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Le New Consensus en théorie monétaire et sa critique postkeynésienne Marc Lavoie Université d’Ottawa

Le New Consensus en théorie monétaire et sa critique postkeynésienne Marc Lavoie Université dOttawa

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Le New Consensus en théorie monétaire et sa critique postkeynésienneMarc Lavoie

Université d’Ottawa

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Qu’est-ce que le Nouveau Consensus? Il existerait un modèle prôné par certains nouveaux

Keynésiens et des économistes des banques centrales, qui représenterait un nouveau consensus, avec une fonction de réaction de la banque centrale axée sur les taux d’intérêt.

J.B. Taylor, Blinder, D. Romer, Woodford, Walsh, Clarida, Svensson, Meyer.

En France (dans la RÉP): Abraham-Frois, Pollin, Hénin, Villieu

PK: Arestis-Sawyer, Palacio-Vera, Setterfield, Fontana

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Intersections entre le Nouveau Consensus et la théorie postkeynésienne? Positif Monnaie endogène « The main change is that

it replaces the assumption that the central bank targets the money supply with an assumption that it follows a simple interest rate rule » (Romer 2000, p. 154).

Négatif Le Nouveau Consensus

reproduit le dogme de la pensée unique.

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La pensée unique

Les politiques fiscales expansionistes ont pour effet des taux d’inflation plus élevés et elles conduisent à des taux d’intérêt réels plus élevés dans la longue période.

Les politiques monétaires restrictives n’ont qu’un seul effet de longue période: des taux d’inflation plus faibles. C’est la proposition de neutralité de la monnaie et de la politique monétaire en longue période.

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Le Nouveau consensus en bref:

Le Nouveau consensus est une variante du monétarisme;

mais un monétarisme dont on aurait retiré tout rôle causal aux agrégats monétaires.

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Nouveau consensus = théorie wicksellienne « La théorie quantitative de la monnaie

agonise …. La Banking School et Wicksell triomphent »

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Nouveau consensus = théorie wicksellienne « La théorie quantitative de la monnaie agonise

…. La Banking School et Wicksell triomphent » Jacques Le Bourva, in ‘Création de la monnaie et

multiplicateur du crédit’, 1962.

Comme le disait Robertson: « Highbrow opinion is like a hunted hare; if you stand in the same place, or nearly in the same place, it can be relied upon to come round to you in a circle ».

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Le modèle simplifié du Nouveau Consensus Une fonction IS: g = g0 r + 1

Une courbe de Phillips verticale d/dt = (g gn) + 2

Une fonction de réaction de la banque centrale:

r = r0 + 1( T) + 2(g gne)

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Alternative possible Une équation d’accumulation g = gn + µ(u – un ) Une fonction IS:• u = u0 r + 1

• Une courbe de Phillips verticale• d/dt = (u un) + 2

• Une fonction de réaction de la banque centrale:

• dr/dt = 1( T) + 2(u un)

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Figure 1: Le nouveau consensus avec courbe PM horizontale

IS

DG

rr

g

g

FR

PM

gn

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Figure 2: Avec courbe PM croissante

IS

DG

rr

g

g

FR PM

gn

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Figure 3: Impact à court terme d’une hausse de la demande effective

IS

DG

rr

g

g

FR

PM

g3=gn g2

1

3

r3

r1

A

B

C

A

BC

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Figure 4: Impact à long terme, quand le taux d’inflation a été ramené vers son niveau cible

IS1

DG2

r4r

g

g

FR1

PM

gn g2

T

3

r1

r3

AB

C

A

BC

g4

D

D

DG1

IS2

FR4

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Effets des politiques économiques dans le cadre du Nouveau consensus

En courte période, la politique fiscale expansionniste mène à des: Taux d’inflation plus élevés Taux d’intérêt réels plus élevés Taux de croissance temporairement plus élevés

Le taux d’inflation plus élevé entraîne une politique monétaire restrictive qui: va ramener le taux d’inflation vers sa cible Exige des taux de croissance temporairement plus faibles Exige des taux d’intérêt réels temporairement plus élevés

En bout de ligne, la politique fiscale expansionniste ne sert à rien et mène de façon permanente à des taux d’intérêt réels plus élevés (théorie implicite des fonds prêtables)

La politique monétaire restrictive n’a aucun effet négatif et parvient à faire baisser le taux d’inflation.

