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Guillaume GRONIER Licence de Psychologie 1997-1998 LE PSYCHOLOGUE, LʼENFANT, ET LE SYSTÈME SCOLAIRE : DE LʼENFANT EN DIFFICULTÉ À LʼENFANT PRÉCOCE Rapport de Stage

LE PSYCHOLOGUE, LʼENFANT, ET LE SYSTÈME …€¦ · Rapport de Stage. Tout dʼabord, je remercie Madame IDRISSI, Maître de Conférence et Responsable de ma Formation à lʼUniversité

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Guillaume GRONIERLicence de Psychologie1997-1998

LE PSYCHOLOGUE, LʼENFANT, ET LE SYSTÈME SCOLAIRE :DE LʼENFANT EN DIFFICULTÉ

À LʼENFANT PRÉCOCE

Rapport de Stage

Tout dʼabord, je remercie Madame IDRISSI, Maître de Conférence et Responsable de ma Formation à lʼUniversité de Metz, de mʼavoir autorisé à privilégier le psychologue sur lʼinstitution et encouragé dans ce stage un peu particulier.

Grâce à son autorisation, jʼai eu lʼoccasion de faire la connaissance de Madame KOELSCH, mon tuteur de stage pour 12 jours, que je tiens à remercier très chaleureusement. Elle a veillé à me faire découvrir le plus de facettes possibles de son métier et a enrichi de nombreux dialogues ce stage qui a ainsi dépassé toutes mes attentes et mes espérances. Jʼai été particulièrement touché par son professionnalisme teinté dʼune sensible réceptivité.

Merci également à Bernard, son mari, et Maud, sa fille, de mʼavoir accueilli si gentiment au coeur de leur foyer.

Merci aux Directrices dʼétablissements scolaires de mʼavoir accepté au sein de leur école, aux instituteurs et aux enseignants AIS de mʼavoir fait assister à leurs échanges avec Madame KOELSCH.

Un grand merci enfin à tous les enfants, principaux acteurs de ces 80 heures !

SOMMAIRE

INTRODUCTION

I/ CHOIX DU STAGE :LA PRÉCOCITÉ INTELLECTUELLE

1) Une définition de lʼenfant précoce.......................................................................2

2) Le psychologue et lʼenfant précoce....................................................................3

3) Présentation du psychologue, tuteur du stage : Martine KOELSCH.......4

II/ PRÉSENTATION DE LʼINSTITUTION :LʼÉCOLE PRIVÉE

1) Quel rôle pour lʼécole ?...........................................................................................6

2) Lʼécole primaire dans la taxonomie des différentes classes spécialisées7

a) Les écoles SEGPA (Sections dʼEnseignement Général et Professionnel Adapté).................................................................................8b) les CLIS (Classe dʼIntégration Scolaire)...............................................8c) les CMPP (Centres Médico-PsychoPédagogiques)..........................8

3) Acteurs et intervenants dans lʼécole privée.....................................................8

a) Le directeur de lʼétablissement...............................................................8b) Lʼenseignant ou instituteur.......................................................................9c) Lʼinstituteur spécialisé CAPSAIS...........................................................9d) Le psychologue....................................................................................10

4) Une école pour les enfants précoces ?............................................................10

5) Vécu de stage : deux heures dans une classe dʼenfants précoces.........11

III/ LE PSYCHOLOGUE DANS LʼÉCOLE

1) Le psychologue et lʼenfant..................................................................................14

a) Entretiens sur demandes......................................................................14b) Lieu et contexte de la rencontre avec lʼenfant.....................................15

Vécu de stage : le ballet des tables et des chaisesc) Comment lʼenfant perçoit-il le psychologue ?.....................................16

