir de façon concise les zones périphériques aux parcs. Cela permettrait de tenir
compte des populations environnant les parcs et de voir leur impact sur la conservation ou
l’impact de la conservation sur les populations.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
297
2.2.2. Absence ou insuffisance de textes juridiques
Comme pour le cas des conflits Homme-faune, l’absence ou l’insuffisance des textes
juridiques montrent aussi que les parcs nationaux sont un projet inopiné. Cette carence
contribue à alimenter les conflits et à limiter la conservation. Cependant, le gouvernement
gabonais a montré sa volonté à faire de la gestion environnementale sur son territoire par la
révision des textes, l’adoption de la Loi sur les parcs nationaux (2007), des réglementations
fermes pour protéger la faune et la flore. Il existe un dispositif législatif et réglementaire
favorable à la conservation de façon générale. Mais, dans ce dispositif sont constatées des
manquements et des incohérences le limitant. « Cette distorsion s’explique en partie par les
difficultés pour traduire des volontés régionales dans les textes nationaux et plus
concrètement dans leur application locale » (Silva/Riat, 2007 : 46). Ainsi, l’absence ou
l’insuffisance des textes juridiques (décrets et arrêtés) réduit la portée sur la loi relative aux
parcs nationaux.
En effet, la loi ne définit pas réellement les notions de communautés locales, de populations
forestières. Leur statut n’est pas définit non plus (Silva/Riat, 2007). De même, « l’absence de
clarté et de précisions dans la définition des droits d’usages consentis aux populations
riveraines, est source de malentendus lors de la mise en application des textes. Il en est de
même pour le manque d’implication de tous les acteurs (opérateurs, privés, ONG et
populations locales) dans le processus d’élaboration des lois et règlements. En général, les
populations se voient imposer et subissent plutôt ces textes, ce qui ne favorise pas leur
adhésion » (Ibid. : 47). Au Gabon, l’exercice des droits d’usage qui est gratuit d’après les
textes se fait dans « le domaine forestier villageois, mais les textes de classement d'une forêt
ou les plans d'aménagement d'une forêt de production doivent prévoir une zone suffisante à
l'intérieur de laquelle les populations riveraines peuvent exercer leurs droits d'usage
coutumiers » (Silva/Riat, 2007 : 31). Ces constats sont identiques à l’ensemble des pays
forestiers du Bassin du Congo, révélés par l’étude de Silva/Riat (2007), même si de petites
différences selon les pays peuvent être observées. Ainsi, la non prise de la dimension sociale
entraîne des contradictions telles qu’observées dans le Parc national de la Lopé où le domaine
villageois n’étant pas clairement défini explique, comme le montre la carte suivante, que l’on
retrouve des villages à l’intérieur du Parc (voir carte ci-dessous).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
298
Considérés comme des enclaves à l’intérieur du Parc, les habitants de ces villages voient leurs
territoires réduits et limitant leurs droits d’usages coutumiers. Pour cette raison, les
responsables des villages ont adressé en 2008 des lettres aux responsables de la Lopé (préfet,
conservateur) pour manifester leur mécontentement (cf. annexes 3,4 et 5). Ceci explique aussi
l’une des raisons des conflits entre les agents de la conservation et les populations
villageoises. De plus, « [la législation prévoit] l’intéressement des populations par la
redistribution d’une partie de la fiscalité forestière et des produits de la faune; en réalité ces
Carte 11 : Les villages dans le parc de la Lopé
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
299
retombées restent trop marginales et insuffisantes pour favoriser le développement local. Il
faut également constater que la valorisation des produits de la faune est trop faible pour
permettre, ne serait ce que partiellement, l’autogestion financière du secteur » (Silva/Riat,
op. cit. : 47). Ceci limite davantage la contribution des villageois à la gestion durable des
ressources.
3. Conflits entre villageois et exploitants forestiers
C’est parce que les activités forestières ont des impacts sur le cadre de vie, l’héritage culturel
et même sur la sécurité des villageois vivant à l’intérieur ou proches des zones d’exploitation
forestière, que naissent des tensions entre villageois et exploitants forestiers. Ainsi, lorsqu’une
entreprise forestière reçoit un permis forestier dans une zone donnée et qu’elle veuille
l’exploiter, elle est souvent confrontée à des conflits avec les populations locales.
Ces conflits ou malentendus peuvent perdurer quand il n’y a pas collaboration ou quand rien
n’est fait pour résoudre la situation conflictuelle. Les conflits ont souvent été marqués chez les
villageois par des routes barrées, des menaces de mort, des violences verbales et physiques –
quand ce n’est pas par des pratiques de sorcellerie qui sous-tendent toujours les relations
villageoises. Les exploitants forestiers ont parfois occasionnés des rivalités entre deux
villages, quand l’un consent l’exploitation forestière parce que voyant ses avantages et l’autre
pas, parce que ne trouvant aucun bénéfice. C’est la situation vécue dans le regroupement des
villages Ebe-Messe-Melane. Un exploitant forestier a pu convaincre les villageois de Melane
à exploiter le bois situé dans leur patrimoine forestier, tandis que Messe et Ebe voyaient que
cela allait à l’encontre de la philosophie de leur projet sur la forêt communautaire.
Plus d’un siècle que le Gabon exploite et exporte son bois, il n’existe pas de textes qui
montreraient clairement la contribution des exploitants forestiers au développement rural.
Rien ne stipule clairement ce qu’ils doivent verser aux populations avant d’exploiter le bois se
trouvant dans leurs milieux. À cet effet, l’article 251 de la Loi no 16-01 du 31 Décembre 2001
déclare que « pour promouvoir l’aspect social de la politique de gestion durable, il est mis en
place une contribution notamment financière, alimentée par les titulaires de ces concessions
pour soutenir les actions de développement d’intérêt collectif initiées par lesdites
communautés. La nature et le niveau de cette contribution sont définis par le cahier de
charges contractuelles lié à chaque concession. La gestion de cette contribution est laissée à
l’appréciation des assemblées représentatives des communautés concernées » (Code forestier
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
300
gabonais). Or, l’article 252 de cette même loi dit que : « l’exercice des droits d’usages
coutumiers a pour objet la satisfaction des besoins personnels ou collectifs des communautés
villageoises » (Code forestier gabonais). Alors, lorsque les villageois trouvent que leurs droits
d’usages coutumiers sont lésés au profit de l’exploitation forestier qui ne leur apporte pas de
grands avantages, il se crée des rapports de tensions entre les forestiers et les villageois.
3.1. Des explications aux conflits ruraux-sociétés d’exploitations
Deux causes mais qui ne sont pas exhaustives peuvent expliquer les conflits entre ruraux et
exploitants forestiers.
3.1.1. Des activités d’exploitations toujours en expansion
L’expansion des exploitations forestières dans l’ensemble du pays tend à absorber les
territoires ruraux. D’après Meka M’Allogho (2007) en 2007, sur l’ensemble du territoire
gabonais, la superficie globale des permis forestiers s’élevait à 10,5 millions d’hectares, or en
2002 elle était de 11 millions d’hectares (cf. carte des permis forestiers, ci-dessous). Les
permis sont davantage octroyés aux sociétés forestières parce que les trois quarts de la forêt
gabonaise ont un potentiel exploitable. Mais, il est vrai que « les réserves en bois du Gabon
ne sont pas connues d’une manière fiable. De même – et c’est important – que leur taux de
reconstitution après exploitation. Les estimations existantes varient et sont fondées, dans une
large mesure, sur des suppositions et sur des données non fiables. Les inventaires sont fiables
s’ils sont effectivement contrôlés sur le terrain et s’ils atteignent des normes prédéterminés »
(Christy et al., op. cit. : 75). Il a été remarqué par les mêmes auteurs qu’entre 1957 et 1997,
les permis couvrent une superficie en hausse d’environ 10 millions d’hectares, dont la
moyenne par an est de 250 000 ha. Ce qui est important. De même l’étendue réservée aux
permis forestiers ne coïncide pas avec l’espace exploité. Cependant, à la différence des autres
activités, l’exploitation forestière « conduit à une destruction de 5 à 20 % de la canopée
forestière au cours d’un passage » (Ibid. : 28), parce qu’elle est sélective. L’exploitation
forestière industrielle demeure néanmoins la première activité qui porte atteinte à la forêt
parce quelle reste extensive. Même si au Gabon les taux annuels de déforestation (brute et
nette) entre 1990 et 2000 sont peu prononcés, de l’ordre de 0,09 % (de Wasseige, et al, 2009)
couper, débarder et évacuer le bois favorise la perte de plusieurs essences.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
301
Avant l’octroi d’un permis dans un lieu donné, les villageois n’étaient pas réduits dans leur
espace et pouvaient vaquer à leurs occupations sans restrictions. Mais, lorsqu’arrive une
entreprise forestière, l’une des premières actions est d’informer les communautés villageoises
habitant dans son espace exploitable de ce qu’elles ne doivent plus faire. Ces communautés ne
comprennent pas toujours la démarche entreprise par les exploitants forestiers, parce qu’elles
estiment qu’elles habitent dans ces territoires depuis des temps ancestraux. Dans certains
villages comme La Scierie, Nzé Vatican ou Messe, il y a des permis forestiers qui englobent
l’arrière-cour des habitations d’après ce que nous ont déclaré les habitants des villages, selon
ce que leur ont dit les exploitants forestiers. S’il y a des essences exploitables dans ces arrière-
cours, en principe seul l’exploitant a le droit d’en bénéficier. Cette situation crée des
polémiques entre exploitants et villageois, ce qui nécessite l’intervention des agents du MEF
qui en général proposent des compromis.
De plus, il y a des permis octroyés jadis aux anciens exploitants dans lesquels peuvent se
trouver de nombreux villages. Sans compter que les villageois se déplacent constamment
ignorant parfois que le nouveau site choisi est situé dans une zone à concession. Quand les
exploitants décident enfin d’utiliser leur bois, cela provoque des conflits. En outre, certains
arbres à travers leurs graines (Safoutier sauvage, manguier sauvage), ayant une importante
valeur marchande pour les villageois, sont abattus par les forestiers au cours de leur activité.
Cela est aussi une autre explication des conflits entre les villageois et les exploitants
forestiers. À travers la carte ci-dessous, on peut observer dans le détail la présence des permis
forestiers dans quelques villages dans lesquels se réalise le projet DACEFI.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
302
L’exploitation forestière contribue à réduire le domaine villageois et à susciter de vives
tensions. Les villages concernés sont directement influencés par les activités forestières soit
par leur proximité avec les zones d’exploitation, ou soit parce qu’ils sont à l’intérieur de ces
zones.
Carte 12 : Les permis forestiers dans quelques villages étudiés
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
303
3.1.2. Une inégale répartition de l’occupation spatiale
Il n’existe pas un partage équitable de l’espace dans les villages étudiés comme dans
l’ensemble du monde rural. Aucune consultation n’est au préalable faite auprès des villageois
pour connaître leurs milieux villageois avant d’attribuer les permis. Ce sont des milieux
représentant le patrimoine culturel villageois duquel doivent se détacher les villageois lorsque
leur forêt est exploitée. En réalité, c’est la forêt de l’Etat, chose que comprennent mal les
villageois qui y vivent depuis très longtemps. Ils sont constamment dépossédés de leurs terres
sans pourtant qu’ils soient dédommagés ; même lorsque leurs zones sacrés sont détruites.
L’inégale répartition du foncier explique de nombreux conflits entre villageois et exploitants
forestiers. Même si la révision du code forestier en 2001 est une manière de régler les conflits
existants de sorte que l’exploitation forestière soit aussi rentable aux communautés
villageoises, comme nous l’avons dit, il a des carences. L’imprécision de la contribution des
exploitants forestiers au développement rural permet juste que les villageois bénéficient de
petits dons (groupes électrogènes, construction de maisons ou d’écoles).
Les agents du MEF ne sont pas toujours sur le terrain lorsque se fait l’exploitation forestière,
pour montrer aux villageois et aux forestiers les limites concrètes de leurs territoires. C’est
pourquoi l’on observe des chevauchements entre les droits coutumiers et les permis forestiers.
Les exploitants forestiers ont souvent tendance à empiéter sur le domaine forestier villageois.
Dans le monde rural, les activités de conservation et d’exploitation forestière sont dominantes.
Deux cartes peuvent se juxtaposer pour montrer tout l’espace qu’elles occupent.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
304
Carte des parcs nationaux
Carte des permis forestiers
D’un côté les territoires villageois sont réduits par les activités de conservation, d’un autre par
les activités d’exploitation forestière. Ceci pose le problème foncier qui est un handicap au
développement rural.
4. Les impacts des conflits sur le développement rural et sur la
gestion des ressources
De façon générale, les autorités perçoivent la présence des activités de production
(exploitation forestière) et de conservation comme ayant des impacts positifs sur le
développement par la création d’emplois. L’embauche des villageois reste en effet le point
positif dominant des activités menées dans les territoires du monde rural. Cependant, le
nombre de personnes employées n’est pas représentatif devant le nombre de chômeurs
villageois. Par conséquent, même ce point qui apparaît positif ne suffit pas pour résoudre les
conflits rencontrés. Nous proposons de montrer, à travers des exemples, les impacts des
conflits sur le développement rural et sur la gestion environnementale.
Cartes 13 : Juxtaposition des parcs nationaux et des permis forestiers
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
305
4.1. Impact sur les populations et le développement rural
L’ensemble des conflits présentés ont des impacts négatifs sur le les populations et le
développement rural, bien sûr à des proportions variées. L’implantation d’un parc national ou
d’une société forestière modifient le cadre de vie, le système de valeurs et le régime
alimentaire des ruraux. Ce sont les Pygmées qui sont plus affectés par les activités
d’exploitation et de conservation. Peu habitués à la revendication, ceux-ci en sont bien
souvent réduits à se rapprocher des villages tout en essayant de s’y intégrer. C’est ce qui
explique la présence de certains Pygmées rencontrés notamment dans les villages de La
Scierie et de Ramba. Leur éloignement de leur milieu d’origine contribue à faire disparaitre
leur patrimoine culturel (connaissance des plantes guérisseuses, maîtrise de certaines espèces
animales).
L’enclavement, conséquence indirecte de la protection des milieux (en réduisant l’activité
économique et les trafics), limite grandement pour les villageois retenus dans cette étude, la
possibilité de se rendre à l’hôpital : à cause de l’irrégularité des transports, du mauvais état
des routes et du problème financier qui rendent plus dramatiques encore les maladies et
accidents. Ainsi, le recours à la pharmacopée ou médecine traditionnelle reste le seul moyen
pour se soigner des maladies comme la toux, la diarrhée, le paludisme. Toutefois, la
disparition ou la rareté de certaines plantes de la forêt suite à l’exploitation forestière conduit
les villageois à plus se focaliser sur la médecine moderne. Or, plusieurs villages n’ont pas de
dispensaire et même quand ils en possèdent, il n’y a pas de médicaments. De nombreux décès
sont alors enregistrés dans les villages. Le nombre élevé de morts dans les villages diminue la
population villageoise et ne favorise pas le développement rural qui ne peut se faire sans cette
population, à moins que l’État ne ravitaille en médicaments les dispensaires existants et n’en
construise dans les zones où il n’y en a pas.
Parcs nationaux comme entreprises forestières ne rencontrent pas souvent les attentes que les
ruraux ont placé en eux, voire même leurs besoins fondamentaux. Nous avons vu dans le
chapitre précédent que l’inactivité reste encore dominante dans les milieux ruraux.
Lorsqu’arrivent les sociétés forestières, elles embauchent quelques villageois, mais très vite le
manque de qualification des villageois entraîne leur licenciement – laissant aux villageois le
sentiment d’avoir été embauchés pour faciliter l’acceptabilité du projet. Cela ne permet pas de
résorber le chômage dans les villages. De même, seulement très peu de villageois sont
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
306
employés comme guides dans les parcs nationaux. Si on considère l’agriculture à laquelle sont
réduits à pratiquer tous les villageois comme une activité de subsistance, il existe un fort taux
de chômage près et à l’intérieur des zones de conservation et d’exploitation forestière. Face à
cela, le développement rural est défavorisé.
En outre, la destruction des espèces telles que Garcinia Kola, l’Irvingia gabonensis,0 ou
Coula edulis, qui sont des arbres à usages divers, ne serait-ce qu’à travers leurs graines
utilisés dans l’alimentation, empêche les villageois à les commercialiser. Ces espèces
devenant rares suite à l’exploitation forestière, se commercialisent désormais rarement. Or,
leur commercialisation aide les villageois à rehausser les revenus issus de la vente des
produits non agricoles, même s’ils sont saisonniers.
En définitive, les mauvaises répartitions et gestion spatiale restreignent considérablement les
finages villageois. Les villageois sont par conséquent réduits à vivre dans des milieux très
limités. Le sous-peuplement du monde rural et le sous-développement de leur agriculture
conduisent-ils l’État gabonais à faire occuper les territoires ruraux pour développer d’autres
activités plus rentables à l’économie nationale ? Comme le représente la carte qui suit, il ne
reste que peu de territoires aux zones rurales non protégées ou non soumise à une exploitation
forestière.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
307
Cette carte fait suite à la combinaison des deux cartes présentées dans le point traitant de
l’inégale répartition de l’occupation spatiale comme cause des conflits dans le monde rural.
Les territoires ruraux sont flous et constamment désirés pour accueillir plusieurs activités.
Sans territoires bien circonscrits, le développement rural aura du mal à se faire.
Carte 14 : Superposition des permis forestiers et des parcs nationaux
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
308
4.2. L’exode rural
L’exode rural se présente comme un autre impact négatif issu des conflits rencontrés dans les
lieux étudiés. Ce point a déjà été abordé dans le chapitre V, nous avons parlé des migrations
des ruraux qui dépeuplent davantage leurs territoires. Ceci s’observe à travers les absences
dans la pyramide des âges qui a été faite. Nous voulions ici insister un peu sur le fait qu’elles
sont sans doute pour partie la conséquence de la situation que nous avons décrite.
La situation décrite dans les villages étudiés quant à leur sous-peuplement est générale à
l’ensemble des villages gabonais. Le dépeuplement du monde rural gabonais est très
inquiétant. Le graphique ci-après permet d’apprécier les populations rurales au sein de la
région CEMAC87
.
Graphique 19 : Pourcentages de la population rurale dans la CEMAC en 2005
Source : (FAO, Evaluation des ressources forestières, 2005)
87
Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. C’est une organisation internationale qui
rassemble plusieurs pays d’Afrique centrale. Elle suit la logique économique de l’ancienne UDEAC (Union
Douanière et Economique de l’Afrique Centrale.
48,6
57,3 55,1
16,2
46,5
Cameroun RCA RDC Gabon Congo
% pop. rurales
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
309
L’observation générale quand on observe ce graphique est que tous les autres pays de la
CEMAC, sauf le Gabon ont une population rurale importante. Les populations rurales du
Cameroun et du Congo avoisinent 50 %, tandis que celles de la RCA et de la RDC ont plus de
55 % de populations rurales. L’importance de ces populations rurales, particulièrement celle
du Cameroun, explique la capacité de ces pays à produire pour ses ressortissants et pour
l’exportation. Nous avons montré dans le chapitre V que le Cameroun exporte en premier ces
produits agricoles vers le Gabon qui est son premier importateur dans la région CEMAC.
Le sous-peuplement de la population rurale du Gabon avec 16,2 % explique sa difficulté à
répondre aux besoins alimentaires du pays. Il est vrai que c’est en 2005 que ces populations
rurales ont été évaluées, mais aujourd’hui qu’en est-il ? L’exode rural grandissant que
connaissent les villages gabonais entraîne de graves bouleversements culturels, sociaux et
économiques. Le développement rural gabonais est sans doute confronté à des véritables
obstacles. De plus, l’agriculture ne peut connaître un développement si les actifs ruraux
quittent de plus en plus leurs villages. Pour l’instant, l’agriculture ne peut permettre de
résoudre la pauvreté des ruraux gabonais.
Les difficultés résultant des conflits Homme-faune et des tensions avec les agents de la
conservation occasionnent les départs des habitants des villages périphériques au Parc
national de la Lopé (Makoghé, Mikongo) qui les ressentent beaucoup plus que les autres.
Plutôt que de rester dans les villages peu prospères, les ruraux jeunes (hommes et femmes de
plus en plus) vont vivre dans les villes avec l’objectif d’améliorer leurs conditions de vie. Ces
derniers gonflent ainsi l’effectif des chômeurs urbains, accélèrent le développement des
habitations défavorisées, les bidonvilles, et toutes les difficultés d’adaptation qu’ils peuvent
rencontrer. Les villages restés avec quelques personnes (enfants et vieux) dans lesquels
l’agriculture est peu développée ne permettent pas à ses habitants de vivre dignement du
travail de la terre.
4.3. Impact sur la gestion des ressources
La gestion des ressources naturelles subit également l’impact négatif des conflits présents
dans le monde rural gabonais. Deux points permettent d’illustrer nos propos.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
310
4.3.1. La non-sanction en cas de violation
L’exploitation forestière est une des boites noires de l’exploitation forestière du Gabon, boite
noire sur laquelle Labrousse et Versachave ont essayé de lever un peu le voile. Pour eux,
«toutes les sociétés forestières d’Afrique centrale n’ont pas la même chance – ni les mêmes
marges » (Labrousse et Verschave, 2002 : 158). Cela est particulièrement vrai au Gabon, où
les sociétés forestières n’ont pas la même influence, selon leur ancienneté, leur dominance sur
les marchés national et international en matière de bois, leur accointance privilégiée avec le
pouvoir en place (Rougier SA). Ce qui conduit à dissimuler les violations de ces sociétés
contre la réglementation forestière en vigueur. Par exemple, « les délits écologiques pratiqués
par les fournisseurs d’Interwood restent bien peu poursuivis. Ils n’en scandalisent pas moins
nombre de clients de cette société » (Ibid. : 161). Le fait qu’il n’y ait pas une équité pour tous
au respect de l’environnement est une défaillance à la gestion durable des ressources
naturelles.
De plus, « il ne manque pas de prétextes pour couper des arbres trop jeunes, en violation de
la réglementation. Par exemple, pour un lot d’échantillons de la forêt gabonaise à destination
d’Hô Chi Minh-Ville, « le diamètre et la longueur importe peu » (Labrousse et Verscheve, op.
cit. : 162). Si aujourd’hui les acheteurs deviennent de plus en plus exigeants quant à la qualité
du bois vendu, à cause d’une réglementation et consignes non considérées par les exploitants
forestiers asiatiques notamment, la gestion des ressources forestières doit être aussi exigée.
4.3.2. Le braconnage
La consommation de la viande de brousse n’est pas en soi un problème ; c’est le braconnage
qui conduit les individus à tuer beaucoup de gibier pour la commercialisation qui en constitue
un. Ainsi, le braconnage incité par la commercialisation de la viande de brousse est considéré
comme une menace pour la pérennité des ressources animales. « Au Gabon, Sted (1994) a
estimé à 500 tonnes la quantité moyenne du gibier que les marchés de Mt Bouet, Oloumi et
Nkembo (Libreville) reçoivent par an. Une étude similaire sur six marchés (Libreville, Oyem,
Port Gentil et Makokou) a estimé à 1 105 t/an la quantité de viande reçue, représentant une
valeur de plus de un milliard de FCFA. Par ailleurs de 1991 à 1993, 31 130 tonnes de
spécimens de 1 568 espèces de mammifères et d’oiseaux ont été saisies » (Silva/Riat, op. cit. :
13). Cependant, le problème qu’engendre la consommation de la viande de brousse à travers
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
311
le braconnage ne provient pas toujours des villages, parce que les paysans possèdent une
réglementation alimentaire, mais souvent de chasseurs venus de la ville.
Dans les villages, la réglementation alimentaire intervient souvent à travers les diverses
défenses. Ces défenses ou interdits résultent des différentes confréries initiatiques dans
lesquels font partie les hommes et les femmes des villages. De même, les totems des clans,
lignées, ou des familles favorisent également le maintien des défenses de consommer ou de
détruire certaines espèces animales ou végétales. Ces restrictions participent à la conservation
de ces espèces. Hormis cela, les villageois sont sensibilisés quant au fait que la chasse doit
être réglementée et doit obéir aux dispositions prises par les administrations des Eaux et
Forêts, à savoir les périodes de chasse (dates d’ouverture et de fermeture de chasse) qui sont
fixées par le MEF. « Ces dates peuvent être révisées annuellement ou reconduites de manière
quasi-automatiques » (Silvat/riat, op. cit. : 30), cependant, au Gabon, « il est prévu des
aménagements lorsqu’il s’agit de l’exercice de droits coutumiers » (Idem). Tout cela dans le
but de conserver les animaux.
