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LE « PAYS DE MARI ET DES BÉDOUINS » À L'ÉPOQUE DE SAMSU-ILUNA DE BABYLONE Dominique Charpin P.U.F. | Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale 2011/1 - Vol. 105 pages 41 à 59 ISSN 0373-6032 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-d-assyriologie-2011-1-page-41.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Charpin Dominique, « Le « pays de Mari et des Bédouins » à l'époque de Samsu-iluna de Babylone », Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale, 2011/1 Vol. 105, p. 41-59. DOI : 10.3917/assy.105.0041 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Laurentian University - - 142.51.1.212 - 09/04/2013 01h04. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Laurentian University - - 142.51.1.212 - 09/04/2013 01h04. © P.U.F.

Le « pays de Mari et des Bédouins » à l'époque de Samsu-iluna de Babylone

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LE « PAYS DE MARI ET DES BÉDOUINS » À L'ÉPOQUE DESAMSU-ILUNA DE BABYLONE Dominique Charpin P.U.F. | Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale 2011/1 - Vol. 105pages 41 à 59

ISSN 0373-6032

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Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale, 2011/1 Vol. 105, p. 41-59. DOI : 10.3917/assy.105.0041

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Revue d’Assyriologie, volume CV (2011), p. 41-59

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LE « PAYS DE MARI ET DES BÉDOUINS » À L'ÉPOQUE DE SAMSU-ILUNA DE BABYLONE*

PAR Dominique CHARPIN

Qu'est devenu le royaume de Zimri-Lim dans les décennies qui ont suivi la destruction du palais de Mari ? La réponse « classique » a été résumée par D. Frayne1 : « After the destruction of Mari by Ḫammu-rāpi, the state of Ḫana on the Middle Euphrates, with its capital at ancient Terqa, modern Tell ‘Ashera, emerged as an important power » : cette définition résume la façon de voir qui prévalait en 1990. Depuis, bien des choses ont changé : il a été démontré par A. Podany qu'une partie des rois « de Hana » étaient situés chronologiquement, non pas à l'époque paléo-babylonienne tardive, mais à l'époque médio-babylonienne2. Par ailleurs, de nouveaux documents ont été publiés, sans provenance connue ou issus des fouilles de Khirbet ed-Diniye (Harradum) et Tell Taban (Ṭabatum) ; ils permettent d'affiner notre vision de ce royaume, qui se présente à bien des égards comme le successeur de celui de Mari, détruit par Hammu-rabi de Babylone en 1759. Je voudrais ici reprendre l'examen de ce qu'on appelle souvent le « royaume de Hana » dans la première phase de son existence, sous les rois Yapah-Sumu-abum, Iṣi-Sumu-abum et Yadih-abum3. Cette période d'une vingtaine d'années commença par la recréation d'une dynastie locale lors de la grande révolte contre Samsu-iluna (années 8 à 10) ; elle prit fin avec la défaite de Yadih-abum en l'an 26 du règne de Samsu-iluna. Il nous faudra d'abord déterminer quels étaient l'extension géographique de ce royaume, son nom et sa capitale. Nous analyserons ensuite les nombreuses caractéristiques du royaume

* Cette contribution a été rédigée dans le cadre du projet « ARCHIBAB (Archives babyloniennes, XXe-XVIIe

siècles) », dont la deuxième tranche (2011-2014) est financée par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) au titre des « programmes blancs ». Je remercie très vivement N. Ziegler et Sh. Yamada pour leur invitation à participer à leur projet « SAKURA », qui a été l'occasion de rencontres aussi agréables que fructueuses, tant au Japon qu'en France. J'ai combiné dans le présent article la matière des deux communications que j'avais faites à Paris en mars 2010 et à Tsukuba en octobre 2010 et qui prolongent mes réflexions d'il y a quelques années (« Le “royaume de Hana” : textes et histoire », RA 96, 2002 [2003], p. 61-92, cité ci-dessous comme RA 96). Noter les abréviations employées ci-dessous : – BiMes 16 = O. Rouault, Terqa Final Reports 1. L'archive de Puzurum, Bibliotheca Mesopotamica 16, Malibu, 1984 (de préférence à TFR 1, autre sigle parfois employé pour ce livre) ; – BiMes 29 = O. Rouault, Terqa Final Reports 2. Terqa : les textes des saisons 5 à 9, Bibliotheca Mesopotamica 29, Malibu, 2011 ; – LH = A. H. Podany, The Land of Hana. Kings, Chronology, and Scribal Tradition, Bethesda, 2002.

1. D. R. Frayne, Old Babylonian Period (2003-1595 BC), RIME 4, Toronto, 1990, p. 723. 2. A. Podany, « A Middle Babylonian Date for the Ḫana Kingdom », JCS 43/45, 1991-93, p. 53-62. Voir

depuis A. H. Podany, The Land of Hana. Kings, Chronology, and Scribal Tradition, Bethesda, 2002 (cité ci-dessous comme Land of Hana) ainsi que D. Charpin, RA 96, 2002, p. 73-81.

3. Je me restreins volontairement à cette période, car s'aventurer au-delà du règne de Yadih-abum est difficile tant que les textes découverts par O. Rouault en 1989 lors de la 12e campagne ne seront pas publiés (voir son étude « Cultures locales et influences extérieures : le cas de Terqa », SMEA 30, 1992, p. 247-256). Sh. Yamada a eu le courage de donner dans ce volume une nouvelle hypothèse sur l'ensemble de la chronologie (p. 75-77). Pour une première appréciation de la situation, rédigée en 2003, cf. ma contribution « Histoire politique du Proche-Orient amorrite (2002-1595) », dans D. Charpin, D. O. Edzard & M. Stol, Mesopotamien. Die altbabylonische Zeit = P. Attinger, W. Sallaberger & M. Wäfler (éd.), Annäherungen 4, OBO 160/4, Fribourg & Göttingen, 2004, p. 358-359 (citée ci-dessous comme OBO 160/4).

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de Mari héritées par ce nouvel État. Cependant, la situation géopolitique avait entre-temps assez fortement changé ; nous verrons comment Samsu-iluna, entre l'an 22 et l'an 26, regagna du terrain aux dépens du nouvel État, mais sans réussir à le supprimer.

1. L'EXTENSION DU ROYAUME, SON NOM ET SA CAPITALE

A. Podany a bien résumé la question comme on pouvait le faire en 20024 : « The name of the kingdom is unknown during the Early period, but it was probably “the land of Hana,” as during the Middle period, or perhaps “Mari and the land of Hana” as in the time of Zimri-Lim of Mari. The capital city during this era was probably Terqa, although this is not proven. Terqa is the largest tell in the region that is known to have been within the kingdom and almost all the texts from the Early Hana period come from Terqa. »

Pour reprendre aujourd'hui l'examen de cette question, le plus sain est de partir de la délimitation du territoire gouverné par les trois premiers rois, Yapah-Sumu-abum, Iṣi-Sumu-abum et Yadih-abum : c'est en effet sur ce point que les progrès ont été les plus marquants ces dernières années et ils donnent une idée assez différente de celle qui prévalait jusqu'à présent.

1.1. L'extension géographique du royaume L'extension géographique du royaume peut être déterminée de deux manières. On peut d'abord situer sur une carte les toponymes mentionnés dans les textes de cette époque comme appartenant au royaume des successeurs de Zimri-Lim. On doit par ailleurs tenir compte des lieux où ont été découvertes des tablettes datées par ces rois. Notre analyse commencera par le cœur du royaume (Terqa et Mari), avant de porter sur deux de ses extrémités (Harradum et Ṭabatum).

1.1.1. Terqa Les fouilles régulières du tell Ashara, l'ancienne Terqa, ont révélé pour cette période les archives d'un certain Puzzurum5 ; dans sa maison, on a retrouvé une douzaine de tablettes, pour l'essentiel des contrats d'achat de champs et de maisons. Elles sont datées des règnes de Yapah-Sumu-abum, Iṣi-Sumu-abum et Yadih-abum ; un seul texte date de Kaštiliaš6. La suite des fouilles du tell Ashara a donné des tablettes dont l'éventail chronologique se situe de Yahdun-Lim de Mari à l'époque médio-babylonienne7. Les tablettes issues des découvertes fortuites à Terqa ne sont pas antérieures à Kaštiliaš et vont jusqu'à l'époque médio-babylonienne comprise.

1.1.2. Mari et son alvéole La question de la survie de Mari après la destruction babylonienne du temps de Hammu-rabi est difficile à résoudre. Pendant longtemps a prévalu l'idée d'un abandon total du site. Cependant, les fouilles des années 1980 ont modifié cette approche8 : « Pourtant si l’on se fie aux traces repérées en particulier au chantier A, mais aussi de façon plus ténue ailleurs, il est possible de penser qu’immédiatement après l’incendie généré par Hammurabi des hommes ont continué d’habiter Mari et que cette habitation s’est perpétuée bien au-delà des quelques dizaines d’années qui ont suivi la ruine, et vraisemblablement pendant une bonne partie de l’époque de Khana. Cependant la disparition de l’administration palatiale qui était la raison d’être principale de la cité enlevait toute importance politique au fait qu’une partie de la population ait continué de vivre sur le site. »

4. Land of Hana, p. 20. 5. Les textes ont été découverts lors de la quatrième campagne en 1978 (TQ4) et ont été publiés par

O. Rouault, Terqa Final Reports 1. L'archive de Puzurum, BiMes 16, Malibu, 1984. Voir depuis M. W. Chavalas, « Puzurum, A Homeowner from Khana-Period Terqa », dans R. Averbeck, M. Chavalas & D. Weisberg (éd.), Life and Culture in the Ancient Near East, Bethesda, 2003, p. 153-170.

6. Voir le tableau dans BiMes 16, p. 2. 7. Pour les campagnes 5 à 9, voir O. Rouault, BiMes 29, 2011. 8. J.-Cl. Margueron, « Mari au IIe millénaire », dans H. Gasche et al. (éd.), Cinquante-deux réflexions sur le

Proche-Orient ancien offertes en hommage à Léon De Meyer, MHEOP 2, Gand, 1994, p. 313-320, spéc. p. 319.

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Plus récemment, le fouilleur de Mari a indiqué9 : « Il n'y a donc pas eu abandon complet ou désertification immédiate de la cité, mais maintien d'une vie, pauvre assurément à en croire les témoignages de ce secteur [= le “Chantier A”]. L'érosion empêche d'évaluer l'importance spatiale de cette occupation à la suite de la défaite de Mari. Même si une certaine durée est évidente, il n'est pas possible de l'estimer, ni de connaître les liens qui ont existé avec Terqa. C'est plutôt de l'exploration de la nouvelle capitale régionale [sic] que l'on pourra attendre des renseignements. »

Une seule chose est sûre : aucun bâtiment n'a pour l'instant été retrouvé, dans lequel aurait été conservée une documentation datant de Yapah-Sumu-abum ou de ses successeurs immédiats10. Mais l'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence… On doit en revanche noter que le royaume de Yadih-abum incluait explicitement des localités de l'alvéole de Mari : Dunnum et Ara'itum, mentionnées dans des noms d'années de ce roi, qui commémorent leur fortification11.

1.1.3. Les extrémités du royaume Le hasard des fouilles fait que nous connaissons deux extrémités du royaume, en aval sur l'Euphrate (Harradum) et en amont sur le Habur (Ṭabatum).

Harradum en aval sur l'Euphrate La ville de Harradum a été localisée à Khirbet ed-Diniye, dans le Suhum, à 90 km en aval de Mari et a fait l'objet de fouilles de sauvetage de 1981 à 198412. On y a retrouvé une seule tablette datant de Iṣi-Sumu-abum, mais son importance pour la présente étude est considérable13. À part une tablette datée de Samsu-iluna 6, le reste (une centaine de textes) date de Samsu-iluna 26 jusqu'à Ammi-ṣaduqa 18. Il s'agit manifestement d'un site frontière, dont l'importance était plus militaire que commerciale. On sait d'ailleurs qu'au début du règne de Zimri-Lim, le roi d'Ešnunna Ibal-pi-El II lui avait proposé de fixer leur frontière à Harradum14 ; finalement, Zimri-Lim réussit à contrôler la totalité du Suhum, jusqu'à Hit dont la possession lui fut contestée par Hammu-rabi de Babylone. La chronologie des tablettes les plus anciennes découvertes sur ce site est essentielle pour mieux comprendre la succession des événements15. Harradum a été intégrée au royaume de Babylone au moment de la conquête du Moyen-Euphrate par Hammu-rabi en l’an 32 ; elle en faisait toujours partie en

9. J.-Cl. Margueron, Mari, métropole de l'Euphrate au IIIe et au début du IIe millénaire avant J.-C., Paris, 2004, p. 529b.

