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LE MOUVEMENT DES FEMMES AU QUÉBEC Etude des groupes montréalais et nationaux

LE MOUVEMENT DES FEMMES AU QUÉBEC - …bv.cdeacf.ca/EA_PDF/2004_11_0500.pdf · de la transformation en profondeur de l'ordre éta-bli, l'enjeu fondamental de la lutte des femmes

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LE MOUVEMENTDES FEMMESAU QUÉBEC

Etudedes groupesmontréalais

et nationaux

LE MOUVEMENT DES FEMMES AU QUÉBEC

étude des groupes montréalaiset nationaux

par : Violette BrodeurSuzanne G. ChartrandLouise CorriveauBéatrice Valay

Composition et Montage :Composition Solidaire Inc.

Impression :Les Presses Solidaires Enr.

Dessin de la page couverture :Francine Jean, militante du FLF.

Maquette de la couverture :Johanne Landry

Dépôt légal : premier trimestre 82Bibliothèque nationale du QuébecISBN2-920111-00-0

Tous droits de reproduction, detraduction et d'adaptation réservés.

Table des matières

Avant-propos 5

Introduction 6

I - De la période coloniale à 1893Les femmes : remparts de la société catholique, canadienne-française 11

II - D e 1893 à 1940Naissance du féminisme : devoirs et droits des femmes 132.1 Le travail féminin 142.2 Le Montreal Local Council of Women (MLCW) 152.3 La Fédération nationale St-Jean Baptiste (FNSJB) 162.4 Les revendications autour du droit de vote 16

III - D e 1940 à 1960Participation des femmes à l'effort de guerre et aux luttes 183.1 L'influence de la guerre sur la condition des femmes 193.2 Le travail féminin 193.3 Les luttes des femmes 203.4 Dans les syndicats 21

IV - D e 1960 à 1969Des femmes s'organisent en groupe de pression 224.1 La conjoncture et le travail des femmes 234.2 Influence des transformations sociales sur les femmes 244.3 Le mouvement des femmes 25

V - D e 1969 à 1972Une étape importante pour l'émergence d'un nouveau féminisme 265.1 La conjoncture économique et le travail des femmes 275.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique 275.3 Le mouvement des femmes 28

VI - D e 1972 à 1975Élargissement des revendications et multiplication des groupes de femmes 316.1 La conjoncture économique et le travail des femmes 326.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique 326.3 Le mouvement des femmes 32

6.3.1 Les organisations féminines 326.3.2 Les comités de condition féminine 336.3.3 Dans la foulée du FLF 34

VII - D e 1975 à 1980Enracinement et récupération des luttes des femmes 377.1 La conjoncture économique et le travail des femmes 387.2 La conjoncture politique, sociale et idéologique 397.3 Contexte général du mouvement des femmes 407.4 Les comités de condition féminine des centrales syndicales 417.5 Les organisations féminines 44

7.5.1 LA F.F.Q. 447.5.2 L'AFEAS 44

7.6 Du côté des groupes autonomes 447.6.1 Les luttes pour l'avortement 447.6.2 Pratiques dans le domaine de la santé 467.6.3 Des services 477.6.4 Les luttes contre le viol et la violence 477.6.5 Pratiques et luttes contre la répression sexuelle 507.6.6 Pratiques et luttes dans le champ idéologique et culturel 517.6.7 Les femmes s'organisent en prison 567.6.8 Écoféminisme 577.6.9 Des regroupements féministes 57

7.7 Des fronts de lutte diversifiés 587.8 Des tentatives pour briser la barrière des ethnies

et développer la solidarité internationale des femmes 597.9 Les 8 mars et les États généraux des travailleuses

salariées québécoises 607.9.1 Les 8 mars 607.9.2 Les États généraux des travailleuses salariées québécoises 61

VIII -1981Le mouvement des femmes s'affirme comme un mouvement social... fragile 638.1 La conjoncture économique, politique et sociale 648.2 Le mouvement des femmes en 81 64

8.2.1 Les luttes pour l'avortement et dans le domainede la santé des femmes 64

8.2.2 Les luttes contre la violence et le viol 658.2.3 Des services pour les femmes 658.2.4 Les regroupements féministes et féminins 668.2.5 Dans les centrales syndicales, les comités de

condition féminine 668.2.6 Des interventions sur les conditions des

femmes travailleuses 678.2.7 Pratiques dans le champ idéologique et culturel 67

Conclusion 69

Annexe : Chronologie des principaux événementsdu mouvement des femmes de 1968 à 1981 72

Sigles 75

Index 76

Bibliographie 77

Avant-propos

Le Centre de formation populaire, au momentde l'adoption de sa déclaration de principes en 73,reconnaissait l'importance de la lutte des femmescontre leur oppression et leur exploitation spécifi-ques. Par la suite la condition et les luttes des fem-mes est devenu un thème de travail au Centre. Ila fait l'objet des travaux d'un comité qui a produitun document sur les multiples facettes de l'oppres-sion et de l'exploitation des femmes au Québec.Par ailleurs, on se heurtait à l'inexistence d'undocument synthétique sur le mouvement des fem-mes. Quatre femmes, membres du CFP se sontdonc mises à la tâche de produire un documentd'information et de référence sur le mouvement desfemmes, plus particulièrement sur ses organisa-tions et ses activités.

Publié en mars 81, les 1000 exemplaires ont viteété épuisés. Plus d'une vingtaine de militantes dedifférents secteurs du mouvement des femmes ontbien voulu contribuer à enrichir le document parleurs commentaires et critiques, nous les remer-cions. Nous publions donc cette 2e édition, revueet augmentée. Nous espérons toujours que les mili-tantes du mouvement des femmes écrivent son his-toire et rendent compte de sa richesse et de sacréativité. Puisse ce texte les stimuler dans ce sens.

Suzanne G. ChartrandBéatrice Valay

Introduction

Manifestation du 7 mars 1981 à MontréalCSN

Le mouvement des femmes au Québec fait deplus en plus parler de lui. On en parle beaucoupmais de quoi parle-t-on ? Si on constate facilementun foisonnement de groupes, d'écrits, de luttes etde revendications concernant les femmes, par ail-leurs on a du mal à en dégager les acquis et lesperspectives, de même que l'ensemble des con-tradictions qui le traversent. Afin de pouvoir saisirle mouvement des femmes dans toute sa com-plexité, un travail préalable de ramassage et d'or-ganisation des informations de base était néces-saire. Nous avons donc recueilli les principales don-nées concernant les organisations et les activitésdu mouvement, laissant de côté, ce qui est sanscontredit, sa partie la plus vivante et contradictoire,à savoir ses débats internes.

Ce n'est pas sans hésitations que nous avonstenu à limiter notre entreprise à la tâche modesteet souvent fastidieuse de ne décrire que le versantorganisationnel du mouvement, utilisant un ton neu-tre et un regard froid. Combien de fois, en effet,n'a-t-on pas eu l'impression de trahir le mouvement,de passer à côté de l'essentiel, de pratiquer l'auto-censure, à laquelle nous ne sommes que trop habi-tuées ! Cependant nous sommes convaincues qu'ilne nous revenait pas de faire l'histoire ou l'analysedu mouvement des femmes d'ici. D'ailleurs cetteentreprise demanderait une enquête plus approfon-die, des confrontations d'hypothèses et des débatsavec celles qui en ont été ou en sont au coeur, durecul et beaucoup de travail ; de plus, rien n'estmoins certain que cette tâche revienne au Centrede formation populaire.

Ceci dit, il est évident que nous avons un cer-tain point de vue sur le mouvement des femmesactuel. Tous les groupes n'ont pas fait l'objet dela même attention, nous avons accordé plus d'im-portance aux « groupes autonomes » qu'aux asso-ciations féminines et nous avons opéré un choixdans les informations et un découpage de la réa-lité. Nous ne nous cachons pas derrière l'impossi-ble objectivité. Nous avons plutôt tenté de refléterle plus fidèlement l'image que les groupes donnentd'eux-mêmes et de leurs activités. Aussi l'essen-tiel du matériel utilisé pour les périodes allant de69 à 81 a été puisé dans les articles et textes pro-duits par les groupes eux-mêmes ou dans lesrevues et journaux de femmes. Nous avons indi-qué les références précises pour chaque passage,ainsi avons-nous évité l'usage des guillemets. Letraitement des données est différent pour les pério-des avant et après 1960. Pour les années de 1893à 1960, nous avons consulté les travaux des histo-riennes et des sociologues plutôt que les écrits desmilitantes de ces époques.

Deux autres limites doivent être soulignées.Notre étude porte sur les groupes actifs dans larégion montréalaise ou ayant leur centre d'activité

à Montréal, à l'exception des comités syndicaux decondition féminine et des organisations fémininesstructurées au niveau national. Le mouvement desfemmes présente des visages différents d'unerégion à l'autre du Québec. C'est donc une appro-che régionale du mouvement que nous présentonsici, bien que la région de Montréal ait un caractèrede métropole. Par manque d'information mais ausside légitimité nous ne traitons pas du mouvementdans les autres régions du Québec. Puisse cepen-dant ce travail inciter des militantes de chacune desrégions à entreprendre des démarches semblables.Enfin, nous n'abordons pas non plus la réalité dumouvement des femmes dans les milieux anglopho-nes et allophones de Montréal.

Une fois l'objectif de ce document précisé, restele vocabulaire... Tout au long du texte nousemployons différentes notions : mouvement desfemmes, féminisme, groupes autonomes, etc.Comme nous ne prétendons pas utiliser une défi-nition universelle et encore moins scientifique ilnous semble important de définir les principalesexpressions utilisées.

L'expression mouvement des femmes désigneici l'ensemble des organisations, des actions, desrevendications, des idées visant à lutter contre ladiscrimination, l'oppression et l'exploitation desfemmes (quelles que soient la définition, l'ampleuret l'explication qui en est donnée). Nous avons pré-féré cette approche qui nous permet mieux de sai-sir la diversité des luttes des femmes et leur inter-action avec l'ensemble de la réalité sociale.

Par groupe de femmes, nous désignons tousles groupes non mixtes qui sont préoccupés par laquestion des femmes.

Par groupe autonome sont désignés les grou-pes de femmes qui font de l'autonomie organisa-tionnelle et de la non mixité un principe politiquede base.

Quant à la notion de féminisme, nous préféronsla restreindre aux discours et aux pratiques qui fontde la transformation en profondeur de l'ordre éta-bli, l'enjeu fondamental de la lutte des femmes. Ilne s'agit donc pas de l'émancipation des femmespar la conquête de leur égalité avec les hommesdans l'ordre social actuel. Il s'agit plutôt de l'éta-blissement de nouveaux rapports sociaux, commeconséquence d'un processus révolutionnaire quitouche l'ensemble des institutions sociales et enpremier lieu l'État, l'Église et la famille.

Enfin, le mouvement des femmes et ses analys-tes utilisent souvent une typologie permettant decaractériser sommairement le cadre théorique deréférence de ses différentes composantes. Souli-gnons immédiatement les limites d'une telle entre-prise qui permet mal d'aborder les contradictionsprésentes à l'intérieur des groupes de même queleur évolution et l'interaction entre les différents

courants. Malgré cela, chacun des groupes étudiésici se rattache, dans une partie ou une autre de sadémarche, à l'un ou l'autre des grands courantsidéologiques qui traversent le mouvement des fem-mes dans les pays industrialisés de l'Occidentchrétien, à savoir le courant réformiste libéral, lecourant marxiste (dans sa version orthodoxe ou cri-tique), le courant féministe radical.

Le courant réformiste libéral né à la fin du XIXesiècle est en constante évolution et prend des for-mes très variées. Contrairement aux deux autrescourants, il ne remet pas en cause le système socialtout entier mais les inégalités et les injustices exis-tantes. Aussi revendique-t-il des réformes (mineu-res ou majeures) pour que les femmes aient lesmêmes droits que les hommes dans la société. Lesnotions de discrimination et d'égalité des chancessont centrales ; la distinction entre le privé et lepublic est consacrée et l'État est leur interlocuteurprivilégié.

Le courant marxiste au Québec, émerge avecle Front de libération des femmes (FLF). Il vise àune remise en question fondamentale de la sociététant au niveau des rapports de production que desrapports sociaux. Il lie l'oppression des femmes àla structure de classe de la société capitaliste etdonc associe la lutte contre l'oppression spécifiquedes femmes à la lutte anti-capitaliste. Le matéria-lisme historique est utilisé comme un instrumentd'analyse (bien qu'imparfait et devant évoluer). Siune partie du mouvement des femmes reste fidèleà l'orthodoxie marxiste sur l'oppression des fem-mes, la majorité des groupes provenant de ce cou-rant s'en éloigne au niveau théorique et pratique(avec l'introduction de la notion de productiondomestique par exemple) et conteste l'analysemarxiste de l'oppression des femmes.

Le courant féministe radical a pris corps au Qué-bec dans les années 75 et a été véhiculé principa-lement par le journal Les Têtes de pioche. La causede l'oppression des femmes, ce n'est plus lesystème capitaliste mais le système patriarcal quiest bien antérieur au capitalisme et qui institution-nalise l'oppression et l'exploitation des femmes surla base de leur sexe. Le système capitaliste n'a faitque raffiner l'oppression des femmes ; sans néces-sairement nier l'existence de la lutte des classes,les différences de classe entre les femmes sontjugées secondaires par rapport à leur situation com-mune d'opprimées. La remise en cause de la sépa-ration entre vie privée, vie publique, de même quele questionnement sur la sexualité et le corps sontau coeur des avancées théoriques et pratiques dece courant.

Comme on le voit les différences sont de tail-les. Cependant si les organisations se distinguentselon les analyses qu'elles font, les actions qu'ellesmènent, la dynamique entre les courants qu'on y

retrouve et les alliances qu'elles développent, tou-tes renvoient à la volonté d'autonomie des femmes.L'histoire du mouvement des femmes au Québecest longue. Elle est liée à celle de la société qué-bécoise. L'évolution du mouvement n'est paslinéaire ; elle s'effectue par bonds. Elle est marquéepar l'émergence de revendications qui, particuliè-rement depuis 69, touchent à l'ensemble desaspects des conditions spécifiques d'oppression etd'exploitation des femmes.

Afin de ne pas oublier que l'histoire des luttesdes femmes québécoises ne date pas d'hier, noussommes remontées jusqu'en 1893, date de la fon-dation du premier groupe de femmes. Nous avonspartagé l'histoire en grandes périodes, en tentantde dégager pour chacune d'elles les principaux élé-ments de la conjoncture économique, politique,sociale et idéologique qui ont pu avoir une influencesur les conditions et les luttes des femmes.

De la fin du siècle dernier à 1940 où les fem-mes québécoises ont conquis le droit de vote, lemouvement des femmes s'est articulé autour de laconquête de droits fondamentaux. Puis une fois,le droit de vote obtenu, le mouvement s'essoufflepour presque disparaître à l'époque de « la grandenoirceur ».

La Révolution tranquille correspond à des trans-formations importantes dans la société québécoise.À partir de ce moment, les luttes des femmes évo-lueront dans le contexte social de lutte.

À partir de 69, à la faveur de la montée du mou-vement étudiant et du mouvement national quiconstituent les lieux d'expérimentation de luttespolitiques, émerge un nouveau féminisme, de réfé-rence marxiste. Il se développe d'abord chez déjeu-nes militantes issues de classes sociales différen-tes, qui, évaluant le cul-de-sac de leurs pratiquespolitiques, se regroupent et forment le F.L.F. Pourla première fois, est posée la nécessité de l'auto-nomie politique de la lutte des femmes. Le F.L.F.tente de faire le lien entre lutte de libération desfemmes, lutte des classes et lutte pour la libérationdu Québec, ceci dans une perspective de lutte pourle socialisme. Cette prise de conscience de l'op-pression et de l'exploitation des femmes s'est doncdéveloppée dans un contexte de lutte sociale. Cesont cependant les anglophones, solidaires de cesluttes, mais évoluant à la périphérie du mouvementnational québécois, qui soutiendront, par leurs pra-tiques et leurs références idéologiques et théori-ques, le développement de la lutte féministe. Celle-ci sera alors axée sur une revendication spécifique :le droit à l'avortement. Le Centre des femmes, issudu F.L.F. et au sein duquel s'opèrent des jonctionsentre des militantes provenant de différents sec-teurs s'engagent dans la lutte pour l'avortement.

Entre 72 et 75, dans une conjoncture où les fem-mes se retrouvent de plus en plus nombreuses sur

le marché du travail (33% de la main-d'oeuvretotale en 71), sont mis sur pied des comités syndi-caux de condition féminine. Ceux-ci commencentà développer des revendications liées aux condi-tions vécues par les femmes sur le marché du tra-vail. Les groupes autonomes de femmes, encorepeu nombreux, subissent la répression organiséede l'État et des corps policiers qui frappent, de plusen plus durement depuis 70, l'ensemble des mou-vements de revendication. Parallèlement à l'actionqu'elles continuent à mener pour le droit à l'avor-tement, les militantes poursuivent leur travail deréflexion sur les conditions des femmes. Dans lamesure où une très grande partie de la vie des fem-mes se passe à produire et à entretenir la force detravail entre les quatre murs des maisons, dans lamesure où les militantes sont en contact quotidien-nement avec cette réalité, il n'est pas étonnantqu'elles aient cherché à comprendre les causes,les effets et la portée économique et sociale decette condition. Elles voient la nécessité d'uneréflexion théorique sur l'oppression spécifique desfemmes, qu'elles amorcent à partir de l'analyse dutravail ménager, caché et gratuit, qui constitue labase matérielle de l'exploitation et de l'oppressiondes femmes.

À partir de 75, on assiste à un pluralisme orga-nisationnel et idéologique dans le mouvement desfemmes, le courant réformiste s'affirme davantage.De nouveaux groupes de femmes se développentà partir de plusieurs revendications et dans plu-sieurs champs d'intervention. On peut dire que lesfemmes organisées, cherchent de plus en plus àinvestir tous les terrains et particulièrement ceuxqui leur permettent de s'exprimer : les terrains idéo-logique et culturel.

La majorité des groupes autonomes se cons-tituent en groupe qui offrent des services ouqui font de l'intervention idéologique. Très peud'entre eux développent des interventions demasse visant soit à sensibiliser, éduquer etmobiliser un grand nombre de femmes à partirde leur vécu, soit à agir directement dans lechamp politique concret par des luttes portantsur une revendication spécifique, assumée trèslargement par les femmes. Cela demeure l'axe detravail privilégié par les organisations fémininesplus traditionnelles et par les nouvelles institu-tions comme le Conseil du statut de la femme.Les luttes pour l'avortement et la contraceptioncontinuent à se développer, notamment par lamise sur pied d'un front large (la Coordinationnationale pour l'avortement libre et gratuit) quiconstitue le lieu privilégié où les jonctions peuvents'effectuer entre différents types d'organisations etdifférents courants de pensée.

C'est à travers ces luttes que les femmes vontdégager et articuler davantage les enjeux politiques

que pose le contrôle par elles-mêmes de leur fonc-tion de reproduction.

Les luttes contre la violence faite aux femmesont aussi commencé à se développer dès le débutde cette période. Là encore, ce sont des militan-tes anglophones qui ont initié les interventions pourfaire face à cette réalité. Cependant, dès le départ,les pratiques s'inscrivent essentiellement dans uneperspective de services et de réformes à obtenir,plutôt que de luttes de masse. Par la suite, le voletanimation et sensibilisation sera déployé. Les grou-pes se regrouperont principalement pour faire faceà l'État, à ses tentatives d'intégration et pour exi-ger un financement adéquat.

Parallèlement à l'action, se poursuivent diffici-lement les efforts de théorisation à partir du spéci-fique de l'oppression et de l'exploitation des fem-mes (travail ménager, vie privée) car au cours decette période, la plupart des groupes sont confron-tés à des difficultés de tout ordre. Ces difficultésrenvoient à la résurgence des forces de la droiteorganisée, à la récupération des luttes et des reven-dications par l'ensemble des institutions sociales(système scolaire, appareils d'État, pouvoir politi-ques, média bourgeois), aux difficultés d'unifica-tion des groupes, à leur précarité financière, à l'in-transigeance et au sectarisme de la gauche, etc.C'est dans cette conjoncture que se développe leféminisme radical et qu'apparaissent davantage lesdivergences entre les différentes composantes dumouvement et au sein même des organisations.

Ces divergences portent entre autres, sur lastructuration du mouvement, les perspectives et lesalliances à développer ainsi que sur la manière d'ar-ticuler lutte des femmes/lutte des classes/choixd'orientation sexuelle comme pratique politique.Elles ont des effets sur la définition des revendica-tions, des stratégies et des modes d'action. Mal-gré des tensions et la dispersion des interventions,continue à s'affirmer la volonté politique d'une auto-nomie collective des femmes. Cette volonté parta-gée, enracinée dans les luttes, constitue le moteurd'alliances entre groupes et courants différents.Cependant, la préoccupation de la consolidationdes alliances n'est pas partagée. La mise sur piedde regroupements pouvant prendre en charge unensemble de revendications ne semble pas nonplus être une forme d'organisation retenue par lesmilitantes. La seule expérience significative que l'onconnaît (le Regroupement des femmes québécoi-ses) s'est développée en marge des pratiques desgroupes.

Toujours au cours de cette période, les comi-tés syndicaux de condition féminine affirmentdavantage leur présence au sein du mouvementsyndical. Ils pressent celui-ci d'assumer les reven-dications qu'ils développent et leurs interventionsont pour effet de remettre en cause les pratiques

syndicales elles-mêmes. Cette situation n'est passans rapport avec l'augmentation toujours croissan-te du nombre de femmes sur le marché du travail(44,5 % en 79) et des conséquences que cela en-traîne pour le mouvement syndical. Après sept ansde travail effectué par les militantes dans les diffé-rents niveaux de la structure, le mouvement syndi-cal fait du congé parental une revendication priori-taire des négociations du Front commun du secteurpublic et para-public. La clause sur les droits pa-rentaux négociée par le Front commun étendue auxemployés de tout le secteur public constitue une

victoire importante pour les femmes et une preuvede l'efficacité de la longue lutte menée en particu-lier par les militantes des comités de condition fémi-nine dans les centrales syndicales.

Si avec les années 80, une nouvelle conjonc-ture sociale apparaît, il est difficile de cerner si pourle mouvement des femmes, une nouvelle périodecommence. Chose certaine, il fait désormais par-tie de la vie sociale : récupération ou enracine-ment ? Fin 81, la conjoncture de crise porte de nou-veaux défis pour le mouvement des femmes quidemeure ....fragile.

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I - De la période coloniale à 1893Les femmes : remparts de la sociétécatholique, canadienne-française

Le travail féminin à la ferme ARCHIVES PUBLIQUES, CANADA

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Avant d'aborder le premier groupe de femmesné en 1893, il serait peut-être intéressant de jeterun coup d'oeil sur la condition des femmes à par-tir de la période coloniale1.

En l'absence d'un pouvoir religieux et civil bienétabli en Nouvelle-France, les femmes ont joué unrôle très important. Cette société avait besoin detout son potentiel humain et ne pouvait s'accomo-der de la division traditionnelle, rigide, des tâches.L'absence du conjoint pour des raisons de voyage,de traite de fourrures, de guerre, etc., leur a per-mis d'assumer la pleine responsabilité de la familleet de la gestion des biens. L'organisation sociale,basée sur une économie rurale atténuait de beau-coup les relations d'autorité des hommes sur lesfemmes et celles-ci pouvaient intervenir au niveaude l'administration domestique et municipale. Évi-demment ces conditions favorables ne doivent pasmasquer les différences énormes entre les citoyen-nes d'origines sociales diverses, par exemple, entrela bourgeoise et ses servantes ou encore dans lahiérarchie des communautés religieuses.

Après la Conquête de 1760 et avec l'évolutiondes rapports marchands capitalistes, l'importancedu rôle des femmes a diminué et leur situation s'estdétériorée. Elles sont reléguées graduellement àla seule économie domestique et la division sexuel-le du travail devient plus rigoureuse. Leur incapa-cité juridique se voit renforcée par des lois, l'adop-tion du Code civil en 1866 confirme leur déchéanceen les empêchant d'être gardiennes de leurs pro-pres enfants, de se défendre ou d'intenter uneaction devant la loi, de recevoir un héritage,de profiter du produit de leur propre travail, devoter et de se présenter aux élections. Notonscependant que les femmes qui se prévalaient jus-que là de leur droit de vote étaient celles qui avaientune propriété.

Les femmes mariées sont frappées d'une pleineincapacité juridique tandis que les célibataires etles veuves ont une marge de manoeuvre plus gran-de. Cela expliquerait peut-être le rôle prépondérantdes religieuses au siècle dernier. La vocation reli-gieuse apparaissait comme un instrument de pro-motion sociale permettant aux femmes de s'éva-der du rôle traditionnel de mère et d'épouse. Avecle rétrécissement du rôle des femmes, dans le con-texte de la progression du capitalisme industriel du19e siècle et de l'urbanisation, un nombre consi-

dérable de femmes entre dans les communautésreligieuses.

Durant la première moitié du 19e siècle, le tra-vail domestique représente la principale sourced'emplois pour les femmes. À Montréal en 1825,56 % de la main-d'oeuvre féminine est composéede domestiques. Les communautés religieusesmonopolisent l'enseignement et les oeuvres cha-ritables (orphelins, vieillards, indigents, maladesmentaux et physiques...) ne laissant aux laïquesqu'un rôle de soutien. La deuxième moitié du 19esiècle, avec le développement accéléré de l'indus-trialisation, modifie la nature du travail des femmes.En 1881 à Montréal, les ouvrières dans les manu-factures sont deux fois plus nombreuses que lesdomestiques. Le personnel laïc de l'enseignementest composé de femmes à 63 % en 1853-54, rece-vant la moitié du salaire des hommes. Dès cetteépoque, les mères ont fait leur entrée dans la pro-duction et elles se heurteront à l'hostilité généralepuisque dans l'idéologie traditionnelle la place desfemmes est à la maison.

Tout comme l'idéologie traditionaliste domi-nante refuse les progrès et les changements dûsà la transformation de notre structure industrielle,au nom de notre authenticité canadienne-française,de même elle rejette toute modification à la condi-tion féminine. La famille n'est pas seulement unecellule de base mais encore la raison de notre sur-vivance comme peuple. La femme-mère est le« coeur », « l'âme » de la famille : c'est elle avec sesmaternités qui assure « la revanche des berceaux »,elle est la gardienne de la langue, de la race, dela foi. Ce discours impose une image unique, res-trictive des femmes masquant les véritables rap-ports sociaux et niant les changements qui s'opè-rent graduellement dans le statut des femmes dansla société. Il vise à maintenir les femmes dans lasphère de la famille en particulier par la maternité.Aussi en 1892, une loi canadienne est promulguée,interdisant de diffuser des renseignements sur larégulation des naissances et de vendre ou annon-cer des produits contraceptifs.

1 Micheline Dumont-Johnson : « Histoire de la conditionde la femme dans la province de Québec » dans : Tra-dition culturelle et histoire politique de la femme auCanada, Information Canada, 1972, 57 p.

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II - De 1893 à 1940Naissance du féminisme : devoirset droits des femmes

Préparation et prolongement du rôle de mère : cuisinière et puéricultrice ARCHIVES PUBLIQUES, CANADA

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2.1 Le travail féminin2

L'industrialisation et l'urbanisation à la findu 19e siècle et au début du 20e siècle entraî-nent les femmes sur le marché du travail. En 1901,15 % des jeunes filles de dix ans et plus cons-titue le dixième de la main-d'oeuvre totaledu Québec. La participation des femmes s'ac-croît constamment jusqu'à la crise économiquede 1929; de 1911 à 1921, le taux d'augmen-tation de la main-d'oeuvre féminine est de30,09 % et de 1921 à 1931 de 46,71 %. À Mont-réal en 1931, 8 7 % de la main-d'oeuvre fémi-nine est composée de célibataires et 55 % d'en-tre elles ont moins de 25 ans. La moyenne dessalaires correspond à la moitié de ceux deshommes et l'éventail des emplois est assez sim-ple : manufactures, services domestiques et tra-vail de bureau. .

Dans les manufactures, on retrouve majoritai-rement des femmes dans la confection, les texti-les, le tabac, la chaussure. Ce sont les industriesqui paient les plus bas salaires. De plus, commedans la confection les investissements de capitauxsont faibles, cette industrie est instable et fonc-tionne beaucoup à partir de sous-contractants dansde petits ateliers spécialisés. Tout cela favorise lechômage périodique, les bas salaires, le travail àdomicile ou dans de petits ateliers plus ou moinsclandestins (sweating System) où les 3/4 des vête-ments sont fabriqués.

Entre 1901 et 1915, les textiles et les vêtementssont après les transports, les secteurs les plus affec-tés par les grèves et les lock-outs ; les femmes re-présentent 58 % des employés du textile et 60 %de la confection à Montréal. Si à cette époque, onne retrouve pas de revendications sur l'égalité sala-riale, par contre, on en retrouve qui sont liées à l'op-pression spécifique des femmes contre les sollici-tations intéressées des patrons, contremaîtres oucollègues de travail ; on exige l'usage d'ascenseurspour femmes seulement, la surveillance par descontremaîtresses et non par des hommes et la pos-sibilité de quitter le travail cinq minutes plus tôt queles hommes.

Les employées des services domestiques sem-blent jouer le rôle de réserve de main-d'oeuvre pourle secteur manufacturier. La mobilité est très grandecar les longues heures et les bas salaires incitentles employées domestiques à se tourner vers lesmanufactures quand le taux de chômage n'est pastrop élevé.

Le travail dans les bureaux est l'un des raresqui exige un minimum d'instruction. Cependant, ilse heurte à l'opposition des travailleurs qui veulentcontinuer à le monopoliser. Par exemple, au débutdu siècle, ils ont tenté d'expulser les femmes dela carrière de sténographes ; plus tard, les femmes

rencontrent la même résistance lorsqu'elles veu-lent accéder à la fonction publique.

Les vendeuses de magasins qui passaient delongues heures debout (douze heures) ont luttépour la fermeture des magasins plus tôt et pour l'ob-tention de sièges.

Les congrégations religieuses contrôlaient l'en-seignement et le milieu hospitalier, ceci à peu defrais et au grand bénéfice du capital. En consé-quence les laïques qui voulaient travailler dans cessecteurs devaient accepter le bénévolat et l'espritde sacrifice qui caractérisaient ces professions.

Aussi, en 1905 les institutrices protestantesgagnent le double du salaire des catholiques et audébut du siècle le salaire de ces dernières est infé-rieur à la moyenne des salaires féminins. Des lut-tes seront menées par l'Association des institutri-ces catholiques fondée en 1907; en 1936 LaureGaudreault fonde l'Association catholique des ins-titutrices rurales au moment où celles-ci venaientde subir une baisse de salaire de 300 $ à 250 $ paran.

En résumé, le travail social et celui d'infirmièrereste la chasse gardée des religieuses pendant lapremière moitié du siècle. Les femmes de la classeouvrière travaillent dans les manufactures et les ser-vices domestiques, celles plus instruites dans lesbureaux et les magasins. Les femmes de la bour-geoisie ont peu de débouchés, l'accès à la méde-cine et à la comptabilité leur sera fermé jusqu'en31, le droit jusqu'en 41 et le notariat jusqu'en 56.

C'est dans un climat d'hostilité générale que lesfemmes ont dû gagner leur vie. Les élites clérico-nationalistes, ainsi que les associations et organi-sations ouvrières s'opposent à tout changementdans le rôle féminin susceptible de bouleverser lepouvoir paternel dans la famille et la divisionsexuelle des tâches.

Dans le mouvement ouvrier, les travailleusessont perçues comme des concurrentes. La ten-dance généralisée du patronat à remplacer unhomme par une femme afin d'abaisser les salairesa même provoqué des grèves pour le renvoi desfemmes. Ne reconnaissant pas le droit au travailpour les femmes sauf exception (célibataires et veu-ves soutien de famille) on en vient à revendiquerl'égalité salariale pour les écarter ou une politiqueprotectionniste qui part du principe que leur rôlepremier se joue à la maison (allocations aux mèresafin qu'elles ne soient pas obligées de travailler,réglementation du travail féminin avant et après

2 Marie Lavigne, et Yolande Pinard, Les Femmes dansla société québécoise Étude d'histoire du Québec,Éditions du Boréal Express, 1977, 214 p., chapitre«Ouvrières et travailleuses montréalaises —1900-1940 » par Marie Lavigne et Jennifer Stoddart.

l'accouchement, protection et sécurité accrues pourles femmes et les enfants dans l'industrie...)- Onn'a pas assisté de la part des syndicats, à une véri-table contestation de la politique des bas salaireset des mauvaises conditions de travail pour les fem-mes. La revendication de « travail égal, salaireégal » a été contournée par le patronat par la sexua-lisation des emplois. De plus l'idéologie de la mèreau foyer, partagée par les syndicats, a eu des effetsimportants sur les travailleuses car en caractérisantleur travail comme marginal et anormal, elle lesconditionnait à se soumettre aux injustices età la discrimination. Malgré cela, certaines ontlutté pour améliorer leurs conditions de travailet on peut noter la participation d'ouvrières au1er mai 1910, l'adhésion de midinettes à la Ligueouvrière, syndicat sous influence communiste etdes luttes d'institutrices réclamant une augmen-tation de salaire...

