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Moins de construction de logements. Le nombre de mises en chantier de logements neufs a reculé en France de 17,6 % entre mars 2009 et février 2010 et le nombre de permis de construire a chuté de 23,5 %. Un parc immobilier vieillissant. Le parc locatif social compte 4,5 millions d’appartements (dont plus d’un million en région parisienne). Près de la moitié de ces HLM (45 %) se trouve dans les grands ensembles construits entre 1950 et 1970. Seuls 20 % du parc ont moins de 20 ans. Un entretien nécessaire. Les associations de défense des locataires estiment que les ensembles locatifs sociaux doivent bénéficier d’une réhabilitation lourde tous les 15 ans. L’année dernière, 90 000 logements sociaux (2 % du parc) ont connu des travaux d’entretien. La moitié ont été financés dans le cadre de l’Anru (Agence nationale de rénovation urbaine). Des travaux très coûteux. Selon l’Union sociale pour l’habitat, les organismes HLM ont dépensé 2,5 Mds pour l’entretien en 2007 (15 % des loyers). téphane Peu, dirigeant de la Fé- dération des offices publics de S l’habitat et président de l’office Plaine Commune Habitat (PCH) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), fait le point sur l’entretien des HLM. Des ascenseurs en panne, des murs fissurés, des logements humides… pourquoi les HLM sont-elles aussi dégradées ? STÉPHANE PEU. Soyons justes, les HLM sont en général bien entrete- nues. Elles consomment 30 % d’énergie en moins que le parc privé, ce qui est un indicateur fiable de l’état des logements. Mais il est vrai que certains bailleurs sociaux, et no- tamment les bailleurs nationaux, qui gèrent 80, 100, voire 150 000 loge- ments, font mal leur travail. Les Beaudottes à Sevran, les Tarterêts à Corbeil, Orgemont à Epinay, le Val- Fourré à Mantes-la-Jolie, par exemple, sont dans un état déplo- rable. Les bailleurs nationaux sont souvent trop éloignés des locataires et des élus. Ils rendent des comptes à leurs actionnaires et réfléchissent plus en termes de bilan comptable que de performance sociale. es tours privées d’ascen- seur un jour sur deux, des immeubles entiers laissés sans chauffage au cœur D de l’hiver, des apparte- ments aux plafonds constellés de taches de moisissure… Le parc so- cial vieillissant (l’énorme majorité des constructions date des années 1970) serait-il en voie de dégrada- tion rapide ? A titre d’exemple, les élus parisiens qui ont examiné la se- maine dernière un rapport sur l’état des ascenseurs dans la capitale ont évalué le nombre de pannes à… 840 000 par an. « Il ne se passe plus une semaine sans qu’une de nos amicales nous alerte sur des pro- blèmes gravissimes d’entretien », confirme-t-on à la CNL (Confédéra- tion nationale du logement). 500 cités prioritaires « Cela n’a rien de surprenant, ex- plique Philippe Denizot, secrétaire confédéral de cette association de défense des locataires. L’Etat donne de moins en moins d’argent aux HLM, notamment depuis la sup- pression des crédits Palulos (NDLR : la prime à l’amélioration des loge- ments à usage locatif, qui finançait les opérations de réhabilitation). Les offices doivent s’adapter. Soit en augmentant leurs ressources, donc les loyers et les charges, soit en dimi- nuant leurs dépenses d’entretien ! » Le constat est tout aussi alarmant dans le secteur privé, où de nom- breuses copropriétés « défaillantes » font l’impasse sur les travaux d’entre- tien. Plus gênant encore : les travaux de réhabilitation ne sont pas forcé- ment menés dans les résidences qui en ont le plus besoin. C’est ce que 14 SAMEDI 15 MAI 2010 L’ACTU e n q u ê t e Retrouvez l’actualité sur www.leparisien.fr et www.aujourdhui.fr REPÈRES Où s’adresser en cas de problème L’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) propose des informations sur la réglementation et le droit du logement (locataires du privé ou du public, propriétaires…). Elle a des antennes dans chaque département. www.anil.org. Agence de Paris au 46 bis, boulevard Edgar-Quinet (XIV e ). 01.42.79.50.50. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) s’adresse en priorité aux occupants de logements privés. Elle propose des informations sur les conditions d’attribution des subventions pour la rénovation. www.anah.fr. Le siège est 8, av. de l’Opéra, à Paris (I er ). 