• La présentation du psychologue à lʼenfant• Un interlocuteur neutre• Vécu de stage : La mise en confiance par lʼentretien, lʼécoute et lʼintérêt portés à lʼenfant

d) Le choix de lʼoutil psychologique par rapport à la demande............17• Le bilan affectif• Le bilan cognitif • Le bilan affectivo-cognitif

e) Diagnostics, prescriptions et orientations ...........................................19• Rencontre et dialogue avec lʼenvironnement social de lʼenfant• Lʼenseignant AIS• La thérapie• La CCPE (Commission de Circonscription Préscolaire et Élémentaire)

f) La détection de lʼenfant précoce............................................................20• Lʼanalyse du comportement• Le bilan mixte• Lʼorientation

2) Le psychologue et les parents de lʼenfant......................................................22

a) Lieu et moment de la rencontre............................................................22b) La perception du psychologue par les parents.................................22

• “Ciel, mon enfant est fou !”• Importance de lʼentretien

c) Explication et présentation de lʼenfant : vers une nouvelle approche23

• Des mots sur des maux pour mieux comprendre lʼenfant• Quels conseils donner aux parents ?

d) Vécu de stage : lʼenfant et le déterminisme parental......................... 24

3) Le psychologue et lʼinstituteur..........................................................................25

a) De lʼélève à lʼenfant : lʼinstituteur et lʼapproche affective.....................25b) De lʼenfant à lélève : lʼinstituteur et lʼapproche cognitive....................26c) Le psychologue, bête noire de lʼinstituteur..........................................26

4) Le psychologue, lʼenfant, les parents et lʼinstituteur..................................26

a) Lʼapproche systémique........................................................................26b) Le psychologue, arbitre de la triade....................................................27

5) Le psychologue et lʼenseignant AIS.................................................................27

a) On efface tout et on recommence !......................................................27b) Vécu de stage : indispensables réunions..........................................28

IV/ CONCLUSION ET PROBLÉMATIQUE.EVOLUTION DES APPROCHES ET DES MENTALITÉS : VERS LʼENFANT

UNIQUE ET MULTIFACTORIEL

1) Les nouvelles pédagogies...................................................................................29

2) Les générations “Internet” : quelle place pour lʼenseignant ?..................30

3) La précocité non diagnostiquée : gâchis dʼintelligence ou gâchis dʼenfance ?....................................................................................................................31

a) Lʼenfant précoce dʼaujourdʼhui sera le génie de demain ................... 31b) La précocité et lʼenfant : Intelligence et Estime de soi....................... 32

INTRODUCTION

Le stage de Licence en Psychologie fournit à l̓ étudiant lʼoccasion de comprendre la fonction du psychologue inscrit dans une institution donnée.

Le stage de Licence en Psychologie permet à lʼétudiant de se projeter dans lʼavenir : dʼappréhender ce à pour quoi il se forme, ce à quoi ses années dʼétudes le destinent. Le psychologue, tuteur du stage, porte alors la lourde responsabilité de présenter son métier à son jeune discipline sous un jour valorisant, passionnant mais toujours authentique.

Le stage de Licence en Psychologie est un moyen pour l̓ étudiant de donner de l̓ intérêt aux savoirs théoriques qui lui ont été enseignés. Leur application est rarement directe, mais le terrain concrétise, “colore” bien souvent les acquis des cours magistraux.

Le stage de Licence en Psychologie est un contact avec lʼHomme, sujet des études quʼa entreprises lʼétudiant, et quʼil oublie peut-être trop souvent.

Le stage de Licence en Psychologie permet à l̓ étudiant de se responsabiliser par un contact avec le monde réel. Cette responsabilisation lui viendra par les difficultés, les désillusions éventuelles mais aussi lʼobjectivation que suscitera chez lui le métier de psychologue dont il sera témoin durant 80 heures.

Le stage de Licence en Psychologie offre à l̓ étudiant la possibilité de se faire sa propre idée de ce quʼest la Psychologie et de ce à quoi elle sʼapplique.