10. On doit rappeler que l'unique texte de Mari actuellement publié postérieur à Zimri-Lim (FM 5 3) a été trouvé dans le palais. L'affaire est tranchée « par devant Itur-Mer (= dieu de Mari) et Annunitum (= déesse de Šehrum) » (FM 5 3 : 12-13).

11. RA 96, p. 68 et n. 46 et 47. La localisation est sûre pour Ara'itum, mais pas pour Dunnum : cf. infra n. 26. 12. Les découvertes épigraphiques ont été publiées dans F. Joannès et al., Haradum II. Les textes de la

période paléo-babylonienne (Samsu-iluna – Ammi-ṣaduqa), Paris, 2006 (les textes seront ici cités à la manière du programme ARCHIBAB comme Haradum 2 suivi par le numéro du texte). J'ai réexaminé certains documents de cette publication dans trois études : – « Un édit du roi Ammi-ditana de Babylone », dans D. Shehata, F. Weiershäuser & K. V. Zand (éd.), Von Göttern und Menschen. Beiträge zu Literatur und Geschichte des Alten Orients. Festschrift für Brigitte Groneberg, CM 41, Leyde/Boston, 2010, p. 17-46 ; – « Les pouvoirs locaux à l'époque paléo-babylonienne : le cas du maire et des Anciens de Harrâdum », dans S. Dönmez (éd.), Studies Presented in Honour of Veysel Donbaz DUB.SAR E.DUB.BA.A. Veysel Donbaz'a Sunulan Yazılar, Istanbul, 2010, p. 41-54 ; – « Harrâdum, entre Babylone et le “pays de Mari” », dans E. Cancik-Kirschbaum, J. Klinger & G. G. W. Müller (éd.), Normierung und Emanzipation : Bausteine für eine Kulturgeschichte des 2. Jts. v. Chr. im Alten Orient. Internationales Symposium zu Ehren von Gernot Wilhelm, Berlin, sous presse.

13. Haradum 2 16 ; voir déjà D. Charpin, « Harrâdum entre Terqa et Babylone », NABU 2006/89 et depuis mon étude sur « Harrâdum, entre Babylone et le “pays de Mari” » citée supra n. 12.

14. A.1289+ (Charpin Mél. Garelli, p. 147-159 = LAPO 16 281) : iii (18) … ⸢i⸣-[na-an-n]a i-na DUB ni-iš DINGIR (19) ša tu-ša-ab-ba-lam iš-tu ha-ra-di-im ⸢pa⸣-ṭì-ia ki-in-na « à présent, dans la tablette de serment par le dieu que tu dois me faire porter, fixez ma frontière à partir de Haradum » (cf. encore iii 23).

15. Pour le détail de la démonstration (et notamment la datation de Haradum 2 23 en l'an 6 de Samsu-iluna), voir mon étude sur « Harrâdum, entre Babylone et le “pays de Mari” », § 1.1.2 et § 1.5.

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l’an 6 de Samsu-iluna, comme en témoigne le texte Haradum 2 23, une fois sa date correcte établie. La révolte qui se produisit en l’an 8 de Samsu-iluna n’affecta pas seulement le sud du royaume de Babylone : les gens du Moyen-Euphrate voulurent également reprendre leur indépendance et c’est dans ce contexte que le royaume de Mari fut reconstitué par Yapah-Sumu-abum. Le parallèle entre la Babylonie méridionale et le Moyen-Euphrate s'arrête cependant là. En effet, dès l'an 10, Samsu-iluna avait réussi à reprendre en main les régions révoltées au sud de Babylone. En revanche, sur le Moyen-Euphrate, la sécession fut durable : Yapah-Sumu-abum eut pour successeurs Iṣi-Sumu-abum et Yadih-abum16. C'est seulement au bout de 17 ans qu'eut lieu une tentative de reconquête babylonienne : Samsu-iluna s’empara alors de Harradum (la date la plus ancienne attestée par les textes de Diniye est Samsu-iluna 26 [Haradum 2 2]). Le nom de l’année 28 de Samsu-iluna indique qu'il vainquit Yadih-abum17 : il n’y figure cependant aucune mention de la capitale de ce dernier et on peut penser que le roi de Babylone ne s’en est pas emparé18. Suite à la victoire de Samsu-iluna, le royaume de Yadih-abum a simplement été amputé : la frontière entre Babylone et Terqa passa désormais non plus en aval, mais en amont de Harradum. Le site de Harradum resta une frontière, mais changea de main.

Ṭabatum en amont sur le Habur Il était vraisemblable depuis 2003 que le royaume de Yadih-abum incluait Ṭabatum, grâce à la nouvelle interprétation d'un nom d'année de ce souverain qui commémore la rénovation d'une statue d'Annunitum de Ṭabatum19. Cette conclusion a été confirmée par la découverte en 2007 à Tell Taban, l'antique Ṭabatum, à une vingtaine de kilomètres au sud de Hasseke, d'une tablette administrative portant un nom d'année de Yadih-abum20. Mais c'est surtout la campagne de 2006 qui a été importante, par la découverte d'un lot de 25 tablettes datées de son prédécesseur, Iṣi-Sumu-abum21. Il s'agit des archives d'un certain Yasim-Mahar, qui fut le sugâgum de la localité. Parmi les 16 lettres découvertes, 8 lui ont été adressées, dont trois envoyées par le roi Iṣi-Sumu-abum22. Ce dernier fit à Yasim-Mahar le don de deux champs et d'une maison23. Un texte administratif découvert dans un autre locus en 2005 comporte également un nom d'année de Iṣi-Sumu-abum24. On voit donc qu'à ses débuts, le royaume s'étendit, non seulement le

16. Pour la séquence de ces trois rois, voir RA 96, p. 64 n. 23. On peut aujourd'hui ajouter un argument

supplémentaire en faveur de cette séquence : on possède beaucoup moins de textes datés du règne de Yapah-Sumu-abum que pour celui d'Iṣi-Sumu-abum et encore moins que pour celui de Yadih-abum. On corrigera le lapsus dans mon étude des Mél. Donbaz p. 47, où j'ai écrit : « son premier roi, Iṣi-Sumu-abum » au lieu de « son deuxième roi ». C'est plus probablement Yapah-Sumu-abum qui (re)créa la dynastie.

17. On ne sait toujours pas qui est Muti-Huršana, le second roi nommé comme « hostile » dans le nom de l'an 28 de Samsu-iluna.

18. Le silence du nom d'année peut être interprété comme un indice en ce sens, surtout si on le compare avec la formule de l'an 23 : là, on trouve à la fois mention d'une destruction de « Šehna, capitale du pays d'Apum » et d'autres villes, ainsi que (de la capture ?) de son roi, Yakun-Ašar ; cf. M. J. A. Horsnell, The Year Names of the First Dynasty of Babylon. Volume 2, Hamilton, 1999, p. 211-212.

19. BiMes 16 5, d'après la lecture de M. Guichard, « Divinité des salines mentionnée à Terqa », NABU 2003/8 ; cf. RA 96, p. 68 n. 43.

20. Tab T07-3, compte de grain dont un extrait a été cité par D. Shibata & Sh. Yamada, « The Cuneiform Texts from the 2007 Excavations at Tell Taban : A Preliminary Report », dans H. Numoto (éd.), Excavations at Tell Taban, Hassake, Syria : Preliminary Report on the 2007 Season of Excavations, and the Study of Cuneiform Texts, Tokyo, 2009, p. 87-109 (p. 89-91).

21. Cf. Sh. Yamada, « A Preliminary Report on Old Babylonian Texts from the Excavation of Tell Taban in the 2005 and 2006 Seasons : The Middle Euphrates and the Habur Areas in the Post-Hammurabi Period », Al-Rafidan 29, 2008, p. 47-62 ; Id., « Administration and Society in the City of Ṭābatum as Seen in the Old Babylonian Texts from Tell Taban », dans Al-Rāfidān Special Issue, 2010, p. 247-252 ; Id., « The City of Ṭābatum and its Surroundings : The Organization of Power in the Post-Hammurabi Period », dans G. Wilhelm (éd.) Organization, Representation and Symbols of Power in the Ancient Near East, CRRAI 54, Winona Lake, 2012, p. 591-603.

22. Je normalise ainsi le nom du roi, plus souvent noté Iṣi-Sumu-abi. 23. Tab T06-4, publié par Sh. Yamada, Al-Rafidan 29, 2008, p. 50-54 ; cf. J.-M. Durand, « Nouveaux textes

de Tell Tâban », NABU 2008/43. 24. Tab T05B-39 ; Sh. Yamada, Al-Rafidan 29, 2008, p. 55.

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long du Moyen-Euphrate, mais également le long du Habur inférieur, sa limite septentrionale étant la même que celle du royaume de Zimri-Lim25.

1.1.4. Bilan Le royaume de Yapah-Sumu-abum, Iṣi-Sumu-abum et Yadih-abum, loin de se limiter aux environs de Terqa (le soi-disant « pays de Hana »), était donc presque aussi étendu que le royaume de Zimri-Lim. La seule limite qui nous reste inconnue se situe en amont sur l'Euphrate26 : la frontière du royaume de Mari du temps de Yahdun-Lim englobait Tuttul, alors qu'elle se situait plus en aval sous Zimri-Lim, dans la région de Halebiye27.

1.2. La titulature des rois Comment ce royaume était-il alors désigné ? La titulature des souverains devrait nous donner un indice. Il faut donc comparer celle qui prévalait du temps de Yahdun-Lim et de Zimri-Lim avec celle de leurs successeurs sur le même territoire.

1.2.1. Les attestations du titre de « roi du pays “de Hana” » Mari – Yahdun-Lim : LUGAL ma-riki tu-ut-tu-ulki u ma-at HA.NA : inscriptions du « disque » (RIME 4, p. 602 no 1 : 3-5) LUGAL ma-riki u ma-at HA.NA : inscriptions des briques du temple de Šamaš (RIME 4, p. 605 no 2 : 19) LUGAL ma-ri[ki] u ma-at DUMU si-im-[a-al] : sceau de sa fille Nagiha[tum] (RIME 4, p. 610 no 6 : 3-4) LU[GAL ma-riki …] KUR DUMU.ME[Š] si-im-⸢a⸣-[al …] HA.NAki : tablette scolaire TH00-T6828. – Zimri-Lim : LUGAL ma-riki u ma-at HA.NA : glacière Terqa (RIME 4, p. 625 no 3 : 3-429) ; sceaux I (RIME 4, p. 626 no 4 : 6-7), II (RIME 4, p. 627 no 5 : 4-5) et « III » (RIME 4, p. 627 no 6 : 4-5)30. On trouve la même titulature dans les propositions de traités : celle faite à Hammu-rabi de Babylone, M.6435+ (Durand Mél. Steve, p. 114) : 12, 18, 26 ; celle faite à Atamrum d'Andarig, A.96 (Joannès Mél. Garelli, p. 167-168) : 7, 11, 2', 10'. Également dans les serments de fidélité : M.6060 (Durand Mél. Garelli, p. 52) : 17'-18' (noter ma-at HA.NA.MEŠ) ; M.7259 (Durand Mél. Garelli, p. 48) : 14 ; M.5719 (Charpin Mél. Foster, p. 51-54) : i 10', 13'-14'. Dynastie « de Hana » On ne trouve plus que le titre de LUGAL KUR HA.NA : sceau d'Išar-Lim (RIME 4, p. 730 no 1 : 2) ; sceau d'Iggid-Lim (RIME 4, p. 731 no 1 : 3) ; sceau d'Isih-Dagan (RIME 4, p. 732 no 1 : 3) ; sceau de Qiš-Addu (TQ12-T6 ; Charpin, RA 96, 2002, p. 78) ; sceau d'Ahuni (ici-même, Sh. Yamada, p. 68) ; sceau de Hammu-rabi (RIME 4, p. 733 no 1 : 4).

