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Mise au point Le point sur les staphylocoques dorés de moindre sensibilité aux glycopeptides en réanimation Staphylococcus aureus with reduced susceptibility to glycopeptides in ICU M.L. Joly-Guillou * Service de bactériologie et hygiène, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49000 Angers, France Reçu et accepté le 7 février 2004 Résumé L’émergence de Staphylococcus aureus de sensibilité diminuée aux glycopeptides (GISA) a été longtemps redoutée. Après 45 ans d’utilisation de la vancomycine, une souche de S. aureus de sensibilité diminuée aux glycopeptides, associée à un échec thérapeutique par la vancomycine, est isolée chez un patient hospitalisé dans un hôpital japonais. Cette observation est confirmée par plusieurs publications internationales décrivant des cas cliniques identiques. Cette apparition en 1997, vient à la suite de l’émergence d’entérocoques résistants à la vancomycine puis des staphylocoques à coagulase négative en 1979. Les difficultés rencontrées lors de la détection des souches GISA et plus particulièrement des phénotypes de résistance hétérogène sont sans doute à l’origine d’échecs thérapeutiques. Quelques études décrivent des épidémies et la morbidité liée à ces souches semble significativement plus élevée. Les implications cliniques des souches GISA ne sont pas claires et sont à l’origine de nombreuses polémiques. Il convient d’être prudent et suspicieux à leur égard, de proposer une politique de dépistage qui peut être un élément essentiel de la prise en charge du patient. On ne peut pas aujourd’hui les ignorer. © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstact The emergence of Staphylococcus aureus exhibiting intermediate levels of resistance to glycopeptides (GISA) has been expected for a long time. After 45 years of vancomycin use, low-level glycopeptide resistance emerged in S. aureus after emergence in Enterococcci and in coagulase-negative staphylococci. If the transfer of vancomycin resistance genes from Enterococci to S. aureus is limited to day, in 1997 a strain of methicillin resistant S. aureus (MRSA) with intermediate resistance to vancomycin (VISA) that was associated with therapeutic failure was reported in Japan. This description was followed by reports in Europe, USA and Asia. Difficulties to detect this resistance mechanism are in relation with a heterogeneous phenotype and can be a potential source of treatment failure. The true significance of these isolates is not clear. Some studies indicate outbreaks in hospital units and patients with a poor outcome. Their detection may be of clinical relevance and the finding of GISA cannot be ignored. © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Staphylocoques dorés ; Résistance antibiotique ; Glycopeptides ; Réanimation Keywords: Staphylococcus aureus; Antibiotic resistance; Glycopeptides; Intensive care 1. Introduction La vancomycine introduite en thérapeutique en 1958, a vu sa consommation augmenter considérablement parallèle- ment à l’émergence toujours croissante des staphylocoques (aureus ou à coagulase négative) résistants à la méthicilline [1]. Au États-Unis, le « National Nosocomial infection Sur- veillance » (NNIS) fait état d’environ 75 % de staphyloco- ques à coagulase négative résistants à la méthicilline et près de 50 % pour Staphylococcus aureus dans les unités de soins intensifs [2]. En France les valeurs se situent entre 30 et 40 % * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.L. Joly-Guillou). Réanimation 13 (2004) 185–189 www.elsevier.com/locate/reaurg © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2004.02.004

Le point sur les staphylocoques dorés de moindre sensibilité aux glycopeptides en réanimation

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Page 1: Le point sur les staphylocoques dorés de moindre sensibilité aux glycopeptides en réanimation

Mise au point

Le point sur les staphylocoques dorés de moindre sensibilitéaux glycopeptides en réanimation

Staphylococcus aureus with reduced susceptibilityto glycopeptides in ICU

M.L. Joly-Guillou *

Service de bactériologie et hygiène, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49000 Angers, France

Reçu et accepté le 7 février 2004

Résumé

L’émergence de Staphylococcus aureus de sensibilité diminuée aux glycopeptides (GISA) a été longtemps redoutée. Après 45 ansd’utilisation de la vancomycine, une souche de S. aureus de sensibilité diminuée aux glycopeptides, associée à un échec thérapeutique par lavancomycine, est isolée chez un patient hospitalisé dans un hôpital japonais. Cette observation est confirmée par plusieurs publicationsinternationales décrivant des cas cliniques identiques. Cette apparition en 1997, vient à la suite de l’émergence d’entérocoques résistants à lavancomycine puis des staphylocoques à coagulase négative en 1979. Les difficultés rencontrées lors de la détection des souches GISA et plusparticulièrement des phénotypes de résistance hétérogène sont sans doute à l’origine d’échecs thérapeutiques. Quelques études décrivent desépidémies et la morbidité liée à ces souches semble significativement plus élevée. Les implications cliniques des souches GISA ne sont pasclaires et sont à l’origine de nombreuses polémiques. Il convient d’être prudent et suspicieux à leur égard, de proposer une politique dedépistage qui peut être un élément essentiel de la prise en charge du patient. On ne peut pas aujourd’hui les ignorer.© 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstact

