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Congrès franc ¸ ais de psychiatrie / European Psychiatry 28S (2013) 11–33 13 Moss D, Kirk L. Evidence-based practice in biofeedback and neurofeedback. Association of applied psychophysiology and bio- feedback. 2004. Rémond A, Rémond A. Biofeedback : principes et applications. Paris: Masson; 1997. Servant D, Logier R, Mouster Y, Goudemand M. [Heart rate variabi- lity. Applications in psychiatry]. Encephale 2009;35:423–8. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.029 FA18C Le neurofeedback comme outil de compréhension et de régulation de l’attention J.-A. Micoulaud Franchi Unité de neurophysiologie, psychophysiologie et neurophénoménologie (UNPN), Solaris, pôle de psychiatrie universitaire, hôpital Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France Mots clés : Neurofeedback ; Attention ; EEG ; Potentiel cortical lent ; Trouble déficit de l’attention avec hyperactivité ; Épilepsies pharmacorésistantes Le « neurofeedback » est une technique de biofeedback, appelée également « EEG biofeedback », utilisant l’enregistrement élec- troencéphalographique (EEG). Cette technique existe depuis près de 30 ans. Deux grands types de protocoles de neurofeedback en fonction du type de traitement en temps réel réalisé sur le signal EEG sont retrouvés. Dans le premier, la puissance spectrale d’une bande fréquentielle EEG en regard d’une région cérébrale est cal- culée. Il peut être par exemple demandé au sujet d’augmenter la puissance spectrale de la bande bêta ou de diminuer celle de la bande thêta enregistrées sur l’électrode Cz, donc en regard de la région centrale médiale. Dans le second, l’amplitude d’un poten- tiel lent, appelé SCP pour Slow Cortical Potential, en Cz est calculé. Il est alors demandé au sujet soit d’augmenter, soit de diminuer l’amplitude du SCP. Le neurofeedback permet principalement de favoriser les capacités attentionnelles et d’éveil d’un sujet. Ainsi son application thérapeutique est principalement le trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), où il s’agit d’une tech- nique désormais considérée comme valide. Il est également utilisé comme thérapeutique complémentaire non pharmacologique dans la prise en charge des troubles envahissant du développement et dans les épilepsies pharmacorésistantes. Ces applications dans d’autres troubles psychiatriques restent plus marginales. Le neu- rofeedback est très peu connu et développé en France. Pourtant, il permet un renouveau de la neurophysiologie clinique en psychia- trie en proposant une approche thérapeutique et ouvre des voies de recherches neurophysiologiques novatrices. Pour en savoir plus Coben R, Evans JR. Neurofeedback and neuromodulation tech- niques and applications. London: Elsevier; 2011. Micoulaud-Franchi JA, Bat-Pitault F, Cermolaccce M, Vion-Dury J. Neurofeedback dans le trouble déficit de l’attention avec hyperac- tivité : de l’efficacité à la spécificité de l’effet neurophysiologique. Ann Med Psychol 2011;169:200–8. Rémond A. Du feedback au neurobiofeedback en neurophysiologie clinique. Neurophysiol Clin 1997;27:168. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.030 Rencontre avec l’expert R2 La cohérence cardiaque : définition, intérêts et applications en psychiatrie S. Dolfus UMR 6301 CNRS, CHU de Caen, 14000 Caen, France Mots clés : Cohérence cardiaque ; Variabilité de la fréquence cardiaque ; Stress ; Système nerveux autonome ; Anxiété ; Émotions Le concept de cohérence cardiaque est apparu aux États-Unis vers les années 1995 et reste encore peu connu en France. Définition du concept.– Si on a longtemps pensé que le rythme cardiaque était parfaitement régulier, on sait aujourd’hui que la fréquence cardiaque varie en permanence. Or, cette variabilité (VFC) est un excellent reflet de la capacité du cœur à moduler son rythme en fonction des sollicitations internes et externes. Elle est régulée par le système nerveux autonome (SNA), comprenant les systèmes sympathique (accélérateur) et parasympathique (frein) et sous la dépendance d’un circuit complexe incluant plusieurs régions cérébrales, corticales et limbiques. La synchronisation de l’activité de ces 2 systèmes provoque un phénomène de « balancier physiologique » appelé cohérence cardiaque. Or, le rythme car- diaque reflète notre état émotionnel, qui en affecte à son tour les aptitudes du cerveau à organiser l’information. Nos pensées, per- ceptions et réactions émotionnelles sont transmises du cerveau au cœur via les deux branches du système nerveux autonome et sont liées au rythme cardiaque. Mais les liens entre cœur et cerveau sont réciproques : en modifiant notre rythme cardiaque notamment en modifiant notre respiration, on influence le fonctionnement du cer- veau et donc potentiellement notre état émotionnel. Applications thérapeutiques.– En utilisant un capteur de pulsations placé sur le doigt ou sur le lobe de l’oreille, relié à un ordinateur équipé d’un logiciel informatique, on peut en direct par la méthode de biofeedback suivre et ajuster sa courbe de cohérence cardiaque. Les travaux récents suggèrent que la VFC est un indicateur de la capacité à faire face au stress et à la régulation des émotions d’où son intérêt dans les troubles dépressifs et anxieux. Les programmes de cohérence cardiaque semblent cependant efficaces dans la ges- tion du stress quel qu’il soit et s’adressent donc à tous nos patients. Pour en savoir plus Mujica-Parodi LR, et al. Limbic dysregulation is associated with lowered heart rate variability and increased trait anxiety in healthy adults. Hum Brain Mapp 2009;30(1):47–58. Sampaio LA, et al. A systematic review of non-invasive brain stimulation therapies and cardiovascular risk: implications for the treatment of major depressive disorder. Front Psychiatry 2012;3:87. Servant D, et al. [Heart rate variability. Applications in psychiatry]. Encephale 2009;35(5):423–8. Wells R, et al. Atter over mind: a randomised-controlled trial of single-session biofeedback training on performance anxiety and heart rate variability in musicians. PLoS One 2012;7(10):e46597. http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.031 R8 Utilité de la dépression : une approche évolutionniste C. Kornreich CHU Brugmann, université Libre de Bruxelles, 1020 Bruxelles, Belgique Mots clés : Dépression ; Évolutionniste ; Immunité La dépression est un phénomène très fréquent dans le monde occidental. Deux types de théories évolutionnistes peuvent être distinguées : 1 : les théories utilitaristes psychologiques pour les- quelles la dépression est une adaptation psycho-sociale qui ne remplit plus son rôle dans notre monde moderne ; 2 : les théories utilitaristes biologiques pour lesquelles la dépression accompagne notre lutte contre des agents pathogènes en vue de concentrer nos efforts sur cette lutte. 1. Théories utilitaristes psychologiques [1,2] : la dépression pour- rait être un signal utile pour amener l’individu atteint à réorienter ses buts de vie, afin d’économiser de l’énergie et des ressources