En conséquence, lorsque que par exemple il est constaté que les chasseurs tuent fréquemment
en grand nombre les animaux de mêmes espèces, les chefs de villages et les sages des villages
sensibilisent, et peuvent demander aux chasseurs d’arrêter de tuer ces animaux pour un
moment. Parfois, c’est juste pour leur demander de revoir la quantité du gibier tué. Et, ceci
indépendamment des agents des Eaux et forêts. Ces derniers interviennent souvent dans les
cas de braconnage. Les anciens sensibilisent les chasseurs lorsqu’ils remarquent une chasse
désordonnée et incontrôlée. Car disent-ils s’ils ne règlementent pas la chasse le gibier viendra
à manquer et cela peut provoquer une famine dans les villages. Mais, vu que les villageois
consomment du gibier depuis très longtemps, les programmes de sensibilisation de la gestion
durable de ces animaux ne produisent pas toujours des bilans concluants.
Le braconnage apparaît comme un impact négatif dans la gestion environnementale en ce sens
qu’il met en péril l’avenir des espèces animales particulièrement des espèces totalement
protégées (éléphant, buffle, drill, gorille, etc.) dont la chasse, la capture, le commerce et même
le transport sont proscrits88
. L’étude collective menée par le WCS, le WWF et le
gouvernement gabonais conclut à propos des éléphants que « depuis 2004, le braconnage a
88
Sauf à des fins scientifiques ou lorsque la sécurité des animaux et des personnes est menacée.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
312
tué plus de 11 000 éléphants au Gabon dans la forêt du parc national de Minkebe »89
. Ces
dernières années, le braconnage effectué dans la forêt connaît une importante hausse due
d’une part à la commercialisation illicite des défenses d’éléphants, d’autre par à la
commercialisation de la viande de brousse dans les marchés urbains. Le braconnage est
beaucoup accéléré grâce à l’activité d’exploitation forestière ouvrant des chemins permettant
aux chasseurs d’accéder plus facilement et rapidement dans la forêt.
Conclusion du chapitre VI – Quelques résolutions aux conflits
dans les territoires ruraux
Conflits Homme-faune, conflits populations locales / administration des parcs nationaux,
conflits populations locales / exploitants forestiers… les conflits ne manquent pas dans le
monde rural gabonais. Ces conflits, nous l’avons vu, trouvent souvent leur origine dans le flou
législatif dont pâtissent les populations les plus faibles – les populations rurales.
Pour résoudre les conflits du monde rural gabonais, deux solutions peuvent être proposées : le
partage légal des terres et la révision et création des textes sur le foncier. Ce sont des solutions
trouvées par l’État qui est propriétaire des terres. Lui seul est habileté à apporter des
résolutions fondamentales au problème que pose le foncier. Ainsi, pour qu’il y ait le partage
légal des terres, il est nécessaire que l’État face au préalable la révision des textes existants sur
le foncier au Gabon et en créé d’autres vu les carences observées. Nous nous focalisons ici sur
la révision et la création des textes. Nous verrons le partage légal des terres dans le chapitre
suivant avec le projet DACEFI.
La nécessité de réviser et de créer de nouveaux textes pour résoudre la problématique foncière
gabonaise ne se fera pas qu’au profit du monde rural gabonais. Il s’agit de modifier les
anciens textes qui ne cadrent plus avec la réalité actuelle et de concevoir de nouveaux textes
qui seront pris en compte tant dans les villes que dans les villages. C’est dans cette optique
qu’un projet de textes sur la propriété foncière gabonaise a été rédigé conjointement par les
Ministères de l’Économie et de l’Habitat et a été présentée aux deux chambres parlementaires.
Ce nouveau régime de la propriété foncière se base sur l’ordonnance n°00000005/PR du 12
89
http://www.rapac.org/index.php?option=com_content&view=article&id=470:le-braconnage-delephants-bat-
son-plein-au-gabon&catid=50&Itemid=71
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
313
février 2012. Elle a pour objectif de mettre à jour le cadre juridique qui permet l’obtention de
la propriété privée en facilitant ses modes d’accessibilité à tous.
Cette ordonnance va occasionner plusieurs réformes dont nous ne citerons que quelques-unes,
jugées essentielles à l’accès à la propriété foncière. Cela est constaté dans les articles quatre à
dix-huit qui montrent comment la conservation foncière peut être possible dans tous les chefs-
lieux de province. Contrairement au précédent texte qui n’avait prévu qu’un conservateur
pour gérer tout le territoire gabonais, désormais il y aura plusieurs conservateurs du foncier
dans chaque province. Ceci est une réforme qui œuvre dans la facilitation des rapports des
conservateurs avec les populations.
Faisant suite aux articles précédemment cités, une autre réforme est observée dans les articles
34 à 39 qui portent sur la création d’un titre foncier. Ils suppriment la publication et le
bornage qu’exigeait l’ancienne procédure pour plutôt instaurer l’immatriculation ou le
bornage définitif en réduisant aussi les délais d’opposition de deux mois à quinze jours.
Contrairement au fait qu’il n’y avait que les tribunaux de Libreville ou de Port-Gentil qui
avaient le droit de traiter des dossiers d’immatriculations, les articles 40 à 45 de la nouvelle
ordonnance portant sur la procédure d’immatriculation, confèrent aux tribunaux de première
instances des localités à octroyer aux nouveaux conservateurs des provinces les permissions
de créer des titres fonciers quand il n’y a pas opposition. De même, dans l’article 33, il est
envisagé une large diffusion pour publier les actes de procédure dans les journaux et dans les
administrations publiques (gouvernorat, préfecture, mairie, etc.), dans le but de les faire
connaître à tout le monde.
Ce projet vient régler le problème de la décentralisation du pouvoir dans l’attribution des
titres fonciers, en réduisant également la procédure et le temps d’attribution. L’application et
la réussite de ce projet permettront aussi à tous les acteurs (populations, acteurs économiques,
administrations) de changer de mentalité par le respect des textes. Cette initiative ne sert qu’à
encourager la lutte contre l’implantation anarchique et la possession illégale des terres. De
plus, la réussite du projet réside sur l’implication de chacun de ces acteurs qui doivent tous
bénéficier des réformes apportées dans le foncier.
En définitive, « beaucoup de conflits naissent aussi sur le terrain du fait de la faible
cohérence entre les codes forestier, faunique, foncier et traditionnel et sont des facteurs
importants de discorde dans la gestion des ressources fauniques » (Silva/Riat, op. cit. :49).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
314
Ceci nécessite une réelle collaboration entre les différentes administrations pour une meilleure
gestion durable des ressources. À propos des conflits Homme-faune, « les dispositions légales
et réglementaires en matière de protection des biens et personnes contre les animaux sont peu
précises, ce qui laisse un sentiment de frustration au sein des populations, objets de sinistres,
souvent à répétition » (Idem). Il est vrai que le Gabon est un pays sous-peuplé, ce qui
conduirait à dire qu’il a moins de conflits de terres. Cependant, les politiques de conservation
excluant les populations rurales contribuent non seulement à intensifier les conflits dans les
territoires ruraux, mais aussi à favoriser davantage leur sous-développement.
De même, l’exploitation forestière peut expliquer largement ce sous-développement. C’est
l’une des grandes conséquences négatives lointaines qui depuis le début à ravager le monde
rural gabonais. « Avant la guerre, note un historien, « le fonctionnement de l’espace-Gabon
s’est […] trouvé entièrement subordonné à un dispositif qui mit les “régions réservoirs” de
l’intérieur au service d’un espace économique confondu avec l’aire de flottabilité des bois.
[…] Les perturbations engendrées par les migrations forcées de travail affectaient autant les
zones de départ que les zones d’accueil par suite des déséquilibres mortels qu’elles
installaient dans les systèmes de vie. […]. Parmi ces déséquilibres, le plus gros des
conséquences étaient celui du sex-ratio. […]. L’inégalité numérique des sexes favorisant la
prostitution et l’adultère activa la diffusion des maladies vénériennes à effets stérilisants »
(Labrousse et Verschave, 2002 : 171). Ainsi, le déséquilibre familial résultant de cette
situation avait sérieusement bouleversé la production villageoise au point d’entraîner les
famines des années 1920 (Pourtier, 1989). Aujourd’hui encore l’exploitation forestière
continue d’impacter négativement le monde rural gabonais, ne serait-ce que par les conflits
observés, énumérés dans ce chapitre qui contribuent à décimer la population rurale. Si
l’exploitation constitue l’une des entrées solides de l’économie nationale, cela ne devrait pas
être au détriment des villages. Même si au Gabon le contexte général réglementaire est
propice à la protection de l’environnement, mais « la destruction sans frein des forêts
primaires est l’un des effets virulents d’une permissivité accrue : celle de diviser et de
conquérir le monde, de l’allotir en parts de butin. Les paradis fiscaux permettent de
contourner toutes les règles » (Labrousse et Verschave, op. cit. : 17). Ainsi, pour une
meilleure gestion des milieux ruraux entraînant leur développement, il faut que des textes
soient impérativement respectés par tous les acteurs.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
315
Chapitre VII : Les forêts communautaires
comme solution à la résolution des conflits
dans le monde rural gabonais
La problématique foncière est connue dans toutes les localités gabonaises. C’est l’Etat qui
gère les terres puis les distribue en vue d’un développement durable. Il peut également les
récupérer quand il l’estime nécessaire. Cependant, « l’État se retrouve, en droit ou en fait,
dépouillé de son patrimoine foncier. Concurrencé par d’autres acteurs ou entraîné par la
logique de son interventionnisme foncier, l’Etat perd la maîtrise des sols » (Nguema Ondo
Obiang: 1). De plus, il ne parvient pas toujours à réguler le marché foncier90
. Cette non
maîtrise des sols est à l’origine de plusieurs tensions entre les acteurs qui se considèrent être
des propriétaires. Cette situation défavorable à la gestion durable des sols et de tout qui s’y
trouve, a conduit l’État à trouver des solutions dans la législation. C’est ce qui a entraîné la
réforme foncière qui fait face à un véritable défi. « Ce défi n’est pas des moindres, dans la
mesure où le régime actuel d’occupation favorise les élites privilégiées et les intérêts
transnationaux privés et qui bénéficient du soutien des gouvernements étrangers
participants » (Wily, 2012 : 4). Ainsi, le droit foncier au Gabon et l’accès aux ressources
naturelles «est imparfait, rétrograde et injuste dans ses grands principes, et faiblement
respecté » (Ibid. : 3). C’est dans ce but que l’État a décidé de résoudre ce problème pour en
faire bénéficier notamment les populations locales dont la majorité ne dispose pas d’une
grande sécurité foncière.
90
Nguema Ondo Obiang (p.5) déclare que cela est dû au fait que « les carences de l’Etat qui ne lui permettent
pas d’assurer un gestion rigoureuse et cohérente des sols ».
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
316
Prenant appui sur les discours internationaux en rapport avec les forêts qui incitent à mettre
davantage en avant le rôle des populations locales dans la gestion durable des ressources
naturelles, l’État gabonais à travers les réformes observées dans la Loi 016/01 portant code
forestier va favoriser la création d’une foresterie communautaire (Vermeulen et Doucet,
2008 : 10). De plus, « cette volonté se trouve aujourd’hui inscrite dans la plupart des
législations nationales qui préconisent le transfert de pouvoir, et des responsabilités
associées, d’une structure centrale étatique vers une structure locale comme une communauté
rurale (Ribot, 2002) » (Poissonnet et al., 2006 : 7). La foresterie communautaire (FC) apparaît
comme un des moyens efficaces, car, « la foresterie communautaire, contrairement à
l’agriculture et à d’autres activités économiques, semble avoir une valeur universelle
indépendamment de l’histoire, du développement économique, des systèmes politiques et des
idéologies » (Kialo, 2009). C’est alors que naît le projet DACEFI au Gabon et au Cameroun.
Au Gabon, c’est en 2006 que le premier projet sur les forêts communautaires a été lancé.
C’était un projet pilote qui se réalise dans la province de l’Ogooué-Ivindo. L’objectif final est
de l’étendre à toutes les provinces du Gabon. Dans ce chapitre, nous analysons ce projet
pionnier, comment il a fonctionné dans la première phase (2006 - 2008), les personnes qui ont
œuvré et ceux qui œuvrent dans la seconde phase (2010 - 2014), et le bilan actuel que l’on
peut en faire. Nous nous focalisons dans ce chapitre sur la première phase de DACEFI parce
que sa durée d’exécution est dépassée et donc ses résultats peuvent être analysés. Par contre,
la deuxième phase qui est en cours permettra de voir ce qui se fait actuellement sur le terrain
en comparaison avec la phase précédente.
1. Les forêts communautaires, un nouveau mode de gestion
rationnelle à la portée des ruraux
Si « le Cameroun est doté depuis 1994 d’une nouvelle loi forestière qui promeut la mise en
place de différents modes de gestion forestière décentralisée, dont la forêt communautaire »
(Poissonnet et al., op. cit. : 9), au Gabon cette innovation législative n’apparaît qu’en 2001.
Au Cameroun, il existe « actuellement, 14 FC couvrant une superficie d’environ 47 000
hectares et représentant 22 villages [qui] bénéficient d’un appui direct du projet [DACEFI]
(Vermeulen et Doucet, 2008 : 5). Cet exemple du Cameroun est pris en référence pour
montrer que dans la sous-région, il est en avance. De par son expérience, des comparaisons
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
317
seront faites entre ce qui se fait actuellement au Gabon et ce qui existe déjà au Cameroun dans
le domaine de la foresterie communautaire en vue d’une meilleure analyse.
Qu’entend-on par forêts communautaires ? Pourquoi au Gabon les forêts communautaires ont-
elles été choisies pour permettre aux communautés locales d’obtenir une propriété foncière en
vue d’une gestion participative responsable des ressources ? Comment les forêts
communautaires peuvent-elles résoudre les conflits dans le monde rural ? Des réponses seront
apportées à ces questions au cours de l’analyse.
1.1. Les forêts communautaires, un outil pour atténuer les tensions
« La forêt communautaire, s’inscrit dans la logique de la spécialisation des espaces qui sous-
tend certaines règles de gestion forestière. Ces règles prévoient un zonage qui définit les
limites du domaine forestier permanent et du domaine national » (Nguinguiri, 1999 : 6). A cet
effet la nouvelle législation au travers de ses articles 12 et 13, a permis de considérer d’une
part l’État comme étant propriétaire du domaine forestier permanent, d’autre part les
populations comme bénéficiant du domaine forestier rural. Ainsi, on peut trouver une
définition de la forêt communautaire dans l’article 12 même du code forestier ; c’est « le
domaine forestier rural [qui] est constitué des terres et des forêts dont la jouissance est
réservée aux communautés villageoises, selon les modalités déterminées par voie
réglementaire ». L’article 156 explicite mieux encore : « la forêt communautaire est une
portion du domaine forestier rural affectée à une communauté villageoise en vue de mener
des activités ou d’entreprendre des processus dynamiques pour une gestion durable des
ressources naturelles à partir d’un plan de gestion simplifié ». Puis, les articles 157 à 162
définissent le contexte des FC, pour qui, pour quoi et comment elles doivent être créées.
Ainsi, la répartition de la forêt en deux domaines a pour objectif de résoudre les imprécisions
observées dans la Loi forestière antérieure quant aux droits d’usages coutumiers, et de
résoudre les conflits que ces imprécisions suscitaient, de même que ceux suscitées par la
gestion des ressources naturelles dans le monde rural gabonais.
D’abord, l’institution des forêts communautaires apparaît comme un moyen pour délimiter les
territoires villageois qui sont sans cesse sollicités pour les activités de conservation et de
production. Quelques villages de la zone étudiée ont comme nous l’avons illustré dans le
chapitre précédent, des conflits avec les exploitants forestiers. « En effet, 75 % et 48 % des
finages villageois, respectivement pour La Scierie et Ebe Messe Melane, sont situés au sein de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
318
permis forestiers » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 51). La principale activité villageoise qui
est à l’origine des conflits entre villageois et exploitants forestiers est l’agriculture itinérante
sur brulis (par exemple à Ebe Messe Melane). Elle peut se présenter comme nuisible à
l’exploitation forestière par le fait qu’elle se déplace. Ce qui peut conduire les villageois à
solliciter les espaces forestiers situés dans les permis forestiers. Mais, la chasse, la cueillette et
la pêche peuvent être compatibles avec l’exploitation forestière (c’est le cas dans le village La
Scierie). Par ailleurs, les villages périphériques au Parc de la Lopé, même si pour l’instant
aucun projet sur la foresterie communautaire n’est réalisé, connaissent des situations de
conflits avec les agents de la conservation sur la délimitation de leurs territoires.
La foresterie communautaire peut alors apparaître comme l’une des solutions utilisées pour
résoudre les conflits de foncier si et seulement si après la création d’une FC chaque acteur
respecte les délimitations de chaque propriété. De sorte que accédant à une décentralisation de
gestion des ressources forestières, ce qui est l’objectif de la mise en place des FC, « les
populations riveraines pourront désormais prendre en main la gestion de certains espaces
forestiers » (Nguinguiri, op. cit. : 6). De plus, à travers les activités communautaires, les
villageois pourront résoudre les problèmes de pauvreté et de chômage qui les amènent
souvent à quitter leurs villages. Si les activités entreprises dans le cadre des FC tenant compte
de la préservation de l’environnement sont bénéfiques, les villageois se sentiront plus
concernés par la conservation parce qu’ils en tireront profit. Après les généralités sur les
avantages des FC, nous montrons le cas pratique du projet DACEFI.
1.2. Historique et établissement des forêts communautaires dans l’Ogooué-
Ivindo : cas du projet DACEFI
Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exportation Forestière Illégale (DACFEI)
est le premier projet qui a pour objectif d’amener les communautés villageoises d’Afrique
Centrale à participer à la gestion durable des forêts de la région à travers la foresterie sociale
et communautaire. C’est un projet régional entamé au Gabon et au Cameroun depuis Janvier
2006. Le projet a pour but « au Cameroun, de soutenir les forêts communautaires existantes
et de vulgariser l’expérience à l’échelon national, tout en diversifiant l’approche de la
foresterie communautaire classique vers une forme plus agroforestière. Le Sud-Est du pays
servira tout particulièrement de cadre de référence » (Schippers, 2007 : 14). Quant au Gabon,
où le concept est tout neuf, après avoir informé les villageois sur leurs « droits et devoirs » en
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
319
référence à la nouvelle loi, le projet « a pour ambition de tester la mise en place de deux
forêts communautaires pilotes et d’aider les communautés villageoises dans leurs démarches
pour y parvenir » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 6). Cette action entreprise par DACEFI est
rendu possible grâce au financement de l’Union Européenne de 1,5 millions d’euro issus du
budget alloué aux « Forêts tropicales ».
Au départ, le projet devait se faire au Gabon, sur une durée de trois ans, mais n’étant pas
arrivé au terme de sa mission, DACEFI a négocié une deuxième phase pour atteindre ses
objectifs. « Trois organisations se sont associées pour concevoir et mettre en œuvre le projet :
le WWF-Carpo, l’asbl belge Nature + et le laboratoire de Foresterie des Régions tropicales
et subtropicales de la Faculté universitaire des sciences agronomique de Gembloux
(FUSAGx, Belgique) » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 5). Le rassemblement des
compétences et d’expériences résultant de ces partenaires était fait pour en faire bénéficier le
projet. De sorte que « si Nature + et la FUSAGx se partagent la responsabilité de la mise en
œuvre technique du projet, le WWF-Carpo gère les aspects stratégiques et de communication
du projet » (Idem). L’administration des Eaux et Forêts a aussi un regard sur les activités de
DACEFI. Ce qui a permis d’avoir un service travaillant sur les FC au Ministère des Eaux et
Forêts. Lors du premier projet de DACEFI (DACEFI 1) un protocole d’accord a été signé
entre les exécutants du projet et l’administration pour que celle-ci soit impliquée dans le
projet. De même à DACEFI 2, le protocole d’accord a été renouvelé sur la base du premier.
C’est le WWF-Carpo qui assure la gestion du projet DACEFI. C’était pour protéger le Parc de
Minkébé qui subit beaucoup d’actions nuisibles à la survie des ressources (animales en
particulier) que la province de l’Ogooué-Ivindo a été choisie pour accueillir le tout premier
projet sur les forêts communautaires. Ceci est la raison fondamentale du choix de cette
province. En plus, dans la province, le WWF à travers ses nombreuses structures mène
plusieurs actions environnementales. Le Parc national de Minkébé qui est localisé au nord-est
du Gabon, a une superficie de 7 565 km². C’est le plus important des parcs nationaux
gabonais qui dispose d’un massif forestier parmi les plus indemnes et les plus enclavés de
l’Afrique Centrale. Ce Parc est géré conjointement par le conservateur de Minkébé-est qui est
établi à Makokou (Ogooué-Ivindo) et par le conservateur de Minkébé-ouest localisé à Oyem
(Woleu-Ntem). La gestion de ce parc se fait avec l’apport financier du Fonds Français pour
l’Environnement Mondial (FFEM), de l’Union Européenne et de Carpe USAID UNESCO.
Parce que ce Parc dispose d’un important potentiel en ressources naturelles (densité
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
320
importante d’éléphants) à préserver qu’une forte attention y est mobilisée, à cause du
braconnage. Grâce à la contribution financière mentionnée, les deux conservateurs travaillent
en partenariat avec le WWF pour assurer la gestion du Parc. Il était alors utile de protéger les
territoires forestiers non seulement autour du Parc de Minkébé, mais aussi autour des Parcs de
l’Ivindo et de Mwagné présents dans la province, à travers la mise en place des forêts
communautaires.
C’est le contexte législatif qui a permis au projet DACEFI de se réaliser. En effet, la réforme
de la Loi forestière en 2001 a permis que soient apportées trois grandes innovations dans le
domaine forestier. Premièrement, les permis forestiers devaient être assurés par adjudication
pour une meilleure gestion forestière et pour éviter les malversations. Deuxièmement, tous les
permis attribués devaient faire l’objet d’un plan d’aménagement (CFSAD : Concession
Forestière Sous Aménagement Durable). Troisièmement, créer des forêts communautaires
dans le but d’impliquer les communautés villageoises dans la gestion durable des ressources.
Ainsi, le remaniement de la Loi formant le code forestier a permis qu’une gestion durable de
la foresterie sociale et communautaire, ainsi que les revenus qui en découlent, soient
possibles. Cette réforme prévoit « également la mise en œuvre de plans de zonage, ainsi que
la possibilité pour les populations de devenir gestionnaire à part entière d’une partie des
massifs forestiers ; c’est le propos même de la foresterie communautaire » (Vermeulen et
Doucet, op. cit. : 5). Le projet ne s’est fait que dans quelques villages de la province.
La phase 1 de DACEFI (2006-2008) est intervenue finalement dans les villages Ebe-Messe-
Melane, La Scierie et Nzé Vatican. Ces sites ont été choisis à partir de trois axes de
communication: l’axe Makokou-Lalara, l’axe Makokou-Mvadi, et l’axe Makokou-Mékambo.
Ces sites ont été retenus afin d’atteindre les trois groupes ethnolinguistiques dominants de
l’Ogooué-Ivindo que sont Fang, Kota et Kwélé. Au préalable des études de faisabilité ont été
faites dans sept villages cibles, mais par la suite, il n’y a que La Scierie et Ebe-Messe-Melane
où le projet a réellement travaillé parce qu’ils étaient volontaires. C’est vers la fin de la phase
1 du projet que Nzé Vatican a été choisi. Dans ces sites, « le projet se propose [également] de
promouvoir sur le terrain toutes les techniques simples concourant à la pratique d’une
agroforesterie durable permettant de diversifier le tissu économique local » (Vermeulen et
Doucet, op. cit. : 6). La phase 2 du projet qui démarre en 2010 a choisi de mener ses activités
dans de nouveaux villages (Ebyeng). Nous le verrons plus tard. C’est à Makokou que la
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
321
cellule technique de DACEFI-Gabon s’est installée. Comment DACEFI s’est-il organisé ?
Quelles sont ses activités ?
