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Revue Del Orient Ch 11896 Pari

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  • h

  • REVUE 1

    L'ORIENT CHRTIEN

    SUPPLEMENT TRIMESTRIEL

    ire ANNE. N 1

    PARIS

    AU^BUREAU DES UVRES D'ORIENT20, ffwe du Regard, 20

    ET A LA LIBRAIRIE E. LEROUX28, nUE BONAPARTE, 28

    1896

  • .SOMMAIRE

    Pages.

    I. AVERTISSEMENT 1

    ]I. NOTRE PROGRAMME 3

    III. LA SERBIE CHRTIENNE, I, par M. le B" l'Avril. 7IV. UNE PAGE DE L'HISTOIRE DE L'GLISE DE MARDIN

    AU COMMENCEMENT DU XVIII SICLE, par leR. V. Sclieil 4i

    V. LES MISSIONS LATINES EN ORIENT, I, par le R. 1.JHicliel 88

    VI. MLANGES.I. LA LETTRE D'AiNASTASE LE BIBLIOTHCAIRE, par M. le

    B" d'Avril lU

    II. LA RFORME DU CALENDRIER, par M. P. Pisani. . . 130III. NOTICE SUR LES KURDES, par II. le B" Carra de

    Vaux 133

    VIL BIBLIOGRAPHIE 142

    PRIX DE L'ABONNEMENT AU SUPPLEMENT

    France. trangerPour les abonns de la Revue Bimensuelle : 3 fi'ancs 4:Pour les personnes non abonnes la Revue . 6 7

    PRIX DE LA LIVRAISON : 2 FRANCS

    A%is. Toutes les communications doivent tre adresses au bureau desOEUVRES d'Orient. // sera fait un compte rendu de tout ouvrage dont deuxexonplaires seront envoys la REVUE.

  • REVUE

    DE

    L'ORIENT CHRTIEN

    1'^' volume. 1896,

  • REVUE ^^^"''"SEP

    DE

    L'ORIENT CHRTIEN

    SUPPLEMENT TRIMESTRIEL

    PREMIRE ANNE

    PARIS

    AU BUREAU DES UVRES D'ORIENT20, Rue du Regard, 20

    ET A LA LIBRAIRIE E. LEROUX28, RUE BONAPAKTE, 28

    1896

  • TABLE DES MATIERES

    CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME (IS'.IG)

    l'agcs.

    AVERTISSExMENT 1

    NOTRE PROGRAJLME .i

    LA SERBIE CHRTIENNE, jiar M. le B" d'Avril 7, 37, :J:J, 181

    UNE PAGE DE L'HISTOIRE DE L'GLISE DE MARDIX AU COMMENCE-MENT DU XVm- SICLE, par le R. P. Scheil l:{

    LES MISSIONS LATINES EN ORIENT, par le R. P. Michel . . :T7, 88, il, :^7'.

    L'ORDINATION DANS LE RITE JACOBITE. par M. l'abb Graffin . . . >^.i, i

    LA VIE DE MAR JOSEPH I", ditopar M. l'abb Chabot ('.(i

    ACTE DU CONCILE DE FLORENCE POUR LA RUNION DES GLISES. . . -Ui

    L'ARMNIE, par M. V. Ermoni ;!I5

    FRAGMENTS D'UNE CHRONIQUE SYRIAQUE INDITE, par M. l'abb Nau. .'.Hi

    TAT RELIGIEUX DES DIOCSES FORMANT LE PATRIARCAT CHALDEN.au 1" janvier 18!(i, par M. l'abb Chabot !!:!

    LE SYLLOGUE LITTRAIRE GREC DE CONSTANTINOPLE. par P. L. P. A. A. 15

    1

    MARCION DANS LA LITTRATURE ARMNIENNE, par M. V. Ermoni. . . Kil

    N. B. Par erreur d'imiirinicric, la seconde livraison, (|ui devrait tre pagine le 1 I.t 304.porte les folios 1 l(iO.

  • VI TABLE DES MATIERES.

    MELANGES

    Pages.

    I. LA LETTRE D'AXASTASE LE BIBLIOTHCAIRE, par M. le B'^" d'Avril. UA

    II. LA RFOR.ME DU CALENDRIER, par M. P. Pisani 130

    III. NOTICE SUR LES KURDES, par M. le B" Carra de Vaux .... 133

    IV. _ DOCTRINE DE L'GLISE CII.VLDENNE SUR LA PRIMAUT DESAINT PIERRE, par lo R. Emmanuel, O. S. B .'r r.:.- 137

    ^. M. GLADSTONE ET LA QUESTION DES ORDINATIONS ANGLICANES. 149 ,.

    VI. LES CHRTIENS DU MALAB.VR, M. J.-B. Chabot . 40C>

    VU. AUTONOMIES ECCLSIASTIQUES, par M. le B" d'Avril 111

    VIll. LA QUESTION SERBE PANS L'EMPIRE OTTOMAN, par M. P. Pi-sani 42(1

    IX. L'ISLAM, par le comte H. deCastries, M. J.-B. Chabot 581^ff

    BIBLIOGRAPHIE

    Dictionnaire grec-franais des noms lilunjiques en usage dans l'glise grec-que, par Lon Clugnet (E. Bourlier) IA2

    Kalendariuni manuale utriusque Ecclesice Orienialis et Occidentalis, cdiditN. NiLLEs, S. J. (A. d'Avril) p 143

    La Bussie et le S(nnl-Sige,pav le P. Pierlino, S. .J. (P. Pisani) 157

    ' Slavy-Dcra, choix de posies slaves recueillies par A. d'Avril (L. T.) loi

    Conferenze suir Oriente, parle R. P. V. Vaxnutelli (P. Pisani) ..S(>

  • TAILK DES ;\IATIKRI':S. VII

    LISTE ALPHABTIQUE DES AUTEURS

    rage.

    Avril (!.' baron lt(') ''-'"

    Carra de Vaux (.If l)aron) l-'-'

    Chabot (l'abb) '''' "^''5 l''^^

    Ermoni (.AI. V.) -l''- ''^

    Graffin (l'abb) '

    Michel (leR. P.) ' "' ''!' >''

    Nau (l-abb) '*

    Pisani (rabb P.) 130, 157, 12(i, ^Hfr o2

    Scheil (le R. P.) ''

    Tournier (L.) 1^^'*

  • AVERTISSEMENT

    La Rdaction de la Kevue de l'Orient Chrtien prsente au-jourdliui au public le premier fascicule du Supplment tri-mestriel. Ce Supplment ne constituera pas un organe distinctde la Revue, et il ne diffrera d'elle ni par son esprit ni par

    son but. Son unique fonction sera de donner place aux tra-vaux capables de servir, crune manire plus ou moins directe,la cause de V Union, mais que leur longueur ou leur caractretrop savant ou trop spcicd perniettraient difficilement d'in-

    srer dans la Revue bi-mensuelle.

    Ilp)eut en effet se trouver, parmi nos lecteurs ou en dehorsd'eux, des hommes cjui dsireraient voir traiter fond , avectoute la rigueur des mthodes scientifiques , les questionsd'histoire, d'arc/iologie ou de thologie, ayant tirait l'U-nion. L'intrt que, de tous cts, on porte nos travaux nousfaisait un devoir de favoriser ou de provoquer la publication

    de semblables tudes, dont l' importance, en certains cas, peuttre capitcde. Toutefois, le succs mme de la Revue nousdfendait d'y apporter aucune modificcdion grave. Aussi lacration d'un Supplment s' imposait-elle comme l'uniquemoyen de satisfaire aux desiderata d'une partie des lec-teurs sans troubler en rien les habitudes des autres.

    Le Supplment formera chaque anne un volume distinctORIENT CHRETIEN.

  • 2 AVERTISSEMENT.

    de la Revue. // aura mi format appropri ci son but, et qui

    est celui de la plupart des revues historiques ou littraires.

    Les conditions de vente et dabonnement sont telles que Vonpourra recevoir ou acheter la Re\ue sans le Supplment ou

    le Supplment sans la Revue. Cepeiidcmt le prix de rabonne-

    ment au Supplment est rduit presque rien pour les abon-

    ns de la Revue, car il est dsirable qu'ils sHyitressent tous,

    et les premiers, ce nouvel essor pris par nos travaux.

    Le Supplment sera rdig par les hommes les plus comp-tents dans les questions orientales. Il sera infoimi comme

    la Revue. // donnera place, dans les limites o cela sera pos-sible, la controverse et aux correspondances contenant

    des renseignements utiles sur des points relatifs la ques-

    tion de r Union.

    Les plus grands soins seront donns Vimpression de ce

    Supplment, cjui contiendra, quand les sujets traits le rcla-

    meront, des planches et des textes dans les diffrentes lan-

    gues orientales.

    Anime du constant dsir de marcher dans les voies tra-ces nagurepar Sa Saintet Lon XIII, la Rdaction a con-fiance de voir ses nouveaux efforts favorablement apprcis

    par tous ceux que touche la grande cause qu'elle sert.

    Le Secrtaire de la Rdaction,

    Baron CARRA DE VAUX.

  • NOTRE PROGRAMME

    La socit chrtienne, sans distinction de communion,est menace des plus grands dangers. Le dernier siclea prpar et, en partie, effectu l'uvre nfaste. L'incr-dulit va toujours augmentant ses ravages. Une philo-sophie toute matrialiste enlve aux hommes jusqu'l'ide de Dieu, jusqu' la croyance de la vie future. Unefausse science y vient en aide, semant le mpris de toutesles religions et sapant les bases de la morale. Sous l'ac-

    tion de ces courants destructeurs, l'homme demeurelivr aux passions dfrnes et l'apptit des jouissances.De l, une marche rapidement ascendante du socialisme,de l'anarchie, du nihilisme.Pendant ce temps, l'islamisme fait des progrs effrayants

    en Afrique et en Asie.

    Il

    Seule, la religion chrtienne, en s'appuyant sur unevraie science et en s'inspirant de la charit, peut opposerune digue au torrent; mais rien n'est plus propre en-

  • 4 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.

    traver son action que la division qui rgne entre nos

    glises. Nous en sommes en partie paralyss, tandis que

    le christianisme verrait dcupler ses forces si toutes les

    glises qui adorent le mme Dieu et qui croient lamme Rdemption, unissaient leurs efforts pour com-battre l'action de plus en plus puissante et concentre de

    l'incrdulit et de l'erreur.

    C'est ce qu'exprimait, il y a prs d'un demi-sicle, l'appel

    qui fut alors adress toutes les glises chrtiennes sousl'inspiration de Pie IX (1) : Devant la majest des glises d'Orient et d'Occident runies de nouveau, le protestantisme perdrait de sa force, l'islamisme rece-

    vrait un chec immense et le monde tout entier ne tarderait pas s'agenouiller devant le Seigneur et son

    Christ.

    III

    L'objet que nous visons en inaugurant aujourd'hui unsupplment trimestriel la Revue de l" Orient chrtien^est de demander tous les hommes de bonne volont detravailler avec nous, sur ce terrain, l'union de toutesles forces chrtiennes.

    Par cette publication nous ne tendons pas susciterdes polmiques : nous ouvrons le champ des expli-cations sincres et raisonnes par une srie d'tudestendues et spciales, en faisant appel l'histoire, latradition, au droit canonique, la thologie, l'ex-gse, etc.

    (I) Cet appel est sign par le feu duc de l'adore, deuxime du nom, alors pr-sident .Q\a. Socit Orientale. Voir les Annales del Socit Orientale pour l'uniondo tous les Chrtiens d'Orient, juillet 1853.

  • NoTliK IMddHA.M.Mi:..)

    Un tel travail commun, entrepris et poursuivi de partet d'autre dans cet esprit, sera propre faire oublier lesmalentendus, abaisser et finalement dtruire les bar-rires qui entravent l'action de la chrtient. Or, cette

    action, nous le rptons, peut seule sauver les hommesdans ce monde comme dans l'autre.

    Ce n'est pas, du reste, la premire fois que les chrtiensd'Occident s'adressent aux Orientaux l'effet de dfendreen commun leurs croyances communes. En 1672, le roiLouis XIY ordonnait Nointel, son ambassadeur enTurquie, de vrifier, par une enqute personnelle, l'iden-tit de la croyance des catholiques, sur le mystre del'Eucharistie, avec la croyance des Grecs orthodoxes et

    de toutes les autres communions orientales depuis laRussie jusqu' l'Abyssinie (1).