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La critique postkeynésienne

Elle opère fondamentalement sur quatre niveaux:Le mécanisme de transmissionLa mesure de l’output gapL’exogénéité du taux de croissance naturelL’existence de la courbe de Phillips verticale

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Le mécanisme de transmission

Voir notamment les nombreux travaux d’Arestis et Sawyer. Critiques habituelles:

Passage des taux de court termes aux autres taux d’intérêt

Asymétrie: impossibilité d’obtenir des taux réels faibles ou négatifs en cas de récession

Absence d’effets mesurables des taux d’intérêt sur les fonctions d’investissement des entreprises

Effets positifs que les paiements d’intérêt sur la dette publique plus élevés pourraient entraîner (Italie, années 1980)

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La mesure de l’output gap

Les banques centrales disent réagir en fonction de l’output gap. Mais de quoi s’agit-il? Est-il mesurable? Par rapport à quoi?

1. La valeur de l’output par rapport à sa valeur tendancielle (trend)

2. Le taux de chômage ?3. Le taux de changement du chômage ?4. Le taux d’utilisation de la capacité u ?5. Le taux de croissance de l’output ou du stock de

capital g?

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Figure 5: Le nouveau consensus tel que présenté par les banques centrales: la demande n’a aucun effet sur le taux de chômage et la valeur absolue de la capacité à long terme (fonction de réaction intégrée à la mesure 1,2)

Temps

Log KLog qfc

La pente est gn = n + a

Sentier réalisé

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Figure 6: Critique PK faible (Fontana, Palacio-Vera): la demande a un effet sur la valeur absolue de la capacité , mais aucun effet sur le taux de croissance à long terme de la capacité, et donc le taux de chômage à inflation stable est plus élevé (sinon le taux de participation est en baisse, ou il y a substitution vers le travail)Fonction de réaction basée sur les mesures 3,4, 5

Temps

Log KLog qfc

Les pentes sont gn = n + a

Sentier réalisé

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Figure 7: Critique PK forte (Lavoie, Dutt): la demande a un effet à la fois sur la valeur absolue de la capacité et son taux de croissance (et sur le taux de progrès technique (et aussi sur le taux de chômage à inflation stable)

Temps

Log KLog qfc

gn = n + a

Nouvelle pente

Sentier réalisé

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Amendement postkeynésien au nouveau consensus

On garde toutes les trois équations de base mais on remplace la constante gn (déterminée uniquement du côté de l’offre), par une équation supplémentaire:

dgn /dt = (g gn) + 3

Une croissance plus rapide mène à des taux de progrès techniques plus élevés, ou à un plus fort accroissement de la population (immigration)

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La critique PK du Nouveau consensus est identique à la critique PK du taux de chômage naturel (bien sûr, puisque le modèle à critiquer demeure virtuellement le même)

Modèles d’hystérèse, avec taux de chômage naturel modifié par la demande globale:

Hargreaves-Heap (EJ,1980) Cottrell (JPKE, 1984-85)

dUn /dt = (U Un) + 3

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Hystérèse !

« En revanche l’hypothèse d’un unique équilibre stable de long terme ne nous satisfait pas… Elle débouche sur des propositions de politique économique réductrice …. Le principe de l’effet d’hystérèse devrait être aussi plus systématiquement évoqué dans nos enseignements » [Pollin 2003, p. 293]

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Taux de croissance naturel endogène «Quand l’accumulation est plus rapide que le progrès technique

… [celui-ci] s’accélère pour ne pas se laisser dépasser par l’accumulation. Le taux de progrès technique n’est pas un phénomène naturel tombant du ciel comme la pluie… Quand ils ont intérêt du point de vue économique à accroître la production par tête, les entrepreneurs recherchent les inventions et les améliorations. Mais le facteur le plus important n’est pas l’accélération des découvertes mais l’accélération du rythme auquel les innovations se diffusent. Quand les entrepreneurs se trouvent dans une situation où les débouchés potentiels s’élargissent, alors qu’il est difficile de recruter des travailleurs, ils sont fortement motivés pour accroître la productivité.» [Robinson 1972 (1956), p. 87-88]

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Taux de croissance naturel endogène (bis) « Neoclassical growth economists on the one

hand, ... treat the rate of growth of the labour force and labour productivity as exogenous to the actual rate of growth....