0.820.15.15.15. (0,15 /min.). Coproprietes.org présente les éléments essentiels du fonctionnement de la copropriété. Il dispose d’une rubrique sur les aides pour les copropriétés en difficulté (ingénierie, travaux…), et les acteurs publics à contacter… Les associations de défense des locataires ont des antennes dans de nombreuses résidences. Les principales sont l’Afoc (Association Force ouvrière consommateurs), 01.40.52.85.85, la CGL (Confédération générale du logement), 01.43.66.49.11, la CNL (Confédération nationale du logement), 01.47.00.96.20, la CSF (Confédération syndicale des familles), 01.44.89.69.97. « Le logement doit redevenir une cause nationale » STÉPHANE PEU vice-président de la Fédération des offices publics de l’habitat Avant, tous les quinze ans environ, il y avait une réhabilitation lourde via les subventions. Mais elles ont dis- paru de la loi de finances 2010 ! Il n’existe plus qu’un prêt bonifié pour améliorer la consommation ther- mique du bâtiment, l’écoprêt. C’est important, mais ça ne suffit pas. L’Etat incite les bailleurs sociaux à vendre 10 % de leur parc pour s’autofinancer : un logement vendu permettrait de construire un logement et d’en rénover un autre. C’est la solution ? C’est une vision purement théo- rique ! Elle ne produit pas un loge- ment social supplémentaire. Pour que l’opération soit rentable, il faut vendre les logements déjà amortis, donc les plus anciens, c’est-à-dire ceux où il risque d’y avoir le plus de travaux. Or, les acheteurs ne pour- ront pas supporter à la fois le rem- boursement de leur prêt et les charges liées aux travaux. A terme, on risque de créer des copropriétés dégradées, des futurs Clichy-Mont- fermeil. Par ailleurs, qui va acheter ces logements ? En 2009, 50 000 lo- gements HLM ont été mis en vente en France. Il s’en est vendu 3 800. Que préconisez-vous ? Il faut que le logement redevienne une grande cause nationale. Le bud- get logement, en tout, est passé de 800 Men 2008 à 550 Men 2009 et 480 Men 2010. Le parc privé pose lui aussi de nombreux problèmes… Nous sommes dans une économie de pénurie. Tant qu’on pourra louer des logements en mauvais état, voire insalubres, à des prix exorbitants, rien ne changera ! Il faut donc construire plus mais aussi encadrer davantage la location. La Fondation Abbé Pierre avait proposé de créer un permis de louer. J’y suis favorable. Il y a bien un contrôle technique pour les voitures. Pourquoi n’y a-t-il rien pour les appartements à louer ? PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE PERRIER Condamnés à vivre dans un immeuble insalubre suggère un rapport de la Miilos (Mis- sion interministérielle d’inspection du logement social), soulignant qu’en 2007, près d’un organisme sur deux ne disposait encore d’aucun plan de maintenance du patrimoine. A l’Union sociale pour l’habitat — qui représente la quasi-totalité des offices HLM — on dresse cepen- dant un tableau moins alarmiste. « Le parc social est globalement plus récent et mieux entretenu que le parc privé », rappelle une porte-parole de l’organisme professionnel. « L’année dernière, malgré la suppression des crédits Palulos, pas moins de 90 000 logements (2 % du parc total) ont été rénovés », insiste-t-elle. Du côté du ministère du Logement, la principale réponse aux problèmes de vétusté du logement social tient en quatre lettres : Anru (pour Agence nationale pour la rénovation ur- baine). Créée en 2003, cette agence a pour mission de « remettre à ni- veau » 751 quartiers classés en zone urbaine sensible. Un gigantesque chantier qui n’en est encore qu’à ses débuts. D’ici à 2013, près de 500 ci- tés jugées prioritaires (dont 125 en Ile-de-France) bénéficieront d’une manne de 12 milliards d’euros pour être réhabilitées. « Ce n’est pas la so- lution miracle, tempère Philippe De- nizot, de la CNL. Ce plan a un gros défaut : il concentre tous les crédits disponibles dans les quartiers priori- taires… et rien pour les autres. » BENOÎT HASSE LOGEMENT. Ascenseurs en panne, chauffage défaillant, vétusté. Des milliers de logements sont en mauvais état. En cause : un parc vieillissant qui attend sa rénovation. Vous pointez du doigt une baisse des moyens… Aujourd’hui, l’essentiel des moyens publics est concentré sur les projets de rénovation urbaine (Anru). C’est très bien pour les 751 quartiers qui en bénéficient, mais pour les autres ? Le budget consacré à la réhabilita- tion des logements sociaux ne cesse de baisser alors que le parc vieillit. Stéphane Peu. (LP/ERIC BUREAU.) " Tant qu’on louera des logements en mauvais état, rien ne changera CREIL (OISE), LE 10 MARS. Dans cet immeuble, différents problèmes d’entretien causent des soucis d’humidité, d’isolation et d’électricité aux habitants. (LP/OLIVIER ARANDEL.)