Le neurofeedback comme outil de compréhension et de régulation de l’attention

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Congrès francais de psychiatrie / European Psychiatry 28S (2013) 11–33 13

Moss D, Kirk L. Evidence-based practice in biofeedback andneurofeedback. Association of applied psychophysiology and bio-feedback. 2004.Rémond A, Rémond A. Biofeedback : principes et applications. Paris:Masson; 1997.Servant D, Logier R, Mouster Y, Goudemand M. [Heart rate variabi-lity. Applications in psychiatry]. Encephale 2009;35:423–8.

http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.029

FA18CLe neurofeedback comme outil decompréhension et de régulation del’attentionJ.-A. Micoulaud FranchiUnité de neurophysiologie, psychophysiologie etneurophénoménologie (UNPN), Solaris, pôle de psychiatrieuniversitaire, hôpital Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France

Mots clés : Neurofeedback ; Attention ; EEG ; Potentiel corticallent ; Trouble déficit de l’attention avec hyperactivité ; ÉpilepsiespharmacorésistantesLe « neurofeedback » est une technique de biofeedback, appeléeégalement « EEG biofeedback », utilisant l’enregistrement élec-troencéphalographique (EEG). Cette technique existe depuis prèsde 30 ans. Deux grands types de protocoles de neurofeedback enfonction du type de traitement en temps réel réalisé sur le signalEEG sont retrouvés. Dans le premier, la puissance spectrale d’unebande fréquentielle EEG en regard d’une région cérébrale est cal-culée. Il peut être par exemple demandé au sujet d’augmenter lapuissance spectrale de la bande bêta ou de diminuer celle de labande thêta enregistrées sur l’électrode Cz, donc en regard de larégion centrale médiale. Dans le second, l’amplitude d’un poten-tiel lent, appelé SCP pour Slow Cortical Potential, en Cz est calculé.Il est alors demandé au sujet soit d’augmenter, soit de diminuerl’amplitude du SCP. Le neurofeedback permet principalement defavoriser les capacités attentionnelles et d’éveil d’un sujet. Ainsison application thérapeutique est principalement le trouble déficitde l’attention avec hyperactivité (TDAH), où il s’agit d’une tech-nique désormais considérée comme valide. Il est également utilisécomme thérapeutique complémentaire non pharmacologique dansla prise en charge des troubles envahissant du développementet dans les épilepsies pharmacorésistantes. Ces applications dansd’autres troubles psychiatriques restent plus marginales. Le neu-rofeedback est très peu connu et développé en France. Pourtant, ilpermet un renouveau de la neurophysiologie clinique en psychia-trie en proposant une approche thérapeutique et ouvre des voiesde recherches neurophysiologiques novatrices.Pour en savoir plusCoben R, Evans JR. Neurofeedback and neuromodulation tech-niques and applications. London: Elsevier; 2011.Micoulaud-Franchi JA, Bat-Pitault F, Cermolaccce M, Vion-Dury J.Neurofeedback dans le trouble déficit de l’attention avec hyperac-tivité : de l’efficacité à la spécificité de l’effet neurophysiologique.Ann Med Psychol 2011;169:200–8.Rémond A. Du feedback au neurobiofeedback en neurophysiologieclinique. Neurophysiol Clin 1997;27:168.