1.3. Activités spatiales du projet DACEFI
Comme dit plus haut, le projet DACEFI se subdivise en deux phases. La première phase
(DACEFI 1) qui avait une durée de trois ans a commencé en Janvier 2006 et s’est achevée en
Décembre 2008. Ayant une durée de cinq ans, la deuxième phase (DACEFI 2) par contre a
commencé en Janvier 2010 et s’achèvera en Décembre 2014. La carte ci-après localise les
différents sites sur lesquels a travaillé DACEFI.
Cette carte résume les différents sites sur deDACEFI 1 a travaillé. Localisés exclusivement
dans la province de l’Ogooué-Ivindo, les villages Ebe-Messe-Melane, Bissobilam, Ntsenkele,
Carte 15 : Les sites de DACEFI 1
Carte 16 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon
Carte 17 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon
Carte 18 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
322
Mekob, Abor, La Scierie et Nzé Vatican avaient été au départ les sept cibles du projet. Mais
c’est définitivement dans trois sites localisés sur cette carte (Ebe-Messe-Melane ; La Scierie et
Nzé Vatican) que DACEFI 1 a mené ses activités. DACEFI 2 par contre, en dehors des
anciens sites, a élargi ses activités dans quelques villages de la province (Massah, Ebyeng et
Hendje). De plus, elle étend ses activités dans les provinces de l’Estuaire et du Moyen-
Ogooué dans lesquelles des sites sont en cours d’identification.
1.4. Organisation du projet
L’exécution du projet s’est faite en fonction de la législation en vigueur et des objectifs à
atteindre. De plus, des activités étaient faites pour permettre aux communautés villageoises
d’avoir un dossier complet d’après l’article 4 du décret d’application. L’obtention d’une forêt
communautaire devait se faire suivant une procédure administrative en deux étapes. La
première étape est celle où les communautés villageoises se réunissent pour se concerter à
propos de la FC. La deuxième étape est celle de la constitution du dossier relatif à la demande
de la FC.
C’est dans ce cadre que DACEFI 1 a travaillé. De même, suivant la même philosophie et les
mêmes objectifs, DACEFI 2 organise ses activités. Le projet s’organise en général autour de
trois domaines. Dans le domaine environnemental, le projet désire tout comme ses partenaires
et le gouvernement gabonais amener les villageois à jouir de leurs FC tout en respectant la
gestion durable des ressources naturelles à travers des activités pérennes. Le domaine social
est celui qui tient compte des conflits sociaux pouvant exister dans les villages pour créer
l’esprit communautaire sans lequel les FC auront du mal à se faire, de même que la gestion
concertée et un développement rural. Quant au domaine économique, réussir à « créer des
emplois locaux générateurs de revenus, d’améliorer le pouvoir d’achat des ruraux et de
développer des micro-projets de développement local » (Idem). Cela nécessite une
participation active des populations locales.
1.5. Implication des populations locales
Impliquer les communautés locales est l’un des objectifs fondamental du projet. Parce
qu’après le projet, ces communautés seraient autonomes et resteraient à travailler sans besoin
d’avoir un soutien extérieur. L’implication des populations a permis de déterminer leurs
attentes et craintes, de considérer leurs finages en fonction de leurs droits d’usages
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
323
coutumiers, de l’occupation spatiale actuelle, de leurs histoires, coutumes, parentés, etc. dans
l’optique de bien mener les activités villageoises décrites ci-dessous.
1.5.1. Les activités villageoises
En général, les activités villageoises sont pratiquement les mêmes, cependant il en existe des
particularités selon les villages. À DACEFI 1 les agents du projet arrêtaient les activités en
collaboration avec les villageois en tenant compte de leurs attentes et de ce que leur offraient
leurs milieux. Cependant, dans certains villages comme Nzé Vatican où le projet a
tardivement commencé, il n’y a pas eu beaucoup d’engouement de la part des villageois,
parce que pour certains le projet était neuf et ne voulaient pas trop y adhérer. Dans d’autres
villages par contre (La Scierie et Ebe-Messe-Melane), les villageois travaillaient selon les
programmes arrêtés par les agents du projet. La majorité des villageois y a participé. Mais,
c’est au démarrage de la deuxième phase que les villageois ont montré leur désintéressement
vis-à-vis du projet à cause des incompréhensions que nous analyserons plus tard. C’est pour
cette raison que la deuxième phase du projet s’y prendra différemment.
Dans le cadre du projet DACEFI 2, l’équipe qui exécute le projet a encouragé cette fois-ci les
villageois à déterminer eux-mêmes leurs projets d’activités en fonction de leurs besoins, pour
susciter en eux la motivation. Et, c’est sera donc désormais eux qui solliciteront les agents du
projet et plus le contraire. Cette décision du nouveau Exécutant du projet résulte du constat
fait sur le terrain qui montre un désintéressement des villageois des premiers sites pour la
deuxième phase du projet. Les activités préliminaires que DACEFI 1 a initiées sont les mêmes
que celles de DACEFI 2 dans les nouveaux sites villageois. Il s’agissait entre autres de la
création d’une association, la conception d’une pépinière, la mise en place d’un verger et
entreprendre les formations des villageois à plusieurs activités. Nous proposons d’étudier
quelques unes de ces activités dans deux sites villageois partenaires.
1.5.1.1. La proposition d’un plan simple de gestion
Le plan simple de gestion passe par plusieurs actions et considérations qui doivent être au
préalable faites et prises en compte. « La délimitation est une des premières actions à
entreprendre dans la mise en place d’une forêt communautaire. Elle a pour but de
circonscrire une portion de forêt à attribuer à une communauté villageoise en tenant compte
des permis forestiers déjà octroyés et des limites avec les villages voisins » (Vermeulen et
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
324
Doucet, op. cit. : 47). C’est un territoire à définir dans ce qui existe déjà comme domaine
forestier rural des villages demandant. Au Gabon la loi ne définit pas la superficie que devrait
avoir une FC ; « elle exige par contre un plan de situation de la forêt à une échelle comprise
entre 1/50 000e et 1/10 000
e (MEFEPEPN, 2004) » (Idem). La prise en compte de la manière
dont les villageois se représentent leurs espaces, leurs occupations actuelles, et comment ils
considèrent leurs ressources était également important pour circonscrire leur FC. Ainsi, pour
la délimitation d’une FC, un scénario comportant quatre étapes à été mis en place : «
1. Elaboration d’un scénario de limites pour la forêt communautaire sur la base des
informations relatives au finage villageois et aux permis forestiers ;
2. Identification des sources potentielles de conflits entre les différents acteurs concernés
(exploitants forestiers, villages voisins, clans, lignages, …) ;
3. Détermination des attentes villageoises de délimitation sur base d’une cartographie
participative ;
4. Elaboration d’un scénario intégré obtenu par consensus villageois » (Idem).
Ces quatre étapes ont été déterminantes pour proposer une délimitation des FC des villages
Ebe-Messe-Melane et La Scierie, en vue d’aboutir à un plan simple de gestion. Grâce à la
délimitation des finages la délimitation des FC a pu être faite dans ces villages.
1.5.1.1.1. Ebe-Messe-Melane
Élaborer un scénario pour délimiter le territoire de ce regroupement de villages dans le but de
circonscrire une forêt communautaire constituait une tâche importante.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
325
Carte de la forêt communautaire du
regroupement des villages
Les limites du finage de ce regroupement de villages ont été faites en fonction des
déclarations des villageois, sur la base d’une cartographie participative et grâce à un GPS. Les
permis forestiers, les villages voisins, les sites sacrés, les champs, les anciens villages, les
jachères, les sites de chasse et de pêche, ont été pris en compte. Comme le montre la carte de
gauche, les sites composant le finage des villages Ebe-Messe-Melane ont été spatialisés grâce
au SIG. « L’outil SIG permet l’élaboration de cartes thématiques sur l’occupation spatiale et
la comparaison de ces cartes avec les permis forestiers attribués, la topographie et
l’hydrographie du milieu. Ces cartes thématiques sont élaborées grâce aux outils de
sélection, de géotraitement et de représentation thématique offerts par Arcgis » (Schippers,
2007 : 27). C’est après cet exercice que la délimitation de la FC a été possible.
La carte de droite montre la FC de Ebe-Messe-Melane, établie à partir du scénario 2. « Afin de
déterminer les limites de forêts communautaires conformes aux attentes des villageois, une
cartographie participative est réalisée. Pour cela, deux types de cartes sont utilisés et
produits à l’aide du SIG. Le premier est une carte au 1/50.000 avec les principales rivières
nommées, les permis attribués, les routes et les villages. Le second est un fond de carte
Cartes 19 : Les délimitations foncières du regroupement villageois
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
326
topographique également au 1/50.000 sur lequel les permis attribués ont été ajoutés » (Ibid. :
690). Une réunion avec tous les villageois selon leurs appartenances familiales, claniques, a
eu lieu dans le but de leur montrer les cartes établies. Les villageois se sont plutôt reconnus
dans la première carte. Le tableau ci après illustre les différentes zones définies pour les
villages Ebe-Messe-Melane et La Scierie.
Tableau 27 : Finages villageois et zones potentielles pour la mise en place de forêts
communautaires pilotes
Site Finage villageois en
ha
Zone potentielle de
FC en ha
Pourcentage du
finage villageois
La Scierie 27 655 ha 6 900 ha 25 %
Ebe Messe Melane 12 612 ha 5 297 ha 42 %
Source : Vermeulen et Doucet
Tenant compte des éléments sociaux et physiques, les agents de DACEFI avec l’aide des
villageois ont pu définir les superficies de leurs finages actuels et celles que pourraient avoir
les FC une fois établies. Le finage du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane a une
superficie de 12 612 ha, dont la zone potentielle de FC représente 42 % du finage villageois,
c’est-à-dire 5 297 ha. Par contre, « le scénario propose une forêt communautaire de 5 750 ha
qui s’étend de la route nationale jusqu’à la limite du permis forestier no 7 situé au nord des
villages » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 48). On constate une distinction entre le scénario
présenté et les aspirations des villageois. Parce qu’un scénario intégré élaboré par consensus
villageois entre dans les objectifs du projet que finalement la proposition de la FC faite par les
villageois fut retenue (4 750 ha). Les zones potentielles de FC des villages ont été estimées en
tenant compte des exploitants forestiers, des villages voisins, des clans et lignages, dans le but
d’éviter les conflits.
1.5.1.1.2. La Scierie
Comme l’illustre le tableau ci-dessus, le finage de La Scierie a une superficie de 27 655 ha
mais la zone potentielle de FC ne représente que 25 % du finage villageois. Cette superficie se
trouvant hors des permis forestiers permet d’avoir une FC de 6 900 ha. « Le scénario de
limites pour le village de La Scierie présente une surface approximative de 4 750 hectares
dans la zone potentielle de la mise en place de forêt communautaire » (Idem). Ce scénario
proposé est similaire aux attentes des villageois qui considèrent que leur FC pourrait avoir
4 750 ha. Les cartes ci-après ont été élaborées sur la base de ce que nous venons de dire. D’un
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
327
côté se trouve la carte d’occupation spatiale (à gauche) présentant le finage de La Scierie, de
l’autre la carte participative (à droite) montrant les limites de la FC du village.
Carte participative : Limites de la FC du village La Scierie
Ces cartes ont été faites grâce à l’intégration de l’approche participative qui a nécessité
plusieurs discussions et négociations. Ce qui a entraîné la délimitation de la FC. « L’approche
participative a pour but de créer une dynamique villageoise de discussion, de réflexion et de
concertation pour la délimitation d’une forêt communautaire. Elle favorise l’appropriation
par les communautés villageoises des nouveaux concepts et méthodes tout en garantissant la
prise en compte de leurs attentes » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 53). La carte participative
de la délimitation de la FC est un exercice auquel se sont prêtés avec enthousiasme les
villageois. Cette carte a été validée par toute la communauté parce qu’elle s’y retrouvait.
1.5.1.2. La conception d’une pépinière
Elle entre dans l’expérience de l’agroforesterie que DACEFI a initiée dans les villages.
« L’agroforesterie est un mode d’utilisation du sol qui implique le maintien délibéré ou
Cartes 20 : Les délimitations foncières du village La Scierie
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
328
l’introduction de végétaux ligneux dans des champs ou dans des pâtures afin de bénéficier
des interactions écologiques et économiques qui en résultent » (Vermeulen et Doucet, op. cit.
: 27). À travers l’agroforesterie, le projet voulait aussi introduire l’approche de la foresterie
sociale telle que le prévoit la loi dans le cadre de la FC. Cette approche visait deux objectifs.
« À moyen terme, les communautés devaient retrouver de l’intérêt pour des spéculations
délaissées et les filières locales de commercialisation devaient être dynamisées. À long terme,
l’enrichissement devait augmenter le potentiel à la fois ligneux et non ligneux des villages
appuyés » (Ibid. : 28). Ce sont les activités en rapport avec l’agroforesterie qui montrent le
lancement du projet sur les sites retenus. C’est dans cette optique que les villageois de Nzé
Vatican, La Scierie et d’Ebe-Messe-Melane ont eu le soutien des agents du projet pour mettre
en place une pépinière dans chacun de leurs villages. Les pépinières ont été faites dans la
première phase du projet.
1.5.1.2.1. Ebe-Messe-Melane
À Ebe-Messe-Melane, comme dans les deux autres villages, « le site de l’installation de la
pépinière a été choisi de façon participative en fonction des critères conditionnant les
chances de réussite (proximité de l’eau, ensoleillement ne nécessitant pas de défrichements
importants, topographie peu accidentée, facilité d’accès, possibilités de contrôle, proximité
de terre de qualité) » (Ibid. : 32). Pour ce regroupement de village, une pépinière a été faite,
ce qui a permis de faire un verger (palmier à huile, atangatier, essences exploitables : Moabi,
etc.). Au départ, la pépinière a été faite dans le village Messe où réside le président de
l’association. Cette dernière appartenait au trois villages. Elle était composée de 3 000 plants.
Les villageois venaient à Messe pour s’alimenter en plants. Cela permettrait aussi de faire la
rotation des activités dans les trois villages pour motiver les paysans. Mais, compte tenu de la
distance qui sépare les villages, les habitants de chaque village ont décidé de créer une
pépinière dans chacun de leur village. Ainsi, la pépinière de Messe est restée sous la
responsabilité du président de l’association qui à lui seul ne pouvait en prendre soin.
1.5.1.2.2. La Scierie
La pépinière de La Scierie avait également une capacité de 3 000 plants, disposés dans
« douze bacs en bois durable, couverts d’ombrières, orientés dans un axe est-oues» pour un
ensoleillement maximal, et disposés de manière à faciliter les entretiens » (Vermeulen et
Doucet, op. cit. : 32). Les villageois de La Scierie comme ceux des autres villages ont reçu un
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
329
guide pratique dans le but de les aider à mettre en place et à entretenir une pépinière. En effet,
« pour s’assurer du bon développement des plants et de la pérennité de la construction, un
entretien régulier de la pépinière est nécessaire. Il consiste à arroser, désherber et biner. À
ces opérations s’ajoutent le tri régulier des sachets en fonction de la hauteur des plants ainsi
que la destruction des parasites, des ravageurs, des mauvaises herbes et des plants morts »
(Idem). Ce travail fastidieux de l’entretien d’une pépinière nécessite une importante main-
d’œuvre et un dynamisme continu. C’est grâce aux premiers plants constitués en pépinière
que le verger du village a été créé.
1.5.1.2.3. Nzé Vatican
L’une des actions importantes de DACEFI 1 dans ce village fut la réalisation d’une pépinière.
Photo 5 : La pépinière de Nzé Vatican
À la fin du projet, une pépinière à été faite à Nzé Vatican.
C’est pratiquement à la fin du projet que les activités ont été menées à Nzé Vatican. La
pépinière qui y a été faite comprenait 3 000 plants, mais elle n’a pas bien donné, faute
d’entretien. À la fin de DACEFI 1, il n’y a eu que neuf villageois qui ont participé au projet
dans le village. Il n’y avait pas assez d’engouement de la part des villageois. Beaucoup ne
comprenaient pas le projet d’où leur méfiance dans la première phase.
1.5.1.3. La mise en place d’un verger
Ce sont les trois pépinières créées disposant au total de 9 000 plants qui ont permis de mettre
en place des vergers dans les villages (Ebe-Messe-Melane, La Scierie et Nzé Vatican). La
mise en place d’un verger entre également dans le processus agroforestier mis en place par le
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
330
projet. « Les communautés villageoises ont identifié trois modes de diffusion des plants :
l’aménagement de vergers communautaires, l’enrichissement des jardins de cases et
l’enrichissement des trouées d’abattage ou des jachères. Les deux premiers modes concernent
essentiellement les essences fruitières alors que le troisième s’applique aux essences de bois
d’œuvre » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 32). Les vergers communautaires des trois villages
ont une superficie de près d’un hectare chacun, avec 100 à 200 plants d’arbres fruitiers. Ces
plants provenaient d’une part des pépinières villageoises créées auparavant (manguiers,
avocatiers) et du CIAM où des variétés améliorées de manguiers, manguiers, avocatiers et
agrumes ont été prises.
1.5.1.3.1. Ebe-Messe-Melane
L’établissement du verger, a permis à tous les habitants des trois villages de s’impliquer dans
cette activité.
Planche 10 : Le verger du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane
C’est à DACEFI 1 que le verger de ces villages a été
créé.
En 2011, le verger envahit d’herbes n’est entretenu
que par quelques villageois soucieux de voir bien
grandir leurs arbres fruitiers.
Le verger était constitué de plusieurs lignes qui représentaient chaque famille villageoise.
Cette organisation avait pour but de contraindre chaque famille à mobiliser ses membres pour
entretenir sa ligne. Actuellement, le verger n’est entretenu que par quelques villageois. Les
autres villageois comme ceux de Melane qui ne font plus partie du projet suite à plusieurs
incompréhensions (par exemple certains sont pour faire exploiter la forêt et d’autres non) ne
viennent plus entretenir leurs lignes. On observe que l’impasse dans la deuxième phase
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
331
décourage même ceux qui désirent continuer avec le projet. Les villageois voient très
rarement les agents de DACEFI 2 dans leurs villages. Cela contribue à maintenir le
désintéressement des villageois. De plus, par rapport au verger, ceux qui entretiennent
régulièrement leurs lignes, ont peur que lorsque les arbres porteront du fruit, qu’ils ne soient
volés par les autres villageois.
1.5.1.3.2. La Scierie
Ce village dispose également d’un verger communautaire.
Photo 6 : Le verger du village
Le verger de La Scierie se trouve à l’entrée du village, en revenant de Makokou.
Le verger communautaire de La Scierie est situé à côté du village. En dehors des plants
d’arbres fruitiers distribués pour enrichir les jardins de case des villageois, le verger de toute
la communauté villageoise accueille 100 à 200 plants d’arbres fruitiers. Au départ, tous y
voyaient une source de revenus à moyen et long terme. Cependant, face à l’absence d’une
autorité villageoise (notamment le chef de village décédé, le nouveau chef n’est pas influent),
chaque villageois fait ce qu’il veut. Une fois le verger a donné ; mais comme il n’est pas
nettoyé parce qu’il y a très peu de volontaires pour le faire, les arbres ont du mal à grandir.
Or, lorsque les arbres ont donné du fruit tout le monde y est allé cueillir parce que le verger
appartient à la communauté.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
332
1.5.1.3.3. Nzé Vatican
Un verger a été aussi fait à Nzé Vatican. Mais, certains plants d’arbres fruitiers ont tenu et
d’autres comme les agrumes se sont détruits. Tout comme lors de la conception de la
pépinière, la création du verger a été faite par neuf personnes. C’est par contre à la deuxième
phase du projet que les habitants de Nzé Vatican désirent redonner vie à leur verger, parce que
l’ensemble des villages souhaite entreprendre une activité commune. Cependant, le
redémarrage lent des activités de la deuxième phase du projet dans le village inquiète les
villageois. Le tableau suivant fait un résumé des activités de DACEFI 1 dans les villages Ebe-
Messe-Melane, La Scierie et Nzé Vatican.
Tableau 28: Etat des travaux de production et de diffusion de plants d’arbres fruitiers et
de bois d’œuvre réalisés en 24 mois (août 2008).
Type de travaux Niveau de réalisation
Aménagement de production
et de stockage des plants
d’arbres
3 pépinières villageoises d’une capacité globale de 9 000 plants.
Production des plants d’arbres
63 % de remplissage des pépinières.
5 701 plants en pépinière dont :
766 d’essences commerciales ;
4 935 d’arbres fruitiers (notamment sauvages).
Diffusion des plants d’arbres
5 vergers communautaires mis en place avec un nombre total de 695 arbres
plantés.
14 jardins de case enrichis avec 359 arbres.
Répartition des plants produits : environ 3 arbres par personne et 21 par
unité familiale.
Outils de vulgarisation et de
démonstration
Une parcelle de restauration comprenant 40 arbres d’essences de bois
d’œuvre.
7 trouées d’abattage enrichies avec 84 arbres d’espèces ligneuses
commerciales : moabi (Baillonella toxisperma), okoumé (Aucoumea
klaineana), paorosa (Swartzia fistuloides), sipo (Entandrophragma utile),
acajou (Khaya ivorense), kévazingo (Guibourtia tessmannii), izombé
(Testulea gabonensis).
Source : Vermeulen et Doucet
Ce tableau présente le bilan des activités de DACEFI 1 dans les trois sites partenaires. Les
agents ont travaillé avec les villageois et leur a apporté leur soutien technique, organisationnel
et matériel.
1.5.1.4. Les formations villageoises
La formation fait partie des étapes majeures à la création d’une FC. Elle entre dans le SIEF
(Sensibilisation, Information, Education et Formation), utile pour permettre aux villageois de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
333
bien appréhender le concept de la FC, ainsi que ses avantages et ses contraintes. Les
formations se tenaient sur la loi forestière gabonaise et sur la vie associative. De même, « des
formations ont été dispensées dans les domaines de l’organisation villageoise, de la gestion
de conflits et de la comptabilité. Ce renforcement de capacité devrait permettre une
autogestion des communautés villageoises en réduisant la dépendance de celles-ci vis-à-vis
de l’assistance technique extérieure » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 42). En plus de cela,
des formations ont été faites dans la foresterie (exploitation artisanale du bois),
l’agroforesterie, l’inventaire d’exploitation de la FC, etc. Quelques villageois ont
particulièrement bénéficié du renforcement des capacités à travers un appui technique
considérable, comme sur l’inventaire des essences.
1.5.1.4.1. La Scierie
C’est dans ce village que le renforcement des capacités à la reconnaissance des arbres a eu
lieu. « Pour permettre aux communautés villageoises de participer à la réalisation de
l’inventaire d’exploitation de leur forêt communautaire, le projet DACEFI a organisé une
formation à la reconnaissance des essences commerciales et des Produits Forestiers Autres
que le Bois d’œuvre (PFABO) au village de La Scierie dans le Nord-Est du Gabon »
(Vermeulen et Doucet, op. cit. : 66). Les villageois étaient accompagnés du botaniste du
projet et à l’aide d’un GPS, ils parvenaient à identifier les essences le long des sentiers
parcourus.
La formation a duré une dizaine de jours. À la fin de cette formation, « 37 essences
productrices de bois d’œuvre et 13 espèces de PFABO » (Idem) ont été identifiées par les
villageois dans leur finage. En tout, quinze villageois de La Scierie ont participé à la
formation et étaient désormais capables de reconnaître des essences. Ceci est l’un des atouts
indéniables que les villageois ont eu lors de DACEFI 1. En conséquence, la formation a
permis « le recrutement d’une dizaine de villageois par un exploitant forestier de la localité
comme prospecteurs dans le cadre de l’inventaire de leur Concession Forestière sous
Aménagement Durable (CFAD) » (Vermeulen et Doucet, op. cit. : 66). C’est une activité que
les villageois de La Scierie ont beaucoup apprécié, parce que cela leur a permis de trouver de
l’emploi et d’avoir par la suite un revenu régulier pour nourrir leurs familles.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
334
1.5.1.4.2. Ebe-Messe-Melane et Nzé Vatican
Dans ces villages, il y a eu plusieurs formations mentionnées plus haut, sauf celle de la
reconnaissance des essences comme à La Scierie. Mais lors de la conception des pépinières et
des vergers, les villageois ont reçu quelques connaissances sur l’agroforesterie et sur
l’entretien des plants. Les villageois ont également reçu des « formations spécifiques et très
concrètes [qui] ont permis en outre à plusieurs dizaines de villageois d'être formés aux
techniques d'abattage à faible impact, de sciage et de travail artisanal du bois »91
. Les agents
du projet ont d’abord identifié les besoins des villageois ainsi que leurs attentes avant de leur
proposer des formations.
