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ENAC_Learning From Vernacular Damaris Barblan_23.05.2011 LE PHÉNOMÈNE DE LA CAPILLARITÉ DANS LES BÂTIMENTS EN PIERRE I. Introduction II. Phénomène de la capillarité : définition III. Porosité des pierres IV. Coefficient de capillarité d'une roche V. Expérience : 4 pierres de porosité différente, posées dans 2cm d'eau pour observer le phénomène de la capillarité VI. Durée de séchage des pierres VII. Principales altérations des pierres dues à la capillarité VIII.Exemples de constructions subissant le phénomène de capillarité IX. Bibliographie I. Introduction Le phénomène de transfert d'eau par capillarité dépend de plusieurs facteurs; des conditions d'exposition, mais avant tout de la porosité de la pierre ainsi que de sa durée de séchage. Selon ces facteurs, ainsi que celui de la nature de l'eau, plusieurs altérations peuvent être analysées, les principales étant les altérations dues à l'action du gel, celles dues à l'action des sels ainsi que les altérations biologiques. Afin d'expérimenter ce phénomène de la capillarité, quatre morceaux de pierres de porosité différente (la pierre de Savonnières, la molasse, le tuf d'Ex-Yougoslavie et le tuf du Valais) ont été immergées dans 2 cm d'eau afin d'observer la montée d'eau en relation avec le temps. Pour illustrer ces pierres, quatre bâtiments construits avec entre autre ces roches ont été photographiés, certains subissant le phénomène de capillarité.

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ENAC_Learning From Vernacular Damaris Barblan_23.05.2011

LE PHÉNOMÈNE DE LA CAPILLARITÉ DANS LES BÂTIMENTS EN PIERRE

I. Introduction

II. Phénomène de la capillarité : définition

III. Porosité des pierres

IV. Coefficient de capillarité d'une roche

V. Expérience : 4 pierres de porosité différente, posées dans 2cm d'eau pour observer le phénomène de la capillarité

VI. Durée de séchage des pierres

VII. Principales altérations des pierres dues à la capillarité

VIII.Exemples de constructions subissant le phénomène de capillarité

IX. Bibliographie

I. Introduction

Le phénomène de transfert d'eau par capillarité dépend de plusieurs facteurs; des conditions d'exposition, mais avant tout de la porosité de la pierre ainsi que de sa durée de séchage. Selon ces facteurs, ainsi que celui de la nature de l'eau, plusieurs altérations peuvent être analysées, les principales étant les altérations dues à l'action du gel, celles dues à l'action des sels ainsi que les altérations biologiques.Afin d'expérimenter ce phénomène de la capillarité, quatre morceaux de pierres de porosité différente (la pierre de Savonnières, la molasse, le tuf d'Ex-Yougoslavie et le tuf du Valais) ont été immergées dans 2 cm d'eau afin d'observer la montée d'eau en relation avec le temps. Pour illustrer ces pierres, quatre bâtiments construits avec entre autre ces roches ont été photographiés, certains subissant le phénomène de capillarité.

II. Phénomène de la capillarité : définition

L'ascension capillaire s'observe à chaque fois qu'un liquide peut s'introduire dans les pores, les fentes et les interstices d'un matériau dont il 'mouille' la surface. On observe alors l'ascension capillaire du liquide, ascension dont la hauteur dépend de la nature du liquide, de celle du matériau (angle de raccordement γ) ainsi que de la largeur du pore, de la fente ou de l'interstice.En prenant l'exemple du 'tube capillaire', un tube cylindrique de rayon r plongé dans une nappe de liquide, l'on peut constater que grâce à la tension superficielle du liquide, ce dernier monte contre la gravité dans le cylindre d'une hauteur h comptée à partir de la surface du liquide libre. La surface libre du liquide qui est à la frontière entre le liquide et l'air jouit de propriétés particulières. Elle se comporte comme une membrane élastique tendue de façon uniforme. La tension appliquée sur l'interface est appelée tension interfaciale, plus habituellement tension superficielle lorsqu'il y a contact avec l'air.Cette tension superficielle est proportionnelle à la force de cohésion intermoléculaire du liquide concerné. Plus les molécules du liquide ont une cohésion forte, plus le liquide est susceptible d'être transporté par capillarité. L'eau possède une forte cohésion entre ses molécules : elle adhère aux surfaces du tube, puis ses molécules sont attirées sur la partie de la surface du tube immédiatement au-delà, et par répétition de ce phénomène l'eau monte ainsi le long du tube.

