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Document généré le 19 fév. 2018 17:03 Québec français Le plagiat assisté par ordinateur Pascal Grégoire Littérature et peinture Numéro 161, printemps 2011 URI : id.erudit.org/iderudit/63995ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Grégoire, P. (2011). Le plagiat assisté par ordinateur. Québec français, (161), 102–103. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2009

Le plagiat assisté par ordinateur

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Page 1: Le plagiat assisté par ordinateur

Document généré le 19 fév. 2018 17:03

Québec français

Le plagiat assisté par ordinateur

Pascal Grégoire

Littérature et peintureNuméro 161, printemps 2011

URI : id.erudit.org/iderudit/63995ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)

Les Publications Québec français

ISSN 0316-2052 (imprimé)

1923-5119 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet article

Grégoire, P. (2011). Le plagiat assisté par ordinateur. Québecfrançais, (161), 102–103.

Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des servicesd'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vouspouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/]

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.

Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Universitéde Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pourmission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org

Tous droits réservés © Les Publications Québec français,2009

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Dans les dernières années, le phéno-mène du plagiat en contexte scolaire, réputé endémique, a été

hautement médiatisé. Le 25 septembre 2008, lors de l’émission Enquête, on rapportait que les universités d’ici et d’ailleurs peinaient à juguler les réseaux de vente de travaux scolaires1. Dans la même veine, en avril 2009, des apprenants de tous les ordres d’ensei-gnement affirmaient avec candeur au Devoir que la tricherie leur était devenue banale2. Une constante ressort de ces témoignages nécessairement parcellaires : les TIC, trop souvent, constituent aujourd’hui le sésame du plagiaire…

Plagier sans scrupulesDe janvier 2002 à mars 2003, un

sondage a rejoint quelque 14 913 étudiants canadiens. Chacun des participants devait se prononcer sur l’éthique de pratiques de travail douteuses. Le cas échéant, ils devaient identifier celles auxquelles ils avaient recouru jusque-là. Les résultats obtenus étonnent : 73 % des élèves sortant de l’école secondaire ont révélé « avoir copié mot à mot ou reformulé grossière-ment des informations provenant du Web sans en donner la source, avoir falsifié ou inventé une bibliographie ou avoir remis un travail acheté ou trouvé dans Internet ». Quant aux étudiants de première année au baccalauréat, ils sont 53 % à avoir commis la même infraction3.

Bien que ces apprenants soient peu sensibles au principe de propriété intel-lectuelle, ils ne considèrent pas qu’ils trichent pour autant. Près des trois quarts des sortants du secondaire et des étudiants à la première année du baccalauréat jugent correct de recevoir l’aide d’une tierce personne malgré l’interdiction formelle de l’enseignant. Dans un même ordre d’idées, falsifier des données de laboratoire est jugé véniel par 51 % des plus jeunes et 36 % de leurs aînés4.

Pourquoi tricher ?Mais pourquoi sont-ils si nombreux

à prendre le risque de plagier ? Nicole Perreault, animatrice au Réseau des répon-dantes et répondants TIC, connaît bien la problématique du plagiat en contexte scolaire. Elle l’attribue à trois causes prin-cipales5. Tout d’abord, il semble que les plagiaires ne soient pas conscients de commettre une entorse à l’éthique. Ne sachant comment attribuer une idée à son émetteur, ils n’en identifient pas la source. Sinon, craignant de perdre le crédit d’une idée originale, ils en taisent l’origine, se privant ainsi d’un solide étayage6.

Outre son ignorance, les habitudes que le plagiaire a acquises au fil de sa scola-risation pourraient expliquer ses actes. Tricher devient une compétence réinvestie dans plusieurs contextes… À cet égard, le secondaire semble un terreau d’expéri-

mentation particulièrement fertile. Une étudiante, qui avait remis un travail glané sur le Web à la fin du secondaire, fournit une explication prototypique : « Le sujet était plate. J’avais remis cela au lendemain plusieurs fois, mais, rendue au dernier “lendemain”, je n’avais plus le temps de le faire7 ».

Finalement, la tricherie découlerait d’un certain conformisme. Puisqu’elle est jugée inoffensive, beaucoup la prati-quent et l’acceptent. Or, ces violations du droit d’auteur ne se limitent pas à la vie scolaire : l’industrie musicale en subit, elle aussi, les contrecoups. Selon un sondage mené par Pollara en 2005, les Canadiens de 12 à 24 ans « seraient responsables de 78 % du téléchargement illégal au pays, et ce, même si ce groupe ne forme que 21 % de la population8 ».

Une pratique polymorpheAu sommet du palmarès des prati-

ques des plagiaires trône le copier-coller. Quoi de plus rapide que de s’approprier les informations présentées sur les sites Web à vocation encyclopédique ? Un résumé de roman est si vite terminé lorsqu’on l’extrait de Wikipédia, l’encyclopédie « libre » (!), ou d’un site comme www.comptoirlitte-raire.com.

Toutefois, un autre procédé plus insi-dieux gagne du terrain : l’achat de travaux « clés en main » dans Internet. L’étudiant trouvera gratuitement des dissertations sur www.dissertationsgratuites.fr, des rédac-tions et des devoirs déjà complétés sur http://finislesdevoirs.free.frou, des notes de

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cours sur www.notesdecours.ca. Pour plus de variété, des sites comme www.tt.gratuit.com ou www.webtricheur.com proposent des stratégies pour tricher. Ironiquement, ces deux sites… sont copiés l’un sur l’autre sans être liés !