le pârisien

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es tours privées d’ascenseur un jour sur deux, des immeubles entiers laissés sans chauffage au coeur Dde l’hiver, des appartements aux plafonds constellés de taches de moisissure

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�Moins de construction delogements. Le nombre de misesen chantier de logements neufs areculé en France de 17,6 % entremars 2009 et février 2010 et lenombre de permis de construire achuté de 23,5 %.� Un parc immobilier vieillissant.Le parc locatif social compte4,5 millions d’appartements (dontplus d’un million en régionparisienne). Près de la moitié deces HLM (45 %) se trouve dansles grands ensembles construitsentre 1950 et 1970. Seuls 20 %du parc ont moins de 20 ans.� Un entretien nécessaire. Lesassociations de défense deslocataires estiment que lesensembles locatifs sociaux doiventbénéficier d’une réhabilitationlourde tous les 15 ans. L’annéedernière, 90 000 logementssociaux (2 % du parc) ont connudes travaux d’entretien. La moitiéont été financés dans le cadre del’Anru (Agence nationale derénovation urbaine).� Des travaux très coûteux.Selon l’Union sociale pourl’habitat, les organismes HLM ontdépensé 2,5 Mds pour l’entretienen 2007 (15 % des loyers).

téphane Peu, dirigeant de la Fé-dération des offices publics deS l’habitat et président de l’office

Plaine Commune Habitat (PCH) àSaint-Denis (Seine-Saint-Denis), faitle point sur l’entretien des HLM.

Des ascenseurs en panne, desmurs fissurés, des logementshumides… pourquoi les HLMsont-elles aussi dégradées ?STÉPHANE PEU. Soyons justes, lesHLM sont en général bien entrete-nues. Elles consomment 30 %d’énergie en moins que le parc privé,ce qui est un indicateur fiable del’état des logements. Mais il est vraique certains bailleurs sociaux, et no-tamment les bailleurs nationaux, quigèrent 80, 100, voire 150 000 loge-ments, font mal leur travail. LesBeaudottes à Sevran, les Tarterêts àCorbeil, Orgemont à Epinay, le Val-Fourré à Mantes-la-Jolie, parexemple, sont dans un état déplo-rable. Les bailleurs nationaux sontsouvent trop éloignés des locataireset des élus. Ils rendent des comptes àleurs actionnaires et réfléchissentplus en termes de bilan comptableque de performance sociale.