1.2.2. Approche chronologique L'analyse du tableau ci-dessus permet de montrer tout d'abord la coupure chronologique des attestations : à l'époque médio-babylonienne, Mari avait disparu du titre royal, restreint au seul « pays de Hana ». On aimerait bien savoir comment les rois de l'époque paléo-babylonienne se définissaient, mais on ne

25. Pour cette question, voir ici-même l'étude de N. Ziegler, p. 5-16. 26. À moins que la Dunnum du nom d'année de Yadih-abum dans BiMes 16 6 ne soit l'équivalent de la

classique Birtha, proche de Halebiye (cf. J.-M. Durand, ARM 26/1, p. 126) et non la Dunnum homonyme, située dans l'alvéole de Mari, comme on l'a supposé précédemment (cf. ci-dessus n. 11). Pour la difficulté à distinguer ces deux Dunnum, cf. J.-M. Durand, LAPO 18, p. 507, no 1270 note d.

27. Pour le statut de Tuttul sous Zimri-Lim, voir en dernier lieu L. Marti, « Le ḫazannu à Mari et sur le Moyen-Euphrate », dans L. Kogan, N. Koslova, S. Loesov & S. Tischenko (éd.), City Administration in the Ancient Near East. Proceedings of the 53e Rencontre Assyriologique Internationale. Vol. 2, Babel und Bibel 5, Winona Lake, 2010, p. 153-170, spéc. p. 158-162.

28. A. Cavigneaux & L. Colonna d'Istria, « Les découvertes épigraphiques des fouilles récentes de Mari. État des recherches en janvier 2009 », Studia Orontica 6, 2009, p. 51-68, spéc. p. 53 et photo p. 68.

29. Ne pas restituer [tu-ut-tu-ul.KI] : cf. FM 5, p. 182 n. 90. Il n'y a pas de raison non plus de restituer [ha-na.KI] comme cela a été fait dans RIME 4.

30. Il s'agit du sceau du début du règne, où Zimri-Lim est présenté comme fils de Hatni-[Addu] (MARI 4, p. 337).

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possède aucune empreinte de leurs sceaux31. La question cruciale est en effet de savoir si les rois paléo-babyloniens avaient conservé le titre complet de « roi de Mari et du pays de Hana », autrement dit de savoir si Mari fut gardée dans la titulature de l'époque paléo-babylonienne et n'en fut supprimée qu'à l'époque moyenne. Cette question aujourd'hui ne peut plus être examinée isolément de la résurgence du titre de « roi du pays de Mari » à l'époque médio-assyrienne32. On peut se demander si l'héritage de Zimri-Lim ne fut pas dans un premier temps intégralement recueilli par Yapah-Sumu-abum et ses successeurs de l'époque paléo-babylonienne, avant d'être divisé dans des conditions que nous ignorons : à l'époque moyenne, le titre de « roi du pays de Mari » aurait été porté par les souverains de la région de Ṭabatum, tandis que ceux du Moyen-Euphrate n'auraient conservé que celui de « roi du pays “de Hana” ».

1.2.3. Le sens du titre de « roi du pays “de Hana” » On parle couramment de « pays de Hana » (mât Hana), mais cette appellation pose aujourd'hui un double problème : celui de son sens et corrélativement celui de son emploi selon les périodes. On a longtemps cru que cette appellation avait une valeur géographique. G. Buccellati soulignait ainsi33 : « The region known as Khana—the region of which Mari and Terqa were successively the capitals—was distinct in geographical and geopolitical terms. » Pourtant, dès 1957, le regretté J.-R. Kupper avait bien posé la question en commentant la titulature de Yahdun-Lim sur l'inscription du « disque » : « En réalité, ma-at Ḫa-na désigne le pays occupé par les Ḫanéens et se confond donc sur la carte avec le territoire de Mari. L'énumération porte sur l'ensemble des sujets de Iaḫdun-Lim : d'une part, l'élément urbain, représenté par les deux chefs-villes du royaume, Mari et Tuttul et de l'autre, les non-sédentaires qui reconnaissent l'autorité du roi. Les deux éléments sont complémentaires34. » De fait, la variante dans le titre de Yahdun-Lim sur le sceau d'une de ses filles est cruciale, par l'équivalence qu'elle donne entre mât Hana et mât DUMU Sim'al ; il faut donc lire « pays des Hanéens », équivalent à « pays des Sim'alites ». A. Podany a explicitement plaidé pour un glissement à un sens territorial : « D. Charpin and J.-M. Durand have argued that the term “Hana” referred to the people rather than to the land (Charpin and Durand [1986]), which may have been true during the Mari period. By the time of the Hana kingdom, however, it seems to have taken on a geographical meaning as an actual country » (Land of Hana, p. 12). Pourtant, le seul texte qui pourrait indiquer un tel glissement est une inscription de Tukulti-Ninurta Ier, dans laquelle ce roi dit avoir imposé son autorité sur toute une série de pays, dont « le pays de Mari, le pays de Hana, le pays de Rapiqu et la montagne des Ahlamu »35 ; c'est ce passage qui a entraîné une vision territoriale du « pays de Hana »36. Autrement dit, il faut trancher entre deux traductions qui correspondent à deux interprétations : « roi des Hanéens » (i.e. des Bédouins37), qui met l'accent sur la domination sur un groupe humain38, ou

31. À l'exception de Tab T06-4, publiée par Sh. Yamada, Al-Rafidan 29, 2008, p. 50-54. Parmi les mentions à côté des empreintes de sceau, on lit NA₄ LUGAL : comme on s'y attend, le sceau du roi Iṣi-Sumu-abi a donc été imprimé sur ce document de donation. Malheureusement, la légende de l'empreinte n'a pas pu être déchiffrée ; la photo publiée (H. Numoto, Al-Rafidan 29, 2008, pl. 2) montre la difficulté de l'entreprise.

32. Voir ici-même la contribution de D. Shibata, p. 95-108. 33. G. Buccellati, « The Kingdom and Period of Khana », BASOR 270, 1988, p. 43-61 (p. 44). 34. J.-R. Kupper, Les Nomades en Mésopotamie au temps des rois de Mari, Liège, 1957, p. 30. 35. RIMA 1, p. 273 no 23 : (69) KUR ma-a-ri KUR ha-na KUR ra-pi-qu (70) ù ša-da-an ah-la-mi-i. 36. Kupper, Nomades, p. 41 : « Si les pays de Mari et de Ḫana sont réellement considérés comme des entités

géographiques distinctes, il est possible que le second ait représenté la région de Terqa, centre de l'ancien royaume de Ḫana. »

37. Je rappelle que le terme « bédouin » a, dans la langue française, deux usages. Le plus strict se réfère à l'arabe Bādw et désigne les populations nomades d'Arabie élevant des dromadaires. Mais le terme a des usages dérivés très nombreux (cf. par exemple le Littré [1877], aux connotations coloniales marquées : « 1. Arabe qui vit dans le désert. 2. Par extension, homme sauvage et brutal »). Les puristes ne veulent pas entendre parler de Bédouins pour le deuxième millénaire avant notre ère et ils n'ont pas tort d'un certain point de vue. Mais le terme de « nomades » est tout aussi délicat et son emploi expose à toutes sortes de reproches de la part des anthropologues s'il n'est pas accompagné d'une définition précise. Il faut bien trouver une approximation ! Je remarque, non sans un

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« roi de Hana », qui considère Hana comme le nom du territoire gouverné. Pour ce qui est de l'époque paléo-babylonienne, il me semble difficile d'imaginer qu'à peine vingt ans après la disparition de Zimri-Lim le titre ait pu radicalement changer de sens.

1.3. Mari remplacée par Terqa ? Alors qu'un accord général s'est fait sur l'idée que Terqa a remplacé Mari comme capitale du royaume, on doit noter la prudence de certains auteurs. Ainsi, commentant le passage du titre de « roi de Mari et du pays de Hana » à celui de « roi du pays de Hana », les Buccellati ont-ils noté39 : « The omission of the name of the capital may be significant : it might be, for example, that there was more than one city that served in this function. On the other hand, Terqa may actually have replaced Mari as the new capital – and it is in fact generally so considered by scholars. » Ainsi, Sh. Yamada écrivait récemment40 : « Mari declined completely with its conquest by Hammurabi. Later, Terqa became the capital of an independent kingdom dominating the Middle Euphrates region. »

1.3.1. Terqa capitale : aspects historiographiques C'est avant tout parce que « Mari » a disparu des légendes des sceaux royaux qu'on a conclu que Mari n'était plus la capitale et qu'elle avait été remplacée par Terqa41. Pourquoi Terqa ? Curieusement, ce n'est pas parce que la majorité des textes où apparaissent ces rois ont été découverts à Tell Ashara. En fait, tout remonte à la première tablette du corpus, publiée par Thureau-Dangin en 189742 : une maison dans un quartier de la ville de Terqa43, « appartenant à Šamaš, Dagan, Itur-Mer et au roi Išar-Lim fils d'Iddin-Kakka », fut donnée par le roi Išar-Lim à un de ses serviteurs. On avait donc d'un côté une mention de la ville de Terqa avec un palais, d'autre part le titre de « roi de Hana » porté par Išar-Lim sur le sceau scellant la donation. La maison en question était en effet voisine sur trois côtés du palais (É.GAL). A. Podany a été très prudente dans son commentaire de ce texte : « It was flanked on three sides by palace land44 ». Il est en fait très probable qu'il s'agissait bien d'un palais ; celui-ci n'était cependant pas forcément le palais d'Išar-Lim, ce qui ferait de Terqa sa capitale. On doit en effet rappeler qu'il existait plusieurs palais dans le royaume de Mari à l'époque de Zimri-Lim : non seulement dans la capitale, à Mari, mais aussi à Terqa, Saggaratum, Dur-Yahdun-Lim et Qaṭṭunan45. Le texte LH 10 prouve donc qu'il certain amusement, que certains ont reproché à J.-M. Durand l'emploi du terme « bédouin » pour traduire hanûm (M. Streck, Das Amurritische Onomastikon der altbabylonischen Zeit. Band 1, AOAT 271/1, Münster, 2000, p. 50 §1.43 Anm. 1 ; cf. ma recension dans AfO 51, 2005/6, p. 284b), alors que d'autres lui dénient ce mérite, l'attribuant à I. J. Gelb (P. Michalowski, The Correspondence of the Kings of Ur, CM 15, Winona Lake, 2011, p. 91).

38. Noter encore l'emploi du pluriel dans l'inscription d'Agum-kakrime (dont on s'accorde aujourd'hui à penser qu'elle est authentique) : « I sent (an embassy) to a faraway land, the land of the Haneans (KUR ha-ni-i), and they took Marduk and Zarpanitum by the hand » (traduction F. van Koppen, dans M. Chavalas (éd.), The Ancient Near East. Historical Sources in Translation, Blackwell Sourcebooks in Ancient History, Oxford, 2006, p. 137). Noter le commentaire, traditionnel, du traducteur : « Agum-kakrime brought Marduk and his consort Zarpanitum back from the land of the Haneans, the country around the city of Terqa that was ruled by a local dynasty » (ibid.).

39. G. Buccellati & M. Kelly Buccellati, « Terqa : the first Eight Seasons », AAS 33/2, 1983, p. 47-67 (p. 51). 40. Al-Rafidan 28, p. 55. 41. Rappelons que, jusqu'au début des années 1990, on croyait que les rois qui portaient le titre de « roi de

Hana » dataient de l'époque paléo-babylonienne tardive. C'est seulement avec l'article de A. Podany de JCS 43/45 que leur date réelle, médio-babylonienne, a été établie.

42. RA 4, 1897, pl. XXXII no 85 (= AO 2673), repris dans TCL 1 237 (voir en dernier lieu LH 10, à compléter par mes observations dans RA 96, 2002, p. 83). On sait maintenant que cette tablette date de l'époque médio-babylonienne.

43. Rappelons qu'il faut lire (1) 2 2/3 SAR É i-na URU ⸢GIBIL⸣ki (2) ša uruter-qaki « une maison de 2 2/3 sar dans la ville neuve de Terqa » (cf. RA 96, p. 75).

