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Didactique des maths Le problème en maths Qu’est-ce qu’un problème ? (1) Vous avez déjà raconté un problème qui vous préoccupe. Au bout de quelques instants, malgré votre récit de tout le contexte du problème ainsi que son énoncé, vous constatez que vous ennuyez royalement votre auditeur. Pour vous, le problème est réel alors qu’il n’existe pas pour votre interlocuteur. Comment peut-on alors définir ce qu’est un problème sachant que le même énoncé conduit à des réactions si éloignées ? En fait, ce qui détermine si un problème existe est personnel. Cela se passe entre nos deux oreilles. Ce qui est un problème pour un n’en présente aucun pour un autre. Il y a bien sûr un facteur de motivation qui peut jouer, mais cela ne constitue qu’un critère. Prenez un enfant de quatre ans et présentez-lui deux lignes de petits chocolats disposés comme suit : Demandez-lui de choisir une ligne alors que vous prendrez l’autre ligne. Lorsqu’il aura fait son choix, demandez-lui qui va en manger le plus, si chacun mange seulement les chocolats de la ligne qu’il a choisi. À quatre ans, voici des réactions possibles. 1. L’enfant ne sait pas et n’accorde aucune importance à cette question. 2. L’enfant croit que la ligne la plus longue contient plus de chocolats. Proposez alors de déguster les chocolats au même rythme, c’est-à-dire que vous en mangerez un chaque fois que l’enfant en mangera un. Voici ce qui peut survenir vers la fin ou à la fin de la dégustation. 1. L’enfant, ayant choisi la ligne la plus longue, n’accorde aucune importance au fait que vous terminiez après lui. Si, à la fin, vous lui demandez qui a mangé le plus de chocolats, il répond que c’est lui ou encore qu’il ne sait pas. Ce qui vient de se passer ne lui cause aucun problème. T.M. 1

Le Problème en Maths

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Page 1: Le Problème en Maths

Didactique des maths Le problème en maths

Qu’est-ce qu’un problème ? (1)

Vous avez déjà raconté un problème qui vous préoccupe. Au bout de quelques instants, malgré votre récit de tout le contexte du problème ainsi que son énoncé, vous constatez que vous ennuyez royalement votre auditeur. Pour vous, le problème est réel alors qu’il n’existe pas pour votre interlocuteur. Comment peut-on alors définir ce qu’est un problème sachant que le même énoncé conduit à des réactions si éloignées ?

En fait, ce qui détermine si un problème existe est personnel. Cela se passe entre nos deux oreilles. Ce qui est un problème pour un n’en présente aucun pour un autre. Il y a bien sûr un facteur de motivation qui peut jouer, mais cela ne constitue qu’un critère.

Prenez un enfant de quatre ans et présentez-lui deux lignes de petits chocolats disposés comme suit :

                        

Demandez-lui de choisir une ligne alors que vous prendrez l’autre ligne. Lorsqu’il aura fait son choix, demandez-lui qui va en manger le plus, si chacun mange seulement les chocolats de la ligne qu’il a choisi.

À quatre ans, voici des réactions possibles.

1. L’enfant ne sait pas et n’accorde aucune importance à cette question. 2. L’enfant croit que la ligne la plus longue contient plus de chocolats.

Proposez alors de déguster les chocolats au même rythme, c’est-à-dire que vous en mangerez un chaque fois que l’enfant en mangera un. Voici ce qui peut survenir vers la fin ou à la fin de la dégustation.

1. L’enfant, ayant choisi la ligne la plus longue, n’accorde aucune importance au fait que vous terminiez après lui. Si, à la fin, vous lui demandez qui a mangé le plus de chocolats, il répond que c’est lui ou encore qu’il ne sait pas. Ce qui vient de se passer ne lui cause aucun problème. 2. L’enfant est étonné en voyant qu’il vous reste des chocolats alors qu’il a terminé les siens. Cet étonnement provient de la croyance qu’il avait, au départ, choisi la ligne ayant le plus de chocolats. Il est face à un vrai problème. Dans sa tête, deux concepts sont entrés en collision.

