Le problème des dérivés en berbere et l'exemple du Zénaga

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  • 7/29/2019 Le problme des drivs en berbere et l'exemple du Znaga

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    Le problme des verbes drivs en berbre

    et l'exemple du znaga

    Catherine TAINE-CHEIKH (CNRS Paris)

    Le systme verbal est l'un des domaines o les diffrents groupes chamito-smitiques prsentent d'importants traits en commun. Je les rsumerai ainsi, enreprenant l'analyse de David Cohen (1988: 21-22).a) Le paradigme verbal oppose le thme simple aux thmes drivs (etsurdrivs).b) Les thmes drivs sont forms selon deux procds: un procd d'augmentation intrinsque du thme de base, soit par allongement

    d'un de ses lments phoniques (consonne ou voyelle), soit par un redoublementtotal ou partiel du radical, un procd d'adjonction par prfixation, suffixation ou (plus rarement)infixation d'un morphme de drivation.Dans le 1er cas, le renforcement interne du radical se traduit par unrenforcement de l'expressivit , dans le 2me les modifications exprimes parl'adjonction de morphmes drivatifs concernent le mode de participation dusujet au procs .c) On trouve deux sries d'affixes pour l'ensemble du chamito-smitique: 2 ou 3 affixes d'orientation interne, t et ses variantes tt / d / (partout sauf en

    gyptien), n (galement comme lment expressif) et m (peut-tre seulementcomme variante de n, attest en berbre et en couchitique, [n = m ?])

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    Manuscrit auteur, publi dans "the 10th Meeting of Hamito-Semitic (Afroasiatic) Linguistics, Firenze : Italie (2001)"

    http://hal.archives-ouvertes.fr/http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00538041/fr/
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    3 ou 4 affixes d'orientation externe, d'une parts / ss (partout), d'autre part , het qui semblent propres au smitique [= h ?]1.

    En berbre, comme dans les autres branches du chamito-smitique, lesthmes drivs et leur rle ont connu des variations, ce dont la comparaisonexterne peut tmoigner (cf.l'intervention de David Cohen). C'est ce problme del'histoire des affixes en berbre de leur volution et de leur fonction dans lamorphogense du systme verbal que je veux m'attacher ici. Aux donnes djpublies sur les diffrents parlers berbres, j'ajouterai celles moins connues duberbre mauritanien, le znaga, sur lequel portent mes recherches depuisquelques annes.

    I.Les affixes d'orientation

    En berbre, alors que certains thmes drivs continuent fonctionnerencore comme tels, d'autres ont t intgrs au systme aspectuel. M'intressanttout d'abord aux premiers, j'tudierai les valeurs et les emplois des affixes enpartant des deux grandes oppositions dgages (thme de base vs thmes drivs,orientation interne vs orientation externe).

    Auparavant, sans doute faut-il prciser que, d'aprs Lionel Galand, laproductivit actuelle des procds de drivation est trs restreinte2. Mais, de

    mme que tous les affixes ne sont pas tous utiliss avec la mme frquence, ladrivation n'est pas aussi vivante dans tous les parlers. Ainsi, en dehors duznaga, certains dialectes pourront-ils tre plus souvent sollicits que d'autres.

    1.1.Le verbe nuD'aprs les donnes attestes dans les parlers berbres vivants, le thme de basene semble prsenter aucune spcificit smantique.

    1 Les affixes sont gnralement prfixs (sauf cas de t qui est parfois infix aprs la 1re radicale en

    smitique), mais ils sont suffixs dans une partie du couchitique et en omotique (galement enberbre, dans le cas - rare - du suffixe -t, cf. A. Basset 1929: XCIII-XIX; 1969: 12).2 Le nombre des verbes possdant plusieurs drivs est limit; beaucoup de verbes n'en ont aucun.Il n'est pas rare qu'un driv se cantonne dans une acception particulire et finisse par se dtacherdu verbe primaire (...). Parfois le parler conserve le driv, mais perd le verbe primaire (Galand1988: 234). Certains parlers, cependant, combinent facilement plusieurs morphmes de drivation,souvent deux (ainsi le berbre de Figuig cf. Kossmann 1997: 145), mais parfois plus (cf. en touareg).

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    Si l'on prend l'exemple du znaga, on peut dire que les verbes qui suivent laconjugaison normale prsentent des smantismes trs varis. On trouve en effet(les formes sont donnes au prtrit ou P, la 3me pers. du sg. qui est eny-)3: des verbes actifs, transitifs ou intransitifs, comme yiykm "atteindre", yukf"donner",yugrg"cacher",yibh "aller",yugm "courir", des verbes de qualit ou d'tat commeyugm "devenir grand",yugmr"devenirtroit",yu"tre en poudre, devenir moulu (crale)", des verbes moyens ou rflchis commeytf "se renverser",yubbg"s'loigner",yima"se laver",yr"s'associer".

    Par ailleurs on rencontre, et c'est plus remarquable, des verbes "nonorients", qui peuvent tre employs aussi bien avec un sujet agentif qu'avec unsujet affect, ex. yugvh "percer, se percer (trou)", yugm "gratter, se gratter(peau)",yg"tre douloureux, faire mal",yaa "(se) casser",ysby"entraver, treentrav".