Les suffragettes réclament le droit de vote pour pouvoirintervenir en faveur des femmes ouvrières, des mèresde famille, des enfants qui travaillent en usine.

2.2 Le Montréal Local Councilof Women (MLCW)

En réponse à une variété de problèmes engen-drés par l'industrialisation croissante, l'urbanisa-

tion, l'immigration et la prolétarisation, les femmesde la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisieveulent étendre leur pouvoir d'intervention dansle domaine des affaires publiques en réorga-nisant le travail philanthropique dans la métro-pole. Devant la menace de la montée des reven-dications ouvrières et la constitution d'organi-sations syndicales, les femmes bourgeoises s'or-ganisent pour défendre l'intérêt de leur classesociale tout en se portant à la défense de l'égalitédes femmes au travail et de la promotion plus glo-bale de leurs droits.

En 1893, le Montréal Local Council of Women(MLCW) , constitution montréalaise du NationalCouncil of Women (NCWC) est mis sur pied.Cette organisation souhaite unifier les associationsde femmes au Canada et briser ainsi la barrièrereligieuse qui divisait les Québécoises francopho-nes des autres femmes. Le MLCW, premiergroupe féministe au Québec, est composé d'anglo-phones et de francophones, ces dernières idéolo-giquement plus conservatrices que leurs con-soeurs. De plus, les féministes francophones, con-trairement aux anglophones, n'exercent pas deprofession.

Les actions de ces femmes se dirigeront versune tentative de professionnalisation du servicesocial : elles demandent l'institution de maternel-les, le droit des femmes à toutes les professionset une instruction industrielle et technique pour lesfemmes des classes laborieuses. Toutefois, en lut-tant en faveur de la professionnalisation du travaildomestique, elles visent surtout à former de « bon-nes » domestiques pour les patronnes. Elles cher-chent à introduire l'éducation ménagère dans lesécoles. Par ailleurs, les positions égalitaristes sontmises de l'avant : l'égalité de formation entre filleset garçons, l'application du principe « À travail égal,salaire égal ». Elles demandent l'abolition de la dis-crimination dans les lieux de travail, la journée dehuit heures (on est contre la mesure protectionnistede limiter la journée des femmes à neuf heures) etde meilleures conditions de travail pour tous ettoutes.

Deux orientations coexistent donc dans leMLCW : le féminisme social où par l'action sociale,les femmes pensent améliorer la société et le fémi-nisme revendicatif où l'accent est mis sur les lut-tes pour des droits égaux. Cependant, l'hostilité duclergé, des milieux cléricaux, le boycottage desmoyens d'information et la montée du nationalismecanadien-français rendent difficile l'intégration deces deux courants correspondant à deux sociétésfort différentes. En 1902, ce sera l'éclatement duMLCW.

2.3 La Fédération nationaleSaint-Jean Baptiste (FNSJB) 3

L'influence de l'idéologie cléricale nationalistesur les premières féministes les pousse à créer unorganisme qui respecte leurs croyances religieu-ses et leur culture : Marie Gérin-Lajoie et CarolineBeique fondent en 1907 la Fédération nationaleSaint-Jean Baptiste (FNSJB). Cette fédération réu-nit 22 sociétés affiliées qui se répartissent selontrois types d'oeuvres : oeuvres de charité, oeuvresd'éducation (Ass. de femmes journalistes, Écolesménagères provinciales) et oeuvres économiques(Ass. professionnelle pour l'amélioration de la situa-tion des travailleuses). La FNSJB reprend fonda-mentalement l'idéologie de la femme au foyer. Sesactions s'inscrivent dans le prolongement des rôlesd'épouse et de mère que l'idéologie dominanteassigne aux femmes. À partir de la soi-disant dif-férence de « nature » entre les sexes, la participa-tion des femmes à la société est encouragée àcause de leur « supériorité morale ».

Cette organisation reflète les intérêts bourgeoisdes premières féministes et véhicule l'idéologie phi-lanthropique de l'époque. Elle veut faire l'éduca-tion sociale, morale et professionnelle des femmesselon leur situation de classe. Elle revendique uneéducation supérieure et universitaire pour les fillesde la bourgeoisie mais des cours ménagers pourcelles de la classe ouvrière.

Des associations professionnelles se créent,axées sur une perception harmonieuse des rela-tions entre patrons et employés. Elles regroupentdiverses catégories de travailleuses catholiques etcanadiennes-françaises : employées de manufac-ture, de magasin, de bureau, servantes, institutri-ces, « femmes d'affaires ». Chaque association jouitde la « protection » d'un comité de dames patron-nesses, par exemple l'association des employéesde magasin est « patronnée » par l'épouse du pro-priétaire de « Dupuis Frères ». L'association desemployées de manufacture regroupe principale-ment des contremaîtresses, ce qui montre bien l'éli-tisme de l'organisation. Cela mène à la situationcontradictoire suivante : appui aux luttes des ven-deuses de magasin pour diminuer le nombre d'heu-res de travail et, peu de temps après, appui aux« femmes d'affaires » réclamant un amendementd'exception pour pouvoir fermer leur magasin plustard que les grands magasins. Par ailleurs, pourfournir du travail aux femmes chômeuses ou à cel-les ne pouvant quitter la maison, on encourage letravail à domicile. Pour les bourgeoises, la ratio-nalisation des services de charité leur a permis l'ac-cès à une nouvelle fonction « prestigieuse », cellede travailleuse sociale.

L'absence de droits égaux a amené les fémi-nistes à considérer leur statut juridique et politique

comme la source même de leur oppression en tantque femme. Leurs principales luttes portèrent surl'obtention du droit de vote à tous les paliers, surl'accès des femmes aux professions et à l'ensei-gnement supérieur et sur l'abolition de la discrimi-nation au niveau juridique. La contradiction entrel'égalité juridique demandée et la non remise enquestion du partage des rôles traditionnels d'unepart, les alliances entre la FNSJB et les élites del'autre, mèneront cette organisation dans uneimpasse. Dès 1933, l'organisation connaît un déclinet sa perte d'influence n'est pas sans rapport avecla démarcation entre les groupes résolument catho-liques et conservateurs comme le Cercle des fer-mières et d'autres groupes réformistes de type laïctelles que La Ligue des droits de la femme et \'Al-liance canadienne pour le droit de vote des fem-mes au Québec.

L'influence de ces femmes n'est pas à sous-estimer car elles ont quand même joué un rôled'éveilleuses de conscience en ébranlant certainspréjugés fort tenaces.

2.4 Les revendications autourdu droit de vote 4

Le premier mouvement organisé pour le suf-frage des femmes fut la Montreal Suffrage Asso-ciation (1913-1919) orientée vers le droit de voteau fédéral qui fut accordé en 1918 après la Pre-mière Guerre mondiale, (en 17, on avait accordéle droit de vote aux femmes ayant un lien de parentéavec une personne ayant servi ou au service desForces Armées). La plupart des provinces cana-diennes ont étendu ce droit peu de temps après,sauf le Québec où les femmes n'ont eu le droit devote qu'en 40.

Le Comité provincial pour le suffrage fémi-nin fut fondé en 1921 et prit la relève de la Mon-treal Suffrage Association. En 1927, une scissions'opéra au sein du Comité et un groupe nouveau,l'AIliance pour le vote des femmes du Québecprit naissance ayant Idola St-Jean à sa tête et comp-tant sur l'appui de travailleuses. Thérèse Casgraindevint présidente du Comité provincial en 1928et lui donna le nom de Ligue des droits de lafemme en 1929. À partir de 1927, chaque annéeles deux organismes se rendent à Québec pourassister aux débats entourant le projet de loi accor-

3 op. cit., « La Fédération nationale St-Jean Baptiste etles revendications féministes au début du 20e siècle,par Marie Lavigne, Yolande Pinard et JenniferStoddart.

4 op. cit., « Les Femmes et la vie politique au Québec »par Francine Fournier.

dant le droit de vote aux femmes. Le Premier minis-tre Tachereau se refuse à accorder ce droit, il estappuyé par le clergé, par des groupes fémininscatholiques et conservateurs et par des intellectuelscomme Henri Bourassa (fondateur du journal LeDevoir).

Suite aux pressions de la Ligue, en 1929, lacommission Dorion fut chargée d'examiner desréformes possibles au Code civil. Une de cesrecommandations fut acceptée en 1931. Elle recon-naît aux femmes mariées le droit de toucher leursalaire. Mais elle refuse d'abolir le « double-standard », c'est-à-dire que la séparation de corpsest accordée à l'homme dans le cas d'adultère de

son épouse mais pour la femme, elle est accordéeseulement si le mari tient sa concubine dans la mai-son commune. Ce « double-standard » ne fut aboliqu'en 1954-55.

Avec l'arrivée des Libéraux au pouvoir au Qué-bec, le droit de vote est accordé aux femmes en1940. Ceux-ci l'avaient inscrit dans leur programmeélectoral sous la pression des féministes. Les mili-tantes de la Ligue continueront à faire des pres-sions au sujet de questions comme la protectionde la jeunesse, la réforme des pénitenciers, lesamendements au Code civil, etc.

Après 60 ans d'efforts, le droit de vote pour les femmes est conquis, 1940. LA PRESSE

III - De 1940 à 1960Participation des femmesà l'effort de guerre et aux luttes

TIRÉ DE G. AUGER ET R. LAMOTHE : DE LA POÊLE À FRIRE A LA LIGNE DE FEU

3.1 L'influence de la guerresur la condition des femmes

Ce qui caractérise le début de cette périodec'est l'influence de la guerre dans la société qué-bécoise. La guerre met fin à la crise en apportantun essor économique. On assiste à une redéfini-tion du rôle et de l'importance des femmes ; on amaintenant besoin des femmes pour le travail enusine, du bénévolat pour soutenir l'effort de guerreet même les ménagères seront mises àcontribution.

On donne l'impression aux ménagères de par-ticiper aux politiques économiques du gouverne-ment par le rationnement volontaire, le recyclagede vieux vêtements, l'hébergement et l'entretien dela main-d'oeuvre productive, l'achat des « Bons dela Victoire », le travail bénévole en fonction desbesoins de l'armée : confection de bas, mitaines,pansements, etc. Les femmes se mobilisent, ayantl'impression de contribuer directement à l'effort col-lectif de guerre.

La guerre apportant enfin la prospérité aprèsdix ans de crise, les femmes entreront massivementdans les usines en 1942 lorsque la main-d'oeuvremasculine ne suffira plus. Le fédéral, à grand coupde publicité, joue sur le renversement des rôles,insistant sur le côté « libérateur » et utile desemplois jusque-là réservés aux hommes. Cela s'ac-compagne de mise sur pied de garderies, moinsnombreuses au Québec qu'ailleurs puisque leclergé et les élites nationalistes s'opposent au tra-vail des femmes mariées. Ceci n'empêchera pasles industries de recruter massivement les femmesmariées pour la première fois5.

Toutefois, la nature même du travail et les con-ditions spéciales d'urgence créées par la guerrecontribuent à la détérioration des conditions de tra-vail. Les principales revendications des travailleu-ses concernent les longues heures de travail (11— 11 1/2 heures par jour) avec seulement 1/2 heurepour dîner et bien souvent aucune période derepos, le travail debout qui occasionne une fatigueextrême, le manque d'aération, les poussières noci-ves en suspension provoquant une inflammationdes voies respiratoires, l'absence de cafétéria, detoilettes ou malpropreté de celles-ci, la chaleurexcessive, les bruits constants, l'absence ou l'exi-guïté des vestiaires...6

Avec la fin de la guerre, plusieurs de ces pro-blèmes furent amoindris par la remise en vigueurde certaines lois abrogées pour la durée du conflitet par la fermeture ou la conversion des usines deguerre. Afin que les femmes mobilisées par ceteffort exceptionnel regagnent le foyer pour laisserla place aux hommes revenus de guerre, les élitescléricales, le clergé, les centrales syndicales, laConfédération des travailleurs catholiques du

Canada (CTCC) en tête, et le gouvernement orches-trent une campagne.

Le gouvernement, qui avait fortement encou-ragé l'entrée des femmes en usines, envisage cer-taines solutions pour favoriser le retour des fem-mes à la maison. Entre autres : améliorer les con-ditions de vie rurale pour freiner l'exode des jeu-nes filles vers les villes, revaloriser l'artisanat et letravail domestique qui peuvent seuls empêcher lechômage féminin généralisé tout en contribuant à« l'heureux maintien des foyers et de leur bonheur »et enfin orienter les femmes vers des professionsféminines pour les sortir de l'usine.

La campagne contre le travail des femmesmariées et surtout contre celles ayant de jeunesenfants n'avait pas cessé durant la guerre. Ondénonçait les octrois fédéraux aux garderiescomme une mesure « communiste » portant atteinteà la morale chrétienne et aux droits de la famille.On imputait au travail des femmes l'augmentationde la prostitution, de l'alcoolisme, de la délinquancejuvénile, la naissance d'enfants malingres etinfirmes.

L'entrée massive des femmes sur le marché dutravail a eu des répercussions certaines sur ces der-nières, entre autres une « libéralisation des moeurssexuelles » que prouve un nombre assez importantde grossesses hors mariage ainsi qu'une liberténouvelle due à l'indépendance économique. Tou-tes les femmes n'étaient sans doute pas disposéesà retourner dans la « cage dorée » de la famille,mais l'histoire de leur résistance commence à peineà être dévoilée.

Donc, le mouvement ouvrier, l'Église, les élitesintellectuelles et bourgeoises sont tous farouche-ment opposés au travail des femmes qui détour-nerait les femmes de leur rôle de mère, qui porte-rait atteinte à la famille, qui saperait la sociétécanadienne-française à sa base et provoquerait salente désagrégation. On souhaite donc la dispari-tion du travail féminin ou, au mieux, sa réorienta-tion vers des professions « féminines ».

3.2 Le travail féminin7

La participation des femmes au travail rémunérévarie selon les conjonctures économiques. L'aug-mentation du travail féminin s'accompagne de

5 Cette première partie est inspirée de l'article : « Dela poêle à frire jusqu'à la ligne de feu » in : La Vie enRose, n°2, 1980.

6 Le reste de cette partie sur le travail féminin est ins-piré du livre de Francine Barry, Le Travail de la femmeau Québec, L'Évolution de 1940 à 1970, Les Pressesde l'université du Québec, 1977, 80 p.

7 Francine Barry, op. cit.

transformations importantes des caractéristiquesde ce travail, par exemple dans la répartition selonles divisions professionnelles et selon les caracté-ristiques personnelles des travailleuses (âge, étatcivil, et niveau de scolarité). De 1940 à 1960 le tauxde croissance de la main-d'oeuvre féminine passede 21,95 % en 1941 à 27 % en 61. Il subit unebaisse après la guerre (1947 à 49) puis augmentejusqu'aux difficultés économiques des années 53à 57. L'après-guerre est une période d'expansiondu système capitaliste jusqu'à la récession de 1957.On assiste à la domination de plus en plus enva-hissante de l'impérialisme américain dans l'écono-mie québécoise et canadienne, au contrôle desbranches vitales de l'économie par les entreprisesaméricaines. C'est une période d'emploi élevé, oùl'urbanisation et le secteur tertiaire s'accroissentrapidement.

La police à cheval contre les vendeuses-grévistes de« Dupuis Frères », 1952 CSN

Dans les quatre secteurs professionnels où sontconcentrées les femmes (professions l ibérales ettechniciennes, employées de bureau, des services

domest iques, ouvrières) on assiste à une redistri-but ion dif férente et à un accroissement graduel deleur importance relative. Par exemple, lesemployées du bureau vont passer du 4e rang enimportance au 1er. La mécanisation croissantedans l'industrie, la prédominance de l'industrielourde qui emploie une main-d'oeuvre masculineet le développement de l'industrie tertiaire expli-quent la diminution du nombre d'ouvrières. Les tra-vailleuses des services domestiques voient leurnombre diminuer également. Proportionnellementles professions libérales restent au même pointmais le nombre des travailleuses augmente.

Quant aux caractéristiques personnelles destravailleuses, on ne retrouve plus seulement descélibataires de moins de 30 ans, la proportion desfemmes mariées d'âge moyen et mûr va en s'ac-croissant constamment. Toutefois, cette progres-sion varie beaucoup selon le secteur d'activitéprofessionnelle.

Pour les ouvrières et les travailleuses domesti-ques, la tendance est une diminution de l'impor-tance relative des groupes d'âge de moins de 35ans et une augmentation de la main-d'oeuvre plusâgée. C'est parmi les ouvrières que le mouvementdes femmes mariées vers le marché du travail estle plus marqué, passant de 9,5 % en 41 à 38,09 %en 61. Chez les ouvrières le niveau d'instructionne s'est pas amélioré et s'est même détériorédurant la décade 40 à 50. La plus grande partie desfemmes mariées est venue sur le marché du tra-vail par le canal des professions les moins exigen-tes sur le plan de la scolarité et du recyclage.

Dans les professions libérales et chez les tech-niciennes on retrouve le plus fort taux de célibatai-res et la plus faible augmentation des femmesmariées. À cause de la scolarité demandée, on n'yretrouve pas de très jeunes femmes contrairementà celles travaillant dans les bureaux où avec l'âgela proportion diminue.

En gros la guerre a été le point de départ decet accroissement de la main-d'oeuvre féminine,de la nouvelle répartition entre femmes mariées etcélibataires et du changement d'attitude des fem-mes mariées.

3.3 Les luttes des femmes8

La période de l'après-guerre, avec Duplessis àla tête du gouvernement québécois, fut marquéepar une politique de répression à l'égard des orga-nisations ouvrières. La syndicalisation s'accroît, le

8 L'Histoire des grèves est tirée de Histoire du syndi-calisme au Canada et au Québec 1827-1959 par Char-les Lipton, Parti-Pris, 1976, 500 p.

nombre des syndiqués passe de 20 % à 30 % dela main-d'oeuvre. La résistance s'organise et lesgrèves sont nombreuses. Parmi ces grèves, men-tionnons celles menées particulièrement par desfemmes : en 1946, la grève de la « Dominion Tex-tile » à Valleyfield, où les travailleurs et les travail-leuses réclamaient une augmentation de 25 centsl'heure, la semaine de 40 heures et la reconnais-sance syndicale. L'issue du conflit devait avoir desrépercussions importantes puisque la « DominionTextile » était le plus gros producteur de cotonna-des au Canada. Le président de la compagnie etDuplessis firent tout en leur pouvoir pour cassercette grève grâce aux policiers provinciaux et auxfiers-à-bras. Ils firent arrêter le président du syndi-cat, Kent Rowley puis la coordonnatrice de la grèveMadeleine Parent mais ils durent céder après 99jours de grève, à cause de la mobilisation trèsgrande des grévistes.

En 1947, grève du textile des travailleurs et tra-vailleuses de la Compagnie Ayers à Lachute. Lapaie d'une ouvrière correspondait à 11,17$ pour108 heures de travail. De nouveau on envoie lapolice provinciale et des fiers-à-bras pour briser lagrève et de nouveau les dirigeants syndicauxK. Rowley et M. Parent sont arrêtés. Ni l'intensifi-cation de la terreur, ni l'arrestation des grévisteset de leurs chefs syndicaux n'interrompent la grève.Elle gagna même l'usine voisine de la « DominionShuttle » propriété de la famille Ayers. Après 5 moisde lutte les grévistes sont vaincus.

En 1952, la grève des ouvriers et ouvrières del'« Associated Textile » de Louiseville dure 32 jours ;les grévistes subissent de nouveau l'hostilité deDuplessis et de sa police et plusieurs sont arrêtés.En 52, c'est aussi la grève des employées de« Dupuis Frères », la grande majorité des grévis-tes sont des femmes et n'ont pas peur de tenir leurspiquets devant la charge des policiers à cheval.Mentionnons également l'implication importantedes femmes de grévistes lors des dures grèvesd'Asbestos et de Murdochville.

Au niveau du mouvement des femmes apparaîtun nouveau groupe en 1957, la Ligue des femmesdu Québec. Des femmes s'étaient regroupées pourappuyer leurs maris lors d'une grève à Canadair.Prenant conscience de l'importance de la solida-rité entre les femmes et les travailleurs, elles déci-dent de créer un organisme permanent suscepti-ble de canaliser les revendications des femmes enlien avec celles des travailleurs. Ce groupe estimplanté surtout à Montréal et dans quelques vil-les. Il est lié directement au Parti communiste. LaLigue revendique une législation sociale pourappuyer « la mère et l'enfant » et travaille à sensi-biliser les femmes au syndicalisme.

3.4 Dans les syndicats9

À la CTCC (devenue CSN en 1960) le refus dutravail des femmes fut dominant jusqu'en 1953.Cette année-là s'amorce une époque de discussionsur le travail féminin avec la création d'un Comitéde condition féminine (les déléguées le récla-maient depuis 1943). On y parle des conditions dif-ficiles des femmes sur le marché du travail, on sepréoccupe de l'éducation syndicale pour les travail-leuses et de la non-représentativité des femmes àla direction de la centrale. La CSN fut la premièrecentrale syndicale à poser les problèmes pratiquesengendrés par le travail féminin et à dénoncer lesinégalités subies par les femmes sur le marché dutravail. Jusqu'au milieu des années 60, les femmesconstituaient moins de 10 % des délégués au Con-grès même si elles représentaient le tiers desmembres.

À la CEQ, malgré le fort pourcentage de fem-mes dans cette centrale, on en retrouve bien peudans l'exécutif des syndicats. À la fin des années50, il y avait des disparités salariales énormes entreles hommes et les femmes ainsi qu'entre lesurbains et les ruraux.

À la FTQ (fusion de la Fédération provincialedu travail du Québec (FPTQ) et de la Fédérationdes unions industrielles du Québec (FUIQ) en 57),les femmes sont peu présentes. La FPTQ regrou-pait majoritairement des syndicats de métiers dontcertains avaient des traditions qui bloquaient l'ac-cès des femmes à certains métiers. On y était doncpeu disposé à discuter du travail féminin. À partirde 57, la centrale demande la parité salariale et elledénonce le travail à domicile.

La décennie 1950-60 est une période de tran-sition vers l'acceptation générale du travail des fem-mes. Parallèlement au courant de rejet du travailféminin se développe une attitude plus réaliste derésignation et d'acceptation conditionnelle de cephénomène qui semble de moins en moinstemporaire.

Dans les revendications ouvrières, on com-mence à parler de chances égales de formation oud'accès à l'emploi, d'avancement, de possibilitéségales d'orientation. On assiste aux premièresmesures visant la promotion et non exclusivementla protection du travail des femmes.

9 Marie Lavigne... op. cit. « Les Femmes dans le mou-vement syndical québécois » par Mona-JoséeGagnon.

I V - De 1960 à 1969Des femmes s'organisenten groupe de pression

Fédération desFemmes du Québec

Le premier conseil d'administration de la Fédération des femmes du Québec, 25 avril 1966 PHOTO LA PRESSE, MTL

L'élément central de cette période est la Révo-lution tranquille avec ses conséquences directessur la vie des femmes. Ces conditions objectivesfaçonneront en partie le mouvement des femmesdes périodes suivantes.

4.1 La conjoncture etle travail des femmes

Cette période commence avec la « RévolutionTranquille ». Les réformes touchent autant lesbases économiques que les appareils d'État, lasanté et l'éducation, etc. Celles-ci vont de pair avecla laïcisation de la société québécoise, la transfor-mation des valeurs et la hausse de syndicalisationdes travailleurs de l'État. Tout cela constitue desconditions favorables à l'émergence de mouve-ments sociaux de revendications. À cette époqueon assiste à la naissance d'organisations culturel-les et politiques, ayant une idéologie nationalisteet socialiste.

Tous ces changements affectent grandementla population féminine et le travail des femmes10.Il y a une amélioration du niveau d'instruction dela population québécoise à cette époque. L'accrois-sement du nombre d'emploi dans le secteur tertiairepermet à plus de femmes d'avoir accès au marchédu travail. Les femmes plus scolarisées ont accèsà un marché plus diversifié. Toutefois au début decette époque, la majorité des salaires féminins estinférieure à la moitié de ceux des hommes et dansles conventions collectives on note des pratiquessalariales discriminatoires fondées exclusivementsur le sexe. L'importance de la proportion des fem-mes mariées parmi la population active ne cessede s'accroître, passant de 7,53 % en 41 à 48,78 %en 71. Cela explique qu'à partir des années 60 lesrevendications portent dans un premier temps surl'instauration d'horaires de travail souples (quiseraient mieux adaptés à la condition des femmes,surtout mariées) et sur la généralisation et sur laréglementation du travail à temps partiel. Les reven-dications concernant le recyclage et la formationprofessionnelle apparaissent à la fin des années 60.

Des changements s'opèrent aussi dans lesorganisations syndicales québécoises. À la CSN en1962, on assiste aux premières déclarations favo-rables au travail féminin. En 1964, le président dela centrale reconnaît : « Nous ne sommes pas oppo-sés au travail féminin et nous croyons d'ailleurs quenotre opposition serait vaine devant la puissancedes forces qui incitent les femmes à travailler11 ».Cependant, il définit encore le rôle des femmescomme étant d'abord celui d'épouse et de ména-gère. Dès ce moment, la CSN tente d'intégrer lesrevendications féminines en matière de conditionde travail dans son action globale de défense des

droits des travailleurs. Ce début d'esprit égalitairea comme conséquence la dissolution du Comitéde condition féminine de la CSN en 1966, au nomde la non-discrimination. À la FTQ, c'est unepériode où s'amorce la féminisation des effectifsavec la syndicalisation des secteurs publics et para-publics. Cette centrale, dans son mémoire soumisà la Commission Bird, relie les problèmes de lamain-d'oeuvre féminine à la division traditionnelle

10 Francine Barry, op. cit.11 Jean Marchand, « Rapport du président général de

la C.S.N. », Procès-verbal de la C.S.N., 1964, p. 7.

// s'agit de faire face aux problèmes que ce travail engen-dre, ajoute Jean Marchand, président de la CSN en1964. LE TRAVAIL, CSN

des rôles sociaux et s'oppose à toutes mesuresspéciales destinées aux femmes (temps partiel parexemple, visant à perpétuer la discrimination).

La Commission Bord, créée par le gouvernementfédéral en 1967, aborde les problèmes de la con-dition féminine d'une façon différente de celle del'idéologie traditionnelle. Son rapport rend mani-feste les différences entre les conditions socio-économiques des femmes québécoises (francopho-nes en majorité) et celles des femmes canadien-nes. De plus, son enquête démontre que dans cer-tains milieux ouvriers, les seules concessions autravail féminin sont le travail bénévole, le travaildans une entreprise familiale ou lorsque la néces-sité économique le justifie. Il doit cependant êtretemporaire, comme salaire d'appoint et orienté versun métier féminin. Le travail des femmes est encoreperçu comme une menace à l'emploi masculin. Lesmémoires (des syndicats, des groupes de fem-mes...) soumis à la Commission se préoccupent dela promotion du travail féminin et revendiquent lacréation de garderies, d'allocations de maternité,d'horaires souples, de cours de recyclage...

Plusieurs groupes demandent la création d'unoffice qui assumerait des tâches de recherche, d'in-formation, de consultation et de protection desdroits de la femme. Cette revendication sera con-crétisée (en juillet 73) par la création du Conseildu statut de la femme (CSF).

4.2 L'influence des transformations socialessur les femmes

Avec l'amélioration des moyens de communi-cation au niveau international, le Québec s'ouvreau monde et se met à l'heure de l'Amérique. En1968, aux États-Unis, lors du concours de MissAmérique, c'est la première manifestation féministeoù des femmes brûlent leur soutien-gorge. C'estle début des groupes d'auto-conscience et de la dif-fusion massive de livres qui marqueront les fem-mes américaines et celles d'ailleurs.

Ce mouvement féministe aux États-Unis corres-pond à un mouvement de contestation généraledans la société américaine : les luttes des Noirs,les luttes contre la guerre au Vietnam, les luttes étu-diantes, etc. En France, mai 68 a influencé de façonparticulière les jeunes femmes qui l'ont vécu, ellesont pu s'exprimer et être écoutées pour la premièrefois. Mai 68 leur a permis de sortir de leur isole-ment, de se regrouper et de radicaliser leur révolte.Les difficultés d'avoir du pouvoir les amènent à seregrouper sur leurs propres bases.

Au Québec, la création des cégeps mixtes en67 a favorisé l'accès des jeunes femmes à l'ensei-gnement supérieur. L'année suivante, un vastemouvement de contestation secoue les cégeps. Ce

mouvement de contestation permet à plusieurs jeu-nes femmes d'avoir un lieu d'expérimentation poli-tique et de se former. La remontée du mouvementde luttes nationales à cette époque influencera éga-lement les femmes12.

Pendant cette période, des innovations techno-logiques changent les conditions matérielles desfemmes (au grand profit des entreprises capitalis-tes). Par exemple, le développement des appareilsménagers qui aurait pu permettre une plus grandelibération des femmes du travail ménager, n'ap-porte pas cette libération. Au contraire, pour empê-cher une entrée trop massive des femmes dans laproduction, la publicité insiste sur l'importance dela propreté en inondant le marché de multitudes deproduits pour l'entretien de la maison favorisant dumême coup la consommation et l'accroissement dutravail ménager, décourageant toute socialisationdes tâches ménagères. On assiste également àl'élargissement des responsabilités dévolues auxfemmes comme mères et épouses : la psycholo-gie insiste sur l'importance de la mère au foyer pourl'éducation et les soins aux enfants, sa présencebénéfique comme soutien du conjoint. La femmeest de plus en plus isolée, surtout celle de la petitebourgeoisie qui émigré vers la banlieue pendantque la vie de quartier dans les grandes villes se dis-loque graduellement. Donc, malgré le fait que ledroit au travail devient de plus en plus accepté etpossible et que certaines conditions favorisent uneparticipation plus active des femmes dans lasociété, d'autres éléments (dont le mouvementcontre-culturel préconisant, entre autres, le retourà la terre) viennent renforcer l'isolement des fem-mes au foyer.

En 1964, Claire Kirkland-Casgrain, alors minis-tre du gouvernement québécois, propose le projetde loi n° 16 qui met fin à l'incapacité juridique dela femme. Ce projet abolissait l'obligation pour lafemme d'obéir à son mari, il la rendait partenairedans la direction matérielle et morale de la familleet lui reconnaissait la pleine capacité quant à sesdroits civils.

Au début des années 60, commence une cer-taine ouverture sur la contraception. Le groupeSERENA (Service de régulation des naissances)fondé depuis 62 préconise l'utilisation de laméthode sympto-thermique, laquelle rend très aléa-toire le contrôle des périodes de fertilité mais elleoblige les couples stables à reviser leur mode derapport sexuel. Vers cette époque « la pilule » arrivesur le marché mais elle est surtout prescrite, offi-ciellement, pour régulariser le cycle menstruel.

12 Voir C F P . : Le Mouvement ouvrier québécois et sesrevendications à propos de la question nationale, avril1979, 22 p.

En 1964 est mise sur pied l'Association pour leplanning des naissances de Montréal qui vise àrépondre aux demandes d'information, de forma-tion et de référence sur la contraception13. En 67,l'ancien président de l'Association le Dr. SergeMongeau, créait le Centre de planning familial. Uneéquipe multidisciplinaire (médecine, psychologie,anthropologie, sociologie, démographie, travailsocial) offrira un service direct de contraception àla clientèle et un service sur les problèmes sexuels.Le personnel du Centre fera du travail communau-taire, en particulier de la sensibilisation à la con-traception et à la fécondité, la formation d'interve-nants sur ces questions et le soutien à la mise surpied de services cliniques dans différentes régionsdu Québec.

Il mettra aussi sur pied un projet « jeunesse »visant l'information massive des jeunes sur lesméthodes contraceptives et sur leur vie sexuelle.En 68, se dérouleront des semaines sur la sexua-lité dans 12 des 15 nouveaux cégeps. Des recher-ches seront effectuées sur les valeurs et les attitu-des des femmes à propos de la contraception.Enfin, en collaboration avec l'International PlannedParenthood Federation (IPPF) et l'université de Mon-tréal, le Centre verra à la formation de médecins,infirmières, sage-femmes d'Afrique francophone.Dès sa fondation le Centre est subventionné parl'ancien ministère québécois de la famille et duBien-Être social.

4.3 Le mouvement des femmes

Cette période de 60 à 69, marquée par de pro-fondes transformations sociales, permet l'éclosiond'un mouvement plus large, d'inspiration libéraleet réformiste. Plusieurs associations et regroupe-ments surgissent comme autant de groupes depression sur les gouvernements qui prétendent êtreengagés dans la recherche de l'égalité des sexes.Les organisations des femmes de l'époque serontalors fort différentes selon qu'elles surgissent enmilieu rural ou urbain. Cependant, elles réussissentà regrouper un nombre de femmes beaucoup plusélevé qu'aux périodes antérieures. Elles exercentalors une influence non négligeable sur lesinstitutions14.