Reprenez l’expérience. Dans le cas du premier enfant, son comportement ne changera pas, il sera ravi de manger des chocolats, c’est tout. Dans le second cas, l’enfant  réfléchira avant de choisir sa ligne. Il est possible qu’il prenne alors la ligne la plus courte en pensant à ce qu’il vient de vivre. Pas de chance, cette fois, vous aurez disposé les chocolats de sorte que la ligne la plus courte contienne neuf chocolats et que la ligne la plus longue en contienne douze. Il est aussi très probable qu’il imite d’abord la dégustation en faisant correspondre du regard et du doigt un chocolat d’une ligne à un chocolat de l’autre ligne. Il est clair que cet enfant vit un problème et ce problème va le hanter jusqu’à ce qu’il le résolve. Ne croyez surtout pas qu’en mettant fin à l’activité, vous « sortirez l’élève » du problème. Au contraire, il transposera ce qu’il vient de vivre dans diverses situations quotidiennes afin de résoudre le conflit cognitif que l’activité a créé.

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Didactique des maths Le problème en mathsEt si l’enfant a cinq, six ou sept ans ? La première attitude décrite précédemment risque de ne pas apparaître. La seconde sera fréquente. Mais, un autre comportement apparaît : l’enfant compte spontanément les chocolats et choisit la ligne où il y en a le plus.

En fait, l’enfant applique cette fois un principe qu’il a déjà découvert. Il n’a aucun problème réel avec ce qui lui est demandé.

Bref, la même tâche constitue un véritable problème pour un enfant sur trois. Pour les deux autres enfants, le premier n’est nullement touché par la situation alors que le second la résout sans difficulté en appliquant des concepts déjà maîtrisés.

Il y a cependant un autre comportement possible. Pour le comprendre, voici une autre activité. Montrez à l’enfant une bouteille fermée et à moitié pleine d’un liquide quelconque. Montrez-là debout puis couchée et demandez à l’enfant de quatre à huit ans de vous dire s’il y a plus de liquide lorsque la bouteille est debout ou lorsqu’elle est couchée ou si c’est égal dans les deux cas.

Certains enfants vous regardent alors avec des yeux incrédules, ils se demandent d’où vous sortez une question aussi idiote. Ou encore ils pensent que vous voulez rire d’eux. Souvent, ils répondent en hésitant car la solution (qui est la bonne) est tellement évidente pour eux qu’ils se demandent s’ils ont bien compris ou s’il y a un piège.

Encore une fois, le même énoncé constitue un problème pour les uns, un piège pour quelques autres et ni l’un ni l’autre pour d’autres élèves. 

Voici un « problème » adressé à des élèves de onze ans :

Claude et Maxime ont invité des amis à souper. En cuisinant les pâtes, ils s’interrogent d’un air inquiet : « Avons-nous suffisamment de pâtes pour tout le monde ? Ils disent alors : « Cassons les spaghettis en deux, nous en aurons plus! ». Claude et Maxime ont-ils raison ? Pourquoi ? ( Une famille nombreuse. Prototype d’épreuve en mathématiques pour la fin du 3e cycle, Ministère de l’Éducation du Québec,  juin 2004.)

Vous êtes un élève de sixième année, à qui on pose cette question, vous vous retrouvez alors dans une des trois situations suivantes.

1. Ce problème touche la conservation de la matière, laquelle est acquise avant neuf ans. Malheureusement, vous souffrez d’une déficience sévère qui ne vous a pas permis d’acquérir ce concept. Vous risquez donc de répondre qu’il y aura plus de spaghettis. Cependant, une chose est évidente, vous ne devriez pas être en sixième année.

2. Vous êtes un élève en santé et vous haussez les épaules en pensant :  « Franchement, pour qui me prenne-t-il ? ». Pour vous, la bonne réponse est évidente, vous ne pensez même pas qu’on puisse penser autrement.

3. Vous êtes un élève normal de sixième année et, comme cette question vous est posée dans le cadre d’une série de « problèmes d’application » en provenance du « très sérieux » ministère de l’Éducation du Québec, vous pensez immédiatement que vous avez mal lu, vous recommencez une fois, deux fois. Vous vous dites : « Il y a quelque chose que je ne comprends pas, il y a un piège que je ne vois pas. ». Bref, vous avez un problème réel, mais bien différent de ce sur quoi on vous évalue. Vous répondrez probablement correctement, mais, après l’examen, vous tenterez aussitôt de vérifier votre réponse auprès de l’enseignante ou de vos camarades.

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Didactique des maths Le problème en mathsUne chose est certaine cependant, ce « problème » a été décrit avec un minimum de mots et vous prendrez moins de quinze minutes à le résoudre. C’est donc un problème d’application ? Non, c’est une mauvaise plaisanterie !

C’est un énoncé qui présente un risque élevé d’interprétations sans rapport avec la valeur réelle d’un élève !