    Le sens est alors dtermin par le nombre des participants au procs (paspar la place des termes dans l'nonc4), ex. ktubyaa ouyaa ktub "(le)crayon a t/ est cass" et rbih yaa ktub-n "(le) garon a cass soncrayon".

    Les verbes "non orients", appels aussi "mixtes" ou "rversibles", sontattests dans beaucoup de langues, mais l'ampleur mme du phnomne

    (plusieurs centaines de verbes simples appartenant au vocabulaire fondamental)en fait plus gnralement une caractristique berbre (cf. Galand 1987: 133 etsq.; Chaker 1995: 65).

    1.2.La causationC'est en constatant que la forme simple, par elle-mme, a souvent diversesvaleurs (d'actif, de rflchi, voire de passif-tat), qu'Andr Basset (1969: 13) s'estinterrog sur le besoin qu'a le berbre de formes drives. Dans la mesurecependant o la spcialisation de la forme nue, quand elle se produit, se fait auprofit de la valeur stative (mdio-passive ou interne ), il en concluait que l'actifpouvait avoir besoin de la forme sifflante pour s'exprimer.

    3 Transcription: note l'interdentale emphatique sourde, variante de et note une chuintantesonore relche , variante de.4 Ni par l'opposition EL (tat libre) vs EA (tat d'annexion) qui n'est pas marque en znaga.

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    Ceci semble se confirmer pour l'ensemble du domaine berbre puisque laforme sifflante est atteste partout, y compris Siwa o c'est la seule formedrive encore vivante (Laoust 1931: 42).

    Dans un dialecte comme celui des At Seghrouchen (Bentolila 1981: 385 etsq.), on a la fois des cas o la valeur gnrale de causatif n'apparat pasd'emble en synchronie et d'autres o le verbe nu et la forme sifflante sontquivalents, mais on a aussi des cas rguliers o la valeur causative du thmedriv va clairement de pair avec les changements de fonction: du nom sujet urba seul: yusy urba aysum "l'enfant a pris de la viande" ==>Sisi aysum i urba "j'ai fait prendre de la viande l'enfant"; des noms sujet urba et objet izr: inw urba izr"l'enfant a travers la rivire"==>Snw arba i izr"j'ai fait traverser la rivire l'enfant".

    Dans beaucoup de parlers, la sifflante prfixe subit d'importantesmodifications sous l'influence des consonnes radicales, ainsi en touareg o lasifflante se sonorise et se palatalise frquemment (doncz, ou ), sans oublier lescas o elle s'emphatise (d'o ) ou tend tre, pour certaines conjugaisons, soitdouble (ss), soit accompagne de la semi-voyelle w. En thggart qui prsentejustement sw l o les dialectes mridionaux ont ss, le redoublement de lasifflante (ss) semble rserv aux formes surdrives, relativement rares dans lesens de causatif(Prasse 1973: 57).

    Le znaga connat lui aussi diverses assimilations (surtout distance) duprfixe qui rappellent beaucoup celles observes en touareg (en particulier celuidu sud), mais il ne semble pas avoir de causatifs doubles. Les redoublements (ss,zz, , , et mme parfois ), trs frquents, paraissent obir des rglescomplexes (lies au nombre et la nature des radicales) sans rapport avec lasurdrivation. A de rares exceptions prs comme ywy "parler" une formednominative, pan-berbre, mettre en rapport avec wy"parole" les formesverbales sifflante (ou chuintante) sont associables des formes verbales sansprfixe, mais, quelle que soit la valeur de la base, la prsence du prfixecorrespond une augmentation du nombre de participants5. Ajout une baseverbale, le prfixe fournit librement des formes transitives pour les intransitifs et

    5 Ceci est valable aussi pour les dnominatifs commeywy"parler" (="produire des paroles") /wy "parole" o l'on passe de zro un participant. Puisque le causatif signifie simplement:provoquer un procs verbal non pas: imposer un sujet un procs verbal , on comprend que les causatifs exclusifs de Prasse, construits sur des noms d'action (cf. sqqmr "tre accoud,s'accouder"), ne constituent pas des exceptions particulires au touareg (1973: 57-58).

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    des formes factitives (susceptibles d'tre doublement transitives) pour lestransitifs, ex. yssnkr "mettre debout, faire se lever" / yunkr "se lever",yssuy "faire oublier" / yuy "oublier", yugm "faire courir" / yugm"courir",ysstf "renverser" /ytf "se renverser".

    1.3.La rciprocitL'expression de la rciprocit est la fois plus rare et moins homogne. Jetenterai une synthse en distinguant, au moins pour des raisons de clart, lesformes nasale bilabiale de celles comprenant une nasale dentale (associe ounon une nasale bilabiale).

    1.3.1. Formes en m- (et variantes)Dans les dialectes marocains, notamment du nord (cf. Renisio 1932 et Cadi 1987)et du centre (cf. Destaing 1920, Penchoen 1973 et Bentolila 1981), les formes enm- semblent assez rgulirement attestes jusqu' 15 % des verbes en rifainselon Cadi. Elles expriment des ides de rciprocit ou de communaut, de raresexceptions prs (6 seulement dans la tamazight tudie par Bentolila6). On yrelve par contre diverses variations de signifiant: en mr- au Rif (pour quelquesverbes, cf. Cadi 1987: 49) et en mm-, my-, myu- au Maroc Central (selon lastructure du schme de la base, cf. notamment Bentolila 1981: 393).