1.5.2. Les associations villageoises
La création d’une FC exige la création d’une association. « L’association est la convention
par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs
connaissances ou leurs activités dans un but autre que lucratif » (définition que donne la loi
n°35/62 du 10 décembre 1962 qui régit les associations au Gabon). Elle montre comment
elles doivent se constituer, fonctionner et même se dissoudre. La création d’une association
est très importante pour l’obtention d’une FC. Elle fait partie des premières actions que doit
entreprendre une communauté villageoise dans le processus d’attribution d’une FC.
Un modèle d’association pour une meilleure gestion a été proposé aux villageois. Il comporte
deux organes, dont l’Assemblée Générale de l’Association (AGA) et le Bureau Exécutif de
l’Association (BEA). Ces organes s’appuient sur le décret qui indique les conditions à remplir
pour créer une FC. De ce fait, c’est le BEA, reconnu par toute la communauté qui doit
s’occuper de l’administration et tout ce qui concerne la gestion de l’association. « La
composition, les attributions et le fonctionnement de ces deux organes sont précisés dans les
statuts et le règlement intérieur de l’association. Ces documents donnent notamment les
conditions d’admission, les types de membres, leurs droits et leurs obligations, les organes et
leurs modalités de fonctionnement, ainsi que les dispositions financières » (Vermeulen et
Doucet, op. cit. : 41). Les villageois ont bénéficié, pour la création des associations, du
soutien des agents du projet. C’est dans ce sens que les activités de Sensibilisation,
91
http://wwf.panda.org/fr/wwf_action_zones/gabon/dacefi2/phase1/composante_gabon/sensibilisation_et_format
ions/
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
335
Information, Education et Formation (SIEF) ont été menées pour aider les villageois à mettre
en place le dispositif que leur exigeait la création d’une FC.
Après que les villageois aient compris le fonctionnement d’une association, les associations
des villages de La Scierie, Nzé Vatican et du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane
furent créées. Les bureaux étant formés et les textes organiques adoptés, les dossiers ont été
déposés au Ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales, de la Décentralisation, de la
Sécurité et de l’Immigration, dans le but de légaliser les associations. « Dans la pratique, un
délai minimum de quatre à six mois est requis pour la délivrance du récépissé de dépôt du
dossier de demande de reconnaissance officielle de l’association. Il faut attendre encore
environ un an pour obtenir un récépissé définitif. Toutefois, à la réception de ce récépissé de
dépôt, l’association peut commencer à mener ses activités de manière formelle » (Ibid. : 42).
Après avoir fait un bref résumé de la création des associations villageoises pour obtenir une
FC, nous présentons ci-dessous le fonctionnement de ces associations en 2011 et 2012 quand
nous les avons rencontrées.
1.5.2.1. L’association d’Ebe-Messe-Melane
L’association du regroupement de villages s’appelle Fekdza, ce qui signifie solidarité en
Fang. Elle a été créée en 2007. À sa création, le bureau exécutif de l’association était
composé de dix membres. Chacun des trois villages avait un représentant à la tête du bureau
afin de confier les responsabilités à chaque village. Ainsi, le président de l’association était du
village Messe ; le vice-président et le secrétaire général adjoint étaient du village Melane ; le
secrétaire général, le trésorier étaient du village d’Ebe. Les objectifs de l’association étaient :
scier le bois, avoir un dispensaire, mettre de l’électricité dans les villages qui n’en ont pas et
entreprendre des activités génératrices de revenus qui préserveraient l’environnement.
L’association avait aussi initié la tontine ; c’était une sorte d’épargne rotative qui permettrait à
ceux qui étaient capables de la faire d’obtenir de l’argent.
L’association a déjà obtenu un récépissé du Ministère de l’intérieure mais elle n’est toujours
pas validée. Cependant, cela ne les a pas empêchés de faire ensemble une pépinière pour leur
verger. Si au départ, il y a eu une forte motivation des villageois quant à l’association et aux
activités de la FC, aujourd’hui, un très faible nombre de villageois s’intéresse au projet. Cette
situation résulte du fait qu’il s’est passé un temps d’inactivité (deux ans) entre la fin de la
première phase et le début de la deuxième phase. Pendant que les négociations étaient en
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
336
cours dans le but de relancer DACEFI 2, certains villageois (ceux de Melane notamment) ne
voyant aucun avenir pour la FC en l’absence des agents du projet, ont décidé de faire exploiter
leur forêt par un exploitant industriel. Pour eux, l’exigence d’améliorer des conditions de vie
s’imposait, alors l’obtention des revenus issus de l’exploitation forestière était la solution
immédiate. Cela n’a pas été apprécié des habitants des autres villages qui demandaient de
rester dans la logique de la FC, c’est-à-dire ne plus accepter l’exploitation forestière nuisible
non seulement à la préservation environnementale, mais aussi peu bénéfique pour les
villageois.
Lorsque les exploitants forestiers ou particuliers exploitent une forêt, ils donnent
généralement aux villageois des prix presque dérisoires qui ne peuvent leur permettre
d’investir véritablement. Mais, les villageois ne sont pas toujours conscients du manque à
gagner issu de l’exploitation forestière anarchique qui ne se fait qu’à l’avantage de
l’exploitant lui-même. Ce qui est étonnant dans ce cas précis, c’est que les habitants de
Mélane avaient été formés et étaient supposés connaître la valeur de leur bois. Ils ont
cependant décidé de quitter l’association et le projet. Toutefois, grâce à cette exploitation, ils
ont pu mettre de l’électricité dans leur village et espèrent le développer aussi. Le retrait de
Melane n’a fait que consolider le climat de méfiance vis-à-vis du projet et créer des conflits et
incompréhensions avec les autres villageois. Ceci est l’une des raisons fondamentales du
ralentissement d’activités à Ebe-Messe qui désormais devraient continuer seuls sans Melane.
En plus, DACEFI 2 a du mal à continuer ses interventions dans le regroupement de villages.
Toutefois, afin de sortir de l’impasse, en 2012 l’association a décidé de faire une bananeraie.
Une partie des rejets de banane sera donnée par le projet et une autre sera fournie par les
villageois eux-mêmes. Bien que les membres de l’association aient reçu une tronçonneuse de
DACEFI dans le but de les aider dans leurs activités, la bananeraie n’a pas encore était faite
quand nous sommes passés. De plus, tout le monde n’est pas impliqué dans cette action, c’est
ce qui traduit la nonchalance constatée. Vu que les activités de la deuxième phase du projet
ont du mal à se faire, quelques villageois ont décidé de poursuivre quelques projets en petit
groupe, mais tout en promouvant la foresterie sociale.
1.5.2.2. L’association de La Scierie
Ndonga ba na ba La Scierie (les biens des fils de La Scierie en Kota) est le nom de
l’association du village La Scierie dans le cadre du projet DACEFI. Elle a reçu un récépissé
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
337
de dépôt le 05/03/2008. Afin de favoriser le développement du village, l’association se donne
comme activités : la construction du village, la pisciculture, l’agriculture (bananeraie). Mais
l’association rencontre des difficultés financières pour réaliser ses projets. De plus, il n’y a
pas de motivation des membres du village. « Tout le monde veut l’argent avant de faire quoi
que ce soit ici » nous a confié le bureau exécutif de l’association. Les villageois comprennent
bien l’objectif d’une FC. Pour eux « la FC est une façon de réserver le bois du village », mais
ce qu’ils n’admettent pas c’est qu’il faudrait attendre beaucoup de temps avant de commencer
à jouir des avantages d’une FC. C’est pour cette raison que beaucoup se découragent.
Lors de la première phase de DACEFI, les villageois étaient motivés. Mais, le temps d’attente
du démarrage de la deuxième phase du projet, de même que la disparition du chef de village
qui avait beaucoup œuvré dans la première phase, ont suffi pour démotiver les villageois de
La Scierie qui ne trouvent aucun avenir dans la FC. L’absence ou l’inefficacité d’un chef de
village peut entraîner de graves conséquences sur l’avenir d’un village. À La Scierie, lorsque
le chef de village est décédé en 2010, le village a traversé une période de crise. Traumatisés
par la mort du chef au cours d’un accident, les villageois avaient du mal à trouver son
successeur. Ainsi, quelques exploitants privés ont profité de cette désorganisation pour abattre
de façon anarchique des grumes dans la forêt avec l’accord des villageois. Or, lorsque le chef
vivait, l’une de ses actions était de veiller sur la protection des grumes constituant une des
richesses de leur future forêt communautaire. En effet, un chef de village a pour mission
principale d’assurer la cohésion des villageois, de défendre leurs intérêts et d’assurer la
gestion rationnelle des rapports humains aussi bien à l’intérieur du village, qu’à l’extérieur.
De ce fait, même avec un nouveau chef de village, l’association ne parvient plus à mener des
activités. Les membres du bureau se sont dispersés, et ceux qui sont présents dans le village
ne parviennent pas à rassembler tous les villageois autour d’une activité. Ainsi, le verger n’est
pas entretenu. Quelques villageois pensent qu’il faut payer des gens pour entretenir le verger,
mais l’association n’a pas d’argent. Les villageois trouvent que les agents de DACEFI 2 ne les
aident pas ; ils leur font des doléances (obtenir deux scies) qui ne sont pas prises en compte.
L’inactivité de l’association déclarée incompétente par les villageois et la démotivation des
villageois n’incitent pas les agents de DACEFI 2 à reprendre le projet dans le village.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
338
1.5.2.3. L’association de Nzé Vatican
Matemangue ma nzé qui veut dire en Kota les initiatives de Nzé, est le nom de l’association
de la FC de Nzé Vatican. L’association a été créée en 2008. Son objectif principal est
d’encourager le développement du village, en créant des activités dont bénéficierait tout le
monde. Cette priorité fondamentale englobe notamment l’agriculture : faire une bananeraie. Il
s’agira aussi de faire du reboisement qui est une activité dont la répercussion est à long terme.
Ce sera bénéfique à leurs petits enfants. L’association compte également entreprendre le
commerce des PFNL ; si possible envisager l’exploitation de la FC conformément à la loi.
Cela veut dire que si une société forestière veuille exploiter leur bois, elle devra se soumettre
à la réglementation. En conséquence, la forêt devrait être divisée en plusieurs parcelles, de
telle sorte que si la parcelle 1 est exploitée, la parcelle 2 est conservée, et ainsi de suite. Les
villageois réalisent l’intérêt de préserver leur forêt tout en l’exploitant.
L’exploitation désordonnée qui a jadis existé dans le village de Nzé Vatican, a permis une
acception du projet sans difficulté. Les villageois voyaient en la FC la possibilité de devenir
eux-mêmes gestionnaires de leur forêt, à leur profit. Le démarrage des activités de DACEFI 1
en 2008 alors que le projet tirait à sa fin, non seulement n’a pas permis aux agents de mener
les activités qui avaient été faites dans les autres villages (délimitation de la FC, plan simple
de gestion), mais a également laissé les villageois sur leur faim. Ils étaient alors très motivés à
continuer la deuxième phase du projet qui jusque là n’a pas débuté dans le village.
Contrairement aux autres villages du projet, Nzé Vatican n’a pas exploité sa forêt après
DACEFI 1. Il est vrai qu’à DACEFI 1 très peu de personnes se sont lancées dans le projet,
mais à DACEFI 2 au contraire, plusieurs villageois désirent y participer. Jusqu’en 2012,
l’association n’a entrepris aucune activité, or le projet prend fin en 2014.
2. Tensions dans le projet DACEFI
Les difficultés que rencontrent les villageois sont en grande partie à l’origine des tensions
dans le projet. La pauvreté est en effet l’handicap majeur au développement rural. Si la
création de la FC est une des solutions pour sortir les villageois de la pauvreté, le
cheminement pour y arriver est long. Les agents du projet trouvent que les villageois posent
des actes qui compromettent les FC et les villageois trouvent que les agents ne les
comprennent pas. Des tensions naissent alors entre les différents acteurs dans la deuxième
phase du projet.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
339
2.1. Distensions entre villageois
Les villageois ne parviennent pas toujours à se mettre d’accord quand il faut choisir les
activités bénéfiques à tous. C’est ce qui fait que certains se sentent concernés par un projet et
d’autres pas. La mise en place d’un projet villageois demande la prise en compte de toutes les
attentes pour sa réussite. Dans le cas de DACEFI, le projet n’est pas arrivé à favoriser la
cohésion villageoise. Or, l’absence de cohésion est une difficulté fondamentale à la réalisation
d’une FC. Ebe-Messe-Melane qui auparavant travaillaient ensembles dans l’optique de sortir
de la pauvreté connaissent désormais des distensions entre eux, du moins entre Melane et les
deux villages qui désirent continuer avec le projet. Melane ne trouvant plus ses intérêts dans
le projet décide de se battre tout seul. De plus, les rapports entre les habitants des trois villages
sont devenus tendus. Ils s’accusent mutuellement d’user de fourberie dans le projet.
À La Scierie il y a aussi des distensions entre les villageois. Certains veulent continuer avec le
projet, mais la majorité des villageois ne souhaitent pas le faire parce qu’ils ne voient pas
concrètement les retombées du projet. Des discussions naissent toujours lors des réunions
empêchant les villageois de s’accorder. Il est vrai que les villageois reconnaissent que c’est
grâce à la formation du projet sur l’inventaire des espèces que quelques villageois ont pu
trouver un emploi dans une société forestière, mais pour eux les choses demeurent pareilles.
Ils ont l’impression de faire du sur place avec le projet.
2.2. Tensions entre les agents de DACEFI et les ruraux
Ces tensions sont principalement dues aux incompréhensions sans cesse observées entre les
agents de DACEFI et les ruraux. C’est surtout dans la deuxième phase du projet que ces
incompréhensions se sont multipliées. Les deux phases ont eu deux Exécutants et Assistants
techniques différents. Il aurait été souhaitable que les premiers Exécutant et Assistants
techniques qui ont débuté avec le projet le poursuivent à la deuxième phase, parce qu’étant
habitués aux terrains et connaissant les populations avec lesquelles ils travaillent, ils devaient
continuer le travail déjà entamé. Or, la venue des nouveaux Exécutant et Assistant est un peu
à l’origine du non redémarrage du projet dans les anciens villages pilotes. Il est vrai que la
réussite du projet n’est pas forcement liée à un Exécutant ou à un Assistant, mais tous n’ont
pas les mêmes stratégies et méthodes de travail.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
340
L’ancien Assistant technique de Makokou était parvenu à créer un climat de confiance entre
les agents du projet et les villageois. Il les comprenait et n’hésitait pas à susciter de la
motivation chez les villageois en menant des activités rémunératrices lors des formations.
L’un des problèmes récurrents dans les villages est l’absence d’argent. Il est par conséquent
mal pris par les villageois s’ils sont mobilisés des journées entières pour travailler dans le
cadre des FC et de ne pas vaquer à leurs occupations permettant de nourrir leurs familles.
Mais, le nouvel Assistant a eu du mal à intégrer ces considérations. Pour lui, si les villageois
sont d’accord avec le projet alors ils doivent aussi être motivés et disponibles.
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, il s’est passé beaucoup de choses dans l’intervalle
de temps entre la fin de la première phase et le début de la deuxième. La situation générale
observée par le nouvel Assistant à Ebe-Messe-Mela et à La Scierie où les forêts ont été
exploitées n’a pas permis de prioriser les anciens sites. L’exploitation anarchique du bois est
exclue de la philosophie de la FC. L’exploitation forestière ayant eu lieu dans ces villages, du
coup, la délimitation des FC ainsi que leurs plans simples de gestion précédemment arrêtés
lors de la première phase étaient à refaire. Or, ce sont des activités fastidieuses qui ont été
entreprises. Ainsi, la continuité des activités de la deuxième phase nécessitait encore d’autres
délimitations et plans simples de gestion. Selon le nouvel Assistant, il est indispensable de
prioriser les nouveaux sites qui ont encore leurs forêts intactes et dont les villageois sont
motivés.
Il est vrai que la situation observée dans les anciens sites en dehors de Nzé Vatican montre un
manque de sérieux de la part des villageois qui ayant été prévenus lors de la première phase
des conséquences de l’exploitation forestière incontrôlée, n’ont pas hésiter de faire couper
leur bois. Toutefois, le projet est aussi à l’origine de cette situation parce que d’après ce que
disent les villages ils n’ont pas été informés de la possibilité d’une deuxième phase du projet.
Se sentant livrés à eux-mêmes, ils ont fait ce qu’ils espéraient être bien pour eux et pour leurs
enfants. Il aurait été souhaitable qu’en entendant que les négociations de financement de la
deuxième phase aboutissent, que quelques agents du projet soient en contact avec les
villageois.
L’exploitation du bois mais cette fois contrôlée est prônée par la FC. Les villageois ont
demandé au projet de les aider à obtenir des tronçonneuses pour faire le sciage de bois, cela
les aidera à vendre les planches obtenues pour avoir un peu de revenus. Mais, apparemment
l’Exécutant du projet n’est pas d’accord avec ce projet que souhaitent mettre en place les
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
341
villages, c’est pourquoi ils tardent à offrir des tronçonneuses. Or, le sciage de bois fait partie
des activités que pourraient mener les villageois dans une FC d’après ce que leur ont laissé
entendre les agents du projet. Ainsi, la nonchalance observée par l’Exécutant face au matériel
demandé par les villageois, alors que ces derniers sont sans cesse encouragés par le projet
pour arrêter des activités qu’ils estiment leur être peu bénéfiques (l’exploitation forestière)
créent des tensions entre les agents du projet et les villageois. Dans le processus de résoudre
ces tensions, le projet a offert une tronçonneuse aux villageois d’Ebe-Messe tandis que ceux
de La Scierie attendent toujours.
3. Bilan des activités DACEFI
Nous ne pouvons que faire un bilan partiel de DACEFI parce que la deuxième phase n’est pas
encore arrivée à son terme. En plus de ce qui a été dit, nous nous appesantirons ici sur les
nouveaux sites du projet.
3.1. Ralentissement des activités dans les anciens sites
Comme dit plus haut, jusqu’en 2012 le projet n’avait pas encore redémarré sa deuxième phase
dans les anciens sites que sont Ebe-Messe-Melane, La Scierie et Nzé Vatican. Plusieurs
raisons déjà évoquées expliquent cela. « Désormais ce sont les villageois qui iront vers le
projet et plus le projet vers les villageois. Cela voudrait dire que s’ils souhaitent continuer
avec le projet, les responsables des bureaux exécutifs devront désormais venir à Makokou
pour montrer leur motivation ainsi que leurs projets » a déclaré le nouvel Assistant technique
devenu le nouvel Exécutant du projet. Il poursuivit en disant que « s’ils ne viennent pas nous
voir c’est qu’ils ne veulent plus continuer avec le projet ». D’une part, ces déclarations
avaient pour objectif de faire renaître la détermination et l’intérêt pour DACEFI 2, pour des
villageois passifs attendant que tout leur soit donné d’avance. D’autre part, ces déclarations du
nouvel exécutant peuvent révéler être un piège. Il savait en effet, que les villageois ne
viendraient pas vers le projet ; d’abord parce que Makokou est très éloigné des villages et
pour y aller il faut emprunter un véhiculer et payer les frais de transports, ce qui serait très
difficile pour les membres des bureaux n’ayant pas de trésorerie. Ensuite, les villages
considèrent cela comme une manière de les bannir du projet de façon diplomatique.
L’assistant technique ainsi que certains agents du projet, déclarent qu’ils considéreront
comme un refus de continuer le projet de la part des villageois si seulement les villageois
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
342
évoquent la difficulté de transport et de finance pour se rendre à Makokou, parce que certains
d’entre eux viennent faire leurs courses à Makokou et pourront en profiter pour rencontrer les
agents du projet. Cette réflexion n’est pas mauvaise en soi, mais on voit aussi que les agents
ne veulent pas ménager les villageois. Ils n’ignorent pas les difficultés que rencontrent les
villageois. De plus, cette nouvelle norme ne correspond pas aux pratiques de DACEFI 1. La
logistique fait partie du matériel obtenu grâce au financement des bailleurs de fonds pour
faciliter le déplacement des agents sur les sites du projet. Demander alors aux villageois de
payer leur transport pour l’intérêt porté au projet est un peu déplacé. Les agents de DACEFI 2
se sont recroquevillés sur les nouveaux sites pour justifier leurs activités.
3.2. Lancement du projet dans de nouveaux villages
L’objectif principal de DACEFI 2 est d’amener à terme les activités entamées dans la
première phase qui étaient inachevées jusqu’à l’acquisition des premières forêts
communautaires. Par la suite, étendre le projet aux autres villages. Avant le lancement de la
deuxième phase, DACEFI 2 a fait l’état de lieux et le point sur l’ensemble des activités
communautaires menées dans les villages pilotes de la première phase quand le projet était
absent. Le bilan était peu positif parce qu’en l’absence de DACEFI 1, les associations des
trois villages n’ont pas organisé des assemblées générales, et leurs activités collectives ne se
sont pas développées. Des situations conflictuelles ont été observées comme nous l’avons dit
plus haut. Seule l’association du village de La Scierie avant le décès de son chef de village a
pu construire deux cases des enseignants, mais il n’y a qu’une case qui est terminée et les
travaux de l’autre case ont été arrêtés depuis la disparition du chef. L’association du village a
aussi acheté un groupe électrogène pour l’alimentation du village en électricité. C’est suite à
ce constat que DACEFI 2 a décidé de travailler dans de nouveaux sites. L’appel a été lancé à
tous les villages désirant avoir une FC, mais seuls les villages ayant montré de la volonté et de
la motivation ont été retenus. Mieux que la phase précédente, la nouvelle phase s’est ouverte à
plus de villages dans lesquelles elle a mené une vaste campagne de sensibilisation. Au total 42
villages ont été sensibilisés dans trois provinces (Ogooué-Ivindo, Estuaire et Moyen-Ogooué).
Dans l’Ogooué-Ivindo ce sont dans les villages de Massah, Hendje et Ebyeng que DACFEI 2
mène le projet.
De tous les nouveaux sites de DACEFI 2, c’est le village Ebyeng qui a le plus retenu notre
attention. Premièrement parce que lors de nos entretiens avec les agents du projet (assistants
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
343
techniques, exécutant, agronome), ils ne cessaient de mettre en avant le site Ebyeng dans
lequel ils travaillent sans difficulté. Ces villageois sont motivés et avancent bien dans les
activités entreprises, de telle manière que leur dossier de demande d’attribution de la FC a été
déposé par les agents de DACEFI au Ministère des Eaux et Forêts. Deuxièmement, si les
textes d’attribution étaient validés, Ebyeng devrait être le premier site à recevoir la FC au plus
tard en Décembre 2012. Nous nous sommes alors demandé quelle est la particularité de ce
village ? Pourquoi en trois ans seulement de la deuxième phase, une FC peut être attribuée à
cette communauté alors qu’au terme de la première phase qui avait la même durée, aucune FC
n’a été attribuée ? Ces questions nous ont conduits à avoir un entretien avec les membres du
bureau de l’association du village en Août 2012.
Ebyeng est un village Fang, situé à 18 kilomètres de Makokou. Ebyeng-edzuameniene est
l’association de deux villages (Ebyeng et Edzuameniene). Elle a été crée en Octobre 2002
pour lutter contre l’exploitation anarchique de leur forêt par un exploitant. Afin de faire des
doléances (construire une école, embaucher les villageois) à l’exploitant et d’imposer
certaines choses (par exemple la manière dont devait être coupé le bois), les villageois ont
trouvé l’utilité de créer une association pour être unanimes et imposants. L’association n’avait
pas encore de statut légal. C’est en 2010 lorsque DACEFI 2 décide de travailler avec les
villageois que la procédure de légalisation de l’association est lancée. Ils reçoivent un
récépissé provisoire en Juin 2010. DACEFI 2 trouve un village qui avait une organisation et
dans lequel l’esprit associatif était présent, à la différence des autres villages de DACEFI 1.
