14
L’utopie du paradis perdu ou l’Eldorado : le mythe du bon sauvage

Le mythe du bon sauvage

  • Upload
    1eres2

  • View
    19.048

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: Le mythe du bon sauvage

L’utopie du paradis perdu ou

l’Eldorado : le mythe du bon

sauvage

Page 2: Le mythe du bon sauvage

Introduction

C’est au XVIIIème siècle, où les philosophes des Lumières rêvent d’une société juste, fondée sur l’égalité et où les récits de voyages abondent, que l’utopie acquiert ses lettres de noblesse, alors que le mythe, puisant ses origines dans les traditions orales antiques, est un récit qui se veut explicatif et fondateur d’une pratique sociale.

L’utopie reprend deux mythes importants. D’ une part, le mythe de l’âge d’or, rêve d’un paradis perdu où les hommes vivaient dans l’innocence, en harmonie avec la Nature. C’est ainsi que Montesquieu présente dans les Lettres persanes (1721) la société primitive des Troglodytes qui vivent dans la vertu et la simplicité, garantes de leur bonheur. D’ autre part, l’utopie brode autour du mythe du « bon sauvage ». Diderot, dans le Supplément au voyage de Bougainville (1772), montre que la sagesse et l’innocence des sauvages, qui s’opposent à la corruption des gens civilisés, sont les seules valeurs d’une société heureuse.

Page 3: Le mythe du bon sauvage

Plan

I. LES ORIGINES DU MYTHE DU BON SAUVAGE1) L’utopie du paradis perdu2) Nouvelles découvertes et récits de voyageII. LE MYTHE1) Ses caractéristiques2) La place de l’Eldorado dans le mythe du bon sauvage3) La place du mythe dans la philosophie des lumièresIII. MYTHE DU BON SAUVAGE, PARADIS PERDU ET ELDORADO DANS CANDIDE

Page 4: Le mythe du bon sauvage

I. LES ORIGINES DU MYTHE DU BON SAUVAGE

1) L’utopie du paradis perduL’Âge d’Or et le Paradis représentent deux figures d’un

bonheur originel perdu. • Dans la tradition gréco-latine, l’Âge d’Or = un état primordial où

les hommes vivent sans souffrir ni vieillir, où la nature généreuse les dispense du travail, où règnent la paix et la justice.

L’Age d’or peint par Zucchi

Page 5: Le mythe du bon sauvage

• Les croyances judéo-chrétiennes associées au péché originel : l’homme, rappelle La Bible, aurait connu le paradis, mais l’aurait perdu après avoir croqué la pomme, symbolisant la connaissance.

Adam et Eve par Lucas Cranach

Page 6: Le mythe du bon sauvage

2) Nouvelles découvertes et récits de voyage• Dès la fin du quinzième siècle, beaucoup voyagent vers les

Amériques notamment, et vers les nouveaux pays découverts. Des carnets de voyage révèlent l'existence d'autres peuples, d'autres coutumes, d'autres cultures, d'autres religions. L'Europe prend conscience qu'elle n'est plus seule au monde.

• Au XVIème siècle, Montaigne s’interroge sur la notion de « sauvage ». Son observation du naturel et de l’ingénuité de trois indigènes du Brésil débarquant à Rouen est à l’origine de l’intérêt manifesté, deux siècles plus tard, pour le « Bon sauvage ».

Christophe Colomb

Vasco de Gama

Montaigne

Page 7: Le mythe du bon sauvage

• Au XVIIIème siècle, récits de voyages de plus en plus nombreux (ex.: Supplément au voyage de Bougainville (1772) de Diderot). Ces récits, très appréciés du public de l'époque, véhiculent l'image idyllique du "bon sauvage". Ces peuples nouveaux ne sont pas considérés comme inférieurs à l'homme civilisé, au contraire, ils inspirent l'admiration et incarnent une sorte de pureté originelle.

En proposant une vision idyllique, utopique, du primitif naïf, bon, vivant en osmose parfaite avec la nature qui le fait vivre, le XVIIIème siècle exprime son désir d'un bonheur simple et traduit aussi ses angoisses. On peut y voir un regret d'une forme de paradis perdu…

Le « Bon Sauvage »

Bougainville

Page 8: Le mythe du bon sauvage

II. LE MYTHE1) Ses caractéristiques• Le terme de sauvage vient du latin SELVATICUS signifiant «

habitant de la forêt». Il renvoie donc à une espèce en contact direct avec la nature.

• Les sauvages = vigoureux, simples, obéissants à la mère nature, généreux, libres de toute contrainte sociale ou politique, ignorants de la corruption, des sciences et des civilisations (description dans la célèbre lettre d’Amerigo Vespucci (1454-1512: Mundus novus (1503)).

Page 9: Le mythe du bon sauvage

(Rappel) Ces « sauvages » furent aussi désignés sous d’autres termes, ayant chacun des nuances différentes :• Sous le nom de BARBARE qui vient du Grec bárbaros (« étranger

»);• Sous le nom de NATURELS, c'est-à-dire très proches des animaux ;• Sous le nom de CANNIBALES qui désigne plus particulièrement les

anthropophages, associés dès le XVIème siècle par Montaigne aux primitifs de l’Age d’or ;

• Ou encore sous le nom de nom de PRIMITIFS, qui renvoie plus particulièrement à l’Age d’or de l’humanité.

2) La place de l’Eldorado dans le mythe du bon sauvage• L’ELDORADO vient de l’espagnol EL DORADO qui signifie « le doré

». L’Eldorado serait donc une contrée d’Amérique supposée regorger d’or.