es tours privées d’ascen-seur un jour sur deux, desimmeubles entiers laisséssans chauffage au cœurD de l’hiver, des apparte-

ments aux plafonds constellés detaches de moisissure… Le parc so-cial vieillissant (l’énorme majoritédes constructions date des années1970) serait-il en voie de dégrada-tion rapide ? A titre d’exemple, lesélus parisiens qui ont examiné la se-maine dernière un rapport sur l’étatdes ascenseurs dans la capitale ontévalué le nombre de pannes à…840 000 par an. « Il ne se passe plusune semaine sans qu’une de nosamicales nous alerte sur des pro-blèmes gravissimes d’entretien »,confirme-t-on à la CNL (Confédéra-tion nationale du logement).

500 cités prioritaires

« Cela n’a rien de surprenant, ex-plique Philippe Denizot, secrétaireconfédéral de cette association dedéfense des locataires. L’Etat donnede moins en moins d’argent auxHLM, notamment depuis la sup-pression des crédits Palulos (NDLR :la prime à l’amélioration des loge-ments à usage locatif, qui finançaitles opérations de réhabilitation).Les offices doivent s’adapter. Soit enaugmentant leurs ressources, doncles loyers et les charges, soit en dimi-nuant leurs dépenses d’entretien ! »Le constat est tout aussi alarmantdans le secteur privé, où de nom-breuses copropriétés « défaillantes »font l’impasse sur les travaux d’entre-tien. Plus gênant encore : les travauxde réhabilitation ne sont pas forcé-ment menés dans les résidences quien ont le plus besoin. C’est ce que

14 SAMEDI 15 MAI 2010L’ACTU enquête

Retrouvez l’actualitésur www.leparisien.fr et www.aujourdhui.fr

REPÈRES

Où s’adresseren cas de problème� L’Agence nationale pourl’information sur le logement(Anil) propose des informationssur la réglementation et le droitdu logement (locataires du privéou du public, propriétaires…). Ellea des antennes dans chaquedépartement.www.anil.org. Agence de Paris au46 bis, boulevard Edgar-Quinet(XIVe). 01.42.79.50.50.� L’Agence nationale del’habitat (Anah) s’adresse enpriorité aux occupants delogements privés. Elle proposedes informations sur lesconditions d’attribution dessubventions pour la rénovation.www.anah.fr. Le siège est 8, av.de l’Opéra, à Paris (Ier).0.820.15.15.15. (0,15 �/min.).� Coproprietes.org présente leséléments essentiels dufonctionnement de la copropriété.Il dispose d’une rubrique sur lesaides pour les copropriétés endifficulté (ingénierie, travaux…), etles acteurs publics à contacter…� Les associations de défensedes locataires ont des antennesdans de nombreuses résidences.Les principales sont l’Afoc(Association Force ouvrièreconsommateurs), 01.40.52.85.85,la CGL (Confédération générale dulogement), 01.43.66.49.11, la CNL(Confédération nationale dulogement), 01.47.00.96.20, la CSF(Confédération syndicale desfamilles), 01.44.89.69.97.

« Le logement doit redevenir une cause nationale »STÉPHANE PEU� vice-président de la Fédération des offices publics de l’habitat

Avant, tous les quinze ans environ, ily avait une réhabilitation lourde viales subventions. Mais elles ont dis-paru de la loi de finances 2010 ! Iln’existe plus qu’un prêt bonifié pouraméliorer la consommation ther-mique du bâtiment, l’écoprêt. C’estimportant, mais ça ne suffit pas.

L’Etat incite les bailleurs sociauxà vendre 10 % de leur parcpour s’autofinancer :un logement vendu permettraitde construire un logementet d’en rénover un autre.C’est la solution ?