La majorité des villageois sont dans l’association. Ils se réunissent chaque dimanche et
cotisent 1 500 FCFA par mois. Faire du sciage, construire des infrastructures pour le village
sont les objectifs de l’association. DACEFI 2 apporte une aide technique aux villageois. Nous
citons les activités que le projet a réalisées avec les villageois d’Ebyeng :
- Formation de trois scieurs,
- Formation d’une pépiniériste,
- Construction d’une pépinière,
- Mise en place d’une bananeraie agroforestière depuis Janvier 2012,
- Mise en place d’un plan simple de gestion avec la participation des villageois,
- Préparation du dossier de la FC.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
344
Ces activités sont identiques à celles qui ont été menées dans les villages de DACEFI 1. Mais
les villageois d’Ebyeng connaissent les mêmes difficultés que les autres villageois. Ils
pratiquent une agriculture vivrière dans laquelle le manioc qui est l’aliment de base des
villageois est représentatif. Le plus d’Ebyeng c’est d’avoir créé une association plutôt avant
l’arrivée du projet. DACEFI 2 n’a fait que renforcer les initiatives de l’association par la SIEF
dont quelques formations étaient : gestion d’association, élaboration de grilles d’analyse,
d’autonomie pour le suivi de l’évolution des communautés. Etant donné que l’association joue
un rôle important dans la FC, le village Ebyeng qui a une association bien organisée bien
qu’ayant aussi quelques difficultés (implication finale des jeunes) a effectivement le droit
d’obtenir sa FC. C’est un village où DACEFI 2 n’a pas eu du mal à travailler et à solliciter
l’implication des villageois.
3.3. L’absence de forêts communautaires
À l’heure actuelle aucune FC n’a été octroyée à une communauté villageoise, suite à
l’absence des décrets d’application, montrant une impréparation de l’administration en charge
des forêts. En principe, lorsque le projet a commencé les décrets devraient aussi suivre. Même
si l’administration prétend justifier ce retard par le fait qu’elle veut d’abord « tester les
différentes initiatives expérimentales sur le terrain avant toute attribution qui ouvrirait la voie
à de nombreuses demandes » (Meunier et al., 2001: 17). Cela n’est pas raisonnable d’autant
puisque l’administration savait bien que cet handicap juridique limiterait la réussite du projet
et des résultats attendus. Une autre contradiction de l’administration en charge des forêts est
l’attribution des Permis Gré à Gré (PGG) dans les villages partenaires de DACEFI 1 alors
qu’elle était au courant de leur projet sur les FC. Il est difficile de croire que l’administration
ne savait pas que des négociations étaient en cours dans le but d’envisager une deuxième
phase du projet. Ainsi, l’octroi des PGG vient complètement montrer l’absence de soutien de
l’administration au projet. C’est ce qui s’est passé à Melane et à La Scierie comme nous
l’avons déjà souligné. Rien ne laisse croire qu’ils auront leur FC quand bien même les textes
seront validés, puis que DACEFI 2 n’a pas encore démarré dans ces villages.
Le PGG est régit par le décret n°0725/PPR/MEFEPA du 09/09/08. Les villageois de La
Scierie et de Melane s’en sont servis entre 2009 et 2010. Ce sont les originaires gabonais et
résidant en permanence dans une communauté qui ont le droit d’avoir un PGG de cinquante
pieds maximum de toutes espèces commerciales. Cependant, les bénéfices issus de ces PGG
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
345
sont dérisoires, puis que les villageois n’exploitant pas eux-mêmes de façon artisanale leur
bois, ce qui leur serait plus avantageux, font des marchés avec des exploitants industriels
habitués au profit. Ainsi, « les prix de vente annoncés par les villageois sont très bas,
concédant un arbre pour moins de 15 000 FCFA (soit environ 22 euros), alors que le volume
de bois obtenu a certainement pu être revendu par l’exploitant à plusieurs centaines de
milliers de francs CFA en fonction de l’espèce » (Meunier et al., op.cit: 19). De même, cette
situation a contribué à détruire l’esprit communautaire que DACEFI 1 avait eu du mal à
établir entre villageois, même si on ne peut pas dire que c’était gagné d’avance ; mais les
agents du projet s’efforçaient à le faire comprendre aux villageois. Pour être en accord avec le
projet, les PGG ne doivent plus être autorités parce qu’ils détruisent la cohésion sociale dans
les villages, en occasionnant des rivalités et jalousies entre villageois, et la destruction de leur
forêt sans véritable profit.
Une des solutions trouvées pour aider les populations villageoises des anciens sites du projet
et même ceux des nouveaux sites à garder leur forêt de toute exploitation incontrôlée et
infructueuse, est de geler leurs forêts en attendant le processus d’acquisition des FC. Grâce à
un dossier de réservation montrant les limites des futures FC, que les villageois soumettraient
à l’administration, permettrait qu’aucun permis ne soit plus attribué dans ces forêts. Cela s’est
fait au Cameroun avec succès (Julve et Vermeulen, 2008)92
. Mais pour que ce dispositif soit
efficace, il faudrait que toutes les administrations qui ont un rôle important à jouer dans
l’attribution des FC décident enfin de résoudre le problème juridique constaté. Car, plus ils
prennent du temps, plus les forêts sont pillées et plus grand-chose ne reste pour la FC, même
si les villageois peuvent tout de même avoir leur FC bien que les forêts aient été exploitées
industriellement.
Au cours de l’analyse, nous avons quelques fois évoqué ce qui fait obstacle à l’acquisition des
premières forêts communautaires. Il nous revient de revenir plus explicitement sur ces
handicaps à travers quelques points pour montrer combien il est important d’agir au plus vite.
La résolution de ces handicaps est très utile pour aider le projet DACEFI et même celui de
l’OIBT à réussir. Au terme de cette analyse ainsi faite, un bilan peut être fait.
92
Cité par Meunier et al., op.cit : 21
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
346
Tableau 29: Bilan des activités de DACEFI
Projet Activités Situation Résultats
Phase 1
(2006-2008)
-SIEF
-Activités en agroforesterie
-Détermination des plans simple de
gestion des FC
-Délimitation des FC
-Exploitation artisanale du bois
-Préparation des dossiers de
demande de la FC
Achevé Absence de FC attribuées
Phase 2
(2010-2014)
- SIEF
-Introduction de nouveaux sites
-Pépinières
-Plans simple de gestion
-Délimitation des FC
-Préparation des dossiers de
demande de la FC
-Vulgarisation de la foresterie
sociale et communautaire
-Mise en place d’un programme
environnementale dans neufs écoles
primaires villageoises
En cours
-Abandon des anciens sites
pilotes
-Absence de FC attribuées
dans les anciens sites
-Site Ebyeng en attente de
sa FC
4. Handicaps à l’obtention d’une forêt communautaire
Les handicaps observés qui entravent jusque là la demande d’une forêt communautaire, en
passant par les activités villageoises, jusqu’à son obtention sont d’ordre juridique,
administratif et social.
4.1. Absence et imprécision des textes
Si la Loi 016/2001 et son décret d’application ont été les supports de la mise en place des FC,
il a été cependant remarqué des limites à ces supports juridiques. Ces limites ont été révélées
par les interrogations concernant certains domaines contribuant à l’exécution des FC. Par
exemple les arrêtés d’application qui jusque là ne sont pas encore validés empêchent le projet
DACFECI d’atteindre ses objectifs ; il en va de même pour le projet OIBT qui porte sur le
développement des forêts communautaires au Gabon (DFCG en abrégé). Ce nouveau projet
mis en place par le Ministère des Eaux et Forêts avec l’aide financière de l’OIBT et du
gouvernement dans le but de l’étendre aux autres provinces, a été créé pour comparer les
expériences avec le projet DACEFI. Tout comme DACEFI, le projet OIBT est aussi un projet
expérimental, mais qui est également confronté aux mêmes difficultés.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
347
Il est observé des imprécisions dans certains textes. En effet, « les textes actuels ne précisent
pas que l’exploitation des forêts communautaires doit être artisanale, afin de correspondre à
une exploitation étalée sur des temps longs (permettant la régénération naturelle). Ce vide
juridique permet d’envisager actuellement une coupe industrielle en un seul passage, à
l’opposé immédiat de toute la philosophie sous tendue par la foresterie communautaire »
(Vermeulen et Doucet, op. cit. : 12). Cette imprécision sur la nature de l’exploitation du bois
situé dans les FC a été à l’origine des tensions entre les villageois d’Ebe-Messe-Mélane, ceux
de La Scierie qui ont fait exploiter leur forêt industriellement et les agents de DACEFI.
De même, les textes d’application sont imprécis sur le fait que l’intervention des
administrations doit être gratuite. Ces textes ne déterminent pas explicitement la gratuité de
toutes les aides que devraient apporter les administrations pour l’établissement des FC. Cette
carence ralentit l’aide que l’administration des Eaux et Forêts ainsi que l’administration
territoriale sont tenus d’apporter aux villageois. Jusqu’à ce jour, à notre connaissance, aucune
association des villages qui ont accueilli DACEFI 1 n’a été validée par le Ministère de
l’intérieur. Elles n’ont que des récépissés. Or, aucune FC ne peut être accordée à une
communauté villageoise si au préalable elle n’a pas une association validée. Le rôle de
l’association est de permettre aux villageois d’arrêter des activités qu’ils estiment rentables
pour leur communauté et que celles-ci soient entreprises collectivement. Au cours des
entretiens, les responsables des associations, ainsi quelques membres de leurs bureaux
n’étaient pas motivés de travailler parce qu’ils ont l’imprécision que depuis 2006 rien avance
pour eux ; d’où leur découragement.
Enfin, une autre imprécision des textes qui peut conduire à agir autrement est « l’absence de
rappel du caractère très agricole et agroforestier des espaces villageois […]. Ce caractère
implique d’une part, l’autorisation expresse de pratiquer l’agriculture dans les forêts
communautaires et d’autre part des normes d’inventaires et d’aménagement spécifiques
simplifiées, éloignées des normes d’aménagement traditionnelles » (Vermeulen et Doucet, op.
cit. : 12). De même, le fait que la loi ignore les PFNL (champignons, vin de palme, fruits, etc.)
qui sont massivement présents dans ce qui deviendraient les FC, limitent leur bonne gestion.
La liste des exemples montrant l’absence et l’imprécision des textes n’est pas exhaustive.
C’est suite à ces limites, que le Ministère des Eaux et Forêts et les acteurs concernés par les
FC ont organisé en début Octobre 2012 un atelier pour valider les projets de textes
réglementaires prévus pour résoudre les carences observées. Il s’agissait précisément de
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
348
légaliser un Arrêté fixant les procédures d’attribution d’une FC ; un Arrêté fixant les
modalités de délimitation d’une FC ; une Décision portant attribution d’une FC ; une Décision
accordant une réservation de forêt à une communauté villageoise. Par la même occasion le
rôle de chacun des acteurs devait être redéfini dans le but d’être plus concret sur le terrain.
4.2. Absence d’esprit communautaire au sein des communautés
L’handicap majeur constaté chez les communautés forestières est l’absence de l’esprit
associatif. Ce manque ralentit non seulement les activités qui doivent être entreprises
ensemble, mais aussi l’obtention des FC (exemple la situation observée à La Scierie et à
Melane). Le développement d’une communauté rurale tout comme l’amélioration des
conditions de vie qui entrent dans les objectifs de la création des FC ne peut aboutir si les
ruraux ne travaillent pas ensemble.
Pendant longtemps les activités ont été menées dans le monde rural sans viser à mettre en
place l’esprit communautaire. Les villageois vivaient repliés et chacun œuvrait pour soi-
même, même lorsque les projets initiés visaient le profit de toute la communauté. Il ressort
après analyse et témoignages que l’échec de ces nombreux projets est en partie dû à l’absence
de solidarité dans les villages. C’est vers cette situation que va le projet DACEFI. Hormis les
handicaps précités, DACEFI 2 en particulier a trouvé une désorganisation sociale qu’elle a du
mal à gérer. Cela est dû au fait que l’esprit associatif arrive tardivement au Gabon. DACEFI
au Cameroun est face à d’autres réalités, mais l’esprit associatif antérieurement développé
favorise l’acceptation et l’avancement des projets communs.
L’exemple camerounais
Dans la sous-région, le Cameroun a toujours été considéré comme un pays agricole parce
qu’il produit beaucoup grâce à sa forte population rurale comme nous l’avons vu dans le
chapitre précédent, ce qui lui permet de ravitailler en produits agricoles les pays de la sous-
région, tels que le Gabon. Malgré cette position, le Cameroun connaît toutefois des difficultés
économiques comme le reste des pays de la sous-région. Cela va davantage amener l’Etat à se
désengager dans plusieurs politiques de développement et à libéraliser l’économie. Cette
situation va avoir des répercussions lourdes dans le développement rural camerounais, même
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
349
situation vécue dans l’ensemble des pays de la sous-région. Cependant, le malaise ressenti
dans le monde rural camerounais a fait naître plusieurs initiatives collectives dans le but
d’aider les populations villageoises et d’assurer leur développement local.
C’est particulièrement à travers les Groupes d’Initiatives Communes (GIC) dont les modalités
de création repose sur la Loi n°92/006/ du 14 août 1992 que plusieurs résolutions ont été
prises par les villageois camerounais pour le développement de leurs localités. Plusieurs
organisations villageoises s’appelant désormais GIC depuis 1992, sont alors créées pour ainsi
donner au développement rural une spécificité participative. Se sentant aussi responsables de
leur développement, les villageois développent plusieurs activités dans le but de résoudre les
problèmes liés à la pauvreté. Ceci a favorisé une importante évolution numérique des GIC au
Cameroun, grâce au cadre juridique mise en pace par l’Etat en 1993. Elong (2004) dans son
étude montre que de 1993 à 2003, 10 911 GIC ont été créés dans la province du Centre. Ce
chiffre est spectaculaire et montre une adhésion massive aux associations par les villageois
camerounais ; ce qui n’est pas le cas au Gabon. Peut-on imaginer le nombre actuel des GIC au
Cameroun ? Aujourd’hui les villageois prennent conscience de l’importance des GIC pour le
bien de leurs communautés. « Certains de ces groupements se sont donc engagés à élargir
l’esprit de solidarité à l’ensemble de leurs villages en devenant les porte-parole des
problèmes de société auxquels ces derniers étaient confrontés » (Elong, op.cit: 63). Ainsi,
« les GIC ont connu dans la zone forestière [camerounaise] un développement remarquable
et l’on peut aujourd’hui cerner les contours d’un tel engouement comme l’impact de celui-ci
sur le vécu quotidien des ruraux » (Ibid. : 76). C’est grâce à cet environnement favorable à
l’esprit communautaire mis en place par les GIC que le projet sur les FC n’a pas eu du mal à
se mettre en place.
Les GIC n’ont pas que comme acteurs les villageois. Ces GIC ont été aussi créés avec l’apport
des élites, des ONG et de quelques politiques. Ce qui n’a pas toujours eu des effets positifs.
Pour ce qui est des ONG, beaucoup d’entre elles ont imposé leurs visions de choses aux GIC
grâce à leur implication et à leur financement. De même, les élites aussi ont favorisé la
création des GIC fantômes, ainsi que le détournement des fonds, parce que certains d’entre
eux concevaient les projets pour demander éventuellement des financements. Ces GIC ont
également eu le soutien de nombreux sans-emploi revenus vivre désormais au village, et les
retraités. L’objectif principal de la création des GIC était de sortir les paysans de l’attentisme
pour désormais atteindre « les dimensions économiques, développant des compétences
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
350
professionnelles dans leurs filières respectives ». Pour ainsi les aider à créer eux-mêmes leurs
propres projets et bien les gérer pour leur bien. L’aspect économique étant prépondérant, les
GIC à travers les compétences acquises œuvrent dans les domaines tels que
l’approvisionnement des intrants, l’usinage, le suivi et contrôle de la qualité, la
commercialisation. Les paysans deviennent eux-mêmes les opérateurs économiques et
s’informe de tout ce qui concerne le marché de leur filière, pour devenir plus efficaces.
Ce sont de nouvelles formes d’organisations qu’ils ont mises en place. « Le fonctionnement
des marchés groupés est donc devenu la règle dans la zone forestière, et les résultats concrets
que les paysans en tirent sont évalués à la base, c’est-à-dire au niveau du GIC, noyau
principal où s’effectue la production » (Elong, op. cit. : 92). Les principales activités
entreprises dans les GIC en vue de créer des revenus aux paysans sont notamment,
l’agriculture, l’élevage, les prestations des services, puis viennent les activités secondaires
telles que l’artisanat, la promotion de la culture et des œuvres sociales, la transformation
alimentaire, la transformation du bois, la pisciculture. Si les GIC ont favorisé la promotion de
plusieurs activités de production dans le monde rural camerounais, cependant,
l’individualisme a toujours influencé ces activités, ce qui va à l’encontre de l’esprit
communautaire. Ceci est également un handicap pour augmenter la production qui était l’un
des objectifs visés. « La production demeure individuelle parce que l’appropriation foncière
reste au centre de nombreux litiges entre les familles dans la zone forestière. Personne ne
peut guère se risquer de céder de la terre à un GIC pour ses activités de production, car
inévitablement, quelqu’un d’autre en revendiquera la propriété, et le plus souvent sans
fondement légal » (Ibid. : 104). Ainsi, le problème que suscite le foncier fait entrave aux
actions communautaires dans les villages camerounais. Face à ce problème qui est connu par
l’ensemble des pays de la sous-région, le projet sur les forêts communautaires a été lancé en
l’occurrence au Gabon et au Cameroun pour permettre aux communautés villageoises de
posséder des titres fonciers communs pour des activités communes.
Cependant, il existe des limites à l’organisation paysanne camerounaise :
- L’imprécision et la méconnaissance des limites des villages,
- Le fait qu’on peut trouver des habitants d’un village qui ne font pas partie d’un GIC.
Cela est dû au fait qu’il y a des villages forestiers qui n’ont pas en leur sein un GIC, ce
qui est un handicape à la cohésion sociale. Les GIC peuvent regrouper des habitants de
plusieurs villages, ce qui permet d’établir et de resserrer les liens entre villages. Pour
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
351
qu’un GIC regroupant les paysans de plusieurs villages soit efficace il faut que ces
villages aient les mêmes réalités socio-économiques.
4.3. Activités villageoises à long terme
Pour l’instant les activités villageoises économiques compatibles avec une gestion durable des
ressources prévoient un long processus. C’est à long terme que les résultats seront obtenus. La
mise en place d’un verger ne produit de l’argent que quelques années plus tard lorsque par
exemple les arbres fruitiers seront arrivés à maturité et dont les fruits seront vendus sur les
marchés. Les villageois ne croient pas trop à cette vision de chose lointaine même s’ils
devraient y croire pour l’avenir de leurs enfants. Les communautés villageoises sur lesquels
repose le projet sont d’un certain âge. Parce que l’espérance de vie au Gabon est de 62 ans en
2011 que les villageois disent qu’ils ne seront plus en vie lorsque les arbres fruitiers auront
grandi pour en bénéficier, ce qui n’est pas faux.
Même arrivés à maturité, les fruits des villages du projet auront de mal à se vendre, parce
qu’il y aura les fruits identiques sur le marché, à moins qu’ils soient vendus plus moins chers
que les autres. Ceci pose aussi le problème de type de choix des activités à mener dans la FC.
Les arbres fruitiers issus des vergers plantés ne diffèrent pas des arbres que l’on retrouve dans
les champs, anciens villages et jardins de cases des localités qui ne font pas partie du projet.
Pourquoi les fruits issus des FC seront-ils privilégiés sur les marchés urbains par rapports aux
autres fruits ? Concrètement, ni la création d’un verger qui nécessite un temps moyen, ni le
reboisement un temps long, ne parviennent pas à convaincre véritablement les villageois, dans
la résolution des problèmes qui touchent les ruraux. Ils restent encore persuadés que
l’exploitation forestière et le sciage de bois sont les seules activités qui produisent pour
l’instant un profit immédiat.
Les villageois ne sont pas encore préparés à entreprendre les activités à long temps. Cela
serait-il dû à l’absence de culture entrepreneuriale ? En effet, « il n’existe pas à proprement
parlé d’institutions opérationnelles de microcrédit au Gabon ni de structures spécifiquement
en charge du financement des micros et petites entreprises » (PNUD Gabon, 2003: 4), qui
pourraient permettre aux gabonais de mener des activités personnelles. De plus, « Le crédit
aux entreprises étant essentiellement fait par les banques commerciales, qui ont un système
de fonctionnement inadapté aux micros et petites entreprises, ne parvient qu’aux promoteurs
justifiant d’une expérience professionnelle et de garantie solides » (Idem). Le micro projet a
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
352
pour but de favoriser le lancement des activités personnelles, en entraînant l’autonomisation
des entrepreneurs dans le but d’éradiquer le secteur informel (nuisible à l’économie nationale)
et de lutter contre la pauvreté. Ainsi, le micro projet est une solution qui pourrait être
généralisée dans le monde rural pour aider les ruraux à améliorer leurs conditions de vie. Par
exemple dans le cadre des FC, ce serait plutôt les associations qui en bénéficieront afin de
fortifier la cohésion sociale et les activités communes bénéfiques au développement local.
Au terme de cette partie, il convient de s’interroger sur l’avenir des FC au Gabon. Combien
de FC seront-elles attribuées aux communautés villageoises ? Les FC sont-elles une véritable
solution pour sortir les villageois gabonais de la pauvreté comme cela a été prévu au départ,
au regard des limites auxquelles elles sont confrontées ? Encore une fois de plus, les projets
sur les FC n’entrent-ils pas dans le lot des projets ruraux qui n’ont pas réussi ? Des questions
qui amènent encore une fois de plus à réfléchir sur le devenir du monde rural gabonais.
Le projet sur les FC n’est pas mauvais en soi. S’il a eu des répercussions positives au
Cameroun, il devait en être aussi ainsi au Gabon. Cependant, le contexte socio-économique
n’est pas identique dans les deux pays. L’esprit entrepreneurial de même que l’esprit
associatif sont très enracinés au Cameroun. L’esprit d’entreprise notamment « se fonde sur un
comportement d’épargne régulièrement soutenue, d’investissements, et de verrouillage
efficace des causes de désinvestissement, en d’autres termes, sur une logique
d’entrepreneur » (Warnier, 1993: 28). Pendant les débuts d’accumulation, les entrepreneurs
camerounais réduisent au minimum la consommation pour épargner (exemple chez les
Bamileké). Cependant, ces entrepreneurs, parce qu’ils savent que sans épargne il leur sera
difficile d’atteindre les objectifs visés, sont prêts à tout. Au Gabon, cette attitude est peu
commune, car se priver quand on peut s’offrir quelle que chose au profit des affaires est très
rare. Les entreprises individuelles au Cameroun fonctionnent durablement grâce à l’épargne, à
la bonne gestion, au réinvestissement, etc.
Quant à l’esprit associatif au Cameroun que l’on peut remarquer avec la tontine qui est
relativement bien développée chez les Camerounais, indique une particularité camerounaise.
La tontine montre la solidarité qui existe entre individus, surtout les ressortissants d’un même
village lorsqu’ils se retrouvent en ville. C’est une sorte d’entre aide qui permet de faire une
épargne rotative. Les ressortissants camerounais en portent avec eux la tontine encrée dans
leur culture, quand ils immigrent. C’est ainsi qu’elle est rependue et pratiquée par les
Gabonais.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
353
L’esprit d’entreprise et d’association sont des bases solides pour la réussite des FC, c’est
pourquoi en parlons. Leur absence ou le fait qu’il ne soit pas très implanté dans les mentalités
des Gabonais fausse la logique dans laquelle s’inscrivent les projets (OIBT et DACEFI) au
Gabon. Même si les FC sont attribuées à toutes les communautés rurales du territoire
gabonais, le problème de pauvreté sera toujours présent, sauf si les communautés elles-mêmes
décident d’agir autrement. C’est-à-dire qu’au-delà des limites sociales, politiques et
économiques, les villageois d’une même communauté se mettent en ensemble pour œuvrer
pour le bien de leurs localités sans attendre l’intervention de l’Etat.
Conclusion du chapitre VII
On a bien observé une motivation des ruraux lors de la première phase à travers leur
participation dans les activités entreprises conjointement avec les agents du projet. Cependant,
cette motivation diminue davantage à cause des handicaps mentionnés. Pour l’instant, vu les
résultats partiels du projet DACEFI, les FC ne sont pas un projet qui parvient à régler les
tensions dues au partage des terres. De même, il ne parvient pas à améliorer les conditions de
vie dans les zones dans lesquelles elles sont en expérimentation.