Lors de la célébration du 25e anniversaire dudroit de vote pour les femmes au niveau provincial(en avril 65), certaines femmes décident de formerune organisation pour regrouper les femmes etcoordonner leurs activités dans le domaine de l'ac-tion sociale. Le 23 avril 1966 est fondée la Fédéra-tion des femmes du Québec (FFQ). Ce sont desfemmes ayant l'expérience soit d'une carrière dansles professions libérales (Thérèse Casgrain, Moni-que Bégin) soit de l'action sociale et politique(Colette Beauchamp, Simone Chartrand, etc.). Lesmembres fondatrices soucieuses d'avoir un impactdotent la FFQ d'une structure accueillant le plusgrand nombre de femmes possible. Elles regrou-pent les individus sur une base régionale d'une partet de l'autre les associations ou organisations dési-reuses de se joindre à la Fédération. Les actionsde la Fédération convergent vers deux objectifs :l'éducation et la pression. La cause commune àtous les membres de la FFQ : « la promotion de lafemme ». L'organisation rédige de nombreuxmémoires en particulier celui pour l'Office de révi-sion du Code civil (66) et pour la Commission Bord(68). À partir de 68, elle publiera un bulletin de liai-son pour ses membres.

Dans les milieux ruraux et dans les petites vil-les, l'essor économique permet la rationalisation dela propriété agricole et le développement de lapetite et moyenne entreprise. Ces conditions éco-nomiques alliées à la floraison de l'idéologie réfor-miste favorisent la fusion de deux organismes,l'Union catholique des femmes rurales et les Cer-cles d'économie domestique; en 1966, est doncnée, L'Association féminine d'éducation et d'ac-tion sociale (AFEAS). C'est une organisation fémi-nine, catholique, très modérée. On y retrouve 60 %de mères au foyer et plusieurs se définissentcomme collaboratrices de leur mari dans l'entre-prise familiale. Ces femmes sont intéressées à lapromotion féminine et à l'amélioration de la sociétépar l'éducation et l'action sociale. Elles veulent queles femmes assument leur condition de femme,qu'elles développent leur autonomie et qu'ellesinterviennent dans leur milieu.

13 A.P.N.M., historique, 18 janvier 81, ronéotypé.14 « Le Mouvement des femmes au Québec », in : Poli-

tique aujourd'hui, n° 7-8, 1978.

V - De 1969 à 1972Une étape importantepour l'émergence d'un nouveau féminisme

Manifestation de 200 femmes enchaînées pour protester contre le règlement anti-manifestation PHOTO LA PRESSE MTL

Nous avons fait des années 69-72 une périodespécifique du mouvement des femmes contempo-rain parce que cette période est celle de l'émer-gence du féminisme dans le mouvement des fem-mes. En effet la création du Front de libération desfemmes du Québec (FLF) apporte quelque chosede radicalement différent dans le champ de la luttedes femmes. Le FLF se crée en 69 et disparaît en72.

5.1 La conjoncture économique etle travail des femmes

Depuis 1967, année où débute la récession éco-nomique, le Québec vit une nouvelle crise dusystème capitaliste qui engendre des taux très éle-vés de chômage et d'inflation. De 1966 à 1970, lechômage grimpe de 4,6 % à 8 %. Les femmes con-tinuent à grossir les rangs de la main-d'oeuvrerémunérée du Québec ; elles constituent un peumoins du tiers (32 %) de la main-d'oeuvre en 71.Depuis 66, le taux d'activité des femmes apparte-nant à différents groupes d'âge continued'augmenter15. Le tiers des femmes âgées de 24à 34 ans se retrouvait sur le marché du travail en66 ; en 71, leur nombre grimpe à 39 ,9% et conti-nuera d'augmenter même si c'est à cette périodede leur vie qu'une forte proportion d'entre elles sontoccupées en plus par la maternité et les tâchesreliées aux soins d'un ou de quelques enfants d'âgepré-scolaire. Quant aux femmes âgées de 34 à 45ans, le nombre d'entre elles qui sont sur le mar-ché du travail est passé de 30 % en 66 à 34,4 %en 71. Enfin, comparativement aux périodes anté-rieures, à partir de 69, on assiste à une stabilisa-tion du taux de participation des femmes qui ontentre 45 et 54 ans ; elles ont intégré le marché dutravail rémunéré et elles y demeurent.

Quelles sont les conditions qui les attendent?L'existence d'un double marché du travail, fondésur la division sociale des sexes a un effet consi-dérable sur la répartition de la main-d'oeuvre fémi-nine. Elle entraîne une concentration toujours plusmassive des femmes à l'intérieur de quelques pro-fessions spécifiques à prédominance féminine etles confine à des tâches qui ne sont souvent quele prolongement de leurs activités de ménagèreset de mères. Entre 61 et 71, on observe non seule-ment un degré réel de stabilité dans les 20 profes-sions qui emploient un grand nombre de femmes,mais aussi une féminisation encore plus grande cecertaines professions. À l'exception des professionsd'institutrices et d'infirmières, les autres se situenttoutes dans des positions inférieures des catégo-ries socio-professionnelles faibles, n'exigeant quepeu ou pas de qualification et ne comportant quepeu ou pas de responsabilité16.

Une autre donnée qui caractérise aussi le mar-ché de l'emploi ouvert aux femmes est celle du tra-vail à temps partiel17. Le travail à temps partiel n'acommencé a se développer que dans les années60 et c'est un phénomène qui s'observe essentiel-lement dans les pays industrialisés. Entre 66 et 73,au Canada, l'emploi à temps partiel s'était accrude 60 %, alors que l'emploi à temps plein s'étaitaccru de 19 % seulement. Plus de 3/4 des emploisà temps partiel sont concentrés dans le secteur ter-tiaire, là où les tâches sont morcelées, divisées.Elles peuvent donc s'effectuer de façon indépen-dante et l'on peut modifier le nombre de person-nes travaillant à une tâche sans désorganiser lesystème de travail. Le problème de requalificationdu travail s'y pose donc de façon plus aiguë.

En 71, au Québec, les femmes représentent les2/3 de la population active oeuvrant dans le sec-teur tertiaire; 1/4 des femmes qui y travaillent lefont à temps partiel et elles constituent les 2/3 del'ensemble des personnes travaillant à temps par-tiel. Le portrait-robot de la travailleuse à temps par-tiel révèle une femme mariée (56,1 %), ayant entre25 et 55 ans, ayant complété 8 ou 9 ans de scola-rité et ayant quelques enfants à la maison.

Enfin, disons qu'en 71, au Québec, chez les per-sonnes qui avaient travaillé à plein temps duranttoute l'année, le salaire moyen des femmes étaitde 4702 $ et celui des hommes de 7882 $18. Quantau travail ménager gratuit, il équivaut en 71 à20-25 % du Produit national brut (PNB)19 : il y auraittout un travail à faire pour systématiser les consé-quences, sur la vie des femmes, de la détériora-tion de ce qu'on appelle les conditions de vie quisont, en fait, les conditions de travail desménagères.

5.2 La conjoncture politique,sociale et idéologique

Sur la scène politique, après une courte transi-tion où l'Union nationale prend le pouvoir (1966-70),les Libéraux reprennent le pouvoir avec à leur têteBourassa. Lors de cette élection, le mouvement

15 C.E.Q., Le Droit au travail social pour toutes les fem-mes, A80-C02 1980, 43 p.

16 Francine Descarries-Bélanger, L'École rose...et lescols roses, Éd. coop Albert St-Martin et C.E.Q., 1980,128 p.

17 Le Travail à temps partiel, Colette Bernier et HélèneDavid, I.R.A.T., bulletin n°12, avril 78.

18 Pour les Québécoises, égalité et indépendance,C.S.F., Gouvernement du Québec , Éd. officiel duQuébec, 1978, 335 p. et appendices.

19 Agenda 78, Éd. Remue-Ménage.

ouvrier et populaire a donné son appui « tactique »au P.Q. qui recueille 24 % du vote.

Cette courte période amène à leur apogée lesmouvements sociaux de la période précédente. Lesluttes sont très dures, on assiste à la création dupremier parti des travailleurs salariés sur la scènemunicipale montréalaise : le Front d'action politi-que (FRAP) ; pour la première fois en 70, les troiscentrales syndicales québécoises célèbrent dansl'unité le 1er mai ; les luttes contre les manifesta-tions criantes de l'oppression nationale (contre leBill 63, pour McGill français...) sont nombreuses.Cette radicalisation des luttes sera la cible de larépression d'octobre 70.

Durant cette période, la jonction entre les dif-férents mouvements (mouvement étudiant, mouve-ment syndical, groupes culturels et politiques) sefait avec comme perspective le refus de l'ordresocial établi et avec des objectifs de libération natio-nale et sociale.

Par ailleurs, la « crise de la famille » qu'a accé-léré le phénomène d'urbanisation de la période pré-cédente est mise à jour. Le divorce20 est introduitau Québec en 69 ; à cette époque (69-70), l'indiceest de huit divorces pour cent mariages, 76,9 % desdivorces ont été demandés par des femmes qui sevoyaient octroyer exclusivement à 57 % la gardedes enfants. En 71, 7,8 % des familles au Québecétaient des familles monoparentales dont le chefétait une femme (105,400). Sur ce nombre, 38 %vivaient du Bien-Etre social21. Alors qu'en 61, lerevenu moyen des familles monoparentales dontle chef était une femme, représentait 73 % durevenu moyen des familles biparentales, en 71, iln'en représente plus que 50 %22 .

C'est aussi en 69 que sont éliminées du codecriminel du Canada les interdictions concernant ladiffusion des renseignements sur la régulation desnaissances et la vente ou l'annonce de produitscontraceptifs23. À Montréal, Morgentaler débute sapratique d'avortement. C'est en 69 qu'au fédéral,les Libéraux font adopter le Bill Omnibus permet-tant aux hôpitaux qui le « désirent » de pratiquerdes avortements « thérapeutiques ». Cette loi estprésentée comme une libéralisation *. En septem-bre 71, le nouveau ministère des Affaires socialesdu Québec met sur pied un comité provincial deplanification familiale et prévoit que les C.L.S.C.vont offrir des services.

5.3 Le mouvement des femmes

Cette amorce de libéralisation des lois concer-nant les femmes et leurs fonctions reproductricesrend compte à la fois des luttes et des pressionsmenées par elles mais aussi des changements quis'opèrent dans la société. Nous assistons à l'arri-

vée croissante des femmes sur le marché du tra-vail salarié (marché qui est fortement sexué), à lamise à jour de la crise qui traverse l'institution fami-liale et à une contestation sans précédent des pou-voirs établis et du système social par des luttesintenses auxquelles les femmes participent. C'estdans ce contexte qu'émerge un nouveau féminisme

Page couverture du premier numéro de QuébécoisesDebouttes !

avec la création du premier groupe féministe ayantdes objectifs politiques révolutionnaires. Ce phé-nomène se fait jour dans la plupart des pays occi-dentaux industrialisés et les idées féministes cir-culeront facilement. Par exemple, en 71 la diffusionau Québec du numéro spécial de la revue de gau-che Partisans sur l'oppression des femmes stimu-lera les jeunes féministes.

20 Pour les Québécoises, égalité et indépendance,C.S.F., Gouvernement du Québec, Éd. officiel duQuébec, 1978, 335 p. et appendices.

21 Agenda 79, Éd. Remue-Ménage.22 Ibid.23 Fédération pour le planning des naissances du

Canada, dépliant « Avoir des enfants c'est vieuxcomme le monde, planifier leurs naissances, c'estnouveau ».

* Mentionnons que de 51 à 71, la population cana-dienne passe de 14 millions à 21,5 millions environ.

28

Cette radicalisation du mouvement des femmesse fait jour, tout d'abord du côté des anglophones.Elles ont plus facilement accès à l'information surle M.L.F. américain et sa littérature. Elles sont lespremières à développer ici les groupes d'auto-conscience. En octobre 68, un étudiant et une étu-diante de l'université McGill produisent une bro-chure qui eut un succès retentissant : The Birthcontrol handbook. Suite à cette parution, des cen-taines de femmes leur demandent comment obte-nir un avortement ; c'est pour répondre à ce besoinqu'un service de référence fut mis sur pied. LeMontreal Women's Liberation Movement(M. W.L.M.) assume ce travail militant dès sa fon-dation en 69. Le FLF collaborera et assurera laversion française du « Handbook » tirée à plus de50 000 copies sous le titre « Pour un contrôle desnaissances ».

Les féministes francophones qui se révèlent àcette époque viennent pour la plupart d'entre ellesd'organisations qui mènent la lutte nationale etsociale. En octobre 69, s'organise en 48 heures unemanifestation de 200 femmes contre le règlementanti-manifestation de l'administration Drapeau-Saulnier ; 165 manifestantes sont emprisonnées24.

Suite à cette manifestation, une trentaine defemmes se regroupent et fondent le Front de libé-ration des femmes du Québec (F.L.F.). Ellesétaient liées au plan idéologique et structurel avecla gauche. En effet, les premières militantes duF.LF. venaient du Rassemblement pour l'indépen-dance nationale (R.I.N.), du Front de libérationpopulaire (F.L.P.), du Parti socialiste du Québec(P.S.Q.), du Comité ouvrier de St-Henri, du Théâ-tre radical du Québec (T.R.Q.), du mouvement étu-diant, des milieux syndicaux (particulièrement dela C.S.N.). D'autres sortaient directement de leurcuisine ou de leur milieu de travail. Le F.LF.regroupait en majeure partie des femmes pour quila première prise de conscience politique étaitpassée par la conscience de l'oppression natio-nale du peuple québécois, et dans un deuxièmetemps, de l'exploitation de la classe ouvrière25. Desfemmes anglophones seront présentes au sein duF.LF.. Cependant, elles seront exclues à la fin 70à cause de divergences idéologiques mais surtoutà cause du nationalisme intransigeant desfrancophones.

Leurs positions idéologiques sont traduites,entre autres dans le premier numéro du journalQuébécoises Debouttes ! qui paraît en novembre71 et dans le Manifeste des femmes québécoisesécrit par deux militantes anonymes et qui sera dif-fusé par le F.LF. Ce manifeste dénonce, entreautres, le sexisme qui prévaut dans les organisa-tions de gauche et considère que pour se libérerles femmes doivent s'organiser sur une baseautonome.

On y affirme que la lutte doit porter contre deuxsystèmes : le système capitaliste et le systèmepatriarcal. On y retrouve une tentative d'articula-tion d'une position à la fois féministe, indépendan-tiste et socialiste, s'appuyant sur la problématiquemarxiste. Dès mars 70, le F.L.F. tient des réunionshebdomadaires ; un peu plus tard, le travail se ferasur la base de cellules autonomes. L'une met surpied une garderie, une autre travaille sur la ques-tion de l'avortement, d'autres visent à favoriser laconscientisation des femmes par l'information, l'ani-mation et la formation politique26.

Enfin, les militantes F.L.F. ont également menédes actions culturelles-choc dont celle du Salon dela femme et celle lors du procès de Lise Balcer. Lorsde la comparution de cette dernière accusée d'ou-trage au tribunal pour refus de témoigner lors duprocès de Paul Rose, sept femmes du FLF se pré-cipitent sur le banc des jurés en criant : « discrimi-nation » et « la justice c'est de la marde ». ellesseront toutes condamnées mais la presse fait unécho retentissant à cette manifestation. Quelquesmois plus tard, la loi sera modifiée permettant auxfemmes d'être juré lors de procès.

Le 6 mai 70, a lieu la Caravane nationale pourl'avortement à Ottawa. Ce rassemblement de fem-mes, venues de tous les coins du Canada, a étéappelé par les Fédération et Association canadien-nes pour l'abrogation de la loi sur l'avortement(F.C.A.L.A. et A.C.A.L.A.) Elles sont porteusesd'une pétition de milliers de signatures en faveurde l'avortement. C'est la première lutte à l'échellecanadienne pour la libéralisation des lois sur l'avor-tement. Le docteur Morgentaler, alors collaborateurdu service de référence y fait un discours. Le F.L.F.refusera de participer à cette manifestation à causede son caractère légaliste et parce qu'il refuse des'adresser au gouvernement canadien. Le F.L.F.organisera sa propre manifestation à Montréal àl'occasion de la Fête des mères et y présentera uneanimation théâtrale sur le thème de l'avortement.En juin Morgentaler est arrêté pour pratique illégaled'avortements. C'est le début de la répressionouverte et du harcèlement judiciaire27.

En décembre 71, le F.L.F. disparaît après delongs débats entre celles qui presqu'intégrées auCAP St-Jacques véhiculent la théorie marxiste-léniniste sur l'oppression des femmes et celles qui,tout en étant anti-capitalistes, considèrent les rap-ports entre les hommes et les femmes comme une

2 4Voir note 19.25 Claire Brassard, Le Référendum de mai et les grou-

pes féministes, in L ' Impasse, Éd. Nouvel le Opt ique,1980, 14 p.

26 Pour une étude du FLF, voir le chapi tre II d u mémoirede M. Lanctôt.

29

contradiction principale et non secondaire commel'affirment les marxistes d'alors. L'absence de théo-rie féministe révolutionnaire tant au plan interna-tional que national, l'éparpillement des forces etl'impact émotif des divisions au sein du groupe con-tribuent largement à cette disparition.

Le 6 mai 70, a lieu la Caravane nationale pourl'avortement à Ottawa. Ce rassemblement de fem-mes, venues de tous les coins du Canada, a étéappelé par les Fédération et Association canadien-nes pour l'abrogation de la loi sur l'avortement(F.C.A.L.A. et A.C.A.L.A.) Elles sont porteusesd'une pétition de milliers de signatures en faveurde l'avortement. C'est la première lutte à l'échellecanadienne pour la libéralisation des lois sur l'avor-tement. Le docteur Morgentaler, alors collaborateurdu service de référence y fait un discours. Le F.L.F.refusera de participer à cette manifestation à causede son caractère légaliste et parce qu'il refuse des'adresser au gouvernement canadien. Le F.L.F.organisera sa propre manifestation à Montréal à

l'occasion de la Fête des mères et y présentera uneanimation théâtrale sur le thème de l'avortement.En juin Morgentaler est arrêté pour pratique illégaled'avortements. C'est le début de la répressionouverte et du harcèlement judiciaire27.

En décembre 71, le F.L.F. disparaît après delongs débats entre celles qui presqu'intégrées auCAP St-Jacques véhiculent la théorie marxiste-léniniste sur l'oppression des femmes et celles qui,tout en étant anti-capitalistes, considèrent les rap-ports entre les hommes et les femmes comme unecontradiction principale et non secondaire commel'affirment les marxistes d'alors. L'absence de théo-rie féministe révolutionnaire tant au plan interna-tional que national, l'éparpillement des forces etl'impact émotif des divisions au sein du groupe con-tribuent largement à cette disparition.

27 Voir note 19.

VI - De 1972 à 1975Elargissement des revendications etmultiplication des groupesde femmes

Affiche annonçant la fête du premier 8 mars célébrée à Montréal,le 8 mars 1974 LISE NANTEL

Cette période n'est pas caractérisée par un évé-nement central. Toutes les composantes du mou-vement existantes dans les périodes précédentesse développent et commencent à influencer la réa-lité sociale. Cependant l'année 75 avec l'Annéeinternationale de la femme constituera un momentclé pour le mouvement des femmes. Ce dernierdeviendra alors un phénomène social...

6-1 La conjoncture économiqueet le travail des femmes

À partir de 1972, le Québec subira la pire crisedu capitalisme depuis la crise de 29. Avec l'infla-tion, les salaires montent moins vite que le coût dela vie, les travailleurs subissent des mises à pied,plusieurs usines ferment et le pouvoir d'achats'érode. La politique du gouvernement encouragela main-mise des monopoles américains et cana-diens sur les richesses du Québec (Baie James,ITT).

Les femmes continuent à affluer sur le marchédu travail ; elles constituent en 1974, 33,1 % de lamain-d'oeuvre.

6.2 La conjoncture politique,sociale et idéologique

Les libéraux ont été reportés au pouvoir en octo-bre 73. Le gouvernement Bourassa pro-impérialiste,orchestre la répression économique et politique desluttes sociales. Le P.Q. a décroché 30 % des votes.Depuis 70, le P.Q. a peu à peu hégémonisé le mou-vement national et il se propose comme alternativeau gouvernement Bourassa ; sa propagande portesur sa capacité d'être un « bon gouvernement ».Dès 1974 il est question de la nécessité de tenirun référendum sur l'avenir constitutionnel du Qué-bec advenant l'élection d'un gouvernement du PartiQuébécois.

C'est une période de luttes sociales mais aussid'effritement idéologique et politique dans la gau-che naissante, ce qui se manifeste par exemple parla crise à l'intérieur du FRAP. On note dans le mou-vement ouvrier et populaire un recul des revendi-cations nationales au profit d'une radicalisationidéologique ; les trois « Manifestes » des centralessyndicales en sont le reflet. Il y a également le pre-mier Front commun du secteur public et para-public, le développement de l'internationalismesuite au coup d'État chilien, le développement d'ou-tils de réflexions et d'une presse militante. Du foi-sonnement idéologique naissent des groupes poli-tiques : En Lutte ! en 73 et la Ligue communiste(LCMLC) en 75.

L'éclatement de la famille nucléaire continue des'opérer. En 74, 17 000 mariages sont rompus auQuébec par le divorce ou la séparation, dont 75 %sont demandés par les femmes28. La baisse denatalité se poursuit ce qui est à la fois un reflet etune condition du changement des femmes.

6.3 Le mouvement des femmes

Durant cette période, le mouvement des fem-mes prend son essor. Des organisations se réorien-tent, d'autres se créent comme prolongement decelles de la période précédente, des revendicationsviennent à terme, par exemple la création d'unorganisme étatique sur les femmes : le Conseil dustatut de la femme (CSF). Des comités de condi-tion féminine se créent dans les trois centralessyndicales et, dans la foulée du F.L.F., de nom-breux groupes de femmes surgissent pour prendreen charge différents aspects de la lutte.

La création du CSF constitue un événementmajeur pour le mouvement des femmes. C'est suiteà des pressions exercées par des associationssyndicales et professionnelles féminines que leConseil du statut de la femme est créé le 6 juillet73 par l'adoption de la loi 63, votée à l'unanimitépar l'assemblée législative. C'est aux termes de laloi, un organisme d'étude et de consultation quirelève directement de l'autorité du Premier minis-tre ou de son ministre délégué... Il est composé dedix personnes nommées, issues d'associationsféminines, de groupes sociaux-économiques, desmilieux syndicaux et universitaires. Il est chargé deconseiller le gouvernement du Québec sur toutequestion que celui-ci lui soumet et d'entreprendredes études. Il se définit lui-même comme « un outilde changement » dans la société québécoise. LeConseil disposait en 1974-75 d'un budget de225 400 $ pour mettre sur pied quatre services per-manents : Action-Femmes, Consult-Action, Docu-mentation, Recherche-Information.

6.3.1 Les organisations féminines

Durant cette période, les organisations fémini-nes comme L'AFEAS et la FFQ poursuivent leuraction et se penchent sur les principaux thèmes dumouvement des femmes comme l'avortement, lesgarderies.

C'est aussi durant cette période que la Liguedes femmes du Québec (LFQ) élargit son champd'action (consommation, par exemple), à partir de

28 Voir note 19.

ses perspectives dans le sens de l'unité de la luttedes travailleurs et des travailleuses et met sa prio-rité sur la syndicalisation de celles-ci.

La création, en 1972, du Centre d'informationet de référence pour femmes (CIRF) était l'abou-tissement du travail d'un groupe de femmes quipubliait un journal féministe dans le centre-ville. Lesmembres du journal recevaient de plus en plusd'appels de femmes aux prises avec des problè-mes de tout ordre et en quête d'information ; lanécessité d'avoir un service d'information et deréférence devint vite évidente. Après de nombreu-ses réunions, la création du CIRF fut décidée et ilouvrit officiellement ses portes en janvier 1973,grâce à une subvention de Projet initiative locale(P.I.L.), il offre alors des services d'information etde référence sur les garderies, les agences de ser-vice social, les médecins, les services médicaux,les avocats, les organismes communautaires, lesgroupes de locataires. Le CIRF aide également cel-les qui ont des problèmes avec les bureaux du Bien-Être social, les hôpitaux, les agences de servicesocial et d'autres institutions publiques et para-publiques et apportant un soutien particulier auxfemmes et aux familles immigrantes, en particuliercelles du Pakistan, de l'Inde et d'Asie. Le CIRF estaussi un lieu de rencontre où toutes les femmessont bienvenues ; le groupe met à leur dispositiondes brochures et des livrets d'information.

Au cours de la même année en 73, naît leR.A.I.F. (Réseau d'action et d'information pourles femmes)29 ; le groupe se définit comme fémi-niste, il dénonce le patriarcat et ses corrolaireslégislatifs. Il combat tous les préjugés sexistes enra-cinés dans les mentalités. Ne désespérant pas d'uti-liser les moyens d'action qu'offre le système « rela-tivement démocratique » dans lequel nous vivons,le R.A.I.F. s'est donné la tâche de suivre les gou-vernements provincial et fédéral pas à pas. Il pro-duira différents mémoires qu'il déposera à l'Assem-blée nationale ou défendra en commissions parle-mentaires. Il résume ainsi le travail d'action quiconstitue l'un des pôles du mouvement : pétitions,lettres ouvertes, rencontres avec des personnali-tés politiques, télégrammes, etc. S'il favorise l'im-plication dans le milieu social, il n'est pas à pro-prement parler un groupe d'action de masse. S'ilidentifie les systèmes législatif et fiscal comme étantdes sources d'oppression pour les femmes, il nes'inscrit pas par ailleurs dans la lutte anti-capitaliste.

6.3.2 Les comités de condition féminine

C'est aussi durant cette période que naissentdeux des Comités de condition féminine dans lescentrales syndicales, soit à la C.E.Q. et à la F.T.Q.,et qu'est mis sur pied un nouveau comité à laC.S.N.

À la F.T.Q.

Au cours de 72, des femmes salariées et mili-tantes de la F.T.Q. se réunissent informellementpour analyser leur situation ; elles font par la suitepression sur la direction de la F.T.Q. qui forme offi-ciellement, en janvier 73, un comité chargé de pré-parer une intervention pour le congrès de 73 et de« réfléchir » de façon globale sur la condition desfemmes travailleuses. Le Comité produira le texteTravailleuses et syndiquées pour le congrès dedécembre 73, lequel fut discuté en commissionspar l'ensemble des délégués et ratifié en plénièrepar la suite ; ce fut à ce moment que l'ancrage surla question des femmes se fit à la F.T.Q. Les fem-mes du Comité étaient soit recommandées ou dési-gnées par leurs directions syndicales, soit des per-sonnes intéressées et venues d'elles-mêmes. Dansl'ensemble, les membres du Comité n'étaient pasreprésentatives de leurs secteurs ou syndicats, ence sens qu'elles ne parlaient qu'en leur nom per-sonnel et n'étaient pas en mesure d'établir desréseaux d'information et de liaison avec les mem-bres féminins de leurs syndicats. Cette difficulté futconstante et on tenta de la surmonter par la con-vocation d'assemblées de militantes, les plus lar-ges possibles; ces réunions eurent lieu, enmoyenne quatre fois par année, constituant de faitl'instance consultative pour les permanents et ladirection de la centrale.

De 73 à 75, le Comité organisa des assembléespour discuter du document et trois sessions de for-mation. La perspective de susciter la formation decomités de condition féminine dans les syndicatset dans les conseils du travail était présente, maisplusieurs difficultés empêchèrent ce projet de seconcrétiser de façon satisfaisante ; seul le Conseildu travail de Québec mit sur pied un Comité decondition féminine30.

À la C.E.Q.

C'est dans le cadre de la recherche en vued'une nouvelle définition de l'orientation à donnerà son action syndicale, plus particulièrement grâceà la réflexion amorcée par le manifeste L'École auservice de la classe dominante, que la C.E.Q. aconnu les premiers balbutiements de la lutte desfemmes dans ses rangs, lors du congrès tenu à l'été72.

29 Marie Savard, « Le Raif et le changement social », inPossibles, vol . 4 n ° 1 , automne 79.

30 Mona-Josée Gagnon, Le Comité sur la condition fémi-nine de la F.T.Q. : le passé et l'avenir, ju in 76.

Suite au congrès, un noyau de militantes deMontréal s'est constitué pour poursuivre laréflexion.

C'est lors du XXIIIe congrès, en juillet 73,que le Comité Laure-Gaudreault devenait uncomité officiel de la C.E.Q., composé de septmembres non libérées, avec un ensemble derésolutions qui constituait l'essentiel du pland'action de la centrale et des syndicats affiliés.Malgré cela, le Comité et la lutte des femmes n'ontpas provoqué beaucoup d'intérêt et ont connu desheures difficiles.

Au congrès de 74, deux revendications majeu-res : l'obtention de 2 personnes ressources libéréeset l'élargissement du mandat à la préparation dela négociation aboutirent, d'où l'intervention plusactive des militantes de la condition féminine dansla centrale, ce qui ne se fait pas toujours endouceur.

Le Comité de la C.E.Q. fut dynamique autantà l'intérieur de la centrale qu'à l'extérieur, dans lamesure où il reprenait les grandes lignes du cou-rant féministe autonome et les intégrait aux reven-dications immédiates de l'organisation syndicale.Les animatrices de ce comité participaient en effetaux débats politiques de la gauche (les pôles poli-tiques d'alors étaient En Lutte ! et la revue Mobili-sation) mais vers 75 quelques-unes d'entre ellesdécidèrent de mettre leurs énergies militantes dansla création d'une organisation politique, le GRP quifusionnera avec En Lutte ! par la suite. Le Comitéde condition féminine de la C.E.Q. fut momenta-nément désorganisé, puis reprit ses activités, l'an-née suivante dans une ligne syndicale et avec uneorientation assez différente31.

A la C.S.N.

L'actuel Comité remonte à 73 ; on se souvien-dra qu'un Comité avait été mis sur pied en 53 pourêtre dissout en 66. Quelques salariées de la C.S.N.contactent des syndiquées pour discuter de la con-dition féminine à la C.S.N. Elles mettent l'exécutifde la C.S.N. devant l'évidence de la nécessité etde l'existence « de fait » d'un Comité de conditionféminine à la C.S.N. C'est au congrès de 74 quele Comité sera dûment formé. Son mandat consis-tait à faire une étude sur la condition des femmes(au travail, au foyer, dans le mouvement syndicalet dans la société) pour susciter un débat dans laC.S.N. devant aboutir à une politique de la centralelors du congrès de 76. Ce Comité était composéde salariées et de militantes de syndicats locaux.La revendication centrale développée : l'accès autravail social ; la perspective : La Lutte des femmes,combat de tous les travailleurs (titre du rapport duComité au congrès de 76).

6.3.3 Dans la foulée du F.L.F.

En 72, grâce à une subvention du MAS, ungroupe de femmes dont quelques ex-militantes duF.L.F. produisent sous la direction d'une sociolo-gue L'Analyse socio-économique de la ménagèrequébécoise. Cette recherche, la première sur cethème vise à étudier de façon globale la situationde la ménagère québécoise dans ses rapports àl'économique, au politique et à l'idéologique. Ellefournira des éléments pour l'analyse de la produc-tion domestique, sujet qui deviendra central dansl'analyse des féministes.

Page couverture du Manifeste du Théâtre des cuisines,1975

Suite à la disparition du F.L.F., dans un con-texte de foisonnement idéologique, deux ex-militantes du F.L.F. et deux militantes d'un groupepolitique mettent sur pied, en janvier le Centre desfemmes qui reprend à son compte la référence enorganisant une clinique d'avortement. Plus de 60femmes y viennent par semaine. Le Centre colla-bore à la rédaction du Manifeste pour une politi-que de planification des naissances, publié en sep-tembre 72 et co-signé par différents groupes. Ennovembre 72, le Centre des femmes devient

31 C.E.Q., Le Droit au travail social pour toutes les fem-mes, A80-C02 1980, 43 p.

34

membre associé de la Fédération du Québec pourle planning des naissances (FQPN)32 fondée enseptembre de cette même année *. Au cours decette période, le Centre de planning familial du Qué-bec publie la brochure 100 femmes devant l'avor-tement recherche sur les aspects psycho-sociauxde l'avortement, entreprise dans le but d'éclaircircette question controversée, mais sans intention detrancher le débat « pour ou contre l'avortement ».En juin 72, le Centre de planning termera ses por-tes à la suite d'un conflit syndical. Son travail aurapermis à de nombreuses femmes et jeunes fillesde s'interroger sur leur sexualité, de contrôler leurfécondité et de définir de nouvelles formes decontraception.