C’est une vision purement théo-rique ! Elle ne produit pas un loge-ment social supplémentaire. Pourque l’opération soit rentable, il fautvendre les logements déjà amortis,donc les plus anciens, c’est-à-direceux où il risque d’y avoir le plus detravaux. Or, les acheteurs ne pour-ront pas supporter à la fois le rem-

boursement de leur prêt et lescharges liées aux travaux. A terme,on risque de créer des copropriétésdégradées, des futurs Clichy-Mont-fermeil. Par ailleurs, qui va acheterces logements ? En 2009, 50 000 lo-gements HLM ont été mis en venteen France. Il s’en est vendu 3 800.Que préconisez-vous ?Il faut que le logement redevienneune grande cause nationale. Le bud-get logement, en tout, est passé de800 M� en 2008 à 550 M� en2009 et 480 M� en 2010.Le parc privé pose lui ausside nombreux problèmes…Nous sommes dans une économiede pénurie. Tant qu’on pourra louerdes logements en mauvais état, voireinsalubres, à des prix exorbitants,rien ne changera ! Il faut doncconstruire plus mais aussi encadrerdavantage la location. La FondationAbbé Pierre avait proposé de créerun permis de louer. J’y suis favorable.Il y a bien un contrôle techniquepour les voitures. Pourquoi n’y a-t-ilrien pour les appartements à louer ?

PROPOS RECUEILLIS PAR

NATHALIE PERRIER

Condamnés à vivredans un immeuble insalubre

suggère un rapport de la Miilos (Mis-sion interministérielle d’inspectiondu logement social), soulignantqu’en 2007, près d’un organisme surdeux ne disposait encore d’aucunplan de maintenance du patrimoine.A l’Union sociale pour l’habitat— qui représente la quasi-totalitédes offices HLM — on dresse cepen-dant un tableau moins alarmiste.« Le parc social est globalement plusrécent et mieux entretenu que le parcprivé », rappelle une porte-parole de

l’organisme professionnel. « L’annéedernière, malgré la suppression descrédits Palulos, pas moins de90 000 logements (2 % du parc total)ont été rénovés », insiste-t-elle.Du côté du ministère du Logement,la principale réponse aux problèmesde vétusté du logement social tienten quatre lettres : Anru (pour Agencenationale pour la rénovation ur-baine). Créée en 2003, cette agencea pour mission de « remettre à ni-veau » 751 quartiers classés en zone

urbaine sensible. Un gigantesquechantier qui n’en est encore qu’à sesdébuts. D’ici à 2013, près de 500 ci-tés jugées prioritaires (dont 125 enIle-de-France) bénéficieront d’unemanne de 12 milliards d’euros pourêtre réhabilitées. « Ce n’est pas la so-lution miracle, tempère Philippe De-nizot, de la CNL. Ce plan a un grosdéfaut : il concentre tous les créditsdisponibles dans les quartiers priori-taires… et rien pour les autres. »

BENOÎT HASSE

LOGEMENT. Ascenseurs en panne, chauffage défaillant, vétusté. Des milliers de logementssont en mauvais état. En cause : un parc vieillissant qui attend sa rénovation.

Vous pointez du doigtune baisse des moyens…Aujourd’hui, l’essentiel des moyenspublics est concentré sur les projetsde rénovation urbaine (Anru). C’esttrès bien pour les 751 quartiers quien bénéficient, mais pour les autres ?Le budget consacré à la réhabilita-tion des logements sociaux ne cessede baisser alors que le parc vieillit.

Stéphane Peu. (LP/ERIC BUREAU.)

"Tant qu’on louera

des logements en mauvaisétat, rien ne changera

CREIL (OISE), LE 10 MARS. Dans cet immeuble, différents problèmes d’entretien causent des soucis d’humidité, d’isolationet d’électricité aux habitants. (LP/OLIVIER ARANDEL.)