44. Land of Hana, p. 122 (les italiques sont de moi). 45. C'est ce que montrent plusieurs tablettes, notamment M.12631 et son parallèle M.11776 (pour ces textes,

voir N. Ziegler, FM 4, p. 12 n. 61 ; la tablette ARM 7 277 est un fragment d'une tablette analogue). Il s'agit d'un document enregistrant des apports de bœufs, moutons, objets en or et en argent, etc. La liste commence par É.GAL ma-riki, É.GAL ter-qaki, É.GAL sa-ga-ra-timki, É.GAL BÀDki-ia-ah-du-li-im, É.GAL qa-ṭú-na-anki, É às-qú-di-im.

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y avait, à l'époque médio-babylonienne, un palais dans le quartier de Terqa qui s'appelait âlum eššum « la ville neuve ». Mais il ne prouve pas pour autant qu'on ait affaire au palais de la capitale. Par la suite, O. Rouault a publié une tablette paléo-babylonienne au nom d'année bien intéressant46 : « Année où Yadih-abum a fait […] le palais de Terqa ». S'agit-il de la construction d'un palais dans la capitale ? Mais alors, où habitaient les deux prédécesseurs de Yadih-abum ? Dans un autre palais : à Terqa47, ou ailleurs ? Ou bien s'agit-il de l'agrandissement ou de la rénovation du palais antérieur48 ? Il peut très bien s'agir aussi de travaux dans un des palais du royaume, sans qu'il s'agisse forcément de la capitale. Cette conclusion peut maintenant être corroborée par un nom d'année paléo-babylonien plus tardif 49 : « Année où le roi Šunuhra-Hammu a (re)bâti la porte du palais de Saggaratum. » La question est donc : Terqa fut-elle la capitale du royaume au moment de la création de cette nouvelle dynastie ? Un des éléments pour trancher pourrait être fourni par les divinités par lesquelles sont prêtés les serments des textes juridiques.

1.3.2. La persistance d'Itur-Mer dans les serments Les divinités par lesquelles on prêtait serment dans les textes juridiques retrouvés à Mari n'ont jamais fait l'objet d'une étude systématique. Le tableau qui suit résume les données actuellement disponibles : Yahdun-Lim : – inédit T.309 : (13) MU dda-g[an] (14) ù ia-ah-du-li-[im] (15) IN.PÀ.DÈ.MEŠ (contrat d'achat d'esclave sans indice concernant le lieu de rédaction) Sumu-Yamam : – ARM 8 2 : (16) MU su-mu-ia-ma-am (17) IN.PÀ.DÈ.MEŠ – ARM 8 3 : (16) MU dIŠKUR MU i-túr-m[e-e]r (17) ù sa-mu-mu-ú (18) IN.PÀ.MEŠ Yasmah-Addu : – ARM 8 1 : (28) a-sa-ak dUTU di-túr-me-er IdUTU-ši-dIŠKUR (29) ù ia-ás-ma-ah-dIŠKUR i-ku-ul – ARM 8 4+18 : (11) MU LUGAL dUTU-ši-[dIŠKUR] (12) ù ia-ás-ma-ah-dIŠKUR (13) IN.PÀ.DÈ.MEŠ – ARM 8 6 : (9) a-sa-ak dda-gan dUTU-ši-dIŠKUR (10) ù dia-tu-ur-me-er (11) i-ku-lu – ARM 8 7 : (9’) a-sa-ak dUTU […] (10’) ù dUTU-ši-dIŠKUR i-ku-ul – ARM 8 8 : (7) MU nuLUGAL.BI IN.<PÀ>.BA – ARM 8 9 : MU dda-gan (15) Isa-am-si-dIŠKUR (16) ù ia-ás-ma-ah-dIŠKUR (17) IN.PÀ.DAM – ARM 8 11 : (29) SAR.MEŠ dUTU-ši-dIŠKUR ù [ia-ás-ma]/-ah-dIŠ[KUR] (30) ù a-wi-in DINGIR-šu (31) i-k[u]-lu – ARM 8 14+ : (13) ni-iš dIŠKUR (14) ù LUG[AL] ia-ás-ma-ah-dIŠKUR (15) it-[m]u-ú – inédit A.2282+ : (9) … ni-iš di-túr-me-er (10) ù LUGAL ia-ás-ma-ah-dIŠKUR it-mu – inédit S.108-260 : (9) MU nuLUGAL.BI IN.PÀ.BA Zimri-Lim : – ARM 8 10 : (11) MU* zi**-[ – ARM 8 16+ : (15) a-sa-ak ia-ah-du-li-im (16) ù zi-im-ri-li-im (17) IN.PÀ.BA.DÈ.MEŠ – ARM 8 85+ : (67) ni-iš dda-gan [d]i-túr-me-er (68) dha-na-at ù zi-im-ri-li-im (69) i-ku-ul (voir MARI 8, p. 343-347) – inédit A.2154+ : (24) SAR.MEŠ

di-túr-me-er (25) ù zi-im-ri-li-im (26) IN.PÀ.DÈ.MEŠ

On trouve ensuite ha-la-aṣ ma-riki, ha-la-aṣ ter-qaki, ha-la-aṣ sa-ga-ra-timki, puis des personnes, en commençant par fši-ib-tu, fha-li-ia-tum, ba-ah-di-li-im etc. Mes remerciements à A. Millet Albà, qui m'a communiqué sa transcription de ce document élaborée dans le cadre de la préparation de sa thèse sous la direction de J.-M. Durand.

46. BiMes 16 1 7 : (11) MU ia-di-ha-a-bu LU[GAL].E (12) É.GAL ša urut[er-qaki] (13) ⸢ú⸣-š[e-…]. Le nom de la ville est cassé, mais à peu près sûr ; le verbe est au factitif, mais est-ce ušêpiš(u) comme l'a supposé O. Rouault ?

47. Ce cas est attesté à Babylone, où Samsu-iluna bâtit un nouveau palais qui remplaça celui édifié par Sumu-la-El ; cf. D. Charpin, « Les deux palais de Babylone », NABU 1991/59.

48. Dans ce cas, on attendrait cependant un verbe comme uddišu « il a rénové » (employé à propos d'une statue divine dans BiMes 16 5).

49. O. Rouault, BiMes 29, Terqa 5-2 (= TQ5-T50) : (18') [M]U šu-nu-uh-ru-am-mu LUGAL (19') KÁ É.GAL uru[sa-g]a-ra-timki (20') i-[p]u-š[u]. De la même façon, à l'époque médio-babylonienne, Išar-Lim reconstruisit la grand-porte du palais de Biddah (nom d'année de LH 10) ; plus tard, son petit-fils Isih-Dagan creusa les fondations d'un nouveau palais dans cette ville (nom d'année de LH 12), sans que cela signifie pour autant que Biddah soit devenue la nouvelle capitale du royaume, malgré A. Podany (Land of Hana, p. 65) ; cf. RA 96, p. 75.

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La rédaction des serments des textes juridiques paléo-babyloniens comporte deux possibilités principales. La première consiste en une mention du roi seul, nommé ou pas. Dans le tableau ci-dessus, on relève des cas où le souverain est mentionné par son nom (ARM 8 2 sous Sumu-Yamam ; ARM 8 4+ sous Yasmah-Addu ; ARM 8 10 sous Zimri-Lim) ou seulement par son titre (ARM 8 8 et S.108-260 sous Yasmah-Addu). On note deux cas particuliers : ARM 8 16+, où le nom de Zimri-Lim est précédé du roi alors défunt Yahdun-Lim et ARM 8 11, qui mentionne en plus de Samsi-Addu et de Yasmah-Addu, l'ancêtre divinisé Awin50. Le deuxième schéma « classique » énumère la ou les divinités locales, puis le dieu de la capitale et enfin le roi : ainsi trouve-t-on à Dilbat, appartenant au royaume de Babylone, des serments par Uraš, Marduk et le roi. Les textes juridiques découverts à Mari montrent des schémas très différents. La difficulté principale pour les commenter est notre ignorance quant au lieu de rédaction de la plupart de ces textes. Le texte ARM 8 85+, rédigé à Hanat, fait exception : sont invoqués Dagan (le « seigneur du pays »), Itur-Mer, le dieu de la capitale, Hanat, la déesse locale ainsi que le roi. Très simple est également le cas des textes mentionnant Itur-Mer (dieu de Mari) et le roi (A.2282+ sous Yasmah-Addu ; A.2154+ sous Zimri-Lim) : c'est la formule qu'on attend pour des textes juridiques rédigés dans la capitale. Certains textes ajoutent devant Itur-Mer et le roi une autre divinité : Addu (ARM 8 3 sous Sumu-Yamam) ou Šamaš (ARM 8 1 sous Yasmah-Addu). On ignore en revanche pourquoi certains textes mentionnent seulement Addu et le roi (ARM 8 14+ sous Yasmah-Addu) ou Dagan et le roi (T.309 sous Yahdun-Lim ; ARM 8 6 sous Yasmah-Addu). Curieusement, c'est dans deux lettres qu'on trouve le schéma qui deviendra classique après la chute de Zimri-Lim : – ARM 2 13 : « Il a mangé l'asakkum de Dagan et d'Itur-Mer, l'asakkum de Samsi-Addu et de Yasmah-Addu » ; – ARM 3 19 : « Je leur ai fait prêter un serment par Dagan, Itur-Mer et mon seigneur ».

Ce schéma mentionne Dagan, Itur-Mer et le (ou les) roi(s)51. Itur-Mer étant ici le dieu de Mari, la capitale politique, Dagan figure comme la divinité « régionale ». Il me semble que la situation de Dagan à Terqa, sous Yasmah-Addu et Zimri-Lim, était d'une certaine façon analogue à celle d'Enlil à Nippur. Comme plusieurs auteurs l'ont souligné52, Enlil n'était pas le dieu de Nippur, mais le dieu de tout Sumer : c'était Ninurta le dieu de la ville de Nippur, par qui l'on jurait dans les textes juridiques ou à qui on vouait des religieuses-nadîtum. De la même manière, Dagan était le maître de tout le Moyen-Euphrate, avec son principal temple à Terqa ; mais les véritables dieux de Terqa semblent avoir été la paire formée par Lagamal et Ikšudum. C'est d'ailleurs par ces derniers que l'on prêta serment dans un texte juridique du temps de Zimri-Lim rédigé et découvert à Terqa53 : « Ils ont juré en présence de Lagamal et de Yakšudum. »

Par ailleurs, l'auteur de la lettre M.6607 demandait, à propos du grain à rassembler à Terqa, l'envoi d'ebbum ainsi que des dieux Ikšudum et Lagamal54 ; il est également question du déplacement de ces

50. Pour ce texte, voir D. Charpin, « Les formulaires juridiques des contrats de Mari à l'époque amorrite : entre tradition babylonienne et innovation », dans S. Démare-Lafont & A. Lemaire (éd.), Trois millénaires de formulaires juridiques, Hautes études orientales 48, Genève, 2010, p. 13-42 (p. 23-26).

51. Voir le commentaire de A. Jacquet, « Dagan le Seigneur du Pays : quelques remarques sur Dagan dans la Syrie de l'Âge du Bronze », RA 103, 2009, p. 159-188 (p. 168).

52. R. M. Sigrist, Les sattukku dans l'Ešumeša durant la période d'Isin et Larsa, BiMes 11, Malibu, 1984, p. 7 ; D. Charpin, RA 84, 1990, p. 92b-93a ; W. Sallaberger, « Nippur als religiöses Zentrum Mesopotamiens im historischen Wandel », dans CDOG 1, Sarrebruck, 1997, p. 147-168 (p. 162 et notes 63 et 64).

