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Signata Annales des sémiotiques / Annals of Semiotics 8 | 2017 La notion de paradigme dans les sciences du langage Le paradigme entre système et procès. La question de la reformulation Marion Colas-Blaise Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/signata/1407 DOI : 10.4000/signata.1407 ISSN : 2565-7097 Éditeur Presses universitaires de Liège (PULg) Édition imprimée Date de publication : 31 mars 2017 Pagination : 221-246 ISBN : 978-2-87562-122-1 ISSN : 2032-9806 Référence électronique Marion Colas-Blaise, « Le paradigme entre système et procès. La question de la reformulation », Signata [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 01 janvier 2018, consulté le 10 janvier 2018. URL : http:// journals.openedition.org/signata/1407 ; DOI : 10.4000/signata.1407 Signata - PULg

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SignataAnnales des sémiotiques / Annals of Semiotics

8 | 2017La notion de paradigme dans les sciences du langage

Le paradigme entre système et procès. La questionde la reformulation

Marion Colas-Blaise

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/signata/1407DOI : 10.4000/signata.1407ISSN : 2565-7097

ÉditeurPresses universitaires de Liège (PULg)

Édition impriméeDate de publication : 31 mars 2017Pagination : 221-246ISBN : 978-2-87562-122-1ISSN : 2032-9806

Référence électroniqueMarion Colas-Blaise, « Le paradigme entre système et procès. La question de la reformulation », Signata [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 01 janvier 2018, consulté le 10 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/signata/1407 ; DOI : 10.4000/signata.1407

Signata - PULg

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Degrés De complexification paraDigmatique

Le paradigme entre système et procès.

La question de la reformulation

Marion Colas-BlaiseUniversité du Luxembourg

En remettant le paradigme sur le chantier, on est frappé, d’entrée, par la polysémie du terme. Comme on sait, la linguistique, en particulier structurale, déinit le para-digme comme une classe d’éléments identiques pour une part, diférents pour une autre part. L’interdépendance avec la chaîne syntagmatique est airmée d’emblée : « un paradigme d’éléments est une classe d’éléments qui peuvent être placés à la même place d’une chaîne », écrit Hjelmslev (1966, p. 56) 1. Greimas et Courtés (1979, p. 267) y consacrent une entrée dans le Dictionnaire : ils reprennent les termes de Hjelmslev presque à la lettre, avant d’ajouter que le paradigme est « un ensemble d’élé ments substituables les uns aux autres dans un même contexte. Les éléments ainsi reconnus par le test de commutation entretiennent entre eux des relations d’oppo sition que l’analyse ultérieure peut formuler en termes de traits distinctifs » 2. En même temps, selon Aristote, le paradigme est un cas exemplaire, qui se présente dans une structure narrative, tout en ayant un caractère métadiscursif. Enin, dans une perspective plus sociologique, un paradigme peut correspondre à un ensemble de représentations collectives partagées, d’assomptions, de valeurs, en rapport avec un contexte socioculturel, historique ou économique, auxquelles il est possible de conférer une forme d’identité.

1. La condition de substitution « à la même place d’une chaîne » constitue notre point de départ. En même temps, Rabatel note ici-même qu’« à y regarder de près les types de paradigmes pro-posés, on ne peut que conclure qu’ils ne satisfont pas tous la condition de substitution “en un même point de la chaîne” ».

2. Pour une distinction entre « substitution » et « commutation », cf. Rabatel ici-même.

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Un de nos objectifs sera de faire entrer les trois acceptions, qui se partagent un même champ déinitionnel, en résonance. Dans les limites de cet article, nous focaliserons toutefois notre attention sur les sciences du langage, l’ancrage théorique principal étant fourni par la sémiotique. Plus particulièrement, nous chercherons à préciser l’intérêt d’une rélexion sur le paradigme pour une théorie sémiotique de l’énonciation. Plutôt que de cibler un aspect en particulier, nous tracerons un certain nombre de pistes.

On conçoit d’entrée les enjeux sémiotiques de toute rélexion sur le paradigme et les déis qu’il importe de relever. Ils sont au moins au nombre de cinq :

i) instaurer un dialogue entre la sémiotique et d’autres disciplines autour de la notion de paradigme suppose contribuer à la rélexion sur tous les changements qui, pour le dire de manière très cavalière, négocient le passage des linguistiques structu rales à la sémantique interprétative de Rastier (1987) ou encore aux lin-guis tiques de l’énonciation et à toutes ces approches relevant du courant qu’on peut appeler « dynamiciste » et mettant dans le jeu l’articulation du discontinu et du continu. Eu égard à cette articulation — déterminante, ainsi que nous allons le montrer  —, les apports de la sémiotique sont multiples  : la sémiotique de « deuxième génération », selon l’expression de Coquet (1991), développe une pen-sée du continu dès les années 80 (cf. notamment l’aspectualité discursive qui est à la fois continue et discontinue). Elle trouve une forme particulièrement abou tie au niveau du modèle de la structure tensive de Fontanille et Zilberberg (1998), qui prévoit que la valeur se déinit à partir des gradients de valence intense et extense. Enin, un des déis majeurs est lancé par l’articulation de la sémiotique greimassienne avec la sémiotique des pratiques selon Fontanille (2008) et avec une théorie de l’énonciation conçue comme une pratique située ;

ii)  il s’agit de s’interroger sur la possibilité de distinguer diférents types de para digmes 3, à partir d’un nombre limité de critères  : au moins des critères de forme (ini vs inini), de nature (paradigmes en langue et en co(n)texte), de palier de complexité (morphème, lexème, lexie, énoncé, texte/discours…), de structure (modes de structuration interne des classes d’éléments) ;

iii) on y ajoutera une interrogation sur les modalités de l’articulation du sys-tème de la langue ou de classes lexicales avec le déploiement du texte et du dis-cours 4. Nous nous intéressons à la visée par projection hors des cadres supposés sta tiques de la langue qui commandent au déploiement d’une dynamique textuelle ou discursive débouchant sur des moments et des lieux de stabilisation, mais aussi de déstabilisation du sens et de relance du processus de la construction du sens. Il s’agit ainsi de penser ensemble la signiication au niveau du système de la langue et du sens au niveau de son actualisation ou réalisation dans le texte/discours.

3. On distinguera au moins des paradigmes dérivationnels, lexionnels, catégoriels, fonctionnels et désignationnels.

4. Nous conférons au terme de discours son acception en analyse du discours (en prenant en compte la dimension de la contextualisation).

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Eu égard aux échanges entre le paradigme et le texte ou le discours, deux types de constructivisme se font l’écho d’une double conjoncture scientiique, selon Visetti (2004a) : le constructivisme dit « assembleur », qui conjugue deux types de rela tions élémentaires, celle, spatio-temporelle, de « juxtaposition ou succession ponctuelle le long d’échelles discrètes » et celle de la relation logique entre deux termes ; enin, le constructivisme dit « génétique », qui vise, écrit Visetti, la « croissance, la diférenciation, la complexiication d’un potentiel qui est déjà orga­nisé dès le début, sans pour autant déterminer de façon immanente le procès qui s’en gage ». La question est alors celle, fondamentalement, du poids des déter mi na-tions et de la marge de manœuvre à la base de la singularisation d’un projet de sens. Dans une perspective dynamiciste, nous nous demandons dans quelle mesure il faut miser sur la complémentarité des deux mouvements constructivistes, au delà d’un diférend herméneutique, et sur une double rationalité scientiique, notre hypo thèse étant celle d’une interdépendance entre les déterminations locales, tri-bu taires d’un processus programmé, et le déploiement textuel ou discursif qui gère des luctuations auxquelles une communauté socioculturelle et historique fournit un soubassement ;

iv) nous concevons l’intérêt d’une saisie modélisante comme a posteriori, d’une déhiscence interne au niveau discursif, qui fait apparaître le niveau métatextuel, méta discursif, voire métaénonciatif. Il faut considérer le retour, à partir du texte ou du discours, vers le système. Plus exactement, il s’agit de statuer sur le progrès réalisé discursivement à travers la mise en regard, au delà même de l’accaparement de la durée et de l’étendue par le texte ou le discours, de deux états du système. Comme le note Dahlet (1996, p. 111), en s’appuyant sur le parcours de Benveniste, « l’assomption énonciative de la langue correspond […] à la possibilité d’une remar quable inversion du cheminement méthodologique : non pas projection de la langue en discours, mais projection du discours en langue, comme garantie de son existence et de la consistance de ses descriptions » 5. Mais le terme de « para-digma tisation » servira aussi à renvoyer à une stratégie textuelle, voire à une activité consti tutive du texte qu’on peut aborder sous l’angle de la reformulation ;

v) fondamentalement, ce qui se joue ainsi, de la langue au texte et au discours, du paradigmatique au syntagmatique, et retour, c’est le principe de rationalité qui sous-tend la décision théorique de mettre en avant le paradigme. Nous dirons, en première approximation, que le paradigme est un ensemble cohérent d’hypothèses de sens ou de possibles, pourvu de frontières qui le constituent en un tout ofrant au scienti ique — au linguiste, au sémioticien, au philosophe du langage, mais aussi au

5. Cf. aussi Dahlet (1996, p. 112) au sujet du « métamorphisme », déini par Benveniste comme le « processus de transformation de certaines classes en d’autres » (1974 [1967], p. 161). Le passage suit cet autre : « La langue n’est pas un répertoire immobile que chaque locuteur n’aurait qu’à mobi liser aux ins de son expression propre. Elle est en elle-même le lieu d’un travail incessant qui agit sur l’appareil formel, transforme ses catégories et produit des classes nouvelles. » (ibid., p. 160.)