    IV

    Nous demandons nos frres d'Orient de nous couteravec un esprit sincre et libre de prventions, commenous l'y apportons nous-mmes, ayant vcu pour laplupart au milieu d'eux. Les contradictions qu'ils peuventnous opposer, loin de nous irriter, nous montreront qu'ilsaspirent au mme but; qu'ils veulent, comme nous, quetous les chrtiens, quel que soit le rite, quelle que soit lalangue, marchent au bon combat avec le mme cur,avec les mmes armes et la main dans la main.Nous nous ferons un devoir de reproduire les objections

    (1) Voir le rcit de Nointel clans la Revue de VOrienl chrtien (livraisons desl-'et 15 avril 1895).

  • 6 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    qui nous seraient prsentes, en mme temps que nouschercherons les moyens de substituer ces dessentiments

    un accord libre et raisonn sur le terrain qui nous est

    commun : la foi en Jsus-Christ et la charit envers les

    hommes.

    Fvrier 1896.

    La Rdaction.

  • LA

    SERBIE CHRTIENNE

    INTRODUCTION HISTORIQUE

    Les premires annes du rgne d'Hraclius furent marquespar de si grands dsastres que l'empire parut condamn unecatastrophe prochaine et dfinitive. En G 10, les Perses en-vahirent la Msopotamie; ils prirent Jrusalem au mois dejuillet 614, emmenrent le patriarche en captivit et transpor-trent la vraie Croix dans une ville de l'Atropatne (Azerbeitjan).Les Perses s'emparrent ensuite de l'Egypte. Enfin, en Tanne616, ils occuprent Chalcdoine, qui est presque un faubourgde Constantinople, sur la cte d'Asie, et ils y restrent dix ans.La situation ne paraissait pas moins dsespre du ct du

    nord. Les rgions qui forment actuellement la Hongrie, la Rou-manie, la Croatie et une partie de la Dalmatie taient occupespar l'empire avare. Les successeurs de Baan devenaient si me-naants que l'empire d'Orient tait rduit supporter toutes leshumiliations et tous les ravages qu'il plaisait aux hordes avaresde lui infliger. Ces hordes avaient dj assig Constantinople,et elles franchissaient encore frquemment la grande muraillede dix-huit lieues de long, construite entre la mer Noire et lamer de Marmara, sous l'empereur Anastase I'^'".

  • 8 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.

    Cependant la dsolation cause par l'enlvement de la Croix

    avait ranim l'antique vertu des Grecs. Avant de marcher laconqute de la prcieuse relique, et pour ne pas tre distrait de

    cette grande entreprise, l'empereur voulut s'assurer la neutra-

    lit des Avares. Une entrevue fut dcide entre les deux souve-rains; mais le roi ou khakan des Avares avait prpar une em-buscade. Grce la rapidit de son cheval, Hraclius chappa,dguis en paysan et abandonnant sur le chemin son costumeimprial, l'exception de la couronne qu'il avait passe son

    bras. A la suite de cette surprise, les cavaliers avares vinrentpiller les faubourgs de Constantinople ; mais la ville, o Hracliusavait eu le temps de se jeter, fit si bonne contenance que lekhakan prit le parti de dsavouer ses soldats et de demanderun arrangement. Les anciennes trves furent renouveles. Envue de l'expdition qu'il mditait contre les Perses, Hracliuslivra des otages au khakan et s'engagea lui payer son retourdeux cent mille pices d'or. Le 4 avril 622, l'empereur s'em-barqua pour l'Asie avec son arme (1).Cependant les Avares ne tardrent pas rompre leurs enga-

    gements et faire alliance avec les Perses, qui occupaient en-core Chalcdoine. Bientt la ville de Constantinople, dont lesabords avaient t dgarnis, fut assige par ces deux ennemis la fois. Les Perses taient posts Scutari, et leur campements'tendait jusqu' l'endroit appel aujourd'hui Unkiar-Skelessi,tandis que les Avares attaquaient vigoureusement la place parterre. Mais l'exaltation religieuse imprime la nation par l'en-lvement de la Croix tait si puissante que, mme en l'ab-sence de l'empereur, les habitants de Constantinople, aids dequelques troupes, forcrent les allis lever le sige au moisd'avril 626. Les Grecs attriburent leur dlivrance l'interven-tion de la sainte Vierge, qu'on aval' vueapparatre plusieurs foispendant le sige. Hs clbrent encore un office en souvenir decette dlivrance.

    Aprs six campagnes en Asie, Hraclius repoussa les Perseset reconquit la vraie Croix qu'il alla lui-mme replacer Jru-salem, o il la porta sur ses paules jusqu'au haut du Calvaire.

    Contrairement toutes les prvisions humaines, un lan des

    (1) Hisluire (VAllila, de ses fils cl de ses successeurs, par Amde Thierry.

  • LA Si:i!l!IK CIIHKTIENNE. 9

    mes avait empche une catastrophe qui paraissait imminente :In te speraverunt patres nostri, Domine, speraverunt et libe-rasti eos. L'empire tait sauv pour le moment, mais il fallaitmettre la capitale l'abri d'un nouveau coup de main. Ilracliuseut une inspiration qui rvle un grand gnie politique : il ap-pela des peuplades belliqueuses s'interposer entre les Grecset les Avares (1).

    I. LA POPULATION LXDIGLNK.

    Avant de parler des peuplades slaves appeles par Hraclius,nous rappellerons d'abord que, selon toute probabilit, laThraceet la Macdoine l'exception des villes de la cte, la Msie, laDardanie, taient occupes c/ft antiquo par la race agricole desSlaves qui, n'ayant eu aucune vie politique, n'a pas laiss d'his-

    toire. Il y avait aussi sur la rive droite du Danube des Roumainsdbris de la Dane aurlienne. Les conqurants qui les ont suc-cessivement domins perdaient, au bout de quelque temps, leurlangue, leurs coutumes, leur religion; mais ils imposaientquelquefois leur nom aux tenaces vaincus qui les avaient absor-bs. Du reste, ces vaincus, ces habitants fonciers taient djconvertis lorsqu'ils furent envahis par les Goths, par les G-pides et par d'autres' Barbares qui taient aussi chrtiens. Lesexpditions des Huns, en 431, ne laissrent d'autres traces deleur passage que des monceaux de ruines.

    Si nous avons simplement affirm l'anciennet et la conti-nuit de la christianisation dans l'Europe orientale, c'est parceque le fait est gnralement reconnu : il a t, d'ailleurs, exposavec quelque dtail dans une publication encore rcente (2).Rappelons seulement que ces chrtients, d'aprs une traditionconstante, remontent saint Andronic, disciple de saint Paul;que les signatures de leurs vques figurent aux actes de plu-sieurs conciles du quatrime sicle

    ;que dans la Msie , les Besses

    (1) Il y avait ou, sous le rgne de Justiuien, une tentative analogue propos(les Lombards. {Hisluire d'Atlila, 1. 1", p. 344.)

    Hraclius entra lui-mme en relation avec l'aventurier franc Samo. roi desSlaves carinthiens, connu par ses dmls avec le roi Dagobert. (Voir Frdgaire.)

    (2) Saint Cyrille et saint Mthode, Premire lutte des Allemands contre lesSlaves, dans la Bibliothque Slave elzvirienne de Leroux ; Paris, 1885.

  • 10 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    chrtiens priaient en langue slave (381); enfin, qu'on connat,

    de 335 582 une suite ininterrompue d'vques Margus et Singidunum (Smdrevo et Belgrade).Au sixime sicle, ces provinces recevaient une nouvelle couche

    de Slaves : en 527, les Slaves du nord passent lesBalkans. Leursinvasions, qui s'tendaient jusqu' la More, durrent pendantcent cinquante ans. C'est sur un fonds form par toutes ces allu-vions que se rpandirent ensuite les nouvelles invasions ido-ltres des Avares et des Bulgares, qui taient de race hunnique,enfin celles des Serbes et des Croates, qui taient slaves.

    Peut-on prsumer que les Slaves indignes aient t tous ex-termins ou qu'ils aient abandonn un culte suprieur, pratiqupar eux depuis plusieurs sicles pour se rallier, sous les Ava-res et les Bulgares, une religion apporte des plateaux del'Asie et du Volga, une religion grossire qui n'avait presquepas de dogme? Quiconque se rend compte de l'esprit conser-vateur de toute race agricole et du paysan slave en particulier,ne croira jamais qu'il ait reni son culte pour adopter celuid'une aristocratie grossire et oppressive. D'ailleurs, l'histoire

    ne reprsente pas les Bulgares ou les Avares comme animsd'un esprit de proslytisme. A moins qu'on ne chercht lesconvertir eux-mmes, ils ne perscutaient pas les chrtiens. Ilstenaient plutt se distinguer des vaincus autant par la croyanceque par les coutumes et les ides. Ils taient jaloux sans doutedes prtres trangers, surtout des grecs, qu'ils regardaientcomme les agents politiques d'un pouvoir tranger; ils sacca-geaient les glises et les couvents par avidit; mais ils n'taientpas anims d'une haine spciale, d'un esprit de perscutioncontre le christianisme. Le souvenir de la Rome paenne et desa religion d'tat gare quelquefois le jugement que nous por-tons sur les barbares du Nord et de l'Est, dont les ides taientprcisment l'antipode de celles des Romains, sous ce rapportcomme sous les autres.

    Donc, lorsque nous parlerons de la conversion des Bulgareset du reste des Avares, de celle mme des Croates et des Serbesappels par Hraclius, il ne s'agira pas de la conversion de lacontre entire, mais seulement de l'adoption du christianismepar une aristocratie trangre et de la reconstitution d'une hi-rarchie rgulire, ce qui n'est pas moins important.

  • LA SERBIK CinilTIKXNi:. 11

    II. ARRIVEE DES SERBES ET DES CROATES.

    Constantin Porphyrognte, parlant du pays habit par lesCroates avant leurs invasions, dit qu'ils taient contigus auxSerbes. Il est admis gnralement que leur contre d'origineest celle qui a port le nom de Chrobatieau nord des Karpathes,entre la Vistule et le San.

    La nation croate, au dire de l'imprial crivain, pouvaitarmer 60.000 cavaliers et 100.000 fantassins. Elle s'tablit dansle nord de la Dalmatie et dans la Croatie actuelle, aprs y avoirtriomph des Avares.O habitaient originairement les Serbes? On n'est pas d'ac-

    cord cet gard. Le Porphyrognte dit qu'ils occupaient lacontre appele par eux Doiki, au del des Turcs (de la Hon-grie actuelle), qu'ils touchaient le pays des Franks et de laGrande-Chrobatie, non baptise ou Blanche.

    Ces indications et surtout le voisinage des Franks semblentprouver que les Serbes taient l'ouest des Croates et que lesSorabes de la Lusace et de la Misnie sont leurs descendants.

    Par Boikl, il faudrait entendre le pays des Boens, tribu gau-loise qui a laiss son nom la Bohme : les Serbes habitaient-ilscette contre? Quelques auteurs voient au contraire le sjour desSerbes l'orient de la Chrobatie Blanche dans la partie de laGalicie o les paysans d'entre le Dniester et les Karpathes sedonnent encore aujourd'hui le nom de Boiki. Le mot Srb tait,d'ailleurs, une expression gnrique que les Slaves donnaient toute la race, de mme que les Scandinaves et les Allemandsappelaient Vindes les Slaves de la Baltique et de la Karinthie (1).

    Constantin Porphyrognte raconte que deux princes serbesayant hrit de leur pre, l'un migra avec la moiti de la na-tion et se rfugia auprs d'Hraclius. L'empereur accorda auxrfugis dans la rgion de Thessalonique, une contre qui futalors appele Serbie. (Ce n'est pas la Serbie actuelle.) L, sui-vant une induction moderne, fut fond un tablissement fortifi

    (1) Au sixime et au septime sicle, les Byzantins divisent les Slaves en Scvbe>iou occidentaux et ^H

  • 12 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    situ 8 lieues de la mer, et qui s'appelait Serblia (1). Bientt

    les Serbes voulurent retourner dans leur pays, et l'empereur

    les renvoya. Il paratrait, cependant, qu'une partie resta dans

    la basse Macdoine et que le nombre en fut assez grand, puis-qu'en 1348 les Serbes avaient encore un kral (roi) eux.