53. O. Rouault, BiMes 29, Terqa 8-5 (TQ8-21) : (8) … i-na ma-ha-ar (9) dla-ga-ma-al (10) ù dia-ak-šu-di-im it-mu-ma.

54. Extrait cité par J.-M. Durand, « La religion à l'époque amorrite d'après les archives de Mari », dans G. del Olmo Lete (éd.), Mythologie et Religion des Sémites Occidentaux. Volume I. Ebla et Mari, OLA 162/I, Louvain, 2008, p. 161-716 (ci-dessous cité comme OLA 162/I), spéc. p. 363. Comme l'a bien vu J.-M. Durand, ce texte doit être mis en parallèle avec ARM 27 116 : l'auteur de la lettre cherche à éviter que des témoins dans une affaire de disparition expriment le désir qu'un serment soit prêté à Mari devant Itur-Mer. Zimri-Lim devra répondre que ce n'est pas possible en raison de la moisson, ce qui sous-entend que la statue d'Itur-Mer allait dans les champs régler les nombreux litiges qui surgissaient alors.

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deux dieux dans A.359755. Le problème est en outre de savoir quelle était la place exacte du dieu Ikrub-El / Yakrub-El à Terqa à côté de Dagan56. Dans certains contextes pourrait apparaître une volonté de mise en parallèle de Dagan et Itur-Mer : ainsi, les lettres de Dam-huraṣi à Zimri-Lim qualifient respectivement Itur-Mer de « roi de Mari » et Dagan de « seigneur de Terqa »57. Il ne faut cependant pas donner trop d'importance à cette bénédiction, puisqu'une autre met en parallèle « Dagan le seigneur du pagrâ'um et Itur-Mer, roi de Mari »58. Un autre texte exceptionnel considère Itur-Mer comme celui qui donne la royauté sur toute la région des Bords-de-l'Euphrate59 : « Lorsqu'Itur-Mer, mon seigneur, m'eut donné sans réserve le pays de Mari et les bords de l'Euphrate pour (les) posséder et (les) gouverner … ».

Cette inscription votive de Samsi-Addu pourrait bien être une exagération liée aux circonstances lors desquelles Mari tomba en son pouvoir60. La conclusion paraît donc claire : autant Itur-Mer est très directement lié à la ville de Mari, autant Dagan dépasse l'horizon local de Terqa61. Autrement dit : un serment qui mentionne Itur-Mer fait forcément référence à la ville de Mari, tandis qu'un serment par Dagan ne fait pas forcément référence à Terqa. Dans les textes postérieurs à la chute de Mari, les serments sont passés par (Šamaš,) Dagan, Itur-Mer et le roi : Yapah-Sumu-abum : – BiMes 16 8 : (18) [MU] d[d]a-g[an] (19) [d]i-túr-me-er (20) ù LUGAL ia-pa-ah-su-m[u-a-bu-um i-ku-ul] Iṣi-Sumu-abum : – BiMes 16 9 : (18) ni-iš dda-gan di-túr-me-er (19) ù LUGAL i-ṣi-su-mu-a-bu i-[k]u-ul Yadih-abum : – BiMes 16 1 : (19) ni-i[š] dU[TU dda-gan di-túr-me-er] (20) ù ia-[di-ha-a-bu LUGAL] (21) i-k[u-u]l – BiMes 16 2 : (14) MU dUTU dda-gan di-túr-me-e[r] (15) ù ia-di-ha-a-bu LUGAL i-k[u]-ul – BiMes 16 3 : (24) ni-iš dUTU dda-gan di-túr-me-er (25) ù ia-di-ha-bi LUGAL (26) i-k[u]-ul – BiMes 16 4E : (22) n[i]-[i]š [dUTU dda-gan di-túr-me-er] (23) ù ia-d[i-ha-bi LUGAL] (23-bis) iz-k[u-ru] – BiMes 16 5 : (15) MU dUTU dda-gan di-túr-me-er (16) ù ia-di-ha-a-bu LUGAL i-ku-ul – BiMes 16 6 : (27) MU dda-gan di-túr-me-er (28) ù ia-di-ha-a-bu LUGAL (29) i-ku-ul Kaštiliaš : – LH 1 : (26) MU dUTU dda-gan di-túr-me-er (27) ù ka-aš-ti-li-ia-šu LUGAL (28) IN.⸢PÀ⸣ – LH 2 : (26) MU dUTU dda-gan di-túr-me-er (27) ù ka-aš-ti-li-ia-šu LUGAL (28) IN.PÀ – LH 3 : (21) MU dUTU dda-gan di-túr-me-er (22) ù ka-aš-ti-li-ia-šu LUGAL (23) IN.PÀ – BiMes 16 10 : (5') [M]U dUTU dda-gan di-túr-me-er (6') ù k[a-a]š-t[i]-li-ia-šu LUGAL i-k[u]-ul Ammi-madar : – LH 9 : (34) MU dUTU dda-gan di-túr-me-er (35) ù am-mi-ma-dar LUGAL (36) IN.PÀ

L'évolution semble claire : sous les deux premiers rois, ne figurent que Dagan, Itur-Mer et le roi. On ne trouve pas encore Šamaš, qui n'est introduit que sous Yadih-abum (dans 9 contrats sur 10 ; au

55. Extrait cité par J.-M. Durand, OLA 162/I, p. 364. 56. Voir J.-M. Durand, OLA 162/I, p. 239. 57. ARM 10 66 = LAPO 18 1118. Noter aussi dans la lettre de Rip'i-Lim (A.489 déjà cité dans MARI 4,

p. 323, n. 131) : « C’est grâce à la parole de Dagan et d’Itur-Mer que mon seigneur a vaincu ses ennemis. » 58. ARM 10 63 = LAPO 18 1117. 59. MARI 3, p. 42 no 1 : (4) i-nu-ma di-túr-m[e-er] (5) be-lí ma-at ma-ri[ki] (6) ù a-ah i₇UD.[KIB.NUN.NA]

(7) a-na <<bé-li>> be-[li-im] (8) ù ša-pa-ri-[im] (9) ú-ša-ak-li-la-[am]. Ici apparaît le concept de Ah-Purattim, pour lequel voir N. Ziegler, FM 6, p. 221 (par opposition, ici implicite, à Ah-Idiglat, « les Bords-du-Tigre »).

60. On doit d'ailleurs rappeler que le statut de ce texte est celui d'une proposition d'inscription, qui n'a apparemment pas été retenue (cf. mon étude sur « Les inscriptions royales suméro-akkadiennes d'époque paléo-babylonienne », RA 100, 2006, p. 131-160, spéc. p. 153-154). J.-M. Durand a proposé qu'il s'agisse en l'occurrence de deux propositions différentes, sur la face et le revers de la tablette, pour une seule et même offrande (OLA 162/I, p. 358 § 2.1a et b).

61. A. Jacquet, « Dagan le Seigneur du Pays… », RA 103, 2009, p. 167-170.

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même moment, LUGAL passe après le nom du roi). La formule devient alors : Šamaš, Dagan, Itur-Mer et le roi. Elle est attestée sous Yadih-abum, Kaštiliaš et Ammi-madar. On relève toutefois une situation différente dans la donation d'Iṣi-Sumu-abum à Yasim-Mahar, retrouvée à Ṭabatum : – Tab T06-4 : (26) ni-iš dda-gan dIŠKUR ma-ha-ni (27) ù i-ṣi-su-mu-a-bi i-ku-ul « (celui qui réclamerait) a “mangé” le serment par Dagan, Addu de Mahanum et Iṣi-Sumu-abum ».

Il est bien sûr très intéressant de voir ici Addu de Mahanum : s'agit-il de la divinité locale62 ? On doit souligner l'absence d'Itur-Mer et se poser du coup la question du statut de Dagan. Pour Sh. Yamada, il pourrait figurer ici en tant que dieu de la capitale63 : mais alors, comment expliquer la présence d'Itur-Mer dans les contrats rédigés à Terqa ? Sa seconde explication me semble meilleure : Dagan et Addu de Mahanum seraient là comme divinités respectivement des populations sédentaire et nomade. Autrement dit, Dagan serait là comme dieu du Moyen-Euphrate (Ah Purattim) et Addu de Mahanum comme dieu du mât Hana64. On peut donc conclure : la persistance d'Itur-Mer dans les serments, au-delà de la chute de Mari, notamment dans les textes rédigés à Terqa, constitue indéniablement un indice du fait que Mari conserva son statut de capitale.

1.3.3. L'évolution historique On doit prendre en compte notre connaissance plus précise des événements. On sait maintenant que Harradum était sous la coupe de Samsu-iluna en l'an 6 de celui-ci (nom d'année de Haradum 2 2365) : la nouvelle dynastie ne s'est donc pas installée avant cette date. Le royaume d'Iṣi-Sumu-abum s'étendait jusqu'à Harradum (nom d'année de Haradum 2 1666) avant la reprise en main de Samsu-iluna attestée en l'an 26. Dès lors, il apparaît clairement, comme A. Podany l'avait supposé, que c'est à la faveur de la grande révolte contre Samsu-iluna, en l'an 8 de celui-ci, que l'ancien royaume de Mari reprit son indépendance, comme ce fut le cas à Larsa avec Rim-Sin II, à Uruk avec Rim-Anum, à Ešnunna avec Iluni, etc.67. La question est donc de savoir quelle fut la capitale du royaume recréé par Yapah-Sumu-abum : logiquement, puisqu'il s'agit d'une « renaissance », on s'attendrait à ce que ce soit Mari68.

1.3.4. Bilan Il existe des arguments pour considérer que Terqa ne fut pas la capitale du nouveau royaume, mais que Mari fut à nouveau la capitale des Bords-de-l'Euphrate : 1 – l'extension du royaume, qui reprend pour l'essentiel celle du royaume de Zimri-Lim (jusqu'à Harradum en aval sur l'Euphrate et peut-être Dunnum/Halebiye en amont, et jusqu'à Ṭabatum sur le Habur) ; 2 – la présence d'Itur-Mer dans les serments, difficile à expliquer dans les contrats rédigés à Terqa si Itur-Mer n'est pas considéré comme dieu de la capitale ; 3 – la « logique historique » de la rébellion contre Samsu-iluna.

62. Voir ici-même la contribution de D. Shibata, p. 165-180. 63. Al-Rafidan 28, p. 160. 64. Voir ici-même l'étude de J.-M. Durand, p. 157-164. 65. Voir D. Charpin, « Harrâdum, entre Babylone et le “pays de Mari” » (réf. supra n. 15). 66. Voir D. Charpin, « Harrâdum entre Terqa et Babylone », NABU 2006/89. 67. Dans l'inscription où il célèbre sa reprise en main de la situation, Samsu-iluna dit qu'« il tua 26 rois

usurpateurs, ses adversaires » ; RIME 4, p. 387 no 7 : (101) 26 LUGAL ha-am-ma-i (102) za-i-ri-šu i-na-ar. 68. Certes, les choses ne sont pas forcément si simples. Ici, le parallèle avec Rim-Sin II pourrait être

intéressant (cf. OBO 160/4, p. 338-339) : celui-ci fut considéré comme roi de Larsa par Samsu-iluna, mais Rim-Sin II lui-même dans ses noms d'années porte le titre de « roi d'Ur ». Cependant, le titre de « roi d'Ur » avait déjà été porté par certains rois de Larsa, alors que le titre de « roi de Terqa » n'existe nulle part et que Terqa n'avait jamais antérieurement été la capitale d'un royaume. Le parallèle se révèle donc incomplet.