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sociologue — un point de vue uniicateur sur les phénomènes étudiés. Une ques-tion se fait alors insistante : d’un point de vue épistémologique, est-il perti nent de pré voir une alternative à l’artefact paradigmatique, des modèles enserrant l’hétéro-généité, des assemblages plus ou moins lâches qui maintiennent vives la fracture, l’iné galité, la tension ? Cette question constitue comme l’horizon de cet article.

Les réponses aux questions posées seront déclinées en quatre temps. Dans une première partie, nous nous interrogerons sur la possibilité d’établir une typologie qui prenne en compte le morphème, la lexie et l’énoncé et intègre l’idée du continu et de la gradualité des oppositions. Dans une deuxième partie, l’accent sera mis sur la praxis énonciative alimentant le texte et le discours eux-mêmes. Le paradigme sera ensuite considéré comme un ensemble de représentations. Dans une troisième partie, le paradigme sera approché du point de vue de l’énonciation. Enin, l’accent sera mis sur la paradigmatisation et les régimes de la reformulation.

1. Du morphème à la lexie et à l’énoncé : paliers de complexité

et dynamisme

Ain de caractériser le paradigme davantage, nous commencerons par rappeler les critères permettant de distinguer les paradigmes en langue et en co(n)texte ; nous nous demanderons dans quelle mesure il est possible d’introduire le principe de dyna micité dans le paradigme lui-même ou du moins d’articuler le discontinu avec le continu ; enin, nous nous interrogerons sur une extension possible du palier de com plexité du paradigme au delà du morphème et de la lexie.

Dans un article intitulé « La microsémantique », Rastier (2005) distingue trois degrés de systématicité : i) le système fonctionnel de la langue dont relèvent l’in-ven taire des morphèmes et les règles de leur combinaison ; les classes sont forte-ment inies ; ii) les normes sociales, dont relèvent les lexies et leur référen cia tion ; les classes sont faiblement inies ; iii) les normes idiolectales, dont relève l’usage privé du langage 

Il est ainsi signiicatif que la nature du taxème selon Rastier, déini sur une base diférentielle comme une classe de sémèmes qui se distinguent par des sèmes spéci iques inhérents et partagent au moins un sème générique, invite — sans doute plus que les classes sémantiques du domaine, du champ et de la dimension — à explorer les frontières entre deux logiques : le système de la langue et le lexique (le mot « comme contexte » — les normes sociolectales — et le « mot en contexte » — les normes idiolectales).

Ainsi, quand Salanskis plaide dans Herméneutique et cognition (2003, p. 164) pour une conception « contextuelle » du taxème, cela lui permet de dégager l’« éla-boration herméneutisante de la sémantique interprétative », sur la base de la double inclusion dans la sémantique de la dimension pragmatique, à travers le sème aférent, et de la conception encyclopédiste du sens. Il écrit ainsi qu’à rebours d’une « compositionnalité universelle et ultime du sémantique », qui régirait

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l’« assemblage d’un “mot” à partir d’atomes sémantiques une fois pour toutes donnés », « le contexte est celui du taxème, c’est-à-dire de la petite batterie de mots (de sémèmes) composant l’univers pertinent dans la situation (textuelle, sociale, sub jective) » (ibid., p. 166). Cherchant à résoudre l’épineuse question de la circula-rité — les sémèmes équivalent à des ensembles de sèmes qui, pour leur part, sont déi nis sur la base des écarts entre sémèmes —, il ajoute, au titre d’une des réponses possi bles, que les sèmes sont l’« explicitation des écarts entre les sémèmes, et [que] les sémèmes sont interprétés dans chaque contexte comme la somme des sèmes qu’ils portent », rendant ainsi compte d’une dynamique d’instauration ou d’efectuation du sens dans un contexte à partir d’une mémoire diférentielle du possi ble, qui s’en trouve alimentée en retour. Nous retrouverons ce point plus loin.

En somme, ce n’est pas tant la possibilité de la constitution de taxèmes en contexte qui est sujette à discussion que la forme qu’ils revêtent, le degré de leur ancrage dans l’immanence, et le degré de systématisation, d’abstraction, voire — pour certains — d’idéalisation, qui les caractérise.

Il est signiicatif que le critère de distinction soit celui de la norme. Si les normes (sociales) — et parmi elles, le système fonctionnel lui-même — constituent autant de formes de systématisation du contenu linguistique, elles sont « portées », d’abord, par les traits aférents. Dans ce cas, comme le montre Badir (1999), il s’agit de déplacer la ligne de partage entre les sèmes aférents qui, par déinition, mettent en contact des sémèmes appartenant à des taxèmes distincts, et les sèmes inhérents, cer tains des traits dits aférents pouvant être assimilés aux sèmes inhérents sur la base du critère de leur « fonction déterminante » (plutôt que déterminée) dans l’analyse du sens textuel (par exemple le sème /faiblesse/ dans : « Mon père, je suis femme et je sais ma faiblesse » [Corneille, Cinna]).

Au terme de cette rapide incursion dans les terres de Rastier, retenons, pour l’instant, i) qu’en tant que forme de systématisation et de codiication du sens, le paradigme peut être déini au niveau du système (morphèmes) et du lexique ; ii) que les types de paradigmes peuvent se caractériser par ce que Rastier appelle dans Sens et textualité (1989, p. 50) diférents « degrés de systématicité » ; iii) que le co(n)texte est un facteur discriminant (système fonctionnel de la langue, normes sociales, normes idiolectales).

Mais poursuivons sur notre lancée en soulevant le problème, fondamental, d’une modélisation dynamique de la conception diférentielle, contre une vue sta-tique du paradigme.

Considérons, à cet efet, l’organisation hiérarchique interne du paradigme telle qu’elle se distingue des groupements associatifs selon Saussure (1916 [1972]) 6. On

6. Le rapport associatif s’appuie sur une communauté non seulement de contenu, mais de forme, de fonction, de nature : « […] le mot enseignement fera surgir inconsciemment devant l’esprit une foule d’autres mots (enseigner, renseigner, etc., ou bien armement, changement, etc., ou bien éducation, apprentissage) ; par un côté ou un autre, tous ont quelque chose en commun entre eux. » (Saussure 1916 [1972], p. 171.)

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songe à la classes des substitutions selon Jakobson (1963, p. 62), qui ne distingue pas seulement entre la similarité sémantique (ou contraste) (pour hutte : cabane, palais, antre, terrier) et la contiguïté sémantique (chaume, paille ou pauvreté), mais sub divise la première en tautologie (hutte), en synonymes (cabane, cahute), en anto nymes (palais) et en métaphores (antre, terrier).

Il semblerait que l’organisation demeure largement statique. Le « modèle continu du sens » selon Victorri (2004), qui prévoit un « espace sémantique continu, multidimensionnel, muni d’une structure topologique », permet alors de franchir un pas 7.

Trois aspects méritent une attention particulière. Soit, tout d’abord, la multi-dimen sionnalité. Ainsi, pour reprendre un exemple de Hjelmslev (cité par Victorri), il ne suit pas de dire que le mot « bois » évoque tantôt « Wald », tantôt « Holz », mais il faut rendre compte de la synonymie partielle de « bois » et de « forêt », en même temps que d’autres dimensions (ramure des cervidés, instruments de musique). Ensuite, il faut envisager le franchissement des frontières des régions de sens : pour rendre compte des phénomènes de polysémie et de synonymie, Victorri avance que les unités synonymes déinissent un « recouvrement avec chevau che-ment des frontières » 8. Enin, la correspondance entre ce qu’il appelle l’espace séman tique et l’espace phonétique est graduelle, une unité étant plus ou moins « perti nente » pour évoquer tel sens ; elle est énoncée phonétiquement de manière plus ou moins « eicace ».