    Lorsque ceux qui taient partis arrivrent auprs du Danube,ils commencrent se repentir de cette rsolution. Par l'inter-mdiaire du stratge qui gouvernait alors la place qui fut de-puis Belgrade, ils s'adressrent l'empereur Hraclius pourlui demander une autre terre, o ils se coloniseraient. Commela Serbie actuelle, la Pagonie, le pays appel Zachlumie, laTervonie, et le pays des Canalites taient au pouvoir du gou-vernement imprial et avaient t dpeupls par les Avares;l'empereur colonisa les Serbes dans cette contre.A la suite de ce double tablissement, les Serbes occuprent

    un espace considrable, comprenant la Herzgovine, la Rascie,la Diocltie, la Primorie, une partie de la Macdoine, de laDalmatie et de la Serbie actuelle, dont la pointe sud orientale,sous le nom de Choiunadia, tait devenue, la suite de tantde ravages, une grande fort de chnes, et qui n'a pas encorecompltement perdu ce caractre (2).La domination serbe n'tait pas une, mais divise en plusieurs

    joupanies, dont le nombre a vari : il y en avait primitive-ment cinq : 1 Serbie proprement dite (Serbie et Bosnie ac-tuelles); 2 Naretva (contre de la Narenta); 3" Zachlumie;4 Tervonie et Canavlie; 5 Diocltie (valle de la Moratcha). LaChoumadia, comprise entre la Kolubaraet la Morava serbe, tait,avons-nous dit, une fort impntrable. Singidunum (Belgrade)tait entre les mains des Grecs.Par ces deux dernires contres les Serbes confinaient avec

    l'Albanie suprieure autrement dite gugue , dont l'histoirese confondit avec la leur sous la dynastie des Balchides. LesSerbes taient spars des Croates par la Cetina de Bosnie l'ouest. Ils occuprent au midi la Dalmatie depuis les environsde Durazzo jusqu' Almissa (3).

    (1) Voyez Verkovitch, dans son introduction au recueil des chants bulgare-ma-cdoniens.

    (2) Pour ce qui est de la Bosnie, les auteurs croates la contestent aux Serbes.Les habitants actuels sont cependant plutt serbes que croates.

    (3) Voir, dans Schafarik, le dtail gographique de l'tat serbe.

  • LA SERBIK CIIUTlENNi:. 13

    La difficult de l'histoire primitive des Serbes git dans ce faitque les Joupanies taient indpendantes les unes des autres.L'une ou l'autre acqurait une plus grande puissance et sou-mettait temporairement les principauts alors plus faibles. 11faut ajouter que la partie orientale fut souvent envahie, soit parles Grecs, soit par les Bulgares qui entrrent par la Dobroudjaen G71. Il est important de noter aussi que la Diocltie et la Ca-navlie ou Primorie, qui s'taient enrichies par le commerce etla piraterie, et qui taient allies avec l'Albanie suprieure, ontconserv presque toujours une existence spare, que le Mont-ngro a perptue heureusement jusqu' nos jours.Les Croates avaient conserv, comme les Serbes, leurs chefs

    indignes et l'indpendance de leur gouvernement intrieur; ilstaient rattachs l'empire grec parles liens ordinaires des na-tions fdres.

    Hraclius, dit Amde Thierry, avec ce tact politique quela connaissance du pass donne quelquefois l'historien, in-terposa, entre les Avares et lui, sur le bord du Danube, unebarrire de petits tats indpendants sous son autorit souve-raine, qui mirent la Thrace et Constantinople l'abri des inva-sions du Nord. Plus durable que ses conqutes, cette crationde sa politique est encore debout dans les principauts slavesde Croatie et de Serbie qu'il organisa et dans la principauthunno-slave de Bulgarie dont il ne fit que jeter les fondements.Ce sont les tablissements d'Hraclius destins couvrir la m-tropole de l'empire d'Orient qui protgent encore de nos jourscette reine tombe. La barrire d'Hraclius n'a pas t fran-chie et ne le sera pas.

    m. DALMATIE ET CROATES.

    Par ce qui prcde, on voit qu'il ne faut pas isoler l'histoireserbe de celle des Croates et de celle de la Dalmatie, laquelle estpeuple, d'ailleurs, de Serbes.

    Les Avares avaient dtruit la ville de Salone, qui tait lamtropole religieuse de la Dalmatie, mtropole catholique latine.Les prtres furent massacrs.

    Les Croates vinrent s'tablir dans le pays. D'aprs Anastase

  • 14 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.

    le Bibliothcaire, le pape Jean IV (640-642), qui tait lui-m^me

    Dalmate et natif de Salone, envoya un abb Martin sur le thtredu dsastre avec une grande quantit d'or pour racheter lesprisonniers, secourir les victimes et rebtir les glises. Le

    missionnaire tait charg de convertir les nouveaux venus, etil y russit au del de toutes les esprances. Non seulement lesCroates se firent baptiser, mais, rapporte Constantin Porphyro-

    gnte, ils prtrent serment au Pape, et par crit, de ne plus

    envahir eux-mmes par la force les terres trangres et de con-server la paix avec tous ceux qui y seraient disposs. En retour,ils reurent du Pontife romain une bndiction spciale, leurfaisant esprer que, si d'autres peuples envahissaient leurs

    terres et les dvastaient par la guerre, Dieu combattrait poureux et serait leur vengeur, Pierre, le disciple du Christ, devantleur concilier la victoire. Devenu Pape sous le nom de Martin P'(649-655), le missionnaire de Jean IV, voulant consolider l'uvrede son prdcesseur, envoya comme lgat apostolique en Dal-matie le prtre Jean, de Ravenne. Il n'avait pas t nommd'vque Salone depuis la ruine de cette place. Le prtreJean, d'aprs le rcit de l'archidiacre Thomas (I), exhorta leclerg et le peuple restaurer l'archevch de cette ville anti-que, ce qui fut agr. Ayant runi le clerg comme c'tait l'u-sage {ut moris erat), le prtre Jean lui-mme fut lu l'una-nimit, et le choix fut confirm par le Pape. Jean vint sesbrebis comme un bon pasteur, non avec le dsir d'amasser del'argent dans cette glise trs pauvre, mais avec la charit pourle salut des mes. A quelque distance de Salone, se trouvait, sur les bords

    mmes de la mer Adriatique, un palais de Diocltien entourde plusieurs temples paens. Ces restes taient devenus le centred'une nouvelle ville btie en partie dans le palais mme, et quia reu de cette circonstance le nom de Spalatro. C'est l que futtablie la nouvelle mtropole, qui conserva l'antique dnomi-nation de Salone, et qui obtint du Saint-Sige toute l'autoritdont avait joui l'ancienne. Jean s'appliqua former un clerg, restaurer les glises, fonder des vchs et prcher la re-ligion catholique en parcourant la Dalmatie et la Sclavonie (2).

    (1) Cit par Assoniani, Kalendnria Eccieski' imivers, t. T', p. 463.(2) Asscmani, ibidem.

  • LA SERBIE CHRTIENNE. 15

    Mentionnons ici les rapports de ces Croates avec Tempirfrank. En 811, les Grecs reconnurent la prise de possession dela Dalmatie par Charlemagne.

    Les Croates septentrionaux se soulevrent bientt contre les

    Franks sous la conduite de Ludevit, qui obtint longtemps de

    grands succs. Il tait soutenu par le patriarche d'Aquile; Lu-

    devit prit par trahison en 821, et les Franks restrent quelquetemps encore matres de la Croatie. Mais, aprs une guerre de

    sept ans, les Croates russirent enfin retrouver leur indpen-dance, en reconnaissant nominalement la suprmatie du Saint-Empire romain. Ces divers vnements ne modifirent pas lasituation religieuse des Croates, dont le clerg n'tait.pas alle-

    mand, mais venu d'Italie.Constantin Porphyrognte mentionne sous le rgne du prince

    Terpimir (837), pre de Kresimir, une nouvelle apparition reli-gieuse. Il arriva, dit-il, du ct des Franks qui habitent entreVenise et la Croatie, un saint homme qui portait Thabit sculieret qui s'appelait (comme l'envoy de Jean IV) Martin, lequel,d'aprs ce que disent les Croates, faisait des miracles. Le saint

    homme tant faible et estropi, quatre hommes le portaient par-tout o il voulait. Il engageait les Croates observer la pro-messe faite jadis au Pape romain (Jean IV), et il leur renouvelala bndiction papale.

    IV. CONVERSION DES SERBES.

    Nous parlerons maintenant de la conversion des Serbes. L'empereur Hraclius, dit le Porphyrognte, fit baptiser les Serbes en faisant venir des prtres de Rome, et leur apprit les rites sacrs, en leur expliquant bien la foi ternelle. Les

    nombreux siges piscopaux qui florissaient autrefois dans cettecontre avaient disparu : les Serbes furent d'abord incorporsdans un diocse de Croatie, celui d'OEnona (probablement Xona),qui dpendait de Salone et qui tait, par consquent, romain etde langue latine. Cette premire conversion parat avoir tsuperficielle : faute d'aptres, les progrs du christianismeparmi les nouveaux venus taient lents et exposs de terriblesractions. C'est surtout dans les contres occidentales et mari-

  • 16 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.

    times, et notamment sur les rives de la Narenta, que la lutte

    fut longue et acharne entre le christianisme et le paganisme.

    Mais il faut introduire ici deux nouveaux facteurs qui eurent

    une grande influence sur les destines religieuses de cette partie

    de rOrient. Ces deux facteurs sont une refloraison de la puis-

    sance grecque et la mission des saints Cyrille et Mthode.

    V. BASILE LE MACEDONIEN ET JEAN VIII.

    Dans le courant du huitime sicle et pendant la premiremoiti dli neuvime, les Grecs avaient perdu toute autorit surles bords de l'Adriatique (1). Non seulement, comme nous l'a-vons vu, les Croates au nord et les Serbes l'est en taientdevenus indpendants de fait, mais les villes romaines de lacte elles-mmes n'obissaient plus Constantinople. Vers 866,les Sarrasins de la Sicile attaquaient vigoureusement la Dalmatie.Les pirates Soldaz, Saba et Kopha avaient dtruit Budva, Ri-sano et Cattaro. Ils assigeaient Raguse depuis qumze mois.L'empereur grec, Basile le Macdonien (867 886), envoya leur secours une flotte qui dlivra Raguse, en 867. Les villes etles les dalmates se soumirent alors l'Empereur, qui les r-concilia avec les Slaves de la cte. Basile btit beaucoup d'gli-ses et opra des conversions. Il convertissait dans le rite grec.C'est en partie cette influence qu'on peut attribuer la prsencede beaucoup de Serbes de rite grec dans la Primorie et dans laDalmatie.

    Quelles furent les consquences de cette apparition triom-phante, au milieu des habitants de la Dalmatie et de la Croa-tie?

    Autrement dit, que se passa-t-il sous le rapport religieux dansces contres, depuis l'avnement de Basile I" (867), pendant lepontificat de Jean VIII (872-882)? Et d'abord que pouvait-il sepasser? Sous le rapport du rite, nous ne dirons rien puisquenous admettons comme un principe historique que le rite nechange pas. Si l'on examine la question au point de vue de la

    (1) Voir Ililferding, Histoire des Serbes et des Bulgares. On ne peut pas admettretoutes les conclusions de cet historien, enlev prmaturment la science.

  • LA SERBIE CHRTIENNE. 17

    communion religieuse, il faut d'abord tablir quels furent lesrapports de Constantinople avec Rome sous le rgne de Basilejusqu' la mort de Jean VIII. Or, l'anne mme de son avne-ment, c'est--dire en 807, le Macdonien avait renferm Photiusdans un monastre et restaur Ignace sur son sige. A la demandemme de Basile, Adrien II envoya trois lgats pour prsider leconcile qui se runit cette occasion Constantinople (869-870). Ignace mourut en possession de sa dignit le 23 octobre877. Photius fut alors rappel au patriarcat par l'Empereur.