Endiguer le phénomèneÀ moyen terme, le phénomène du

plagiat aura des effets sournois sur les institutions scolaires : si la sanction des études est faite sur la base de résultats mensongers, quelle sera la valeur des diplômes décernés en fin d’études9 ?

Des solutions liées aux outils informatiquesSi les TIC facilitent la vie des malfai-

teurs, elles pourraient bientôt la leur compliquer. L’outil Plagium (www.plagium.com) permet de vérifier si certains extraits d’un travail ont été copiés ; lorsque c’est le cas, il renvoie un pourcentage de concordance avec d’autres documents, auxquels on peut accéder en cliquant sur un lien. Toutefois, comme l’application n’est pas sans faille, une simple recherche sur Google risque de retracer l’éventuel passage plagié.

Plus évolués sont les logiciels comme Turnitin (turnitin.com). Utilisés par certaines institutions scolaires, ils analysent le travail de l’élève et fournissent un rapport

d’originalité, mettant en évidence les simi-litudes avec des pages Web et des travaux d’élèves préalablement remis. Toutefois, l’utilisation de tels logiciels est décriée par plusieurs, jugeant qu’ils font peser sur l’élève une présomption de culpabilité10.

Des solutions liées aux pratiques pédagogiquesNicole Perreault et Louise Arsenault,

consultantes en évaluation à l’Univer-sité Laval, suggèrent de penser les situa-tions d’évaluation de façon à dissuader les plagiaires. Tout d’abord, l’enseignant gagnera à varier les modes d’évaluation : les tables rondes, les présentations par affiche ou les exposés oraux exigent une interaction en temps réel. La tricherie s’en trouve déjà compliquée. Aussi, l’éva-luation par portfolio rend plus transpa-rente la démarche de l’élève, l’obligeant à en dévoiler les étapes intermédiaires. Finalement, si seule l’évaluation écrite est possible, on gagnera à la faire rédiger en partie en classe. Il sera plus facile de véri-fier si le style et la qualité des travaux faits à l’école concordent avec ceux des travaux faits à la maison11.

Enfin, Nicole Perreault souligne l’in-térêt de faire signer un contrat de respect de l’éthique aux élèves12. En plus de consti-tuer un frein moral, ce contrat permet de définir le plagiat. Il provoquera la discus-

sion autour de la notion de propriété intellectuelle et incitera peut-être à un enseignement systématique de certains éléments de méthodologie.

Il serait naïf de voir ces pistes d’in-tervention comme autant de façons de combattre irrévocablement un phéno-mène existant depuis la nuit des temps. Toutefois, elles pourront certainement fixer certains repères dans le culte du faux qui prévaut actuellement.

* Étudiant au doctorat en psychopédagogie à l’Université de Montréal. Sa recherche porte sur l’impact des TIC sur le processus d’écriture chez les élèves du secondaire. Il enseigne le français au Collège Jean de la Mennais

Notes

1 Turcotte, G. (réalisatrice). (2008, 28 septembre), Tricheursdiplômés, reportage d’Alain Gravel. Repéré www.radio-canada.ca/emissions/enquete/2008-2009/Reportage.asp?idDoc=64924.

2 Cauchy, C. (2009, 11 avril), Toutlemondelefait.LeDevoir. Repéré en ligne à www.ledevoir.com/societe/education/245206/tout-le-monde-le-fait.

3 Christensen Hugues, J. M. et D. L. McCabe. (2006), Academic Misconduct within Higher Education in Canada, Christensen Hugues et McCabe. TheCanadianJournalofHigherEducation, vol. 36, no 2, p.1-21. (Traduction libre)

4 Ibid.

5 Perreault, N. (2009), Portrait et enjeux du plagiat électronique dans les universités québécoises [Présentation PowerPoint]. Repéré à www.profetic.org/spip.php?rubrique338.

6 Propos de Nicole Perreault rapportés dans Caillé, G. (2009), Nicole Perreault, conférencière invitée à l’atelier sur le plagiat électronique de la CREPUQ. Repéré à www.profetic.org/spip.php?article9501.

7 Cauchy, C., op.cit.

8 Lamarche, B., Les jeunes Canadiens ne sont pas encore assez sensibilisés au piratage, Le Devoir. Repéré à www.ledevoir.ca/culture/musique/91849/internet-les-jeunes-canadiens-ne-sont-pas-encore-assez-sensibilises-au-piratage.

9 Caillé, G., op.cit.

10 Gascon, A. (2009), Utilisation du logiciel Turnitin à la FSA de l’Université Laval. [Présentation PowerPoint]. Repéré à www.profetic.org/spip.php?rubrique338.

11 Perreault, op.cit. Arsenault, L. (2009). L’évaluation des apprentissages : les pratiques universitaires encouragent-elles ou non le plagiat? [Présentation PowerPoint]. Repéré à www.profetic.org/spip.php?rubrique338.

12 Perreault, op.cit.On trouvera un exemple de contrat éthique à www.profetic.org/spip.php?rubrique338.