Dans quelle mesure la sémiotique permet-elle de faire avancer la rélexion ? La com plexité du carré sémiotique, tel que le conçoit la sémiotique greimassienne, est due aux degrés dans la génération des termes (termes, métatermes contradictoires et métatermes contraires, terme complexe et terme neutre), mais aussi à la dissymé-trie forte, dans la version du Dictionnaire (Greimas & Courtés 1979), liée à une rela tion entre un avant et un après (d’abord A, ensuite A nié), entre une constante et une variable (si A nié, alors non-A). On y constate une première dyna mi sation du paradigme.

Celle-ci se renforce avec la sémiotique tensive : dans « Note sur la structure des paradigmes » (La Structure tensive, 2012), Claude Zilberberg propose de « traverser » le paradigme. Prévoyant une opposition graduée, qui se déploie

7. Cf. chez Rastier (2005) les oppositions entre contraires (mâle, femelle), entre contradictoires (possible, impossible), les oppositions graduelles (ex.  : brûlant, chaud, tiède, froid, glacial), les impli cations (démobilisé, mobilisé), les relations de complémentarité (ex. : mari, femme ; théorie, pra tique ; faim, soif ; vendre, acheter). L’antonymie ne peut être érigée en règle universelle.

8. Une des questions fondamentales est celle de l’organisation des paradigmes. Ainsi, Manguin et Victorri (1999) prévoient des relations entre les termes d’un même champ sémantique qui mettent à contribution les notions de hiérarchie, de proximité et d’agencement topologique. Ainsi, ils montrent comment des verbes presque synonymes dans certains emplois et presque anto nymes dans d’autres sont afectés à des régions d’un espace sémantique partagé par tous les termes du paradigme. Ils notent que « deux unités peuvent se recouvrir sur une partie de l’espace sémantique tout en restant distinctes sur d’autres zones de l’espace ».

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en quatre positions de s1 à s4 (sur-contraire atone, sous-contraire atone, sous-contraire tonique, sur-contraire tonique), il montre comment la suite de termes / avoir peur/, /appréhender/, /craindre/, /redouter/ s’organise selon une série ascen-dante scindée en [relèvement vs redoublement], qui est analysée par les couples [amorce-progression] et [ampliication-saturation] (ibid., p.  89). La suite des termes est alors tendue entre conservation ou synonymie et non-synonymie. Le para digme se proile sur le fond de la complémentarité des notions de hiérarchie et d’analyse, un niveau dominant analysant un niveau dominé, et de la solidarité de la morpho logie et de la syntaxe. Zilberberg propose ainsi des déinitions tensives des gran deurs constitutives du paradigme : /avoir peur/ est plus ou moins équivalent à « modération de la non-peur + amorce de la peur » ; /appréhender/ à « diminution de la non-peur + progression de la peur » ; /craindre/ à « réduction de la non-peur + ampliication de la peur » ; et /redouter/ à « exténuation de la non-peur + satu-ra tion de la peur/ (ibid., p. 103). On peut alors se demander si le paradigme selon Zilberberg contient en puissance des parcours concurrents (par exemple, pour le para digme des pronoms personnels, dans le sens de la (dé)singularisation —du « je » au « on », ou inversement —, du débrayage et de l’embrayage) 9.

Dans la foulée, une première question est alors celle de la variabilité interne et intrin sèque du paradigme, grâce au fond continu. Dans quelle mesure la variabilité constitue-t-elle un trait identitaire ? Le rapprochement avec la forme schématique selon Culioli peut être intéressant. La forme schématique d’un item lexical propose en efet une organisation et une interprétation sur la base de pôles de régulation des interactions de l’item avec les éléments de son environnement textuel. En ce sens, comme l’écrivent Franckel et Paillard (1998, pp. 61-62), la forme schématique mobi lise trois plans de variation : une variation interne à l’unité elle-même ; une variation qui tient aux items lexicaux du co-texte ; la variation des constructions syn taxiques. Passant de la forme schématique de l’item lexical au paradigme, nous en retiendrons, pour notre propos, que l’identité de ce dernier ne suppose plus une stabi lité donnée une fois pour toutes, mais qu’elle est par déinition non seulement difé rentielle, mais variationnelle.

Mais on considère dans ce cas la réalisation co(n)textuelle. Il faut envisager à nouveaux frais un palier de complexité au delà du morphème et de la lexie : celui du texte/discours. Comment penser un tel élargissement du champ paradigmatique au texte/discours occurrentiel, qui peut être à la base d’une systématisation de type para digmatique ? C’est prendre parti pour une « linguistique de la parole ». Ici-même, Rabatel cite Rastier (2015, p. 84) : « Les oppositions “en langue” revêtent alors le statut de reconstructions hypothétiques établies à partir des diférences observées “dans la parole” ».

9. Cf. aussi la modélisation morphodynamique du taxème par Rastier (2003), issue de la théorie des variétés diférentiables et des systèmes dynamiques. Il utilise le concept de forme schématique et met en avant les inégalités qualitatives au sein du taxème.

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2. Le paradigme « textuel/discursif »

La deuxième acception du terme « paradigme » permet d’aller dans ce sens  : le paradeigma selon Aristote est un cas exemplaire, un exemplum pour les latins, instau rant une relation de particulier à particulier. On saisit bien l’enjeu, le para-digme, qui se présente dans une structure narrative, introduisant l’empirique (l’expé rience), l’occurrence, la circonstance, le plus familier et l’éventualité comme sup ports du type, de la règle, du concept et de la nécessité. Il est métadiscursif, la structure narrative ne valant qu’en tant que cas exemplaire et exempliiant au regard du principe, du concept, du « discours systématique » exempliiés. Le para-digme est échafaudé à partir du fait raconté lui-même, par le biais du schéma d’action 10.

Mobilisant un tout autre cadre théorique, on peut renvoyer à Kuhn (1962, 1970), qui distingue dans le paradigme la « matrice disciplinaire » et le « modèle exem plaire » (exemplar). Il considère le paradigme comme la catégorie décrivant ou construisant des pratiques scientiiques typiques singulières exemplaires. Mais on peut aussi rappeler que, dans La Critique de la raison pure, Kant reconnaît la typi calité de l’exemple paradigmatique, mais qualiie ce dernier de secondaire, voire de dangereux eu égard à la compréhension de la règle ou de la loi dans leur uni versalité 11.

S’il n’est pas question de rabattre l’acception aristotélicienne du mot « paradigme », bien spéciique, sur celle que nous avons considérée dans la première partie, on retiendra de ce détour la possibilité d’une approche empirique, induc tive. De ce point de vue, la distinction, en sémiotique, entre le système et la praxis énonciative ouvre de nouvelles perspectives.

Dans « L’impersonnel de l’énonciation. Praxis énonciative  : conversion, convo cation, usage » (1993), Denis Bertrand conie au « primitif », c’est-à-dire au pro duit de l’usage, repris et stabilisé, le soin d’alimenter en retour le schéma, c’est-à-dire le système ouvert des relations disponibles dont l’usage cristallise, en les réali sant textuellement ou discursivement, certaines des potentialités. Les primitifs acquièrent ainsi, « à titre d’éléments constitutifs, des propriétés comparables à celles du système » (ibid., p. 29).

On se donne ainsi les moyens de distinguer non seulement le paradigme au niveau des morphèmes (le système de la langue formé de virtualités et de dis po-

10. Cf. Ouellet (2000, p. 362) : « [...] c’est un énoncé qui parle moins des faits qu’il rapporte que d’un autre énoncé illustré par les faits rapportés ». Il ajoute : « […] l’exemplum consiste […] en la construction même des classes d’équivalences appelées “concepts”, par l’exposition d’un fait typique, d’un fait paradigmatique, c’est-à-dire d’un fait qui vaille pour une classe de faits ».

11. D’un point de vue linguistique, la rélexion sur la typicalité nous conduit à nous tourner vers Victorri et Fuchs (1996, p. 14), d’une part, vers Nølke (1994, p. 43), d’autre part : tous opposent l’énoncé-type à l’énoncé-occurrence, en s’accordant à dire que l’analyste part de l’interprétation de l’énoncé-occurrence pour déboucher sur l’énoncé-type à la faveur d’un processus que Nølke quali ie d’abstraction et de généralisation.

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ni bilités) et le paradigme au niveau des lexies (cf. le taxème selon Rastier), mais encore le paradigme qui intègre les « primitifs » frappés d’historicité.

Dans ce cas, quel est le mode de structuration interne du paradigme « textuel/discursif » ? Interrogeons, plus spéciiquement, le lien entre le paradigme et cette classe de textes ou de discours qu’est le genre : notre hypothèse est, en efet, que le para digme lui confère son assise et, qu’en retour, en dégageant la structure interne du genre, on cerne mieux celle du paradigme en discours.