    Le pape Jean VIII, qui tait d'ailleurs alli Basile contre lesSarrasins, se laissa tromper par de sduisantes assurances, etapprouva en 879 la rintronisation du perscuteur d'Ignace. Seslgats vinrent au concile qui rtablit Photius (877-880), etJean VIII crivit en 880 Basile et son patriarche pour les f-liciter. Jean VIII mourut en 882, non certainement sans avoirpntr la duplicit de Photius et les tergiversations de son em-pereur; mais ce ne fut pas ce Pape, ce furent ses successeursqui excommunirent Photius. Or, c'est en 879 que les Croates,suivant l'exemple des villes dalmates, faisaient Jean VIII leursoumission complte. L'intervention de Basile ne peut avoirplac les contres adriatiques dans l'tat de schisme vis--visRome, puisque, ce moment, il n'y avait pas de schisme.

    Il n'y a donc eu ni changement de rite ni schisme, ce qui di-minue beaucoup la porte de la rvolution attribue Basile leMacdonien. Ce qui parat admissible, et qui est justifi par leslettres de Jean VIII, c'est que l'Empereur ait dtach hirarchi-quement les Serbes et les Croates du patriarcat de Rome, commePhotius et Ignace lui-mme l'avaient essay pour la Bulgarie.Pour ce qui est des villes et lies latines de la Dalmatie, il

    paratrait que c'est plutt le patriarcat d'Aquile que celui deConstantinople qui russit branler pendant quelque tempsleur dpendance hirarchique du patriarcat de Rome. Jean VIII,1^8 juin 879, crivit ce sujet une lettre qui est adresse Vitahs, vque de Zara, Dominique, vque d'Obsara, Jean,archiprtre de la mtropole de Salone, et tout le clerg et tousles Anciens des habitants de Zara, Spalatro et autres villes . Illes exhortait revenir dans le giron de l'glise romaine : illeur promettait son appui si les Grecs ou les Slaves les inqui-taient ce sujet. Malgr cette admonestation, les villes de la

    ORIENT CHRTIEN. 2

  • 18 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.

    Dalmatie reurent pour archevque Marinus, qui avait t sacr

    par Vilpert, patriarche d'Aquile.

    Cet tat anormal ne pouvait durer. Pour ce qui est des villes

    et les de la Dalmatie, leurs liens avec Rome taient trop an-

    ciens et trop intimes pour tre relchs plus longtemps; maisles historiens ne sont pas d'accord sur la dure de la spa-

    ration.

    Nous sommes disposs admettre, avec Hilferding, que les

    tentatives de sparation sont postrieures la mort dlgnace

    (877). En effet, la cour de Rome, qui reproche l'annexion de laBulgarie, ne parle pas de l'affaire dalmate. La lettre de Jean VIII

    Vitalis et consorts porte la date de 879, et il ne subsiste plus

    d'autre trace de cette sparation que l'lection de Marinus,lequel est mort en 880. Il parat donc que la sparation dalmate

    a dur au plus trois annes ; elle aurait cess avec l'piscopat deMarinus, l'intrus du malencontreux patriarcat d'Aquile.

    Quant aux Croates, nous croyons pour la mme raison queleur infidlit n'est pas antrieure la mort d'Ignace, c'est--dire 877. Elle aurait pu durer aussi trois ans, puisque leretour eut lieu en 879, ainsi que le dmontrent quatre lettrescrites par Jean VIII.

    Branimir, son avnement, avait envoy Rome un prtrenomm Jean, lequel portait au Pape les lettres du prince etcelle du diacre Thodose , lu l'vch de Nona. La plusancienne des quatre missives de Jean VIII est adresse ceThodose; elle est du 4 juin 879 : Nous avertissons ta sa- gacit pour que tu ne te dtournes pas vers une autre par- tie quelconque (Constantinople ou Aquile), pour chercher y recevoir la grce de l'piscopat, contrairement aux institutions sacres des vnrables Pres...; mais pour que tu retournes de tout cur et de toute volont dans le0- giron du Sige Apostolique, d'o tes prdcesseurs ont reu les dogmes suaves {melUflua) de la loi divine avec la forme de l'institution sacre ainsi que l'honneur du suprme sa- cerdoce ; de sorte que toi-mme, avec le consentement du Christ, tu reoives, par l'imposition de notre main, la con-V scration piscopale de ce Sige Apostolique, qui est la t te et la matresse de toutes les glises de Dieu; de sorte que, selon l'ancien usage, muni de l'autorit et de l'appui de saint

  • LA SERBIE CIIRI'TIE.NNE. 19

    Pierre et de nous, tu rgisses avec force et scurit le peu-ce pie de Dieu toi confi. Le septime jour du mme mois dejuin 879, Jean VIII crit Branimir :... Puisque tu professes humblement que, par la faveur de Dieu, tu dsires, comme un fils aim, tre fidle en tout et obissant saint Pierre et nous qui tenons sa place, nous rendons Ta Noblesse de trs dignes actions de grces par ces lettres de notre Apos- tolatet, avec un amour paternel, nous t'acceptons comme un

    fils trs cher rentrant dans le giron du Saint-Sige aposto- lique, ta mre... Jean VIII ajoute qu'il a accord au princela bndiction apostolique par lui demande : Le jour de l'Ascension de N.-S., pendant la solennit de la messe que nous avons clbre sur Fautel du bienheureux Pierre, le- vant nos mains, nous avons bni toi, tout ton peuple et toute ta terre.

    La troisime lettre de Jean VIII , laquelle porte la mme date,est adresse tous les vnrables prtres et l'universalit du peuple. Sa Saintet ayant appris par la lettre de Branimirles dispositions de son peuple revenir la sainte glise ro-maine, a t pntre de joie et l'engage persvrer.Conformment l'invitation nonce dans la lettre pontificale

    du 4 juin, Thodose, l'vque lu de Nona, se rendit Rome oil tmoigna de la fidlit de Branimir et de son peuple. C'estce qui rsulte de la quatrime lettre du mme Pape dont l'a-dresse porte : Excellentissimo Viro Branimero

    ,glorioso Co-

    miti, et dilecto filio nostro; atque omnibus religiosis, sacer-dotibus, et honorabilibus judicibus, cunctoque populo, pax etgratia a domino nostro Jesu Christo. 11 les exhorte pers-vrer dans l'obissance envers le Saint-Sige, qu'ils ont mani-feste par l'vque Thodose. Il demande que des dputs luisoient envoys : il promet qu' leur retour il enverra un lgat qui ils puissent engager leur fidlit suivant le rite de l'glise.Cette lettre est d'octobre ou de novembre 880 (1).Une lgende attribue l'action personnelle des deux saints

    aptres des Slaves, Cyrille et Mthode, non seulement la re-naissance religieuse, mais la rorganisation politique de laCroatie et de la Dalmatie. Si le rcit du prtre de Dioclea ne re-

    (1) D'aprs le calcul d'Assemani, qui cite et discute les documents relatifs Branimir : Knlendaria Ecclesm univers, IV, 314 318.

  • 20 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    pose pas sur des bases historiques, il montre du moins quelprestige Cyrille et Mthode exeraient sur l'imagination dupeuple. S'ils ne sont pas intervenus directement, leur action n'a

    pas t moins efficace par l'introduction de la liturgie romaineen langue slavonne et de l'criture glagolitique. Non seulementle rite romain, mais le grec furent crits avec les caractresglagolitiques, propags par les deux saints.

    Il n'existait pas, du reste, alors d'autre criture pour rendreles sons slaves. C'est un sujet que nous avons trait en dtaildans une tude relative aux saints Cyrille et Mthode (1). Men-tionnons seulement ici que cette inlluence toute romaine as-surait l'chec que les projets de Basile le Macdonien ont subiaprs un succs phmre.

    Si la Croatie et la Dalmatie ont su conserver l'union romaine,il n'en a pas t de mme des Serbes de l'intrieur. Les cir-constances politiques les ont conduits sous la dpendancehirarchique de Constantinople, et les y ont maintenus aprsle schisme. De mme qu'il agissait sur les Croates, Jean VIIIessaya de ramener ces Serbes. En 874, il invitait le princeMuntimir (2) se rattacher au diocse de Pannonie confi parle Saint-Sige Mthode (3). Les efforts du Pape ne russirentpas comme dans la contre voisine (4). Basile le Macdonienavait exerc une action plus rigoureuse et plus suivie sur lesSerbes, et les vnements ultrieurs contriburent encore da-vantage cet chec. Dvaste deux fois par les Bulgares en923 et en 1016, la Serbie fut conquise par l'empereur grecBasile 11 en 1018, et resta sous des administrateurs grecs jus-qu' sa dlivrance par la dynastie de Nemania.

    (1) Saint Cyrille ei saint Mthode, avec un essai sur les destines du Glagol etun mmoire sur l'alphabet, la langue et le rite des aptres slaves au neuvimesicle; in-18; Paris, Leroux.

    (2) On a confondu ce Muntimir serbe avec le prince du mme nom qui succdaen Croatie Branimir.

    (3) " Joannes episcopus Rluntimero duci Salunic. Admonemus te ut, proge-nitoruin tuorum secutus morem, quantum potes ad Pannoniensem reverti stu-deas dicesim, tam Deo gratias a sede B. Ptri apostoli episcopus ordinatus estad ipsius pastoralem recurras soliicitudinem. (Racki, p. 298.)

    (4) Voir le cliapitre intitiil : Les rapports avec Home, qui sera publi procliai-nement dans le mme recueil.

  • PREMIERE PARTIE

    ORIGINES DU PATRIARCAT SERBE.

    Au douzime et au treizime sicle, la vie politique et reli-gieuse a t trs brillante en Serbie dans la famille rgnantedes Nemanitch, qui a produit des saints dont les noms, tou-jours vnrs, sont en quelque sorte le palladium de la nationserbe.

    N en 11 14, Etienne Nemania recouvra les provinces conquisespar les Grecs, et finit par tre reconnu comme prince et grandjoupan de la Serbie et de la Primorie; on appelle Primorie lepays situ entre le territoire de Raguse, le Montngro, l'Al-banie et la mer Adriatique (1). Etienne accueillit dans la villede Nissa et assista l'empereur Frdric l" se rendant la croi-sade. Il se fit remarquer par sa pit et sa charit. Ses fondationsreligieuses sont nombreuses. Il btit notamment le monastrede Stoudnitza, qui subsiste encore. De son pouse Anne ilavait eu trois fils. Le dernier, saint Sava, dont il sera parl bien-tt expressment, s'tait fait moine au mont Athos. Entranpar l'exemple et les exhortations de son fils, Etienne abdiquaaprs trente-sept annes de rgne, et entra, sous le nom deSimon, au monastre qu'il avait bti Stoudnitza. Sonpouse avait aussi pris le voile. Au bout de deux ans, EtienneNemania, ou plutt Simon, alla retrouver son fils Sava aumont Athos. L, il releva de ses ruines et dota richement lemonastre de Kilindar. Il obtint de l'empereur de Constantino-ple, Alexis Comnne, que ce monastre ft la proprit des jou-pans de Serbie, et soumis la seule juridiction impriale. C'est cause de cela, et depuis lors, que Kilindar qui subsiste tou-

    (1) Primorie veut dire prs la mer. C'est le mme mot que Pomranie, pi'o-vince qui est la Primorie de la mer Baltique.

  • 22 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    jours, est appel un monastre serbe. Le prince-moine mourutle 13 fvrier 1200, et fut enterr Kilindar. Ses fils, rests enSerbie, ayant demand que le corps de leur pre y ft transfr,Savaprocda l'exhumation en 1208, et trouva le corps entier etintact. 11 accompagna lui-mme la relique jusqu' Stoudnitza,o elle resta dpose. De nombreux miracles attestrent sasaintet. Le corps laissait suinter avec abondance une huilede la plus suave odeur. Sa fte se clbre le 13 fvrier.Le fils de Simon, dont il a t dj fait mention, s'tait enfui

    l'ge de dix-sept ans pour embrasser, sous le nom de Sava,la vie monastique, o nous avons vu qu'il entrana son pre.Comme il tait all Constantinople pour les affaires du mo-nastre de Kilindar qu'il dirigeait, on raconte que le patriarchele nomma, en 1221, malgr ses rsistances, archevque de toutela Serbie et de la Primorie. La plupart des historiens noncent ce sujet que la province de Serbie obtint alors le droit d'lireelle-mme son mtropolitain, la confirmation seulement tantrserve au patriarche de Constantinople. Je ne sais si cetteassertion est fonde, n'ayant pas les actes originaux de l'insti-tution faite en 1221.