Le 21 janvier 73, cinq policiers de la Sûreté duQuébec font une perquisition au Centre des fem-mes. Ils vident littéralement le local de tous ses dos-siers, documents et journaux. Privées de leurs dos-siers, les femmes du Centre décident de poursui-vre malgré tout leur service. En juillet 73, un autremédecin, !e Dr. Yvan Macchabée est arrêté pourpratique d'avortements. En août 73, c'est le débutdu premier procès Morgentaler. Celui-ci déclareavoir pratiqué dans sa clinique plus de 5000 avor-tements ; il plaide cependant non-coupable. Peuavant le début du procès la Fédération canadiennepour l'Abrogation de la loi sur l'avortement appelleà la création d'un comité de défense. Ce comitéconstitue la première expérience de jonction, réu-nissant des femmes de syndicats, des centralesC.S.N. et C.E.Q., de groupes populaires, de grou-pes politiques tels la LSO et le GMR (deux grou-pes trotskystes) et des groupes de femmes. Cer-taines avaient des mandats de leurs organisations,d'autres intervenaient dans le comité à titre indivi-duel. Le Centre s'y joint et y participe activement.

À l'intérieur du comité, un certain clivages'opéra entre les femmes d'organisations populai-res, syndicales et féministes et les militantestrotskystes qui défendaient une ligne d'agitationjugée trop aventuriste et activiste. Le comité sedivisa par la suite à cause de conceptions différen-tes sur les tâches pour faire avancer la lutte pourl'avortement particulièrement sur la question de ladéfense du médecin.

Le 2 février 74, le Dr.Robert Tanguay est arrêtéà son tour, face à la répression qui s'accentue, lesmédecins qui jusqu'ici collaboraient avec le Cen-tre des femmes cessent de pratiquer des avorte-ments. Le Centre réfère donc les femmes à descentres New York. En avril 74, la Cour d'appel duQuébec renverse la décision du jury et déclare Mor-gentaler coupable. Sentence : 18 mois de prisonet trois ans de probation. Le médecin fait appeldevant la Cour suprême du Canada.

Les femmes du Centre sont essoufflées. La cli-nique leur prend beaucoup d'énergie de même que

la publication de Québécoises Debouttes! (neufnuméros sur une période de 15 mois). Le Centren'arrive pas à formuler de proposition en terme demobilisation et d'organisation aux femmes qu'ilrejoignait par le biais de sa clinique et du journal.L'équipe du journal d'En Lutte! les saisit de sonquestionnement ; les femmes du Centre sont som-mées de se prononcer sur le socialisme sur la ques-tion du parti, etc. Pour essayer d'y voir clair, le Cen-tre s'engage dans une période de bilan. La produc-tion du journal fut suspendue. De septembre 73 àaoût 74, une partie des militantes quittèrent indivi-duellement le Centre pour se diriger vers d'autrestypes de pratiques, sans que soit résolue la ques-tion de l'orientation et de l'avenir du Centre desfemmes, d'autres rédigent le bilan et publient ledernier Québécoises Deboutte ! pour le 8 mars 74.

Certaines d'entre elles vont constituer le Théâ-tre des cuisines. Les premières réunions de cegroupe se situent en décembre 73. Son but est defaire du théâtre de combat en traitant de l'exploi-tation des femmes en tant que ménagères, travail-leuses et femmes. Son premier spectacle sera pré-senté lors du 8 mars et porte principalement surl'avortement : Nous aurons les enfants que nousvoulons.

Le Centre des femmes participe à l'organisa-tion du 8 mars 74, conjointement avec des femmesdes syndicats (C.S.N., F.T.Q. et C.E.Q.), des gar-deries populaires et de l'ADDS. C'était la premièrefête d'envergure au Québec pour célébrer la jour-née internationale des femmes. Le thème était :« Ménagères, Travailleuses : même combat ! » 2000personnes de différentes régions de la province etde différents quartiers de Montréal étaient réuniesau sous-sol de l'église St-Édouard.

Les femmes du Centre des femmes présentè-rent leurs chansons, le Théâtre des cuisines, sapièce, d'autres interventions d'une Indienne, d'uneNoire, d'une Chilienne, ainsi que des femmes en

32F.Q.P.N., Présentation historique de la F.Q.P.N.,ronéotypé, 4 novembre 76.

* La Fédération québécoise a été mise sur pied par laFédération canadienne (FCPN) suite à la démissionde Serge Mongeau et à la désaffiliation du Centre deplanning en décembre 71 de la FCPN ; pour desmotifs politiques rattachés à la question nationale. LaFCPN a décidé de former une fédération pour le Qué-bec et d'y consacrer 52 500 $. Elle avait obtenu, aucours de cette année-là, un budget de 400 000 $ dugouvernement fédéral afin de mettre sur pied un pro-gramme en planning. La FQPN participe dès sa fon-dation à la Fédération canadienne mais deux obsta-cles majeurs rendront cette participation difficile : lebilinguisme et les conceptions différentes relatives auxnotions de planning des naissances et de contrôle dela population.

grève et de ménagères venues témoigner de leurlutte.

Au cours de ce même mois de mars, le Centredes femmes et des groupes qui avaient participéau Comité de défense de Morgentaler participentà la manifestation pour le droit aux garderies, con-tre le Plan Bacon.

De septembre 74 à mars 75, une nouvelleéquipe constituée de trois anciennes et cinq nou-velles femmes prend la relève du Centre, Ellesreprennent le bilan inachevé et, convaincues de lanécessité d'organiser la lutte pour l'avortement surune base plus large, elles regroupent autour decette question une trentaine de femmes. De ceregroupement est né le Comité de lutte pourl'avortement et la contraception libres et gratuits(CLACLG).. Tout de suite après, c'est la dissolu-tion du Centre des femmes. Deux des militantestravailleront à consolider le Comité de lutte tan-dis que d'autres, jugeant prématuré l'engagementdu Centre dans la lutte pour l'avortement et la con-traception mettront sur pied le Centre de docu-mentation féministe, en mai 75.

Le Centre des femmes a su organiser la luttesur l'avortement dans une perspective féministe

tout en la situant dans les luttes du peuple québé-cois contre toutes les formes de leur exploitation.S'inscrivant dans le même courant que le F.L.F.,il développe plus son féminisme. Il remet en causedes éléments du marxisme traditionnel tel que véhi-culé par la gauche dans de nombreux pays. Auniveau théorique, son principal apport sera de déve-lopper des éléments du marxisme autour du modede production domestique. Tout au cours de cettepériode, les féministes ont eu à subir le harcèle-ment et les attaques de la gauche organisée.D'abord subtilement puis plus vigoureusement àpartir de 75, c'est par exemple, le boycottage systé-matique que les militantes et militants des groupespolitiques actifs dans les groupes populaires ontmené contre la pièce du Théâtre des cuisines :Moman travaille pas a trop d'ouvrage qui développela problématique de la production domestique.

Si le mouvement de libération des femmes,dans la période de 1972 à 1975 apparaît, organi-sationnellement et idéologiquement, très centralisé,celui de la période de 1975 à 1980 se caractériseraplutôt par son pluralisme organisationnel etidéologique.

V I I - D e 1975 à 1980Enracinement ou récupérationdes luttes des femmes

Manifestation dans le cadre de la première journée internationale pour l'avortement, Montréal, le 31 mars1979. CLAUDINE KURTZMAN

Cette période commence avec l'Année interna-tionale de la femme. Durant ces cinq années lemouvement se diversifiera à un point tel qu'unepériodisation de l'ensemble du mouvement devientillusoire. Celle que nous avons adoptée renvoieessentiellement à des contingences pour la produc-tion de la première édition, fin 80.

7.1 La conjoncture économique etle travail des femmes33

Durant cette période, la crise économique s'ac-centue. L'inflation et le chômage grimpent ; celui-ci continue d'affecter plus particulièrement les fem-mes. En 77, le taux de chômage était de 11,5 %pour les femmes et de 9,6 % pour les hommes ; en78, de 13,8 % par rapport à 11,9 % pour les hom-mes. Il s'accroît chez les jeunes de 15 à 24 ans ets'accentue chez les hommes-chefs de famille de25 ans et plus.

Le nombre de femmes sur le marché du travaila continué d'augmenter : en 78, elles représentent44 % de la main-d'oeuvre active. Et il continue ày avoir augmentation selon les différents groupesd'âge : 70,6 % des femmes de 20 à 24 ans sontsur le marché du travail en 78 ; le pourcentage defemmes âgées de 25 à 34 ans passe de 47,7 % en75 à 55,5 % en 78 et pour ce qui est des femmesde 35 à 44 ans, leur participation sur le marché dutravail passe de 42,6 % en 75 à 51,6 % en 78 ; deplus on constate un accroissement du taux d'acti-vité des femmes mariées. Cette augmentation dutaux d'emploi des femmes s'explique par différentsfacteurs : augmentation du taux de scolarité, aug-mentation continue du nombre de femmes chefsde famille, endettement, chômage du conjoint,essor du secteur tertiaire, diminution du nombred'enfants, nécessité de deux salaires, désir d'in-dépendance économique des femmes.

En 78, les femmes occupent 78,3 % desemplois du secteur tertiaire où on assiste à uneféminisation toujours croissante des catégoriesd'emploi : « emploi de bureau », « vente » et « ser-vice » qui regroupent à elles seules, au Canada en1979, 62,6 % de la totalité de la main-d'oeuvre fémi-nine. On peut déjà par ailleurs prévoir que le sec-teur « emploi de bureau » subira fortement l'auto-matisation au cours de la prochaine décennie,entraînant un chômage important des femmes quiseront les premières mises à pied.

On assiste aussi à une augmentation du travailà temps partiel fait à 70 % par des femmes et l'onsait que ces emplois sont peu qualifiés, mal payés,que les conditions de travail sont presque toujoursinférieures et qu'ils offrent très peu de stabilité.

Quant aux salaires, en 75, les travailleuses, col-lectivement, retirent à peu près toujours la moitié

du salaire des travailleurs pris collectivement.89,4 % des femmes font moins de 10 000 $/annéeet 1,7 % font plus de 15 000 $. C'est à l'automnede cette année-là qu'au niveau fédéral et provin-cial, on passe des lois contrôlant les prix et surtoutles salaires. En 77, dans l'ensemble des secteursd'activités, 55,4 % des femmes touchaient unsalaire horaire inférieur à 5,01 $, alors que 74,7 %des hommes avaient un salaire supérieur à cettesomme. Les femmes fournissent les 3/4 du contin-gent des travailleurs au salaire minimum.

Les inégalités au niveau de l'emploi renvoientdonc à une augmentation de la ségrégationsexuelle selon les secteurs, à une formation ina-déquate des femmes, combinée à une déqualifica-tion de la scolarisation, aux pratiques discrimina-toires et à la faiblesse du taux de syndicalisation(en 76,34,2 % de la main-d'oeuvre active est syndi-quée, 36,5 % des hommes, 30 % des femmes sontsyndiquées).

Au cours de cette période, on assistera à unécrasement des revenus et des prestations34 : cou-pures d'assurance-chômage qui toucheront prin-cipalement la main-d'oeuvre féminine, immigranteet les jeunes ; coupures des allocations familialesfédérales en janvier 79 ; freinage de l'indexation del'aide sociale (plus nombreux sont les enfants, plusbasses sont les indexations) ; baisse des revenusde prestations des personnes âgées (de 71 à 77le nombre de personnes âgées vivant sous le seuilde la pauvreté passe de 56,4 % à 63,2 % et en 77,82 % des femmes retraitées vivent sous le seuil dela pauvreté); relèvement du taux d'intérêt impli-quant un accroissement du fardeau de la dette etdiminution de l'accès aux biens de consommation.

Dans un contexte économique pareil, ons'étonne peu des conclusions que tire une étudedu Conseil national du bien-être social en 7935 :trois adultes pauvres sur cinq sont des femmes ;une femme sur dix est incapable de faire vivre unefamille ; trois femmes sur quatre se retrouvent seu-les à subvenir à leurs besoins à un moment donnéde leur vie ; les veuves et autres femmes seulesdéjà mariées sont plus sujettes à la pauvreté ; 44 %des femmes chef de familles sont pauvres, contre34 % de célibataires qui vivent seules ; les femmesmariées vivant avec leur mari sont celles qui ris-quent le moins d'être pauvres ; grâce au travail del'épouse à l'extérieur les familles à faible revenupeuvent éviter la pauvreté.

33 CSF, Syndicalisation : droit à acquérir, outil à conqué-rir, 1981 , 275 p.

34 M. Désy, M. Ferland, B. Lévesque, Y. Vail lancourt, LaConjoncture au Québec au début des années 80, Éd.La Librairie socialiste de l'est du Québec, 1980, 200 p.

35 Le Devoir, 28 ju in 78.

On ne parle plus d'égalité des revenus mais dela pauvreté des femmes. Les effets de la crise éco-nomique sont décriés mais l'analyse des causesest absente des discours gouvernementaux.

Pendant cette période, le travail ménager con-tinue de rapporter à la collectivité (en 78, d'aprèsun rapport de Statistiques Canada, son évaluationest grimpée de 35 à 40 % du PNB et représente80 milliards de dollars)36. La crise économique n'af-fecte pas seulement les femmes travailleuses maisaussi les « conditions de travail » des ménagères.Car en période d'inflation, de diminutions des pres-tations et services sociaux, la crise veut dire pourles ménagères, plus de travail, plus de tensionsfamiliales et le renforcement de certains modes decontrôle social via la famille. Par ailleurs l'institu-tion familiale accuse encore les secousses dudivorce. 36 divorces pour 100 mariages en 75, celareprésente un peu plus que quatre fois le nombrede divorces en 69. 85,7 % de ces divorces sontdemandés par les femmes et à 67 % d'entre elles,la charge d'enfants est octroyée exclusivement. En76, 70 % des divorcées sont des assistées socia-les. Dans la même année, il y avait au Québec158 895 familles monoparentales dont 8 3 %avaient pour chef une femme. On évalue qu'en 80il y avait 200 000 familles monoparentales dont90 % avaient pour chef une femme et qu'à cettevitesse de croisière correspondant à 15 000 divor-ces par année, d'ici la fin du siècle, les familles àparent unique constitueront peut-être le tiers del'ensemble des familles québécoises. Enfin la criseveut aussi dire la détérioration considérable desconditions de vie, en particulier de l'habitat, lieu detravail des femmes.

7.2 La conjoncture politique,sociale et idéologique

En 76, c'est la fin du gouvernement Bourassa.Le P.Q. prend le pouvoir avec un programme pré-sentant des mesures social-démocrates dont plu-sieurs visaient les femmes. Il cherche à constituerun bloc social autour du projet de souveraineté-association en nouant toutes sortes d'alliances. Ilmarginalise une partie du mouvement syndical, ins-titutionnalise ses relations avec d'autres organisa-tions syndicales. Il délégitimise certaines organisa-tions populaires, soit en mettant sur pied ses pro-pres services (dans les secteurs du logement, dela consommation, de l'éducation populaire), soit enles intégrant à ses structures.

Avec l'arrivée du P.Q. au pouvoir, la crise poli-tique canadienne s'accentue et les femmes fontsouvent l'objet de marchandage politique entre lesdifférents tenants du pouvoir politique. À partir de79-80, la société québécoise est mobilisée et pola-

risée en bonne partie par les enjeux du référendumproposé par le gouvernement du P.Q. sur l'avenirconstitutionnel du Québec, qui s'est tenu en mai 80.

Le gouvernement du Parti québécois développedes pratiques et des discours politiques ambiguëset contradictoires selon les différentes classes etsecteurs sociaux à qui il s'adresse. Son énoncé depolitique économique : Bâtir le Québec reflète bienl'orientation de ses principales mesures économi-ques. Elles visent avant tout à conquérir la bour-geoisie québécoise petite et grande. Ses politiquessociales concernant le revenu, la santé, le loge-ment, les relations de travail, etc, sont toutesen deçà de celles de son programme. Elles chan-gent souvent quelques aspects et quelque fois amé-liorent les législations précédentes mais elles nemodifient en rien les rapports de force, les formesde l'exploitation et les inégalités sociales. Durantcette période on assiste à une détérioration et à unebureaucratisation des services sociaux et gouver-nementaux, alors que par rapport aux femmes, lapratique gouvernementale est spectaculaire. Plu-sieurs projets de lois, le soutien au développementdu Conseil du statut de la femme, le financementde plusieurs projets dont les colloques régionauxsur la violence faite aux femmes et enfin la créa-tion du poste de ministre d'État à la condition fémi-nine en 79 donnent au gouvernement une imagede promoteur des droits des femmes.

Le mouvement syndical qui avait espéré uneréforme en profondeur du Code du travail et unelégislation qui aurait facilité une syndicalisationmassive est rapidement mis devant l'évidence quele préjugé favorable du P.Q. à l'égard des travail-leurs fut une habile manoeuvre politique. Le mou-vement syndical doit se battre sur tous les frontset tenter de maintenir son autonomie par rapportau nouveau gouvernement. Il investira beaucoupd'énergies dans des débats sur la participation aux« Sommets économiques » lancés par le gouverne-ment et sur la question nationale. Les syndicats del'enseignement et le mouvement étudiant alors enréorganisation se heurte à une contre-réforme, lefront commun des employés de l'État connaît nom-bres de difficultés et se termine pour les ensei-gnants par une ignoble loi spéciale.

Sur le front des conditions de vie, les organisa-tions populaires vivent des difficultés internes énor-mes et doivent réagir aux politiques de l'État quiinstitutionnalise plusieurs champs d'intervention(consommation, services juridiques, etc.). De nou-velles revendications, luttes et organisations nais-sent dans le champ culturel et de l'environnement(écologie). Les populations autochtones se réorga-nisent et font connaître leurs revendications.

36 Le Devoir, 2 octobre 79.

Sans commentaires ! RACHEL BÉLISLE

Enfin, au cours de cette période, le courant« ML » devient dominant dans la gauche. Les prin-cipales conséquences sont premièrement leur ten-tative de soumettre ou de liquider les organi-sations de masse, deuxièmement d'accentuer lesdivisions au sein de la gauche et troisièmementd'accentuer l'abandon ou le recul de la questionnationale dans le mouvement ouvrier et populaire,quatrièmement d'accentuer le terrorisme verbal etpsychologique à l'endroit des groupes de femmeset du féminisme.

Plus tard, dans la gauche (77-79) des militantset des militantes en rupture avec le « MLisme »amorceront une critique du courant « ML » et défen-dront l'autonomie des organisations populaires etsyndicales. Ce courant encouragera la reprise enmain dans le mouvement syndical de la questionnationale et de l'action politique autonome. C'estune période de repli, de défensive des mouvementssociaux.

7.3 Contexte général dumouvement des femmes

Le mouvement des femmes de 75 à 80 prendune ampleur considérable et se diversifie. La con-dition féminine devient un thème « à la mode » dansla foulée de l'immense propagande entourant l'An-née internationale de la femme (AIF) patronnée parl'O.N.U. Plusieurs organisations se préparent aucongrès de Mexico, envoient des déléguées et sen-sibilisent la population à la lutte des femmes pourl'égalité. Dans la foulée de l'Année (AIF), le gou-vernement québécois et les institutions politiquessont pressés de concéder un certain nombre deréformes. Le gouvernement du P.Q. met en chan-tier plusieurs projets de loi, commissions d'étude,consultations, etc., s'adressant plus particulière-ment aux femmes. Les principales législations sontl'ordonnance 17 sur les congés de maternité, la loi126 sur les normes de travail, la loi 77 sur les ser-vices de garde et enfin la loi 89 passée à la vapeurle 19 décembre 80 sur la réforme du Code civil, tou-tes ces lois sont très en deçà des promesses gou-vernementales, du programme du P.Q. et des exi-gences du CSF ou des organisations de femmes.Cependant elles ont exigé une énergie considéra-ble en études, consultations, rédactions de mémoi-res, conférences de presse. Une partie du mouve-ment des femmes est donc sans cesse interpeléepar les initiatives gouvernementales ou par l'actiondébordante de sa propre création : le CSF. Fin 78,le CSF publie son « manifeste », Pour les Qué-bécoises : égalité et indépendance qui fait cou-ler beaucoup d'encre. Le CSF mène en 79-80une large campagne contre le sexisme, publie unbulletin mensuel : La Gazette des femmes. Il inter-vient sur l'ensemble des sujets concernant les fem-mes. Le gouvernement via différents ministèressubventionne des projets ambitieux menés par desorganismes se situant dans une perspectiveréformiste.

Les femmes sont aussi un enjeu dans le débatpolitique entourant le référendum. Elles font l'ob-jet d'une vaste campagne de charme. Le phéno-mène des « Yvettes » n'est pas indépendant de lacapitalisation d'une partie des classes dominantesà partir de la conscience des femmes de leuroppression. Quelques groupes autonomes réagi-ront à l'opération et participeront d'un point de vueféministe au débat dans le cadre de la campagnedu « oui critique » intervenant par le fait dans lechamp politique national.

Le développement du féminisme ailleurs (Italie,France, États-Unis...) donnera des élémentsd'analyse et de problématique aux femmes. Avecle journal Les Têtes de pioche (LTP) un nouveau

courant devient important : le féminisme radical *qui est en rupture avec le féminisme dominant dansles périodes précédentes.

Le Comité de lutte (C.L.A.C.L.G.) poursuit lalutte pour l'avortement et permet la jonction denombreux groupes, c'est la création de la Coordi-nation nationale (en 78). La lutte contre la violencefaite aux femmes se développe et prend de plusen plus d'importance. Avec des subventions dugouvernement, de nombreux groupes offrant desservices aux femmes voient le jour. On assiste éga-lement, à partir de 75 à la création de nombreuxcomités-femmes dans les Cégeps et les universi-tés. C'est enfin aussi une période de dispersion oùcertains groupes meurent d'épuisement.

Le dogmatisme de la gauche politique auracomme conséquence d'accentuer la démarcationdes groupes de femmes face à une conceptionorthodoxe du marxisme. Les groupes issus plus oumoins directement du Centre des femmes,C.L.A.C.L.G., Théâtre des cuisines, Centre desanté des femmes du quartier plateau Mont-Royal), Les Éditions du remue-ménage, Centrede documentation féministe continueront de tra-vailler dans une perspective de classe mais defaçon autonome, sans lien avec les organisationspolitiques de gauche.

Progressivement au cours de cette période,l'ensemble des mouvements sociaux, des institu-tions et des couches sociales seront traversés parles idées et les problématiques du mouvement desfemmes. En retour le mouvement sera de plus enplus interrogé et confronté de l'extérieur.

7.4 Les comités de condition fémininedes centrales syndicales

À la F.T.Q.

Lors du congrès de 75, un document : Le Com-bat syndical et les femmes était présenté par ladirection de la F.T.Q. ; l'assemblée des militantesavait été associée à la rédaction de ce document.Par la suite le fonctionnement du comité, qui com-prenait environ dix militantes, sera officialisé.

Le comité présentera une rapport de « fonction-nement » au Bureau de la F.T.Q. (exécutif) à la veilledu congrès de 77. Compte tenu des discussionsque le contenu du rapport a entraînées, le Bureaua conclu qu'il était prématuré de soumettre au con-grès l'ensemble du rapport ; il résolut plutôt d'inté-grer une partie du rapport à celui du secrétaire-général. Le rapport portait principalement sur la dif-ficulté pour le Comité de jouer son rôle, à savoirencadrer les activités de la centrale et des syndi-cats affiliés sur la condition féminine, compte tenu

du peu d'activités concrètes menées à la F.T.Q. etdans les syndicats et conseils du travail sur lesdroits des femmes. Ce rapport faisait ressortir lefossé entre les positions officielles de l'organismeet la réalité du fonctionnement quotidien. Pour faireface à ce problème, une série de mesures visantà une plus grande interaction entre les instancesde direction de la F.T.Q. (Bureau et Conseil géné-ral) et le Comité furent prises.

Cela devait permettre au Comité de sortir deson isolement et de sa marginalité relative. C'estaussi lors de ce congrès que se fit véritablementle débat sur le droit à l'avortement libre et gratuit :une majorité de délégués se prononcèrent enfaveur de cette revendication.

Notons que le Comité de condition fémininene comptait sur aucune permanence ni personnelsalarié, situation qui prévaut encore, bien que despermanents et permanentes soient de temps àautres affectés à la condition féminine. Durant l'an-née 78, le Comité composé alors d'une quinzainede militantes, mit l'accent sur l'intégration de laquestion des femmes à la formation syndicale. L'oninitia à la F.T.Q. un cours sur le congé de maternité.

L'année 78-79 fut occupée à la préparation d'uncolloque pour les membres de la F.T.Q. portant surdifférents aspects qui touchent les femmes travail-leuses et syndiquées de la F.T.Q. et à la célébra-tion du 8 mars. Un dossier très complet fut préparépar le personnel de la F.T.Q., ce dernier encadrépar les membres du comité. Le colloque tenu àMontréal le 30 septembre, 1 et 2 octobre 79 sousle thème « Une double exploitation...une seulelutte » a témoigné de l'immense intérêt que pré-sente la question de la lutte des femmes auprèsdes femmes de la F.T.Q. et de la préoccupationaccrue des syndicats pour cette question. 500 per-sonnes dont 25 % d'hommes étaient présentscomme délégués officiels des syndicats et des con-seils du travail. Suite au travail en commissions plu-sieurs recommandations ont été adoptées commeautant de balises pour l'élaboration d'une politiquegénérale de la centrale sur la condition féminine.Toutefois, ces recommandations ne pouvaient êtreconsidérées comme représentatives des opinionset des volontés des affiliés, étant donné que les 2/3

* Ce courant identifie le système patriarcal comme lefondement de l'oppression des femmes et considèreque cette oppression est antérieure à toutes lesautres, par exemple à l'oppression de classe. L'op-pression des femmes est l'oppression fondamentaleet elle est rattachée à leurs fonctions reproductrices.Les rapports hommes/femmes inspirés par la culturepatriarcale sont universels et existent dans tous lessystèmes économiques et politiques depuis dessiècles.

des participants au colloque provenaient du sec-teur public contre le 1/3 des syndicats du privé (prin-cipalement des industries et du commerce) ; soitla proportion inversée par rapport à celle du mem-bership de la centrale. De plus, les caractèresanalytiques et techniques du document de travailn'ont pas permis une appropriation réelle pour plu-sieurs des participants (et principalement pour lesmoins scolarisés). C'est malgré tout sur les posi-tions antérieures officielles de la centrale, telles querevues, discutées et enrichies par les délégués offi-ciels du colloque que sont fondés les énoncés dela Déclaration de principe de la F. T.Q. votée lorsdu 16e congrès en novembre 79. Celle-ci présentel'orientation de la centrale, ses revendications etses objectifs : 1) le droit des femmes au travailsocial * ; 2) la maternité et les droits parentaux ;3) les garderies ; 4) la lutte contre les discrimina-tions au niveau du travail et au niveau légal ; 5) laparticipation des femmes à la vie syndicale.

Cette politique générale est à la fois un refletde l'énorme chemin parcouru depuis 73, mais ausside l'ampleur du travail à abattre. Dans les syndi-cats locaux « il commence à se passer quelquechose » au niveau de la négociation collective (surla clause de maternité principalement).

Fin 80, des Comités se forment dans les syndi-cats (les Unions) et les sections locales, mention-nons l'existence d'un comité au SCFP (Syndicatcanadien de la fonction publique), au TUA (Travail-leurs unis de l'automobile) et à l'Union desemployés de commerce. Trois conseils du travail(Montréal, Québec, Estrie) ont un comité, d'autressont en voie de formation.

Le Comité s'est donné un programme de tra-vail pour 80-81 qui se veut concret et collé auxbesoins et aux réalités des syndicats et des syndi-quées. Cela est rendu possible entre autres, parcequ'il est plus représentatif; il est composé de 20militantes représentant à peu près tous les secteursde la F.T.Q. Ses axes de travail sont : 1) la santéet la sécurité au travail : il s'agit d'élaborer un pro-gramme de sensibilisation et éventuellement de for-mation sur cette question, avec l'éventualité d'uncolloque ; 2) la formation syndicale : trouver lesmoyens de faire participer les femmes à la vie syndi-cale ; 3) la syndicalisation des secteurs fémininsd'emploi : élaborer, conjointement avec la F.T.Q.un programme ; 4) la constitution et consolidationde comités de condition féminine : produire unguide pour le fonctionnement des comités; 5) lacélébration du « 8 mars » : préparation d'activitéssur les lieux de travail.

De plus mentionnons que de 1974 à 1979, leComité de condition féminine a préparé active-ment le 8 mars avec les deux autres centrales. Mal-gré l'adhésion officielle de la centrale au Comitéinter-centrales de la Condition féminine (CIC) en

1977 et la recommandation du colloque de 79 à l'ef-fet de maintenir la participation de la F.T.Q. à cecomité, la F.T.Q. n'a participé ni au travail de pré-paration du « 8 mars » 80, ni aux « États Géné-raux ». Officiellement, la participation de la F.T.Q.au CIC n'est par remise en cause mais des diver-gences provenant principalement du maraudageentre les centrales F.T.Q. et C.S.N. expliquent ce« retrait temporaire ».

Le Comité de condition féminine de la F. T.Q.a des perspectives claires et ses capacités derejoindre les syndicats sont meilleures. De plus l'in-térêt et la préoccupation ont grandi à la F.T.Q.durant ces sept ans de travail.

A la C.E.Q.

L'année 75, année de la négociation, le ComitéLaure-Gaudreault et l'équipe-conseil des femmesà la négociation ne cessèrent de réclamer que laC.E.Q. fasse des revendications spécifiques auxfemmes une véritable priorité. Leur participation àla négociation permit une plus grande intégrationaux structures de la centrale et de connaître lesalliés et les résistances pour la lutte des femmesà la C.E.Q.

De 1976 à 1978, deux documents sont produits :l'un sur les stéréotypes sexistes : Les Stéréotypessexistes dans l'éducation (CEQ, A76C04) provoquedes débats au sein de la centrale sur l'orientationdu comité et le spécifique de la lutte des femmes ;l'autre, sur la participation des femmes au syndi-calisme : Les absentes n'ont pas tous les torts...(CEQ, D7283). Le congrès de 76 élargit les man-dats du comité dans le sens de la préoccupationpour l'éducation sexuelle, la contraception et l'avor-tement, l'éducation syndicale et politique.

La période de 78-80 en fut une d'interventiondans la négociation, de poursuite du travaild'analyse, d'organisation d'un réseau de militan-tes à la condition féminine et d'ouverture à de nou-velles solidarités à l'extérieur de la centrale (ex. :États Généraux). Au Congrès de 80, le Comité pro-posait une articulation de l'ensemble des mandatset des luttes à mener autour du thème : « Droit réeldes femmes au travail social » qui devait devenirle centre, le noyau organisateur de l'ensemble dutravail à faire et exigeait que le thème de la luttedes femmes fasse partie intégrante des débats ducongrès d'orientation.

* Par travail social, on désignait le travail reconnucomme tel par la société, c'est-à-dire rémunéré. Cettenotion visait à montrer la particularité du travail sala-rié (celui qui est reconnu socialement) alors que le tra-vail ménager n'est pas reconnu socialement, il estgratuit.

Le Comité Laure-Gaudreault a vécu de 1973à 76 des problèmes aigus, de reconnaissanceréelle, de participation et d'intégration à la struc-ture de la C.E.Q. et aux préoccupations et plans

"d'action des affiliés. Avec son introduction dans lanégociation, la situation a changé et le caractèremarginal du comité et de la lutte des femmes s'estbeaucoup atténué. Il demeure que l'intégration,dans la centrale et surtout auprès des affiliés, dela lutte des femmes et du comité est encore unenjeu important.

Si, bon an mal an, une soixantaine de militan-tes ont participé aux activités nationales de la cen-trale et qu'une cinquantaine de comités locaux exis-

ta ient , il demeure que l'ensemble des syndicats etdes syndiqués n'ont pas encore intégré cette préoc-cupation de façon satisfaisante. Aussi, l'implanta-tion d'un réseau de comités est-il la priorité cons-tante du Comité. Le bilan des comités locaux révèleles problèmes suivants : — difficulté de recrute-ment ; — reconnaissance par les structures ; — dif-ficulté de définir des priorités et d'articuler réflexionet action ; — assurer une relève (roulementimportant).

D'où, pour le Comité, priorité sur la consolida-tion interne dans la C.E.Q. (autant organisationnellequ'idéologique), ce qui passe en outre par une meil-

l e u r e formation syndicale et politique des membreset la mise sur pied de comités dans les regroupe-ments sectoriels de la centrale (soutien,professionnels...).

Le Comité continuera d'élargir le champ de sesinterventions et de ses solidarités en privilégiant leComité Inter-Centrales et en donnant suite auxÉtats Généraux. Il est intéressé à développer desliens avec des groupes de femmes syndiquées ounon au Québec et ailleurs. Le Comité est conscientde la nécessité d'articuler les revendications, de les« massifier » dans la société québécoise et de lut-ter contre la récupération des luttes des femmes.Afin de mieux signifier ce qu'il veut être, il a changéde nom: Comité C.E.Q. de la condition desfemmes.

À la CSN

L'analyse et les recommandations du Comité

ont été adoptées par le congrès de 76 qui précisele mandat du comité. Celui-ci comprend principa-lement la diffusion du document, la mise sur piedde comités de condition féminine dans les syndi-cats, les fédérations et conseils centraux et la misesur pied d'activités de formation.