    Dans d'autres dialectes septentrionaux, les formes en m- ne semblent pas

    aussi spcialises. Ainsi en kabyle (Basset & Picard 1948: 247), en mozabite(Delheure 1989: 126) ou en nefousi (Bguinot 1931: 65), les formes en m- ou my-(et mme n) notent-elles tantt la rciprocit, tantt la passivit.

    En touareg, la valeur de rciproque n'est qu'une des valeurs possibles duprfixe m-. Aussi, dans la tahaggart, tend-il tre remplac par la formeredouble mm- qui est, elle, spcialise dans le sens rciproque, que l'action soitexcute alternativement, successivement ou dans l'intrt commun.

    L'introduction du co-sujet par la prposition d "avec", avec un sujet au sing.(le rciproque sens unique ) a t signale par Prasse (1973: 64). Elle seretrouve en znaga avec quelques verbes en m- qui apparaissent comme destraces d'une drivation sens rciproque, ex. ymdukky () "devenir ami

    (avec)", ymknnh () "tre, se mettre d'accord (avec)" et ymubby ()"devenir beau-parent (de)" (dnominatif de aabby"beau-parent").

    6 Dans le rifain oriental, les drivs en mm- sont souvent des rciproques et toujours des intransitifs(Kossmann 2000: 76).

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    1.3.2. Formes en n- (et variantes)Dans quelques parlers septentrionaux, notamment algriens, le prfixe durciproque est, comme nous l'avons vu, en m- ou en n-. On trouve aussi desrciproques en m- et (parfois) n- en tawllmt et en tayt, cependant, dans cesparlers touaregs du Niger, c'est un prfixe renforc en nm- ou ny- qui estnormalement usit (cf. Prasse & al. 1998: 459, 461), mme s'il existe quelquesnuances de sens allant, dans la classification de J. Drouin (1981: 27-28), de la rciprocit (ex. nmikr "se drober mutuellement" / akr "drober") la concomitance (ex. nmal "travailler ensemble" / al "travailler") en passantpar la rciprocit concomitante (ex. nmats "s'gorger" / ats "couper").

    1.4.Le passifLes formes passives, dentale ou nasale, sont souvent trs rgulires.

    1.4.1. Le cas du znagaDans le berbre mauritanien, les drivs passifs, trs frquents, se forment avec leprfixe tty (une gmine palatalise, ralise plutt [tyty] que [tty])7. Ils sontemploys comme de vrais passifs, quand l'agent n'est pas exprim mais estconsidr comme distinct du sujet. Ce sont: soit des formes Ty , construites sur des verbes de base actifs (ex. yttyya". oubli" /yuya"oublier",yttybb ". survol" /yubb "sauter, survoler");

    soit des formes Ty-S , construites sur des drivs causatifs (ex. yttybbg". loign" / yubbg "loigner" / yubbg "s'loigner", yttyagm ". faitcourir" / yugm "faire courir" / yugm "courir", yttysstf "tre renvers" /ysstf "renverser" /ytf "se renverser").

    Dans les deux cas, le prfixe tty note une rduction du nombre desparticipants exprims. Cependant, pour les verbes neutres ou "non orients", lemarquage de cette rduction est souvent rserv certaines formes verbales:inusit au prtrit (P), il apparat rgulirement l'aoriste intensif (AI). Ex. Pyh "il a dpouill, il s'est dpouill + il a t dpouill" mais AI ytth "ildpouille, il se dpouille" + AIyttyh "il est dpouill"; Pyuma "il a bouch,il s'est bouch + il a t bouch" mais AI yaa "il bouche, il se bouche" +

    AIyttyma"il est bouch".

    7 Une exception toutefois, le verbe yukkh "porter" dont le driv passif a un AI rgulier en tty-(yttykkh "il est (sera) port"), mais un P irrgulier en tt- (yttugh "il a t port"), sanspalatalisation de la dentale possible trace de tt- comme marque ancienne du passif.

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    1.4.2. Formes dentaleLes drivs passifs dentale se rarfient d'ouest en est, au profit des formes nasale. Ils sont trs frquents, avec des formes varies, en touareg et dans lesparlers marocains (c'est par ex. la 2me forme drive du rifain, atteste pour 25%des verbes, cf. Cadi 1987: 45). Le plus souvent, le prfixe est en t(t)u- ou t(t)w-(avec ou sans gmination~tension de t) selon les dialectes (cf. le rifain parrapport au tamazight) ou, dans le mme dialecte, selon la prsence ou non d'unevoyelle initiale a- (cf. Bentolila 1981: 377). La labialisation semble plus frquenteque la palatalisation, cependant on retrouve le t(t)y- du znaga dans certainsparlers marocains (chez les Brabers et les Ntifa, cf. Destaing 1920: 70, note 1) oudans certains contextes (devant une base en a- chez les Ayt Ndhir, cf. Penchoen1973: 46). Enfin on rencontre des prfixes passifs en t(t)- comme simplesvariantes (voire doublets) des formes prcdentes, lorsque les verbes de basen'utilisent pas ce morphme t(t)- pour former leur AI, ainsi en touareg (Prasse1973: 63).