The emergence of Staphylococcus aureus exhibiting intermediate levels of resistance to glycopeptides (GISA) has been expected for a longtime. After 45 years of vancomycin use, low-level glycopeptide resistance emerged in S. aureus after emergence in Enterococcci and incoagulase-negative staphylococci. If the transfer of vancomycin resistance genes from Enterococci to S. aureus is limited to day, in 1997 astrain of methicillin resistant S. aureus (MRSA) with intermediate resistance to vancomycin (VISA) that was associated with therapeuticfailure was reported in Japan. This description was followed by reports in Europe, USA and Asia. Difficulties to detect this resistancemechanism are in relation with a heterogeneous phenotype and can be a potential source of treatment failure. The true significance of theseisolates is not clear. Some studies indicate outbreaks in hospital units and patients with a poor outcome. Their detection may be of clinicalrelevance and the finding of GISA cannot be ignored.© 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Staphylocoques dorés ; Résistance antibiotique ; Glycopeptides ; Réanimation

Keywords: Staphylococcus aureus; Antibiotic resistance; Glycopeptides; Intensive care

1. Introduction

La vancomycine introduite en thérapeutique en 1958, a vusa consommation augmenter considérablement parallèle-

ment à l’émergence toujours croissante des staphylocoques(aureus ou à coagulase négative) résistants à la méthicilline[1]. Au États-Unis, le « National Nosocomial infection Sur-veillance » (NNIS) fait état d’environ 75 % de staphyloco-ques à coagulase négative résistants à la méthicilline et prèsde 50 % pour Staphylococcus aureus dans les unités de soinsintensifs [2]. En France les valeurs se situent entre 30 et 40 %

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M.L. Joly-Guillou).

Réanimation 13 (2004) 185–189

www.elsevier.com/locate/reaurg

© 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.reaurg.2004.02.004

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selon les sites. Les premiers rapports sur la résistance auxglycopeptides ont été publiés en 1979 pour les staphyloco-ques à coagulase négative [1] et en 1997–1998 [3,4] pourS. aureus.

2. Définition des souches de S. aureus de sensibilitédiminuée aux glycopeptides

Aujourd’hui il existe encore une certaine confusion sur ladéfinition de la résistance aux glycopeptides. Cette confusionvient essentiellement de la difficulté à déterminer des valeursseuils internationales permettant de définir les classes derésistance aux glycopeptides. La très grande majorité dessouches isolées présentent une sensibilité diminuée plusqu’une véritable résistance (CMI 8–16 mg/l) et sont doncnommées GISA (glycopeptide intermediate....) par opposi-tion aux GRSA (résistants aux glycopeptides dont les CMIsont ≥ 32 mg/l...). La détection au laboratoire est d’autantplus délicate que la majorité des souches exprime une hétéro-résistance, c’est-à-dire que seule une partie minoritaire de lapopulation d’un clone bactérien exprime cette résistance. LesCMI de cette population sont deux à huit fois plus élevéesque celles de la souche parentale (souche Mu3 isolée auJapon), comme cela est déjà observé lors de l’expression dela résistance à la méthicilline. Une grande partie des labora-toires passe facilement à côté de cette détection. En effet lesglycopeptides étant de grosses molécules, les diamètres d’in-hibition lus sur les antibiogrammes sont petits et la méthodemanque de sensibilité pour lire et interpréter les variations dediamètre dues à cette résistance (une augmentation de troisfois la CMI donne une variation de 2 mm de diamètre). Lesrecommandations françaises du Comité français de l’antibio-gramme (CASFM) ou américaines (NNIS) proposent la miseen évidence de ce mécanisme par détection en milieu géloséen présence de glycopeptide ou à l’aide de bandelettes E-testen réalisant un inoculum lourd [108 CFU/ml] et une incuba-tion prolongée de 48 heures. Le mécanisme de résistancepeut s’exprimer soit sur la teicoplanine seule (souche TISA)soit sur la vancomycine seule (souche VISA) soit sur les deuxmolécules (souche GISA). Ces difficultés techniques asso-ciées à une absence de politique de dépistage, peuvent être àl’origine de l’absence de valeurs fiables pour établir la pré-valence de ce phénomène. Aujourd’hui la majorité des sou-ches sont des hétéro-GISA et la prévalence estimée faible.Aux États-Unis cette fréquence est estimée à moins de 2 %,alors qu’au Japon, Hiramatsu rapporte une fréquence de20 % [5,6]. Une étude récente réalisée aux Pays-Bas montreune prévalence de 7,6 % de hGISA parmi les SDMR dont laprévalence dans l’espèce est elle-même limitée à moins de2 %. Les auteurs précisent que les 15 patients positifs àhGISA étaient tous d’origine européenne ou moyenne orien-tale, aucun n’était hollandais [7].