Qu’est-ce qu’un problème ? (2)

Voici le pire problème auquel se sont mesurés les mathématiciens des trois derniers siècles et probablement ceux qui les ont précédés également.

Pythagore a démontré que la somme de deux carrés peut être un carré. Prouvez que la somme de deux cubes, différents de zéro, ne peut être un cube et que la somme de deux nombres entiers, autres que zéro, élevés à une puissance plus grande que 2 ne peut être un entier élevé à cette même puissance.

Symboliquement :

Si a, b, c et n sont des entiers plus grands que zéro, an + bn = cn si et seulement si    n = 2 ou 1.

S’agit-il d’un vrai problème ? Aucun doute n’est permis considérant le nombre et la qualité des mathématiciens qui ont tenté de le résoudre sans succès.

Est-ce une « situation-problème » ou un « problème d’application » tel que l’entend le ministère de l’Éducation du Québec ? Vu l’absence de contexte et de bavardages préalables, ce n’est pas une « situation-problème ». Par contre, comme la seule solution reconnue à date compte 120 pages démontrant de nouvelles relations mathématiques et comme l’auteur de cette solution y a consacré sept années de loisirs et de périodes de recherches professionnelles, ce n’est pas non plus un « problème d’application » dont la durée avoisinerait … une quinzaine de minutes.

Il est troublant d’apprendre que le plus célèbre problème de l’histoire des mathématiques n’entre dans aucune des deux catégories de problèmes définies par le MEQ.

Dans Mathadore 178, nous avons avancé l’idée que fondamentalement un problème est en quelque sorte une collision entre deux concepts qu’un individu croit valables. C’est donc un événement très personnel.

Un problème, c’est lorsque, face à une situation, nous fronçons les sourcils en projetant souvent notre tête légèrement vers l’arrière et en pensant « Oh! Oh! ». C’est souvent ce qui nous empêche de dormir. C’est souvent un isoloir qui fait que nous devons « discuter avec nous-même ».

Et comment faisons-nous pour résoudre un vrai problème ? Une des meilleures façons est « de dormir dessus ». Il vous est sans doute arrivé de vous endormir en pensant à un problème ou après avoir consacré une bonne partie de votre journée à tenter de résoudre le problème. Très souvent, c’est au réveil, que vient une idée pouvant  mener à une solution. Que s’est-il passé?

Vous savez comment le cerveau travaille pendant le sommeil ? D’une façon qui semble souvent complètement folle en nous plaçant dans des situations invraisemblables, totalement illogiques. On dirait que le cerveau colle alors, au hasard, une série d’éléments vécus récemment, ou dans un passé plus lointain, en les altérant souvent de façon considérable. Une vraie tempête d’idées farfelues ou non.

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Didactique des maths Le problème en mathsL’analyse des rêves permet parfois de décortiquer tout cela. Elle montre alors que divers liens de nature analogique ont été établis. Des liens analogiques et non des liens logiques. Et c’est ce type d’activités du cerveau qui inspire souvent une piste de solution à un problème.

En consultant les modèles scolaires de résolution de problèmes, nous retrouvons infailliblement une démarche logique, une démarche d’analyse, une démarche dans laquelle il y a peu de place pour la créativité, pour l’analogie, pour les tempêtes d’idées. Il est clair qu’il est plus facile d’enseigner et de vivre une situation qui suit une certaine logique, mais, est-ce comme cela que nous pouvons le mieux résoudre un problème et le mieux initier les élèves à la résolution de problèmes ?

Pour un mathématicien, 50% de son temps de travail sur un problème consiste à comprendre le problème. Cette étape va bien au-delà de la compréhension du simple énoncé du problème, elle consiste à chercher des liens analogiques entre ce problème et d’autres problèmes ou situations connues. Elle consiste aussi à énoncer des idées réalistes, farfelues ou absurdes qui permettent souvent d’améliorer la compréhension primaire du problème et à identifier de nouvelles analogies possiblement utiles.

Qu’est-ce qui fait qu’à ce moment, nous faisons telle analogie ? Nous l’ignorons totalement. Comment aider les élèves à vivre cette tempête d’idées au lieu de se lancer trop vite dans une démarche d’essais-erreurs ? Il faut comprendre ici que la démarche d’essais-erreurs n’est pas mauvaise, mais qu’elle ne fait pas partie de cette première phase de la résolution de problème. En effet, dans cette phase des idées sont lancées, aucune n’est validée, c’est trop tôt. Après cette première phase de la résolution d’un problème, laquelle devrait durer environ 50% du temps de résolution, on passe à diverses tentatives de construction logique d’une première piste de solution. Il peut arriver que la construction logique ait besoin d’un support, d’exemples et, c’est alors, que l’essai-erreur peut être utile.