III. Porosité des pierres

La porosité d'un matériau est égale au rapport du volume des vides sur le volume total de la roche.Les pores sont de plusieurs natures (ouverts ou fermés), c'est pourquoi il existe deux types de porosité : la porosité intergranulaire ou la porosité intragranulaire.Dans la porosité intergranulaire (ouverte), les pores communiquent entre eux et avec l'extérieur, ils sont reliés par des canaux et constituent la voie de transfert des fluides venant de l'extérieur. Les grands pores ralentissent la vitesse de progression de l'imbibition capillaire, alors que les petits pores facilitent le cheminement de l'eau à l'intérieur de la roche. En général, les pores les plus gros ne sont pas envahis par l'eau, ils restent occupés par des bulles d'air, ce qui limité le degré de saturation de la porosité.

La porosité intragranulaire (fermée) est faite de pores indépendants ne communiquant pas entre eux, non accessible depuis l'extérieur, et donc ne participant pas aux transferts des fluides. En général, le milieu poreux d'une roche est formé par l'ensemble des espaces vides intergranulaires.

Porosité intergranulaire Porosité intragranulaire

Quelques valeurs de porosité totale de roches de construction :

Roches Porosité (%)Calcaire 0.3 à 48Tuffeau 30 à 45Grès et quartzite 0.7 à 22Granite 0.1 à 1.8Marbre < 0.1

La porosité correspond à un véritable système respiratoire pour la pierre. La connaissance de la dimension des pores est essentielle pour comprendre le comportement de la pierre face à aux mouvements de l'eau. On trouve les tailles des pores grâce à la « porosimétrie au mercure » : on fait pénétrer du mercure par pression dans les pores, la pression d'injection étant reliée au diamètre d'entrée des pores concernés : plus les pores son fins, plus la pression exercée est élevée. Les spectres porosimétriques obtenus nous permettent de dénombrer les principales familles de pores et de spécifier la porosité accessible au mercure.

Allure d'un spectre de répartition de la taille des pores obtenu par porosimétrie au mercure.

IV. Coefficient de capillarité d'une roche

La notion de capillarité est liée, comme nous l'avons vu auparavant, aux phénomènes de tension interfaciale qui se fait entre le solide, l'air et le liquide. Le test de capillarité consiste à mesurer l'absorption d'eau sous l'effet des forces capillaires. Ces phénomènes de transfert dépendent de la géométrie des vides qui forment la porosité de la pierre. Comme nous l'avons vu avant, la porosité ouverte transfert les fluides venant de l'extérieur. Son débit est contrôlé par la répartition de la dimension des pores et leur éventuel rétrécissement. En général, les pores les plus gros ne sont pas envahis par l'eau, ils restent occupés par des bulles d'air, ce qui limité le degré de saturation de la porosité. Cet air piégé joue un rôle déterminant dans le développement des mécanismes d'altération comme le gel.Le coefficient de capillarité C d'une roche correspond à la masse d'eau absorbée par unité de surface en fonction de la racine carrée du temps. Il est déterminé perpendiculairement ou parallèlement au lit de carrière sur une éprouvette séchée préalablement à 70°C et immergée dans 3 mm d'eau à 20°C.

où M = masse absorbée [kg] S = section de la face inférieure de l'éprouvette [m²]

t = temps [s]

Allure d'une courbe d'absorption d'eau pour la mesure des coefficients de capillarité :

On peut voir sur le graphique ci-dessus que la courbe d'absorption capillaire a deux parties. La première est presque une droite, puis elle s'infléchit progressivement et devient presque parallèle à l'axe horizontal.Le coefficient de capillarité est égal à la moyenne des coefficients correspondant aux valeurs relatives à la première partie de la courbe.

V. Expérience : 4 pierres de porosité différente, posées dans 2 cm d'eau pour observer le phénomène de capillarité

Pierre de Savonnières (calcaire oolitique)

Molasse

Tuf d'Ex-Yougoslavie

Tuf du Valais

VI. Durée de séchage des pierres

La durée de séchage des pierres ayant une porosité importante influence très fortement leur vulnérabilité à des altérations dues à la présence d'eau.En effet, une roche rapidement imbibée par capillarité mais séchant vite sera peu vulnérable, alors qu’une roche de même porosité mais présentant des lits qui sèchent lentement, c’est à dire qui ont une forte rétention en eau, sera très vulnérable.Afin d'étudier le séchage d'un matériau poreux, des séchages expérimentaux ont été effectués au moyen d'un échantillon saturé en eau et soumis au séchage, avec une températures et une humidité relative de l'air étudiée. Cet échantillon est pesé régulièrement pour que sa variation de poids en fonction du temps puisse être étudiée. Suite à cette étude, on peut constater que le séchage se divise en trois phases, comme on peut le voir sur ce graphique :

Phase I : pendant cette première phase, le flux est élevé et constant, la surface évaporante du matériau poreux est mouillée.Le pourcentage du volume poreux qui reste occupé par de l'eau au point de transition entre les phases I et II, est appelé saturation critique (Sc).Phase II : au cours de cette phase la perte de poids n'est plus linéaire en fonction du temps. Le flux diminue fortement pendant que la surface évaporante s'assèche.Phase III : cette dernière phase est caractérisée par une perte de poids constante mais faible.