En ce qui concerne le genre, on conçoit l’intérêt de l’approche sémiotique qui met l’accent sur un ensemble de sélections congruentes opérées dans diférentes com posantes non seulement syntaxiques, mais catégorielles, à diférents niveaux d’un parcours génératif du sens. De ce point de vue, le genre repose sur l’arti-cula tion perspective —  selon des points de vue déterminant des « régimes » de la catégorie  — d’espaces  : l’espace tensif, qui correspond à la corrélation de variations en sens inverse ou converse sur les axes de l’intensité (acuité perceptive ou conceptuelle…) et de l’étendue (manifestations du nombre, de la localisation spatio-temporelle, etc.) (Zilberberg 2006) 12 ; l’espace thymique ; l’espace aspectuel : la saisie-arrêt et le balayage homogénéisant ; l’espace des valeurs ; l’espace modal ou encore l’espace inte ractionnel 13.

Prenons l’exemple de l’auto-sociobiographie d’Annie Ernaux  : sous quelles conditions rend-elle visible le paradigme dont elle est une forme de manifestation ? On peut en retenir quatre, dont il faudra mesurer les implications sur la déinition même du paradigme en discours. D’abord, il faut que le genre valide, sinon la récurrence d’un certain nombre de choix solidarisant le plan de l’expression et le plan du contenu, du moins leur exemplarité (diférence entre le type et l’occurrence). Ensuite, il faut que l’auto-sociobiographie maintienne vives des tensions, externes, quand les choix toujours dissidents s’airment sur le fond d’une oppo sition (l’auto-sociobiographie contre le récit de vie traditionnel), et internes : elle est traversée par une dialectique s’exerçant à diférentes strates du sens. Voyons, en guise d’exemple, le jeu sur les pronoms. Il s’agit d’éviter tant le « je » — « Il y a dans le “je” trop de permanence, quelque chose de rétréci et d’étoufant », écrit Annie Ernaux — que le « elle », qui comporte « trop d’extériorité, d’éloignement » (2008, p. 179). Le « je transpersonnel » correspond à une « forme “impersonnelle”, à peine sexuée, quelquefois même plus une parole de l’“autre” qu’une parole de “moi” » (1994). Comme le note aussi Rabatel (not.  2013), une subjectivité prend forme, tendue entre l’intersubjectivité et le confortement d’une identité grâce à cette excursion en direction de l’autre (mieux dire une intériorité grâce

12. L’espace tensif est marqué par les « modes sémiotiques » selon Zilberberg (2012) qui rendent compte de l’entrée des grandeurs dans le champ de présence  : le mode dit d’eicience, qui oppose le tempo rapide du survenir au tempo lent du parvenir ; le mode d’existence, qui oppose la saisie et la visée ; le mode de jonction, qui oppose la concession, le bien que, à l’implication, au parce que.

13. Fontanille (1999) souligne le fait que les genres sont des actes de langage.

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230 Degrés de complexification paradigmatique

à l’extériorité et au partage). On associera ainsi au genre auto-sociobiographique comme paradigme une oscillation entre le « nous » inclusif et le « on », forme de compromis, puisque le pronom indéini cumule sur lui plusieurs acceptions (Fløttum et al. 2005). Mieux, du point de vue des cinétismes mis en œuvre, on peut consi dérer le mouvement — l’opérativité — qui conduit du « je » au « nous » et au « on » et qui peut être intercepté à travers une saisie précoce (Guillaume), sur le « nous », par exemple. On ajoutera une troisième condition : les choix efectués dans diférents espaces doivent s’enlever sur, et interagir avec un continuum qui ne serait autre que la praxis énonciative au sens large. Fontanille (2014) qualiie cette der nière de « difuse, multiple et plastique ». Il écrit ainsi :

[…], chaque énonciation particulière est considérée comme l’une des occurrences d’une praxis énonciative plus vaste, plus difuse, et impersonnelle. La praxis énonciative « navigue » entre des strates textuelles potentielles, entre diverses formes immanentes, entre des isotopies qui sont en compétition, entre plusieurs devenirs possibles des trames narratives, pour les conduire vers la mani festation.

Nous entrevoyons une quatrième condition : le genre tient son assise, notam-ment axiologique, du paradigme tel qu’il est possible de le penser dans un contexte historique, social et culturel donné, à propos d’une sphère d’activités déter minée. En l’occurrence, le genre auto-sociobiographique se déploierait le long des lignes de fracture du paradigme post-moderne (la déconstruction d’une sub jecti vité émiettée, éparse, mobile, qui s’abîme dans le collectif, fût-ce pour se (re)construire in ine).

C’est franchir le pas entre les deux premières acceptions du mot « paradigme » et la troisième, strictement complémentaire : le paradigme peut en efet être déini comme une structure gérant, à un niveau d’englobement supérieur, un ensemble de représentations collectives, historiques, culturelles et sociales, d’assomptions, de croyances.

Prenons comme exemple le paradigme de l’art contemporain, bien étudié par Nathalie Heinich d’un point de vue davantage sociologique : un paradigme est

une structuration générale des conceptions admises à un moment donné du temps à propos d’un domaine de l’activité humaine : non tant un modèle commun — car la notion de modèle sous-entend qu’on le suive consciemment —qu’un socle cogni tif partagé par tous. (2014, p. 43.)

Les conséquences d’un tel élargissement de la déinition du paradigme sont au moins doubles.

D’une part, l’exemple du paradigme de l’art contemporain nous met d’emblée face à un problème. En efet, vériier le type d’organisation interne multistrate que nous avons pu projeter à partir du genre, c’est considérer non seulement la « structura tion générale des conceptions admises », mais, dans la perspective d’une sémiotique des pratiques (Fontanille 2008), d’autres niveaux de pertinence que

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Le paradigme entre système et procès 231

celui des structures textuelles ou discursives : le support (par exemple la feuille de papier, la toile) et l’objet (par exemple le livre, le tableau), mais aussi le contexte insti tutionnel, qui détermine des formes de médiatisation et des pratiques. Ainsi, si les Combine paintings de Rauschenberg —  des assemblages empruntant à la sculpture, à la peinture, voire à l’installation — sont emblématiques d’une rupture et d’un renouvellement des valeurs de l’art moderne, c’est grâce, entre autres, à l’instanciation à travers des matériaux hétérogènes, mais aussi, plus largement, à une scénarisation des œuvres dans des galeries qui, telles la galerie new-yorkaise de Leo Castelli ou la galerie Iris Clert à Paris, accueillent l’art d’« avant-garde ».

Ainsi, ce détour par le non verbal invite à reposer avec force la question de la légi timité de l’artefact « paradigme » ou, du moins, celle des implications du choix du principe de rationalité correspondant. Parler de paradigme de l’art contem po-rain, n’est-ce pas à la fois tendre vers l’horizon de l’uniication d’un ensemble de sélections (sur la base de la résolution dialectique par intégration des diférences) et, dans le même temps, contre cet imaginaire, déclarer la vanité de ce geste ? N’est-on pas amené à proclamer la diférence irréductible, l’hétérogénéité maintenue ? Nous reviendrons sur ce point.

D’autre part, retenir cette troisième acception du terme « paradigme », c’est consi dérer que le paradigme cautionne, mais aussi détermine un type de com por-te ment et d’action : dans une perspective plus nettement praxéologique, les normes et les règles pratiques en assurent une eicience maximale. Elles s’assortissent d’instructions et garantissent l’établissement de relations intersubjectives, propices à diférentes formes de collaboration.

3. Le paradigme du point de vue de l’énonciation

Précisément, le terme d’instruction mérite d’être commenté davantage. Il est lié à la conception du paradigme a priori, supposé déjà donné avant l’actualisation, sous difé rentes formes, dans le texte/discours. Il correspond, ainsi que nous l’avons avancé, à une manière de penser le paradigme (à un point de vue sur le paradigme).

Dans ce cas, il faut comprendre comment le paradigme a priori (système de la langue, lexique, primitif) inlue sur la sémiosis, comment s’opère le passage du para digme en langue ou en co(n)texte à la textualisation et à la discursivisation.

À cet efet, précisons la notion, nodale, de modèle. De l’ordre du virtuel, il pré cède, oriente ou régit ce qui relève dès lors de la réalisation concrète. Qu’il soit déini en langue ou en co(n)texte, le paradigme a priori semble en efet s’assortir d’un devoir­dire contraignant. Très chargé axiologiquement, le paradigme déinit, dans sa version la plus forte, comme une rectitude du dire. Cette idée est promue par la sémantique lexicale de Victorri, par exemple, qui utilise avec Gilles Col et al. (2010) l’expression « forme schématique » (en prenant appui sur les travaux de Culioli) : celle-ci caractérise chaque unité hors contexte, décrivant « comment l’unité doit se comporter dans le processus de construction du sens ».