    Exceptionnellement, dans le berbre de Figuig o tt- est aussi une simplevariante de ttu-, une distinction est faite entre tt-~ttu- et ttwa- (cf. Kossmann1997: 156-2628). Les deux formations passives semblent correspondre, d'une part un passif o l'agent est inconnu ou sans importance, ex. i-tt+eska li "un murest une chose construite [c'est--dire: pas naturelle]", d'autre part un vrai passif

    o l'agent est, soit sous-entendu, ex. i-ttwa+sek li "ce mur a t construit [parqqn.]", soit (cas rare en berbre) introduit par la prpositions, ex. t-ettwa+siwel smidden "elle [la langue] est parle par des hommes [non par des animaux]").

    1.4.3. Formes nasaleLa frquence des passifs nasale est trs variable. A Ghadams (Lanfry 1968:320), tous les passifs sont en m- et Siwa, ceux prfixe sont en n-9. En nfousiet en kabyle, ils sont plus frquemment nasale qu' dentale, mme si le prfixeen m- (m-, my- ou n- en kabyle) note aussi le rciproque. Le cas du mozabitesemble peu diffrent de celui du kabyle, alors qu'au Maroc les formes nasale,gnralement peu nombreuses (seulement 6 passifs nasale M- chez les AtSeghrouchen, cf. Bentolila 1981: 393), semblent tre rserves le plus souvent au

    rciproque. Cependant le rifain atteste quelques passifs nasale, doublets ou non

    8 Voir aussi les traces de cette opposition en rifain oriental (Kossmann 2000: 76-77).9 Laoust (1931: 44 et 61) verrait volontiers, dans les quelques passifs en n- du siwi, une influence del'arabe mais il souligne d'autres cas de n-, notamment au Maroc. Par ailleurs il pose l'existence dansce parler d'une conjugaison particulire sens passif (ibidem: 62-3).

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    des passifs en Tw-, dont le prfixe enM- ou n- parat distinct de celui en m- ou mr-du rciproque (Cadi 1987: 51).

    Enfin en touareg, o les passifs en m- se retrouvent plutt pour les verbessans rciproque ou relevant de certaines racines (conjugaison n I.A. 3 et 4 en R1= *h, cf.Prasse 1973: 62), il arrive qu'une nuance de sens diffrencie les deuxprfixes10.

    1.5.Les autres valeurs des formes nasaleSi les sens rciproques et / ou passifs sont rcurrents pour les formes nasale, ilsne couvrent pas l'ensemble des valeurs attestes dans tous les dialectes,notamment dans ceux o les passifs sont normalement dentale.

    Les prfixes en m- (parfois en n-) donnent des verbes de sens moyen ourflchi en rifain, Figuig, en touareg, ... , mais pas de manire rgulire. Lerapport smantique entre la forme nasale et la forme simple, verbale ounominale, est souvent assez lche, ex. maklu "prendre le repas de midi" / aklu"passer la journe" et naal "s'vanouir" / al "tre droit" dans le touareg duNiger (Drouin 1981: 26); mm-een "se retourner" / en "renverser" Figuig(Kossmann 1997: 152); ynnukkh "se lever prcipitamment" / yukkh "porter,soulever",ynnugr"s'enfuir (enfant, esclave, ...)" / yugr"drober" etynnu"aimer" / yu ". (devenu) moulu" en znaga. D'autres fois, on ne trouve pas

    trace d'une base et la nature drive de la forme nasale reste hypothtique,ainsi, toujours en znaga: ymmuy "devenir affam", ymmuy "devenirmenteur", ymtttg "se dplacer tout seul", ynnunn "avoir une indigestion",ynnuh "s'vanouir" ou yngr "se dboter (os)" (peut-tre sens second parrapport au sens rciproque "se croiser").

    Paralllement aux passifs (sans agent sous-entendu) en ttu- tudis parKossmann (voir ci-dessus), on peut trouver des rflchis-passifs ou passifs d'tat nasale n(n)- dans le tamazight des At Seghrouchen (Bentolila 1993: 383), ex.Nf "tre pli" / f ouNim "tre plein jusqu'au bord" / am. C'est aussi le cas, enznaga, deynnitytyf". lch, libr (de soi-mme), se lcher" / yitytyf"lcher"et de ynnissf ". arrach (de soi-mme), s'arracher" / yssf "arracher", qui se

    distinguent tous deux des (vrais) passifs, respectivement ytytytytyf ". lch,libr (par qqn)" etytytyssf". arrach (par qqn)".

    10 Ainsi le parler tawllmt du Niger distinguerait-il, au plan temporel, alm immokar"le chameaua t vol (rcemment)", plus ponctuel, agent sous-entendu, de alm itawakar "on a vol lechameau (il y a longtemps)", agent totalement anonyme (cf. Drouin 1981: 29-30).