La question du développement rural reste toute entière. Comment favoriser le développement
des villages gabonais ? Les solutions trouvées présentent toujours des limites même si dans le
fond elles sont bonnes. Le projet DACEFI montre déjà ses limites comme les autres projets
antérieurs exécutés dans le monde rural gabonais. En effet, l’absence d’esprit d’entreprise,
d’esprit associatif sont de réels handicaps au développement de ce projet ; sans oublier la
nonchalance législative et administrative observée.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
354
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
355
Conclusion de la troisième partie
Les deux chapitres de cette troisième partie avaient pour but de montrer les situations
conflictuelles vécues dans le monde rural gabonais et les tentatives de solutions qui y sont
apportées. Les conflits nés de la conservation et de la production sont multiples, mais ce sont
les principaux conflits qui ont été traités. Leurs causes sont aussi multiples que leurs
conséquences. Ainsi, les solutions à apporter doivent tenir compte des impacts de ces deux
concepts chez chaque type d’acteur ; puis que « les questions d’environnement et de
développement sont inséparables » (Le Prestre, op.cit: 16). On ne peut donc pas les traiter de
façon distincte.
Au terme de cette partie, on retient que les conflits persistent dans le monde rural gabonais, et
que les solutions trouvées telles que le projet sur les FC présentent des carences. Ce qui ne
favorise pas le développement rural tant attendu. De plus, « les solutions proposées aux
problèmes de développement et d’environnement doivent viser un équilibre entre la
croissance, l’équité et la démocratie. On ne peut conserver les ressources naturelles et
ignorer les droits des Etats ou les habitants qui en vivent ou qui vivent parmi elles » (Ibid.:
15). C’est dire que pour qu’il y ait une bonne gestion environnementale, une croissance et un
quelconque développement local des solutions combinant tous ces éléments sont à encore
certainement à trouver.
À un an de la fin de DACEFI 2, il serait peut être trop tôt de dire que le projet n’a pas
fonctionné et que les objectifs arrêtés n’ont pas été atteints. Il est vrai que la philosophie de la
FC qui consiste à faire participer les populations locales dans la gestion environnementale de
leurs milieux et de profiter des avantages de leur forêt est une solution appropriée pour
résoudre les conflits dans les espaces ruraux, et de conduire ainsi au développement rural qui
est un long processus. Cependant, les résultats obtenus résultant de la phase 1 et de la moitié
de la phase 2, ne sont guère satisfaisants. Nous ne perdons pas de vue que la FC est un
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
356
nouveau mode de gestion foncière et environnementale au Gabon, qui a sans doute besoin de
temps pour s’affirmer et produire des résultats probants.
Pour avoir un aperçu général des FC et des résultats finaux obtenus dans les autres localités
où se font les projets DACEFI et OIBT, il est souhaitable d’attendre la fin de ces projets.
Ainsi, il sera plus facile de voir si les FC peuvent être créées dans l’ensemble du monde rural
gabonais ou pas. La FC reste en effet un moyen pour décentraliser la gestion des ressources
forestières à l’avantage des ruraux. Il existe cependant d’autres types de gestion spatiale et des
ressources forestières dans les villages qui privilégient entre autre les gestions familiale,
lignagère, associative et individualisée93
, ce qui signifie qu’il n’existe pas un mode unique de
gestion villageoise. Le concept de FC revêt donc « un caractère exogène » (Pierre et al.,
2000 : 21). Ainsi, « le développement d’une gestion de type « forêts communautaires » ne
peut pas être envisagé au Gabon sous la forme d’un modèle standard et unique applicable à
l’ensemble du territoire à travers un texte de Loi unique, ce qui rend plus difficile
l’élaboration d’un cadre juridique adapté à la diversité des situations locales » (Idem). Il est
aussi utile de rappeler aux villageois qui désirent voir les retombées immédiats d’une FC, que
cette dernière se présente d’abord comme un patrimoine naturel à long terme au profit des
générations futures.
93
C’est la typologie des modes de gestion des ressources observée par les experts de LUTO et du CIRAD-Forêt
en 2000 dans le monde rural gabonais.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
357
Conclusion générale
Il est de coutume, lorsqu’on parle du monde rural gabonais, d’évoquer toutes les difficultés
socio-économiques et démographiques qu’il rencontre depuis plusieurs décennies. Ne pouvant
passer outre cette tradition, nous nous sommes attachés dans le chapitre II à décrire le monde
rural gabonais en général, de l’époque précoloniale à nos jours, et les difficultés qui sont les
siens. Mais avant, particulièrement dans le chapitre I, nous avons fait un détour vers les pays
occidentaux pour décrire les concepts de production et de conservation qui leurs ont donné
forme, puis dans les pays tropicaux dans lequel se trouve le Gabon où ils ont leurs
répercussions. C’est grâce à ce détour que nous avons pu analyser dans le chapitre III les
activités de production qui sont pratiquées dans le monde rural gabonais, de même que
l’avènement des politiques environnementales et les activités de conservation observées, sans
oublier les acteurs qui ont permis leur mise en place.
Il a paru nécessaire de faire aussi une description particulière de la zone d’étude tout en
évoquant la méthodologie utilisée, dans le chapitre IV. L’objectif était d’observer à travers
des exemples palpables le vécu des villageois ogivins dans l’application des activités de
production et de conservation. Ainsi, partant du global au local il ressort après analyse que les
difficultés que connaissent les ruraux ogivins sont les mêmes dans l’ensemble du monde rural,
à la différence que les milieux ruraux très proches des parcs nationaux (les villages de la
Lopé) connaissent des situations particulières, telles que la récurrence des conflits Homme-
faune. C’est dire que les activités de conservation de plus en plus présentes et les activités de
production dont les pratiques sont bien antérieures, ne favorisent pas le développement des
localités dans lesquelles elles sont pratiquées, c’est-à-dire les milieux ruraux. Nous l’avons
vu, il n’existe pas de développement réel pour ces milieux ; et les populations qui y habitent
sont confrontées à de véritables difficultés. Si certains d’entre elles décident de partir, pour
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
358
améliorer leurs conditions de vie, d’autres par contre bien qu’étant un faible nombre ont
décidé de rester au village, mais pourquoi ?
Le chapitre V nous a permis de répondre à cette question et surtout aux interrogations que
justifiait l’intitulé du chapitre sur les villages gabonais malgré leurs problèmes, à travers les
analyses faites sur la zone étudiée.
À quoi servent les villages gabonais ? Tel est l’intitulé du chapitre V. On pourrait se
demander pourquoi une telle formulation ? Cette formulation pose le problème du rôle du
monde rural gabonais et de son rôle dans l’économie et la société gabonaise contemporaine.
On l’a vu, il est difficile de considérer que cet espace remplit la fonction nourricière que l’on
attend, a priori, d’un monde rural.
Cette situation rend plus criante encore la question de la faiblesse de la production d’aliments
au Gabon. Au moment où la sécurité alimentaire devient une priorité tant dans les pays
d’Afrique centrale qu’à l’échelle planétaire, répondre aux besoins alimentaires des
populations devient pour les gouvernements une réelle préoccupation. C’est dans cette
optique que s’est inscrit la thèse doctorale de Galley (2010), intitulée le Gabon peut-il se
nourrir ? À travers la zone étudiée, nous avons montré que les villages produisent très peu,
les surfaces sont très insuffisantes et la main-d’œuvre agricole toujours en déclin. Cette
situation connue dans l’ensemble du monde rural gabonais, montre qu’on ne peut pas compter
sur les villages pour nourrir les populations.
La forte dépendance du Gabon en produits alimentaires, malgré le développement des cultures
aux périphéries des centres urbains, grâce à la présence des ruraux dans ces mêmes milieux et
à l’activité maraîchère pratiquée en majorité par la population étrangère, amène à s’interroger
sur l’impact, positif ou non, de ces nouvelles pratiques sur la production agricole nationale. La
question de la crise alimentaire est toujours d’actualité, même si elle s’est atténuée depuis
2008, date à laquelle les pays de la sous-région ont connu une importante crise alimentaire
due à la forte augmentation des cours internationaux des produits indispensables à
l’alimentation (CNUCED et OIF, 2008). Il s’agit notamment du blé, du riz et du maïs dont les
quantités importées sont très importantes pour l’ensemble des pays de la sous-région ; leur
enchérissement constitue une menace alimentaire pour les personnes les plus démunies. En
effet, « tous les pays d’Afrique Centrale, importent généralement des quantités importantes
de blé et de riz qui sont principalement destinées aux consommateurs des zones urbaines.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
359
Trois pays de la sous région, le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale, dépendent
presque entièrement des marchés internationaux pour combler leurs besoins en matière de
céréales (blé et riz) et autres produits alimentaires » (FAO, 2013)94. Cette forte importation
de ces produits est due à la faible production locale des produits de base constatée. Même si
certains pays se démarquent comme la République Centrafricaine et le Cameroun « [qui] sont
généralement auto-suffisants pour le maïs, leur denrée de base ; mais les perspectives
demeurent incertaines pour la récolte de l’année 2012, et il se peut qu’ils aient recours à des
importations en 2013 » (Idem). C’est dire que la flambée des prix de ces produits constitue
une insécurité alimentaire pour les populations de ces pays et surtout pour le Gabon.
Même si des mesures sont prises par chaque gouvernement pour essayer de résoudre ce
problème chronique, à l’exemple de notre pays d’étude où les prix de certains produits de
première nécessité ont été plafonnés et les droits de douane et de TVA sur quelques produits
alimentaires (riz, poisson, fruits et légumes) suspendus, pour une certaine durée. Ces mesures
ne suffisent toutefois pas pour résoudre la problématique de l’inflation alimentaire.
Encourager l’augmentation de la productivité des produits de base semble être pour le
gouvernement gabonais la solution idoine pour limiter ses importations alimentaires et pour
assurer des prix locaux raisonnables.
Le monde rural gabonais est questionné à cause du fait qu’il ne remplit pas son rôle premier :
nourrir les populations. Si le gouvernement importe 250 milliards de FCFA/an (382 millions
d’euros par an) pour l’importation des denrées alimentaires, cela veut dire que la production
agricole du monde rural gabonais est très faible. Et s’il ne produit pas comme il devrait le
faire, alors à quoi sert-il ? Tenter de répondre à cette interrogation « essentielle » a représenté
le fil conducteur de nos recherches doctorales.
De cette préoccupation, il convient de retenir que les territoires situés aux périphéries des
parcs nationaux de la zone d’étude présentent plusieurs atouts. Si les villages ne remplissent
pas leur fonction première, ce qui amène le gouvernement à se tourner vers l’extérieur, sur
d’autres plans, ces villages continuent d’être sollicités. Sur le plan social, les territoires ruraux
constituent des espaces de vie et d’accueil de deux catégories de populations : les enfants et
leurs grands-parents ; pendant les vacances, ces villages reçoivent également la visite de
94
http://www.fao.org/africa/central/actualites/fpxali/fr/
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
360
plusieurs citadins. Ces espaces pourraient de même peut-être constituer des lieux de loisirs
naturels et culturels pouvant favoriser le tourisme naturel et culturel. Mais encore faudrait-il
qu’une politique volontariste en ce sens soit menée et qu’elle soit appropriée par les
populations rurales. C’est ce plan social, de même que l’aspect culturel qui justifient
l’existence actuelle des villages gabonais. Ce qui permet de dire que ces villages remplissent
mieux les fonctions sociale et culturelle, qu’agricole.
Les territoires ruraux représentent également sur le plan économique des lieux « favoris » de
la production de bois et de grumes, avec près de 60 essences différentes exploitées, ainsi que
de pétrole et de minerais. Le secteur forestier est très important dans le pays parce qu’il
constitue l’employeur principal du secteur privé, avec près de 20 000 emplois directs et
indirects, soit le second domaine d’emplois du Gabon après le secteur public. La filière bois
dégage de même des revenus importants, avec 251 millions d’euros provenant des
exportations des grumes, soit 12 % des exportations totales pour l’année 2008 (c’est le
deuxième secteur d’exportation), avant l’application des reformes gouvernementales qui
consistent à favoriser la transformation des grumes sur le territoire national.
Pour ce qui est du pétrole, 220 000 à 240 000 barils de pétrole sont extraits chaque jour de
zones rurales, ce qui permet au pétrole de participer à hauteur de 40 % au PIB. En 2010, la
production de pétrole s’élevait à 12,431 millions de tonnes, dont 11,23 millions de tonnes à
l’exportation. Quant à la production minière, c’est le manganèse qui est le minerai le plus
exporté. Ce secteur minier emploie 1 492 agents. Ainsi, le pétrole, le manganèse et le bois
constituent les grands produits d’exportation au Gabon. Pourtant, ces territoires sont exploités
de manière extractive, sans générer d’activité localement – au contraire, ces activités privent
l’agriculture d’une main-d’œuvre pas trop rare.
Les espaces ruraux remplissent aussi des fonctions environnementales, par leur biodiversité.
Ces ressources naturelles permettent d’affronter les défis que posent le changement climatique
et l’appauvrissement de la biodiversité. Mais, au regard du constat fait, ces territoires ont aussi
des handicaps et défis auxquels ils font face. D’une part, le mauvais état des routes, l’exode
rural, la sous-production agricole, etc. fragilisent ces territoires. D’autre part, nourrir les
villes, assurer la protection environnementale, maintenir la vie au village et continuer de
répondre aux besoins économiques entraînant le développement économique du pays
représentent les véritables défis auxquels sont constamment confrontés les territoires ruraux.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
361
La situation décrite plus haut est commune à tous les territoires ruraux gabonais. Cependant,
dans les territoires ruraux étudiés, seules quelques activités (foresterie, agriculture
traditionnelle et conservation) sont à relever. De même, de nombreux acteurs considèrent les
territoires ruraux comme leur appartenant à cause des activités qu’ils y entreprennent. Le désir
de s’approprier les territoires tout en excluant la possibilité de les partager avec d’autres
acteurs crée des tensions aux périphéries des parcs nationaux ogivins. De même, la
juxtaposition de diverses activités appartenant à plusieurs acteurs engendre des tensions.
Ainsi, l’ensemble des atouts, handicaps et défis existant dans les territoires ruraux ogivins,
occasionne de nombreuses situations conflictuelles analysées dans le chapitre VI. Parmi ces
conflits figure le conflit Homme-faune qui perturbe particulièrement la vie des ruraux et leur
activité agricole. La problématique foncière résultant de la mauvaise gestion spatiale est la
principale raison des conflits relevés dans le monde rural; et c’est pourquoi le partage de la
terre constitue la solution « fondamentale » à la résolution de ces conflits.
C’est dans cette perspective qu’a été lancé le projet DACEFI sur les forêts communautaires.
Mais, comme nous l’avons vu dans le dernier chapitre (VII), ce projet ne produit pas
aujourd’hui les résultats attendus. À travers l’exemple des premiers villages qui ont accueillis
le projet, nous avons montré que le problème foncier et les tensions demeurent. D’un autre
côté, l’un des handicaps majeurs que connaît l’évolution de ce projet, qui en est à sa deuxième
phase, est l’absence d’esprit d’équipe tel que décrit dans le chapitre VII. L’individualisme
reste encore dominant dans les associations villageoises gabonaises. Ceci constitue un frein
majeur au développement rural auquel les villageois doivent tous désormais participer. À cet
effet, l’exemple camerounais a paru utile pour montrer comment les associations villageoises
d’un pays de la sous-région très proche du Gabon travaillent ensemble pour essayer de sortir
de la pauvreté.
Bien entendu, certaines organisations paysannes camerounaises ont disparu, d’autres par
contre continuent d’exister et rassemblent environ 10 % des paysans forestiers (Elong, 2004).
Si quantitativement ce pourcentage n’est pas important, qualitativement, ces résultats peuvent
être appréciés. En effet, « les organisations de la zone forestière ont tout de même commencé
à laisser leurs empreintes matérielles et immatérielles sur le milieu rural sous la forme de
« signatures sociales » (Morin S. 1996) à partir des activités qu’elles ont entreprises »
(Elong, 2004 : 235). Aussi peut-on considérer ces Groupes d’Initiatives Communes (GIC)
comme un important facteur de dynamique rurale. Les actions posées au sein de ces
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
362
organisations permettent de noter que les paysans peuvent eux-mêmes se prendre en charge.
Les paysans camerounais ont ainsi montré leur capacité à développer leurs entreprises,
pouvant conduire à l’émergence d’une réelle « professionnalisation » grâce à un commerce
groupé autour notamment de la production cacaoyère. De même les GIC ont favorisé des
évolutions dans les prises de décision avec le développement des décisions concertées pour
lesquelles les avis de ses membres comptent fortement.
De plus, sur le terrain aussi, des évolutions ont été observées grâce aux organisations
paysannes. « Les interventions sur le terrain sont dorénavant liées à des calendriers
prévisionnels d’activités et à des budgets pour éviter au maximum des improvisations »
(Elong, 2004 : 237). Des points positifs sont aussi notés en ce qui concerne le désir des
paysans participant aux GIC de pourvoir à leurs besoins « correctement ». « Au-delà de ces
mutations, l’état actuel du fonctionnement des unions et fédérations des GIC révèle des
indices de bonne cohésion qui les prédisposent à jouer un rôle positif dans la construction des
territoires et des territorialités » (Elong, 2400 : 237). Tous ces points positifs représentent un
espoir en ce qui concerne le développement rural. Toutefois, les organisations paysannes ne
sont pas encore très « matures » pour agir seules dans ce dernier domaine. En effet, les GIC
ne devraient pas qu’accorder une importance capitale aux activités économiques mais aussi
aux activités socio-éducatives et culturelles. Or, pour y arriver, il faut que l’État camerounais
remplisse aussi ses devoirs, par exemple en participant au désenclavement des milieux ruraux.
Dans le même sens, le désenclavement des milieux ruraux gabonais constitue en effet un réel
problème comme nous l’avons démontré dans notre analyse. Le monde rural gabonais a
besoin de connaître le dynamisme qu’il n’a jamais connu ou a perdu. « Et pourtant, des
structures telles que l’Igad, l’Apg/Fida constituent des réponses crédibles aux problèmes du
monde rural » (Galley, op. cit. : 346). Ces instruments, créés par l’État avec les partenaires
étrangers dans le but de résoudre les problèmes ruraux et de favoriser leur développement, ont
montré leurs limites. Peut-on ainsi croire aux PSE comme une autre solution pour résoudre les
problèmes des villageois ? Pour l’instant, ceux-ci ne sont pas encore appliqués et des études
sont faites pour les rendre applicables. Bien que de façon générale il existe une large
documentation sur les PSE, dans les pays du bassin du Congo, dont le Gabon, leur mise en
place reste pour l’instant très limitée. Les projets initiés pour les PSE posent plus de questions
qu’ils n’apportent de solutions « palpables ». Ce fait amène à se demander s’il existe bel et
bien des marchés pour les SE de la forêt tropicale en général. En effet, si on désire mettre en
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
363
place un mécanisme de rémunération par rapport à la production ou la protection d’un SE, on
doit s’assurer en amont que ce service ait une demande « solvable et permanente » (Lescuyer
et al., op. cit. : 139). Si pour la séquestration du carbone les fonds qui lui sont décernés
peuvent favoriser leur mise en œuvre, il n’en est pas ainsi pour les REDD dont l’applicabilité
est incertaine.
Ainsi, les enjeux des PSE se heurtent à des difficultés importantes. En effet, l’une d’entre
elles provient du concept de biodiversité même : il est « globalisant », parce qu’il est
difficilement quantifiable par rapport à sa gestion. C’est pour cette raison que le concept
d’écosystème a été retenu pour favoriser la gestion des ressources.
Cela peut se justifier par le fait que lier la biodiversité à un quelconque SE dont l’impact est
visible et direct sur le bien-être des hommes n’est pas commode, parce que les liens entre
biodiversité – écosystème – bien-être humain sont jusqu’à maintenant méconnus (Ridder,
2008)95. De plus, la durabilité d’un PSE repose sur une réalité tangible : il faut que ceux qui
bénéficient d’un SE, qui en sont les acheteurs/ clients potentiels, aient des moyens financiers
bien supérieurs à ceux qui sont censés garder ou produire ce SE. Ceci sous-entend que
quelque soit le domaine (protection de la biodiversité, bilan carbone, ou encore la
conservation des bassins versants), il y ait des entreprises ou groupements internationaux qui
puissent être des clients à la hauteur des achats qu’imposent les SE (Lescuyer et al., op.cit).
Les mécanismes des PSE exigent donc un cadre bien précis pour qu’ils soient effectifs et
efficaces. En dehors du fait qu’il faut qu’il existe des acheteurs capables de payer un SE, il
faut aussi qu’un SE soit éligible à un paiement : c’est le critère « d’additionnalité » qui
consiste à faire payer un SE plutôt menacé, par les activités des hommes. De plus, le
mécanisme des PSE peut entraîner un changement de comportement chez les acteurs, ce qui
pourrait rendre difficile la conservation d’un SE.
Or, ce changement d’habitude n’est pas toujours évident pour des populations locales qui sont
habituées à « se servir de la nature, à l’exemple des droits d’accès et d’usage des ressources »
(Ibid. : 140), considérés comme « légitimes » par ces populations qui les « possèdent » depuis
des générations. Payer ces populations pour qu’elles favorisent le maintien des SE plutôt que
leur dégradation revient à leur faire renoncer à leurs droits, ce qui n’est pas toujours chose
facile. Il est vrai que ces droits reposent souvent sur des institutions locales mais ils ne sont
95
Cité par Cité par Lescuyer et al., op.cit : 139
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
364
pas toujours légaux. C’est pour quoi il faudrait un cadre institutionnel bien établi96 avec des
lois bien définies pour sécuriser les PSE. De même, l’institution en charge de leur gestion doit
être capable de résister à toute pression nuisible au bon fonctionnement des PSE.
Enfin, une autre contrainte limitant l’efficacité des PSE est leur « coût d’opportunité ». Il
faudrait en effet que la rémunération proposée aux bénéficiaires des PSE puisse dépasser
largement celle qu’ils pourraient obtenir en prélevant ou en vendant ces ressources naturelles.
Cependant, « L’estimation des coûts d’opportunité est un exercice délicat, notamment en
Afrique centrale, où, contrairement à la vision figée d’un changement technique faible ou nul
dans le temps (Ferraro, 2002 ; Wunder, 2006), la situation socio-économique en milieu rural
connaît des dynamiques importantes depuis quelques années : accroissement du prix des
matières agricoles, multiplication des tronçonneuses et des motos, facilité de l’exploitation
individuelle (et illégale) des bois sur pied, rétrocession d’une partie des redevances,… »
(Lescuyer et al., op. cit. : 141-142). Malgré les obstacles auxquels sont confrontés les PSE, on
peut tout de même continuer de croire au fait qu’ils pourraient résoudre les problèmes
découlant de la protection environnementale, si et seulement si ces mêmes obstacles sont
solutionnés auparavant.
En attendant l’action des PSE, nous faisons quelques suggestions pouvant conduire au
développement rural, en plus de ce qui se fait déjà :
1. Outre le développement des activités non agricoles qui sont très importantes en ce qui
concerne le développement rural, il est nécessaire que les villageois puissent prendre
conscience de l’importance de l’activité agricole. Pour ce, il faudrait que le
gouvernement intervienne fortement dans ce domaine en :
Favorisant une immigration orientée des agriculteurs des localités africaines
reconnues comme étant travailleurs et aimant l’agriculture. C’est le cas des
agriculteurs burkinabé, camerounais, centrafricains, etc. En s’installant dans
les milieux ruraux, ils pourraient planter principalement les produits vivriers
96
Il faut que l’institution qui sera établie ait de l’autorité aux yeux des populations. Mais il existe un véritable
problème dans les pays d’Afrique centrale notamment sur la conception de la communauté. Lors des projets à
réaliser, il est observé une certaine confusion entre les entités sociale et géographique. En effet, la communauté
qui est une entité sociale ne doit pas être nécessairement assimilée au village qui lui par contre est une entité
géographique. Karsenty (2008), cité par Lescuyer et al. (op.cit :140) considère que cela constitue l’une des
raisons importantes des échecs de certaines expériences qui ont eu lieu dans ces pays.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
365
(banane et tubercules) qui sont les produits de base de l’alimentation des
Gabonais et qui sont très prisés dans les marchés urbains. Dans un premier
temps, cela fera que les autochtones apprécient mieux le travail de la terre. Il
est vrai que la population gabonaise est peu nombreuse pour constituer en soi
un marché potentiel pour ces cultures vivrières. Cependant, nous avons bien
souligné que le pays est très dépendant de l’extérieur pour répondre aux
besoins alimentaires de sa population. De plus, un important budget est alloué
chaque année pour les dépenses alimentaires. Cette initiative sur les
immigrants agriculteurs97 permettrait de réduire la dépense alimentaire et les
difficultés qu’elle entraîne dans un second temps.