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232 Degrés de complexification paradigmatique

Dans un tout autre cadre théorique, la notion d’exempliication véhicule l’idée du devoir­faire. Wittgenstein écrit dans Le Cahier brun (1996, pp. 257-258) :

Il est vrai que je peux entendre jouer un air et dire : « Ce n’est pas ainsi qu’il fau drait le jouer, mais comme cela » : et je le sile sur un tempo diférent. Ici on est enclin à demander « A quoi correspond le fait de savoir sur quel tempo un mor ceau de musique devrait être joué ? » Et l’idée vient tout de suite à l’esprit qu’il doit y avoir un paradigme [paradigm] quelque part dans notre esprit, et que nous avons changé le tempo ain de nous conformer à ce paradigme.

Le commentaire de Narboux (2005, p. 257) est particulièrement éclairant :

Il n’ y a donc pas de paradigme en dehors du thème au sens d’un modèle abstrait, mental ou idéal, auquel l’expression particulière avec laquelle la mélodie doit être jouée correspondrait, mais il y a bien un paradigme en dehors du thème au sens d’une exempliication explicite de cette expression (d’un certain mode d’arti culation, de ponctuation, d’accentuation), qui est susceptible de me faire com prendre comment la mélodie doit être jouée. […] cela signiie que le para-digme n’exempliie l’aspect qu’en tant qu’il ne peut lui-même en aucun cas être abstrait d’une culture et qu’en un sens l’aspect exempliié est immanent à rien moins qu’au champ entier de nos jeux de langage, de nos formes de vie, de notre culture.

On notera enin que selon Kuhn (1970 [1962], p. 10) :

[…] some accepted examples of actual scientiic practice —  examples that include law, theory, application, and instrumentation together — provide models from which spring particular coherent traditions of scientiic research. […] Men whose research is based on shared paradigms are committed to the same rules and standards for scientiic practice.

Mais il faut introduire une distinction supplémentaire. Comme Schaefer (1986, p. 186) le fait remarquer pour le genre, on opposera à une relation verticale prescriptive une relation horizontale, basée sur des ressemblances, des répétitions, des réécritures, des transformations. En somme, c’est mettre l’accent non seulement sur le devoir-dire, mais sur un pouvoir­dire. Pour expliquer le phénomène de la poly sémie, Victorri associe au devoir-dire l’idée du « potentiel » inhérent à l’unité consi dérée, qui a le statut d’un type donné en langue.

L’idée que le système et la praxis énonciative correspondent à des ensembles de virtualités convocables, qui à la fois constituent un réservoir de formes dans lequel le sujet d’énonciation peut puiser et régissent le déploiement du texte ou du dis cours, est récurrente et diversement théorisée. On songe, immédiatement, à la notion de « parallélie » selon Saussure (2002, p. 61) :

Nous appelons syntagme la parole efective,

– ou la combinaison d’éléments contenus dans une tranche de parole réelle,

– ou le régime dans lequel les éléments se trouvent liés entre eux par leur suite et précédence.

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Le paradigme entre système et procès 233

Par opposition à la parallélie ou parole potentielle, ou collectivité d’éléments conçus et associés par l’esprit, ou régime dans lequel un élément mène une vie abstraite au milieu d’autres éléments possibles.

On songe aussi à la psychomécanique guillaumienne telle qu’elle est à la base de l’étude du lexique et, plus particulièrement, de la polysémie par Jacqueline Picoche (1986, p. 8) :

La notion de signiié de puissance, quoique rarement théorisée, est fon da-men tale chez Guillaume […].

Un signe totalise en lui-même un signiiant et un signiié de puissance qui lui est attaché de façon permanente. Le signiiant est le médiateur entre le signiié de puissance et le signiié d’efet qui résulte momentanément de l’emploi qui en est fait dans le discours.

On sait que selon Guillaume (1971), le lux de la pensée met à contribution le poten tiel de signiication lié aux unités lexicales, tout en accueillant des « coupes », des points de ixation, d’arrêt du lux, que le cinétisme est prompt à uniier 14.

En même temps, quels sont les présupposés d’une telle pensée du paradigme ? Il appa raît que la possibilité même d’avoir des unités discrètes avec une signiication plus ou moins stabilisée et igée, donnée en amont de la textualisation, voire un continu linguistique autonome, à la base de la praxis énonciative, met dans le débat l’oppo sition entre deux formes de la langue, intérieure et extérieure. Or, Visetti (2004b) oppose à ce qu’il appelle la dissociation entre la langue et la thématisation la « co-générativité, où chaque terme participe à la génération de l’autre, et subsiste en lui comme en iligrane ». Il écrit encore :

Une fois déconstruite l’opposition entre forme intérieure et extérieure de la langue, la langue n’apparaît pas seulement comme un système ou un répertoire de formes, mais comme une activité formatrice, et un milieu constitué, jusqu’en ses couches les plus « internes » ou les plus « fonctionnelles », par une nécessaire reprise à travers des mises en place thématiques.

Et il ajoute que celles-ci « se présentent comme des formations inextricablement langa gières et sémiotiques : formations qui sont anticipées par la langue et le lexique à des niveaux très variables de spéciicité et de stabilité » 15 (ibid.).

14. Comme le notent Fuchs et Le Goic (1992), la position de Guillaume est intermédiaire entre les structuralistes classiques et les linguistes de l’énonciation : il maintient l’opposition entre la langue et le discours, la « représentation en langue » et l’« expression en discours » et il cherche à instaurer entre eux une dynamique.

15. Culioli fait un pas de plus : des propriétés formelles spéciiques peuvent être dégagées à partir de données empiriques, sans passer par des modèles préétablis. Les items lexicaux ne forment pas un matériau préconstitué mis en œuvre par l’organisation syntaxique des énoncés, mais ils consti tuent le lieu d’une « variation réglée ». L’identité des unités se caractérise par un fonction-ne ment (non par une valeur). On a afaire à une interaction dynamique. Cf. à ce sujet Franckel et Paillard (1998).

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234 Degrés de complexification paradigmatique

Anticipation  : il nous semble que l’hypothèse de l’anticipation, entre autres par la langue et le lexique, de continus du sens se développant au niveau du texte/dis cours est alors particulièrement propre à dynamiser la pensée du paradigme et à concilier une certaine conception de l’intériorité et de l’extériorité de la langue avec celle du devenir à chaque fois relancé et renégocié du texte et du discours.

Dans ce cas, penser le paradigme dans le cadre d’une théorie sémiotique de l’énon ciation comme pratique située oblige à réinterroger la frontière entre le noyau linguistique et lexical (cf. Victorri) et le déploiement textuel ou discursif, en prise à l’innovation.

Sur le plan épistémologique, nous plaidons pour une conception dynamique ou dynamiciste, plutôt que pour une conception que Rastier (2006) appelle « logico-grammaticale » et qui, sur la base d’éléments alimentant le « vocabulaire » textuel et d’une syntaxe gouvernant des enchaînements, met en œuvre diférentes formes de compositionalité et de détermination du local sur le global. Rastier pro pose de « dépasser la conception distributionnelle du texte par une conception morpho­sémantique qui tienne compte des inégalités qualitatives entre formes ».

Dans ce cas, comment concilier la discrétisation des unités avec un lux de trans formations textuelles continu ? On peut envisager une modélisation « inté-gra tive » rendant compte d’un va-et-vient entre espaces de sens. Plusieurs étapes se dégagent :

i) Les unités qui sont en compétition dans un paradigme en langue ou en co(n)texte, sur un fond continu (par exemple des textes se regroupant sur la base d’un ensem ble de choix congruents et devenant des potentialités pour d’autres textes qui les transforment, ou, en sémantique lexicale, les diférentes acceptions d’une unité poly sémique avec les possibilités de recouvrement, d’ordonnancement, etc.) anti­ci pent sur et sont dans l’attente des réalisations textuelles ou discursives possibles. Elles appellent ou projettent un contexte ;

ii) simultanément, dans le meilleur des cas, ou de manière diférée, les unités dis crètes, liées à des parcours potentiels, sont convoquées 16 en retour dans le cadre d’un projet de textualisation et déterminent le déploiement textuel (l’actualisation en contexte peut être plus ou moins complète et plus ou moins saillante ; elle est sou mise à diférents « types de normativité » (Rastier 2005)). En même temps, à travers les relations co(n)textuelles — d’abord isotopiques — qui se nouent, aux niveaux micro- ou macroscopique, le déploiement textuel opère des sélections et des extractions (tri) ou, au contraire, enrichit le paradigme dont on a supposé l’anté cédence ;

iii) simultanément, grâce à l’épaisseur textuelle ou discursive, les unités équi-valentes ou les valeurs non sélectionnées sont potentialisées et restent accessibles à l’arrière-plan, dans l’attente d’autres convocations ; c’est par ce biais, dirons-nous,

16. La notion de convocation sera précisée infra.

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Le paradigme entre système et procès 235

que chaque entité textualisée évoque d’autres unités, d’autres acceptions et emplois possibles 17.