3. Mécanisme de résistance

La résistance aux glycopeptides chez S. aureus pourraitêtre liée à une diversité de mécanismes moléculaires respon-

sables de la réorganisation de la structure de la paroi bacté-rienne [8]. Il est possible d’obtenir en laboratoire des mutantsrévertants sensibles aux glycopeptides par subculture surmilieu sans antibiotique. Ces révertants montrent essentielle-ment des modifications au niveau de l’expression capsulaire.Cette capacité à retrouver une sensibilité aux glycopeptidesexplique peut-être la difficulté rencontrée pour l’identifica-tion des souches cliniques GISA au laboratoire [9]. L’ana-lyse du peptidoglycane montre une diminution des pontsinter-peptidiques et une augmentation de la chaîne glycane(augmentation de l’activité trans-glycolase) [10]. L’épaissis-sement de la paroi qui résulte des modifications de structuredu peptidoglycane empêchent la vancomycine de traverser laparoi et celle-ci reste bloquée (phénomène de trapping). Ilsemble qu’aujourd’hui les souches dites GISA peuvent êtreisolées dans n’importe quelle partie du monde. En 1956, étaitdéjà décrite une souche de S. aureus de sensibilité diminuéeà la vancomycine, obtenue in vitro par passage successif surdes milieux contenant des concentrations sub-inhibitrices devancomycine [11]. Cette observation a été largement confir-mée [12,13]. Ce type de résistance est à opposer à la récentedécouverte de S. aureus résistant à la vancomycine par trans-fert d’un opéron VanA à partir d’Enterococcus. Cette résis-tance de haut niveau à la vancomycine est aujourd’hui trèslimitée [14,15]. Aucune souche de ce type n’est aujourd’huiisolée en France. La prévalence des entérocoques résistants àla vancomycine très élevée aux États-Unis peut justifier del’émergence de ce type de souche. Le danger réside dans ladiffusion clonale d’une souche VanA épidémique.

4. Implications cliniques

Différentes observations ont mis en avant les implicationscliniques que pouvaient représenter ces souches [5].Aujourd’hui les avis sont partagés. Pour les uns ces souchespréexistaient et leur augmentation pourrait être le reflet d’unemeilleure technique de détection. Cette remarque a étéconfirmée par certaines équipes qui ont retrouvé des souchesGISA conservées dans leurs souchiers et antérieures à 1996[16]. Certaines questions restent posées : s’agit-il d’un véri-table phénomène émergent ? Quelle évolution peut-on enattendre ? Peut-il évoluer vers une véritable résistance(GRSA) avec des niveaux de CMI élevés et des conséquen-ces thérapeutiques importantes ? Plusieurs arguments exis-tent en faveur de cette hypothèse. Le premier concerne l’aug-mentation des cas cités dans la littérature internationale aucours des ces cinq dernières années, ainsi que des déclara-tions adressées au « Center for Disease Control » d’Atlantaau cours des deux dernières années [17]. Le second concernele type même du mécanisme de résistance inductible auquelnous sommes confrontés. Si les souches GISA-hétérogènes(hGISA) sont des précurseurs des souches GISA, alors onpeut s’attendre à voir augmenter la prévalence des souchesGISA dans les prochaines années [18]. Aujourd’hui, il s’agitsoit de cas ponctuels associés à des échecs thérapeutiquesaprès ou en cours de traitement par les glycopeptides

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[4,17,19,20], soit de bouffées épidémiques hospitalières enFrance, Allemagne ou en Espagne [21–24]. Les facteurs derisque qui ont été retrouvés au cours de ces observationsassocient une forte prévalence de SDMR dans l’unité d’hos-pitalisation du patient, une antibiothérapie préalable à lavancomycine et des critères d’insuffisance rénale. En raisondu caractère inductible de ce mécanisme, l’utilisation deglycopeptide pour le traitement d’une infection à SDMR àdes doses insuffisantes, représente le principal facteur derisque d’émergence de la résistance. Des observations invitro et in vivo soulignent la capacité d’augmentation desCMI de certaines souches face à des concentrations sub-inhibitrices de glycopeptide [12,20].