    Lorsqu'il fut la tte de son archidiocse, Sava trouva quele nombre des vques de rite grec ne rpondait pas au besoinde la population. Voici les noms des douze vchs de ce ritequ'il restaura ou fonda : Chelmia (Herzgovine), Zta, Debra,Budimlia, Rassa, Chvostno, Prisrend, Grachanitza, Toplitza,Branichev, Belgrad, Moravitza. Le sige mtropolitain taittabli Oujitza.Aprs quelques annes de fonctions pontificales, Sava se

    dmit de sa dignit, et se retira de nouveau au mont Athos. Ilfit deux plerinages en Terre-Sainte, et mourut dans la Bulgarieen 1237, en voyage pour retourner dans sa patrie. La mmeanne, son corps, demeur exempt de toute corruption, futtransport en Serbie, et dpos au monastre de Milechevo parles soins d'Arsne, son successeur sur le sige archipisco-pal (1).

    La mmoire du hros religieux de la nation tait tellement

    (I) Pour l'histoire des deux saints serbes, voir Alexandre Chodzlco : Lgendesf^laves du moyen ge; Paris. 1858; Martinov, Trifolium Serbicum;Bvi\\Q\\Q%. Ony trouvera l'indication des autres sources.

  • LA SERBIE CHRTIENNK. 23

    vnre, que la province de Chelmie o se trouvait son tombeau,ne fut plus appele que le duch de Sainl-Sava. Les grandsqui recevaient ce pays en fief, s'intitulaient eux-mmes Gar-diens du tombeau de saint Sava. Les pontifes d'Ipek, succes-seurs du saint, placrent dans leurs titres son nom la droitede celui du Christ : ils se dsignaient ainsi : Saint Sava ar-chevque de Serbie Jsus-Christ Saint Simon leserbe. N par la misricorde divine, archevque d'Ipek,patriarche des Serbes et des Bulgares, et de tout l'IUy-rique (1).

    Les reliques de saint Sava furent honores pendant 360 anspar un grand concours de fidles. En 1595, les Turcs saccag-rent Milechevo. Comme ils possdent instinctivement le ctinfernal de Fart de gouverner, ils firent brler publiquementet jeter aux vents les prcieux restes auprs desquels la nationvenait se consoler et aussi se fortifier.

    Dans la nouvelle dition de son Kalendariuni utriusqueEcclesi orientalis et occidentalis (Insbriick, Raud; Paris,Lethielleux, 1896), le R. P. Nilles a rsum trs savamment enquelques pages l'histoire de saint Sava, de son pre et de sesfrres. Renvoyons le lecteur b cette monographie, qui est en-richie de notes nombreuses contenant l'indication de toutes lessources, au premier rang desquelles se place naturellement leTrifolium Serbicum de notre cher et regrett P. Martinov.La Serbie devint trs puissante au milieu du quatorzime si-

    cle, sous le rgne d'Etienne Douchan, surnomm le P'ort, quirunit ses tats la plus grande partie de l'Albanie, de la Ma-cdoine, de la Thrace, et soumit la Bosnie et la Bulgarie. Il pritle titre imprial , ^''iwiWMlcLii Empereur Etienne le Macdo-nien (2), aimant le Christ, autocrate de la Serbie, de la Bul-garie, de la Hongrie, de l'Albanie, de ta Hongro-Valachie, etde beaucoup d'autres contres et pays. Il rsolut aussi d'affran-chir son pays de la dpendance hirarchique de Constantinople.Dj dans le Code publi en 1349, on lit l'article 49 cette d-cision : Les glises du Tsar ne doivent pas tre subordonnes

    (1) Assemani, Kalendaria Ecclesi imivers, t. Y, p. 44. T'/7rt S. Sabbo' auc-tore Marnavitio, ch. ni.

    (2) Sur cette qualification de Macdonien, voyez les Manuscrils slaves de laBibliothque impriale de Paris, par le P. Martinov, p. 27.

  • 24 REVUE DE L ORIENT CHRTIEN.

    la Grande glise (Constantinople). Il ralisa bientt cetteprtention.

    Depuis l'exaltation de saint Sava, douze mtropolitains s'-

    taient succd sur le sige d'Oujitza; voici leurs noms : 1 saintSava, 2 saint Arsne, 3" Sava II, 4 Daniel P% 5 Joannicius, (3 Eustache, 1 Jacques, 8 Eustache II, 9" Sava II, 10'' Nicodme, 11 Daniel II, 12 Joan-nicius, lu en 1350 (1).En 1351, l'empereur Etienne Douchan runit Srs un sy-

    node dans lequel le mtropolitain serbe fut proclam patriarcheet institu chef autonome et autocphale de son glise. Le pa-triarche de Constantinople anathmatisa les Serbes; maisen 1376, pendant que l'empereur Palologue rgnait Constan-tinople et Lazare sur les Serbes, le patriarche Thophane re-connut l'autonomie )roclame Srs en 1351. Le patriarcheserbe rsidait alors dans la ville d'Ipek, en haute Albanie (2).Quelques annes aprs cette reconnaissance de l'autonomie

    religieuse, les Turcs envahissaient la Serbie (3).

    (1) Les Manuscrits slaves de la Bibliothque impriale, par le P. Jlartinov.(2) L'expression patriai'che rf'Ipek, de Carlovitz, que l'usage a consacre, n'est

    pas correcte : on doit dire patriarche serbe, lequel est en mme temps mtropo-litain d'Ipek, puis de Carlovitz.

    (3) Il sera fait mention par la suite, dans un chapitre spcial, des rapports en-tretenusavec le Saint-Sige de Rome par Etienne Douchan et quelques autres roisserbes.

  • II

    LA VIE MONASTIQUE.

    La vie monacale avait jet un vif clat en Serbie Tpoqueo les Sava, les Simon quittaient le palais pour le clotre.

  • 26 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.

    Avec Sainte-Anne, en Koutzo-Valachie (1);Et, au-dessous dladovnik, Saint-Paul ;Stoudenitza, au-dessous de Bervnik;

    Et, dominant Kavanovatz, Gitcha;Et, Prisrend, la Sainte-Vendredi (Paraschve)

    ,

    Gratchanitcha, Kossovo en plaine.

    Tout cela fut leurs fondations pies :

    Et toi. Lazare, tu siges sur leur trne

    Et ne btis nulle fondation.

    N'aurons-nous pas bien assez de richesses

    Pour la sant, pour le salut des mesEt pour nous-mmes, ainsi que pour les ntres?

    A cet appel, l'empereur Lazare fonde le monastre de Rava-nitza. La tradition porte que le corps du fondateur ayant tdcouvert quarante ans aprs sa mort, ce prince manifesta mi-raculeusement o il voulait tre inhum :

    Ils demandaient au saint prince o veut-il,

    Veut-il aller? Quelle fondation?A Oppovo ou bien Krouclidol?Est-ce lassak ou bien Bechenov?A Rakovatz ou Chichatovatz?Est-ce Tchivcha ou Kouvejdina?O bien veut-il aller en Macdoine?

    Le saint ne veut fondations d'autrui ;

    Mais le saint veut sa fondation propre :Lazare veut son beau Ravanitza

    .

    Sous la hauteur, sous le mont de Koutchal,L o Lazare a bti une glise,Lorsqu'il tait encor de cette vie

    ;

    O il s'est fait une fondationAvec son propre pain et son trsor,Sans qu'il en cote de larme aux malheureux (2) !

    Dans une autre cantilne hroque, Milosch Obilitch numreavec fiert devant les Latins les fondations pieuses des princes

    (1) C'est--dire chez les Valaquos du Piiide ou de la Macdoine.(2) Ces deux citations .sont extraites de Slavy-Dccra, recueil des posies

    slaves, 1896 (dans la Bibliothque elzvirienne de Leroux), d'aprs le texteserbe publi Vienne en 1845 par Vouk Stofanovitch Karatchitch, t. II des Serpskenarodne jnesme.

  • LA SERBIE CHRTIENNE. 27

    serbes : il cito successivement Stoudenitza, Saint-Georges, Ki-lindar, Jitclia, Sopotchani, Papratclia, Detchani, Ratciia, Tro-noscha, enfin

    Si vous voyiez la glorieuse RavaiiitchaDans la Resava, au-dessous de Paratchina,La fondation de notre hospodar rgnant,De notre hospodar, le glorieux prince Lazare (1) !Et tant d'autres monastres serbes,Si vous les voyiez, vous seriez merveilles,Tant ils sont beaux et comme ils sont grands (2) !

    Pour que ces numrations occupent tant de place dans lescompositions populaires, il faut que le sentiment religieux aitt, du moins cette poque, trs profond et trs sincre chezla nation serbe. Les princes d'avant la conqute turque n'ontpas signal leur pit seulement par de nombreuses fondationspour l'me : plusieurs se sont retirs dans des monastres etont t des saints. L'glise des Serbes, fait ressortir le R. P.Nilles, a cela de propre que presque tous ses saints appar-tiennent aux deux ordres des voques et des rois. Elle compteseulement dans ses fastes deux ermites.... (3)

    L'archimandrite Nicphore Doutchitch, dans ses KninjevniRadovi, a publi en 1895 (Belgrade) une monographie du mo-nastre de Kilindar.

    (1) Dans le volume Slavy-Dcera, on a reproduit une image du couvent de Ra-vanitza, tel qu'il se trouve dans la publication de Kanitz.

    (2) Cette cantilne sur Miloscli Obilitch est extraite du ]'oyage sentimentaldans le pays des Slaves; Paris, Leroux.

    (3) Kalendar'mm manuale.... t. I', 1896, p. 446.II a t remarqu, du reste, que la conqute musulmane parat avoir affaibli

    chez les Sei-bes le sentiment religieux qu'elle exaltait chez d'autres populations.On peut en trouver la confirmation dans ce fait que le cycle pique de MarkoKralievitch, o sont retracs les sentiments qui ont suivi immdiatement la lutteet la conqute, et le cycle des heidouques (Klephtes slaves) sont loin de prsenterle caractre profondment religieux des cliants relatifs la guerre deKossovo.

  • III

    SUPPRESSION DU PATRIARCAT SERBE A IPEK.

    La conqute turque laissa subsister ce qui existait sur le ter-rain hirarchique. Le sige d'Ipek continua exercer son auto-rit sur les diocses qui avaient fait partie de Fempire d'EtienneDouchan (1).Le patriarcat dlpek comprenait, en dernier lieu, quatorze

    diocses, dont voici les noms : 1 Bosnie; 2 Herzgovine;3" Rascie et Novi-Bazar; 4 Oujiza; 5 Belgrad (mtropolie);0Nissa; TMvossovo; 8" Istip; 9 Costandin; 10 Scopia; llPris-rend; 12 Dalmatie (territoire vnitien); 13 le Montngro;14 enfin, le diocse mme d'Ipek, dont le titulaire portait lestitres d'archevque d'Ipek et de toute la Serbie, de Bulgarie (2),de Primorie, de Dalmatie, de Bosnie, d'au del du Danube, etpatriarche de tout l'Illyrique (3).

    Vers la fin du dix-septime sicle, il s'accomplit, dans les pro-vinces serbes conquises par la Turquie, des vnements impor-tants, qui eurent une influence dcisive sur les destines reli-gieuses de la nation. En 1689, Arsne III Tsernoevitch, quitait Montngrin d'origine, succdait Maxime sur le trnepatriarcal d'Ipek. A ce moment, l'empereur Lopold, roi deHongrie, s'apprtait soulever l'Orient chrtien contre les Turcs.Le 6 avril 1690, par l'intermdiaire du patriarche Arsne, ilinvita tous les chrtiens de la Turquie d'Europe venir sans

    (1) Voici notamment ce qu'on lit dans une lettre de Gerlach Martin Crusiusen 1575 : Archiepiscopi extraordinarii, Byzantinum tamen agnoscentes, 1res a meivperiuntur. Primus Hexiou (urbis Servi;i?j xal Trar,; Sepia;, secundus 6 'AxpiSo'wxal Tipir,; 'louativiav/;; xal 7rar, BoyXyapia, tertius (lipia; (Georgiantej zalxaoXtxo; Xvouaiv. (Tureo-Grcia, p. 194.)