En efet, sensible à la dialectique de l’externe et de l’interne, nous sommes attentive à la construction du sens textuel et discursif négociant le passage entre le continu et le discontinu, à la performance 18, à travers des réinvestissements des unités, des ajustements, et, plus largement, à une remise incessante dans le jeu des structures qui prennent forme, entre prise, dé-prise et reprise.

La singularité et la diversité font émerger, à la suite d’observations et de décou-vertes, des régulations internes (plutôt que des règles) et des invariants (pro vi-soires), à rebours de catégories préexistantes. Cette conception dynamique est en accord avec une mise en avant de la notion de textualisation, du devenir-texte en tant qu’il met en œuvre l’énonciation en acte qui permet à Fontanille (2003 [1998]) de proposer une voie alternative par rapport à celle de l’énonciation énoncée (repé-rage des marques de l’énonciation constituant le simulacre de l’énonciation dans l’énoncé). Une conception des ensembles se conigurant de proche en proche per-met d’échapper à l’idée d’une totalité de sens close sur elle-même.

Cependant, un tel modèle ne laisse pas de soulever des problèmes. Le terme de « convocation » mérite d’être commenté. Ce qui se décide, c’est le statut même de l’ins tance d’énonciation. Parler de « convocation », c’est, en efet, supposer l’exis-tence non seulement d’unités discrètes, mais celle d’un sujet (singulier) consti tué (par exemple, Col Aptekman, Girault et Victorri (2010) considèrent que la « notion d’assem blage » repose sur une « activité du sujet qui recherche l’infor ma tion à traiter » 19). Or, il nous semble qu’il faut prévoir — également à la suite des tra-vaux de Fontanille (2014) — un mouvement impersonnel d’instauration qui four-nit comme un substrat à la convocation, les paradigmes en langue et en co(n) texte étant une manifestation de la praxis énonciative (au sens large). Fontanille (2014) demande à la praxis énonciative de gérer l’actualisation, la virtualisation, la poten-tiali sation et la réalisation de contenus associés à des formes de l’expression, en deçà même de l’apparition d’un sujet a posteriori :

17. Victorri (1999, p. 96) recourt au principe de convocation/évocation de manière un peu difé-rente, en adoptant la perspective des grammaires cognitives, de la psychologie cognitive et de la phénoménologie de Husserl à Merleau-Ponty : le mouvement de la convocation consiste à « déterminer ce qui doit être présent dans le champ intersubjectif (y compris la scène en train de se construire) pour que l’unité puisse jouer son rôle dans cette construction ». Le mouvement de l’évocation correspond à la « détermination de ce que l’unité apporte à la construction en agissant sur les éléments qu’elle a convoqués ».

18. Cf. aussi Visetti (2004b) : la performance est « comprise comme une simple prise de possession (même par actualisation dynamique) ».

19. En même temps, cf. Col, Aptkman, Girault et Victorri (2010) au sujet du « caractère dynamique de la scène » (la scène verbale constitue un espace intersubjectif) : elle « se déploie dans le temps de manière spontanée et irréversible, indépendamment de toute intervention du locuteur ». Pour interrompre le déroulement d’une scène dans le temps, il faut que ce dernier engage une opé ration langagière bien spéciique, par exemple, à travers l’uti li sation de certains marqueurs comme dans « Le train quittait la gare quand soudain le signal d’alarme retentit ».

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236 Degrés de complexification paradigmatique

Nous avons afaire […] à une « analyse en immersion » (embrayée), dont le caractère subjectal n’apparaît qu’a posteriori, par la mise en œuvre de la pratique et de son analyse. […] la diiculté apparaît alors du fait même qu’en l’absence de sujet posé a priori, il devient impossible de caractériser l’instance qui « construit » le sens pratique ou stratégique. Or la sémiotique est elle-même une pratique « constructiviste », pour laquelle le sens n’est pas déjà donné et à découvrir, mais au contraire à extraire des données observables et à construire par reformulation dans un métalangage.

Se précisent alors, à la faveur d’une cristallisation des forces qui correspond à ce que Bordron (2002) appelle la « prise énonciative », les contours d’une instance sen sible qui fait l’expérience du sens et se constitue de proche en proche en sujet d’énon ciation, au il des complexiications du « devenir un texte/discours ». Il est sans doute avantageux de mobiliser la notion culiolienne d’épilinguistique dont Jacques Fontanille a montré le rendement — cette « activité permanente, notent Culioli et Normand (2005, p.  111), dont nous n’avons pas conscience et qui nous fournit ses représentations qui s’entrecroisent, s’entrechoquent, etc. et qui vont faire que vous avez parfois de ces sens ». On peut en efet supposer que la « convocation » d’unités du paradigme se fonde sur le « geste mental » à la base de l’épi linguistique, la « rationalité silencieuse » qui, écrit Normand (2012, pp. 36, 37), est « à l’œuvre dans des processus à la fois cognitifs et afectifs, inséparables d’un enga gement corporel, moteur de toute énonciation ».

Ainsi, considérer le devenir-texte, les phénomènes de glissement, de modi i-ca tion, voire de métamorphose, allant de l’instable vers un degré de stabilité (avant une nouvelle déstabilisation), c’est envisager la possibilité non seulement d’une collecti visation du sujet singulier, d’une instance sensible et percevante aleurant à la surface d’un mouvement impersonnel d’instauration, mais du déploiement d’une force —  d’une energeia au sens aristotélicien du terme  : plus ou moins anonyme, elle prépare l’émergence d’une igure de sujet à la fois caisse de résonance et cristallisation de voix multiples, et responsable in ine d’un dire singularisant, qu’elle assume.

En termes sémiotiques, le débrayage présuppose ce que, à la suite de Denis Bertrand (2005), on peut appeler un proto­embrayage, dans l’entrelacement d’une instance avec le langage  : la prise de position dans le monde et au contact du langage d’une instance sensible encore difuse. Cette instance sensible anticipe la réali sation proprement textuelle ou discursive d’un sujet qui est ressaisi et identiié a posteriori.

On peut chercher, sur ces bases, à rendre compte de l’évolution, lente ou brusque, heurtée ou lisse, du paradigme.

Il se présente en efet comme une formation qui est signiiante, pourvue d’une iden tité, mais aussi éminemment précaire, toujours tendue entre le ne… plus et le ne pas… encore, si l’on admet que sa réalité est d’abord interstitielle, ou entre le encore et le déjà. Globalement, si le paradigme peut évoluer, c’est pour une triple raison :

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grâce au fond continuiste et grâce à la variabilité interne dont nous avons fait état ; grâce aux variations co(n)textuelles ; grâce au progrès réalisé par la textualisation et la discursivisation (après la convocation des unités, leur actualisation sous diverses formes, l’exploitation des parcours que le paradigme contient en puissance). Si le glo bal l’emporte sur le local, les choix paradigmatiques sont placés sous l’autorité du syntagmatique.

Mais quelles sont les opérations concrètes ? Plusieurs modélisations sont possi-bles, en fonction des cadres théoriques sollicités. On peut en retenir quatre qui, mal gré leurs diférences évidentes, traitent, chacune à sa manière, l’articulation du continu et du discontinu. Elles se distinguent par la place accordée à l’invariant (ren dant possibles la rupture, la discontinuité) et au principe de la variation intrin-sèque, de la déformation.

Soit d’abord, au palier des classes lexicales et de leur évolution diachronique, la modélisation morphodynamique de Rastier (2003). Une modélisation morpho-dynamique du taxème permet de mettre en relation la dynamique sur l’espace interne (l’espace des textes et discours où, en fonction des contextes attestés, un terme a un bassin d’attraction plus ou moins grand) et un point sur l’espace externe (des discontinuités sémantiques « en langue » à un moment donné). L’évolution dia chronique est alors représentée à travers un vecteur sur l’espace externe.