5. Prise en charge du « phénomène GISA » enréanimation

La notion d’épidémies mettant en cause une souchehGISA ou GISA dans certaines unités de soins et particuliè-rement en réanimation est à l’origine de l’inquiétude justifiéede certains cliniciens [21,23,24]. Les études menées au coursde ces épisodes épidémiques montrent qu’il existe une sur-mortalité chez les patients infectés avec une souche GISA encomparaison avec les SDMR sensibles aux glycopeptides.Parmi les premiers rapports établis par le CDC sur les infec-tions à souche GISA, il y avait 100 % de décès à six mois dont2/5 attribuables [5]. D’autres auteurs font état de cette diffi-culté thérapeutique rencontrée au cours des épisodes infec-tieux à GISA [21]. Ces difficultés peuvent être en relationdirecte avec l’augmentation des CMI vis-à-vis des glycopep-tides, et donc avec la difficulté d’atteindre des concentrationsd’antibiotiques suffisantes. Elles peuvent également êtreliées à une modification du comportement de la souche face àl’antibiotique qui perd ses capacités de bactéricidie. Ainsi aucours d’un épisode épidémique dans un service de réanima-tion de la banlieue parisienne, une souche hGISA à l’origined’échecs thérapeutiques dans des infections sévères a étéisolée. Cette souche comparée à une souche de SDMR sen-sible aux glycopeptides isolée dans la même unité et pendantla même période, a révélé un comportement différent : unecroissance légèrement ralentie (diminution du fitness ?) etune disparition de la bactéricidie vis-à-vis de la vancomycine(Fig. 1). Malgré des concentrations élevées et contrôlées devancomycine (C ≥ 30 mg/l), obtenues par perfusion continue,le service a été confronté à des échecs microbiologiques etcliniques.

La vancomycine, associée à des b-lactamines montrait uncomportement variable selon la b-lactamine testée (synergieou antagonisme). Cette observation est en accord avecl’étude de Aritaka sur l’association de la vancomycine avecsept b-lactamines vis-à-vis de la souche Mu3. L’auteurconclut sur l’aspect non prédictif de la nature antagoniste ousynergique de l’association [25]. D’autres auteurs n’ont pasrencontré ces problèmes pour des souches présentant descaractéristiques identiques en valeurs de CMI, et à l’aided’un traitement classique par la vancomycine [26]. Ces dif-

férences expriment clairement la variabilité des souches et lecaractère imprévisible de leur comportement. Cette variabi-lité s’observe également dans les caractéristiques épidémio-gènes des souches. Certaines souches hGISA ou GISA sontresponsables de colonisations ou d’infections ponctuellesalors que d’autres sont à l’origine d’épidémies avec un tauxde transmission élevé [21]. L’un des éléments majeurs de lalutte contre ces « super BMR » est l’application des mesuresd’isolement. Le strict respect des procédures liées à la maî-trise des bactéries multi-résistantes associé à un nettoyageappuyé des surfaces de l’unité contaminée doit suffire àstopper les transmissions croisées. Des procédures systéma-tiques supplémentaires ne sont pas requises. Néanmoins, ilconvient de rester très méfiant à l’égard d’une souche hGISAou GISA pour laquelle la vancomycine présente une activitéde bactéricidie diminuée associé à des caractéristiques épidé-miogènes particulières. Elle peut être à l’origine d’une graveépidémie dans une unité de soins intensifs ou une unité depatients fragilisés.

L’absence de sensibilité pour la détection des souchesGISA associée au risque d’épidémie, oriente vers la mise enplace d’une politique de détection systématique. Les recom-mandations du CASFM favorisent le screening sur les sou-ches de S. aureus isolées au laboratoire (en milieu gélosé enprésence de teicoplanine ou de vancomycine ; la variété desphénotypes impose de réaliser les deux milieux). On peutégalement réserver ce dépistage aux souches cliniques res-ponsables de véritables infections et destinées à être traitéespar les glycopeptides. On peut alors utiliser la technique dedépistage en E-test qui permet de donner une CMI (inoculum106 CFU/ml) et de révéler la résistance hétérogène (inoculum108 CFU/ml). Cette procédure est plus onéreuse mais pos-sède l’avantage de donner les CMI. La prise en compte desCMI pour la mise en place du traitement des SDMR estaujourd’hui un pré-requis intéressant. En effet pour Fridkin[5], il n’y a pas de différence en termes de devenir pour lespatients infectés par des souches de SDMR sensibles auxglycopeptides avec des CMI à 4 mg/l et des souches hGISA

