Le pari de la révolution verte du Danemark

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    Directeur de la publication : Edwy Plenelwww.mediapart.fr

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    Le pari de la révolution verte duDanemarkPAR MICHEL DE PRACONTALARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 1 DÉCEMBRE 2015

    Alors que la plupart des pays qui participent à laCOP21 ont pris des engagements très insuffisantspour atteindre l'objectif d'un réchauffement en dessousde 2 °C, le Danemark affiche l'ambition d'avoir uneéconomie « neutre en carbone » d'ici 2050. Un pariimpossible ?Le premier objectif affiché par les participants àla COP21 est d’empêcher le réchauffement globalde dépasser 2 °C supplémentaires par rapport à latempérature moyenne de l’ère pré-industrielle. Maisalors que la très grande majorité des pays a prisdes engagements très insuffisants pour y parvenir,quelques-uns, très peu nombreux, ont élevé leurambition à la hauteur de cet objectif emblématique.[media_asset|eyJtZWRpYSI6eyJpZCI6IjU2NWM4ZWIzYTVjOTU5NGM1NjhiNDU2OSIsInBhdGgiOiJmaWxlc1wv

    Parmi ces champions de la lutte contre le changementclimatique, le Danemark est celui qui a fait les choixles plus audacieux : il s’est fixé comme but de parvenird’ici 2050 à une économie « neutre en carbone »,grâce à l’usage exclusif d’énergies renouvelablespour assurer la fourniture d’électricité, la productionindustrielle, le chauffage et les transports.Selon les experts, le seul moyen de tenir l’objectif des deux degrés est de réduire tout de suite et trèsfortement les émissions de CO2, et de les ramener à

    zéro d’ici 2050-2060. C’est ce que vise le Danemark.D’autres pays ont aussi une politique ambitieuse. LeBhoutan, petit royaume à l’est de l’Himalaya, estaujourd’hui neutre en carbone, grâce à ses forêts quicouvrent les trois quarts du pays et à son hydro-électricité, mais il ne compte que 700 000 habitants etn’est pas industrialisé. Le Costa Rica cherche à devenir« neutre en carbone » d’ici 2021, mais ne pourraity parvenir qu’avec une aide financière externe. Le

    Maroc et l’Éthiopie affichent des politiques de fortesréductions d’émissions, mais qui dépendent égalemende soutiens extérieurs.Le cas du Danemark est le plus significatif. C’est unpays industrialisé, qui compte 5,6 millions d’habitantset possède l’une des économies les plus riches dela planète, au sixième rang mondial pour le PIB parhabitant. Il se situe actuellement au 46e rang mondialpour les émissions de CO2 par habitant. En 2012, legouvernement danois a mis en routeune politiquevisant un objectif de 100 % d’énergies renouvelablesd’ici 2050.« Le modèle du Danemark est vraiment important,il donne une illustration de ce que l’on peut faire » ,estime Dan Kammen , expert en énergie à l’universitécalifornienne de Berkeley, interrogé dans la revueScience , qui consacre un reportage à la transitionénergétique danoise.Pour réaliser sa« révolution propre » , le Danemarkmise principalement sur l’énergie éolienne. Bornholmune île de 41 000 habitants, balayée par les vents,à 150 km des côtes danoises, est le laboratoiregrandeur nature de cette politique d’énergie verteElle est alimentée en électricité par 35 éoliennesqui fournissent plus de courant que nécessaire, desorte qu’il a fallu installer des systèmes pour stockerl’énergie, par exemple en augmentant la températurede l’eau chaude utilisée dans les habitations. SelonScience , l’énergie éolienne et d’autres sourcesrenouvelables fournissent 43,4 % de l’électricité deBornholm. À quoi s’ajoute un usage important de labiomasse pour le chauffage.Au total, les sources renouvelables produisentaujourd’hui un quart de l’énergie danoise. L’utilisationde charbon, pétrole et gaz est en baisse. Lescentrales thermiques à charbon sont progressivemenreconverties pour utiliser de la paille ou du bois. En2014, quelque 2 500 éoliennes ont fourni 39,1 %de l’électricité et la proportion doit atteindre 50 %dans les cinq prochaines années. Et les gains enefficacité ont permis de réduire la consommationglobale d’énergie de 12 % depuis 2007.