VII. Principales altérations des pierres dues à la capillarité

L'eau qui provient du sol est susceptible d'envahir la base des maçonneries par capillarité, phénomène que nous avons vu auparavant. Cette eau à l'état liquide est un danger potentiel d'altération pour les roches. L'humidité du sol a différentes causes : un sous-sol insuffisamment drainant qui ne permet pas l'évacuation des eaux pluviales, des conduites d'évacuation bouchées ou percées, une nappe phréatique permanente ou temporaire au contact des fondations, l'arrosage d'un massif de fleurs adossé à l'édifice, ou encore des éclaboussures provoquées par l'impact des gouttes de pluie qui trempent alors la base du mur. Dans ces zones de remontées capillaires, les dégradations sont fréquentes. Les altérations les plus répandues dépendant de la présence de cette eau, de ses déplacements à travers le milieu poreux et des structures de porosité des pierres, sont celles dues à l'action du gel ou du sel. D'autres facteurs comme l'acidité de l'eau de pluie ainsi que les organismes vivants peuvent également provoquer des altérations importantes.

VII. 1 Altérations dues à l'action du gel

L'expansion volumique de la glace sur les portions de porosité encore saturées en eau est à l'origine de la gélifraction, En effet, en période de gel, lors du passage de l'état liquide à l'état solide de l'eau, le volume de cette dernière augmente de 9%, ce qui induit des pressions internes qui sollicitent la résistance en traction du matériau. Ces tensions sont suffisamment importantes pour fissurer le matériau de la plupart des pierres. Néanmoins, la présence de l'eau dans les roches au moment du gel dépend de nombreux facteurs. Il faut en effet que l’eau qui pénètre par capillarité dans la roche pendant les périodes qui précèdent le gel amène certaines zones à saturation. De plus, il faut que cette forte saturation se maintienne pendant la période plus sèche qui précède le gel et pendant laquelle l’eau tend à s’évaporer.

VII. 2 Altérations dues à l'action des sels

Une grande partie des altérations des roches se font par les sels solubles. L'eau, qui circule dans les porosités, transporte des sels solubles (le gypse par exemple) pouvant réagir chimiquement avec le matériau (cas des pluies acides). On trouve également des matériaux proches de la mer contaminés par les embruns ainsi que la pluie chargée en sels. Les mortiers à base de ciment constituent une source potentielle de sels alcalins pouvant être importante.Les altérations qui découlent de ces sels solubles sont liés aux phénomènes d'évaporation-cristallisation. En se concentrant et en s'évaporant à la surface des murs, l'eau engendre une cristallisation des sels solubles. Cette dernière produit des croûtes salines superficielles et, en contaminant plus en profondeur la pierre, les sels cristallisés exercent des pressions importantes qui peuvent dépasser la résistance mécanique des pierres. Mais les pressions de cristallisation dépendent du type de sel et du taux de sursaturation de la solution à partir de laquelle il cristallise. Le degré de sursaturation est lui-même soumis à la vitesse d'évaporation de la solution (selon l'atmosphère ou l'exposition de la pierre). De plus, le réseau poreux de la pierre entre en ligne de compte dans ce processus, puisqu'il détermine le lieu où les sels

cristallisent, à la surface ou à l'intérieur du matériau. A l'intérieur, la cristallisation provoque des fissures importantes, ou à l'extérieur, des chutes superficielles sous forme d'écaille.

VII. 3 Altérations dues aux organismes vivants

La présence d'humidité dans les pierres favorisent la colonisation des façades par les organismes vivants comme les algues. Elles participent à l'altération des pierres de 3 manières :- par le phénomène de rétention d'eau- par la production de certains acides organiques- par des modifications esthétiques

VIII. Exemples de constructions subissant le phénomène de capillarité, construites avec les quatre pierres expérimentées par avant.

VIII. 1 Palais de Rumine de Lausanne, pierre de Savonnière dans le tiers supérieur des façades

VIII. 2 Cathédrale de Lausanne, molasse, façade nord

VIII. 3 Gymnase de la Cité, Lausanne, molasse

VIII. 4 Habitation à Epesses, tuf

IX. Bibliographie

- Scartezzini J.-L., 1991, Physique du bâtiment I&II, ENAC – ICARE – Laboratoire d'Energie solaire et de Physique du bâtiment

- Laurent J.-M., 2007, Construction et restauration des bâtiments en pierre, édition Vial

- Perrot A.-C., 2009, Pierre et Patrimoine, édition Actes Sud

- Rousset Ternier B., 2001, Transferts par capillarité et évaporation dans des roches – rôle des structures de porosité, thèse