En intensifiant l’octroi de crédits pour financer les micros-projets portant sur
les cultures vivrières. C’était assurément une erreur d’avoir mis en avant le
développement des produits agro-industriels dans les années 1970, au
détriment des produits vivriers qui sont plus importants pour l’alimentation des
Gabonais. De même, le développement du réseau routier qui a cours dans le
pays facilitera l’écoulement des produits vers les marchés urbains, pourvu que
ce développement des routes puisse toucher tous les territoires enclavés du
pays.
2. Enfin, les associations qui interviennent dans l’environnement devraient davantage
amener les populations rurales à s’intégrer aux politiques environnementales, tout en
leur faisant comprendre leur responsabilité sur le devenir de leurs villages, tant sur les
plans environnemental, qu’économique et social. Cependant, il faudrait qu’en amont
les problèmes liés à la gestion foncière puissent trouver de véritables solutions en vue
d’une meilleure gestion foncière et environnementale.
97
Il est vrai que de façon générale les gabonais sont hostiles à l’immigration étrangère, même si à certains
moments elle a été utile pour renforcer la main-d’œuvre dont avaient besoins les entreprises, à cause du sous-
peuplement gabonais. Mais, l’immigration clandestine des populations d’Afrique centrale et de l’Ouest
notamment venus pour améliorer leurs conditions de vie, a amené les gabonais à les rendre responsables de
plusieurs problèmes qu’ils rencontrent (chômage, insécurité, problème foncier).
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
366
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Le monde rural gabonais - entre production et conservation
381
Table des illustrations
Liste des annexes
Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux ............................................ 383
Annexe 2 : Informations sur les PFNL ................................................................................................ 386
Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika ................................................................ 388
Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé..................................................................... 389
Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo ..................................................................... 390
Annexe 6 : Questionnaire Agro-Socio-Économique ........................................................................... 392
Liste des cartes
Carte 1 : Les trois parcs nationaux de la zone d’étude .......................................................................... 12
Carte 2 : L’agriculture au Gabon ........................................................................................................... 95
Carte 3 : Le réseau d'aires protégées du Gabon en 1960 ..................................................................... 121
Carte 4 : Aires protégées existantes et proposées au Gabon en 1996 .................................................. 123
Carte 5 : Nouveau réseau des aires protégées ..................................................................................... 125
Carte 6 : L’Ogooué-Ivindo dans le Gabon .......................................................................................... 170
Carte 7 : Le parc national de Mwagné ................................................................................................. 175
Carte 8 : Le parc national de l’Ivindo .................................................................................................. 179
Carte 9: Le parc national de la Lopé ................................................................................................... 183
Carte 10: Les migrations des populations de la zone d'étude .............................................................. 246
Carte 11 : Les villages dans le parc de la Lopé ................................................................................... 298
Carte 12 : Les permis forestiers dans quelques villages étudiés .......................................................... 302
Cartes 13 : Juxtaposition des parcs nationaux et des permis forestiers ............................................... 304
Carte 14 : Superposition des permis forestiers et des parcs nationaux ................................................ 307
Carte 15 : Les sites de DACEFI 1 ....................................................................................................... 321
Carte 16 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon .............................................................................. 321
Carte 17 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon .............................................................................. 321
Carte 18 : La zone d’étude au Nord-est du Gabon .............................................................................. 321
Cartes 19 : Les délimitations foncières du regroupement villageois ................................................... 325
Cartes 20 : Les délimitations foncières du village La Scierie ............................................................. 327
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
382
Liste des graphiques
Graphique 1 : Répartition du PIB gabonais par secteurs d’activités de 2001 à 2010 .......................... 114
Graphique 2 : Données démographiques des villages ......................................................................... 188
Graphique 3 : Tranches d’âges de la population interrogée ................................................................ 189
Graphique 4: Population totale et part de la population urbaine au Gabon (1960-2011) .................... 229
Graphique 5: Pyramide des habitants de la zone d'étude en 2011 (villages et la Lopé) ...................... 231
Graphique 6 : Pourcentage du temps de vie passé en ville des ruraux de plus de 50 ans.................... 237
Graphique 7 : Les migrations des enfants de la Lopé.......................................................................... 240
Graphique 8: Les migrations des enfants villageois ............................................................................ 240
Graphique 9: Les migrations par sexe ................................................................................................. 242
Graphique 10 : Les professions des enfants de la Lopé ...................................................................... 243
Graphique 11 : Les professions des enfants villageois ........................................................................ 244
Graphique 12 : Les professions des enfants par sexe .......................................................................... 245
Graphique 13 : Activités dans les villages .......................................................................................... 248
Graphique 14: Féculents de base dans les villages .............................................................................. 255
Graphique 15 : Les emplois forestiers par année ................................................................................ 260
Graphique 16: Les emplois liés aux parcs nationaux par année .......................................................... 261
Graphique 17 : Acceptation du parc national ...................................................................................... 292
Graphique 18 : Arguments développés en faveur ou contre le parc national ...................................... 293
Graphique 19 : Pourcentages de la population rurale dans la CEMAC en 2005 ................................. 308
Liste des photos
Photo 1 : Le parc à bois de la Lopé ..................................................................................................... 217
Photo 2: Une bananeraie en milieu forestier ....................................................................................... 251
Photo 3 : Attaque d’un champ de Manioc par un éléphant ................................................................. 279
Photo 4 : Un champ de manioc après le passage des éléphants .......................................................... 280
Photo 5 : La pépinière de Nzé Vatican ................................................................................................ 329
Photo 6 : Le verger du village ............................................................................................................. 331
Liste des planches
Planche 1 : A Nzé Vatican .................................................................................................................. 177
Planche 2 : Apperçu du village Makoghé ............................................................................................ 186
Planche 3 : Quelques bungalows de l’association Mogheso de Makoghé........................................... 207
Planche 4 : Le marché et l’école de Boléko (la Lopé)......................................................................... 209
Planche 5 : Lopé hôtel ......................................................................................................................... 214
Planche 6 : Un safari à la Lopé ............................................................................................................ 215
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
383
Planche 7: Champs de manioc en monoculture dans la périphérie de la Lopé .................................... 250
Planche 8: L'Iboga ............................................................................................................................... 263
Planche 9 : Différents matériaux utilisés contre l’intruison des animaux autour du parc de la Lopé . 287
Planche 10 : Le verger du regroupement des villages Ebe-Messe-Melane ......................................... 330
Liste des tableaux
Tableau 1 : Évaluation conjointe des principaux éléments contribuant au manque de conformité aux
lois forestières dans les cinq régions ..................................................................................................... 60
Tableau 2 : Comparaison entre les superficies forestières conservées par les communautés et les aires
publiques protégées ............................................................................................................................... 66
Tableau 3 : Dénominations des niveaux d’encadrement ....................................................................... 88
Tableau 4 : Typologie des aires protégées au Gabon .......................................................................... 134
Tableau 5 : Espèces animales protégées .............................................................................................. 136
Tableau 6 : Liste des ONG environnementales gabonaises ................................................................ 147
Tableau 7 : Evolution des investissements entre 1984 et 1993 (milliards FCFA) .............................. 167
Tableau 8 : Atouts et difficultés des villages étudiés .......................................................................... 190
Tableau 9 : Estimation de la population des villages en rapport avec le nombre d’élèves ................. 194
Tableau 10 : Chefs de famille interrogés à la Lopé par sexe et par tranches d’âges ........................... 209
Tableau 11 : Lieu de vie des individus des différentes cohortes ......................................................... 234
Tableau 12: Nombre moyens de migrations ........................................................................................ 235
Tableau 13 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par cohorte ............................. 236
Tableau 14 : Pourcentage du temps de vie passé dans le monde rural par sexe .................................. 238
Tableau 15: Les enfants de la zone étudiée ......................................................................................... 239
Tableau 16 : Les migrations des enfants ............................................................................................. 239
Tableau 17 : Les professions des enfants ............................................................................................ 243
Tableau 18: Calendrier cultural des produits vivriers ......................................................................... 249
Tableau 19: Evaluation des rendements moyens de manioc ............................................................... 252
Tableau 20: Productivité et production du manioc en 2007 ................................................................ 257
Tableau 21 : Nombre moyen de changements de profession par individu .......................................... 259
Tableau 22 : Les professions exercées au cours de la vie des personnes enquêtées (en nombre
d’années de vie active) ........................................................................................................................ 260
Tableau 23 : Les facteurs qui sont à l’origine des CHF au Gabon ...................................................... 277
Tableau 24 : Zoonoses présentes au Gabon ........................................................................................ 281
Tableau 25 : Estimation du manque à gagner des populations victimes ............................................. 284
Tableau 26 : Réponses données à la question : Etes-vous d’accord avec la création du parc ? .......... 293
Tableau 27 : Finages villageois et zones potentielles pour la mise en place de forêts communautaires
pilotes .................................................................................................................................................. 326
Tableau 28: Etat des travaux de production et de diffusion de plants d’arbres fruitiers et de bois
d’œuvre réalisés en 24 mois (août 2008). ............................................................................................ 332
Tableau 29: Bilan des activités de DACEFI ........................................................................................ 346
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
384
Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux
COMITE DE GESTION
Président du comité
Le collège des pouvoirs publics comprend : -un représentant du Premier Ministre ;
-un représentant du Ministre chargé des Eaux et Forêts ;
-un représentant du Ministre chargé des Parcs Nationaux ; -un représentant du Ministre chargé du tourisme ;
-un représentant du Ministre chargé de l’Environnement ;
-un représentant du Ministre chargé de la Recherche ; -un représentant du Ministre chargé de l’Aménagement du
Territoire ;
-un représentant du Ministre chargé des Finances ; -un représentant du Ministre chargé de la Planification ;
-un représentant du Ministre chargé de l’Artisanat ;
-un représentant du Ministre chargé de la Culture.
Le collège des partenaires comprend : -un représentant des organisations non gouvernementales
nationales spécialisées en conservation ;
-un représentant des organisations non gouvernementales internationales spécialisées en conservation ;
-un représentant du secteur touristique lié aux parcs
nationaux.
SECRÉTARIAT
EXÉCUTIF
AGENCE
COMPTABLE
Secrétaire Exécutif
Secrétaire Exécutif adjoint
Conseillers
Secrétaire particulière
Assistante de direction
Agence comptable
Contrôleur du trésor
Secrétaires
Directeur de la communication Directeur Technique Directeur Administratif et
Financier
Directeur des
Opérations
Chef de service
Information Éducation
Communication Externe
Chef de service Documentation
Audio-visuel
Chef de service
Appui aux parcs nationaux
Appui
Agents
Directeur Technique
Adjoint
Chef de Services
Programmation
planification
Chef de service
Surveillance et
Opération de police
Chef de service des budgets
décentralisés
Chargés d’études
Assistante
Agents
Responsable Passation de marchés
Chef comptable
Responsable des
Ressources Humaines
Assistante
Agents
Logisticien sénior
Logisticien
Assistante
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
385
Conservateurs des parcs nationaux
AKANDA : Jean Jacques TANGA
BIROUGOU: Daniel Arnaud NZAME
IVINDO : Dr. Joseph OKOUYI OKOUYI
LOANGO : Brice Léandre MEYE
LOPE : Louis S. NDONG OBIANG.
MAYUMBA : Solange NGOUESSONO
MINKEBE : Hervé NDONG ALLOGHO
MONTS DE CRISTAL : Simon ANGOUE OVONO
MOUKALABA DOUDOU : Roger AZUI NYAMENGO
MWAGNA : Serge NKALA- Y ETHENO
PLATEAUX BATEKE : Jean TONDAGOYE
PONGARA : Eric OGOWET
BONGUINO.
WAKA : Benoît NZIENGUI
STRUCTURE DECENTRALISÉE Conservateurs Adjoints
Adjoints techniques
Écogardes
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
386
Annexe 2 : Informations sur les PFNL
Informations issues de l’atelier sous-régional sur « l’harmonisation des revues nationales sur
les produits forestiers non ligneux (PFNL) en Afrique centrale », 17-18 mai 201, Douala,
Cameroun, Rapport général, p. 17-18.
1. DEFINITION PFNL
En référence aux législations nationales et à la définition de la FAO
Les PFNL sont les produits forestiers biologiques autres que le bois d’œuvre. Ils intègrent les
produits végétaux non ligneux, les produits fauniques et les produits halieutiques :
Catégorie Exemples
1- Les produits végétaux
non ligneux
a. Fruits
b. Feuilles
c. Ecorces
d. Sève
e. Racines
f. Etc
2- Les produits
fauniques
a. Chenille
b. Larves
c. Insectes
d. Escargot
e. Trophées
f. Gibiers
3- Halieutiques a. xx
b. xx
c. xxx
4- Autres Champignon
NB. (1) Sont exclus de cette liste les produits exotiques (2) Le bois énergie est pris en compte dans
certains pays comme le Gabon, la RCA, le Cameroun.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
387
2. PRIORISATION DES PFNL DANS LES PAYS CONCERNÉS98
L’utilisation de ces différents produits se situe à différentes échelles. Aussi sur la base des critères liés
à la production, à la commercialisation et la consommation, les produits forestiers dits prioritaires sont
consignés dans le tableau ci-dessous
Niveau d’intégration PFNL prioritaires
Prioritaire dans les 6 pays 0
Prioritaire dans 5 pays 1. Gnetum spp.
2. Darcyodes edulis
Prioritaire dans 4 pays 1. Maranthacées
2. Rotin
Prioritaire dans 3 pays 1. Piper guineensis
2. Rauvolphia vomitoria
Prioritaire dans moins de 3 pays 1. Raphia
2. Coula edulis
3. Irvingia sp.
4. Garcinia Kola
5. Elaeis guineensis
Etc.
BN. Les Directives de la COMIFAC se réduisent pour l’instant aux produits forestiers
végétaux non ligneux. Cependant les termes de référence de la revue commise par FORENET
intègrent les produits forestiers végétaux non ligneux, les produits fauniques et les produits
halieutiques.
98
Ces PFNL sont prioritaires à cause de leur forte utilisation par les populations forestières. C’est ce qui
explique le renforcement de leur protection.
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
388
Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
389
Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
390
Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
391
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
392
Annexe 6 : Questionnaire Agro-Socio-Économique
Questionnaire n° :
Date :
1. Identification du lieu d’enquête
-Nom du lieu :
-
Département :………………………………………Province :……………………………………………………..
2. Identification du chef de famille
-Sexe :…………………………………………………………………………………………..................................
-Situation matrimoniale :…………………………………………………………………………………………….
*Si polygame, combien d’épouses :…………………………………………………………………………………
-Date de naissance :…………………………………………………………………………….................................
-Lieu de naissance :……………………………Département :……………………………………………………..
Migration Profession
Année et âge Commune Province Code Métier Secteur Statut
19 0
19 1
19 2
19 3
19 4
19 5
19 6
19 7
19 8
19 9
19 10
19 11
19 12
19 13
19 14
19 15
19 16
19 17
19 18
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
393
19 19
19 20
19 21
19 22
19 23
19 24
19 25
19 26
19 27
19 28
19 29
19 30
19 31
19 32
19 33
19 34
19 35
19 36
19 37
19 38
19 39
19 40
19 41
19 42
19 43
19 44
19 45
19 46
19 47
19 48
19 49
19 50
19 51
19 52
19 53
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
394
3. Trajectoire professionnelle géographique
3.1. Antécédents de la famille (restreinte) de l’enquêté
*Informations sur les parents de l’enquêté
19 54
19 55
19 56
19 57
19 58
19 59
19 60
19 61
19 62
19 63
19 64
19 65
19 66
19 67
19 68
19 69
19 70
19 71
19 72
19 73
19 74
19 75
19 76
19 77
Année de : Précision du lieu
(Rural ou Urbain)
Lieu d’habitation
actuel
Activité principale et lieu
Naissance Décès Naissance Décès Rural Urbain A 15 ans Aujourd’hui
Père
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
395
*Informations sur ses frères et sœurs
-Nombre de frères et sœurs :
-Pour chacun d’eux :
Sexe
Année et lieu de : Lieu de
résidence actuel
Activité principale
et secteur d’activité
Statut
***** Naissance Décès ************* **************** **********
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8
9.
3.2. Nombre d’enfants de l’enquêté
Année de
Lieu de
naissance
Profession
Actuelle
Si élève,
niveau
d’étude
Etat
civil
Nombre
d’enfants
Lieu de
Résidence
Préciser
sexe
N D
1. enfant
………..
2. enfant
………..
3. enfant.
………...
4. enfant
………..
5. enfant
………..
6. enfant
………..
7. enfant
……….
8. enfant
……….
9. enfant
………..
10.enfant
……….
11.enfant
…………
12.enfant
Mère
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
396
…………
4. Informations générales sur la propriété et la parcelle -La propriété est-elle une portion continue de terre ?
-Possédez-vous plusieurs propriétés ? Si oui, définir chacune :
Superficie
(ha)
Localisation Code Date d’acquisition Moyen
d’acquisition
Propriété 1
Propriété 2
Propriété 3
Propriété 4
Propriété 5
-En aurez-vous déjà vendu ?.............................................Si oui combien ?....................................
*Au cas où il en aurait vendu :
Superficie (ha) Localisation Date de vente Somme perçue
(FCFA)
Propriété 1
Propriété 2
Propriété 3
Propriété 4
Propriété 5
-Possédez-vous des parcelles de cultures ?.....................Si oui combien ?..................................
*Au cas où il posséderait plusieurs parcelles, renseigner sur chacune :
*Si on en prend
-Avez- vous déjà vendus des parcelles ?........................................................................................
*Si oui, remplir le tableau suivant :
Dimension
(ha)
Localisation Date de vente Prix de vente
(FCFA)
Parcelle 1
Date d’
acquisition
Mode d’
acquisition
Dimension
(ha)
Localisation
Forêt ou savane
N° de photo*
Parcelle 1
Parcelle 2
Parcelle 3
Parcelle 4
Parcelle 5
Parcelle 6
Parcelle 7
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
397
Parcelle 2
Parcelle 3
Parcelle 4
Parcelle 5
Parcelle 6
Parcelle 7
5. Conditions de vie
5.1. Les conditions relatives à la maison
Matériaux
de
revêtement
de la
maison
Matériaux
de la
toiture
Matériaux
des
fenêtres
Type
d’énergie
alimentant
la maison
(T ou M)
Type
d’énergie
utilisé pour
la cuisson
Nombre de
chambres
dans la
maison
Mode de
gestion des
déchets
Type
d’accès à
l’eau
dispose la
maison
5.2. Conditions de vie liées aux biens qui appartiennent à la famille
Lequel des énoncés suivants avez-vous dans votre propriété ?
Oui / non Combien ?
Radio
Télévision
Réfrigérateur
Congélateur
Téléphone cellulaire
Moto
Voiture
Bicyclette
Réchaud à gaz
Lampe
Groupe électrique
Brouette
Fusil
Autres (préciser)
5.3. Autres renseignements par rapport aux conditions de vie
-De quelle activité vivez-vous principalement ?.............................................................................
Nombre de jours de travail Somme perçue Employeur
Par mois Par année Par mois Par année
Agriculteur indépendant
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
398
Agriculteur salarié
Autres ; préciser :
-Quelles difficultés rencontrez-vous le plus souvent ?................................................................................................
………………………………………………………………………………………………...……………………..
-Vos enfants fréquentent quelle école ?......................................................................................................................
-Elle est située à combien de km de la maison ?.........................................................................................................
-Comment y vont-ils ?................................................................................................................... ..............................
-Comment faites-vous pour vous approvisionner, soit en denrées alimentaires, soit en d’autres
produits ?........................................................................................................................................................... ..........
.....................................................................................................................................................................................
-A quelle distance se situe votre lieu d’approvisionnement ?.....................................................................................
-A quelle distance votre source d’approvisionnement en eau se situe-t-elle ?............................................................
6. Informations sur l’agriculture
6.1. Informations concernant l’activité agricole du cultivateur en 2009
6.1.1. Par rapport aux produits et champs cultivés en 2009
Types de cultures
saisonnières
Types de cultures semi-
pérennes
Types de cultures
pérennes
Superficie
Champ 1
Champ 2
Champ 3
Champ 4
Champ 5
*Informations supplémentaires
Dire si on plante
seul ou avec des
aides (en préciser)
Dire combien on
dépense pour payer
des aides
Durée sur la
parcelle
Dire après combien
de temps on compte
revenir sur la
parcelle
Champ 1
Champ 2
Champ 3
Champ 4
Champ 5
6.1.2. Par rapport aux produits consommés et/ ou vendus en 2009
Cultures cultivées
Quantité
produite (kg)
Quantité
consommée (kg)
Quantité vendue
(kg)
Prix de vente en
F.CFA
Type 1 :
Type 2 :
Type 3 :
Type 4 :
Type 5:
Type 6:
TOTAL VENDU
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
399
6.2. Informations concernant l’activité agricole du cultivateur en 2010
6.2.1. Par rapport aux produits et champs cultivés en 2010
Types de cultures
saisonnières
Types de cultures
semi-pérennes
Types de cultures
pérennes
Superficie
Champ 1
Champ 2
Champ 3
Champ 4
Champ 5
*Informations supplémentaires
Dire si on plante
seul ou avec des
aides (en préciser)
Dire combien on
dépense pour payer
des aides
Durée sur la
parcelle
Dire après combien
de temps on compte
revenir sur la
parcelle
Champ 1
Champ 2
Champ 3
Champ 4
Champ 5
6.2.2. Par rapport aux produits consommés et/ ou vendus en 2010
Cultures cultivées
Quantité
produite (kg)
Quantité
consommée (kg)
Quantité vendue
(kg)
Prix de vente
en F.CFA
Type 1 :
Type 2 :
Type 3 :
Type 4 :
Type 5:
Type 6:
TOTAL VENDU
7. Outillage utilisée pour l’agriculture
Combien ?
Machette
Daba
Lime
Panier à dos
Hotte
Hache
Tronçonneuse
Autres
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
400
8. Organisation sociale locale et autres informations sur l’agriculture
- Excepté les personnes dont vous avez fait mention plus haut, y a-t-il encore des personnes avec qui vous avez
des liens de parenté qui vivent dans la même localité que vous ?...............................................................................
………………………………………………………………………………………………….................................
- Avez-vous un syndicat ? …………………………………………………………………………………………..
*Si oui que fait-il, concrètement ?.…………………………………………………………………………………..
-Quelqu’un vous donne-t-il des conseils sur vos méthodes culturales ?.....................................................................
*Si oui, comment cela se passe-t-il ?..........................................................................................................................
…………………………………………………………………………………………………..…………………
…………………………………………………………………………………………………………………...
-Avez-vous reçu une formation pour cultiver ?..........................................................................................................
* Si oui, laquelle ?.....................................Combien de temps ?............,Où ?...........................................................
-Lors de vos travaux champêtres, avez-vous déjà rencontrés des difficultés ?..........................................................
*Si, oui lesquelles et que faites-vous ?.......................................................................................................................
…………………………………………………………………………………………………...………………..…
……………………………………………………………………………………………........................................
9. Informations concernant le village (à poser une seule fois / village)
-Votre village a-t-il combien d’habitants?..................................................................................................................
-Le village a-t-il un hôpital ?.............................................................................................. .........................................
*Si oui est-il bien équipé ?............................................................................................................ ..............................
*Si non comment faites-vous en cas de besoin ?........................................................................................................
…………………………………………………………………………………………………................................
-Que souhaiteriez-vous pour votre hôpital ?................................................................................. ..............................
………………………………………………………………………………………………….................................
-Le village a-t-il une pompe d’eau ?...........................................................................................................................
*Si oui, l’eau est-elle de bonne qualité ?...................................................................................... ..............................
*Si non, comment faites-vous pour avoir de l’eau ?..................................................................................................
-Le village a-t-il un groupe électrique ?.....................................................................................................................
-Est-il de bonne qualité ?.............................................................................................................. ..............................
-Alimente-t-il toutes les habitations ?........................................................................................... ..............................
-Quels sont les manquements observés ?...................................................................................... ..............................
……………………………………………………………………………………………………………………….