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    Si le 2me type est assez rare, les 3 autres sont attests frquemment. C'est lanature du contexte consonantique qui semble influer sur le choix de la voyelleferme (non-a), et non le caractre ouvert ou ferm de chacune des syllabes. Ainsia-t-on, par ex. pour le type a), des verbes comme A yrfPyirf"cuire ( l'eau)",Ayani Pyn "tuer" ou mme Aygi Pyig "dposer", 1re et / ou 2me syllabeouverte.

    2.1.2. Verbes trisyllabiquesLes verbes non drivs de trois syllabes (ou assimils) sont moins nombreux queles prcdents. Ils prsentent galement une alternance de voyelles entre l'aoristeet le prtrit, mais celle-ci n'est vraiment rgulire que pour la 1re et la 3mevoyelles, qui sont en non-a pour A et en a pour P. Cf. A yuqquffih Pyaqquffh "semettre en colre", A yuggiygm Pygguygm "devenir mou, souple", Ayuffuyih Pyffayh "devenir chauve", AyirigiPyrg "aller pied". Comme on peut levoir d'aprs ces exemples, la 2me voyelle est tantt constante (cf. V2 = u dansyaqquffh), tantt variable, mais quand elle varie, c'est souvent en accord avec V1et V3 (cf. V2 = V1 = V3 = a dans Pyffayh etyrg).

    2.1.3. Cas particuliersIl existe naturellement un certain nombre de verbes qui ne suivent pas les rglesnonces prcdemment, notamment parmi les verbes monosyllabiques.Cependant, il est possible de rduire encore le nombre des verbes irrguliers si

    l'on met ensemble tous les verbes qui prsentent un jeu d'alternances particulier.Dans d'autres parlers berbres que nous avons tudis, ces alternances tendentvers l'exact oppos, c'est--dire qu'on trouve non-a a pour A et a non-a pourP (cf. la conjugaison II des verbes intentionnels de Prasse en touareg comme A irsan P yrsin "tre excd" ou A yuksa P yksu "craindre"). En znaga, lasituation est presque identique, sauf que les deux voyelles de A sont en non-a,donc: non-a non-a pour A et a non-a pour P, ex. A yuffu P yffu "avoirsoif" et A yuu Pyau "avoir peur". Nous pensons, comme Prasse, qu'il s'agitd'une classe de verbes aux proprits smantiques particulires, rapprocher des dponents internes de Marcel Cohen (1911)11.

    11 Pour tre exhaustif, il faudrait voquer le cas des trisyllabiques intentionnels du touareg. Pourles dtails, cf. Cohen & Taine-Cheikh 2000.

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    2.2.L'intgration de l'aoriste intensifActuellement, dans l'ensemble des parlers berbres, le systme deux termes (Aet P) a t remplac par un systme trois termes o l'opposition principale n'estni entre A et P, ni entre A et AI (quel que soit le lien que semblerait poserl'appellation d' aoriste intensif pour le 3me terme), mais entre P et AI. LionelGaland (1977) a en effet montr que, du point de vue des valeurs aspectuelles, lefonctionnement du systme verbal reposait sur l'opposition accompli vsinaccompli, la 1re valeur tant porte par les formes P et la 2me, par les formesAI (nous employons les appellations A, P et AI comme de simples tiquettes).

    L'introduction de l'AI dans le systme aspectuel de base constituait uneinnovation remarquable releve par Andr Basset ds 1929, dans la mesure o ils'agissait fondamentalement d'intgrer des formes morphologiquement drives(essentiellement allongement~redoublement radical ou prfixe t-) dans lesystme de base. Ce phnomne a certainement jou un rle important dans laredfinition des usages berbres des formes drives tels que nous les avonsobservs. Voyons ce qu'il en est prcisment pour le znaga.

    2.2.1. Gmination (tension) d'une radicaleDans tous les dialectes berbres, l'allongement d'une radicale (principalement R2 mais pas uniquement), comparable la IIme forme drive de l'arabe enfaal(a), fournit un nombre apprciable d'AI pour les verbes bisyllabiques, en

    particulier peut-tre lorsqu'il s'agit de racines trois consonnes. Ex. P yrmAIyirmm "prendre", P yukty AI yiktty "continuer" et P yugn AI yuggn"baraquer".

    Il arrive souvent que l'allongement de la radicale ne soit pas la seulemodification observable, du fait des corrlations complexes existant en znagaentre simples et gmines correspondantes, ainsi Pygen et AIyddgen dd"mouiller, . mouill" ou P yuk en et AI ykss en ss "patre", mais cesalternances, largement prvisibles (cf. Taine-Cheikh 1999 et paratre), sontpresque une ncessit pour le bon fonctionnement de cette forme. Dans le cas desoppositions simples commegvsggou n vs nn, la tendance semble tre en effetde recourir plutt au prfixe, cf. AI yttugn variante de yuggn / P yugn

    "baraquer (animal)" ou mme de combiner les deux, cf. AI yttggm / P yugm"puiser avec qqc.".