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On doit cependant nuancer le second point, dans la mesure où Itur-Mer continua à être présent dans les serments à l'époque médio-babylonienne, alors même que les rois n'étaient plus considérés que comme « roi des Hanéens », toute référence à Mari ayant été gommée69. Le principal argument contre l'hypothèse de Mari comme capitale du royaume recréé tient au fait qu'elle aurait perdu toute importance après l'an 34 de Hammu-rabi (cf. nom de l'an 35). Il est certain que le grand palais royal a été volontairement détruit : mais si la théorie de l'érosion de la ville ronde est juste70, ne peut-on pas supposer qu'un nouveau palais fut construit sur le tell Hariri, dans la partie qui a disparu, et qui de ce fait ne nous est pas connu71 ? On pourra en avoir la preuve si cette construction nous est un jour documentée par un nom d'année ; en attendant, la question doit rester ouverte. Du moins est-il clair qu'on ne peut plus continuer à parler d'un « royaume de Hana ayant Terqa comme capitale ». Le dernier argument dans ce débat, qui me semble le plus décisif, est donné par la pétition AbB 13 6072. L’affaire se situe au moment où Sin-iqišam était gouverneur (šâpirum) du Suhum. Un certain Zimredda73 prépara une révolte, à laquelle devait participer un dénommé Zimri-Hammu. Le complot fut dénoncé par des gens de Hanat au général (UGULA MAR.TU) Zimri-Hanat, qui en informa le gouverneur. Après enquête, celui-ci emprisonna Zimri-Hammu, mais il le libéra au bout d’un mois. Dès sa sortie de prison, la révolte éclata. Le roi ayant enfin été averti, donna des ordres, mais il était trop tard : les rebelles s’étaient enfuis « au pays de Mari ». Cependant, ils en revinrent plus tard et menacèrent l’auteur de la lettre et les gens de sa famille, qui demandèrent la protection de leur interlocuteur. Il est dommage qu’on ne puisse établir la datation précise de ce document, dans l’état actuel de nos connaissances74. Au moment de cette affaire, le Suhum supérieur (qui avait Hanat pour chef-lieu) était entre les mains du roi de Babylone, la frontière passant sans doute à l’endroit de l’actuelle frontière syro-irakienne : de l’autre côté se situait le « pays de Mari ». C'est indubitablement le royaume de Yapah-Sumu-abum et de ses successeurs qui est ici désigné par cette expression. Au moment où la lettre fut écrite, il est bien possible que Harradum, tenue par Abi-ešuh et ses successeurs, ait toujours constitué la frontière entre le royaume de Babylone et le « pays de Mari »75.

69. Le tableau est le suivant :

– LH 10 (Išar-Lim) : (18) MU dUTU dda-⸢gan⸣ di-túr-me-er (19) ù i-šar-li-⸢im⸣ LUGAL (20) IN.PÀ.DA.E.MEŠ – LH 11 (Igid-Lim) : (14') MU dUTU dda-gan di-túr-me-er (15') ù i-gi-id-li-⸢im⸣ LUGAL (16') IN.PÀ.DA.E.MEŠ – TQ12-6 : (22) MU dUTU dIŠKUR dAMAR.UTU dLÀL d(an-nu-ni-ti) (23) Isa-ú-sa-da-at-ra ù Iqí-(iš-dIŠKUR) (24) IN.PÀ.DA.E.MEŠ (voir RA 96, p. 78 n. 121) – LH 13 (Hammu-rabi) : (27) MU DINGIR ù [LUGAL] (voir RA 96, p. 79) – LH 15 (Hammu-rabi) : (20) MU DINGIR ù LUGAL. On retrouve pour les textes les plus anciens Šamaš, Dagan, Itur-Mer et le roi, donc exactement le même groupe que sous les rois paléo-babyloniens tardifs (Yadih-abum, Kaštiliaš et Ammi-madar). La situation semble avoir été beaucoup plus complexe, à en juger par les indications données par O. Rouault sur les textes découverts en 1989 ; leur publication devrait permettre de trancher les problèmes chronologiques qu'ils posent (cf. RA 96, p. 70-71).

70. Voir en dernier lieu J.-Cl. Margueron, Mari, métropole de l'Euphrate au IIIe et au début du IIe millénaire avant J.-C., Paris, 2004, p. 61-63.

71. Ce palais pourrait d'ailleurs fort bien se trouver sur une partie du tell qui n'a pas encore été fouillée, comme le cimetière, qui constitue un des points hauts du tell Hariri. Si les archéologues jusqu'à présent n'ont jamais formulé une telle hypothèse, c'est en raison de l'accord quasi général pour considérer que Terqa avait alors pris le relais de Mari.

72. Voir déjà mon commentaire de ce document dans OBO 160/4, p. 359. Pour le genre littéraire (on peut également parler de placet), voir D. Charpin, « “Garde ma lettre en témoignage”. Le rôle de la correspondance dans le système juridique mésopotamien de la première moitié du deuxième millénaire av. n. è. », dans U. Yiftach-Firanko et al. (éd.), The Letter : Epistolary Formats in the Ancient World, 3000 BC—AD 533. Proceedings of a Seminar held at the American Academy in Rome with the support of the Institute for the Study of the Ancient World at New-York University, 28-30.9.2008, Philippika, Wiesbaden, sous presse (où la présente référence est à ajouter).

73. Nom qui serait noté Zimri-Addu dans les textes de Mari. 74. Ungnad avait rangé ce document parmi les lettres datant de l’époque d’Ammi-ditana (cf. VAB 6, p. 193),

mais sans donner d'argument. 75. Par la suite, la situation est encore incertaine. O. Rouault a signalé des textes de Terqa datés du règne de

Ammi-ṣaduqa (SMEA 30, 1992, p. 253 ). On relève aussi peut-être une référence à Mari dans AbB 13 77 : 15. On notera les efforts de l'éditeur du texte pour éviter d'y reconnaître une mention de la ville du Moyen-Euphrate, du fait

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On ne peut exclure que Terqa ait complètement recueilli l'héritage de la ville de Mari, si celle-ci a bien été quasiment désertée : le culte d'Itur-Mer aurait été transféré à Terqa76 et Yapah-Sumu-abum, soucieux de continuité, aurait repris le titre de « roi du pays de Mari et des Bédouins ». Mais on doit avouer que l'hypothèse de Terqa comme capitale du royaume recréé lors de la révolte contre Samsu-iluna manque actuellement d'éléments concrets sur lesquels s'appuyer.

2. L'HÉRITAGE DE MARI : JUSQU'OÙ VA LA CONTINUITÉ ?

La continuité entre le royaume de Zimri-Lim et celui recréé une vingtaine d'années plus tard par Yapah-Sumu-abum ne se limite pas aux éléments politico-religieux qui viennent d'être analysés : bien d'autres éléments complètent ce tableau. La continuité est évidente dans les textes de Terqa. Quand Sh. Yamada a publié les premiers textes de Tell Taban à partir de 2008, il a très bien vu l'appartenance de ces documents à la tradition de Mari77. En revanche, l'éditeur des textes de Harradum n'a pas remarqué le caractère mixte de sa documentation, majoritairement de tradition babylonienne, mais qui comporte malgré tout des éléments de la tradition mariote, remontant à l'époque où Harradum a appartenu, non seulement au royaume de Mari, mais ensuite à celui d'Iṣi-Sumu-abum et de Yadih-abum78. Il n'est donc pas inutile de faire le point sur les différents élements de continuité entre le royaume de Mari et celui de Yapah-Sumu-abum et de ses deux successeurs, qu'il s'agisse de l'administration, de la vie juridique, des unités de mesure ou de l'anthroponymie.

2.1. L'organisation administrative La continuité se marque par l'emploi des mots šâpiṭum et sugâgum pour désigner respectivement le « gouverneur » et le « maire », que la tradition babylonienne désigne en revanche comme šâpirum et rabiânum.

2.1.1. Le gouverneur šâpiṭum – Mari : voir B. Lion, « Les gouverneurs provinciaux du royaume de Mari à l'époque de Zimrî-Lîm », dans J.-M. Durand & D. Charpin (éd.), Mari, Ébla et les Hourrites : dix ans de travaux. Actes du colloque international (Paris, mai 1993). Deuxième partie, Amurru 2, Paris, 2001, p. 141-210. – Terqa : i-ba-al-pí-AN ša-pí-ṭim (BiMes 16 3 [Yadih-abum] : 30) ; hi-iṣ-ni-dda-gan ša-pí-ṭì (BiMes 16 5 [Yadih-abum] : 24). – Harradum : [I]na-ap-sú-na-dIŠKUR ša-pí-ṭum (Haradum 2 23 [Samsu-iluna 6] : 3). – Ṭabatum : IGI Isu-mu-ha-am-mi ša-pí-iṭ ⸢uru(?)qa⸣-ṭú-na-anki (Tab T06-4 [Iṣi-Sumu-abum] : 30).

2.1.2. Le « maire » sugâgum – Mari : voir en dernier lieu L. Marti, Florilegium Marianum X. Nomades et sédentaires à Mari : la perception de la taxe-sugâgûtum, Mémoires de NABU 11, Paris, 2008. – Terqa : bi-na-i[š₈-tá]r su-ga-gu (BiMes 16 9 : 23). – Harradum79 : il a existé, selon les moments, deux façons de désigner le responsable de la localité de Harradum : on trouve employé tantôt le terme de sugâgum et tantôt celui de rabiânum. Le terme de sugâgum fut utilisé lorsque Harradum faisait partie du royaume de Haute-Mésopotamie, et continua à

que « the mentioning of the city of Mari during the reign of Ammiṣaduqa is somewhat surprising » (AbB 13, p. 71 note 77.e).

76. Telle est l'opinion de I. Nakata ; voir son étude dans ce volume, p. 129-136. 77. Sh. Yamada, Al-Rafidan 29, 2008, p. 164-165. 78. Pour plus de détails, voir mon étude sur « Harrâdum, entre Babylone et le “pays de Mari” » citée n. 12. 79. Pour plus de détails sur ce point, voir D. Charpin, « Les pouvoirs locaux à l'époque paléo-babylonienne :

le cas du maire et des Anciens de Harrâdum », Mél. Donbaz, Istanbul, 2010, p. 41-54.

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l’être lorsque Mari reprit son indépendance80. C’est ainsi que, du temps où Yasmah-Addu occupait le trône de Mari, un sugâgum de Harradum est mentionné de manière anonyme dans une lettre de La’um ; sous le règne de Zimri-Lim, plusieurs habitants de Harradum sont attestés comme versant leur contribution au titre de la sugâgûtum. En revanche, c’est le terme de rabiânum qui apparaît exclusivement lorsque Harradum fut rattachée au royaume de Babylone. On en trouve une première mention en l’an 26 de Samsu-iluna (Haradum 2 2 : 10). Sous son successeur Abi-ešuh, c’est un certain Habbasanum qui est attesté comme rabiânum. – Ṭabatum : le titre de sugâgum n'est pas attesté, mais le contexte a permis à Sh. Yamada de conclure que Yasim-Mahar était le sugâgum de Ṭabatum81.

2.2. Juridique La continuité se marque en particulier par la clause du châtiment par l'asphalte chaud et par le don de suppléments en argent désignés comme nêbehum.

2.2.1. Châtiment par l'asphalte et amende La formule du châtiment par le versement d'asphalte chaud sur celui qui contesterait l'affaire conclue est attesté sur les quatre sites82 : – Mari : pendant longtemps, la clause n'a pas été attestée dans le corpus des textes juridiques de Mari, mais cette absence étonnante s'explique seulement par l'étroitesse de l'échantillon. Elle figure dans l'inédit A.2154+ : (18) ba-qí-ir i-ba-qa-ru (19) Ii<a>-di-da-am ù a-he-šu (20) [x] MA.NA KÙ.BABBAR a-na É.GA[L] (T.21) Ì.LÁ.E (22) ù ku-up-ra-am qa-qa-as-su (23) ⸢uk⸣-ta-ap-pa-rù « Le contestataire qui contestera Yadidum et ses frères devra payer [x] mines d’argent au palais et on enduira sa tête de bitume. » Pour cet emploi de kapârum « enduire de bitume », voir RA 96, 2002, p. 87 § 4.2.3 (où on corrigera la citation de A.2154+) ; pour l'emploi de la 3e personne du pluriel, cf. ci-dessous BiMes 29 TQ9-46 ou la tablette de Haradum 2 23. – Terqa : voir les 13 formules réunies dans RA 96, p. 87. Ajouter les textes supplémentaires de BiMes 29 :

– BiMes 29 Terqa 9-4 (Yahdun-Lim) : (15) … ù ku-up-ra-am em-ma-a[m] (16) a-na qa-qa-di-šu i-ša-ap-pa-ku – BiMes 29 Terqa 6-2 (Kaštiliaš) : (22) ⸢ù⸣ [ku-u]p-ra-am e[m-ma-am] (23) SAG.[DU]-sú ik-ka-p[a-ar]

– Ṭabatum : Tab T06-4 (Iṣi-Sumu-abum) : (28) ku-up-ra-am em-ma-am up-ta-ša!-aš (correction Sh. Yamada : au lieu du ša attendu, le scribe a écrit PA). – Harradum :

– Haradum 2 23 (Samsu-iluna 6) : (11) i-ta-ar Ipu-úz-ra-ta-nu-um (12) i-ba-qá-ar-ma (13) 5 MA.NA KÙ.BABBAR a-na É.GAL (14) Ì.LÁ.E (15) ù ku-up-ra-am a-na qà-qà-di-šu (16) ⸢iš-ša⸣-ap-⸢pa⸣-ku « Si Puzratanum conteste à nouveau, il devra verser 5 mines d'argent au palais et on versera du bitume sur sa tête. » Variante de l'enveloppe : (15) i-ta-ar i-ba-qá-ar-ma (16) 5 MA.NA KÙ.BABBAR (17) [a-na] é-kál-lim (18) [Ì].LÁ.E (19) [ù i]ṭ-ṭá-a ku-up-ra (20) ⸢a-na qá⸣-qá-di-šu iš-ša-ap-pa-ak – Haradum 2 2 (Samsu-iluna 26) : (23) ba!?-[qir] ⸢i⸣-ba-q[á-r]u! 30 MA.N[A! KÙ.BABBAR a-na É.GAL Ì.LÁ.E] (24) ù ku-up!-rum e[m-m]u-um a-na SAG.DU-[šu iššappak] Le premier texte date de Samsu-iluna 6, le second de Samsu-iluna 26. On voit donc qu'au début de la domination babylonienne, du moins avant Abi-ešuh, ces clauses caractéristiques de la culture méso-euphratique ont été conservées.