Culioli (1990, pp. 129-130) écrit pour sa part :

La déformation est une transformation qui modiie une coniguration de sorte que certaines propriétés restent invariantes sous transformation, tandis que d’autres vont varier. […]

Pour qu’il y ait déformabilité, il faut que l’on ait afaire à une forme schéma-tique (telle qu’il puisse y avoir à la fois modiication et invariance), que l’on ait des facteurs de déformation et que l’on ait une marge de jeu, un espace d’ajuste-ment muni de propriétés topologiques.

Nous considérons que les « facteurs de déformation » sont tributaires de variantes co(n)textuelles et que « l’espace d’ajustement » correspond a minima à une structure prédicative et, plus largement, au texte/discours.

Ensuite, dans une perspective textualiste dynamiciste, il s’agit de comprendre comment le déploiement du texte ou du discours peut donner lieu à une ressaisie à la fois globale, exempliiante et/ou généralisante, sous forme de paradigme, comment les formes textuelles se prêtent à la discrétisation et à la coniguration catégorielle, en faisant accéder, par le biais de la reconstruction, à un nouveau « système » (qu’il serait possible de confronter avec le « système » initial). L’évolution du paradigme serait alors fonction du passage de l’occurrentiel au type, voire à la règle, en tout cas au modèle métadiscursif ou métaénonciatif, par le biais de l’abstraction, de la géné ralisation et de la systématisation.

Enin, adoptons, fût-ce brièvement, le point de vue sociologique ou philo-so phique : le détour conirme la malléabilité du paradigme et ouvre sur d’autres modèles explicatifs. S’appuyant sur Kuhn, Heinich écrit :

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Car un paradigme n’a pu s’imposer qu’au prix d’une rupture avec l’état antérieur du savoir, et il sera probablement supplanté un jour par une autre conception : c’est ainsi que procèdent les « révolutions scientiiques », non pas par une progression linéaire et continue de la connaissance, mais par une série de ruptures ou, en d’autres termes, de « révolutions ». (2014, p. 43.)

Même si le paradigme selon Kuhn et l’épistémè selon Foucault difèrent eu égard à la réalité décrite, on peut mettre en parallèle la « révolution » scientiique de l’un avec la « discontinuité » de l’autre. Y opposera-t-on un autre modèle, restaurant la continuité par rapport à la discontinuité ? Comme le suggère d’ailleurs Heinich, on peut confronter la notion de « révolution scientiique » avec celle de « refonte épistémo logique » de Bachelard (1951). L’intérêt du concept de refonte, c’est-à-dire de réaménagement du savoir, est de rendre compte d’une rupture épistémo-logique, alors même que la discontinuité historique n’est ni totale, ni immédiate, mais met en œuvre un processus ponctué de rectiications.

4. La paradigmatisation et la reformulation

Enin, adoptant toujours le point de vue d’une conception dynamiciste du « devenir un texte ou un discours », qui mise plus ou moins sur le principe de la variabi lité interne, déplaçons l’accent du paradigme vers le processus de la para digma ti sa tion envi sagée comme une stratégie textuelle/discursive et comme une activité énon cia-tive interne, indépendamment même de la constitution d’un para digme.

Le processus de la paradigmatisation peut être abordé sous l’angle de la refor-mu lation.

On sait que, depuis les années quatre-vingt, la reformulation, souvent concur-rencée par la paraphrase, a suscité, en linguistique, une production importante. Corinne Rossari (1990, 1994) distingue les reformulations paraphrastiques, à la base d’une relation d’équivalence avec la première formulation (dont témoignent les mar queurs « c’est-à-dire », « en d’autres termes », « autrement dit »…), des refor mu lations non-paraphrastiques, qui donnent lieu à un changement de perspective énon ciative (opérations de récapitulation, d’invalidation ou reconsi dé-ration). Préci sément, c’est la reformulation de reconsidération qui retient davan-tage notre attention, par la tension, plus ou moins conlictuelle, entre for mulations qu’elle introduit — sur la base d’un hypothétique « mieux-dire » — et par l’efet de rétroaction de la reformulation sur la première formulation. Dans ce cas, la prise de distance par rapport à la première formulation est plus ou moins forte sui vant qu’il s’agit d’une opération de récapitulation (« en somme », « bref », « en un mot »…) ou d’invalidation (« enin »…) et de reconsidération, par introduction d’un point de vue nouveau (« de toute façon, en fait, en réalité, en tout cas, tout bien considéré, somme toute »…).

Sur cette base, il paraît utile de rappeler, eu égard à l’équivalence, que, selon Fuchs (1982, p. 53), il faut prévoir l’existence de « sémantismes communs et de

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séman tismes diférents/diférentiels », il faut « établir des degrés d’équivalence entre les [formulations] selon le type et le nombre d’éléments sémantiques com-muns ».

Notre objectif est de distinguer quatre régimes — les régimes de la coïncidence, de la divergence, de la variance et de la co-variance — d’un point de vue tensif, en prévoyant des corrélations inverses ou converses entre les axes de l’intensité (acuité perceptive ou conceptuelle…) et de l’étendue (manifestations du nombre, de la mesure, de la localisation spatio-temporelle…). Pour mettre nos hypothèses à l’épreuve de cas concrets, nous convoquons La Belle Captive de Robbe-Grillet, mais aussi des tableaux de Paul Klee.

Le régime de la non-coïncidence se déinit par l’entrée en contact et en tension de deux expressions localisées dans La Belle Captive de Robbe-Grillet (1975) entre les quelles s’esquisse une relation d’équivalence (étendue et intensité faibles, l’in-ten sité étant mesurée en degrés de « reconsidération ») :

Fraîche rose couleur chair, pendue la tête en bas dans l’embrasure de la fenêtre grande ouverte… Déchirant soudain le silence, on entend alors un cri de femme, tout proche, qui paraît venir de la chambre à côté, à travers une cloison sans doute très mince. […] Ou bien, ça ne serait pas à travers la cloison, mais par la fenêtre ouverte à deux battants, là aussi, sur une mer blanche et bleue.

Les modalisateurs épistémiques indiquent que les lexèmes « cloison » et « fenêtre » ne s’insèrent pas dans des énoncés assertifs et que, grâce au choix marqué par « ou bien », qui ouvre sur une énumération de possibles, dans un régime de sens qui relève de l’hypothèse et de la proposition, la loi de la « consistance narrative » n’est pas mise à mal. L’ouverture qui est ainsi pratiquée, le suspens du sens, permet de rester en deçà du réajustement proprement dit.

Il en va diféremment du régime de la divergence. Il se caractérise par une inten sité forte, en relation avec une étendue restreinte. La Belle Captive met aux prises, localement, les expressions verbales complexes « poisson-femme » et « femme-poisson », que Robbe-Grillet associe à deux tableaux de René Magritte : L’Invention Collective (1934, Düsseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen) et L’Univers interdit (1943, Liège, Musée d’Art Moderne). La ressaisie para digma-ti sante exhibe l’inversion des contenus sous une forme concentrée.

Mais passons au troisième régime, celui de la variance  : l’étendue forte — dévelop pement dans le texte  —est corrélée avec une intensité (invalidation ou reconsi dération) faible. Prenons comme exemple le tableau Rythme plus strict et plus libre de Paul Klee (1930, Munich, Lenbachhaus Museum).

Plus précisément, les sept bandes pourraient sans doute être comparées à sept iso topies entrant en interaction les unes avec les autres. Nous dirons plutôt que les deux bandes en bas du tableau fournissent comme un soubassement développé dans l’étendue, qui propose un principe de composition à travers des modules binaires formés sur l’alternance de rectangles noirs et rouges, d’une part, bleu-violet

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et blancs, d’autre part, et fonde un principe de variation sur des correspondances termes à termes, alternées et décalées.

Enjambant à chaque fois une bande horizontale « tampon », et créant même un efet de tridimensionnalité, une verticalité s’esquisse où le module binaire est repro-duit. Toutefois, même si la règle de composition et de variation semble se dégager assez aisément, elle fonde d’emblée l’irrégularité : celle-ci est due à la dimen sion varia ble des rectangles, aux changements afectant les formes géo mé triques, tantôt carrées, tantôt plus ou moins oblongues ou étirées en hauteur, aux lisières tantôt droites, tantôt obliques, parallèles ou non, aux bords crantés, efrangés, linéaires ou légère ment ondés, mais aussi, bien sûr, aux variations de tran sition entre les plages chroma tiques, liées à des densités et des vitesses de tran si tion variables dues à des difé rences de potentiel entre les pages chromatiques (Fontanille 1994). On note que, parfois, une plage blanche garde des traces d’un fond rouge ou noir ; le degré de saturation est inégal ; le blanc désaturé peut être alourdi de noir.