012345678910

0h 3h 7h 24h 48h

Témoin

hVISA +

Témoin SDMR-

SDMR-GS+

CMI Vancomycine E-test 10 6 CFU/ml 10 8 CFU/ml

SDMR-GS : 1 1 mg/l

Fig. 1. Cinétique de bactéricidie de deux souches de SDMR en présence devancomycine (CMI X2).La souche hetero-VISA (hVISA) en l’absence de vancomycine a une crois-sance légèrement ralentie (diminution du fitness de la bactérie) par rapport àune souche sensible (SDMR-GS). Parallèlement, la bactéricidie de la van-comycine (à 2 fois la CMI) était moindre pour hVISA que pour SDMR-GS.Un inoculum élevé à 108 CFU/ml permet de dépister l’hétéro-résistance à lavancomycine (CMI passant de 1 à 6 mg/l).

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ou GISA. Pour cet auteur les difficultés thérapeutiques et lesrisques d’échec existent avec les trois types de souches mêmesi celles qui présentent des CMI à 4 mg/l sont catégorisées« sensibles ». Aujourd’hui ces dernières souches pourraientreprésenter plus de 10 % des SDMR.

L’utilisation d’un glycopeptide dans le traitement dessouches dont les CMI atteignent ou dépassent 4 mg/l n’estraisonnable qu’en utilisant des doses correctes permettantd’obtenir l’équilibre des valeurs supérieures à 30 mg/ml enconcentration sanguine. La perfusion continue est générale-ment admise et le relais peut être pris par la teicoplanine, àdes doses suffisantes de 15 mg/kg. Une association est re-commandée (imipénème dalfopristine–quinupristine, cefpi-rome) mais chaque fois que cela sera possible ces associa-tions mériteront d’être préalablement testées (Fig. 2).L’association teicoplanine–b-lactamines semble plus sou-vent synergique ou additive que l’association avec la vanco-mycine. Le linézolide, 1er antibiotique d’une nouvelle fa-mille les oxazilidinones représente une alternativethérapeutique. Cet antibiotique est actif sur les cocci à Grampositif y compris les souches résistantes aux glycopeptides(CMI modale 2 mg/l) pour lesquelles son activité est plutôtde type bactériostatique [27]. Il a l’avantage de pouvoir êtreadministré par voie orale ou IV. L’association in vitro dulinézolide avec d’autres molécules est indifférente (gentami-cine, rifampicine ou acide fusidique) voire antagoniste avecla fosfomycine, ciprofloxacine ou la vancomycine) [28]. Cesassociations ont donc pour seul avantage d’éviter in vitrol’émergence de mutants résistants à la rifampicine ou à

l’acide fusidique. Dans un modèle de pneumonie hémato-gène à souche GISA, le linézolide comparé à la vancomycinea permis de réduire significativement les comptes bactérienset d’augmenter la survie [29]. Aujourd’hui, peu de résistan-ces ont été observées vis-à-vis de cet antibiotique et sa seulelimitation en termes d’activité est la survenue d’éventuelseffets secondaires, en particulier hématologiques, qui peu-vent se manifester dés la 3e semaine de traitement [27,30].

6. Conclusion

Le phénomène « GISA » est aujourd’hui un phénomèneen observation qu’il conviendrait de mieux cerner en termesde détection et de prévalence. Les services les plus concernéssont les unités de soins intensifs où ce type de souche peuttrouver un terrain favorable pour provoquer des infections etdes épidémies. Il sera important, dans ce cas précis, de savoiridentifier rapidement la souche pour à la fois adapter lestraitements et les doses et mettre en place les mesures d’hy-giène destinées à éviter toute transmission croisée. Ces sou-ches lorsqu’elles sont responsables d’infections doivent fairel’objet d’une déclaration dans le cadre de l’infectio-vigilance. Aujourd’hui ces souches ne peuvent pas être igno-rées.

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Fig. 2. Synergie ou antagonisme dans l’association vancomycine–b-lactamine.(PM : céfépime, VA : vancomycine, IP : imipénème)La présence de trois bandelettes E-test permet de distinguer l’antagonismeentre la vancomycine et le céfépime (flèche noire) et la synergie entrel’imipénème et la vancomycine (flèche blanche) sur une souche de staphy-locoques dorés de sensibilité diminuée aux glycopeptides.

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