    http://news.sciencemag.org/chemistry/2015/11/clean-revolutionhttp://www.ens.dk/en/policy/danish-climate-energy-policyhttp://www.ens.dk/en/policy/danish-climate-energy-policyhttp://www.mediapart.fr/node/595063http://www.mediapart.fr/node/595063http://www.mediapart.fr/

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    Au départ, le recours massif à l’énergie éolienne etsolaire a suscité un fort scepticisme, les ingénieurs

    prédisant que du fait des fluctuations du vent et del’ensoleillement, le réseau électrique s’effondreraitsi l’on augmentait trop la part des renouvelables.Pour surmonter cette difficulté, les Danois ont investidans les technologies ditessmart grid , ou réseau dedistribution d’électricité « intelligent ».L’île de Bornholm est devenue l’un des principauxcentres mondiaux de recherche sur lessmarts grids .Ces réseaux intelligents sont dotés de systèmesautomatisés qui permettent de tirer le meilleur

    parti des énergies renouvelables en maximisantla consommation d’électricité quand la productionest abondante et en la diminuant quand cetteproduction baisse, expliqueScience . Le projetEcoGrid, développé à Bornholm avec un financementeuropéen, envoie toutes les cinq minutes une mise à jour du prix du kilowatt à des régulateurs automatiquesinstallés dans 1 200 habitations et 100 entreprises.On peut paramétrer ces régulateurs pour consommermoins d’électricité quand le prix est élevé : le

    système peut, par exemple, différer le cycle d’unréfrigérateur ou d’une machine à laver, pour le relancerdès que le courant devient moins cher. Et cela, enaffectant le moins possible le consommateur, qui ne serend pratiquement pas compte du fonctionnement dusystème.Des ingénieurs de l’université technique du Danemarkont établi un premier bilan de l’utilisation des réseauxintelligents. D’après leurs calculs, avec seulement 6 %de maisons équipées, le système EcoGrid a permis

    à Ostkraft, la société qui gère les éoliennes sur l’île,d’utiliser 8 % d’énergie renouvelable en plus. Onpeut donc imaginer qu’étendu à toute l’île, le systèmepermettrait des gains bien plus élevés.L’expérience de Bornholm a apporté d’autresavantages techniques, en particulier pour ce quiconcerne la stabilisation de la fréquence duréseau, qui doit idéalement rester constante à50 hertz. L’utilisation des énergies renouvelablespeut provoquer des variations de fréquence sur leréseau, lesquelles peuvent détériorer les équipements

    électroniques. Le système EcoGrid permet de mesureinstantanément la fréquence et d’ajuster finement la

    distribution du courant. Selon les ingénieurs danois, iest ainsi possible d’obtenir une fréquence aussi stablequ’avec des énergies classiques.Si le Danemark a pu réaliser de tels progrès dansl’utilisation des énergies vertes, il le doit en partie aufait qu’il a commencé tôt : frappé de plein fouet parle choc pétrolier de 1974, dépourvu de réserves decombustibles fossiles, le pays s’est trouvé contraint dedévelopper les renouvelables. Le Danemark n’est pariche en électricité et son ensoleillement est médiocre

    mais il possède de nombreuses côtes très ventées surla mer du Nord et la Baltique. Le PIB du pays aaugmenté de 38 % depuis 1990, alors même que laconsommation globale d’énergie et les émissions degaz à effet de serre ont diminué. Le Danemark illustrdonc le fait que la décroissance énergétique n’est pasforcément contradictoire avec la prospérité.Mais ce tableau idyllique est aussi assombripar des difficultés croissantes, à mesure que latransition énergétique danoise monte en puissance. Le