Lors du 49e congrès, en juin 78, un 2e rapportportant le titre La Lutte des femmes : pour le droitau travail social étudie plus particulièrement lesaspects concrets de la lutte des femmes dans lemouvement syndical et les acquis du comité de lacondition féminine de la C.S.N. soit : 1) la sensibi-lisation à l'oppression des femmes à partir du docu-ment du congrès de 76 (diffusé en 15 000 exem-plaires) ; 2) la mise sur pied de comités de condi-tion féminine dans huit conseils centraux et descélébrations du 8 mars (C'est à l'automne 77 quese constituait officiellement le Comité Inter-Centrales de la condition féminine (CIC), suiteaux efforts des militantes des comités de conditionféminine des trois centrales, ce qui amplifiera lacélébration du 8 mars).

Le congrès de 78 entérinait les recommanda-tions du Comité qui aura une permanente et unesecrétaire à plein temps. Depuis, l'action du comitéa pris de l'ampleur ; 1) la tenue de sessions de for-mation au niveau national sur les quatre grandesrevendications de la C.S.N. : congé de maternité,salaire égal pour un travail de valeur égale, réseaupublic et gratuit de garderies contrôlé par les usa-gers, droit à la contraception et à l'avortement libreset gratuits : 2) la participation au CIC et aux célé-brations du 8 mars, l'organisation avec la C.E.Q.des États Généraux des travailleuses salariées,en mars et en novembre 79 ; 3) la préparation avecd'autres groupes d'un document sur la syndicali-sation des femmes ; 4) la participation aux struc-tures du Front commun du secteur public et para-public pour la négociation des clauses de congésparentaux en particulier; 5) l'alimentation et sup-port aux comités de condition féminine existantdans les conseils centraux et les fédérations ; 6) larédaction de mémoires et étude des projets de loiconcernant les femmes.

RAYMONDE LAMOTHE

Fin 80, trois conseils centraux (Montréal, Qué-bec, Joliette) ont des comités de condition fémi-nine ainsi que quelques fédérations (Affaires socia-les, services publics, enseignants). Des réunionsde coordination permettent de faire le point sur ladynamique des différents comités existants dansles conseils centraux. Le Comité compte quinzemilitantes (10 syndiquées et 5 employées) qui nereprésentent cependant pas tout à fait les effectifsde la centrale. Il tente de concrétiser son action ens'attaquant par exemple au travail sur les clausesdiscriminatoires dans les conventions collectives etau difficile dossier de la syndicalisation desfemmes.

Le Comité demeure sensible à la nécessité desoutenir et de participer aux luttes des autres grou-pes de femmes et cherche à poursuivre la démar-che amorcée par les États Généraux. Il est toute-fois conscient que les revendications de la C.S.N.doivent s'ancrer davantage parmi les membres etque cela passe par la multiplication de comitélocaux de condition féminine. De plus, si sa placen'est plus à conquérir dans la centrale, ses reven-dications elles, ont encore à se transcrire dans lespréoccupations et les débats du mouvement afinqu'elles ne demeurent pas une chasse gardée.

7.5 Les organisations féminines

Malgré des changements importants dans lasociété québécoise et l'émergence d'un nouveauféminisme, les grandes aspirations nées durant ladécennie précédente se maintiennent avec beau-coup de vigueur et s'adaptent aux nouvellesconjonctures.

7.5.1 La F. F. Q.

La Fédération des femmes du Québec a pour-suivi son travail de lobbying et de rédaction demémoire à l'intention des différents paliers et ins-titutions gouvernementales. Cependant à partir de76, elle ajoute de nouvelles préoccupations soit :l'élimination des stéréotypes sexistes (mémoire,études et colloque 79), les congés de maternité etles garderies, la « femme et l'économie » et « lafemme et la politique » (mémoire sur les femmeset la constitution en 1980). Elle a offert des coursde formation au leadership, des cours d'initiationà la vie politique, des cours sur la planification etl'administration du budget familial. Depuis l'Annéeinternationale de la femme, la FFQ accueille desvisiteuses étrangères d'organismes féminins et aparticipé à la Conférence des Nations-Unies àCopenhague en 80. La FFQ comptait en 80 prèsde 40 associations membres, des membres indivi-

duels réunis dans six conseils régionaux soit envi-ron 130 000 membres.

7.5.2 L'AFEAS

L'AFEAS est perméable aux changements del'ensemble de la société. Son discours se radica-lise, ses revendications aussi. Elle présente plu-sieurs mémoires au gouvernement. Elle publie un»revue mensuelle et mène une importante recher-che démontrant la nécessité de la reconnaissance"du statut des « femmes collaboratrices » publié en1976 qui stimulera la naissance d'une organisationEn 78, elle publie : « Pendant que les hommes tra-vaillaient, les femmes elles... ». En 80, l'AFEAScomptait 35 000 membres réparties dans 600 cer-des et regroupés en 13 régions.

7.6 Du côté des groupes autonomes

7.6.1 Les luttes pour l'avortement37

Le 25 mars 75, la Cour suprême déclare Mor-gentaler coupable. Celui-ci est incarcéré au prin-temps. L'Association canadienne pour l'abrogationde la loi contre l'avortement (ACALA) organise àMontréal une manifestation d'environ 500 person-nes pour exiger sa libération. En mai, c'est le débutdu deuxième procès Morgentaler. Une deuxièmefois, il est déclaré non-coupable par le jury. La Cou-ronne va en appel, mais l'acquittement est main-tenu. Entre temps, Morgentaler est toujours enprison.

Le 25 juin 75, la police de Montréal perquisi-tionne le local du Comité de lutte et détient illéga-lement cinq militantes pour les interroger. Encoreune fois, le local est vidé. En janvier 76, suite auverdict de la Cour d'appel, le ministre fédéral dela Justice se voit obligé d'ordonner la tenue d'unnouveau procès dans le cas de la première accu-sation. Morgentaler est remis en liberté provisoire.En septembre 76, on recommence le premier pro-cès. Une fois de plus Morgentaler est acquitté parle jury. Cette fois, il est évident que le gouverne-ment québécois devra abandonner les poursuites,mais comme on est à la veille des élections pro-vinciales, les libéraux ne font aucune déclarationen ce sens. En décembre, le Parti québécois main-tenant au pouvoir laisse tomber les poursuites. Leministre de la Justice déclare également qu'il n'en-tend pas poursuivre d'autres médecins dans une

37 Carole Vallières, « Le Comité de lutte et ses prédé-cesseurs : presque 10 ans d'histoire », in : Des lutteset des rires de femmes, vol. 2 n°2, déc. 78 et janv. 79.

situation analogue. Particulièrement dans lesgrands centres, c'est la reprise immédiate d'un flo-rissant réseau d'avortements « illégaux » mais tolé-rés par le gouvernement. Les médecins demandenten moyenne 200 $ à 300 $ aux femmes. Évidem-ment ces profits ne sont pas déclarés à l'impôt(l'avortement par aspiration pratiqué par ces méde-cins est une intervention qui dure en moyenne 15minutes).

Répondant à la volonté de resserrement desgroupes, de formation et de clarification idéologi-que, à l'automne 75 se forme l'Intergroupe, cons-titué du Comité de lutte, des Éditions du Remue-Ménage, du Centre de santé des femmes duquartier et du Théâtre des cuisines. On yéchange, on y organise des sessions d'auto-formation, on se solidarise. Le Comité de lutte vitune crise interne due aux interventions des militan-tes qui participaient à des cercles de lecture « ML ».Elle se solde par l'expulsion en novembre de cinqmilitantes dont deux se joignent à la Ligue Com-muniste M-L du Canada. En mars 77, paraît leurriposte : Contre le féminisme ! lions la lutte pour nosdroits à la lutte pour le socialisme. L'expérience del'Intergroupe dure jusqu'à l'automne 77.

Le début de 77 sera une période de ré-orientation. Du peu de femmes qui restent, jaillit unevolonté ferme pour élargir la lutte et lui donner desperspectives. Le 8 mars 77, à l'instigation duComité de lutte (CLACLG), des représentantes de25 groupes de femmes tiennent une conférence depresse au Parlement de Québec, à l'ouverture dela session. Elles déposent auprès du gouvernementun manifeste intitulé : Nous aurons les enfants quenous voulons et annoncent une manifestation pourle 2 avril. À cette date, 2000 personnes manifes-tent malgré le froid et la grêle, pour l'avortementlibre et gratuit. Le manifeste qui a précédé la mani-festation se veut une plate-forme minimale pour ral-lier largement. C'est le premier texte, la premièremanifestation qui rallie les groupes de femmes surla question précise de l'avortement : c'est unmoment historique.

Au printemps 77, au congrès du Parti québé-cois, des militantes péquistes font adopter au con-grès une résolution en faveur de l'avortement maisle Premier ministre et l'exécutif du parti déclarentne pas se sentir liés par cette résolution. Le 26 sep-tembre suivant, sera formé le Comité de conditionféminine du P.Q. qui deviendra membre de laCoordination nationale. Le Comité de conditionféminine du P.Q. développera un travail de forma-tion auprès des militantes et défendra les revendi-cations des femmes à l'intérieur du Parti.

Suite à la manifestation, le Comité de lutte s'estrégénéré ; il s'élargit. Les militantes développentune proposition de création d'un front de lutte pourélargir et décentraliser les services de référence.

À nous de décider », 7 mars 1980. LA PRESSE

Elle sera présentée de même que les derniers docu-ments produits : C'est à nous de décider, Dossieravortement-référence et aspect technique de l'avor-tement et de la référence lors des Assises natio-nales sur l'avortement que le Comité organise le28 et 29 janvier 78. On y forme la Coordinationnationale pour l'avortement libre et gratuit(CNALG) dont le Comité de lutte a été le pivotjusqu'à sa dissolution au printemps 80. L'équipedu Comité de lutte jugeait qu'elle ne donnait plusle service essentiel qu'elle rendait auparavant alors

que l'information sur les services de référencen'était pas diffusée. La question du manque de fondet celle de la fatigue de l'équipe sont aussi inter-venues comme des facteurs importants dans ladécision de dissoudre le Comité.

La Coordination nationale a organisé : 1) les30 septembre et 1er octobre 78 : Colloque avec 18groupes sur la position à prendre face aux cliniquesLazure et adoption de la plateforme ; 2) du 17 au22 avril 78 : Semaine d'Action nationale avec unemanifestation à Québec (1000 personnes) ; 3) le 31mars 79 : Manifestation de 2500 personnes à Mon-tréal dans le cadre de la 1re journée internationalepour l'avortement fêtée dans 37 pays.

En mai 79, elle publie un bulletin de liaison etamorce un travail d'enquête sur l'implantation descliniques Lazure. En juin 79, pour dénoncer le mee-ting organisé par l'Association des médecins pourle respect de la vie, la Coordination nationale faitpublier dans les journaux les noms de plus de centfemmes ayant accepté de soutenir publiquementle droit des femmes à disposer d'elles-mêmes *.

Alors que les associations de planning voyaientà ce moment leurs subventions réduites de 65 %,le ministère du Bien-être social et de la Santé avaitaccordé à l'Association des médecins, membre duFront commun pour le respect de la vie (FCRV/Pro-Vie) une subvention pour organiser la fête du 9 juin.Le ministère lui avait aussi fourni les noms et adres-ses des enfants nés le 9 juin 74.

La nuit précédant la fête, un groupe autonome,la cellule Bobinette, avait placardé dans différentssecteurs de la ville un tract dénonçant Pro-Vie : « Lemépris n'aura qu'un temps... » En 78, la veille d'unrassemblement de Pro-Vie à l'Oratoire Saint-Joseph, la cellule Emma Jobin avait peinturé desinscriptions sur les murs de la basilique.

Un nouveau colloque est organisé en octobre79. Au printemps 80, se tient une conférence depresse sur les résultats de l'enquête et à l'automne,sont publiés les résultats aux Editions du Remue-Ménage : L'Avortement : la résistance tranquille dupouvoir hospitalier.

Aux revendications menées par le Comité delutte, la Coordination nationale ajoute les reven-dications suivantes : la désexualisation des tâches,l'égalité à tous les emplois, et un salaire égal pourun travail d'égale valeur, le droit à une école publi-que et laïque sans discrimination et la suppressionde toute forme de violence oppressive et répres-sive sous forme verbale ou physique.

7.6.2 Pratiques dans le domaine de la santé

Le Centre de santé des femmes du quartierPlateau Mont-Royal ouvre ses portes en septem-bre 75 afin d'offrir un service de santé en méde-

cine générale et principalement en gynécologie etcontraception pour les femmes du quartier. Aucours de l'année 78, il met sur pied des structuresdémocratiques dont une Assemblée générale com-posée des usagères et usagers. À cette période,ses activités principales sont de donner un servicemédical, d'intervenir dans le quartier et d'appuyerdes luttes. À l'Assemblée générale d'avril, il est votéun appui à la lutte pour l'avortement38. En février80, lors de la troisième Assemblée générale, le Cen-tre adopte les structures et les objectifs qu'il aencore actuellement **. Il organise des soirées d'in-formation ouvertes aux femmes et aux hommes sur« les femmes et la santé mentale » et « la sexualitéet la santé ». Il organise de plus des groupes derencontres réservés aux femmes qui portent sur ladépression, le vécu sexuel et la situation de chefsde famille. Le Centre est membre de la Coordina-tion nationale.

Le Collectif d'Auto-Santé des femmes39

(fermé en 77 et maintenant disparu), s'était recons-titué en mars 78. Les femmes du Collectif s'étaientdonnées comme but de faciliter l'autonomie indi-viduelle de toutes les femmes par la réappropria-tion de leurs corps : « se réapproprier nos corps,tout passe par le corps, c'est dans ces termes qu'onpeut parler de l'oppression spécifique desfemmes40 ». Dans ce sens, elles dénonçaient lecontrôle de l'État sur la santé des femmes, demême que le professionnalisme sexiste des méde-cins. Leurs pratiques se développaient dans le sensde la reprise par les femmes de leur rôle de gué-risseuses. Le Collectif offrait des services d'infor-mation sur la contraception, la sexualité, l'auto-diagnostic des infections vaginales, l'alimentationnaturelle et des références sur les soins médicauxexistants. Il organisait des ateliers à partir des thè-

38 Texte de présentat ion du Centre de santé des fem-mes du quart ier, été 78.

39 Pluri-Elles, vo l . 1 n ° 4 (fév.-mars 78) et Des luttes etdes rires de femmes, vo l . 2 n ° 2 (déc. 78)

40 Têtes de pioche, vo l . 3 n ° 3 .* Ce meet ing, tenu à Montréal dans le cadre de l 'An-

née internationale de l 'enfant, avait pour thème : « lafête.. . Laissez venir l 'enfant... fêtons-le ! »

** II vise 1) la prise en charge par les f emmes de leursanté, 2) à offrir un service de médec ine générale leplus diversif ié possible selon les besoins des usagè-res et les possibi l i tés du Centre, 3) à développer untravail d ' in format ion sur la santé et de conscient isa-t ion sur les condi t ions de vie et de travail des fem-mes. Il lutte pour le droit des femmes à une mater-nité l ibrement choisie, part icul ièrement pour la con-tracept ion et l 'avortement l ibres et gratuits. Le Cen-tre appuie tous ceux et cel les qui luttent pour leursdroits démocrat iques et contre la détér iorat ion deleurs condi t ions de vie et de travai l .

mes suivants : « femmes et grossesse », « auto-massage », « corps et émotion », « auto-exa-men des seins et du col de l'utérus », « rela-tion », « prévention des maladies cardiaques »,« santé-maladie-environnement », « remèdes alter-natifs ». Le Collectif a participé à la journée desfemmes du 11 mars 78 où il anime l'atelier « auto-santé ».

Enfin, il ne faudrait pas oublier les Groupes dethérapie féministe ; certains sont nés à partir depratiques de soutien que le Centre d'aide aux vic-times du viol avait développées pour aider les fem-mes agressées à surmonter les crises et difficul-tés de tout ordre, provoquées par le viol. Deuxpsychologues produisent un vidéo : « Va te faire soi-gner, t'es malade » qui passe au crible le sexismede la psychologie et des thérapeutes.

Différents groupes se créent aussi pour unereprise en main par les femmes de leur grossesseet de leur maternité. On revendique entre autres,la légalisation des sages-femmes et la démédica-lisation de l'accouchement.

7.6.3 Des services

Le Centre d'information et de référence pourfemmes (CIRF) poursuit son travail et l'élargit. Ilpublie un bulletin mensuel à 3000 exemplaires etune fois l'an, il produit un annuaire sur les grou-pes et les services pour les femmes : Les Pagesjaunes. Il développe les différents services du pro-gramme d'aide aux immigrantes et à leur famille,un service d'informations juridiques, un serviced'orientation professionnelle collectif et individuelet un autre d'aide aux consommatrices. Le CIRFstimulera la mise sur pied du Centre d'aide auxvictimes du viol (CAVV).

Le Centre de la femme nouvelle41 qui n'existeplus aujourd'hui est né en janvier 75, il avait béné-ficié, pour une période de trois ans, d'une sub-vention annuelle du ministère fédéral de la Santéet du Bien-être. Constatant que les femmes quicherchaient à obtenir de l'information ou desconseils juridiques, à se renseigner sur les moyenscontraceptifs et l'avortement, à se recycler ouà se trouver une identité sociale par une thé-rapie, manquaient de ressources adéquates, lestravailleuses du Centre ont mis sur pied diffé-rents services destinés à combler les lacunes. Lesservices déjà offerts l'étaient de façon condescen-dante et de plus orientés vers le modèle de lafemme socialement intégrée, soumise et dépen-dante. Le travail comportait trois aspects (service,éducation et développement des ressources) quise retrouvaient, en 77, dans les activités suivantes :Centre Refuge pour les femmes battues, Union desfemmes seules chefs de famille, référence et infor-

mation sur l'avortement et la contraception, clini-que légale.

La Coopérative d'auto-divorce a été misesur pied par les avocates du Collectif d'ani-mation et d'information juridique 42. Ce Collec-tif maintient le service d'auto-divorce collectif autre-fois offert par le Centre de la femme nouvelle.D'abord dispensée aux femmes seulement, unesession de sept cours donnés à raison d'un soir parsemaine, permet à toute personne qui satisfait auxexigences posées par la loi pour l'obtention d'undivorce (adultère ou homosexualité avoués, non-cohabitation ou long emprisonnement du conjoint)d'apprendre à préparer ses propres procéduresjudiciaires à la condition qu'elle envisage avec sonconjoint de conclure par écrit une entente concer-nant ses droits. « L'aspirante-divorcée » ne risquealors pas d'échec dans la plaidoirie de sa requête.Si on n'échappe pas au processus accusatoiredans la rédaction de la requête, durant les courson encourage le dépassement du drame conjugal.Un échange de connaissances théoriques et per-sonnelles entraîne une réflexion critique globale au-delà de la réalité individuelle, et la dimension col-lective de cette démarche critique rompt avec l'iso-lement dans lequel le mariage maintient les fem-mes. Comme les « aspirantes-divorcées » assumentla totalité de la démarche, depuis la discussion col-lective jusqu'à la plaidoirie devant le juge, ellesassument la rupture. Développant leurs connais-sances et leur autonomie, elles se sentent déjà plusà l'aise à l'occasion d'autres démarches légales (àla Cour des petites créances ou à la Régie desloyers, par exemple).

7.6.4 Les luttes contre le viol et la violence

À l'été 74 le Centre d'information et de réfé-rence pour femmes (CIRF) organise une rencon-tre de femmes car il reçoit beaucoup de plaintesde viol. Il reçoit une subvention de Centraide, cequi permet l'ouverture du Centre d'aide aux vic-times du viol (CAVV)43 en janvier 75. Étant donnél'ampleur du travail, les énergies s'épuisent vite.De plus, des tensions se développèrent entre lesanglophones et les francophones et des divergen-ces apparurent quant à la conception du travail àfaire entre les féministes radicales et les autresféministes du Centre. Malgré ces difficultés aux-quelles s'est ajoutée celle du roulement, il y avait

41 Pluri-Elles, vol . 1 n ° 1 (juin 77).42 Des luttes et des rires de femmes, vol . 3 n ° 4 , avri l-

mai 80.43 Bilan du Centre d 'a ide aux vict imes de viol de Mon-

tréal , avril 79, texte ronéotypé.

en mai et juin 76, de 20 à 30 bénévoles impliquéesau Centre*.

En plus d'un service d'écoute téléphonique con-tinu (24 heures par jour, sept jours par semaine)d'information sur le recours et l'accompagnementdes femmes agressées dans leurs démarches, leCentre a donné des sessions d'information dansles écoles, les universités et les hôpitaux, visantentre autres à enrayer les nombreux mythes rela-tifs au viol. Lorsqu'en décembre 75, le Centremédico-légal de Parthenais décida de ne plus s'oc-cuper des examens auxquels étaient contraintesles femmes qui voulaient entreprendre des pour-suites judiciaires, le Centre, avec l'appui de la Cor-poration des médecins du Québec, fit pression surles hôpitaux de Montréal pour qu'ils accueillent lesenfants et les femmes agressés. À la fin de 76, l'hô-pital Ste-Justine, le Montréal Children's Hospital,l'Hôtel Dieu et le Montreal General acceptent fina-lement de mettre en place un certain service.Cependant, une collaboration de plus en plusétroite se développe entre les hôpitaux et les corpspoliciers dans un sens qui échappe aux possibili-tés de contrôle du Centre d'aide aux victimes duviol : on enferme la réalité du viol dans la produc-tion de statistiques et la recherche de « bons » cas,alors que c'était la qualité dans les soins et un sup-port qui étaient revendiqués.

Le cul-de-sac des démarches judiciaires quicharge la victime du fardeau de la preuve, lesminces acquis des luttes et des démarches menéespar l'Association canadienne visant la modificationdu code criminel (Bill C-52 et C-71), les multiplessollicitations auxquelles le Centre de Montréal doitfaire face, les dures expériences vécues dans lapratique, la connaissance des luttes que mènentles féministes américaines sur cette question, uneanalyse de plus en plus poussées des causes del'agression sexuelle, tout ceci oblige rapidementles femmes du Centre à repenser leur pratique.Si la nécessité d'organiser la riposte collectivedes femmes ne fait pas de doute, l'identificationdes moyens pour y parvenir et la re-définitiond'une stratégie de lutte pose plus de problèmes.Le Centre d'aide aux victimes du viol n'arriverapas à surmonter cette difficulté et les tensionsqu'elle provoque. À bout de souffle, les femmesdécident de fermer le Centre en août 78, pour qua-tre mois, afin de procéder à une clarification del'orientation et de la pratique du Centre. Il a fallubeaucoup d'efforts pour mettre sur pied une équipede bénévoles aptes à assurer le service d'écoutetéléphonique, à partir de l'automne. Cependant, larencontre qu'elles convoquent pour discuter dubilan produit en avril 79 incite de nouvelles militan-tes à travailler à la mise sur pied d'un nouveau cen-tre, dans la perspective de formuler une pratiquealternative.

Toujours au cours de l'été 78, les femmes duCentre avaient tenté de réactiver le projet de cons-tituer un Front commun contre les violences fai-tes aux femmes.. Quelques réunions regroupantdes représentantes de trois refuges * * pour les fem-mes battues — Assistance aux femmes de Mon-tréal, Centre Refuge et Auberge Transition —et d'un centre d'accueil pour les jeunes femmesenceintes, Elisabeth House, auront lieu. Cepen-dant, les difficultés financières et d'organisationmatérielle des trois refuges, la conjoncture dedémobilisation et certaines divergences quant auxperspectives de la lutte à mener rendront impossi-ble la formation de cette coalition. Un Regroupe-ment des maisons d'hébergement pour femmesen difficulté sera tout de même constitué fin 78.

L'objectif d'organiser la lutte contre la violencefaite aux femmes est repris à deux occasions aucours de l'été avec la mise sur pied du Comité pourla libération de Dalila Z. Maschino officiellementconstitué le 19 juillet et l'organisation, en août, dupiquetage devant le magasin « 2000 Plus » pourprotester contre l'étalage du disque du groupe« Battered Wives ».

La mise sur pied du Comité pour la libérationde Dalila Z. Maschino** fait suite à une manifes-tation spontanée le 21 juin au Carré Philips où 200personnes y ont piqueté. Il a fait circulé des péti-tions et des lettres de protestations destinées auxgouvernements et a développé un réseau de soli-darité à travers le Québec, le Canada et le mondeentier. Dans un deuxième temps, le Comité vou-lait diffuser l'information au maximum et sensibili-

44 Pluri-Elles, vol. 2 n°1, oct-nov 78.* Assez rapidement, suite à sa mise sur pied, le Cen-

tre de Montréal sera en contact avec d'autres cen-tres au Canada. Lors d'une conférence pan-canadienne, en 77, les Centres décident de formali-ser la mise en place de l'Association canadiennedes Centres d'aide aux victimes du viol. Entre 76et 78, le nombre des centres qui se développent etadhèrent à l'Association canadienne quintuple ; auprintemps 78 il en existe 30 répartis à travers leCanada. Par ailleurs, les Centres sont aussi regrou-pés en association ou en coalition sur une base pro-vinciale et sur une base régionale (les Maritimes, leQuébec, l'Outaouais, les Prairies, la Colombie britan-nique). À la fin avril 78, l'Association nationale orga-nise une autre conférence pan-canadienne sur le viol,l'objectif étant de préciser le consensus sur les butsà poursuivre et les actions à mener.

* * Assistance aux femmes et Centre Refuge sont nésau cours de l'année 77 et Auberge Transition a étémise sur pied à peu près à cette même période.Assistance aux femmes est né de l'initiative de deuxféministes anglophones et d'une francophone. Cen-tre Refuge a été mis sur pied par des femmes del'ancien Centre de la femme nouvelle et AubergeTransition par des femmes proches du YWCA.

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ser les gens aux agressions sexistes et à l'oppor-tunisme politique et économique des Etats. LeComité a organisé la semaine Dalila du 14 au 18août, certaines de ses membres ont participé à desémissions radiophoniques, d'autres ont mis surpied la soirée de solidarité du 17 août et le bulletinde liaison Pluri-Elles en a fait sa table-ronde.Consul-Action (CSF) a fourni du support techni-que pour l'organisation de cette lutte.

À l'été 78 la Coalition des femmes de Mon-tréal contre la violence faite aux femmes45 seforme. Elle a dénoncé le groupe « Battered Wives ».Elle entendait par son action, alerter l'opinion publi-que en ce qui concerne la publicité sexiste, et lut-ter contre toutes les formes de violence faite auxfemmes. Dans le cadre de cette lutte, les femmesavaient obtenu du Café Campus qu'il annule lespectacle donné par le groupe, de CHOM-FM qu'ilrefuse de faire tourner le disque et avaient reçu l'ap-pui de nombreux groupes, dont le Syndicat de laMusique. Elles avaient aussi créé des liens avecdes femmes de Toronto qui s'étaient solidarisées.Lors de la venue du groupe punk à Montréal, laCoalition organise un piquetage devant le théâtreSt-Denis et une intervention à l'intérieur durant lespectacle. 200 personnes manifestaient pacifique-ment devant le cinéma St-Denis, lorsque les poli-

Dénonciation du groupe punk rock « Battered Wives »(Femmes Battues) dont le magasin 2000 + faisait la pro-motion, 14 septembre 1978. LA PRESSE

ciers brutalement dispersèrent les manifestants etarrêtèrent 57 personnes qui furent accusées et trou-vées coupables d'avoir troublé la paix. Leur causefut portée en appel.

En juin 79, la collective de Montréal du Mou-vement contre le viol(MCV)46 est mise sur pied.Elle s'est constituée à partir de la rencontre-bilandu Centre d'aide aux victimes du viol et d'un Pro-jet des femmes contre la violence faite aux fem-mes. Ce projet qui avait obtenu, pour sa réalisa-tion, une subvention gouvernementale, comportaittrois volets : services, recherches, théâtre. Les fem-mes du Théâtre expérimental des femmes47

formé en février 79, sont parmi les promotrices duprojet ; c'est dans ce contexte qu'elles produirontle spectacle La Peur surtout. Le volet « recherches »sera abandonné ; quant au volet « services », il seratraduit par la mise sur pied du MCV. En plus d'untravail de clarification quant à la définition du viol *et d'une réorganisation du travail, le Mouvementcontre le viol mise sur l'animation de groupes defemmes. Il poursuit le travail entrepris avec leRegroupement québécois des maisons d'héber-gement pour femmes en difficulté, et avec l'As-sociation canadienne des centres contre le viol.Il organise la manifestation du 2 août 80 sur lethème : « La nuit nous appartient ».

En décembre 79, la collective de Montréal duMCV participe à une conférence de presse pourdénoncer la politique de subventions du ministèredes Affaires sociales. Le Regroupement québé-cois des maisons d'hébergement avait déjà pré-senté un mémoire au MAS pour revendiquer dessubventions globales et permanentes ainsi que sareconnaissance en tant que porte-parole des sixcentres qui en sont membres. Le MAS offrait alorsune subvention de dépannage de 65 000 $ seule-

45 Pluri-Elles, vol. 2 n°2, déc. 78 janv. 79.46 Pluri-Elles, vol 4 n ° 2 , déc. 80 janv. 8 1 .47 Possibles, vol . 4 n ° 1 , automne 79.* « Le viol est un acte de violence, de dominat ion et de

haine. C'est une prise de possession, une intrusionet une atteinte à la l iberté. Le viol n'est pas un actesexuel bien qu' i l en prenne la forme. Par la menace,nous les femmes apprenons toutes que nous avonsune place et un rôle déterminés par la société patriar-cale et capital iste. Le viol est un révélateur du rap-port de force inégali taire qui existe entre les femmeset les hommes dans notre société. Ce type de sociétéest basé sur l ' inégalité des sexes et des classes. Leviol est donc quot id ien. Partout les femmes se fontrappeler qu 'e l les sont la propriété des hommes. Leviol, c'est un « reste à ta place » qui maintient et révèlel'état de dépendance, de soumission de peur et d ' im-puissance des femmes. » (Texte interne, AnneMichaud pour le MCV). t iré de la revue Des Luttes etdes Rires, vol IV, n ° 2 .

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ment. Suite à la présentation du mémoire, le MASsemble favorable aux demandes du Regroupe-ment, mais la requête, soumise à l'AssembléeNationale par la suite, ne fut pas reconnue commepriorité. Cependant dès janvier 80, débute une sériede colloques régionaux sur la violence faite auxfemmes. Le ministère de la Justice dépense100 000 $ pour l'organisation de colloques quiseront boycottés, à Montréal au moins, par le MCVet d'autres groupes de femmes.

Les Instructrices de Wen-do48 s'inscriventaussi dans la lutte contre le viol et la violence faiteaux femmes. À l'automne 79,7000 femmes au Qué-bec avaient suivi le cours d'auto-défense. Les ins-tructrices incitent les femmes à cesser de comp-ter sur les hommes pour assurer leur protection,à prendre conscience de leur force et de leur droitde se défendre, et visent à promouvoir la solida-rité entre femmes en développant des moyens des'appuyer collectivement.

Le Regroupement des femmes québécoiseslui aussi fait de la lutte contre la violence une deses priorités. Il a mis sur pied un Tribunal popu-laire dont la première séance, qui a porté sur le viola eu lieu le 5 juin 79.

Enfin, mentionnons aussi la lutte contre lapornographie. À Montréal, peu d'actions ontété menées; on ne peut que rappeler celle dela cellule Souris verte, qui au printemps 79badigeonna de peinture les devantures de quelquesclubs et sex-shops et celle de la cellule Laure-Secord qui en mars 80, organisa l'occupation d'uncinéma.

7.6.5 Pratiques et luttes contre larépression et la discrimination sexuelles

Dans les groupes de femmes, le débat sur lanécessité de développer un nouveau rapport à lasexualité est le résultat d'une mise en commun desexpériences d'oppression individuelle. Les femmessavent que leur sexualité est piégée, que sesmodes d'expression sont déterminés par une orga-nisation sociale qui s'appuie sur des institutions(couple, famille) et sur des mythes (amour avec ungrand A) où les hommes, de la séduction à la vio-lence physique, exercent un pouvoir et se garan-tissent des privilèges. Elles ne sont plus dupes duconcept masculin et univoque de « libertésexuelle ».

Ces expériences de mise en commun et toutela démarche de réappropriation de leur sexualitéont amené les femmes, non seulement à faire deschoix individuels mais aussi à mettre en place desconditions matérielles pour que ces choix puissents'exprimer. Elles veulent manifester le droit aux dif-férences et lutter contre la répression.