    2.2.2. Prfixation de t-/tt-L'emploi du prfixe dental pour la formation de l'AI constitue la solution derechange la plus frquente pour les bisyllabiques et la rgle pour les

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    trisyllabiques. Il semble y avoir l un trait commun tous les parlers berbres (cf.Basset 1929, II). Ex. en znaga (sans entrer dans les dtails de la vocalisation del'AI et de l'alternance -tt-~-t-): P yun AI yittun "avoir honte", P yddr AIyttddr"piquer", Pyaqquffh AIytquffih~ytqaffh "se mettre en colre".

    2.2.3. Prfixation dey-J'ai relev par ailleurs en znaga une douzaine de verbes (bi- ou tri-syllabiques)faisant leur AI par prfixation de ()y-, ex. P yubb AI yybb "sauter", Pyugg AI yygmg "suivre", P yunkr AI yynkr "se lever", P yidydyg AIyydydyg"conduire", PyirwyAIyrwy"s'enfuir" (cas o y> 12), PyrgAIyyrg"aller pied", Pyabh AIyybh "aller, marcher". En dehors du casde P yugm AI yykm "courir" o on pourrait chercher un rapport entre ladisparition de la laryngale et l'apparition de y-, je ne vois pas quelle explicationproposer pour l'origine de ce prfixe13. A noter (mais cela n'claircit rien) quedans les trisyllabiques il peut y avoir sur-prfixation de ()y + t, ex. Pyugrh (ancien prf. m- ?) AIyytmgrh "revenir".

    2.2.4. Prfixation de n-Enfin, en znaga, quelques verbes en R1 = N forment leur AI avec le prfixe n-14.Cette formation particulire semble rserve des verbes o R2 est une dentale(d ou ). Les 3 ex. relevs sont en effet: P yndr AI yinndr "(se) brler", PyunaAIyinna~yyna"voler" et PyunyAIyinany"enterrer"15.

    2.2.5. Vocalisme seulLe dernier cas, galement particulier au znaga16, ne concerne que des verbes 2me rad. liquide, c'est--dire ( l'exception de P yuy AI yiay "tre cher", del'arabe LY) des verbes en R2 = r. Il se laisse expliquer par le fait que lephonme r n'a pas de correspondante gmine en znaga (cf. Taine-Cheikh, paratre). Ainsi le vocalisme, notamment le a entre R1 et R2, devient la marquede l'AI, ex. P yugrg AI ygrg "cacher", P yrg AI yrg "apporter l'eau du

    12 Et peut-tre > dans le cas particulier de Pyuk AI (sansf)yk "donner".13 Il existe bien en phnicienun prfixe y- du causatif, probablement pour h- (cf. D. Cohen 1988:

    78), mais le lien avec le znaga est rien moins qu'vident.14 En kabyle, les verbes 1re rad. N (et quelques autres) font exception la rgle qui veut que lestrilitres radicales brves fassent leur AI par allongement de R2 (Basset & Picard 1948: 197-8).15 Le verbe "goter", emprunt l'arabe, est rgulier: PyunagAI yittunug.16 Les verbes de base formant leur AI par modification vocalique sont rares en berbre. Cf. quelquesverbes 1re rad. sifflante (Basset 1929: 156-7);"dormir"AIgan / Pgen Nfousa (Bguinot 1931:66); "tuer" AI na / P n et "envelopper" AI llfu / P llf Siwa (Laoust 1931: 46).

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    puits" (en chleuh, la gmination tend porter sur R1 si R2 = l ou r, cf. Basset1929: 155).

    2.3.L'AI (inaccompli) des thmes drivsPour les verbes de base, si A se distingue de P, c'est par une modificationvocalique, alors que l'AI s'en distingue, trs gnralement, par une modificationconsonantique (allongement~redoublement d'une radicale ou ajout d'un prfixe).Pour certains verbes drivs, c'est non seulement A et P mais aussi P et AI quisont susceptibles de se distinguer par une simple modification vocalique, sansaffixation. Sur ce point, les diffrents dialectes prsentent des convergencesinespres.

    2.3.1. Drivs sifflanteEn znaga, tous les drivs sifflante opposent un A V1 = a un AI V1 = i.En fonction du comportement des autres voyelles, on peut distinguer 4 variantes.Type A o seule V1 varie, ex. P yssurg AI yssurg "faire accoucher" ou PyaaAIyaa"faire jouer". Type B o V1 et V2 varient en opposition, ex. Pyzgr AI yzgr "faire germer". Type C o V1 et V3 (ou V4) varient enharmonie, ex. P y AI y "faire se coucher". Type D o toutes lesvoyelles varient en harmonie, ex. P yrar (en a) AIyruri (en non-a) "donnerla nause"17.

    En kabyle, l'AI des drivs en s- prsente au moins autant de variations,mais c'est toujours par son vocalisme seul qu'il se distingue de P contrairement ce qui se passe partout ailleurs (Basset & Picard 1948: 237). Que l'absence duprfixe en tt- dans l'AI des drivs en s- soit explicitement souligne (Bentolila1981: 376, Kossmann 1997: 148, Penchoen 1973: 48) ou que la formation de AIpar la seule modification vocalique ressorte des exemples fournis (Delheure 1989:138, Lanfry 1968: 308, Laoust 1931: 45, Prasse 1973: 87 et sq., Prasse &al. 1998:454 etsq.18), la gnralit de la rgle ressort clairement, si l'on laisse de ct lesverbes ens- rinterprts en non drivs19. Mme en nfousi o les formes ens-ont parfois des AI en tt- (3 ex. dont ittsuas / P soas "addormentare", Bguinot1931: 88-9), elles ont normalement un AI vocalique (cf. ibidem p. 66 les 8me,

    9me et 10me formes, ex. AIsenusu / Psens "faire passer la nuit").