-Le village a-t-il une école ?.......................................................................................................... ..............................
*Si oui de quel niveau ?................................................................................................................ ..............................
-Quels sont les difficultés souvent observées dans l’école ?.......................................................................................
………………………………………………………………………………………………….................................
-Qui y remédie ?............................................................................................................................ ..............................
……………………………………………………………………………………………………………………….
-Si non, où sont scolarisés les enfants du village ?.....................................................................................................
………………………………………………………………………………………………….................................
-Comment y vont-ils ?................................................................................................................... ..............................
-Quelles difficultés rencontrent-ils en y allant,……………………………………………………………………...
………………………………………………………………………………………………….................................
-Y a-t-il un marché au village ?..................................................................................................... ..............................
*Si oui qu’est-ce qu’on y vend ?................................................................................................... ..............................
…………………………………………………………………………………………………...…………………..
*Si non y a-t-il des lieux qui les remplacent ?............................................................................................................
……………………………………………………………………………………………….....................................
-Comment trouvez-vous la vie au village ?.................................................................................................................
……………………………………………………………………………………………………………………….
- Quels services manquent à votre village ?................................................................................................................
………………………………………………………………………………………………….……………………
……………………………………………………………………………..………………………………………...
-Quelles sont vos attentes ?........................................................................................................... ..............................
……………………………………………………………………………………………………………………….
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
401
-Pour vous, votre village connaît-il une évolution ?...................................................................................................
*Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................
………………………………………………………………………………………………………………………
*Si non, pourquoi ?....................................................................................................................... .............................
……………………………………………………………………………………………………………………...
Recevez-vous des aides du gouvernement ?................................................................................ ..............................
*Si oui, lesquelles ?..................................................................................... ..............................................................
………………………………………………………………………………………………………………….……
-Avez-vous le sentiment d’être oublié ?........................................................................................ ..............................
*Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................
*Si non, pourquoi ?.....................................................................................................................................................
-Quels rapports entretenez-vous avec les autres villages ?.........................................................................................
………………………………………………………………………………………………….................................
-Connaissez-vous l’exode rural ?.................................................................................................. ..............................
*Si oui, préciser :……… … ……peu…..…….. ………..moyen……………………beaucoup.
-En donner les causes :………………………………………………………………………....................................
……………………………………………………………………………………………………………………….
*Si non, pourquoi ?.....................................................................................................................................................
……………………………………………………………………………………………………………………….
10. Autour des services environnementaux
-Connaissez-vous le parc qui est proche de votre village ?.........................................................................................
-Depuis combien de temps a-t-il été considéré comme un parc ?...............................................................................
-Etes-vous d’accord pour la création d’un parc ?........................................................................................................
*Si oui, pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................
………………………………………………………………………………………………….................................
*Si non pourquoi ?........................................................................................................................ ..............................
…………………………………………………………………………………………………................................
-Y a-t-il des rapports entre le village et le parc ?.......................................................................................................
*Si oui, lesquels ?.......................................................................................................................... .............................
………………………………………………………………………………………………..……………………..
……………………………………………………………………………….............................................................
-Que pensez-vous de la préservation de l’environnement ?........................................................................................
………………………………………………………………………………………………….................................
-Avez-vous été sollicité par les responsables du parc pour préserver l’environnement ?...........................................
-A l’intérieur ou à l’extérieur du parc ?.....................................................................................................................
Préciser actions Demande faite par les
responsables du parc ?
A quel prix ?*
Demande faite par
le gouvernement ?
A quel prix ?*
Demande faite
Par les ONG ? A quel
prix ?*
*Dire si c’est l’action et la rémunération sont périodiques, mensuelles ou annuelles.
-Cela vous tient-il à cœur, et pourquoi ?................................................................................... .................................
…………………………………………………………………………………………………................................
-Aujourd’hui, pouvez-vous dire qu’il existe une préservation de l’environnement dans votre milieu, et
pourquoi ?............................................................................................... .....................................................................
………………………………………………………………………………………………….................................
………………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………………
-D’après vous quelles sont les limites à la préservation de la nature dans votre milieu ?..........................................
………………………………………………………………………………………………….................................
……………………………………………………………………………………………………………………….
-Avez-vous des suggestions ?......................................................................................................................................
*Si oui, lesquelles ?....................................................................................................................... ..............................
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
402
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
403
Table des matières
Dédicace .................................................................................................................................................. 1
Remerciements....................................................................................................................................... 3
Sigles et abréviations ............................................................................................................................. 5
Sommaire ............................................................................................................................................... 7
Introduction générale ............................................................................................................................ 9
Première partie : Les activités de production et de conservation dans les pays du Sud et au
Gabon ................................................................................................................................................... 25
Chapitre I : Produire et conserver dans les pays du Sud ............................................................. 27
1. La production, historique, évolution et répercussions dans les pays du Sud ..................... 28
1.1. La production et les révolutions agricoles .......................................................................... 29
1.2. Bref aperçu de la production dans un système de civilisation occidental .......................... 30
1.2.1. La production dans la civilisation occidentale ............................................................ 30
1.2.2. La production dans l’économie de marché .................................................................. 31
1.2.3. La production dans le système capitaliste ................................................................... 32
1.3. La production dans les sociétés tropicales .......................................................................... 34
1.3.1. La production dans l’économie des peuples forestiers tropicaux ................................ 34
1.3.2. L’agriculture et les systèmes agraires des sociétés tropicales ..................................... 37
1.3.2.1. Une production généralement faible ..................................................................... 38
1.3.2.2. La déforestation, une des conséquences immédiates des cultures sur abattis-brûlis
........................................................................................................................................... 40
2. La conservation, historique, évolution et répercussions dans le monde tropical ............... 41
2.1. Vision de la nature et de sa conservation dans les pays occidentaux ................................. 41
2.2. De l’origine de la culture conservationniste occidentale des espaces aux politiques
environnementales dans les pays tropicaux ............................................................................... 44
2.2.1. Les objectifs généraux de la conservation dans les pays tropicaux ............................. 45
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
404
2.2.1.1. L’arrêt de la dégradation de l’environnement naturel de la planète ..................... 46
2.2.1.2. Vers un équilibre climatique................................................................................. 47
2.2.2. Principaux acteurs de la conservation dans le monde tropical .................................... 48
2.2.2.1. Les organismes internationaux et leurs actions dans les pays tropicaux .............. 48
2.2.2.2. Les organisations non gouvernementales dans le monde tropical ........................ 52
2.2.2.2.1. Les ONG internationales dans le monde tropical........................................ 52
2.2.2.2.2. Les ONG nationales ...................................................................................... 56
2.2.2.3. Les autres acteurs de la conservation (administrations publiques, les entreprises
privés et les populations locales) ....................................................................................... 59
2.2.2.3.1. Les administrations publiques ...................................................................... 59
2.2.2.3.2. Les entreprises privées .................................................................................. 62
2.2.2.3.3. Les populations locales, l’exemple des EFC ............................................... 65
2.2.3. La conservation dans les sociétés tropicales ................................................................ 67
3. Les polémiques actuelles sur la conservation ........................................................................ 71
3.1. Débat sur croissance économique et protection de la biodiversité ..................................... 72
3.2. La problématique du développement durable .................................................................... 76
Conclusion du chapitre I ................................................................................................................ 78
Chapitre II : Étude du monde rural gabonais .............................................................................. 79
1. Aperçu historique du monde rural gabonais ........................................................................ 79
1.1. Le monde rural gabonais pendant les périodes précoloniale et coloniale........................... 79
1.1.1. L’ère précoloniale ........................................................................................................ 80
1.1.2. L’ère coloniale ............................................................................................................. 83
1.2. De l’Indépendance à aujourd’hui ....................................................................................... 85
1.3. La délimitation du monde rural gabonais ........................................................................... 86
1.4. Description du monde rural ................................................................................................ 88
1.4.1. Un habitat aux caractéristiques communes ................................................................. 89
1.4.2. La structure agraire ...................................................................................................... 91
1.4.3. Les paysages ruraux .................................................................................................... 91
2. L’économie villageoise............................................................................................................. 92
2.1. L’économie de l’arrière-cour .............................................................................................. 92
2.2. L’économie vivrière ........................................................................................................... 93
2.3. Autres sources économiques .............................................................................................. 94
3. Des espaces ruraux en perpétuelle crise ................................................................................ 96
3.1. Le déclin de l’agriculture familiale .................................................................................... 96
3.2. L’exode rural et le vieillissement de la population rurale .................................................. 96
3.3. Le mauvais état des infrastructures de transport ................................................................ 98
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
405
3.4. Le déficit de structures de premières nécessités ............................................................... 100
3.5. Un environnement économique peu propice .................................................................... 101
3.5.1. Une agriculture face à plusieurs concurrents ............................................................. 101
3.5.2. Le choix des agro-industriels ..................................................................................... 103
3.5.3. Le développement rural en question .......................................................................... 105
4. Quelques actions du gouvernement visant à redynamiser le monde rural ...................... 107
4.1. La politique de décentralisation ........................................................................................ 107
4.2. La restructuration du secteur agricole .............................................................................. 109
Conclusion du chapitre II ............................................................................................................ 111
Chapitre III : Production et conservation au Gabon face à la problématique du
développement durable ................................................................................................................. 113
1. Les principales activités de production dans les milieux ruraux et leurs impacts ........... 114
1.1. L’exploitation forestière et la filière bois ......................................................................... 115
1.2. L’exploitation minière ...................................................................................................... 117
1.3. L’exploitation pétrolière ................................................................................................... 118
1.4. L’influence de la production sur l’économie gabonaise ................................................... 118
2. Historique de la conservation et son évolution au Gabon .................................................. 119
2.1. La gestion forestière au Gabon, de la période coloniale à aujourd’hui ............................ 120
2.2. Les politiques environnementales gabonaises .................................................................. 125
2.2.1. Les cadres législatif et institutionnel de la gestion des ressources naturelles au Gabon
............................................................................................................................................. 126
2.2.2. Avancée des politiques nationales conservationnistes .............................................. 130
2.2.2.1. La révision de quelques codes ............................................................................ 130
2.2.2.2. L’intégration de la dimension conservatrice dans les programmes nationaux ... 132
3. Les activités et les acteurs de conservation au Gabon ........................................................ 133
3.1. Les activités de conservation au Gabon ........................................................................... 134
3.1.1. Les aires protégées .................................................................................................... 134
3.1.2. Le reboisement .......................................................................................................... 137
3.1.3. L’aménagement des concessions forestières ............................................................. 139
3.1.4. La certification du bois .............................................................................................. 140
3.2. Les principaux acteurs de la préservation de l’environnement au Gabon ........................ 142
3.2.1. Les administrations nationales .................................................................................. 142
3.2.2. Les ONG .................................................................................................................... 144
3.2.2.1. Les ONG internationales .................................................................................... 144
3.2.2. Les ONG nationales .................................................................................................. 147
3.2.2.1. Les Amis du pangolin ......................................................................................... 148
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
406
3.2.2.2. Gabon environnement ........................................................................................ 150
3.2.2.3. Brainforest .......................................................................................................... 151
3.2.3. Les populations locales .............................................................................................. 152
4. Les débats actuels sur la conservation des ressources naturelles ...................................... 153
4.1. Une gestion participative rationnelle des ressources de plus en plus envisagée .............. 153
4.2. Approche des services environnementaux comme moyen d’incitation vers l’application
des politiques environnementales dans les pays tropicaux ...................................................... 155
4.2.1. Définition des services écosystémiques .................................................................... 155
4.2.2. Le cas des mécanismes de paiement pour services environnementaux ..................... 156
4.2.3. Polémiques actuelles sur la rémunération des SE et les problèmes qu’ils posent ..... 158
4.2.4. Exemples de quelques services issus de la nature déjà monnayés ou en cours ......... 161
Conclusion du chapitre III ........................................................................................................... 162
Conclusion de la première partie ................................................................................................. 165
Deuxième partie : La survie des villages gabonais ......................................................................... 167
Chapitre IV : Description de la zone d'étude .............................................................................. 169
1. Choix de la zone d’étude ....................................................................................................... 174
1.1. Le parc national de Mwagné ............................................................................................ 175
1.2. Les villages voisins au parc de Mwagné .......................................................................... 176
1.2.1. Le village Nzé Vatican .............................................................................................. 177
1.2.2. La Scierie ................................................................................................................... 178
1.3. Le parc national de l’Ivindo ............................................................................................. 178
1.4. Les villages proches du parc de l’Ivindo .......................................................................... 181
1.4.1. Ebe-Messe ................................................................................................................. 181
1.4.2. Melane ....................................................................................................................... 182
1.5. Le parc national de la Lopé .............................................................................................. 182
1.6. Les villages périphériques au parc de la Lopé .................................................................. 185
1.6.1. Ayem ......................................................................................................................... 185
1.6.2. Kazamabika ............................................................................................................... 185
1.6.3. Makoghé .................................................................................................................... 185
1.6.4. Mikongo .................................................................................................................... 186
1.6.5. Ramba ........................................................................................................................ 187
2. Atouts et difficultés rencontrés dans les villages ................................................................. 189
2.1. Les atouts des villages ...................................................................................................... 192
2.1.2. L’école ....................................................................................................................... 192
2.1.2. Le dispensaire ............................................................................................................ 195
2.1.3. Le groupe électrogène ............................................................................................... 197
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
407
2.1.4. La pompe hydraulique ............................................................................................... 199
2.1.5. La boutique ................................................................................................................ 200
2.2. Les difficultés rencontrées dans les villages..................................................................... 201
2.2.1. Le problème de transport et le mauvais réseau routier .............................................. 202
2.2.2. La destruction des cultures ........................................................................................ 202
2.2.3. L’absence des activités non agricoles ........................................................................ 204
3. Lopé ........................................................................................................................................ 208
3.1. Les commerces ................................................................................................................. 211
3.2. Les services et autres activités .......................................................................................... 216
3.3. Les activités touristiques .................................................................................................. 219
Conclusion du chapitre IV ........................................................................................................... 222
Chapitre V : À quoi servent les villages gabonais ? ................................................................... 223
1. Exode rural et structure de la population des villages ....................................................... 226
1.1. Bref aperçu historique des villages étudiés ...................................................................... 226
1.2. La diminution de la population rurale gabonaise ............................................................. 228
1.3. Les migrations des populations de la zone étudiée : une agonie démographique ?.......... 230
1.3.1. L'histoire des personnes - migrations ........................................................................ 231
1.3.1.1. Nombre de migrations ........................................................................................ 235
1.3.1.2. Lieux de vie ........................................................................................................ 236
1.3.2. La localisation des enfants ......................................................................................... 238
1.3.2.1. Les migrations des enfants de la zone étudiée .................................................... 239
1.3.2.2. Les professions des enfants ................................................................................ 243
1.4. Représentation des migrations des informateurs .............................................................. 245
2. Les activités économiques des villages ................................................................................. 247
2.1. L’agriculture ..................................................................................................................... 248
2.1.1. Les types de champs chez les Ogivins....................................................................... 249
2.1.2. Rendements et estimations des quantités produites ................................................... 251
2.2. Les diverses entrées financières villageoises .................................................................... 257
2.3. Histoire professionnelle : la place des activités liées à l’extraction forestières et aux parcs
nationaux ................................................................................................................................. 259
3. Les villages comme lieux favoris de la tradition ................................................................. 262
3.1. Les initiations pendant les vacances ................................................................................. 262
3.2. Les tradi-praticiens et leurs cliniques ............................................................................... 264
3.3. Le tourisme initiatique dans les villages........................................................................... 266
Conclusion du chapitre V ............................................................................................................ 268
Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 271
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
408
Troisième partie : Crises et mutations des espaces forestiers périphériques aux parcs nationaux
............................................................................................................................................................. 273
Chapitre VI : Analyse des tensions existantes aux périphéries des parcs nationaux de la zone
étudiée ............................................................................................................................................. 275
1. Conflits Homme-faune .......................................................................................................... 276
1.1. Analyse des conflits Homme-faune .................................................................................. 278
1.1.1. Les principaux conflits directs ................................................................................... 278
1.1.1.1. Mort et dommages corporels .............................................................................. 278
1.1.1.2. Destruction des cultures ..................................................................................... 279
1.1.1.3. D’autres dégâts ................................................................................................... 280
1.1.2. Les principaux conflits indirects ............................................................................... 281
1.1.2.1. Limitation des mouvements nocturnes ............................................................... 281
1.1.2.2. La psychose chez les populations locales ........................................................... 282
1.2. Les espèces et les lieux privilégiés des conflits ................................................................ 282
1.2. Les conséquences et gestion des conséquences des conflits Homme-faune .................... 284
1.3. Les moyens utilisés pour résoudre les conflits ................................................................. 285
2. Conflits entre villageois et agents des parcs nationaux ...................................................... 290
2.1. Manifestations des conflits ............................................................................................... 290
2.2. Quelques raisons des conflits entre villageois et agents de conservation ......................... 294
2.2.1. Les parcs nationaux, un projet inopiné ...................................................................... 294
2.2.2. Absence ou insuffisance de textes juridiques ............................................................ 297
3. Conflits entre villageois et exploitants forestiers ................................................................ 299
3.1. Des explications aux conflits ruraux-sociétés d’exploitations.......................................... 300
3.1.1. Des activités d’exploitations toujours en expansion .................................................. 300
3.1.2. Une inégale répartition de l’occupation spatiale ....................................................... 303
4. Les impacts des conflits sur le développement rural et sur la gestion des ressources ..... 304
4.1. Impact sur les populations et le développement rural ...................................................... 305
4.2. L’exode rural .................................................................................................................... 308
4.3. Impact sur la gestion des ressources ................................................................................. 309
4.3.1. La non-sanction en cas de violation .......................................................................... 310
4.3.2. Le braconnage ........................................................................................................... 310
Conclusion du chapitre VI – Quelques résolutions aux conflits dans les territoires ruraux ........ 312
Chapitre VII : Les forêts communautaires comme solution à la résolution des conflits dans le
monde rural gabonais ................................................................................................................... 315
1. Les forêts communautaires, un nouveau mode de gestion rationnelle à la portée des
ruraux ......................................................................................................................................... 316
1.1. Les forêts communautaires, un outil pour atténuer les tensions ....................................... 317
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
409
1.2. Historique et établissement des forêts communautaires dans l’Ogooué-Ivindo : cas du
projet DACEFI ........................................................................................................................ 318
1.3. Activités spatiales du projet DACEFI .............................................................................. 321
1.4. Organisation du projet ...................................................................................................... 322
1.5. Implication des populations locales .................................................................................. 322
1.5.1. Les activités villageoises ........................................................................................... 323
1.5.1.1. La proposition d’un plan simple de gestion ........................................................ 323
1.5.1.1.1. Ebe-Messe-Melane ...................................................................................... 324
1.5.1.1.2. La Scierie ..................................................................................................... 326
1.5.1.2. La conception d’une pépinière ........................................................................... 327
1.5.1.2.1. Ebe-Messe-Melane ...................................................................................... 328
1.5.1.2.2. La Scierie ..................................................................................................... 328
1.5.1.2.3. Nzé Vatican .................................................................................................. 329
1.5.1.3. La mise en place d’un verger .............................................................................. 329
1.5.1.3.1. Ebe-Messe-Melane ...................................................................................... 330
1.5.1.3.2. La Scierie ..................................................................................................... 331
1.5.1.3.3. Nzé Vatican .................................................................................................. 332
1.5.1.4. Les formations villageoises ................................................................................ 332
1.5.1.4.1. La Scierie ..................................................................................................... 333
1.5.1.4.2. Ebe-Messe-Melane et Nzé Vatican .............................................................. 334
1.5.2. Les associations villageoises ..................................................................................... 334
1.5.2.1. L’association d’Ebe-Messe-Melane ................................................................... 335
1.5.2.2. L’association de La Scierie................................................................................. 336
1.5.2.3. L’association de Nzé Vatican ............................................................................. 338
2. Tensions dans le projet DACEFI ......................................................................................... 338
2.1. Distensions entre villageois .............................................................................................. 339
2.2. Tensions entre les agents de DACEFI et les ruraux ......................................................... 339
3. Bilan des activités DACEFI .................................................................................................. 341
3.1. Ralentissement des activités dans les anciens sites ...................................................... 341
3.2. Lancement du projet dans de nouveaux villages .............................................................. 342
3.3. L’absence de forêts communautaires ............................................................................... 344
4. Handicaps à l’obtention d’une forêt communautaire ........................................................ 346
4.1. Absence et imprécision des textes .................................................................................... 346
4.2. Absence d’esprit communautaire au sein des communautés ............................................ 348
4.3. Activités villageoises à long terme ................................................................................... 351
Conclusion du chapitre VII ......................................................................................................... 353
Le monde rural gabonais - entre production et conservation
410
Conclusion de la troisième partie ................................................................................................. 355
Conclusion générale ...................................................................................................................... 357
Bibliographie .................................................................................................................................. 367
Table des illustrations ....................................................................................................................... 381
Liste des annexes ............................................................................................................................... 381
Liste des cartes ................................................................................................................................... 381
Liste des photos .................................................................................................................................. 382
Liste des planches .............................................................................................................................. 382
Liste des tableaux .............................................................................................................................. 383
Annexe 1 : Organigramme de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux ..................................... 384
Annexe 2 : Informations sur les PFNL ............................................................................................ 386
Annexe 3 : Lettre de revendication du village Kazamabika .......................................................... 388
Annexe 4 : Lettre de revendication du village Makoghé ............................................................... 389
Annexe 5 : Lettre de revendication du village Mikongo ................................................................ 390
Annexe 6 : Questionnaire Agro-Socio-Économique ....................................................................... 392
Table des matières ............................................................................................................................. 403
Résumé
Le monde rural gabonais est un espace en grande partie vidé de ses populations, soumis depuis
longtemps aux pressions de l’exploitation forestière et, depuis une vingtaine d’années, à une politique
de conservation très volontaire. Nous avons voulu étudier l’impact de ces pressions sur le monde
rural contemporain en nous centrant plus particulièrement sur les aires de conservation. C’est
dans la province de l’Ogooué-Ivindo, autour de trois parcs nationaux (Ivindo, Mwagné et
Lopé), que nous avons examiné les activités de conservation, de production, les acteurs
impliqués ainsi que les conflits qui en résultent. En dépit d’une histoire largement défavorable
au monde rural, en dépit aussi de la mauvaise répartition des richesses, des infrastructures et
des services, profitant presqu’exclusivement aux villes au détriment des zones rurales, et en
dépit enfin de politiques de conservation très contraignantes pour les populations rurales, les
villages continuent à exister – en grande partie grâce à la tradition. Les solutions proposées
telles que l’attribution des forêts communautaires initiée récemment par l’état gabonais,
peuvent-elles permettre de raviver les villages et de faire participer les populations rurales au
processus de développement de leurs localités ? Au-delà de cette question, cette thèse permet
d’engager des réflexions sur des actions possibles pour éviter l’extinction des villages gabonais.
Mots clés : monde rural gabonais, Ogooué-Ivindo, villages ogivins, parcs nationaux, service
environnemental, agriculture, exode rural, conflit Hommes-faune, forêt communautaire.
Summary
Gabonese rural world is an area largely emptied of its populations, subjected for a long time
to the pressures of the forestry development and, for about more than twenty years, to a very
voluntary conservation policy. We have wanted to study the impact of these pressures on the
contemporary rural world by focusing our work particularly on the conservation areas. It is in
the province of Ogooué-Ivindo, around three national parks (Ivindo, Mwagné and Lopé) that
we examined the activities of conservation and production, the actors involved as well as the
conflicts which result from them. The history widely unfavorable to the rural world, the
unequal distribution of wealth, infrastructures and services, benefiting almost exclusively the
cities to the detriment of the rural areas and the conservation policies too binding for the rural
populations have made it difficult for villages to survive. In despite of all this, they still exist -
largely thanks to the local tradition. But, can possible solutions such as the attribution of
community forests, introduced recently by the Gabonese state, bring villages back to life and
make rural populations participate in the process of developing their localities? Beyond this
question, this thesis seeks to initiate a process of reflection on possible actions to stop the
extinction of the Gabonese villages.
Keywords: rural Gabonese world, Ogooué-Ivindo, ogivin villages, national parks, environmental
services, agriculture, rural depopulation, human-wildlife conflict, community forest.
UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE
L’ADOUR
*École Doctorale 481Sciences Sociales et Humanités *
LABORATOIRE SET - UMR 5603 CNRS