C'est dans le milieu anglophone que les fémi-nistes lesbiennes ont été les premières à se cons-tituer en groupe. Chez les francophones, c'est avecla mise sur pied de Coop Femmes49 qu'on assisteà un début de regroupement des féministes lesbien-nes. La Coop est née suite au festival de musiquedes femmes du Michigan, tenu à l'été 76, et suiteà une rencontre de féministes lesbiennes à Ottawaen octobre de la même année. Des femmes deMontréal sont revenues de ces rencontres avec leprojet de former un groupe francophone et de s'im-pliquer dans la lutte féministe. Le local de la Coops'est ouvert en février 77. On y a tenu les réunionsdes membres et on y a organisé des pratiques deWen-do, des ateliers de musique et d'écriture, desdanses, des projections de vidéo, entre autres, ceuxdu Réseau vidéo-femmes. La Coop a aussi étéun lieu de réunion pour les femmes impliquées dansdifférents projets et dans certaines luttes (par exem-ple celle menée par le Comité pour la libérationde Dalila Z. Maschino). Le groupe a aussi colla-boré à l'organisation d'une manifestation appeléepar les groupes gais, principalement par l'Associa-tion pour la défense de la communauté gaie duQuébec (ADGQ) à l'été 79 *. Des femmes avaientalors distribué un tract aux portes de certains clubsde Montréal, appelant à la manifestation. La Coopa été fermée au début de l'année 80. Le lieu de ren-contre s'est alors déplacé pour quelque temps àCentrelle dont l'existence a duré quelques mois.

Centrelle était une association culturelle etsociale à but non lucratif où se tenaient différen-tes activités : spectacles, théâtre, expositions, con-férences, projections et diapos (notamment sur lesfemmes détenues de Tanguay). C'est maintenantla Localle qui offre un lieu de rencontre aux fem-mes lesbiennes.

À l'intérieur de Coop femmes, il y a eu desdébats entre les membres qui remettaient en ques-tion le fonctionnement en vase clos de la Coop.Selon certaines, cela rendait difficile de rejoindreplus largement les lesbiennes, majoritairement con-traintes de se cacher pour vivre contre la répres-sion et pour exprimer leur choix et subissant larépression à tous les niveaux. La venue de la musi-cienne Linda Shear à Montréal au printemps 79 aaussi soulevé des tensions et des débats au seinde la Coop et parmi les femmes qui fréquentaientle local. Le concert s'adressait exclusivement aux

48 Pluri-Elles, vol. 3 n°5, juin, juillet et août 80.49 fêtes de pioche, vol. 2 n°9, vol. 3 n°1.50 Des luttes et des rires de femmes, vol. III n°4.* L'ADGQ est le seul groupe militant qui lutte contre la

répression faite aux homosexuels ; on y retrouve tou-tefois peu de femmes. Les féministes lesbiennes deMontréal s'insèrent plutôt dans les groupes defemmes.

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femmes et à leurs filles. Quelques féministes les-biennes, mères de garçons ont soulevé le débat :peut-on fonder des actions et des luttes contre l'op-pression des femmes à partir des déterminismesbiologiques ? Des féministes ont produit un tract dedénonciation qu'elles ont distribué à la porte de lasalle de spectacle. Par la suite, des lettres sur cettequestion sont parues dans le bulletin Des luttes etdes rires de femmes50, 51*.

7.6.6 Pratiques et luttes dansle champ idéologique et culturel

Depuis 70, les femmes ont développé différentsmoyens pour diffuser leur féminisme, analyser leursconditions d'oppression et d'exploitation, rendrecompte de l'histoire passée et actuelle des femmeset de leurs luttes, soutenir leurs luttes, constituerun réseau d'information des différentes activités,fournir des lieux et des occasions de rencontres etd'échanges. Par exemple des femmes du serviced'animation culturelle ont organisé du 24 février au5 mars 78 : Dix jours de réflexion sur 10 ans de luttedes femmes. Dix jours de films, théâtre et troisdébats qui ont interpellé une bonne partie des grou-pes du mouvement des femmes. Un premier débata réuni pour la première fois plus d'une centainede femmes travailleuses de l'Université sur leursconditions de travail et de vie à l'université. Undeuxième débat a porté sur la vie des femmes enChine et la place des femmes dans une sociétésocialiste. Enfin le débat sur le mouvement des fem-mes a permis de saisir les différences d'orientationsdans le mouvement à partir des interventions defemmes du RFQ, des Têtes de pioche, des Édi-tions du remue-ménage, de la Librairie des fem-mes et du Comité de condition féminine de laC.S.N., mais surtout il a été l'occasion d'un débatet d'une confrontation entre des féministes et desfemmes marxistes des groupes politiques « ML ».Ce débat a montré la force du féminisme.

• La Presse féministe

Après la disparition de Québécoisesdebouttes!53 en mars 74, il faudra attendre deuxans pour que paraisse un autre journal féministe :Les Têtes de pioche. Le journal apparaît dans uneconjoncture où les groupes de femmes sont forte-ment secoués par les interventions du « MLisme »et où les féministes de référence marxiste, aprèsla disparition du Centre des femmes, ont multipliéleur champ d'intervention et sont majoritairementoccupées à soutenir l'organisation de la lutte pourl'avortement.

L'importance des Têtes de pioche54 a étéessentiellement de constituer un collectif de fémi-

nistes radicales québécoises qui se sont interro-gées publiquement sur des sujets qui préoccupenttoutes les féministes. L'objectif des Têtes de pio-che a toujours été double : constituer un groupede réflexion féministe radicale et publier un jour-nal pour rendre compte de cette expérience en lapartageant avec des femmes qui avaient amorcéune prise de conscience de leur condition.

Le journal Les Têtes de Pioche, porte-parole du fémi-nisme radical au Québec, DES LUTTES ET DES RIRES, VOL 3, NO 1

Le collectif de Têtes de pioche publiera sonpremier numéro en mars 76, après six mois de ren-contres régulières. 23 numéros seront publiés

51 Des luttes et des rires de femmes, vol. 2 n°4 et vol2 n°5.

52 Pluri-Elles, vo l . n °4 .53 Des luttes et des rires de femmes, vol. 3 n°5.54 Les Têtes de pioche, Édi t ions du Remue-Ménage ,

1980, 207 p.* Ment ionnons enf in le Comi té de sout ien aux Accusés

du truxxx composé de gais et lesbiennes, formé pourappuyer les personnes arrêtés pendant la descentede police, en octobre 78, dans ce bar gai. Le 18 mars79, une fête de solidarité a été organisée pour ramas-ser des fonds pour la défense des accusés, pour sou-tenir leur lutte, pour fêter l'insertion d'un article con-cernant la liberté d'orientation sexuelle dans la Chartedes droits de la personne et pour fournir une occa-sion de rencontre.

jusqu'en juin 79. Le collectif a constitué le noyaudu courant féministe radical. Sa disparition a étéentraînée par des divergences et des différencesde trois ordres : idéologiques (féministes radicalesvs féministes marxistes), de classes (féministesd'origine ouvrière et féministes d'origine bour-geoise) et sexuelles (féministes lesbiennes face auxféministes hétérosexuelles). Le principal apport deTêtes de pioche a été de dire et de chercher àexpliquer en quoi le privé est politique55.

En juin 77, apparaît le premier numéro du bul-letin Pluri-Elles. Le groupe s'est formé afin de don-ner suite au désir de briser l'isolement des militan-tes et des groupes exprimé lors de la manifesta-tion du 2 avril. Ce sont surtout des féministes anglo-phones, qui ont lancé l'idée. Des militantes origi-nant d'une dizaine de groupes de femmes, de comi-tés de femmes étudiantes et d'organisations popu-laires ont participé dès le début à la réalisation duprojet de production d'un « bulletin de liaison desgroupes autonomes de femmes ». À ce moment,le consensus idéologique est défini par la néces-sité de construire un « mouvement autonome defemmes ». L'équipe de production veut 1) faire lelien entre les différents « groupes autonomes defemmes », 2) poursuivre la construction d'une soli-darité, 3) approfondir la compréhension des luttesdes femmes, 4) travailler à la construction d'un« mouvement autonome de femmes » au Québec 56.En juin 78, l'équipe publie son premier bilan. Il indi-que la difficulté de réaliser l'objectif de la prise encharge du bulletin par les « groupes autonomes defemmes », d'où la difficulté d'avoir prise sur la réa-lité du mouvement. Il n'était pas évident pour tou-tes les femmes de l'équipe que Pluri-Elles puis-sent être un outil servant adéquatement à la cons-truction du mouvement. Étant donné cette consta-tation et vu l'urgence de développer collectivementune démarche politique, l'équipe se transforme encollectif, c'est-à-dire en groupe autonome pouvantlui aussi faire publier ses articles dans le bulletin.Le groupe à ce moment est davantage constituéd'individus que de femmes impliquées dans les« groupes autonomes ». Le collectif se constitueautour d'une plate-forme politique minimale qu'ilentend défendre.

Au cours de la deuxième année, le Collectifveut dépasser le compte-rendu de l'actualité dumouvement. Il propose des occasions de débatsafin que les militantes puissent dégager des pointsde convergence qui permettront au mouvementautonome de naître et de se développer. La pro-duction de chaque bulletin sera alors précédée d'undébat-rencontre sur un sujet particulier à la suiteduquel des articles seront rédigés et constituerontle dossier du numéro. Il n'y aura par ailleurs plusd'éditorial, compte-tenu des difficultés que repré-sente cette démarche. Pour tenter de résoudre le

problème du contrôle effectif des groupes de fem-mes sur le bulletin, l'Assemblée générale (bi-annuelle) à laquelle peuvent participer des grou-pes répondant à certains critères est maintenue.La question de l'autonomie du mouvement et desgroupes est au coeur du débat ; la présence desmilitantes de comités étudiants et syndicaux de con-dition féminine pose des problèmes. Pluri-Ellesdevient Des luttes et des rires de femmes à l'au-tomne 78.

Une assemblée générale se tient en janvier 79pour discuter de l'ensemble des questions soule-vées plus haut (rôle du bulletin, contrôle par lesgroupes, autonomie des groupes de femmes). Lafaible participation des femmes des groupes, leursinterventions (où elles signifient qu'elles ne peu-vent, ni ne veulent se voir chargées de la respon-sabilité de définir et de produire un bulletin), liésà l'incapacité du collectif d'animer la discussion,contribuent à mettre au jour et à cristalliser un cer-tain nombre de tensions qui avaient commencé àse développer au sein du collectif.

Il y avait eu le départ progressif de militantesde groupes autonomes et l'arrivée de femmes ayantentrepris une démarche féministe sur une base indi-viduelle. Aussi, la volonté de systématiser la démar-che de réflexion et de production, de développerla liaison entre les groupes, de dégager des pers-pectives des unes était confrontée au désir desautres (les nouvelles) de se constituer en collectif.

Au cours de l'année 79, année de la productiondu volume deux, une dizaine « d'anciennes » quit-tent Des luttes et des rires les unes à la suite desautres. Certaines d'entre elles tenteront à partir demai, de constituer un Regroupement de féminis-tes socialistes.. Fin 79, le collectif se retrouve dansune situation de plus grande homogénéité; il aredéfini son orientation et ses objectifs. La revuesera désormais une tribune d'échanges et de liai-son des femmes. L'organisation de tables-rondessera remplacé par la mise sur pied decomités-dossiers.

C'est en mars 80 qu'apparaît le premier numérode la La Vie en rose inséré dans le Le Temps Fou.Non seulement pour des raisons utilitaires maisaussi parce que le type de journalisme du TempsFou, coïncidait avec ce qu'elles voulaient entrepren-dre. Les femmes de l'équipe viennent majoritaire-ment du Comité de lutte. La revue traduit leursdésirs que leurs révoltes ne s'étouffent pas dansla lassitude des « vieilles » militantes fatiguées. Viace média, elles veulent continuer à parler, à com-menter, à analyser en leur nom propre, sans avoirà se justifier, à se légitimer comme « la parole » du

55 Chronique, n °6 , février 77.56 Pluri-Elles, vol . 1 n °4 .

mouvement. Elles veulent lever les exclusions detoutes sortes ancrées depuis longtemps ou tisséesà même la vie du mouvement de luttes de libéra-tion des femmes des dix dernières années, parexemple se réapproprier le domaine politique. Ellesveulent rompre avec la marginalité de fait oucomme choix politique, développée à travers lespratiques de la tendance du féminisme radical quiconsidère le politique comme patriarcal par défini-tion. Conséquemment, le principe de l'autonomiedes femmes demeure important pour elles par cequ'il a donné et donne encore aux femmes uneforce politique et qu'il a permis de dégager des stra-tégies qui leur permettent d'intervenir sur tous lesterrains.

Enfin, les femmes de La Vie en rose, même sielles représentent une tendance au sein du mou-vement, ne veulent justement pas voir s'uniformi-ser, par la voie des média ou des idéologies de ser-vice, le mouvement de libération des femmes quideviendrait alors une entité, une donnée, une com-posante enfin stabilisée du jeu politique.

• Maisons d'édition

Les Éditions de la pleine lune ont été créesen 75. Les femmes qui l'ont mise sur pied veulentmettre la parole des femmes sur la place publique.La Pleine Lune veut être au service des femmeset des mouvements de femmes.

Les Éditions du remue-ménage57 existentdepuis mai 76. Tout a commencé quand des fem-mes du Comité de lutte, du Théâtre des cuisineset du Centre de santé des femmes du quartierdu plateau Mont-Royal ont senti le besoin d'unemaison d'édition pour les femmes afin qu'elles puis-sent reprendre le discours féministe à leur comptepour ne pas le laisser aux groupes de gauche. Pourles Éditions du remue-ménage, la lutte des fem-mes, au même titre que celle de tous les travail-leurs, est une lutte à partir de leurs propres condi-tions de travail, contre le capital. La condition detravail des femmes, dans notre société est celle deménagère, c'est-à-dire de travailleuse chargée dela production et de l'entretien de la force de travail.Les publications dans l'ensemble vont essayer dedécrire l'oppression et l'exploitation des femmes,en s'attachant plus particulièrement au travailménager, base de l'exploitation des femmes. Afinde favoriser toutes les formes d'écriture, les critè-res de sélection sont assez larges ; la priorité estmise sur des textes accessibles au plus grand nom-bre de femmes. Pour le 8 mars 76, elles publientun premier livre Moman a travaille pas, a trop d'ou-vrage! du Théâtre des cuisines. Depuis unedizaine de parutions sont venues s'ajouter. A par-tir de 78, elles publient un agenda féministe. C'est

à la fois un moyen de faire connaître la maisond'édition et un outil de conscientisation. Le premieragenda féministe à naître au Québec est un agendahistorique, non pas pour le seul plaisir de retour-ner en arrière, mais pour commencer à refaire lescénario de l'histoire du point de vue des femmes.En plus de l'édition, les huit femmes qui compo-sent l'équipe actuelle ressentent le besoin de seprononcer davantage sur des événements politi-ques où elles se sentent concernées.

• Théâtre

Le Théâtre des cuisines56 affirmait dans unmanifeste en 75 faire du théâtre de combat, duthéâtre féministe qui traite de l'oppression et del'exploitation spécifique des femmes dans une pers-pective de lutte de classe. En mars 75, il présenteson second spectacle Moman travaille pas, a tropd'ouvrage!; à ce moment la question du travailménager comme base matérielle de l'oppressiondes femmes est à l'ordre du jour des débats dansl'Intergroupe. Les femmes du Théâtre des cuisi-nes, comme celles du Comité de lutte font facedurant cette période à l'intransigeance des militantset militantes « ML » qui questionnent leurs optionspolitiques, leur effort de développer une théorie quirendrait compte de façon juste de l'origine et descaractéristiques de l'oppression et de l'exploitationdes femmes. De plus, leur dernier spectacle a étépour ainsi dire boycotté à Montréal ; elles ne pou-vaient pas présenter leur pièce dans les groupespopulaires qu'elles désiraient rejoindre, les militantset militantes « ML » présents dans ces groupes s'yopposant. Leurs pièces ont alors été plus souventjoués dans les cégeps, lors des fêtes du 8 mars età l'occasion de diverses manifestations. La troupecesse de jouer en 76.

À l'été 78, trois d'entre elles se rencontrent etcommencent à parler de la possibilité de faire unlivre sur leur expérience dans le mouvement desfemmes, sur le courant politique dont elles étaientissues, sur leurs idées, leurs espoirs et leursréflexions, tant par rapport au travail ménager quepar rapport à leur vie amoureuse. Le projet de livrese transforme, elles décident de reformer le Théâ-tre des cuisines. Au cours de l'année 80, elles pro-duisent un nouveau spectacle. As-tu vu ? les mai-sons s'emportent ! Ce spectacle traite de la récu-pération de la lutte des femmes devenue un sujetà la mode dans les média ; il traite aussi de la vieprivée où il est dénoncé qu'au nom d'une effica-

57 Des luttes et des rires de femmes, vol. 3 n°5 , Têtesde pioche, n°5 , sept. 76.

58 Offensives communautaires et culturelles, vol. n°2.

cité qui se fait sur le dos des femmes, les hommesne s'occupent pas de la vie privée, le monde dutravail l'ignore, le monde militant le camoufle59.Elles visent à rejoindre prioritairement les femmesqui sont sur le marché du travail, déjà regroupées,souvent militantes dans les syndicats, les groupeset les associations et aussi les ménagères puisquela pièce porte justement sur la vie privée.

Ce dernier spectacle n'est pas issu comme teldu mouvement organisé des femmes ; il est plutôtla concrétisation de réflexions personnelles amor-cées il y a deux ans à un moment où les femmesdu Théâtre des cuisines étaient un peu en retraitdu mouvement. Elles se situent actuellement dansun courant qui se rapproche du mouvement d'auto-conscience développé en Italie. Elles ont aussi étémarquées par le dernier numéro des Cahiers duGrif (revue féministe belge) portant sur leur bilandu féminisme. À l'étape actuelle, elles visent àdévelopper des liens, à échanger avec d'autresgroupes de femmes, à trouver et à développer desappuis dans le mouvement des femmes.

À part le Théâtre des cuisines issu plus direc-tement du militantisme, le théâtre de femmes estissu de près ou de loin du phénomène « jeune théâ-tre » fondé sur le travail collectif et l'improvisationet où hommes et femmes sont censés collaboreren toute égalité. À l'intérieur du théâtre de femmesle théâtre féministe a ceci de particulier qu'il cher-che à concilier une analyse féministe rigoureuseet une volonté de concertation avec une recherchethéâtrale et esthétique. Le Théâtre expérimentaldes femmes s'inscrit dans ce courant. Il veut illus-trer et combattre l'oppression féminine, redonneraux femmes une histoire en créant de nouvelles for-mes et de nouveaux personnages féminins, il faitappel à l'imagination, au mythe, à l'inconnu.

Le Théâtre expérimental des femmes60 deMontréal est né à la suite de conflits au sein duThéâtre expérimental de Montréal (T.E.M.), fondéen mai 75. Déjà à cette époque, dans la perspec-tive de faire des choses nouvelles, on y parlait beau-coup des relations hommes-femmes et de l'oppres-sion des femmes. En septembre 75, la seule femmedu trio fondateur anime un atelier de recherche surle personnage féminin au Théâtre, dans le but decasser les stéréotypes sexuels et d'inventer de nou-veaux personnages. À cette époque, dans le milieuthéâtral, c'est l'époque de l'impuissance et du défai-tisme des femmes ; les femmes, regroupées danscet atelier ne sont pas intéressées à exploiter lesthèmes proposés et l'atelier se termine sans résul-tats après trois mois.

En septembre 76, c'est le premier spectacle defemmes au T.E.M. ; Essai en trois mouvementspour trois voix de femmes. Une autre création col-lective, intitulée Finalement qui se refuse à touteanalyse et toute prise de position traduit simplement

le désir qu'avaient eu les trois comédiennes de tra-vailler ensemble. Puis, c'est À ma mère, à ma mère,à ma mère, à ma voisine, nouvelle création portantsur les relations mère-fille et qui reprend certainsthèmes abordés dans l'atelier de recherche mis surpied en 75. En décembre 78, c'est la productionde Trac femmes, distribuée par les Éditions duremue-ménage qui rassemble les réflexions descomédiennes sur toute cette activité. Après la scis-sion, au sein du T.E.M., provenant de conflits con-cernant le féminisme, c'est la production, par leT.E.F. de La Peur surtout, création collective surla peur chez les femmes, jouée entre juillet et sep-tembre 79. À cette période, deux des comédien-nes formant la direction du T.E.F. sont aussi ins-tructrices de Wen-do.

Depuis le T.E.F. a produit et présenté, un nou-veau spectacle à partir du thème de l'adolescence :Parce que c'est la nuit. Du 20 mai au 3 juin 81, ila organisé un festival de créations des femmes,regroupant à l'intérieur de différentes activités, desfemmes de différentes tendances, dans le but queles créatrices qui oeuvrent à l'expression d'uneidentité et d'une culture des femmes d'ici puissentéchanger les connaissances qu'elles ont tirées deleurs expériences spécifiques. Depuis novembre80, le T.E.F. a organisé une série de conférences-rencontres sur le thème « Mon héroïne », dans lebut de sortir l'histoire des femmes de l'oubli, de lanégation, de la dévalorisation ou de la déformation.

• Documentation et recherche

Les femmes qui mirent sur pied le Centre dedocumentation féministe en juin 75, avaient récu-péré les livres, les périodiques et les dossiers accu-mulés par le Centre des femmes. Le Centre dedocumentation visait à ce moment à conscienti-ser les femmes sur leur condition spécifique enoffrant un service de consultation sur place et enpoursuivant le travail d'accumulation de matériel.Faute de ressources il doit abandonner l'ancienlocal du Centre des femmes à l'été 77, et il démé-nage aux Éditions du remue-ménage. Après unepériode de réorganisation, il réouvre ses portes audébut de 78. Il offre alors à nouveau un service deconsultation. En rétablissant le contact avec les dif-férents groupes féministes, et en établissant unepermanence régulière, il cherche à identifier et àrépondre aux besoins les plus importants des grou-pes autonomes de femmes d'abord, en documen-tation et en information. Une de ses prioritésdemeure le soutien au développement des luttes

59 Ibid, voir note 58.60 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.

54

féministes au Québec et l'information quant aux lut-tes que les femmes mènent ailleurs.

Au début de 78, un groupe de femmes appar-tenant à divers organismes C.S.F., F.F.Q.,U.Q.A.M. et Université de Montréal) se réunissentafin de discuter de la création d'un nouveau Cen-tre de Ressources-Informations des femmes (leCRI des femmes). L'idée de mettre sur pied uncentre de documentation et de recherche-information pour les femmes est née au momentoù quelques femmes des groupes ci-haut mention-nés, recevaient des demandes de recherches et depersonnes-ressources de la part des groupes defemmes de la région de Montréal. Afin que le Cen-tre rencontre les besoins réels du milieu, le groupede départ fait une enquête auprès d'une soixan-taine de groupes de la région au moyen d'un ques-tionnaire ; le premier contact écrit s'avérant peusatisfaisant, on s'oriente pour rencontrer directe-ment les permanentes d'une trentaine de groupes.À la suite de ces rencontres, le comité fondateurpropose d'offrir quatre types de services : un cen-tre de documentation, des personnes-ressources,de la recherche, de la diffusion et de l'information.

Par la suite, un comité élargi composé de laF.F.Q., du C.S.F., du G.I.E.R.C.F., de femmes del'Université de Montréal, du Comité de lutte pourl'avortement, de l'A.F.E.A.S., du C.I.R.F. et dugroupe Au bas de l'échelle décide d'entreprendreles démarches pour l'incorporation de Relais-Femmes. S'ajouteront par la suite à cette liste lesgroupes Des luttes et des rires et Centre refuge.Après les démarches pour demander les subven-tions nécessaires et l'ensemble des discussionsconcernant la rédaction des statuts et règlements(rôle des universitaires, place réservée aux grou-pes, etc.), Relais-Femmes prend forme en février80, et le congrès de fondation a lieu le 24 mai. Lesfemmes membres des organismes suivants serontélues au C.A. . F.F.Q., Multi-Femmes, A.F.E.A.S.,Carrefour des familles monoparentales, Centre dedocumentation Brien.

Le centre de documentation actuellement ins-tallé dans les locaux du C.S.F., doit être repris enseptembre 82, par Relais-Femmes, dans la mesureoù il peut en assumer le fonctionnement. Depuisl'automne 80, des dossiers et des équipes depersonnes-ressources ont été mis sur pied et le pre-mier bulletin d'information du groupe est prévu pourmars 81.

Le Groupe inter-disciplinaire pour l'enseigne-ment et la recherche sur la condition féminine(G.I.E.R.C.F.) de l'U.Q.A.M. existe depuis avril 76,et administre des cours depuis janvier de cetteannée-là. Ses activités se partagent en trois volets :enseignement, recherche et service à la collecti-vité. En mai 79, il a organisé un colloque sur lethème : « la recherche sur les femmes au Québec ».

À l'Université de Montréal, un groupe de profes-seurs, chercheurs et cadres féminins s'est forméet se nomme : Multi-F.

Enfin, mentionnons qu'au cours de l'année 78,a été mis sur pied, à l'Université Concordia, L'Ins-titut Simone de Beauvoir.

En mai 79 des femmes chercheuses organi-saient un colloque sur « Les Femmes et la recher-che au Québec » qui se terminait sur une confron-tation entre les chercheuses et les militantes fémi-nistes. En juin 80, douze participantes étaient invi-tées à une journée de réflexion sur l'ambivalencedes pratiques culturelles, sociales et politiques desfemmes. Les textes de leur intervention ont étéregroupés et publiés sous le titre Femmes etPolitique.

La Maison des femmes de Montréal ouverteà l'été 77, suite à la semaine d'activités « Québé-coiserient » organisée par la Librairie des femmesd'ici, fut surtout un lieu d'échanges et de rencon-tres qui évoluaient dans un cadre sans structureselon la volonté même des femmes qui l'avaientmise sur pied. La Maison des femmes, a entreautres, organisé la fête donnée dans le cadre dela journée du 11 mars 78. Sa fermeture intervienten juin 78.

• Librairies

La Librairie des femmes d'ici a été ouverte enoctobre 75, par deux femmes du R.A.I.F., dont unese retrouve à Tête de pioche. Elle se veut aussiun lieu de rencontre et d'information. Dès l'origine,on n'y diffuse que des écrits d'auteurs féminins.

Inauguration de la Librairie des femmes, le 29 octobre1975.

LA PRESSE

Plus tard, à la suite de débats, on refusera de dif-fuser ceux qui projettent une image traditionnelledes femmes. En 78, la librairie déménage et ouvreun café dans ses nouveaux locaux. Tout au longdes cinq années, la Librairie des femmes a étéprésente dans le quotidien de plusieurs centainesde femmes. Par exemple, elle a organisé des tablesrondes traitant des diverses facettes de la condi-tion féminine : l'écriture, la politique, le corps, lesanxiétés.

• Musique

Arcanson est le premier groupe musicalde femmes. Il a été créé en 77, suite à la« Quinzaine des femmes », organisée en septem-bre et octobre par le Conventum. Trois des musi-ciennes venaient d'un autre groupe : « L'enfantfort ». Elles ont participé aux fêtes du 8 mars, à dif-férentes manifestations féministes et à la fête du1er mai 79. Le groupe s'est dissout en avril 80, suiteà des débats. Les divergences portaient sur le faitde jouer seulement pour les femmes ou d'accep-ter aussi de jouer dans les groupes populaires ;elles portaient aussi sur le type de musique àproduire.

• Galerie

Powerhouse61 est une galerie parallèle à butnon lucratif qui existe depuis 73. Elle fut mise surpied par neuf femmes qui, suite à une expositiond'artisanat et d'art appelée « The Flamin Apron »,se sont regroupées pour organiser leur propre expo-sition. La galerie a démarré suite à l'élargissementdu groupe et l'obtention d'un projet P.I.L. Sonobjectif est de procurer aux femmes-artistes unespace pour exposer. Powerhouse leur offre lapossibilité d'être en contact avec d'autres femmesd'origine, d'antécédents et d'âge différents. Êtremembre de la coopérative comporte aussi certai-nes obligations : assister à des réunions où se dis-cutent des problèmes tels que l'organisation géné-rale de la galerie, la recherche de support finan-cier, la mise sur pied d'expositions, les propositionsconcernant de nouvelles activités, la permanencede la galerie et l'entretien des locaux.

• Vidéo

Réseau vidéo de femmes62 a réalisé desvidéogrammes portant sur des événements et desactivités de femmes, de même que des aspects dela condition des femmes. Le Réseau a diffusé en

échangeant des copies de vidéogrammes avec desgroupes « vidéo » de femmes existant un peu par-tout à l'échelle internationale, en organisant desvisionnements chez des groupes de femmes dansdifférentes régions du Québec, en présentant desréalisations sur les cables communautaires dansle cadre d'émissions de femmes.

7.6.7 Les femmes s'organisent en prison

Le Comité femmes de Tanguay 63 s'est cons-titué à partir d'un débat sur les femmes en prisonqui s'est déroulé dans le cadre de la journée du 11mars 78. Un vidéo réalisé par quelques résidentesde Tanguay a été présenté et deux ex-détenuesavaient été invitées pour parler des conditions devie des femmes en prison. La majorité des femmesdétenues à Tanguay s'y trouvent à cause debesoins économiques, c'est-à-dire, de fraudes detoutes sortes (faux chèques, assurance-chômage,bien-être social, cartes de crédit), vol à l'étalage,prostitution, etc. Par rapport à l'ensemble du milieucarcéral, ces femmes sont les plus dépourvues àtous les niveaux : soins médicaux, programmes de« resocialisation », ressources au moment de leursortie, etc. Les problèmes liés à l'avortement et àla contraception ou à la mise à terme d'une gros-sesse sont très aigus, compte tenu du manque d'in-formation et des conditions de détention. Celle quiaccouchent en prison sont séparées immédiate-ment de l'enfant et subissent de fortes pressionspour le donner en adoption. La répression sexuelles'exerce; le lesbianisme est considéré commeanormal.

Le Comité veut lever le voile sur l'ensemblede ces conditions, les dénoncer et soutenir lesdétenues. Le 10 août 79, une vigile et une grèvede la faim de 24 heures ont eu lieu devant Tanguayet une prison d'hommes, en commémoration desfemmes et des hommes, mortes et morts en pri-son ; cette manifestation était organisée conjointe-ment avec l'Office des droits des détenus. Le 9mars 80, une manifestation d'appui et de solida-rité de 75 personnes s'est déroulée sur le terrainde la prison.

Le Comité appuie les autres luttes des femmeset les membres estiment que leur lutte s'inscritaussi dans la lutte des classes car ce n'est pas unhasard si les femmes en prison viennent majoritai-rement de milieu ouvrier.

61 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.62 Têtes de pioche, numéro double vol. 2 n °9 et vol. 3

n ° 1 , février/mars 78.63 Des luttes et des rires de femmes, vol. 2, n°5 .

7.6.8 Écoféminisme 64

L'écoféminisme s'est développé en Europe etaux États-Unis au cours de la dernière décennie,surtout à partir de la lutte contre le nucléaire. Ici,l'écoféminisme a été développé d'abord par desfemmes impliquées dans le Regroupement pour lasurveillance nucléaire. Le 26 avril 80, avait lieu àMontréal une manifestation anti-nucléaire ; les fem-mes étaient regroupées sous une bannière dont lessymboles étaient des colombes à l'intérieur de 3signes de femmes. Au cours de l'été 80, une ving-taine de femmes francophones impliquées dansdes groupes écologiques mixtes ou dans des grou-pes de femmes se sont rencontrées pour discuterde la façon de lier l'action dans leur groupe à l'ac-tion écoféministe. La lutte est embryonnaire carelles sont encore peu nombreuses et isolées.

7.6.9 Des regroupements féministes

Le Regroupement des femmes québécoi-ses65 est né de l'initiative de militantes du P.Q. qui,suite à la décision du Premier ministre de ne pastenir compte de la résolution du P.Q. en faveur del'avortement, ont soulevé la nécessité d'un mou-vement politique de pression de masse centré surdes actions plutôt que sur des revendications ; en77, 200 femmes participaient à un colloque et enjuin 78 se tenait le premier congrès d'orientation.

Le R.F.Q. base son action sur une idéologieféministe révolutionnaire66 qui appuie la transfor-mation des structures politiques, économiques etsociales de notre société pour l'abolition de toutesles exploitations et oppressions, privilégiant l'ex-ploitation spécifique de la femme, comme per-sonne, dans son corps, dans ses fonctions de repro-duction, de travailleuse à la maison et à l'extérieur.Il se définit comme mouvement politique de masse,féministe et autonome, solidaire de toutes les lut-tes visant les mêmes objectifs. Il déplore un « gas-pillage d'énergie » en dépit de l'ardeur des luttesantérieures, d'où la nécessité de « se regrouperdans des actions politiques de masse et de favori-ser l'avènement d'une véritable solidarité desfemmes ».

Les priorités du R.F.Q. sont la lutte contre laviolence dans l'immédiat, puis l'éducation et paral-lèlement la culture. Sur la question de la violence,ses moyens d'action visent la création de tribunauxpopulaires itinérants, doublés de comités de vigi-lance pour recueillir, fouiller, étudier, dénoncer,exposer au public des cas flagrants d'agressionsviolentes. En éducation, il a procédé à la formationd'un comité qui vise à conscientiser les femmes etles motiver à agir. Deux comités par rapport à la

culture, l'un pour parsemer le Québec de maisonsde femmes, lieux de documentation, animation,information, diffusion, recherche de création ; l'au-tre destiné à publiciser et appuyer toute manifes-tation culturelle des femmes, conforme aux objec-tifs du R.F.Q..