    (2) Il y avait des Bulgares sous le patriarche serbe; mais le patriarcat bulgare,sigeant Ochrida, a continu son existence spare jusqu'en 1765.

    (o) Note manuscrite du P. Martinov. Cette statistique se rapporte l'anne 1751.

  • LA SKIlBir; CHRTIENNE. 29

    crainte sur son territoire en abandonnant leurs foyers. Il lesexhortait prendre les armes contre les Turcs, se placersous les ordres des gnraux impriaux, et leur fournir toutce qui serait ncessaire. Lopold s'engageait conserver ceschrtiens leurs usages, leurs lois, leurs droits et leurs immu-nits, comme avant la conqute. A cet appel, Arsne, suivide 37.000 familles serbes, traversa la Save et fut install dansla Syrmie, la Batchkie, et le banat de Temesvar. Nous racon-terons plus tard les destines de ces rfugis.Un autre patriarche serbe fut plac par les Turcs sur le trne

    dTpek, en remplacement d'Arsne Tsernoevitch. En 1737, unde ses successeurs, nomm Arsne Joannovitcli, sur de nou-velles instances des Impriaux, souleva aussi sa nation contrela Porte. Les chrtiens furent dfaits par les Turcs sur les bordsde la Kolubara, et leurs dbris allrent rejoindre, au del de laSave, les rfugis de 1690. Parmi eux se trouvait le patriarcheJoannovitch (1). Les Turcs pourvurent de nouveau au patriarcatd'Ipek, devenu encore vacant par cette fuite.

    C'tait l'poque o les Grecs commenaient prendre unegrande influence dans la direction de la politique turque. Sousprtexte de soustraire les Slavesl'action des princes autrichiens,Jean Ypsilanti conseilla la Porte de placer les Slaves, sous desvques grecs (2). En 1703, Samuel, patriarche de Constanti-nople, obtint, moyennant un tribut la Porte de 63.000 aspres,la suppression du patriarcat serbe Ipek (3), dont le der-nier titulaire s'appelait Callinique. Voici, du reste, la liste despatriarches qui se succdrent sur le trne d'Ipek depuis la fuitedu premier Arsne en 1690 : Callinique P', Athanase, Moyse,Arsne Joannovitch, le fugitif de 1737, Athanase, Gabriel II,Gabriel III, Vincent, Paisia, Cyrille, Gabriel IV, Basile Ber-kitch (4), enfin Callinique.

    Deux annes aprs, et grce la mme influence grecque, lepatriarcat bulgare d'Ochrida fut aussi supprim (5).

    (1) Ranke, Histoire de Serbie, chap. ii. Ducange, Ilh/ricum novinn ac velus.tractatio posterior, chap. iv. E. Picot, les Serbes de Hongrie.

    (2) Histoire de Vinsurrection grecque, par Philimon, t. II, p. 2 et 3 (en grec).(3) Pouqueville, l'oyai/e de la Grce, t. YI. p. 189.(4) Ne pas conl'oiidre ce Basile avec son homonj-me, vque du Montngro,

    lequel se rfugia et mourut en Russie o il crivit l'histoire de son pays. Le PreIMartinov en a publi la traduction en franais.

    (5) Yoiv la Bulgarie chrtienne, in-12; Paris, Duprat-Chailamel.

  • 30 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    Il est intressant de voir de quelle manire fallacieuse cettedouble suppression a t justifie Constantinople.

    Acte formul lors de rabolition des archevchs cVOchrida etd'Ipek, et qui a t dpos dans les archives du pcdriarcatde Constantinople,

    Il est donn ceux qui rgnent lgalement et rellementde faire des lois et de dominer au moyen de hatti-chrifs (d-crets) : ainsi fait le trs puissant et ternellement auguste, le

    victorieux, notre matre et roi, sultan iMoustapha, dont le rgnesoit ternel !

    C'est le propre des hommes sages de ne pas se fier auxmots, mais d'examiner si ces mots sont d'accord avec les choses ;il appartient aux interprtes de la loi de rtablir la lumiredans la confusion qui rsulterait de l'oubli de cette rgle. Carsouvent des erreurs arrivent non seulement par le fait de ceux

    qui se font un mtier de jouer sur les mots, mais encore de lapart d'individus qui ont intrt dguiser la ralit sous lesmots, cacher leur honte sous une dnomination respectable.C'est ainsi qu'il en est qui dcorent un brigand du nom de roi,le vol du nom de butin, et leur volont du nom de loi.

    Nous savons que near signifie ordonnance ou dcret royal,laquelle a pour but de redresser ce qui tait fauss ou d'tablir

    une loi l o il n'y en avait point, c'est ce que nous appelonsditaxin, les Romains sacra et les Turcs hatti-chrif. Il estdu devoir du lgislateur de redresser ce qui n'est pas bien, etnon pas de pervertir ce qui est bien. Or, il est arriv plusieursdes ntres, gens obscurs et ignobles (il le faut avouer), quiavaient usurp le sceptre, de profaner ce nom de near en re-vtant des actes qui avaient pour but, non de consolider lebien, mais de renverser les institutions les plus saintes, cou-vertes de la sanction de l'glise. En effet, dtruisant l'harmoni-que unit de notre glise, ils en ont dtach les deux sigesd'Ochrida et dlpek pour en faire deux siges autonomes, etils ont consacr ce dmembrement par des near qui ont t lacause de bien des maux. Ds lors ces maux ont commenc et ilssont toujours alls croissant, car il n'y avait personne pour lesrprimer, maux qui portaient l'glise des menaces de destruc-

  • LA SERBIE CHRTIENNE. 31

    lion, car souvent ces ignobles intrus des deux siges se renver-saient l'un l'autre et s'arrogeaient le titre de patriarche. Ilsgouvernaient leurs glises d'une faon dtestable en mettanttout feu et sang, en accumulant dettes sur dettes, en pers-cutant, pillant, exilant les voques qui avaient le malheur dedpendre d'eux. Les pieux chrtiens de ces malheureuses rgionsont support des avanies aussi graves et se sont vus au momentde disparatre des parchies. Lorsque les dsastres furent arrivs leur comble, les chefs religieux de ces deux parchies, accom-pagns de leurs ouailles, s'enfuirent, devant la dtresse, danscette capitale. Appuys par l'opinion des chrtiens de leurs paysrespectifs, ainsi que par celle des archevques qui avaient ant-rieurement donn leur dmission des deux siges en question,ils prsentrent une ptition la Sublime Porte afin que lesdeux archevchs disparussent et fussent incorpors dans l'u-nit de notre trne trs saint, apostolique et cumnique.

    Notre puissant souverain. Dieu prolonge sa vie! s'tant gra-cieusement inclin ces prires ardentes et ayant mis unnear ou hatti-chrif en vertu duquel les deux archevchs etles parchies qui en dpendent sont tout jamais runis notretrne de Constantinople, pour en recevoir dsormais la nomi-nation de leurs pasteurs et la direction de leur administration,nous avons rendu grces Dieu, qui a voulu inspirer notrepuissant souverain ce dcret, que nous appelons une vraie loiroyale, parce qu'elle est conforme l'utilit de ces deux glises,et qu'elle provient de celui qui est notre roi lgitime et portele sceptre par succession.

    En tmoignage ternel de cette grce obtenue dans cesderniers temps, notre lettre patriarcale et synodale ci-dessus at insre dans les archives sacres de la grande glise duChrist, l'an de salut 17G7. Le patriarcat de Constantinople faisait ainsi rentrer les Serbes

    dans son giron; mais Samuel ne retrouva pas, en 1765, le trou-peau aussi nombreux que son prdcesseur Thophane l'avaitalin en 1376. Les migrs d'entre la Save et le Danube res-trent sous l'autorit du chef spirituel qui avait fui avec eux etdont nous raconterons plus tard les destines. D'un autre ct,l'vque de Montngro continua pendant quelque temps dereconnatre l'autorit du patriarche migr des Serbes.

  • IV

    LA SERBIE. PRINCIPAUTE ET ROYAUME.

    La priode qui s'coula entre l'abolition du patriarcat d'Ipeket la reconstitution de la principaut est la plus triste pourl'glise serbe dans l'empire ottoman. Le patriarcat de Cons-tantinople envoyait des prlats grecs, trangers au pays etobligs de reprendre sur leurs ouailles les sommes que leurexaltation leur avait cotes. La Serbie se trouva alors exacte-ment dans la situation contre laquelle la Bulgarie se dbattaitnagure.Une telle situation ne pouvait pas survivre la domination

    directe de la Turquie, dont les Serbes russirent s'affranchir,avec le concours diplomatique des Russes, par une lutte quicommena en 1806 et ne fut termine qu'en 1830. Il y avaitdeux partis prendre : ou constituer Vglise serbe vis--vis lepatriarcat de Constantinople dans une condition analogue celle que Vtat serbe avait conquise vis--vis le trne du Sultan,ou la rattacher l'ancien sige fond autrefois Ipek parles princes de Serbie et actuellement transfr Carlovitz. Lesprventions contre l'Autriche, sur le territoire de laquelle setrouve cette ville, empchrent qu'on s'arrtt au second parti,qui n'et, d'ailleurs, t approuv ni Constantinople ni Saint-Ptersbourg.Le firman de 1830, qui a constitu la demi-indpendance de

    la Serbie, contient le paragraphe suivant : Le mtropolitain et les vques que choisira ladite na-

    tion seront nomms par le patriarche grec de Constantinople,sans tre obligs de se rendre eux-mmes dans cette capitale. Le rglement organique {oustav) donn par la Porte en 1838,

    est plus explicite. C'est le Sultan qui parle au prince de Serbie :

  • LA SKItllK CllIiKTIEN.Xi;. 33

    Art. .")7. Comme les sujets tributaires de la Suljlime Portesont de l'Eglise grecque, je leur ai donn la complte libertd'exercer leur service divin d'aprs les crmonies en usage,ainsi que de se choisir, sous ton assistance et ta surveillance,leur mtropolitain et leurs voques sous la condition que, con-formment aux canons de l'glise, ils seront soumis la puis-sance ecclsiastique du patriarche de Constantinople qui est regarder comme le chef de l'Eglise et du Synode.

    De mme, il est conforme aux privilges accords jadispar la Porte ottomane ses sujets chrtiens que les chefs duclerg administrent entirement les affaires de l'glise en tantqu'elles n'ont pas de rapports avec les affaires politiques. D'uneautre part, les rmunrations et les dotations du mtropolitain,des voques, des igoumnes, des ecclsiastiques et des institu-tions pieuses sont dtermines par le peuple. Ces mmes rgle-ments s'appliquent donc au traitement et la dignit du m-tropolitain et des vques en Serbie.

    Art. .j8. On dterminera en Serbie les lieux o le hautclerg se rassemblera pour tenir conseil sur les affaires con-cernant le mtropolitain, les vques et l'glise.

    Tels sont les actes qui rglrent la condition gnrale de l'-glise dans la principaut serbe et ses rapports avec le patriarcatde Constantinople en 1830 et en 1838.

    Voici les articles de la constitution de 1869, qui ont trait des matires religieuses : cette constitution est, du reste, rem-place par celle de 1889, dont il sera question ultrieurement.

    Art. 11. Le prince Serbe doit tre de religion orthodoxe. Ason avnement, il prte devant la premire assemble nationalele serment suivant :

    Je (le nom) recevant le gouvernement,jure devant Dieu

    tout-puissant et par ce que j'ai de plus sacr et de plus cher aumonde, sur la sainte Croix et sur l'vangile, de conserver in-tacte, la constitution de l'tat, de gouverner conformment cette constitution et conformment aux lois, et d'avoir cons-tamment en vue dans toutes mes tendances et dans toutes mesactions, le seul bien de la nation. En prtant ce serment so-lennel Dieu et la nation, je prends tmoin Dieu, qui jedevrai rendre compte au jour du jugement, et je confirme lasincrit de ce serment en baisant le saint vangile et la croix

    ORIENT CIIRTIEN. 3

  • 34 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    de notre rdempteur Jsus-Christ et qu'ainsi Dieu nie soit enaide! Amen.