    17 Les voyelles de A tant gnralement en non-a, on a donc A = AI pour un certain nombre deverbes, notamment ceux du type D (mais pas pour ceux du type B, o V2 = V3 = a dans AI).18 Egalement en rifain, saufsiyem "lever, duquer", AI tsiyam (Renisio 1932: 60).19 Cas notamment dessew "irriguer"desew "boire" (Kossmann 1997: 148).

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    Par ailleurs on observe une tendance marque l'homonymie dans lesthmes de base: A = P (Basset & Picard 1948: 237, Kossmann 1997: 14820) etmme A = P = AI (Bentolila 1981: 376). Font cependant exception le touareg etle ghadamsi (o tous les drivs en s- suivent le type B du znaga, ex. A issdmrPyssdmrAI issdmr"rpondre", Lanfry 1968: 308).

    2.3.2. Drivs nasaleA la diffrence des prcdents, les drivs nasale recourent au prfixe t(t)- (avecou sans modification vocalique), pour former leur AI. C'est le cas en znaga o lesdrivs en m- et en n- sont peu nombreux, ex. P ymmrw AI ytmrw "semarier" et P ynnissf AI ytnissf "s'arracher", mais c'est aussi le cas dans lesautres parlers berbres, quelles que soient la forme du prfixe, sa valeur et lafrquence de son emploi21. Pour ces drivs, le znaga (comme le ghadamsi et letouareg) distingue rgulirement A de P et de AI, ex. Aynnissf(V1 = V2 = V3= non-a), alors que A et P sont souvent confondus dans les parlers du nord.

    2.3.3. Drivs dentaleEn znaga, les passifs en tty, pour lesquels A et P sont rgulirement confondus,opposent un accompli (P) V1 = a un inaccompli (AI) V1 = i. Pour lamajorit des verbes, les autres voyelles sont ouvertes (V = a) et restentinchanges22, ex. P yttyya AI yttyya ". oubli". Les quelques verbesfaisant exception ont un AI qui change toutes ses voyelles en non-a (avec V2 =

    V3 = u), ex. Pyttygam AIyttyugum ". raccourci (par qqn)".La formation de l'AI par alternance vocalique (si P - AI) semble galementde rgle dans tous les parlers berbres du nord, comme pour les drivs ens- (cf.Basset & al. 1948: 253-4, Bentolila 1981: 379, Delheure 1989: 138, Kossmann1997: 154-6, Penchoen 1973: 48-9, Renisio 1932: 61, etc.).

    En touareg, tous les passifs en tw- forment aussi leur AI par alternancevocalique, mais ceux en t- offrent une situation complexe. Au Niger, la situation

    20 Chez les At Ndhir, A = P sauf cas d'alternance finale i vs a (Penchoen 1973: 48).21 Pour les rflchis et les rciproques nasale(s) du touareg cf. Prasse 1973: 87-9 etsq. et Prasse &al. 1998: 459, 461; pour les passifs en m- du ghadamsi cf. Lanfry 1968: 320 et sq.; pour les

    rciproques et passifs en m-, my- ou n- du kabyle cf. Basset & Picard 1948: 246; pour les rciproquesen m- et les quelques rflchis-passifs en n- chez les At Seghrouchen cf. Bentolila 1981: 383-4; pourles rciproques en m- chez les At Ndhir cf. Penchoen 1973: 48; pour les rciproques en m- Figuigcf. Kossmann 1997: 153; pour les rciproques en m- du rifain cf. Renisio 1932: 60; etc.22 Alors qu'il ne semble pas y avoir de diffrence entre le positif et le ngatif au prtrit (A = PP =PN), toutes les voyelles de AI ngatif (AIN) passent non-a et pas seulement V1. Donc AIP - AIN(sur l'inaccompli ngatif en berbre, cf. Kossmann 1989).

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    est ambigu: AI par prfixation de t- + ddoublement de -tt- ou insertion de adans -tt- ? (cf. P ittrs AI itatras, Prasse &al. 1998: 459). En thggart, lesdeux variantes semblent attestes: P ittkrh ". acquis" correspondent ittkrh(AI en t-) et itkrh (AI par changement vocalique), cf. Prasse 1973: 88.

    Conclusion

    S'il fallait raisonner en attribuant une forme et une valeur originelles prcises chacune des drivations, il serait difficile d'y voir clair en dehors du prfixe sifflante dont la valeur de causatif / factitif est pratiquement constante. Lasituation se simplifie si l'on resitue les diffrentes formes les unes par rapport auxautres dans une perspective morphogntique et si l'on se convainc que, commetient le souligner David Cohen dans ses sminaires de l'EPHE, les valeurs sontmoins l'origine du dveloppement qu' son aboutissement, au terme del'volution induite par le besoin toujours renouvel d'expressivit.