La jonction entre le R.F.Q. et certains groupesde femmes s'est opérée entre autres au momentde la mise sur pied du Comité pour la libérationde Dalila Z. Maschino. Il y eut par ailleurs certai-nes tensions entre les militantes du R.F.Q. et cel-les issues des groupes de femmes.

Un autre regroupement de femmes est né àcette période, L'autre parole. Fondé en 76 par ungroupe de théologiennes, L'autre parole regroupedes chrétiennes féministes qui mènent des actionset des réflexions visant à désarticuler le discoursdominant de l'Église sur les femmes. Le groupeorganisé régionalement a un congrès annuel deréflexion et d'orientation. Il analyse la parole del'Église qui ne reflète pas la réalité des femmes.Sa première action fut d'appuyer les représenta-tions de l'oeuvre « Les Fées ont soif» joué à l'au-tomne 78 au Théâtre du Nouveau Monde. (TNM).Le groupe publie un bulletin de liaison pour sesmembres et des abonnées. Sans aucun lien insti-tutionnel avec l'Église, il est libre de débattre lespositions mâles et conservatrices de cette dernière,en particulier sur le sujet du contrôle des femmesde leur corps et sur l'avortement. Un autre regrou-pement de femmes chrétiennes existe : Le Mou-vement des femmes chrétiennes mais il est davan-tage un mouvement d'action catholique réunissantdes femmes plutôt qu'un mouvement de femmes.

Le Regroupement des féministes socialistesest né suite à un appel lancé par des militantes àl'occasion du 1er mai 79. Par la suite, eut lieu unerencontre d'une cinquantaine de femmes militantdans différents secteurs (groupes autonomes, comi-tés étudiants de condition féminine, organisationspopulaires, Groupe de conscience des femmes,issu de l'ex-comité des femmes du P.T.Q.) ou ayantdéjà milité dans les organisations trotskystes. Lavolonté générale était d'arriver à surmonter la dicho-tomie « luttes des femmes/luttes de classe » sous-jacente aux analyses et aux pratiques des différentssecteurs où les femmes étaient impliquées. Faceaux exigences intellectuelles qu'imposaient cettedémarche de réflexion, plusieurs femmes manifes-tèrent leur crainte que le groupe s'enlise dans letravail théorique. D'autres souhaitaient que le

64 Des luttes et des rires de femmes, vo l . 4 n ° 2 , décem-bre 80-janvier 8 1 .

65 Possibles, vol . 4 n ° 1 .66 Têtes de pioche, vol . 2 n°9 , vol . 3 n ° 1 .

groupe en soit aussi un d'intervention. Ces militan-tes se retirèrent et par la suite, une quinzaine defemmes tentèrent au cours de plusieurs rencontresd'articuler un projet de démarche pour mener laréflexion en partant de l'analyse des luttes quoti-diennes. Finalement, il reste moins d'une dizainede militantes qui, à partir de janvier 80 amorcèrentla réflexion sur les enjeux de la lutte menée par lesfemmes pour s'assurer le contrôle de leur fonctionde reproduction. L'ampleur du travail, les disponi-bilités qu'il requérait, les difficultés de concilier cesexigences avec l'implication militante, le doutequant à la pertinence d'une telle démarche poursoutenir l'action militante, le manque d'outils, toutceci rendit la démarche très laborieuse. Le groupes'est finalement dissout au début de l'été 80. Leréseau d'action et d'information pour les fem-mes poursuit son action. Sensibilisation des fem-mes, organisation de noyaux régionaux du RAIF,étude des projets de loi, mémoire sur les législa-tions qui concernent les femmes, lettres aux minis-tériels et aux média. Le RAIF est très présent surla scène publique via les média mais il ne consti-tue pas pour autant une base large de regroupe-ment des féministes.

7.7 Des fronts de lutte diversifiés

Sans être regroupées à l'intérieur de groupesautonomes ou sans se réclamer spécifiquement duféminisme, les femmes mènent des luttes depuisplusieurs années sur plusieurs fronts.

À certains moments, ces luttes ont été l'occa-sion de jonction entre groupes de femmes, organi-sations syndicales et populaires : par exemple leregroupement Femmes solidaires, mis sur pied enoctobre 78, pour revendiquer le congé parental. Ce

Protestation de clientes d'un studio de santé à Verdun,3 juin 1980. LA PRESSE

groupe fit partie au cours de la même année, duFront commun pour un congé de maternité. Ce der-nier avait été formé suite à la présentation, le 26juillet, du projet d'ordonnance de la Commissiondu salaire minimum, visant à faire entrer dans ledroit public au Québec des modalités sur les con-gés de maternité.

Le revendication des femmes ayant un rap-port avec la présence des enfants ont été etsont encore portées par les regroupements degarderies populaires (Regroupement des garderiesdu Québec et SOS-Garderies) à différents titres,par le mouvement syndical sous la pression descomités de condition féminine et par le Car-refour des associations de familles monoparenta-les du Québec67.

Le Carrefour, dont plus de 87 % des membressont des femmes et dont plus de la moitié parmielles tentent de survivre avec un revenu inférieurà 5000 $6 8 a participé à un Front commun quidemandait la révision du projet de loi 83, sur lespensions alimentaires.

Quant aux luttes que les femmes mènentface au marché du travail, elles s'organisentaussi en dehors du mouvement syndical. Ac-tion travail des femmes69, projet communau-taire créé en novembre 76, par un groupe de fem-mes de Montréal, s'adresse aux femmes qui veu-lent intégrer le marché du travail mais auxquel-les il manque formation et qualification parcequ'elles sont désavantagées socio-économique-ment. Action travail des femmes lutte aussi con-tre les ghettos d'emploi mal rémunérés dans les-quels les femmes sont limitées. Le groupe a eu àmener une lutte en 78 contre la fermeture dont lemenaçait le bureau régional du ministère de la main-d'oeuvre et de l'Immigration. Puis il a aussi luttépour l'accès aux métiers non traditionnels pour lesfemmes, par exemple la poursuite du Canadiennational pour discrimination. Elles ont produit unvidéo sur les travailleuses qui occupent des emploisnon traditionnels. Enfin, il a stimulé la mise sur pieddu Comité femmes de Tanguay.

Au bas de l'échelle70 est né en 75 de l'initia-tive de trois animatrices communautaires. Cegroupe réunissait au départ trois associations : uneassociation de personnel domestique, une associa-tion d'employées de bureau et une association desalariés au salaire minimum.

La première a développé ses propres structu-res et est une association autonome connue sous

67 La Gazette des femmes, vo l . 2 n ° 6 .68 Le Devoir, 3 d é c e m b r e 80 .69 Pluri-Elles, vol. 1 n°5, printemps 78.70 Possibles, vol. 4 n°1, automne 79.

le nom de l'Association du personnel domestique71.En plus d'un travail de formation qu'il effectue, dela lutte pour l'obtention d'un contrat-type, le groupeprojette la création d'une coopérative de placementgérée par et pour les membres. Quant au groupeAu bas de l'échelle, il vise à promouvoir les droitsdes non-syndiqués au Québec, dont 70% sont desfemmes. Dès ses débuts, le groupe se préoccupedes problèmes vécus par les travailleuses en tantque femmes et de ceux qu'elles partagent avec tousles non-syndiqués. Dans ce sens, le groupe lutteen vue de promouvoir de meilleures conditions detravail, un congé de maternité accessible à toutesles travailleuses sans perte de revenu, l'accès réelà la syndicalisation et une politique bien appliquéedu salaire égal pour un travail de valeur égale.

Enfin, il faut mentionner qu'un très grand nom-bre de femmes constituent les bases militantes deplusieurs organisations populaires qui luttent surle terrain des conditions de vie. Ceci n'est pas sansrapport avec le fait que c'est aussi dans ce qu'onappelle le cadre de vie que se structurent et sedéveloppent les conditions d'oppression et d'exploi-tation spécifiques des femmes.

7.8 Des tentatives pour briser la barrièredes ethnies et développer la solidaritéinternationale des femmes

Conférence de presse des femmes autochtones du Qué-bec, à Montréal. LA PRESSE

Des manifestantes contre l'enlèvement de Dalila Z. Mas-chino, Montréal, 28 juin 1978 LA PRESSE

Du côté des groupes de femmes, la solidaritéinternationale a été principalement développée parle Comité de lutte et la Coordination nationaledans le cadre d'appuis à des luttes ou de partici-pation à des campagnes internationales sur la ques-tion de l'avortement, de la contraception et de lastérilisation forcée. Il y a eu cependant d'autres ten-tatives de développer des liens entre les Québé-coises et les Immigrantes.

Le 26 mai 78, sous l'instigation de militantes chi-liennes du Bureau des prisonniers politiques duChili (BPPC), avec la collaboration de l'équipe dePluri-Elles est émis un message d'appui à la grèvede la faim faite par une centaine de parents de dis-parus politiques. Les grévistes, majoritairement desfemmes, s'étaient rassemblées dans les bureauxde l'UNICEF et dans cinq églises à Santiago72. Lemessage de solidarité avait été signé par plus d'unedizaine de groupes de femmes. Dans la foulée decet appui, quelques femmes québécoises et chi-liennes projettent de mettre sur pied un groupe defemmes québécoises et latino-américaines.

71 Pluri-Elles, vol. 1 n°4.72 Pluri-Elles, vol. 1 n°6.

Le projet demeure sans suite à cette périodemais est repris plus tard, en novembre 79, toujourssous l'instigation de militantes du BPPC. Une ren-contre d'information portant sur l'histoire du mou-vement des femmes en Amérique latine réunit unequinzaine de femmes. Mais le peu de disponibilitédes militantes québécoises présentes, lié à la quasiabsence de préoccupation internationaliste à l'in-térieur des groupes dont elles font partie, fait encoreune fois abandonner le projet d'une liaison plusétroite entre militantes québécoises et latino-américaines.

Par ailleurs, mentionnons l'existence duGroupe de femmes latino-américaines de Mon-tréal qui depuis trois ans travaillent à développerdes liens entre des groupes de femmes d'Améri-que latine et du Québec. D'abord groupe d'étude,il commence à s'organiser pour concrétiser sonobjectif. À l'automne 79, le groupe a organisé lacampagne de dénonciation de l'élection de MissAmérique Latine au Québec.

En novembre 78, la mise sur pied du Comitépour la libération de Dalila Z. Maschino incitel'équipe de Pluri-Elles à convoquer sa premièretable-ronde sur la situation des femmesimmigrantes 73. Des femmes algériennes, américai-nes, chiliennes, égyptiennes, grecques, haïtienneset italiennes, pour la plupart militantes ont participéà la rencontre et ont parlé de leurs problèmes spé-cifiques. Finalement, si toutes les participantesespéraient réellement que d'autres rencontres sem-blables se reproduisent pour permettre aux uneset aux autres de saisir différences et similitudes,des difficultés se sont dessinées : risques subtilsdu racisme et du paternalisme déguisés, de la récu-pération, de l'éparpillement. On formula alors sim-plement le voeu de poursuivre la communication,ne serait-ce que par des échanges d'information,mais cela demeura sans suite réelle.

7.9 Les 8 mars et les États généraux destravailleuses salariées québécoises

7.9.1 Les 8 mars

Le 8 mars 1975 rend manifeste la rupture del'unanimité sur les objectifs de la lutte des femmeset sur les liens que cette lutte doit entretenir avecles autres mouvements sociaux. En effet, cetteannée-là, nous assistons à trois manifestations pourcélébrer la Journée internationale des femmes.

L'une le 7 mars, organisée officiellement parl'ADDS et des garderies fut une fête très réus-sie où l'on faisait le lien entre différentes lut-tes (garderies, taxe d'eau, etc.) et la libérationdes femmes. Cette initiative était celle du noyaude Mobilisation, soucieux d'opérer des jonctions

Revendications du 8 mars 1975 LA PRESSE

entre la lutte des femmes et les luttes des groupespopulaires.

Une soirée a été organisée conjointement parla C.E.Q. et la C.S.N. et les groupes de femmes.Le thème de cette journée était : « 1975 : lutte col-lective pour une maternité librement choisie, pourdes garderies populaires ». Ce thème avait étéchoisi pour souligner l'importance de la lutte pourl'avortement en cette année où le Dr Morgentalerétait devant la Cour suprême du Canada, qui con-firmait le 25 mars, le verdict de culpabilité retenucontre lui. De plus, cette année-là, le gouvernementobligeait plusieurs garderies populaires à fermerleurs portes à cause de coupures dans les subven-tions. Le Théâtre des cuisines présenta sa pièce :Moman travaille pas, a trop d'ouvrage et le Comitéde lutte publiait son Dossier spécial sur l'avorte-ment. Cette soirée fut critiquée de tous bords, touscôtés ; on lui reprochait son style peu chaleureuxet peu mobilisateur, mais l'expérience d'une jour-née de discussions en ateliers s'avéra assezintéressante.

Enfin le groupe En Lutte ! organisa, quoique offi-cieusement, une autre soirée avec des femmes desgroupes populaires, des travailleuses, des immi-grées. Le contenu était très différent, l'accent étantmis sur l'apport des luttes de femmes à la lutte des

73 Pluri-Elles, vol. 2 n°1, oct/nov. 78.

classes. Soulignons que durant cette période onne faisait plus jamais mention de la question natio-nale, et de ses liens avec la libération des femmes.

Le 8 mars 1976 montre encore la même divi-sion. En Lutte ! organise sa soirée avec des mili-tantes de groupes populaires et culturels et les cen-trales C.S.N. et C.E.Q. organisent leur soirée oùelles invitent le Comité de lutte à donner un mes-sage. L'Intergroupe prononce un discours quiexplique le sens de la lutte des femmes contre l'ex-ploitation capitaliste, à partir du rapport des fem-mes au Capital, à savoir le travail ménager. Ce texteconstitue en quelque sorte un manifeste pour lecourant féministe autonome d'inspirationmarxiste 74. Le thème de la manifestation et de lasoirée était les revendications spécifiques aux fem-mes du mouvement syndical.

Le 8 mars 1977 les syndicats C.S.N., F.T.Q. etC.E.Q. avaient invité leurs membres au CentrePaul-Sauvé à Montréal. Le thème de la fête était« Solidarité et action ». Les femmes des groupesautonomes n'y participeront pas et organiserontleur propre soirée.

Le 8 mars 1978 une soirée de solidarité seraorganisée par le Comité inter-centrales des comi-tés de condition féminine et sera particulièrementmobilisatrice. L'impossibilité pour les militantes desgroupes autonomes de femmes de s'impliquer àpart entière dans l'organisation de la fête les ferontopter pour l'organisation d'une journée d'ateliersle 11 mars. 300 femmes ont participé aux différen-tes activités de cette journée dont le thème était :« Femmes autonomes, Femmes solidaires ».

Le 8 mars 1979 sera organisé par les comitésdes centrales syndicales, les militantes féministesse repliant sur le 31 mars : journée internationalepour l'avortement. La manifestation du 3.1 mars àMontréal connaît un succès éclatant et démontreles capacités de mobilisation des féministes « auto-nomes ». Même si officiellement, les centralessyndicales appuyaient la manifestation, on pouvaitpresque compter sur le bout des doigts les militan-tes syndicales présentes à la manifestation, l'avor-tement n'étant pas une de leurs priorités. À l'oc-casion du 8 mars, des féministes présenteront auTNM, un spectacle théâtral : « Célébrations defemmes ».

Le 8 mars 1980 permettra que se renouent desliens entre les militantes des Comités de condi-tion féminine, celles des groupes de femmes etcelles qui travaillent principalement avec des fem-mes. En effet, elles ont organisé ensemble une jour-née d'activités à l'UQAM : kiosques d'information,débats, théâtre, films, lancements. Ce midi-minuitrévéla l'ampleur du travail réalisé par rapport à lacondition des femmes, et permit de sensibiliser plu-sieurs femmes et hommes à la nécessité de lutter.On estime que quelque 10 000 personnes partici-

pèrent à cette journée. Sans rechercher de consen-sus ni d'unité à tout prix, les féministes purent réa-liser « Toutes ensemble » cette journée qui mani-festait assez bien la diversité du mouvement desfemmes en 80.

Le 8 mars 1981 a permis de montrer que la con-dition féminine préoccupait de plus en plus demonde. À Montréal, les manifestations ont été extrê-mement variées, plus de 30 groupes ont célébréà leur façon le 8 mars. Des dizaines de syndicatsde chacune des centrales l'ont souligné. Les évé-nements d'envergure ont été la manifestation gaie,animée et regroupant de 3000 personnes, samedile 7 mars et la journée du 8 mars, organisés prin-cipalement par des organisations syndicales àl'UQAM en collaboration avec des groupes auto-nomes de femmes. Kiosques, films, vidéos, théâ-tre sur le harcèlement sexuel (Théâtre Parminou)et sur les multiples facettes de l'oppression desfemmes (Théâtre des cuisines) et débats sur lethème « S'organiser de plus en plus » pour faire lepoint sur les revendications et le mouvement desfemmes en 81.

7.9.2. Les États généraux destravailleuses salariées québécoises

La tenue des États généraux a marqué uneétape importante dans la vie des comités syndicauxde condition féminine et dans la tentative de ras-sembler toutes les forces qui luttent pour les droitsdes femmes.

Le Comité de condition féminine de la C.S.N.a proposé au Comité inter-centrales d'organiserce type de rencontre. Le Comité CEQ a adhéré auprojet et celui de la F.T.Q. s'en est dissocié. Aussi,les Comités de condition féminine C.S.N. etC.E.Q. décidèrent de préparer un manifeste danslequel seraient contenus une plateforme de reven-dications minimales et un plan d'action. Cette ini-tiative syndicale voulait répondre à deux besoins.D'abord enclencher un processus d'articulation etd'harmonisation de toutes celles et ceux pour quila lutte des femmes est fondamentale. Ensuite, faireface à la politique du Parti québécois de récupé-rer par tous les moyens les luttes et les revendica-tions sur la condition féminine portées par le mou-vement syndical.

Pour les comités syndicaux, la réalisation desÉtats généraux le 3 mars 79, fut un succès ines-péré. Plus de 600 personnes ont répondu à la con-vocation. On y a débattu du manifeste et du pland'action proposés pour finalement les amender. Lesparticipantes et les participants ont demandé que

74 Discours du 8 mars 1976, ronéotypé.

soit convoquée une 2e journée d'États générauxafin de poursuivre de façon plus approfondie la dis-cussion et d'adopter un programme d'action.

Bien que, acceptée et appréciée par la plupartdes militantes des groupes de femmes, cette ini-tiative souleva des questions et des critiques de lapart des féministes (quels rapports sont faits entreles travailleuses salariées et les ménagères ? quepeut-on attendre des hommes ? quelle place leuraccorder dans une telle rencontre? le mode defonctionnement, la procédure employée permettent-ils l'expression démocratique ?)75 Plusieurs d'en-tre elles étaient confrontées pour la première foisà la réalité politique et idéologique des militants dumouvement syndical et des organisations politiques

et cela leur indiqua les jonctions possibles commeles différences entre les composantes du mouve-ment des femmes.

Les États généraux II ont eu lieu le 3 novem-bre 79. Demi-succès ou demi-échec, plusieurs ensont sorties frustrées et insatisfaites. Si la partici-pation nombreuse (800 personnes) et l'entente surun plan d'action sont des éléments positifs, par ail-leurs des problèmes de fonctionnement liés aux exi-gences des différentes composantes présentes àla rencontre ont augmenté les tensions entre lesgroupes de femmes et les comités syndicaux.

75 Des luttes et des rires de femmes, vol. 2 n°4, mai-juin 79.

Réunion des États généraux II, 3 novembre 1979. CSN

62

VIII - 1981Le mouvement des femmes s'affirme commeun mouvement social... fragile.

Un exemple concret de l'autonomie des femmes : le Centre de santé des femmes du quartier Mont-Royal.LOUISE BOUCHARD

L'année 1981 ne marque pas une nouvelleétape pour le mouvement des femmes. Nousl'avons déjà souligné, il est difficile, avec si peu derecul, de dégager une ou des périodes depuis 1975pour l'ensemble du mouvement. Nous nous limi-terons donc à ajouter dans ce chapitre les princi-paux événements qui l'ont marqué en 81. D'abordnous relevons les principaux traits de la situationéconomique, politique et sociale au Québec.

8.1 La conjoncture économique, politiqueet sociale

Quoi de neuf en 81 ? Rien de très spectaculaire,si ce n'est les sommets atteints par les taux d'inté-rêts, vous diront les économistes. En effet la criseéconomique se poursuit avec ses effets de plus enplus dramatiques pour certaines couches de lapopulation. Pour les femmes travailleuses, celasignifie, moins d'emplois disponibles, précarité etbas salaires, augmentation du travail à temps par-tiel, à domicile, au noir. Pour les ménagères, ça veutdire, faire toujours plus, avec moins (cuisine,ménage, entretien des vêtements, gardiennage, loi-sirs, etc), y compris plus de fatigue, de tension, desoucis et moins de... Ajoutons à cela les coupuresdans les services sociaux, les garderies et l'édu-cation des adultes. Sur la scène politique, le Partiquébécois a été réélu en avril 81, sa gestion et sesbudgets se font de plus en plus conservateurs voirrétrogrades. Deux femmes entrent au cabinet ethuit sont élues à l'Assemblée nationale ! Le débatsur le rapatriement unilatéral de la Constitutionoccupe les trois-quarts de la scène politique. Onparle de moins en moins de souveraineté, de plusen plus de fédéralisme et de répartition des pou-voirs. Les législations visant particulièrement lesfemmes ont fait presque l'unanimité de ces derniè-res et de leurs organisations pour affirmer qu'ellesétaient en deçà du minimum. On espère cependantbeaucoup d'une réforme de la Charte des droits dela personne qui viserait à y inclure la possibilité deprogrammes d'action positive.

Cependant la rengaine de plus en plus diffuséedans les grands médias c'est que les femmes enont eu assez. « II ne faut tout de même pas qu'ellesdeviennent trop égales... » Elles aussi doivent seserrer la ceinture. Madame Lise Payette est ren-voyée de CJMS, son émission n'est pas populaire,elle se plaint trop et s'apitoie sur le sort des fem-mes qui ne sont pourtant pas tant à plaindre.

Quelque chose a tout de même attiré l'attentionde plus d'une, en cette année 81, c'est la présenceplus visible, plus sociale de l'Église catholique, deses hauts-parleurs et de ses filiales par exemplede l'Association des parents catholiques du Qué-bec, dans le débat sur l'éducation sexuelle. Plus

discrète dans les années 70, l'Église déciderait-ellequ'elle intervient davantage en 80 pour préserverles valeurs que les féministes tentent de saper :autorité, famille, ...?

Dans cette atmosphère on ne s'étonnera pasde voir que le mouvement ouvrier et populaire, lui,a du mal à se faire entendre, à trouver des alterna-tives crédibles. La période en est davantage à larecherche, à renouer des solidarités, patiemment.Certaines initiatives s'affirment tout de même : leSommet populaire II à Montréal, un nouveau jour-nal progressiste Presse-Libre et la naissance d'unMouvement socialiste. Dans la gauche, les luttesdes femmes, leurs revendications ont bonnepresse ; le féminisme, on ne peut plus l'ignorer. Lemouvement des femmes influence toutes les cou-ches et classes sociales, toutes les institutionsaussi.

8.2 Le mouvement des femmes en 81

La dispersion et la fragmentation des groupeset des luttes ne sont pas disparues. Une partie dumouvement est en phase de recherche, de bilanet aussi de remise en question. Une autre com-mence à entrevoir les limites à ses revendicationsconcernant l'égalité des femmes et des hommesdans le contexte d'une société capitaliste et patriar-cale. C'est dans le domaine culturel et idéologiqueque les femmes s'affirment le plus, bouleversentles valeurs établies et en proposent d'autres.

8.2.1 Les luttes pour l'avortement etdans le domaine de la santé des femmes

La Coordination nationale pour l'avortementlibre et gratuit (CNALG) tente, suite à la dissolu-tion du Comité de lutte, de se réorganiser et dedonner des suites à l'enquête sur la situation del'avortement au Québec. Lors de son assembléegénérale du printemps, la participation des femmesdu milieu syndical et institutionnel est faible. Deuxtendances se font jour. L'une privilégie de poursui-vre la lutte pour l'avortement par la mise sur piedde centres de santé autonomes de femmes. L'au-tre suggère de poursuivre aussi la lutte pour desservices d'avortement dans le réseau institutionnel,des affaires sociales. Aucune option claire ne seraprise mais beaucoup de militantes concentrerontleurs énergies à mettre sur pied et à opérer des cen-tres de santé autonomes. Actuellement on fait lebilan des actions passées et tente de préciser unestratégie d'intervention.

Sans personnel permanent, sans financement,son fonctionnement « national » est lent et difficile ;les énergies sont peu nombreuses. La CNALG sera

tout de même partie prenante avec le Centre desanté des femmes du quartier, le collectif n° 1 deMontréal de L'autre parole, la revue La Vie en roseet la Fédération du Québec pour le planning desnaissances, d'une déclaration sur l'avortement ren-due publique immédiatement après celle des évê-ques du Québec, le 9 décembre76. Leur positionexprimée dans un communiqué : La Vie des fem-mes n'est pas un principe, endossé par 20 grou-pes de femmes en est une en « total désaccord »avec le discours des évêques et manifeste leur soli-darité avec les femmes qui donnent en entretien-nent la vie depuis des siècles et des siècles.

Cette déclaration a été largement diffusée et apermis que le débat sur l'avortement ne soit pasmonopolisé publiquement par la droite. Un commu-niqué du RAIF lors de l'attentat contre le pape enmai avait aussi suscité beaucoup de commentai-res dans la presse77. Des articles d'une féministede longue date, parus dans Le Temps Fou70 ontlancé, par ailleurs, le débat sur les analyses et lespratiques des féministes sur la contraception. Ilsremettaient en cause la surmédicalisation de la con-traception et en général de la santé des femmes.L'ouverture de la clinique d'avortement du Centrede santé des femmes du quartier, centre auto-géré par des femmes, a été un événement impor-tant qui soulignait la nécessité pour les femmes decontrôler des lieux offrant des services de santépour les femmes. Deux études sur la santé des fem-mes ont été produites, l'une par le CSF : Essai surla santé des femmes, l'autre par le CIRF : La Santédes femmes et leurs besoins.

L'Association pour la santé publique avec unesubvention du ministère des Affaires sociales (MAS)a tenu des colloques : « Accoucher ou se faireaccoucher ». Les discussions des femmes présen-tes convergeaient vers la nécessité de l'humanisa-tion et de la démédicalisation des soins en périna-talité. La Corporation des médecins s'est sentieobligée de riposter, espérant tuer dans l'oeuf cettecontestation et a publié à grands renforts de publi-cité la brochure : « Mieux accoucher, mieuxnaître79 ».

8.2.2 Les luttes contre la violence et le viol.

Le Regroupement des maisons d'héberge-ment en difficulté réunissant 20 centres au Qué-bec dont 6 à Montréal * prend position. Les mai-sons membres refusent leur intégration au réseaudes affaires sociales, entendent garder leur entièreautonomie de gestion et d'orientation mais exigentun financement statutaire adéquat.

Le colloque du YWCA en juin a permis à diffé-rents groupes de faire le point sur la harcèlementsexuel en milieu de travail et de lancer un ques-

tionnaire. Ce sujet est par ailleurs devenu unepréoccupation importante des comités de condi-tion féminine du mouvement syndical.

Le Mouvement contre le viol a poursuivi sontravail d'animation dans une optique de sensibili-sation et de prévention, dans le milieu scolaire (éco-les secondaires, cégeps). Sans personnel perma-nent La Collective de Montréal a tout de mêmeréussi à maintenir ses services de support télépho-nique et de référence, les femmes sont invitées àvenir discuter de la violence et du viol dans desgroupes informels de support. La principale actiondu MCV fut l'organisation de la manifestation le 18septembre sous le thème : La Rue, la nuit, des fem-mes sans peur et la tenue d'un bazar la lendemainafin d'augmenter l'autofinancement du groupe. Desprojets plus permanents sont en chantier pour l'an-née 82.

8.2.3 Des services pour les femmes

Le CIRF continue d'offrir des services aux fem-mes, en particulier, il a mis sur pied un atelier derecherche de travail, il poursuit la publication deCommuniqu'elles et des Pages jaunes et vient d'ini-tier un projet pilote à l'adresse des adolescentesdu quartier. Il a reçu au cours de l'année 80, 25 000appels de femmes. Son orientation se résumeainsi : « Les femmes d'abord ».

Le groupe Relais-Femmes a produit un guided'animation sur le projet de loi 89 et poursuit sontravail de recherche et d'animation. Il possède unimportant centre de documentation.

Le service Consult-Action du CSF de l'îlede Montréal via ses deux animatrices a soutenula préparation et la réalisation de différentesactivités. Mentionnons le colloque sur la santé men-tale tenu sous le thème : « Quand les femmes seprennent en main », le colloque « Accoucher ou sefaire accoucher » et enfin celui sur « Les Femmeset leur intégration au marché du travail » qui a réuniune centaine de femmes en 81. Consult-Actionn'initie pas d'action mais prête un support à desactivités conçues par des femmes. De plus, il pro-duit des outils d'information et d'animation pour lesgroupes.

76 Le Devoir, 10 et 11 décembre 81 ; Presse-Libre, n ° 9 ,15 déc. 8 1 .

77 La Presse, 16 mai 8 1 .78 Le Temps fou, n° 13-14-15.79 La Vie en rose, mars, avril, mai 81.* Les centres de Montréal sont Assistance aux fem-

mes, Auberge transition, Centre refuge, L'Escalepour elles, Le Réconfort et Refuge de l'île West.

Enfin plusieurs projets de lieux de rencontres etd'information pour les femmes ont vu le jour dansdifférents quartiers de Montréal dont Verdun, VilleÉmard, Pointe St-Charles, St-Michel.

8.2.4 Les regroupements féministes et féminins

Le RAIF est peu présent dans la région mon-tréalaise, le Regroupement des féministes socia-listes a disparu et le Regroupement des femmesquébécoises n'a réuni que 25 femmes à sonassemblée générale et il cherche encore commentmobiliser les femmes largement. La Fédérationdes femmes maintient son orientation et son typed'intervention ; elle a tenu un colloque sur la por-nographie, son congrès annuel et a présenté desmémoires au gouvernement.

8.2.5 Dans les centrales syndicales,les comités des condition féminine

L'année 81 a été extrêmement active au cha-pitre de la condition féminine dans les trois centra-les FTQ, CEQ, CSN. Célébration du 8 mars, collo-ques, sessions de formation, création de comitésdans les syndicats, débats sur l'action positive, lasyndicalisation des femmes, énoncés de politique.

À la FTQ

L'année 81 a été marquée par une plus grandeprise en charge syndicale de la condition féminine.Le 8 mars a été célébré dans plusieurs lieux de tra-vail, 25 000 macarons ont été vendus. Le printempset l'été ont été consacrés à poursuivre le travaild'implantation de comités dans les sections loca-les ; plus de 5 nouveaux syndicats se sont dotésde comités, par exemple : syndicat des Métallos,Alliance de la fonction publique, syndicat des tra-vailleurs des communications. C'est le nerf de laguerre, le pilier de l'action syndicale, la condition« sine qua non » de l'application des politiquesvotées par la centrale. Lors du 17e congrès, ennovembre, un énoncé de politique de la FTQ surla condition féminine a été débattu pendant prèsde 2 h 30 par des congressistes actifs et attentifs80.L'action positive dans la centrale et la formationsyndicale demeurent des priorités pour permettreaux femmes de faire des avancées significativestant au niveau syndical qu'au niveau de leurs con-ditions de travail.

À la CSN

Le Comité de condition féminine de la CSNa poursuivi son action sur ses quatre revendications

prioritaires auxquelles s'est ajoutée la réflexion surdes politiques de syndicalisation de la main-d'oeuvre féminine et sur les mesures d'action positive81.Le comité a travaillé à coordonner et à soutenirdavantage les comités de condition féminine desdifférentes instances de la CSN. Celui du Conseilcentral de Montréal a commencé cette année à pro-duire pour les militantes à la condition féminine lebulletin de liaison et d'information : plus d'une. Lecomité a amorcé une réflexion sur les conséquen-ces de la crise pour les femmes et plus particuliè-rement sur les effets des changements technolo-giques dans le secteur tertiaire. Il est très préoc-cupé des mesures visant le temps partiel et a orga-nisé en décembre une session de formation sur letemps partiel.