• Le mythe prend naissance au XVIème siècle en Colombie et plus précisément avec le peuple Indiens «Chibchas ». Ils racontaient qu’un puissant seigneur se faisait enduire de poudre d’or, avant de se baigner dans le lac sacré où il jetait des objets précieux, comme offrande aux dieux.

Page 10: Le mythe du bon sauvage

El Dorado, ou l’Homme doré, des Chibcas Gravure de Theodore de Bry

• De tous les mirages qu'a fait naître la découverte de l’Amérique, aucun n'a été plus obstinément poursuivi que celui de l'Eldorado. Le mythe ne s’est vraiment éteint qu’au XIXème siècle avec les expéditions scientifiques du baron allemand Alexandre de Humboldt.

• Mais au XVIIIème siècle, le mythe est vivace chez les conquistadors. Il fut repris par les philosophes des lumières dans « le mythe du Bon sauvage ». L’Eldorado y concrétise à la fois l’Age d’or et le pays où tout va bien, c’est un paradis utopique.

Page 11: Le mythe du bon sauvage

3) La place du mythe dans la philosophie des Lumières• Diderot utilise ce mythe non pas pour proposer un modèle idéal,

mais pour dénoncer les corruptions et les erreurs des colonisateurs de la civilisation européenne et de la religion chrétienne.

• Dans un roman de Voltaire, L'Ingénu, le personnage principal est un jeune Huron qui arrive en France. Le regard étranger du Huron permet à Voltaire de s'interroger sur certaines des coutumes françaises qui peuvent paraître bizarres à un étranger, et lui permettent de critiquer notamment les Jésuites et les Jansénistes.

• La diversité des attitudes, des comportements, permet un élargissement de l'esprit et engendre la réflexion sur la sens de la vie. Dès lors, l'esprit critique se développe et permet de porter un regard nouveau sur soi et de se demander selon quelle légitimité l'Européen veut-il imposer ses façons de penser.

Ainsi, le mythe du bon sauvage qui connaît son paroxysme au siècle des Lumières, permet de critiquer le système politique, social et religieux du XVIIIème.

Page 12: Le mythe du bon sauvage

III. MYTHE DU BON SAUVAGE, PARADIS PERDU ET ELDORADO

DANS CANDIDEVoltaire, contrairement à Rousseau, entreprit dans plusieurs de ses

œuvres la critique du mythe du « bon sauvage » utopiste.• On la retrouve ainsi dans L’Ingénu où le personnage principal, Huron, ne

devient bon que par une éducation correspondant aux idéaux des philosophes des Lumières.

• On retrouve aussi cette critique dans Candide, aux chapitres 16,17 et 18 ; à travers le peuple des Oreillons mais aussi le pays de l’Eldorado.

o En effet, non seulement les Oreillons ont un instinct grégaire très développé, mais ils ne peuvent être réellement considérés comme des sauvages puisqu’ils obéissent à une organisation structurée («deux notables»).

o D’autre part, Voltaire fait appel dans les chapitres 17 et 18 qui se déroulent dans le pays de l’Eldorado, à la distanciation critique du lecteur, remettant ainsi en cause la validité du mythe du bon sauvage. En effet, il empêche le lecteur d’adhérer naïvement au mythe de l’Eldorado par un vocabulaire hyperbolique et redondant : « mille colonnes », « une galerie de deux mille pas », « la millième partie de la ville ». Mais il établit aussi une complicité avec le lecteur, par le bien d’un registre comique émanant de la naïveté des deux héros, qui renforce cet effet de distanciation.

Page 13: Le mythe du bon sauvage

• Il discrédite ainsi l’utopie du paradis perdu (ex.: château du baron de Thunder-Ten-Tronckh associé au jardin d’Eden au début du conte).

• Le pays de l’Eldorado est pour Voltaire le support d’une utopie qui, en présentant un monde idéal, met indirectement en évidence les insuffisances et les imperfections de la société du XVIIIème siècle. Il s’élève d’abord, en faisant le portrait d’un souverain libéral, contre la monarchie absolue des rois de France, qui représente pour lui une tyrannie insupportable.

• Par ailleurs, en soulignant le plaisir de Candide au « palais des sciences », Voltaire rappelle qu’il est un défenseur acharné de la culture et du progrès ; associé aux écrivains de l’Encyclopédie, il s’insurge contre toutes les formes d’obscurantisme (hostilité du pouvoir royal et religieux à la diffusion de l’instruction et de la culture dans le peuple).

Voltaire

Page 14: Le mythe du bon sauvage

ConclusionEn conclusion, le mythe du bon sauvage est

l’aboutissement de l’utopie du paradis perdu et de l’Eldorado au XVIIIème siècle. Il trouve ses origines dans les Grandes découvertes et dans les nombreux récits de voyage. L’idée qu’il transmet est que le sauvage qui vit proche de la nature, simple et vertueux, connaît le bonheur. Ce mythe est beaucoup utilisé par les philosophes des Lumières, car il permet une certaine critique de la société du XVIIIème siècle. Voltaire s’en sert également, et notamment dans Candide.

Le mythe du bon sauvage et de l’Eldorado s’éteignent peu après le XVIIIème. Cependant l’utopie du paradis perdu et de l’âge d’or, reflétant la nostalgie de l’homme quant à son passé, persiste. On peut ainsi la retrouver dans certains poèmes de Baudelaire (entre autres).