    développement à venir de l’électricité renouvelablesuppose de fortes connexions avec les paysvoisins, Suède, Norvège et Allemagne. Pour êtreneutre en carbone, le Danemark compte surl’exportation d’électricité verte, qui compenserait uneconsommation réduite de combustibles fossiles. Etsur l’importation d’énergie bas carbone permettant dediminuer le recours aux énergies fossiles.Cela suppose donc des échanges importants avecles voisins européens, qui pour cela doivent adopter

    eux aussi les technologies de réseaux intelligentspour pouvoir utiliser l’électricité d’origine éoliennedanoise. Ce n’est pas encore gagné. Sans une forteinterconnexion avec ses voisins, le Danemark nepourra pas atteindre ses ambitieux objectifs.Un autre défi à relever est celui des transports, quisont encore assurés en majorité par l’énergie fossile egénèrent un quart des émissions de gaz à effet de serredu pays. Les habitants de Bornholm se sont engagés àéliminer d’ici dix ans les voitures et camions à essence

    ou diesel, mais il n’est pas du tout certain qu’ils y

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    parviennent. Jusqu’ici, les tentatives du gouvernementpour encourager l’achat de véhicules électriques n’ont

    pas eu beaucoup de succès.À terme, ces difficultés peuvent être surmontées.Mais selon l’Agence danoise de l’énergie, le principalobstacle, aujourd’hui, est le temps. Pour atteindre sonobjectif de neutralité carbone en 2050, le Danemarkdoit prendre les décisions nécessaires le plus tôtpossible, et de toute façon, pas plus tard que d’ici 2020,rapporteScience .Or, la politique de réduction des émissions a étédécidée en 2012 par un gouvernement dirigé parles sociaux-démocrates. Depuis juin 2015, c’est leParti libéral du Danemark qui est au pouvoir et iln’est pas certain qu’il maintienne la politique deses prédécesseurs. En septembre dernier, l’agenceBloomberg annonçait même quele gouvernementlibéral allait abandonner les objectifs ambitieuxde 2012 et maintenir la consommation d’énergiesfossiles, théoriquement pour combattre le déficitbudgétaire.La révolution verte du Danemark est-elle en péril ?On n’en est pas encore là, mais un éventuelvirage n’est pas à exclure. La discussion prévueen 2016 sur un nouveau plan énergétique pourla période 2020-2030 permettra d’en savoir plus.Mais cette incertitude montre à quel point il estdifficile, politiquement, de maintenir des objectifs

    très ambitieux de réduction des émissions de CO2.Et cela, alors même que le Danemark est dansune situation particulièrement favorable : il disposed’abondantes ressources éoliennes, sa population n’espas nombreuse ni en expansion rapide, sa demanded’énergie diminue et il possède les technologiesnécessaires pour développer les énergies vertes.[[lire_aussi]]Le Danemark est aujourd’hui le pays développé le pluproche d’une trajectoire compatible avec l’objectif de2 °C. Son exemple illustre que cette cible n’est pastechniquement inaccessible, ce qui constitue un faitnouveau depuis la conférence de Copenhague en 2009laquelle s’était achevée sur un échec.« En 2009, on pouvait démontrer de manièreconvaincante qu’il était nécessaire de relever ledéfi du climat ; il n’était pas facile de montrer que l’on pouvait réussir, écrit dans Nature JohanRockström, directeur du Stockholm ResilienceCenter , organisme de recherche socio-écologique.

    Aujourd’hui, l’urgence est plus évidente que jamais. Et, ce qui est plus important, il existe d’abondantes preuves que des solutions d’énergie économiquement compétitives peuvent être développées à grandeéchelle. » La leçon du Danemark, c’est que la luttecontre le réchauffement est désormais essentiellemenun choix politique.

    Directeur de la publication : Edwy PlenelDirecteur éditorial : François BonnetLe journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).

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