http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.030

Rencontre avec l’expert

R2La cohérence cardiaque : définition,intérêts et applications en psychiatrieS. DolfusUMR 6301 CNRS, CHU de Caen, 14000 Caen, France

Mots clés : Cohérence cardiaque ; Variabilité de la fréquencecardiaque ; Stress ; Système nerveux autonome ; Anxiété ;ÉmotionsLe concept de cohérence cardiaque est apparu aux États-Unis versles années 1995 et reste encore peu connu en France.Définition du concept.– Si on a longtemps pensé que le rythmecardiaque était parfaitement régulier, on sait aujourd’hui que lafréquence cardiaque varie en permanence. Or, cette variabilité(VFC) est un excellent reflet de la capacité du cœur à moduler sonrythme en fonction des sollicitations internes et externes. Elle estrégulée par le système nerveux autonome (SNA), comprenant lessystèmes sympathique (accélérateur) et parasympathique (frein)et sous la dépendance d’un circuit complexe incluant plusieursrégions cérébrales, corticales et limbiques. La synchronisation del’activité de ces 2 systèmes provoque un phénomène de « balancierphysiologique » appelé cohérence cardiaque. Or, le rythme car-diaque reflète notre état émotionnel, qui en affecte à son tour lesaptitudes du cerveau à organiser l’information. Nos pensées, per-ceptions et réactions émotionnelles sont transmises du cerveau aucœur via les deux branches du système nerveux autonome et sontliées au rythme cardiaque. Mais les liens entre cœur et cerveau sontréciproques : en modifiant notre rythme cardiaque notamment enmodifiant notre respiration, on influence le fonctionnement du cer-veau et donc potentiellement notre état émotionnel.Applications thérapeutiques.– En utilisant un capteur de pulsationsplacé sur le doigt ou sur le lobe de l’oreille, relié à un ordinateuréquipé d’un logiciel informatique, on peut en direct par la méthodede biofeedback suivre et ajuster sa courbe de cohérence cardiaque.Les travaux récents suggèrent que la VFC est un indicateur de lacapacité à faire face au stress et à la régulation des émotions d’oùson intérêt dans les troubles dépressifs et anxieux. Les programmesde cohérence cardiaque semblent cependant efficaces dans la ges-tion du stress quel qu’il soit et s’adressent donc à tous nos patients.Pour en savoir plusMujica-Parodi LR, et al. Limbic dysregulation is associated withlowered heart rate variability and increased trait anxiety in healthyadults. Hum Brain Mapp 2009;30(1):47–58.Sampaio LA, et al. A systematic review of non-invasive brainstimulation therapies and cardiovascular risk: implications forthe treatment of major depressive disorder. Front Psychiatry2012;3:87.Servant D, et al. [Heart rate variability. Applications in psychiatry].Encephale 2009;35(5):423–8.Wells R, et al. Atter over mind: a randomised-controlled trial ofsingle-session biofeedback training on performance anxiety andheart rate variability in musicians. PLoS One 2012;7(10):e46597.

http://dx.doi.org/10.1016/j.eurpsy.2013.09.031

R8Utilité de la dépression : une approcheévolutionnisteC. KornreichCHU Brugmann, université Libre de Bruxelles, 1020 Bruxelles,Belgique

Mots clés : Dépression ; Évolutionniste ; ImmunitéLa dépression est un phénomène très fréquent dans le mondeoccidental. Deux types de théories évolutionnistes peuvent êtredistinguées : 1 : les théories utilitaristes psychologiques pour les-quelles la dépression est une adaptation psycho-sociale qui neremplit plus son rôle dans notre monde moderne ; 2 : les théoriesutilitaristes biologiques pour lesquelles la dépression accompagnenotre lutte contre des agents pathogènes en vue de concentrer nosefforts sur cette lutte.1. Théories utilitaristes psychologiques [1,2] : la dépression pour-rait être un signal utile pour amener l’individu atteint à réorienterses buts de vie, afin d’économiser de l’énergie et des ressources