2.2.2. Les suppléments-nêbehum Des vêtements désignés par le terme nêbehum « ceinture » (plus rarement išrum ou šusippum) étaient donnés à certaines personnes lors de la conclusion d'un contrat. On en trouve des attestations à Mari et à

80. On ne possède qu'un seul texte rédigé à Harradum sous le règne de Iṣi-Sumu-abum, ce qui forme un

échantillon trop limité pour espérer une référence au « maire » de la localité. 81. Al-Rafidan 29, p. 57. 82. Voir de manière plus générale mon étude « Amendes et châtiments prévus dans les contrats paléo-

babyloniens », dans J.-M. Durand, Th. Römer & J.-P. Mahé (éd.), La Faute et sa punition dans les civilisations orientales, PIPOAC 1, Louvain/Paris/Walpole, 2012, p. 1-21.

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Terqa dès l'époque de Yahdun-Lim, mais aussi dans les textes de Terqa postérieurs83. Assez vite, ces dons firent l'objet d'une estimation en argent84 ; finalement, ce fut de l'argent qui fut donné, tout en gardant l'appellation de nêbehum85.

2.3. Unités de mesure La continuité s'observe aussi bien dans la mesure des capacités que dans la mesure du temps.

2.3.1. Mesures de capacité La continuité s'observe de deux façons : par l'usage d'un GUR de 120 qa, mais également par l'emploi de l'unité de compte A.GÀR. C'est donc à la fois la mesure en elle-même et l'écriture de la mesure qui sont en cause86. – GUR de 120 qa :

– Harradum : dans Haradum 2 16 [Iṣi-Sumu-abum], l’intérêt est de 0,0.4 pour 1 GUR. D'après le calcul de F. Joannès, cela correspondrait à un taux de 13,3% ; un tel taux d'intérêt n'est pas connu ailleurs. Cependant, ce calcul repose sur la base d'un GUR de 300 qa. Si l’on admet que l’on utilise le GUR « mariote » de 120 qa et non le GUR babylonien de 300 qa, on retrouve alors le taux habituel de 33%.

– A.GÀR : il s'agit d'un usage purement comptable, selon lequel on n'écrit pas 10 GUR, mais 1 A.GÀR. – Terqa : BiMes 16 6 [Yadih-abum] : (19) 50 A.GÀR ŠE Ì.ÁG.E. Voir désormais les textes de BiMes 29 (index p. 88). – Ṭabatum : Shibata & Yamada Al-Rafidan 30, p. 89-91 (Tab T07-3 [Yadih-abum]) : (20) ŠU.⸢NIGIN₂ 40⸣ A.GÀR 3 GUR ŠE. – Harradum : la notation en A.GÀR a persisté au-delà de la reconquête babylonienne. On relève l'emploi de A.GÀR dans Haradum 2 96 : 1, texte datant de l'an 16 d'Ammi-ditana. On a encore des A.GÀR sous Ammi-ṣaduqa 16 (Haradum 2 104 : 1, 4, 6). Noter cependant le montant de 16,0.5 ŠE GUR au no 50 (sans date) ou 74,0.0 ŠE GUR dans la lettre no 24 : 8, donc sans recours à l'A.GÀR.

2.3.2. Le calendrier et les fêtes religieuses Partout, dans le royaume de Yapah-Sumu-abum et de ses successeurs, était utilisé le calendrier propre à Mari, dont les mois sont attestés à Terqa, Ṭabatum et Harradum87. Ce n'est pas seulement la mesure du temps qui se faisait de manière identique, puisque les noms de mois reflètent de façon étroite certaines fêtes importantes. Cette continuité religieuse se marque en particulier avec un texte découvert à Tell Taban, qui concerne la cérémonie-pudûm, bien attestée dans les archives de Mari88.

83. RA 96, p. 88-90 ; D. Charpin, « Les formulaires juridiques des contrats de Mari à l'époque amorrite :

entre tradition babylonienne et innovation », HEO 48, p. 26-32. Il ne s'agit pas d'un monopole du Moyen Euphrate, puisque la pratique est également attestée dans la vallée de la Diyala (voir D. Charpin, « Mari à l'école d'Ešnunna : écriture, langue, formulaires », dans C. Mittermayer & S. Ecklin (éd.), mu-ni u₄ ul-li₂-a-aš ĝa₂-ĝa₂-de₃. Altorientalische Studien zu Ehren von Pascal Attinger, OBO 256, Fribourg/Göttingen, 2012, p. 119-138, spéc. p. 130).

84. Le texte Terqa 9-4 (BiMes 29 ; Yahdun-Lim) donne à la fois des montants en argent (l. 17, 21, 23), et des indemnités en nature, comme l. 18 1 túgŠÀ.GA.NI ša 1/2 GÍN KÙ.BABBAR NP.

85 . Aux références collectées précédemment, ajouter BiMes 29 Terqa 6-2 (Kaštiliaš) : (24) 1 GÍN K[Ù.BABBAR Š]À.GA.AN.NI Iab-d[i-ra-bi-im] / DUMU gu-⸢si⸣-in. Le présent passage interdit de corriger les graphies ŠÀ.GA.NI en ŠÀ.GA.DÙ comme je l'avais proposé dans RA 96, p. 88 (cf. O. Rouault, BiMes 29, p. 23).

86. Pour cette distinction, voir récemment G. Chambon, Normes et pratiques : l'homme, la mesure et l'écriture en Mésopotamie. I. Les mesures de capacité et de poids en Syrie ancienne, d'Ébla à Émar, BBVO 21, Berlin, 2011.

87. Au tableau donné par Sh. Yamada, Al-Rafidan 29, 2008, p. 59, ajouter Haradum 2 16 : le texte est daté du mois de Lilliyatum, soit le neuvième mois du calendrier de Mari. Pour la persistance de ce calendrier à Ṭabatum jusqu'à l'époque médio-assyrienne, voir désormais D. Shibata, « Continuity of Local Tradition in the Middle Habur Region in the 2nd millennium B.C. The Local Calendar of Ṭābetu in the Middle Assyrian Period », Studia Chaburensia 1, 2010, p. 217-239.

88. Voir ici-même la publication de ce document par Sh. Yamada, p. 137-156.

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2.4. Onomastique Enfin, l'unité du royaume se manifeste dans l'onomastique, qui prolonge des traditions locales plus anciennes. C'est notamment perceptible dans Haradum 2 16, où le nom du débiteur est Mut-Tehran ; Tehran était une localité à la frontière nord du district de Qaṭṭunan89. Un des témoins de ce contrat est ab-du-da-mi (l. 13) : or le dieu Amum (ou Ami) était la principale divinité de Tehran90. On voit donc comment, à Harradum sous le règne de Iṣi-Sumu-abum, vivaient des gens originaires de Tehran, localité proche de Tell Taban (Ṭabatum). Cette continuité est manifestement « naturelle ». J'entends par là qu'elle ne repose pas sur une volonté politique d'affirmer la continuité avec les temps anciens, au contraire de ce que montrent les noms des rois Išar-Lim ou Igid-Lim, qui sont, de façon significative, des souverains de l'époque médio-babylonienne91 : comme si les rois les plus récents avaient encore plus que leurs prédécesseurs éprouvé le besoin de souligner la continuité avec la dynastie de Igid-Lim, Yahdun-Lim et Zimri-Lim de Mari – au point d'avoir déjoué la sagacité des chercheurs modernes, convaincus pendant des décennies d'avoir affaire à des rois paléo-babyloniens…

3. UN CONTEXTE GÉOPOLITIQUE NOUVEAU

Le contexte géopolitique du royaume de Yapah-Sumu-abum et de ses deux successeurs était différent de celui de Zimri-Lim. Le changement concerne avant tout le « triangle du Habur », qui était sous la domination de Mari du temps de Zimri-Lim. Il passa ensuite sous celle de Babylone, comme le montrent notamment les archives de Tell Rimah. Mais Yapah-Sumu-abum et ses successeurs ne réussirent pas à s'y réimplanter, car Alep y avait entre-temps imposé sa suprématie.

3.1. La documentation de Leilan : chronologie et contenu En amont de Ṭabatum, le paysage politique du « triangle du Habur » était très bien connu par les archives de Mari ; on a maintenant un aperçu postérieur à la fin de celles-ci, grâce aux archives de Tell Leilan (qui s'arrêtent en l'an 22 de Samsu-iluna).

3.1.1. Chronologie Les archives de Tell Leilan (l'antique Šehna/Šubat-Enlil, capitale du pays d'Apum) ont révélé l'existence de trois rois successifs : Mutiya, Till-Abnu et Yakun-Ašar92. Deux synchronismes ont rapidement été découverts. Le premier concerne Mutiya : ce roi est associé à un éponyme, Habil-kenum, daté par K. Veenhof de l'extrême fin du règne de Hammu-rabi ou du début de celui de Samsu-iluna93. L'autre point d'ancrage est la mention de Yakun-Ašar dans une variante du nom de l'an 23 de Samsu-iluna94 : c'est donc lui qui occupait le trône de Šehna/Šubat-Enlil au moment de la campagne babylonienne dans le pays d'Apum. Le hasard des fouilles fait que presque toute la documentation sur le règne de Mutiya date d'une seule année, probablement sa dernière (éponymie de Habil-kenum). Or grâce à la liste d'éponymes

89. Pour plus de détails, voir ici-même la contribution de N. Ziegler, p. 5-16. 90. J.-M. Durand, OLA 162/I, p. 228-230 et 307. 91. La place chronologique du roi Zimri-Lim fils de Yadih-abum est encore débattue : cf. RA 96, p. 70-71 et

ici-même l'étude de Sh. Yamada, p. 76. 92. Voir J. Eidem, « The Tell Leilan Archives 1987 », RA 85, 1991, p. 109-135 et en dernier lieu « Apum : A

Kingdom on the Old Assyrian Route », dans K. R. Veenhof & J. Eidem, Mesopotamia. The Old Assyrian Period, OBO 160/5, Fribourg/Göttingen, 2008, p. 265-352 (cité ci-dessous comme OBO 160/5).

93. K. R. Veenhof, « The Sequence of the “Overseers of the Merchants” at Sippar and the Date of the Year-Eponymy of Habil-kēnum », JEOL 30, 1987-88, p. 32-37, à compléter par ma note de NABU 1990/9.

94. Voir mon étude sur « Šubat-Enlil et le pays d'Apum », MARI 5, 1987, p. 136 et n. 39 ; et depuis M. J. A. Horsnell, Year-Names Babylon 2, p. 211 et n. 117.