    On a souvent not que l'emploi de formes intensives radicale gmineavec une valeur d'inaccompli correspondait une volution frquente enchamito-smitique (cf. l'akkadien et l'thiopien). Peut-tre plus spcifique auberbre (cf. D. Cohen 1984: 106), est le fait que, pour fournir une forme d'AI chaque verbe de base, tous les dialectes ont eu recours massivement au prfixe ent-23. Que l'affixe tait eu ou non l'origine une valeur expressive , les autres

    formations releves en znaga semblent montrer que le berbre n'a pas hsit recourir des moyens trs divers pour constituer l'AI.Par ailleurs, on peut se demander si des incompatibilits phontiques (de t

    + s par exemple voir cependant la note 18) suffisent pour expliquer que lesparlers berbres, avec une concordance tonnante, n'aient gure form d'AI en t-que pour les drivs nasale. Si le renouvellement de l'ancien inaccompli(aoriste) par l'intgration de l'AI rpondait en partie l'affaiblissement del'opposition vocalique distinguant A et P, n'est-il pas tonnant que le nouvel AIdes drivs sifflante et dentale soit marqu uniquement par un changementvocalique ? Ne peut-on pas supposer que ces drivs sont restsfondamentalement en dehors du mouvement de rnovation, au moins dans un

    premier temps (quitte ce que les parlers berbres les plus systmatisants

    23 Le smitique attribue gnralement une valeur de rflchi, mme s'il existe des traces d'unevaleur expressive plus gnrale, la fois implicative et participative (sur le sens de cestermes, cf. D. Cohen 1989). Voir aussi le suffixe -tde l'akkadien, qui marque plutt l'insistance (cf.M. Cohen 1945-48: 40)

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    crent, dans un second temps, un AI distinct vocaliquement de A et de P au lieud'employer simplement les formes de A pour l'accompli) ?

    Dans le cadre de cette hypothse, on pourrait alors proposer un schmad'volution pour les formes drivs qui prendrait comme point de dpart unsystme deux prfixes d'orientation, le prfixe en s- pour l'orientation externe etcelui en t- pour l'orientation interne. Les prfixes nasale m- et surtout n-n'auraient jou alors qu'un rle secondaire, peut-tre mi-expressif mi-syntaxique,mais dont la valeur dominante pouvait tre, pour le premier, de rciprocit et,pour le second, de passif d'tat (si chaque nasale doit avoir une valeur diffrente ce qui n'est pas certain24).

    Le remploi du prfixe t- dans les formes d'AI a parfois entran un abandonlimit de la marque t- pour l'orientation interne (cf. le touareg o les verbes AIen R2 gmine forment encore leur passif en t-), mais le plus souvent l'abandonde t- a t total (voire mme l'abandon de tout prfixe dentale, comme Ghadams ce qui pourrait tre un lment de diffrenciation entre berbreoriental et berbre occidental). Le remplacement du prfixe t- semble s'tre oprparalllement des amorces de spcialisation. Aussi a-t-on eu gnralementrecours des formes renforces (labialises ou palatalises) de t- pour les emploisde passifs d'o, marginalement, les traces d'une opposition entre passifs en t-ou en tw- (sans vs avec agent sous-entendu) releves Figuig ou au Rif oriental.

    De leur ct, les formes nasales hritaient de quelques emplois de rflchisvenant s'ajouter ceux de rciproques. Cela semble alors avoir suscit en touaregde nouveaux prfixes nasales (avec palatalisation ou redoublement, en mm- etnm-) exclusivement rservs aux rciproques25.

    Il ne s'agit bien sr que d'un schma d'ensemble et il laisse encore de ctun certain nombre de faits, notamment le rapprochement possible de tw- du passifavec le suffixe de l'gyptien ancien d'une part (Laoust 1931: 65 et Prasse 1973:63) et la vocalisation en u de certains passifs arabes d'autre part (cf. Taine-Cheikh1883). En choisissant d'tudier la formation des AI en mme temps que celle desdrivs dans les diffrents parlers berbres, je souhaitais clairer les relationsentre les deux sries de formes et les consquences des changements de l'une sur

    24 Le prfixe nasale m-, qui n'est pas chamito-smitique (mais berbre et couchitique), semble treattach la valeur de rciprocit dans tout le domaine berbre, plus encore que celui en n-. Cettevaleur est-elle ncessairement secondaire par rapport celle de moyen ou rflchi ?25 A. Leguil (2000) donne, de l'opposition des formes d'inaccompli bref vs long en touareg, unschma d'volution (en cinq stades) trs suggestif, qui peut venir l'appui de nos hypothses.

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    l'autre. Je pense que l'apprhension globale de ces phnomnes, dans uneapproche comparative, nous ouvre des perspectives discuter sur lamorphogense du berbre et, au del, sur celle du chamito-smitique26.

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    26 Nous remercions Lionel Galand, Jrme Lentin et Antoine Lonnet qui ont bien voulu relire lemanuscrit. Les erreurs ou imprcisions qui ont pu demeurer restent videmment sous notre entireresponsabilit.

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