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NÎMES (GARD)DE NOTRE CORRESPONDANT

ucun travail important deréhabilitation n’a été fait«Adepuis la création du quar-

tier il y a quarante ans. Les façadessont sales et, à l’intérieur, les radiateursn’ont jamais été changés ! » Pour laCLCV, association de locataires re-présentée par Christiane Beller, labarre Galilée est l’un des pires im-meubles de ce secteur de Nîmes. De-puis trois ans, 170 logements sontpromis à la démolition. « Il reste en-

’ascenseur est en panne ce jour-là. Ecrit à la main, le petit motL n’échappe à personne dans le

hall. Pas grave, le deuxième, mêmetrès sollicité, arrivera tôt ou tard. Lacabine s’ouvre enfin sur des feuillesde journaux étalées sur une flaquepeu engageante. Petite grimace rapi-dement réprimée. Bienvenue au 84.Avec le 98 et le 144, c’est l’une destrois adresses des tours Carpeaux, si-tuées au cœur d’un quartier popu-laire de Creil. L’ensemble, construiten 1976, comprend 188 logementssociaux vétustes, gérés par la SAHLM de l’Oise. Englués dans lesproblèmes les plus variés, les loca-taires s’illustrent par leur persévé-

OISE

N

Beauvais

CreilCreil

15SAMEDI 15 MAI 2010 L’ACTU enquête

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Ils vivent dans une barre promise à la démolitionseurs est flambant neuve. Ce bloc gri-sâtre doit être démoli d’ici à 2012.«Des familles vivent encoredanscetteHLM poubelle, poursuit MohamedJaffal. Attention, dans le quartier, toutn’est pas la faute des bailleurs sociaux.Des habitants cassent, salissent, nerespectent pas le bien collectif. Maispour la barre Galilée, comme elle estpromise à la destruction, plus rienn’est entrepris. »

PourHabitat duGard, undes plus im-portants bailleurs sociaux du quartier,« il n’y a pasde datebutoirpour lades-

truction. Pour la simple raison quel’on travaille sur de l’humain, au caspar cas, en tenant compte des désirsde relogement. C’est un processuslong et complexe. A chaque destruc-tion, il y a une reconstruction. Pour labarre Galilée, on est intransigeants surles travaux de sécurité. Pour le reste, jepense que tout le monde comprendque l’on ne va pas entreprendre degros travaux sur un immeuble qui vaêtre détruit », expose le chargé decommunication d’Habitat du Gard.

BORIS DE LA CRUZ

Des situationsincroyables� Sans chauffage pendantquatre ans. Les 77 logements du86 avenue Michelet, à Saint-Ouen(Saine-Saint-Denis), vivent à lalimite de l’insalubrité. Murstroués, vitres brisées, filsélectriques pendant dans lecouloir, les propriétaires n’ontjamais fait de travaux. Surtout,les locataires n’ont pas eu dechauffage depuis quatre ans. ASarcelles, les 42 000 résidants duGrand-Ensemble ont subimi-décembre un petit 17oC durantplusieurs jours après une panne.� Des rats partout. Deslocataires de la cité Sorbier àChevilly-Larue (Val-de-Marne)subissent depuis plusieurs moisune invasion de rongeurs à causede travaux dans les caves. Idemà Elancourt (Yvelines) dans lequartier des Nouveaux-Horizons.� Des mois sans ascenseurs.Durant des mois, la copropriétégéante de Grigny (Essonne) avécu au rythme des pannesd’ascenseurs : au plus fort,32 engins sur 155 étaient horsd’usage. Les réparations sontenfin effectuées. A Mantes-la-Jolie(Yvelines), la résidence du Lac aété privée d’ascenseurs de janvierà mars, contraignant les plusâgés à rester chez eux.� Des robinets capricieux. ACombs-la-Ville (Seine-et-Marne), àla résidence HLM des Platanes,des fuites d’eau depuis 2002 fontexploser les charges. Mi-février,un « problème de pression » aprivé d’eau des habitants de latour Sannois d’Argenteuil(Val-d’Oise) près d’une semaine.