Le 8 décembre, une coalition regroupant dixorganismes représentant 200 000 femmes dénon-çait le piège du temps partiel. Le travail à tempspartiel est un moyen de plus pour garder les fem-mes dans les ghettos d'emplois où elles sont malrémunérées, peu syndiquées et soumises à desconditions de travail indécentes. Nous refusons quel'avenir des travailleuses se résume au travail àtemps partiel et nous en dénonçons l'exploitation.La population (surtout les femmes) doit être sensi-bilisée aux menaces que représente l'institutionna-lisation du temps partiel. Telles sont les raisons quiexpliquent qu'une coalition ait été-formée pourorganiser la riposte au temps partiel... La Coalitionjuge que le travail à temps partiel compromet le pro-grès des mentalités, l'évolution des rôles tradition-nels des femmes et des hommes et le droit au pleinemploi pour toutes et tous... Elle réclame que lestravailleuses et travailleurs occupant actuellementdes postes à temps partiel puissent bénéficier desmêmes droits et avantages que celles et ceux quitravaillent à temps plein. Elle exige que cesse lacréation de postes à temps partiel et que d'autresformes d'aménagement du temps de travail soientexploitées afin de répondre aux besoins de certai-nes catégories de travailleuses et travailleurs82.

Le Comité de condition féminine de la CSNa aussi mené plusieurs autres actions conjointesavec celui de la CEQ, du Syndicat des profession-nels du gouvernement du Québec (SPGQ) et de dif-férents groupes populaires et de femmes ; mention-nons outre la préparation du 8 mars, la prépara-tion d'une conférence de presse sur le budget Pari-

80 F.T.Q, Déclaration de politique de la FTQ sur la con-dition féminine, 17e congrès de la FTQ, nov. 8 1 , Mon-tréal, 14 p.

81 CSN, La Lutte des femmes, une lutte pemanente,une lutte collective, rapport du comité de la condit ionféminine 8 1 , 67 p.

82 Communiqué de presse, 8 décembre, CSN/CEQ.

zeau et les femmes, la présentation d'un dossierlors des élections de mai : Les femmes et les élec-tions : notre cahier de revendications, sans oublierle travail de mise sur pied d'une table permanentede concertation sur les garderies (SOS Garderies,RGQ, AEP, CSN, CEQ, etc.) et la participation aucomité sur l'implantation des garderies en milieude travail. Le comité a mis sur pied une sessionde formation sur la reproduction biologique et lemilieu de travail et participe à la préparation de lanégociation du secteur public.

À la CEQ

Les militantes du comité ont été très actives.En plus des nombreuses actions ponctuellesdéjà évoquées, menées avec d'autres groupes,deux opérations d'envergure ont été lancées.D'abord, une semaine d'intervention pédagogiquesous le thème : Pour créer de nouveaux rapportsfemmes-hommes83 a été réalisé dans plusieursécoles par des enseignantes et enseignants. Il estdifficile de cerner complètement les effets de cetteinitiative au niveau des travailleuses de l'enseigne-ment, des jeunes et du milieu. Néanmoins, per-sonne n'est resté indifférent. Les interventionspédagogiques ont suscité beaucoup de discussionset d'échanges chez les membres, une prise deconscience chez plusieurs, tant les jeunes queles moins jeunes, une occasion pour les comi-tés locaux de condition des femmes pour briserl'isolement. La seconde activité d'envergure futle « Forum sur les femmes ». Dans son ensem-ble, le Forum a été un événement très apprécié.Il a permis à un grand nombre de personnes quise trouvaient à différents niveaux de conscientisa-tion d'échanger et de faire des pas dans leur pro-pre cheminement. Certains thèmes n'étant pas nou-veaux, celles qui en étaient à leur première parti-cipation à une activité portant essentiellement surla condition des femmes, se sont senties plus àl'aise ; pour celles qui militaient depuis longtempsdans le réseau des comités locaux ou qui étaientdéjà sensibilisées à la cause des femmes, le faitque l'on aborde enfin des thèmes jusqu'ici négli-gés, la famille par exemple, a représenté un souf-fle nouveau84.

Depuis l'automne le comité a entrepris uneréflexion sur l'action positive et des débats ontété faits dans toutes les instances de la cen-trale sur ce sujet. Une sensibilisation des mem-bres sur les effets de la crise, économique surla condition des femmes a été entreprise et l'on acommencé à travailler autour des axes de reven-dications pour la prochaine négociation dans le sec-teur public. Enfin le comité tente de renforcer sonréseau d'action à l'intérieur de la centrale et pour

cela mène une enquête auprès de tous les affiliéssur l'organisation de comités locaux de conditionféminine.

8.2.6 Des interventions sur les conditionsdes femmes travailleuses

Des groupes extérieurs au mouvement syndi-cal mènent des études, des actions et font un tra-vail d'organisation des travailleuses. Le groupe Aubas de l'échelle poursuit son action auprès des tra-vailleuses non-syndiquées et a fortement dénoncéla loi sur les conditions minimales de travail, loi 126,et surtout sur sa non-application. Il a publié une bro-chure d'information : Quand on n'est pas syndiquésur la loi 126 et les droits des non-syndiqués. Aubas de l'échelle a aussi participé à plusieurs coali-tions dont celle sur le temps partiel et celle pourune réforme du Code du Travail. Le groupe Action-travail des femmes intervient quant à lui dans ledomaine de la lutte pour l'accès des femmes auxmétiers non traditionnels et pour des réformes auxchartes canadienne et québécoise des droits de lapersonne afin d'y intégrer des programmes d'ac-tion positive. L'Association du personnel domesti-que poursuit son travail d'information et d'organi-sation des travailleuses domestiques entre autresen déposant des plaintes à la Commission desdroits de la personne. La Ligue des femmes amené une enquête sur les conditions des travail-leuses dans l'industrie du vêtement à Montréal,publiée sous le titre : De fil en aiguille.

8.2.7 Pratiques dans le champidéologique et culturel.

Notons qu'une certaine littérature féministe,celle de Marilyn French, de Marie Cardinal, d'EricaJong par exemple, s'est diffusée très largement auQuébec dans les dernières années et a suscité ungrand intérêt pour les écrits des femmes. Au Qué-bec, un certain nombre de livres de femmes, témoi-gnages, romans, théâtre ont figuré parmi les best-sellers de l'année. Les deux maisons d'éditionsféministes poursuivent leur pari de survivre et dese développer avec une infrastructure minimale.Les Éditions de la pleine lune ont lancé, entreautre un disque : La Folle du logis et des textes lit-téraires. Les Éditions du remue-ménage ont de

83 CEQ, Pour créer de nouveaux rapports femmes-hommes, Semaine d' intervention pédagogique du 1erau 8 mars 8 1 , D7926, fév. 8 1 , 222 p.

84 Rapport du comité de la condit ion des femmes, CEQ,A 8 0 8 1 , CG110.

nouveau publié leur calendrier, leur agenda sur lethème de l'autonomie et trois autres productions.Deux nouvelles productions d'envergure sont àparaître ; il s'agit de la collection complète de Qué-bécoises Debouttes ! une anthologie des textes duFLF et du Centre des femmes de 1969 à 1976, etd'un ouvrage d'analyse historique sur les originesdu 8 mars. Cela reflète la prise de conscience decertaines militantes féministes de la nécessité etmême l'urgence d'écrire elles-mêmes l'histoire duféminisme québécois et du mouvement. L'éditionde la collection des Têtes de pioche puis du livreMon héroïne signifiait cette volonté des militantesde retrouver et d'écrire leur histoire. Le Théâtreexpérimental des femmes a produit trois specta-cles et a considérablement élargi son auditoire. LeThéâtre des cuisines, pour sa part a joué plusieursfois sa pièce : As-tu vu ? les maisons s'emportent !avant de disparaître de nouveau. Des groupes auto-gérés de femmes produisent films et vidéos. Lagalerie Powerhouse a, maintenant ses activités demême que La Librairie des femmes qui a fêté son5e anniversaire. Une première a eu lieu en cetteannée 81 : le Colloque sur les femmes et l'informa-tion organisé par des femmes de la Fédération desjournalistes professionnels du Québec. 800 femmesde différents secteurs, de toutes les régions du Qué-bec ont décrit, analysé, débattu, confronté les silen-ces et les discours sur les femmes et des femmesdans l'information.

La diffusion d'analyses, de points de vue, deréflexions et de témoignages féministes a été ren-due possible par deux revues qui durant l'année

81 ont fait une percée importante dans les milieuxprogressistes et auprès des femmes. Des luttes etdes rires a produit quatre numéros comprenantchaque fois un dossier d'envergure sur l'autono-mie des femmes et du mouvement, sur la famille,sur les menstruations et sur l'argent. La revue atenu en juin une rencontre-bilan avec ses lectricespuis le collectif a décidé d'approfondir le bilan etla recherche d'alternatives. La publication est donctemporairement en suspens, le collectif, lui, pour-suit sa démarche.

La Vie en rose publie à plus de 10 000 exem-plaires ; les quatre dossiers ont porté sur le salaireau travail ménager, l'éducation sexuelle, les fem-mes et l'information, sur la famille et la loi 89.L'équipe a bien l'intention de poursuivre son aven-ture. Elles expliquent ainsi leur parti-pris : « Si nouspublions cette revue, c'est d'abord pour rendre visi-bles les révoltes, les luttes, les gestes isolés ou col-lectifs de femmes, ici ou ailleurs ; toutes ces démar-ches et ces ripostes qui alimentent ce que nousappelons le mouvement et qui appartiennent aussi,veut veut pas, à la sacro-sainte actualité... Nousvoulons plutôt décoder l'information officielle —qu'il s'agisse de décisions politiques, économiquesou autres, bref de ce que le pouvoir veut bien nousdire, ou encore du spectacle décousu et lointain quitient lieu d'actualité internationale — nous voulonsla resituer sous notre angle de vision, en fonctionde nos intérêts, de notre réalité85 ».

85 La Vie en rose, sept, oct., nov. 81.

Conclusion

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Entreprise téméraire ! Que pouvons-nous con-clure de cette masse considérable de données surles femmes, leur vie, leurs travaux, leurs luttes?Les réflexions qui surgissent de ce panorama dumouvement des femmes sont irrémédiablementplacées sous le signe de l'ambivalence. Peu deconstats clairs, nets, indéniables apparaissent.Combien de nuances, de questions et de modes-tie nous semblent nécessaire.

Suite à presque cent ans de lutte, quels pro-grès ? Les femmes ont commencé à revendiquerla parité salariale, au début du siècle, or en 1975,le salaire des travailleuses du Québec correspondà peu près à la moitié de celui des travailleurs. Lalutte contre le harcèlement sexuel au travail a étéentreprise aussi, il y a 75 ans ; aujourd'hui, desgroupes de femmes et une partie du mouvementsyndical s'en préoccupent activement considérantl'ampleur du fléau ! Les revendications du premiergroupe de femmes en 1893 pour l'établissementde garderies, pour la pleine participation des fem-mes aux institutions sociales et politiques fontencore partie des plateformes du mouvement desfemmes et malgré des avancées, le chemin à par-courir est encore immense. Enfin, si globalementon peut noter une amélioration des conditions detravail des ouvrières et employées de bureau auchapitre de la santé et de la sécurité, les employéesdu vêtement et des abattoirs par exemple travail-lent encore dans des conditions révoltantes, maiscela ne fait pas partie des priorités du gouverne-ment. En 1978, dans son rapport, le Conseil du sta-tut de la femme expliquait qu'il ne traiterait pas dela santé des femmes au travail puisque le gouver-nement québécois préparait une loi sur la santé etsécurité au travail. Or dans le Le Livre blanc du gou-vernement (à l'origine de la loi 17) sept lignes sontconsacrées aux femmes ; elles sont discriminatoi-res et remettent en cause le droit réel des femmesau marché du travail.

Cependant les luttes des femmes ont tout demême permis que la condition féminine soit moinsoppressante, plus vivable ; mentionnons l'accès àl'éducation, a différents services sociaux et surtoutà la contraception qui a substantiellement changéla vie quotidienne de milliers de femmes, les ren-dant partiellement plus autonomes sans pour autantéliminer certaines pièges. L'actuelle crise écono-mique, on le sait, remet en cause la plupart desacquis des femmes quant à leurs droits et pouvoirs.Elle exige des femmes une vigilance, une ruse etune force considérable. Par exemple, qu'adviendra-t-il de la sacro-sainte institution familiale en cettepériode de crise? La crise de la famille sepoursuivra-t-elle ou, comme l'ont noté les féminis-tes italiennes, la famille se reconsolidera-t-elle,constituant le seul lieu encore possible de solida-rité émotive dans la société.

Les constatations qui précèdent sur l'évolutionde la condition féminine se vérifient sans doutedans les pays occidentaux industrialisés, c'est plu-tôt les formes et les étapes des luttes des femmesqui renvoient à des spécificités nationales. En effetle mouvement des femmes au Québec a une his-toire particulière où « la question nationale » inter-vient fortement. Nous l'avons vu, ce sont des anglo-phones qui ont été à l'avant-garde des revendica-tions concernant les femmes au siècle dernier etce sont des femmes anglophones de Montréal quiont impulsé un nouveau féminisme donnant nais-sance au FLF, où francophones et anglophonesmilitaient ensemble dans un rapport contradictoireet où émancipation des unes et domination desautres ne se départagent pas facilement. Par con-tre, ce qui est clair au cours de toute l'histoire dumouvement des femmes d'ici, c'est le frein qu'aconstitué le nationalisme conservateur, catholiqueet chauvin qui a été celui des élites canadiennes-françaises jusqu'à maintenant. Nous n'élaboreronspas ici sur les ambiguïtés du nationalisme québé-cois. Rappelons plutôt sa capacité de mobilisationà différentes occasions dans des luttes pour deschangements sociaux en profondeur, au profit dela majorité des hommes et des femmes du peuple.Le FLF est aussi issu du mouvement national, celaen fit sa force et peut-être aussi une partie de safaiblesse. Depuis, le mouvement des femmes danstoutes ses composantes est traversé par l'ensem-ble des contradictions d'un mouvement ancré réso-lument dans la réalité de la nation québécoise domi-née et opprimée, ayant comme réfèrent la sociétéquébécoise et son État tronqué.

Ce dernier, au nom de son statut de dominédans la Confédération canadienne, a exigé et exigeencore des femmes des concessions ; nous pen-sons au moment du référendum ou au récent débatconstitutionnel. Cette question nationale pour untemps mise au rang des « contradictions secondai-res » par le mouvement des femmes et par les fémi-nistes, n'en constitue pas moins une partie essen-tielle de la réalité sociale qui, même mise entreparenthèses formellement, intervient et conditionneles capacités de lutte du mouvement.

Mais enfin, ce ne sont pas d'abord les contra-dictions et les limites du mouvement qui captentl'attention à la lecture du document mais plutôt saformidable vitalité et sa résonance dans toutes lesdimensions de nos vies. Le mouvement des fem-mes est un mouvement social qui a touché l'ensem-ble des couches et des classes de la société, defaçon irréversible pour les femmes dont il a modi-fié les mentalités et les comportements. Jusqu'oùet dans quels sens? Avec quelles conséquencessur la remise en cause de l'ordre établi, avec quelleforce de subversion ? Ici, les féministes feraiententendre leur refus de prétendre à une synthèse

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des acquis et des perspectives d'un mouve-ment vivant et qui précisément récuse cettevolonté cartésienne et masculine de dominerla réalité en la synthétisant avec un langagesécurisant mais combien réducteur. Toutefois,nous affirmerons que le mouvement des femmesau Québec dans ces dernières années a cons-titué l'une des principales forces de contes-tation du pouvoir et de changements, permettantmême l'éclosion d'autres mouvements de luttes,par exemple le mouvement pour les droits deshomosexuels, hommes et femmes.

En effet le féminisme a levé le voile sur ce quela religion, l'école, la famille, la médecine et l'Étatavaient tenté de cacher, à savoir le corps et plusencore sa formidable capacité de jouissance et deplaisir. Revendiquer la connaissance de nos corpspour pouvoir en disposer librement, c'est non seu-lement s'attaquer à la division entre le privé et lepublic mais encore ajouter au principe de la réa-lité : celui du plaisir.

Cela, on en conviendra, sied peu aux rapportsmarchands du capitalisme, de même qu'à la logi-que profondément productiviste des marxistes(avec, ou contre Marx?). Le marxisme opère unedivision fondamentale entre producteurs et non pro-ducteurs, ayant une vision étroite de la production,renvoyant la production et la reproduction de l'es-pèce à la sphère non marchande, donc privée. Ila été incapable d'intégrer le travail des femmesqu'on appelle domestique ou ménager et les fem-mes elles-mêmes à sa problématique révolution-naire. C'est au prix de combien d'énergie et de cou-rage que des féministes québécoises parlent depuis1972 de la production domestique, au risque d'ex-

clusion de la gauche ou d'une tolérance agacée quicommence à peine à devenir une préoccupation età susciter des débats importants. La gauche dumouvement ouvrier et populaire et la gauche poli-tique organisée n'ont-elles pas été plus lentes à sesaisir de cet apport du féminisme que des milliersde ménagères défendant leur pouvoir, celui de leurtravail, tout en revendiquant qu'il soit reconnu etnon obligatoire?

Enfin, soulignons un troisième apport du fémi-nisme, c'est la critique du pouvoir, de la hiérarchieet de la politique. Par rapport aux revendicationshistoriques du mouvement des femmes pour desdroits politiques égaux et pour l'accès aux différentsappareils de pouvoir, les féministes ont soulevéd'une part les limites de la stratégie de l'intégra-tion au pouvoir mâle comme stratégie de change-ment et de l'autre ont développé des lieux autono-mes de pouvoir et des formes d'organisationsmoins hiérarchiques et plus collectives. Par ailleursces formes alternatives de pouvoir et cette margi-nalité par rapport au pouvoir mâle garantissent-ellesque le féminisme émerge aussi comme une forcepolitique capable de mobiliser largement, de déran-ger, de gagner? N'est-il pas nécessaire d'en arri-ver à une théorisation de la place des femmes dansla société et à des stratégies de luttes contre notreoppression ?

Le débat commence à peine. Plusieurs autressont en cours sur les revendications à développer,sur les pièges de la récupération, sur les conditionsà mettre en place pour une plus grande solidaritéet concertation entre l'ensemble des composantesdu mouvement.

Faut-il conclure ?

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Annexe

Chronologie des principaux événementsdu mouvement des femmes de 1968 à 1981

1968 :1969 :

1970 :

1971 :

1972:

1975:

1976:

octobre

octobre

février

6 mai

juindécembrejanvier

septembre

25 marsprintemps

25 juin

juinaoût

septembre

automne15 octobre

mars

avril

mai

- production de la brochure : The Birth Control Handbook- fondation du Montreal Women's Liberation Movement (M.W.L.M.)- manifestation de 200 femmes contre le règlement anti-

manifestation de l'administration Drapeau-Saulnier ; suite à cettemanifestation : création du F.L.F. ; Morgentaler débute sa pratiqued'avortement

- création d'un service de référence des femmes du F.L.F, et duM.W.L.M.

- parution de la 1re édition française du Birth Control Handbooksous le titre Pour un contrôle des naissances

- Caravane nationale pour l'avortement à Ottawa- le F.L.F, diffuse le Manifeste des femmes québécoises et le 1er

numéro de Québécoises Debouttes! (nov. 71)- 1re arrestation de Morgentaler pour pratique d'avortement illégal- disparition du F.L.F.- création du Centre des femmes

reparution de Québécoises Debouttes! (9 numéros en 15 mois)- parution du Manifeste pour une politique de planification des

naissances- le Centre de Planning familial du Québec publie : 100 femmes

devant l'avortement- la Cour suprême déclare Morgentaler coupable- l'A.C.A.L.A. organise une manifestation (500 personnes) pour exi-

ger la libération de Morgentaler- perquisition au local du Comité de lutte, et détention illégale de

cinq militantes pour fin d'interrogatoire- formation du Centre de documentation féministe- création par le Théâtre des cuisines, Moman travaille pas, a trop

d'ouvrage- mise sur pied du Centre de santé des femmes du quartier Plateau

Mont-Royal- formation de l'Intergroupe- ouverture de la Librairie des femmes d'ici ; mise sur pied des Édi-

tions de la pleine lune ; à la F.T.Q. : présentation du document LeCombat syndical et les femmes; mise sur pied d'Au bas del'échelle

- sortie du 1er numéro de Têtes de pioche; à l'Université de Mon-tréal : dix jours pour 10 ans de lutte des femmes.

- création du groupe inter-disciplinaire pour l'enseignement et larecherche sur la condition féminine (G.I.E.R.C.F.)

- création des Editions du Remue-Ménage

1977:

1977:

1978:

1979:

août

septembre

novembre

févriermars

2 avril

juin

étésept-octautomne28-29 janvier

mars

17 au 22 avril

marsmai

juin

juin

19 juilletaoût30 sept,et 1er oct.

automne

7 novembre

décembre

février3 mars:

31 mars

mai

juin

juillet30 sept., 1eret 2 oct.

- document du comité de condition féminine de la C.E.Q. : Stéréoty-pes sexistes dans l'éducation

- 1er spectacle des femmes du T.E.M. : Essai en trois mouvementspour trois voix de femmes

- expulsion de cinq femmes du Comité de lutte- création d'Action Travail des femmes

- ouverture du local de Coop-femmes- parution du document de la Ligue communiste : Contre le fémi-

nisme ! Lions la lutte pour nos droits à la lutte pour le socialisme- manifestation de 2000 personnes suite au manifeste Nous aurons

les enfants que nous voulons signé par 25 groupes de femmes- 1er numéro de Pluri-Elles qui deviendra Des Luttes et des rires de

femmes en 78 ; autre pièce de la Maison des femmesFinalement- ouverture de la Maison des femmes- création du groupe musical Arcanson- fin de l'Intergroupe ; ouverture d'Assistance aux femmes- Assises nationales sur l'avortement et fondation de la Coordination

nationale (26 groupes et organismes) :- constitution du Collectif d'Auto-Santé des femmes ; document du

comité Laure-Gaudreault : Les Absentes n'ont pas tous les torts...- semaine d'Action nationale sur l'avortement et la contraception et

publication du dossier C'est à nous de décider, ainsi qu'une mani-festation à Québec (1000 personnes)

- création du Comité-Femmes de Tanguay- pièce À ma mère, à ma mère, à ma mère, à ma voisine créée par

les femmes du T.E.M. ; Création d'un Centre de Ressources-Informations des femmes

- rapport du comité de condition féminine à la C.S.N. : La Lutte desfemmes : pour le droit au travail social; fermeture de la Maisondes femmes; 1er congrès d'orientation du Regroupement des fem-mes québécoises (R.F.Q.)

- manifestation au carré Philips contre l'enlèvement de DalilaZ. Maschino

- création du Comité pour la libération de Dalila Z. Maschino- fermeture du C.A.V.V.- colloque visant à prendre position face aux cliniques Lazure, et

adoption d'une plateforme; mise sur pied du Regroupement descentres d'hébergement pour femmes en difficulté.

- publication de Pour les Québécoises : égalité et indépendance,C.S.F.

- piquetage de 200 personnes devant lie théâtre St-Denis contre legroupe « Battered Wives », arrestations. ; mise sur pied de l'InstitutSimone de Beauvoir à l'université Concordia.

- Tract femmes, réflexions des comédiennes de T.E.M. publiées auxÉditions du Remue-Ménage

- naissance du Théâtre expérimental des femmes (T.E.F.)- États Généraux I des travailleuses salariées québécoises convo-

qués par la C.S.N, et la C.E.Q.- manifestation de 2500 personnes à Montréal dans le cadre de la

1re journée internationale pour l'avortement- publication d'un bulletin de la C.N.A.L.G. et amorce d'un travail

d'enquête sur l'implantation des cliniques Lazure- action de la C.N.A.L.G. contre Pro-Vie; création de la Collective

de Montréal du mouvement contre le viol ; dernier numéro deTêtes de pioche

- création du T.E.F. : La peur surtout- colloque à la F.T.Q, sous le thème « Une double exploitation... une

seule lutte »

1980

1981

octobre

3 novembre

févrierfévrier-mars

printemps

mars9 mars

7 avril25 avril

2 août8 déc.

janvier

7 mars

mars

avril

mai

16 mai

juin

18 septembre,oct.

oct.

nov.

9 déc.

colloque de la Coordination nationale sur les enquêtes faites surles cliniques LazureÉtats Généraux IIdisparition du Comité de lutteformation de Relais-Femmespièce du T.E.F. : Parce que c'est la nuit; le Théâtre des cuisinesrenaît et présente As-tu vu ? les maisons s'emportent !conférence de presse lors de la publication des résultats de l'en-quête sur les cliniques Lazure : L'Avortement : la résistance tran-quille du pouvoir hospitalier1er numéro de La Vie en Rosediscours référendaire de Lise Payette où elle associe l'épouse deC. Ryan à l'Yvette des manuels scolaires.Assemblée des « Yvettes » au Forum de Montréal, 14 à 15 000 femmesRassemblement pour le 40e anniversaire de l'obtention du droit devote pour les femmes ; 15 000 personnes rassemblées Place Desjar-dins par le Comité des Québécoises pour le OUI ; 1000 personnes surinvitation au Cégep du Vieux Montréal invitées par le comité desamies de Thérèse Casgrain.manifestation sur le thème : « La nuit nous appartient »le Théâtre expérimental des femmes commence sa série de confé-rences du lundi sur « Mon héroïne ».manifestation conjointe contre le concours Miss Laval ; le CIRF fêteson 8e anniversaire.manifestation pour célébrer la journée internationale des Femmes —L'Escouade de la couleur sera de la partie avec la chevauchée rose.Journée à l'UQAM; semaine d'activités pédagogiques de la CEQdans les écoles ; La Vie en Rose fête son 1er anniversaire et paraîtseule, avec un dossier sur « Le Salaire au travail ménager ». ; débatsur le rapport du comité de la condition féminine de la C.S.N. ;Assemblée générale du RFQ ; colloque sur la pornographie organisépar la FFQ. ; congrès de la FFQ.le TEF présente La Lumière blanche ; congrès de la Ligue des fem-mes ; Forum des femmes organisé par la CEQ.suite à l'attentat contre la pape télégramme du RAIF dénonçant sespositions sur l'avortement — « l'affaire » fait les manchettesJournée internationale pour l'Avortement — Ouverture de la cliniqued'avortement au Centre de Santé des femmes du quartier : fête duCentre.Conférence publique et séminaire sur le harcèlement sexuel au tra-vail — lancement d'un questionnaire par le YWCAmanifestation contre la violence faite aux femmes,suspension de la revue féministe : Des Luttes et des rires; célébra-tion du 5e anniversaire de la Librairie des femmes ; (première appari-tion du groupe Wondeur Brass).colloque de la FPJQ sur « l'information et les femmes » ; parution dupériodique Féminin Plurielforum des femmes de l'ANEQ; déclaration du Regroupement desmaisons d'hébergement pour femmes en difficulté au sujet des politi-ques du MAS.Conférence de presse des évêques catholiques à propos de l'avorte-ment — Réaction de 4 groupes de femmes et de la Fédération duQuébec pour le planning des naissances par une contre-conférencede presse ; Audience du tribunal de la commission canadienne desdroits de la personne pour statuer sur l'imposition d'un programmed'action positive au Canadien national — lutte menée par Action Tra-vail des femmes.

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Sigles

A.C.A.L.A. : Association canadienne pour l'abrogation de la loi surl'avortement.

A.D.D.S. : Association de défense des droits sociaux.A.D.G.Q. : Association pour la défense de la communauté gaie du Québec.A.F.E.A.S. : Association féminine d'éducation et d'action sociale.C.A.V.V. : Centre d'aide aux victimes du viol.C.I.C. : Comité inter-centrales de la condition féminine.C.I.R.F. : Centre d'information et de références pour femmes.C.L.A.C.L.G. : Comité de lutte pour l'avortement et la contraception libres et

gratuits.C.N.A.L.G. : Coordination nationale pour l'avortement libre et gratuit.C.R.I. : Centre de ressources-informations (des femmes)C.S.F. : Conseil du statut de la femme.F.C.A.L.A. : Fédération canadienne pour l'abrogation de la loi sur

l'avortement.F.F.Q. : Fédération des femmes du Québec.F.L.F. : Front de libération des femmes du Québec.G.I.E.R.C.F. : Groupe inter-disciplinaire pour l'enseignement et la recherche sur

la condition féminineL.F.Q. : Ligue des femmes du Québec.M.C.F. : Mouvement contre le viol.M.L.C.W. : Montreal Local Council of Women.M.L.F. : Mouvement de libération des femmes.M.W.L.M. : Montreal Women Liberation Movement.N.C.W.C. : National Council of Women of Canada.R.A.I.F. : Réseau d'action et d'information pour les femmes.R.F.Q. : Regroupement des femmes québécoises.T.E.F. : Théâtre expérimental des femmes.

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Index

AFEAS : 25, 32, 44, 55,CAVV : 47, 48, 49CEQ : 33, 34, 35, 42, 43, 60, 61, 62, 65, 66Centre des femmes : 8, 34, 35, 36, 41, 51, 54, 68Centre de santé des femmes du quartier : 41, 45, 46, 53, 64 'CIC : 43, 61CIRF : 33, 47, 55, 65CLACLG : 36, 41, 45, 46, 52, 53, 55, 59, 60, 61, 64CNALG : 9, 41, 45, 46, 59, 64CSF : 9, 24, 32, 39, 40, 55, 65ÇSN : 21, 23, 33, 34, 35, 43, 44, 51, 60, 61, 65, 66Éditions du remue ménage : 41, 45, 46, 51, 53, 54, 67F.F.Q. : 25, 32, 44, 55, 66F.L.F. : 8, 27, 29, 30, 34, 68FTQ, Comité de condition féminine : 33, 35, 41, 42, 61, 62, 66LF.Q. : 21, 32, 67L.T.P. : 8, 40, 51, 52, 68L.V.R. : 52, 53, 65, 68M.C.V. : 49, 50, 65Pluri-Elles/Des luttes et des rires de femmes : 52, 53, 55, 59, 60, 68RAIF : 33, 48, 65, 66RFQ : 50, 51, 57, 66Théâtre des cuisines : 35, 36, 41, 45, 53, 54, 60, 68Théâtre expérimental des femmes : 49, 54

N.B. : Pour la liste exhaustive des groupes de femmes de la région montréalaise, consulter leRépertoire régional des groupes de femmes, 1981, C.S.F., 1981, 30 p.

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Bibliographie

Geneviève Auger et Raymonde Lamothe, De la poêle à frire à la ligne de feu, Boréal Express, éd.1981, 235 p.

Francine, Barry, Le Travail de la femme au Québec, L'évolution de 1940 à 1970, Les Presses del'université du Québec, 1977, 80 p.

Claire Brassard, « Le Référendum de mai et les groupes féministes » dans L'Impasse, Éd. NouvelleOptique, 1980, 14 p.

Yolande Cohen, sous la direction de — Femmes et politique, Le Jour, Éditeur, 1981, 227 p.Collectif — L'analyse socio-économique de la ménagère québécoise, 1972, ronéotypé, 287 p.C.S.F., Pour les Québécoises, égalité et indépendance, Gouvernement du Québec, Éd. officiel du

Québec, 1978, 335 p. et appendices.C.S.N. et C.E.Q., Histoire du mouvement ouvrier au Québec (1825-1976), Coédition C.S.N., C.E.Q.,

1979, 230 p.Francine Descarries-Bélanger, L'École rose...et les cols roses, Éd. Coop Albert St-Martin et C.E.Q.,

1980, 128 p.M. Désy, M. Ferland, B. Lévesque, Y. Vaillancourt, La Conjoncture au Québec au début des années

80, Éd. La Librairie socialiste de l'Est du Québec, 1980, 200 p.Mona-Josée Gagnon, Les Femmes vues par le Québec des hommes, Éd. du Jour, Montréal, 1974.Martine Lanctôt, La Genèse et l'évolution du mouvement de libération des femmes à Montréal,

1969-1979, Mémoire présenté à l'UQAM, déc. 1980, 207 p.Les Têtes de pioche, collection-complète, Éd. du Remue-Ménage, 1980, 207 p.Collectif, Mont héroïne — les lundi de l'histoire des femmes an 1, Les Éditions du remue-ménage,

1981, 24 p.Collectif, « Le mouvement des femmes au Québec », in Politique aujourd'hui, mai 1978, 13 p.Yolande Pinard, Le Féminisme à Montréal au début du XXe siècle, thèse de maîtrise, U.Q.A.M.,

1977.Hermine Cordeau, Notes historiques sur la femme au Québec, Montréal, 1972.Michèle Jean, Québécoises du XXe siècle, Éditions du jour, 1974.

PUBLICATIONSDISPONIBLES

Le mouvement des femmes au Québec fait de plus en plusparler de lui. On en parle beaucoup, mais de quoi parle-t-on ? Si on constate facilement un foisonnement de groupesde luttes et de revendications concernant les femmes, parailleurs on a du mal à en saisir les acquis et les perspecti-ves, de même que l'ensemble des contradictions qui letraversent.

Ce document réunit les principales informations sur le mou-vement des femmes, sur ses organisations et sur ses activi-tés. C'est un instrument indispensable d'informations et deréférences à l'intention des personnes préoccupées par lesenjeux et l'évolution du mouvement des femmes.

Afin de ne pas oublier que l'histoire des luttes des femmesquébécoises ne date par d'hier, nous sommes remontéesjusqu'en 1893, date de la fondation du premier groupe defemmes.