Il me semble évident qu’il nous faut consacrer de façon prioritaire nos réflexions et nos recherches à l’aide à apporter aux élèves au moment de la première phase de la solution d’un problème. Nous n’avons pas de temps à perdre à tenter de définir ce qu’est un problème, il suffit d’observer l’attitude d’un élève dans une situation précise pour savoir s’il a vraiment un problème.

Pas de temps à perdre non plus à tenter de catégoriser les problèmes, cela n’aide nullement les élèves et les enseignantes, cela ne sert qu’à éviter de s’attaquer aux vrais… problèmes.

Comment poser un problème

Voici deux problèmes qui ont été posés dans les écoles primaires françaises auprès de 1796 garçons et 1731 filles. Les pourcentages indiquent les taux de réussite. (Ré : Gaston Mialaret, Pédagogie des débuts du calcul, Fernand Nathan, 64 pages)

Je dois parcourir 7 kilomètres dans une journée. Le matin, je fais 4 kilomètres. Combien de kilomètres me reste-t-il à faire dans l’après-midi? (Garçons : 43,2% – Filles 42,5%)

Dans un bidon il y avait 17 litres de vin. Il ne reste plus que 4 litres. Combien a-t-on enlevé de litres de vin? (Garçons 76,7% - Filles 78,8%)

La soustraction 7 – 4 est un peu plus facile que la soustraction 17 – 4. Pourtant la différence est considérable entre les succès obtenus, lesquels favorisent la soustraction la plus difficile. 

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Didactique des maths Le problème en mathsDans un test de quotient intellectuel  connu, on demande aux élèves de résoudre sept problèmes. Les trois premiers portent sur l’addition et les quatre suivants sur la soustraction. Bien que la première soustraction soit la plus facile, elle est habituellement la moins réussie. L’erreur est toujours la même, les élèves additionnent tel qu’ils le faisaient lors des trois problèmes précédents.

Dans un test du ministère de l’Éducation du Québec, à l’intention des élèves de sixième année (onze ans), on leur demandait si, en coupant en deux une poignée de spaghettis, avant de tout placer dans la casserole, il y aurait ainsi plus de spaghettis à manger. Ce problème a été raté par de nombreux élèves, ils ont cru qu’il y avait un piège, qu’ils n’avaient pas compris correctement le problème.

Il n’y a aucun doute qu’une cause importante de difficultés en résolution de problèmes résulte de l’énoncé du problème. Bien qu’il ne soit probablement pas possible de formuler des énoncés parfaits, certaines règles élémentaires devraient toujours être respectées.

L’énoncé du problème doit permettre à l’élève de se former une image mentale claire de la situation problème, c’est ce qui s’appelle « comprendre le problème ». Quelle est la différence entre les deux problèmes mentionnés au début de ce texte ? Le thème. Il est en effet plus facile de voir, de concrétiser, d’imaginer un problème portant sur des litres de vin que sur des kilomètres.

Cette semaine, j’ai eu le plaisir de travailler divers problèmes dans des classes de tout le primaire. Un des problèmes portait sur les buts marqués lors d’une partie de hockey. Certaines enseignantes m’ont fait remarquer, avec raison, que les garçons s’en étaient mieux tirés, surtout les joueurs de hockey.

La construction de l’image mentale, qui guidera tout le processus de résolution de problèmes, dépend de la terminologie et de la thématique. Elle dépend aussi du support de l’énoncé. Est-il simplement verbal ? De nombreux élèves devront alors surmonter un obstacle qui n’existe pas chez les autres. Est-il accompagné d’illustrations ? L’obstacle sera levé pour quelques autres. Mais si les élèves ont aussi en leur possession du matériel qui leur permet de représenter le problème, alors des élèves, qui sont souvent en difficulté, vont mieux fonctionner.

Cette semaine, dans une classe de cinquième, un élève, habituellement en difficulté, s’est avéré un des meilleurs pour une série de problèmes qui parlaient de dallages de planchers, les élèves ayant un matériel approprié en main. Lorsqu’il a des objets qui l’aident à actualiser son problème, cet élève, comme plusieurs autres, se sent plus à l’aise.