Economists in the Keynesian/post-Keynesian tradition, ... maintain that growth is primarily demand driven because labour force and productivity growth respond to demand growth » (León-Ledesma et Thirlwall, CJE, 2002, p. 441-2).

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Le Consensus amendé à la sauce PK

g = g0 r + 1

d/dt = (g gn) + 2

r = r0 + 1( T) + 2(g gn)

r0 = rnT = (g0 gn)/

dgn /dt = (g gn) + 3

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Un modèle à deux équations différentielles

La dynamique est simple, car le déterminant du système est zéro tandis que la trace est toujours négative.

Le modèle est stable et il a une infinité d’équilibres possibles, qui dépendent du sentier emprunté

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Figure 8: Dépendance du sentier: exemple: passage de E à B pour ramener le taux d’inflation vers sa cible, avec nouvel équilibre de long terme à B*

g

gndg = 0dgn = 0

gnE

gn

gAgnAgnBgB

A

A*B

B*

E

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Exemple d’effet d’hystérèse

Une politique monétaire qui aurait pour objectif d’abaisser les taux d’inflation vers des cibles plus basses pourrait avoir pour effet d’abaisser de façon permanente les taux de croissance de l’output et de pousser à la hausse, également de façon permanente, les taux d’intérêt réels.

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Réduction des cibles d’inflation: variante PK

IS

AD

rr

g

FR3

gnB gnC

C

E

rB

rC

C

EB

E

B*

gnE

B

rE

T

gB

C

rB*

B*

FR2

gE’

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La critique postkeynésienne (rappel) Elle opère fondamentalement sur quatre

niveaux:Le mécanisme de transmissionLa mesure de l’output gapL’exogénéité du taux de croissance naturelL’existence de la courbe de Phillips

verticale

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La remise en cause de la courbe de Phillips verticale à long terme Critique PK faible:

Setterfield 2004, Fair 2004 rejet du phénomène accélérationniste (coefficient

alpha sur anticipations plus petit que un)

Critique PK forte: Palacio-Vera 2002, Hein 2002, Kriesler-Lavoie 2004 Segment de courbe de Phillips horizontal, à court et

donc à long terme

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Figure 10: La courbe de Phillips PK à court terme

Taux d’inflation

Taux d’utilisation77% um 83% upc

PUP: Price utilization possibilities

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Figure 11: La courbe de Phillips PK à long terme

Taux d’inflation

Taux d’utilisationum upc

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Données empiriques supportant la courbe de Phillips horizontale Eisner 1995, 1996, qui identifie un segment traditionnel

suivi d’un segment plat même à taux d’utilisation élevés Filardo, Kansas City Federal Reserve Bank Economic

Review, 1998, qui identifie les trois segments de la courbe PUP

Les plus récentes études à la Banque du Canada ne réussissent plus à trouver une quelconque relation entre taux d’utilisation (ou output gap) et taux d’inflation: la courbe de Phillips est partout horizontale. Les armes de destruction massive sont introuvables!

Bloch et al. (JPKE, 2004) prétendent que c’est la forte demande mondiale pour les matières premières qui est source d’inflation, et non la forte demande interne à chaque pays

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Conclusion: frappes préventives et armes de destruction massive

Même en excluant l’hypothèse d’un taux de croissance naturel endogène, il est probable que les politiques monétaires restrictives menées dans le passé ont engendré une hausse du taux de chômage à inflation stationnaire (si celui-ci existe!).

D’autre part, la politique monétaire actuelle (de ‘frappes préventives’), conduit sans doute à des taux d’utilisation et d’emploi bien plus faibles que nécessaires. Les banques centrales nous disent qu’elles font bien leur travail. Mais il se pourrait que les taux d’intérêt réels soient plus faibles sans que l’inflation s’emballe pour autant. Autrement dit, les taux d’utilisation élevés de la capacité ne sont peut-être pas les ‘armes de destruction massive’ tant craintes par les banques centrales.