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publiée récemment par C. Günbattı (KEL G)95, les éponymes de cette époque peuvent désormais être très précisément situés par rapport au règne de Samsu-iluna de Babylone96. N° Nom de l'éponyme Nombre de

textes à Leilan Année de Samsu-iluna97

219 KEL G Addu-bani 3 Samsu-iluna 1 (1749) 220 KEL G Habil-kenum (= fin de Mutiya à Leilan) Traité de Mutiya avec Hazip-Teššup de Razama (L.T.-2)

178 Samsu-iluna 2 (1748)

221 KEL G Amur-Ištar [Leilan : Amer-Ištar] (= Till-Abnu) Traité de Till-Abnu avec Yamṣi-hatnu de Kahat (L.T.-3)

61 Samsu-iluna 3 (1747)

222 KEL G Ipqu-Ištar (= Till-Abnu) 17 Samsu-iluna 4 (1746) 223 … Samsu-iluna 5 (1745) 224 … Samsu-iluna 6 (1744) 225 … Samsu-iluna 7 (1743) 226 … Samsu-iluna 8 (1742) 227 … Samsu-iluna 9 (1741) 228 … Samsu-iluna 10 (1740) 229 … Samsu-iluna 11 (1739) 230 … Samsu-iluna 12 (1738) 231 … Samsu-iluna 13 (1737) 232 … Samsu-iluna 14 (1736) 233 KEL G d[…] Samsu-iluna 15 (1735) 234 Kriszat, AoF 35, p. 212 = Puzur-Šamaš Samsu-iluna 16 (1734) 235 Kriszat, AoF 35, p. 212 = …-ken ? = Šumi-ken ? Samsu-iluna 17 (1733) 236 KEL G Qišti-ili Samsu-iluna 18 (1732) 237 KEL G Pilah-Sin 1 Samsu-iluna 19 (1731) 238 KEL G Nimar-Kubi 17 Samsu-iluna 20 (1730) 239 KEL G Aššur-taklaku 3 Samsu-iluna 21 (1729) 240 KEL G Buzzua Samsu-iluna 22 (1728)

défaite de Yakun-Ašar et destruction de Šehna98

Parmi les 10 éponymes absents de la liste (KEL G 223-233) figuraient certainement les 5 éponymes attestés dans les archives de Leilan qui ne sont pas mentionnés dans le tableau ci-dessus :

Nom de l'éponyme Nombre de textes à Leilan Habd[u-…] 1 Išme-Ilum 58 warki Išme-Ilum 2 Aššur-kašid 1 Azzubiya 1 Šu-beli 1

J. Eidem a eu raison quand il a considéré que Habil-kenu, Amur-Ištar et Ipqu-Ištar formaient trois éponymes consécutifs99 : son argument reposait sur le fait que sous Habil-kenu on trouve des scellements de serviteurs de Mutiya, mais sous Amur-Ištar et Ipqu-Ištar des scellements de serviteurs de son successeur Till-Abnu. Cependant, contrairement à ce que J. Eidem a supposé, Išme-Il ne correspond

95. C. Günbattı, « An Eponym List (KEL G) from Kültepe », AoF 35, 2008, p. 103-132. 96. Je remercie vivement N. Ziegler pour son aide dans l'utilisation de la liste KEL G. J. Eidem n'a

malheureusement pas pu l'utiliser dans sa contribution de OBO 160/5, parue la même année que AoF 35. 97. Le synchronisme est bien entendu approximatif, puisque l'année éponymale commence à l'équinoxe

d'automne alors que les années en Babylonie changeaient au printemps. 98. De façon significative, le nom de l'éponyme Buzzua ne figure pas dans les archives de Tell Leilan

découvertes jusqu'à présent. 99. J. Eidem, RA 85, p. 117.

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pas à la dernière année de Yakun-Ašar : cet éponyme doit être situé au moins sept ans auparavant100. Cela change radicalement l'évaluation de la situation. J. Eidem a écrit101 : « The administrative texts from what may have been the last years before the end in 1728 BC, show hectic diplomatic activity with envoys moving between Šehnā and Babylon, but we can only guess at the background for the [Babylonian] raid. » Cette présentation dramatique des données doit être oubliée : la présence de messagers babyloniens dans les textes datés de l'éponymie de Išme-Ilum n'a rien à voir avec la fin du règne de Yakun-Ašar102.

3.1.2. La correspondance Le palais de Tell Leilan a jusqu'à présent livré une correspondance qui se répartit ainsi103 :

Répartition chronologique des lettres Nombre de lettres (total =178) Lettre à Himdiya 1104 Lettres à Mutiya 22 Lettres à Till-Abnu 102 Lettre à Yakun-Ašar 1 Lettres ana bêliya 38

Ces lettres permettent d'observer des continuités dans le jeu entre les petits royaumes du triangle du Habur105 : ainsi, Mutiya, allié avec le roi de Kurda, était en conflit avec les rois d'Andarig et de Razama (du Yussan). Mais on relève une différence essentielle avec l'époque de Zimri-Lim : le suzerain de la région était alors le roi d'Alep106. Au moment du conflit entre Mutiya et ses alliés avec les rois de Razama et d’Andarig, le roi d’Alep se plaignit que les premiers « détruisent le pays de Yassan et le pays de Yamutbal et fassent sortir le pays de (s)on contrôle »107. On possède au total cinq lettres de Hammu-rabi d’Alep aux rois d’Apum ; on relève que lorsqu’il écrivit à Tillaya (= Till-Abnu), ce fut en tant que « père »108. Mention est faite une fois de son futur successeur, Abban (ou Abba-El), comme « fils du roi ». On constate donc que la région au nord mais aussi au sud du Sindjar avait alors échappé à la domination babylonienne imposée par Hammu-rabi109, pour se retrouver sous celle d’Alep, sans qu’on sache dans quelles conditions ce transfert s’opéra. Maintenant que la chronologie est plus fermement assurée, nous pouvons comprendre un phénomène qui m'avait pendant longtemps étonné : l'absence de toute mention de Yapah-Sumu-abum ou de ses successeurs dans les archives de Leilan. Ce silence s'explique tout simplement parce que la plus grande partie de la documentation de Tell Leilan est antérieure à l'année 8 de Samsu-iluna et à la refondation d'une dynastie locale par Yapah-Sumu-abum. On voit donc à quel point a été désastreuse la décision de H. Weiss d'arrêter la fouille du palais après 1987, sachant qu'il avait mis au jour moins de 20% de la surface du bâtiment : la majorité des archives reste à découvrir, et on y trouvera à peu près

100. J. Eidem n'a pas donné de raison pour situer ainsi Išme-Ilum, mais il est vraisemblable qu'il a fait un

parallèle avec la situation à Mari à la fin du règne de Yasmah-Addu, où l'éponymie de Ṭab-ṣilli-Aššur fut suivie par warki Ṭab-ṣilli-Aššur. On aurait eu de même à Leilan Išme-Ilum et warki Išme-Ilum à la fin du règne de Yakun-Ašar.

101. OBO 160/5, p. 337. 102. [P.S. Cet article a été rédigé avant la parution du livre de J. Eidem, The Royal Archives from Tell Leilan.

Old Babylonian Letters and Treaties from the Lower Town Palace East, PIHANS 117, Leyde, 2011. J'ai été surpris de voir que l'A. y maintenait son interprétation des données, préférant supposer une erreur dans la liste des éponymes KEL G (p. 12).]

103. RA 85, p. 117 ; pour plus de détails, cf. OBO 160/5, p. 345-346 (les chiffres sont un peu différents). 104. L.87-887 ; cf. J. Eidem, RA 85, p. 116. 105. Voir OBO 160/4, p. 350. 106. Ces deux points ont été soulignés très tôt par J. Eidem : cf. RA 85, p. 129-130. 107. L87-929+, cité par J. Eidem, RA 85, p. 120. 108. L87-472, cité par J. Eidem, AAS 38/39, p. 114 et p. 120 n. 23 ; copie p. 126. 109. Voir OBO 160/4, p. 325.

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sûrement une documentation plus complète datant de Yakun-Ašar, le contemporain de Yapah-Sumu-abum, Iṣi-Sumu-abum et Yadih-abum.

3.2. La fin de Ṭabatum Le dernier point à examiner concerne les circonstances de la destruction de la couche paléo-babylonienne à Tell Taban. Le fragment de texte administratif découvert à la surface en 2007 (Tab T07-3)110 se révèle crucial : il prouve en effet que Yadih-abum a lui aussi été reconnu comme roi à la suite d'Iṣi-Sumu-abum. Commentant ce document, Sh. Yamada a écrit111 : « This text, being found at Tell Taban, demonstrates Yadih-abu's control of Ṭabatum at some time in his reign. However, Terqa's control of extensive territory must have been seriously damaged when Samsuiluna of Babylon took Haradum in his 25th year (1725 BC) and then finally defeated Yadih-abu in his 28th year (1722 BC). »

On peut essayer de reconstituer plus précisément la séquence des événements. Le roi de Babylone a mené deux campagnes en Haute-Mésopotamie : 1) en l'an 22 (campagne commémorée par le nom de l'an 23) : destruction de Šehna et de plusieurs villes du pays d'Apum et victoire sur Yakun-Ašar. 2) remontée dans le Suhum : reprise de Harradum (où le texte le plus ancien pour cette phase est Haradum 2 2, daté de l'an 26 de Samsu-iluna) et victoire sur Yadih-abum en l'an 27 (commémorée dans le nom de l'an 28). Il existe deux possibilités pour la destruction de Ṭabatum : – elle pourrait avoir eu lieu en l'an 22, à la suite de la campagne contre le pays d'Apum. On peut se demander quel chemin aurait suivi Samsu-iluna pour le retour depuis Ṭabatum : peut-être en passant au sud du Sinjar puis en longeant le wadi Tharthar. – l'autre hypothèse daterait cette destruction de l'an 27. Cela supposerait que Samsu-iluna, après avoir consolidé sa position à Harradum, ait continué à remonter l'Euphrate, puis le Habur, prenant Terqa au passage. Un indice en ce sens pourrait être livré par l'incendie qui détruisit la maison de Puzzurum, si celui-ci n'est pas d'origine accidentelle. Il se serait agi d'un simple raid et Samsu-iluna ne se serait pas maintenu à Terqa112. La ville, sans doute partiellement détruite par un incendie, aurait été rapidement reconstruite113. Il paraît actuellement difficile de trancher entre ces deux hypothèses.

3.3. Conclusion On souligne toujours à quel point Hammu-rabi a été – bien malgré lui ! – responsable de la documen-tation exceptionnnelle retrouvée à Mari, parce qu'en détruisant le palais, il a créé des conditions favorables à la conservation des tablettes restées sur place. On doit maintenant dire la même chose de son fils Samsu-iluna, qui fut manifestement responsable des destructions aussi bien à Tell Taban qu'à Tell Leilan114. Ainsi ont été préservées les archives qui permettent à la recherche d’étudier les mêmes régions que celles documentées quelques décennies plus tôt par les archives du palais de Mari.

EPHE (SHP) et UMR 7192 (CNRS) 14 rue des sources 92160 Antony [email protected]

110. Référence supra n. 20. 111. Sh. Yamada, Al-Rafidan 29, 2008, p. 57. 112. On doit mentionnner une autre hypothèse, formulée par O. Rouault (références dans A. Podany, Land of

Hana, p. 42 n. 97) : Samsu-iluna aurait installé sur le trône un Zimri-Lim fils de Yadih-abum. On doit également souligner ici le problème posé par le nom de l'an 33 de Samsu-iluna, qui commémore la restauration des murailles de Saggaratum. Un tel travail paraît difficilement concevable si Terqa n'était pas dominée, surtout en tenant compte de la nouvelle localisation de Saggaratum proposée par J.-M. Durand (« La vallée du Habur à l'époque amorrite », dans E. Cancik-Kirschbaum & N. Ziegler (éd.), Entre les fleuves I. Untersuchungen zur historischen Geographie Obermesopotamiens im 2. Jt. v.Chr., BBVO 20, Berlin, 2009, p. 39-58).

113. C'est ce dont témoigne la continuité prosopographique entre les textes datés depuis Yapah-Sumu-abum jusqu'à Ammi-madar et en particulier l'absence de coupure entre Yadih-abum et Kaštiliaš, comme l'a bien souligné A. Podany, Land of Hana, p. 21-23 et fig. 2 p. 28-31.

114. La différence est que Tell Taban fut réoccupé à l'époque médio-assyrienne, alors que Tell Leilan ne connut aucune réoccupation avant l'époque contemporaine.

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