Les bandes qui se partagent l’espace supérieur (de fait, à partir de la quatrième bande, qui transforme le module binaire en module ternaire – noir – blanc – bleu -violet) inissent par imposer un principe de variation déiant progressivement toute prévisibilité. Ainsi, si le quadrillage de l’échiquier est censé contrôler toutes les variations, l’irrégularité — le désordre — init par triompher.

De fait, cet exemple appelle deux lectures concurrentes : une première lecture met en avant des formes de compositionalité, d’assemblage d’unités, comme en vertu d’une in préassignée, le local commandant au global ; les unités discrètes sim-ples, préalablement identiiées, se regroupent à un premier niveau d’orga ni sation et mènent à des complexiications ultérieures, hiérarchiquement supérieures. Cette lecture est déceptive et immédiatement concurrencée par celle, « dynamiciste », que la tableau appelle : cette deuxième lecture privilégie un point de vue génétique et met en avant l’émergence des variantes, chaque variante se substituant aux autres. Elle est en accord avec l’idée de la Gestaltung chère à Klee (« La théorie de la Gestaltung se préoccupe des chemins qui mènent à la Gestalt [forme]. C’est la théorie de la forme mais telle qu’elle met l’accent sur la voie qui y mène », écrit Klee [1964, p. 17]). Dans ce cas, parler de paradigmatisation suppose un certain point de vue, non narratif et non orienté, « a-historique », qui privilégie non pas les for mulations qui se suivent in praesentia, mais les substitutions à la « même place d’une chaîne », en courant le risque du non-achèvement.

Cela vaut également pour le quatrième régime, celui de la co-variance, qui com bine des valeurs fortes sur l’axe de l’étendue dans l’espace du texte/discours avec une intensité, un contraste, une irrégularité, un degré de « reconsidération » forts. Il est illustré par le tableau Fugue en rouge de Paul Klee (1921, Collection particulière, en dépôt au Centre Paul Klee, Berne) qui donne à voir un certain nom bre de bandes superposées à la manière des lignes (souvent interrompues, aléatoires) d’une partition.

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Chaque isotopie fait à la fois valoir son autonomie et entre en compétition avec les autres, sans qu’il soit possible de dégager un soubassement commun. C’est la variation elle-même qui est érigée en principe et moteur de construction, la refor mulation non paraphrastique, qui se nourrit d’irrégularités et de diférences, l’exhibant comme telle (passage à un niveau métadiscursif, voire métaénonciatif) 20.

En même temps, au delà même des régimes de la reformulation, le choix des exemples suscite une dernière question, elle-même centrale pour une pensée renouvelée du paradigme : est-il légitime de mobiliser la notion de paradigme au sujet du langage visuel ? S’il est sans doute vain de parler d’un « système en langue » à propos de la peinture 21, a-t-on raison de considérer que le devenir du texte visuel est alimenté par des paradigmes construits sur le principe de la diférenciation entre formes, degrés de densité, couleurs (cf. la sphère de couleurs de Runge dont Klee s’est inspiré) ou tonalités ? La question est épineuse. On se contentera ici de dire que les dominantes chromatiques, la saturation et l’intensité renvoient, selon Bordron (2011, pp. 169-170), à la catégorie de la qualité, la densité à celle de la matière, les formes (extension spatiale et/ou temporelle, limite et direction) à celle de la relation, faisant accéder ainsi à la strate qu’il appelle iconique. Cette strate se distingue de la strate symbolique, où s’organisent les structures symboliques conven tionnelles, gouvernées par des règles (de grammaire). On mesure les consé quences d’un tel recours à la notion de paradigme  : la paradigmatisation échapperait-elle, sous certaines conditions, au poids de la règle, de la systématicité et de la norme associées à la strate symbolique ?

Conclusion

Pour conclure, considérons les enjeux et implications de la pensée du paradigme du point de vue épistémologique.

Que la notion de paradigme réponde à un impératif de théorisation et de systé matisation, d’abstraction, peut-être de généralisation et garde, à ce titre, tout son intérêt, a pu se conirmer. Un impératif d’ordre et d’ordonnancement, même, si l’on associe au paradigme un devoir­dire. Approcher le paradigme à la lumière de la distinction entre l’occurrence et le type a fait émerger l’idée de la règle, même s’il est sans doute opportun de ne pas confondre prescription et instruction (dans une perspective pragmatique ou praxéologique).

20. Il est signiicatif que le titre du tableau oriente vers une lecture synesthésique (la collaboration de la vue et de l’ouïe) et valide le modèle du contrepoint. Distinguant le sujet du contre-sujet et des dévelop pements (strettes), Bosseur (2006 [1998], pp. 99-100) commente Fugue en rouge en ces termes : « […] le contre-sujet est constitué de formes rectilignes géométriques qui s’opposent aux courbures du sujet ». Si l’on privilégie l’axe syntagmatique, on peut y voir une forme de narra tivité embryonnaire, sur le fond des potentialités maintenues.

21. À ce sujet, cf. plus particulièrement Dondero (2016, p. 244).

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On n’en peut pas moins revoir les modalités concrètes, voire penser à des modéli sations concurrentes.

Nous avons essayé de renouveler la pensée du paradigme en considérant le para digme comme un espace continu et comme le lieu d’une variation interne et intrinsèque. Il s’agissait ainsi de dépasser l’idée de l’objectivation à travers la segmen tation, la discrétisation, la stabilisation des formes sémantiques soumises à la localisation stricte, à la substitution, à la catégorisation formelle.

Cependant, l’hypothèse du paradigme a priori est coûteuse, si elle pérennise la distinction entre l’extérieur (le « système » décontextualisé) et l’intérieur de la langue comme espace de mise en œuvre de la langue. Nous nous sommes donc demandé dans quelle mesure, plutôt que de postuler un modèle préconstruit hors contexte, qui détermine le faire sens, il faut mettre l’accent sur les possibles et les poten tialités de sens qui entrent en concurrence. L’idée de l’interaction dynamique nous a ainsi conduite à déplacer l’accent vers le déroulement textuel/discursif, d’un point de vue dynamiciste, au fur et à mesure que des formes sémantiques se sta bi-li sent et se déstabilisent, entre prises, mais aussi reprises et dé-prises énon ciatives et que des instances d’énonciation se proilent sur le fond de la praxis énonciative.

Mais est-il possible — opportun — de prévoir une modélisation alternative ? Le détour par l’art a fait surgir une double question : la notion de paradigme garde-t-elle sa pertinence dès lors qu’on se tourne vers l’amont du langage symbolique ? Mais aussi, l’impératif d’uniication du point de vue du scientiique (de résolution dialectique) résiste-t-il devant l’hétérogénéité qui peut paraître irréductible (par exemple dans le cas du paradigme de l’art contemporain) ? Une hétérogénéité d’un autre ordre, déjà due au fait que la réalité prise en considération n’est plus seulement lexicale ou textuelle/discursive, mais fait intervenir le support-objet et l’institution elle-même. Dans ce cas, ne faut-il pas questionner l’imaginaire de stabilisation, de maîtrise, par rapport auquel se déclarent les ruptures, plus ou moins bien négociées, et se détermine toute évolution ? Le principe de la variation généralisée, interne et intrin sèque, sur un fond continuiste, a fait franchir un premier pas. Mais il faut sans doute aller plus loin et prévoir un autre type de modélisation, concurrente. On peut proposer, comme alternative au paradigme, le dispositif selon Foucault (1977, p. 299). Articulant du dit et du non-dit, le dispositif fait passer à un niveau plus général que l’épistémè :

Ce que j’essaie de repérer sous ce nom [de dispositif] c’est […] un ensem-ble résolument hétérogène comportant des discours, des institutions, des amé-na gements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures admi nistratives, des énoncés scientiiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques ; bref, du dit aussi bien que du non-dit […].

Reprenant les paramètres qui nous ont permis de rendre compte du paradigme, nous dirons que l’intérêt du dispositif tient à son ancrage historique, socioculturel, éco nomique, au mode d’organisation interne plus lâche et, enin, à la prise en consi dération de paliers de complexité au delà des signes et du texte/discours, vers l’objet-support et l’institution elle-même.

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Une telle modélisation, il est vrai, conirme, en dernière instance, l’idée de la consti tution, sinon d’une totalité, du moins d’une globalité cohérente, sur la base d’une mise en perspective et en accord d’un ensemble de sélections. Peut-être la discussion gagne-t-elle à prendre en considération le rhizome qui, selon Deleuze et Guattari (1976), rend possibles des proximités inattendues, mais aussi creuse la distance entre des éléments proches.

Enin, au delà du paradigme a priori et en deçà du paradigme a posteriori, il incombe à la paradigmatisation de garantir la fécondité du point de vue dynami-ciste et, surtout dans le cas de la (co)variance, de maintenir ouvert l’éventail des possibles et des variantes.

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