    Art. 19. L'hritier du trne serbe doit tre de religion or-thodoxe.

    Art. 31. La religion dominante en Serbie est la religionorthodoxe. Tous les autres cultes reconnus sont libres; la cl-

    bration de leurs crmonies est place sous la protection de la loi

    .

    Nul ne peut arguer des prescriptions de la religion qu'ilprofesse pour se soustraire l'accomplissement de ses devoirs

    de citoyen. Toute agitation (proslytisme) qui pourrait porteratteinte la religion orthodoxe est interdite.

    Art. 119. Les religions reconnues en Serbie ou qui seront

    reconnues par une loi, ont la libert d'exercer publiquementleur culte.

    Art. 120. Le prince est le protecteur de toutes les reli-

    gions reconnues en Serbie. Les organes spirituels de toutes les religions sont sous la

    surveillance du ministre du culte. L'administration des affaires intrieures des cultes est r-

    gle, pour chaque glise, conformment ses canons ; pour l'-glise orthodoxe, elle relve du conseil des vques (synode) et,pour les autres glises, des autorits spirituelles comptentes.

    Art. 121. La correspondance de l'autorit spirituelle del'glise orthodoxe avec les autres autorits spirituelles ou desconciles au dehors, est soumise l'approbation du ministre duculte. La correspondance des ministres des autres religionsavec les autorits et les conciles au dehors doit tre vue et ap-prouve par le ministre du culte.

    Art. 122. Aucun actemanant d'une autorit spirituelleou d'un concile ecclsiastique au dehors ne peut tre publidans la Principaut sans l'autorisation du ministre du culte.

    Les plaintes portes contre les abus des autorits eccl-siastiques de l'un des cultes reconnus par l'tat, sont dfresau ministre du culte.

    Art. 123. Les ministres du culte dans leurs rapports etleurs actes civils, comme en ce qui touche leurs biens, sont

    soumis aux lois communes de l'tat. Art. 124. Toutes les coles et tablissements d'ducation

    sont placs sous la surveillance de l'tat.

  • LA SKHIilK CIIliKTIE.WE. 35

    Art. 12r>. Les tablissements pieux titre priv ne peuventtre considrs comme biens de l'tat, ni recevoir une desti-nation autre que celle qui leur a t assigne par le fondateur.

    Si pourtant le but primitif de l'institution ne peut plus treatteint, alors seulement les ressources disponibles peuvent treappliques d'autres uvres utiles, avec le consentement descurateurs et des administrateurs.

    Les catholiques de la Serbie ont relev jusque vers 1848 dudiocse de Nicopolis-ad-Istrum. Depuis cette poque, ils sont sousla juridiction de l'vque de Diakovo, en Esclavonie. On paraitdsirer Belgrade l'adjonction de la Serbie catholique au vi-cariat apostolique des Franciscains de Bosnie, qui sont de raceet de langue serbe. Les articles 121 et 122 de la Constitutionde 18G9 rendaient difficile la constitution d'une hirarchie r-gulire par la conclusion d'un concordat avec la cour de Rome.La constitution que la Grande-Skoupchtina a donne la

    Serbie en 1889, porte naturellement l'empreinte de la situationdont le tomos de 1879 est l'expression. Voici, du reste, les ar-ticles de cette constitution qui se rfrent la religion :

    Art. 3. En Serbie, c'est la religion orthodoxe orientalequi domine.

    L'glise serbe est autocphale. Elle ne dpend d'aucuneglise trangre ; mais elle maintient l'unit des dogmes avecl'glise orientale cumnique.

    Art. 17. La libert religieuse est absolue. Toutes les reli-gions reconnues sont libres et se trouvent sous la protection dela loi, en tant que leurs pratiques ne portent pas prjudice l'ordre public ou la morale.

    Art. 18. Sont interdits tous les actes pouvant porter pr-judice la religion de l'tat.

    Art. 19. Les citoyens ne peuvent pas invoquer les pres-criptions de leur religion en vue d'luder des devoirs civils oumilitaires.

  • VUNE RESTAURATION RELIGIEUSE,

    En 1876, la Serbie et le Montngro donnaient le signal d'unelutte arme contre la Porte, qui avait pour objet la dlivrancedes autres chrtiens de la Turquie d'Europe, spcialement desBulgares. La Serbie, luttant seule dans la valle de la Moravacontre des forces suprieures, eut beaucoup souffrir. Au moisd'avril suivant, la Russie intervenait et vers la fin de 1877 laSerbie rentrait en campagne. Le trait conclu San Stefanole 3 mars 1878, entre l'empereur Alexandre et le Sultan, stipu-lait, en faveur de la Serbie, outre une extension de territoire,l'indpendance. Ces avantages furent confirms le 13 juillet dela mme anne par le trait conclu Berlin entre les grandespuissances. La Serbie d'Etienne Douschan le Fort tait rentredans la famille des Etats politiques indpendants. Restait laquestion religieuse. L'Eglise serbe allait-elle rester assujettie aufaible lien qui la plaait encore sous la dpendance du patriarcatde Constantinople? La thorie et les faits qui viennent d'trerapports tmoignent que ce n'tait pas possible.

    De part et d'autre, il fut procd plus correctement qu'en1351. Etienne Douschan avait alors fait proclamer l'indpen-dance de son glise par cette glise elle-mme et sans ententepralable avec le sige qui en avait t jusque-l lgitimementle chef. C'tait poursuivre un but lgitime par un procd in-correct. Aussi comprend-on facilement que le patriarche ait d'a-bord rpondu par un anathme la brutalit du procd. Il n'enfut pas ainsi de nos jours. Le prince Milan et le mtropolitainserbe adressrent officiellement une requte au patriarcat, l'effet de faire reconnatre l'autonomie religieuse qui, d'aprsles rgles de l'glise orthodoxe, tait la consquence ncessaire

  • L.V SFJIIII': f'.HI'.KTIKNXK. 37

    de rindpendancc ixjlilique (1). D'un autre ct, il n'y a pastrace que le patriarcat ait voulu rcalcitrer contre une rclama-tion si canonique et si convenablement introduite. Au mois denovembre 1879, le patriarclie Joachim III, assist de son sy-node, rendait un dcret (ts;;,s;) reconnaissant l'Eglise serbecomme autonome et autocphale, conformment aux canons, enraison de son indpendance politique, et cela sans conditions,car on ne peut pas donner ce nom aux recommandations quecontient le louios : c'est l'application des principes qui rgissentl'glise orthodoxe; plus une marque de dfrence filiale, djaccepte par la Grce.

    Ce document, du plus haut intrt, est peine connu. Commetous les actes manant du patriarcat de Constantinople, il estcrit en grec. Nous en donnons une traduction faite sur le texteoriginal et trop littrale pour l'lgance.

    Afin de ne pas tre long, nous avons omis au commencementquelques pages de considrations purement religieuses, qui nesont pas ncessaires pour la suite du raisonnement.

    Il nous semble qu'il ne sera pas indiffrent au lecteur d'avoirsQus les yeux un chantillon authentique du travail religieuxdans ce monde qui nous tient par tant de cts, et que nousne connaissons pas assez. Peut-tre quelques-uns seront-ils sur-pris d'y rencontrer un document de cette valeur. En effet, tantdonne la thorie premire, que nous ne voulons pas discuter,le raisonnement est suivi avec beaucoup de logique; les dduc-tions s'enchanent clairement. Le ton est grave et religieux. On ytrouvera cette abondance qui est le propre des documents reli-gieux, comme des juridiques, et cela si universellement que cecaractre parat tenir la nature de ces actes et ne peut leurtre reproch, A ceux qui s'en scandalisent, je suis toujours dis-pos rpondre comme le tabellion de Molire :

    Notre style est fort boa et je serais un sot.Madame, de vouloir y changer un seul mot.

    Joachim, par la grce de Dieu, archevque de Constanti-nople, la nouvelle Rome, et patriarche cumnique (n du pro-tocole 4, 163).

    (1) Voir les glises autonomes et avtocphales: Paris. Leroux.

  • 38 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    L'glise de Dieu sur la terre, cause de son unit spiri-tuelle, est, et s'appelle le (un, le seul [jJ.x) bercail et le (un, leseul 'v) corps du Christ. Nanmoins, cette unit n'empchapas, ds les premiers temps comme par la suite, l'tablisse-ment, suivant les lieux et les pays, d'glises particulires, d-taches les unes des autres, gouvernes intrieurement par despasteurs, des matres, des diacres de l'vangile du Christ, les-quels leur sont propres, c'est--dire les vques et archevqueset les patriarches : et cela en raison non seulement de l'impor-tance historique dans le christianisme de ces villes et de cespays, mais aussi en raison de la situation politique de leurspeuples et de leurs races. Aussi, pour ce qui concerne le sigede l'ancienne Rome, le trs saint concile cumnique de Chal-cdoine dit-il que les Pres ont donn avec raison ce sigela primaut parce que la ville de Rome rgne (Si to ^aaiXesivTiv TToXtv xsiv^v). Cest d'aprs le mme principe que les centcinquante trspieux vques ont assign une gale prsanceau Trs Saint-Sige de la nouvelle Rome (Constantinople),jugeant avec raison que cette ville ayant t honore par larsidence du souverain et du snat, ainsi que par lesmmes prrogatives que,Rome rancienne capitale, de mmedans les choses ecclsiastiques , elle devait avoir les mmeshonneurs, venant la seconde aprs Rome.

    C'est ainsi que plus tard le trs saint Photius crit : U estd'usage que les droits ecclsiastiques et principalement lesdlimitations changent avec les dominations politiques etles administrcdions.

    Attendu que la principaut de Serbie, trs pieuse et gar-de par Dieu, a t dernirement consolide et agrandie et aobtenu son indpendance politique; que son trs pieux,soutenu par Dieu et srnissime prince, Monseigneur MilanObrnovitch III, et le trs saint archevque de Belgrade, et m-tropolitain de Serbie, Monseigneur Michel, au nom du clergfidle et du peuple pieux, se sont adresss Nous, par lettreset ont rclam une mancipation et une autonomie ecclsias-tiques analogues leur indpendance politique;

    Notre Mdiocrit, avec le Saint Synode qui Nous entoure,compos des trs saints mtropolitains, nos trs chers frres

  • LA SK15UIE CIIIJKTIE.NNK. 39

    dans le Saint-Esprit et co-officiants, nous tant runis cet

    effet dans la salle synodale du grand martyr saint Georges,

    et ayant dlibn'' avec l'assistance du Saint-Esprit, trouvant

    leur demande tout fait raisonnable et conforme l'esprit

    des saints canons et la pratique de l'glise dans tous les

    temps; Nous avons dcrt :

    Que l'glise orthodoxe de la principaut serbe, laquellejusqu' prsent, par l'archevque de Belgrade et mtropoli-tain de Serbie, dpendait et relevait canoniquement de notre

    trs saint, apostolique et patriarcal sige de Constantinople, avec tous les diocses et circonscriptions qui en dpendent,

    c'est--dire toute l'glise comprise dans les limites de la prin-

    cipaut de Serbie agrandie politiquement et finalement affran-

    chie, ayant pour chef, comme toute l'glise orthodoxe catho-

    lique et apostolique le Seigneur, Dieu-homme, notre Sauveur,Jsus-Christ, soit dornavant canoniquement autocphale, in-

    dpendante, s'administrant elle-mme, ayant et reconnaissant

    dans les affaires ecclsiastiques pour chef et prsident l'arche-

    vque de Belgrade et mtropolitain de Serbie, lequel aura au-tour de lui, d'aprs les saints canons, un Synode composdes archevques de sa circonscription ecclsiastique, synodequi, avec lui, gouvernera les affaires de l'glise de la princi-paut librement, dli de toute autre intervention et dans leSaint-Esprit comme les divins et saints canons le prescrivent.