Les infernales tours Carpeauxpuis son balcon. « C’est la seulechose de bien », s’exclame la jeunefemme, en passant de la ligne d’ho-rizon à celle de son plafond, atta-quée par l’humidité. Devant uneriche collection d’objets à l’effigie deJohnny Hallyday, Sylvie montre lesdifférents moisissures qui grigno-tent un angle de mur de son appar-tement. « Les infiltrations viennentdes terrasses au-dessus. Quand ilpleut à l’extérieur, il pleut aussi surnos têtes. » Le niveau de dégrada-tion de la salle de bains est égale-ment spectaculaire. « Un état deslieux a été fait il y a un an, mais de-puis, nous attendons. Et deman-dons à être relogés », proteste Sylvie.

Au deuxième étage, Lydie, sonmari et leurs trois enfants se débat-tent avec les problèmes électriques.« Si vous branchez un accessoiresur la prise de la salle de bains, c’estvous qui restez branchés ! Les am-poules, c’est une catastrophe. Nousne sommes pas à la rue, mais nousaimerions vivre décemment. Nouspayons 805 � par mois en loyer et

charges pour un F 5. Où passe doncnotre argent ? »

Un étage plus bas, au 1er, voici lacombative Vanessa, mère de deuxenfants dont un asthmatique. Làaussi, les moisissures avaient prisleurs aises. « J’en ai eu marre d’at-tendre l’intervention du bailleur etj’ai fait jouer mon assurance », ex-plique-t-elle, en faisant défiler surson ordinateur les photos. Mais àpeine refaits, les murs du saloncommencent à suinter de nouveau.Situé au-dessus du hall d’entrée,l’appartement est par ailleurs malisolé. « J’ai 12 oC en hiver et je suisobligée d’utiliser des chauffagesélectriques d’appoint. Ma factureEDF explose », résume Vanessa.

Il y a un an et demi, les habitants ex-cédés avaient affiché leur détressesur des banderoles à leur balcon,avec l’inscription « locataires endanger ». Le bailleur, à 45 km deCreil, aménagera enfin cette annéeune antenne dans les tours Car-peaux. Une petite révolution.

CLA IRE GUÉDON

core une vingtaine de familles qui vi-vent là dans des conditions indé-centes, complète Mohamed Jaffal,responsable d’une autre associationde locataires en faisant le tour du pro-priétaire… Là, il n’y a pas de lumièredepuis plusieurs semaines. Lorsquevous rentrez le soir vous êtes dans lenoir. L’entretien des cages d’escaliersest très mal fait. Des caves sont mu-rées avec des dizaines de kilos d’or-dures à l’intérieur. »

L’immeuble paraît abandonné mêmesi la décoration des cages d’ascen-

rance. Malika a pris la tête d’un col-lectif dont le but est de porter la lutteau niveau judiciaire.

La première bête noire est l’ascen-seur, que Malika ne prend plus, àcause des pannes. « J’ai peur de res-ter coincée. Il n’est pas rare de voir lacabine jouer à l’élastique, passant di-rect du rez-de-chaussée au troi-sième. » Christine confirme et ra-conte sa mésaventure deux joursplus tôt : « L’appel d’urgence ne mar-chait pas et j’ai été obligée d’utiliserle deuxième bouton d’alerte interneà l’immeuble. Ce sont les pompiersqui m’ont délivrée. » Malika choisitdonc les escaliers. Bonne nouvelle :le bailleur vient de les rénover pour36 000 �. Les tags qui ornaient lacage ont enfin disparu.

Au 11e étage, Sylvie, maman dedeux enfants, a une vue superbe de-

CREIL (OISE), LE 10 MARS. 11e ÉTAGE. Humidité et moisissures envahissent l’appartement de Sylvie. (LP/OLIVIER ARANDEL.)

"Quand il pleut

à l’extérieur, il pleutaussi sur nos têtes »SYLVIE, LOCATAIRE AU 11e ÉTAGE

1er ÉTAGE. Chez Vanessa, l’isolation fait défaut. Les chauffagesd’appoint font exploser sa facture d’électricité. (LP/OLIVIER ARANDEL.)

2e ÉTAGE. Chez Lydie, ce sont les problèmes électriquesqui sont récurrents. (LP/OLIVIER ARANDEL.)