Par ailleurs, l’apprentissage et l’évaluation de la résolution de problèmes en mathématiques, ne constituent pas des moments propices au développement de la culture générale. Les thèmes doivent être suffisamment connus pour que, par rapport à eux, les élèves soient égaux ou presque. C’est lorsque l’apprentissage d’un concept est en place que l’on peut l’appliquer dans des contextes diversifiés et, tant mieux si c’est possible, augmenter sa culture générale.

Il est donc irresponsable, au moment d’un test de fin d’année, par exemple, de proposer des problèmes à des élèves de onze ans ayant pour thème l’époque médiévale. Quel que soit l’âge des élèves, le meilleur problème de mathématiques sera toujours celui qui sera présenté avec le moins de mots, celui qui se réfère à un contexte bien connu des élèves.

Avez-vous déjà observé comment un enfant d’à peine un an se débrouille pour atteindre un objet hors de sa portée ? Ou encore comment il réussit à allumer ou à éteindre un téléviseur ? À encastrer un objet dans un autre ? Personne ne l’a « placé en situation » en lui racontant des histoires. Et rares sont ceux qui échouent !

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Page 6: Le Problème en Maths

Didactique des maths Le problème en mathsLa période durant laquelle nous posons un problème doit servir à nous assurer que les élèves en maîtrisent le contexte et la terminologie. Lorsque les élèves ont du matériel entre les mains, il est plus facile d’observer si le problème est compris. Comprendre le problème ne signifie pas que l’on sait comment le résoudre, cela sera tenté lors de la phase suivante.

Vous avez certainement entendu des élèves s’exclamer «Ah, c’est cela que tu voulais dire!» vingt ou trente minutes après que vous ayez proposé un problème ou donné des explications. Et cet élève de huit ans qui, après un cours sur l’estimation de nombres, vint demander à l’enseignante si estimer des nombres c’était comme lorsque sa sœur «estimait» des hot-dogs. À partir de huit ans plusieurs élèves croient que faire des maths c’est calculer. Demandez-leur quelle sera, à trois heures, la longueur d’une corde qui mesure deux mètres à une heure et vous en verrez plusieurs obtenir six mètres en multipliant les mètres par les heures. Et il y a ces chevaux dont le nombre de pattes varie en fonction du nombre de piquets auxquels ils sont attachés. Problème de lecture ? Pas du tout! Mentionnez-leur qu’il s’agit d’un examen de français et vous verrez que cordes et chevaux deviennent plus stables.

Simplement à cause du contexte du cours de mathématiques, les élèves se préparent à calculer. 

Dans le test de quotient intellectuel mentionné plus haut, il suffit d’inverser l’ordre des problèmes d’addition et de soustraction pour que la première soustraction soit mieux réussie et … pour que la première addition le soit moins. Pour obtenir les meilleurs résultats, il faut alterner de façon irrégulière l’ordre des problèmes portant sur diverses opérations. Voila comment, on réussit à … augmenter le quotient intellectuel d’un élève.

Il y a plusieurs années, un de ces fameux tests montrait que les droitiers étaient «plus intelligents» que les gauchers. En regardant plusieurs questions du test, il était évident qu’il facilitait le travail aux gauchers. Plusieurs questions demandaient aux élèves d’observer minutieusement quatre dessins afin de voir lequel était identique au modèle placé en début de ligne, à gauche. D’autres demandaient de compléter un dessin qui représentait une partie du modèle situé à gauche. Vous avez déjà observé que, pour un droitier, ce qui est situé à gauche de sa main est visible alors que c’est caché pour le gaucher ?

Il a suffi de placer les modèles à droite pour que le quotient intellectuel des gauchers subisse un bon prodigieux vers le génie d’Albert Einstein alors que les droitiers se comportaient davantage comme … Frank Einstein ?.

Bref, une des variables les plus importantes en résolution de problèmes constitue l’énoncé du problème lui-même. Et l’élève n’a aucun contrôle sur cette donnée. Lorsque nous évaluons la résolution de problèmes chez nos élèves, cette dimension extrêmement importante est toujours négligée. Par contre nous accordons beaucoup de crédit aux traces que l’élève laisse. Mais, ces fameuses traces, ces fameuses phrases mathématiques, qui évoquent la solution d’un problème, représentent-elles une réponse au problème posé ou à autre chose ?

J’allais oublier, puisque la mode est aux pourcentages, désormais je vous prierais de bien vouloir réserver 25% des points à accorder lors de la résolution de problèmes à la qualité de l’énoncé du problème et de… réduire d’autant  le seuil de réussite exigé de l’élève.

Robert Lyons

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