    Ainsi et en consquence, Nous reconnaissons et Nous pro-clamons notre sur spirituelle l'Eglise tablie dans la prin-cipaut de Serbie; Nous l'adressons toutes les glises ortho-doxes de l'univers pour tre reconnue comme telle et

    commmore sous le nom de la Sainte Eglise autocphale de\2i principaut de Serbie. Nous lui confrons tous les privilgeset tous les droits souverains appartenant une autorit eccl-siastique autonome. Ainsi l'archevque de Belgrade et mtropo-litain de Serbie, en officiant, commmorera tout l'piscopatdes Orthodoxes; le chur qui l'entourera commmorera lesbienheureux archevques de son nom. Toutes les choses se r-frant au gouvernement ecclsiastique intrieur seront juges,dlies ou dtermines absolument par lui et le saint synodequi l'entoure conformment l'enseignement vanglique et

  • 40 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    pour le reste la sainte tradition et aux dispositions vnra-

    bles de notre sainte glise orthodoxe. Et, afin de conserver vivante et dans toute sa force et de

    maintenir en tout immuable, l'unit qui existe rciproquemententre la Grande glise du Christ (Constantinople) , et les autresglises autocphales du Christ, l'archevque de Belgrade, mtro-politain de Serbie, d'aprs la rgle traditionnelle et canonique,

    sagement observe entre les glises indpendantes, d'un usagefraternel et rciproque, et d'aprs le lien d'union, doit commmo-rer dans les sacrs dyptiques les trs saints patriarches, rece-

    voir aussi le Saint-Chrme de la Grande glise-mre du Christ Constantinople. Chaque fois qu'un chef du Saint Synodequi l'entoure aura t lgalement proclam, le mtropolitainserbe devra envoyer tous les patriarcats orthodoxes et aux

    autres glises autocphales les lettres d'intronisation d'usage,et se rfrer par des lettres synodales ces mmes glisesdans les ventualits ecclsiastiques d'une porte gnrique,

    qui auraient besoin d'un vote et d'une apprciation plus ten-

    due. Et rciproquement, chacun de ces patriarcats ou glisesautocphales ci-dessus signales fera de mme envers l'gliseserbe suivant, comme Nous disions, la rgle canonique et l'u-

    sage qui ont prvalu, ds le principe, dans l'glise ortho-doxe.

    Dans les parchies qui ont t dernirement annexes laprincipaut de Serbie, il se trouve beaucoup de schismati-ques, clercs ou lacs, partisans du soi-disant exarchat bul-gare, desquels il est parl dans la lettre du mtropolitain deSerbie comme montrant le dsir de la conversion. L'affaire

    de leur admission dans le giron de l'glise orthodoxe, catholi-que et apostolique sera dlie et dcide conformment auxsacrs canons et aux dispositions ecclsiastiques.

    Dans les conditions qui prcdent, la grande glise duChrist Constantinople, sous l'inspiration du Saint-Esprit,ayant "dlibr synodalement, dclare la sainte glise, en Ser-bie, autocphale et indpendante et, la bnissant cordialement entout amour fraternel, fait des vux pour qu'elle persvre fermeet inbranlable dans la foi et dans l'unit spirituelle de l'gliseune, sainte, catholique et apostolique pour la consolidation ducorps du Christ, auquel sont dus toute gloire, tout honneur,

  • LA SKIililK ClIluVriEXXE. 41

    toute adoration avec son Pre ternel et son tout saint, bonet vivifiant Esprit. Ainsi soit-il.

    En l'an du Salut mil huit cent soixante-dix-neuf, au moisd'octobre, indiction huitime.

    {Le Sceau).Sign : Joaciiim, par la grce de Dieu, archevque de Cons-

    tantinople, la nouvelle Rome, et patriarche cumnique.L'(archevque) d'phse, Agathangle a souscrit

    de Nicomdie, Piiilothe, deChalcdoine, Callinique,

    de Dercos, Joaciiim (1),

    de Nocsare, Jrothe,

    de Smyrne, Mltius,

    d'Imbros, Nicpiiore,

    des Phanariophersale, Constaxtix ,

    de Cos, Mltius.

    Conformment aux traditions et la recommandation in-sre au fomos, le mtropolitain de Serbie notifia aux autreschefs d'glises orthodoxes autonomes la reconnaissance del'autonomie serbe. Loin d'impliquer une sorte de dpendancevis--vis de n'importe qui, ces notifications sont, au contraire,

    une preuve d'autonomie, comme les lettres que les souverains

    temporels adressent aux autres souverains, eux seuls eux

    seuls, pour annoncer leur avnement.Le texte de la notification serbe ne nous a pas t commu-

    niqu. Parmi les rponses, une seule a t publie notre con-naissance, celle du synode d'Athnes, Elle est date du 19 jan-vier 1880 et conue dans les termes les plus sympathiques

    .

    Nous n'en citerons que la conclusion, traduite sur une version

    serbe :

    Le Saint Synode adresse, dans une affection fraternelle,cette lettre rglise fraternelle en Jsus-Christ et autoc-phale de Serbie, en lui offrant avec empressement son aide

    fraternelle en toute ncessit, et en attendant la mme chosede son amour. Le Saint Synode envoie avec plaisir son

    (1) Ce prlat a succd sur le trne patriarcal au patriarche du ninic nomdont il est fait ici mention.

  • 42 REVUE DE l'orient CHRTIEN.

    salut votre Saint Synode, en sotihaitant de tout cur aiepeuple serbe la faveur et bndiction du Seigneur et Dieude tous.

    Les autres rponses ne nous sont pas connues.Aprs les plus longues et les plus pnibles tribulations, la pa-

    trie de saint Sava et de Douchan le Fort a compltement re-conquis sous nos yeux son indpendance politique et reli-gieuse; elle a t, comme on dit en droit, restituta in inte-

    (jrum. En outre, d'aprs ce qui prcde, on voit que ce n'estpas une rvolution, une innovation, mais une vritable res-tauration. Et cette restauration, qui a t accomplie suivantla procdure la plus rgulire, est conforme au droit antique,comme la pratique constante de l'glise orthodoxe : Impe-riuni sine patriarcha non staret.

    {A suivre.) Adolphe d'Avril.

  • UNE PAGE

    DE L HISTOIRE DE LGLISE DE MARDINAU COMMENCEMENT DU XVIIP SICLE

    ou

    LES TRIBILATIONS DE CAS ELIA IBN AL OSIR

    RACONTES PAR LUI-MME

    PUBLIES d'aprs LE TEXTE ARABE

    VA^T-PROPOS

    Ce rcit simple et sans prtention nous montre, deuxsicles de distance, le jeu des passions religieuses dansl'Orient chrtien, soit qu'elles restent livres elles-

    mmes, soit qu'une administration cupide les exploite son profit. Le hros du rcit, qui en est aussi l'auteur,n'tait pas un homme vulgaire, et il intresse par sesdfauts comme par ses qualits.

    La situation dans ces pays s'est sans doute modifie,amliore, depuis deux cents ans, mais le gnie et les ten-dances n'y ont pas chang.

    C'est donc ici une lecture attachante et instructive plus d'un titre, cette heure surtout, o les derniers

  • 44 REVUE DE l'orient CHRETIEN.

    vnements politiques et religieux attirent l'attentionsur l'Orient.

    L'original est crit en arabe vulgaire, et se trouve

    Mardin. Nous l'avons traduit sur une copie que nous

    devons l'obligeance de IVF Paulos, vque syrien de

    Dar. Malheureusement, la fin du manuscrit est perdue, et

    c'est en vain que des recherches ont t faites pour la re-

    trouver.

    Fr. S. ScHEiL, 0. P.

    Mossoul. mai 1895.

  • CHAPITRE PREMIER

    En 1700, arriva Mardin un Vartabet (I), Armnien catho-lique, du nom de Meikoun, natif de Mardin, fils du maqdassi (2)Mourad, de la famille des Thazbaz, et lve du Collge de la Pro-pagande , muni des pouvoirs de missionnaire prs les populationsde son pays. Comme tous les habitants de Mardin, peu prs,taient plongs dans les tnbres de l'hrsie, il commena yexposer et expliquer les vrits de la foi catholique, ceux desa nation qui montraient le plus de dispositions, et eut le bonheurde les convertir la foi de leurs pres. Les hrtiques ne man-qurent pas de se remuer, portrent plainte aux autorits turques,enfin perscutrent le Vartabet tant qu'il fut en leur pouvoir.Mais ces perscutions n'eurent d'autre rsultat que de faire aug-menter le chiffre des conversions, si bien que, quand lesArmniens schismatiques virent les no-convertis en nombre

    ,

    ils s'avisrent, par une sorte d'amour-propre national, de leuroffrir leur glise de Sourb-Kwork ou de Saint-Georges, pourla clbration des saints mystres. Le Vartabet leur fit biencomprendre, que tant qu'ils laisseraient dans leur glise un ves-tige de leur croyance, un symbole de leur hrsie, il n'y mettraitpas le pied, ni pour prcher, ni pour y clbrer les saints myst-res. Ils finirent par faire ce qu'il dsirait, mais non sans quecertains prtres ne murmurassent, missent des obstacles labonne entente des partis, et jetassent le trouble dans beaucoupd'esprits. Plusieurs catholiques revinrent mme en arrire, lesdivisions augmentrent, le peuple se partagea en deux camps, etplusieurs personnes de la famille et de l'entourage du Vartabet

    (1) Mt armnien : docteur, prcepteur ; on l'applique maintenant aux prtres.(2) Mot arabe : sacristain.

  • 46 REVUE DE L ORIENT CIIRETIEX.

    se rangrent contre lui. Il ne s'agissait rien moins que de letuer ou de le lapider. Une vieille femme vint, un jour, le frapperen pleine glise

    ,

    pendant qu'il tait occup ses fonctions sacres

    ,

    cassa sa crosse et dchira ses ornements. La secte des Syriensjacobites se mit de la partie et , les divisions et les disputes aug-mentant, le courageux ap3tre crut qu'il valait mieux aban-donner l'glise de Sourb-Kwork, et se transporter dans unevieille glise ruine, situe l'ouest de Mardin, appele deSainte-Barbe. Aprs l'avoir dbarrasse de toutes les ordureset dcombres , il se mit y clbrer les Saints Mystres , pr-cher et administrer les sacrements, et les catholiques ne man-

    qurent pas de s'y rendre en foule, pour se confesser, commu-nier et assister aux offices. Les hrtiques , dont le dpit allaitcroissant, leur firent de nouveau toutes les tracasseries possibles

    pour leur faire abandonner Sainte-Barbe, mais ce fut en vain.Les catholiques ne se laissrent pas rebuter : ils se rendirent denuit leur glise, malgr l'hiver, la pluie et les neiges. Ils fini-rent encore l par attirer de nouveaux adeptes , au vu et au su del'autorit civile. Des prtres mme et des chammas (I) vinrentcette fois eux : ce que voyant , les principaux de la nation leurouvrirent une seconde fois les portes de Sourb-Kwork. Cetteoffre fut agre, et le Vartabet prit bientt tant d'ascendant surles Armniens schismatiques qu'il ne se considra et n'agit plusque comme leur suprieur, faisant disparatre de l'glise lesderniers vestiges de l'hrsie, suspendant les prtres rebellesqui osaient lui faire opposition. Sa rputation se rpandit bienttau loin. Des jeunes chammas, non maris, des meilleures fa-milles catholiques, connaissant parfaitement la langue arm-nienne, accoururent auprs de lui de diffrents endroits, pourse mettre sous sa conduite et tre forms par lui. Non contentde faire leur ducation spirituelle et ecclsiastique, il leurapprenait la grammaire, la logique et la philosophie, etc..D'Aintb il en vint trois : chammas Ibrahim, chammas Ohannet chammas Narss. Ce dernier tait aveugle. Mais les yeux del'esprit remplaaient chez lui les yeux du corps : il savait parcur presque toute l'criture Sainte, et l'interprtait avec laplus grande facilit. A la vue de tant de changements, les quel-

    (1) Ministre de l'autel, on Orient, tenant de l'acoh-te et du sous-diacre, cheznous.

  • iiisTniHi': m: i/ixilise dk .mahdix. 47

    ques prtres armniens mcontents faillirent mourir de dpit.En dsespoir de cause, ils se