Par ce stage, lʼétudiant en Licence de Psychologie peut sʼauto-évaluer au métier de psychologue. Non pas par une évaluation de ses capacités au travail ou de ses connaissances -il nʼest pas encore psychologue- mais par une évaluation de ses capacités humaines et affectives. Le stage de Licence permet de se les découvrir ou non, et offre lʼalternative dʼune orientation nouvelle, ou au contraire la confirmation dʼêtre fait pour ce que lʼon souhaitait faire.

Le stage de Licence en Psychologie est un “test” pour l̓ étudiant lorsque celui-ci oscille entre différentes orientations. Lʼévaluation sur le terrain des possibilités quʼoffre telle ou telle voie en psychologie peut lui permettre de trouver la sienne.

Durant les 80 heures passées auprès dʼune Psychologue, j̓ ai essayé, avec son appui, de répondre aux questions que je me suis posées pendant mes deux premières années dʼétude. Jʼai cherché également à vivre, autant qu i̓l mʼétait possible, son contact afin de “mʼimprégner” du métier auquel je me forme. Lʼinstitution servit de support à mes réflexions.

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I/ CHOIX DU STAGE :LA PRÉCOCITÉ INTELLECTUELLE

Une tante mʼa demandé un jour, puisque jʼétais étudiant en psychologie, à partir de quel Q.I. on pouvait déterminer quʼun enfant était surdoué. Je me suis alors penché sur la question de la précocité…

1) Une définition de lʼenfant précoce

“Lʼenfant surdoué est essentiellement caractérisé par la grande précocité de son développement intellectuel” (Jean-Charles TERRASSIER, 1981).

Cette “définition, pragmatique et utilitaire”, selon lʼauteur, a lʼavantage de poser avec simplicité la principale caractéristique de l̓ enfant précoce : son développement intellectuel nʼest pas en adéquation avec son développement chronologique, le premier étant supérieur au second. Cette différence se mesure lors des tests de Q.I. où sʼeffectue le rapport niveau intellectuel sur âge mental. Il est aujourdʼhui admis quʼun enfant est précoce avec un Q.I. total au dessus de 125 (pour les tests dʼintelligence récemment réétalonnés).

Cependant, la définition de l̓ enfant précoce ne sʼarrête pas à la mesure de son quotient intellectuel. Pascale PLANCHE, dans sa thèse de doctorat de 3ème cycle de psychologie portant sur le fonctionnement et le développement cognitifs de lʼenfant précoce, différencie 6 domaines dans lesquels peuvent sʼexprimer une précocité :

- les capacités intellectuelles générales;- les aptitudes scolaires spécifiques;- la pensée créative ou (et) productive;- lʼart visuel ou dʼexpression;- les qualités de leader;- les capacités psychomotrices.De plus, Madame PLANCHE distingue la terminologie “précoce” de “surdoué” :

“Nous convenons dʼappeler “précoces” les enfants dont le Q.I. est égal ou supérieur à 125 et “surdoués” ceux dont le Q.I. est égal ou supérieur à 160.” De plus, le terme “surdoué” implique, selon elle, lʼidée de don, donc dʼhérédité et introduit une connotation de supériorité élitiste préjudiciable.

Lʼenfant précoce se caractérise également par une série de décalages importants dans ses développements cognitif, social, affectif et psychomoteur. Cʼest ce développement hétérogène que Jean-Charles TERRASSIER décrit sous le terme de “dyssynchronie” (Jean-Charles TERRASSIER, 1981). Celui-ci distingue deux principales dyssynchronies :

1- la dyssynchronie interne qui affecte lʼévolution intellectuelle, verbale et logique; lʼévolution psychomotrice, lʼorganisation dans lʼespace et lʼévolution affective (lʼenfant

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précoce aura, par exemple, une grande facilité dʼexpression nourrie par un vocabulaire riche, mais une écriture lente, malhabile et irrégulière);

2- la dyssynchronie sociale qui affecte lʼenfant dans sa relation avec lʼenvironnement. Celle-ci peut se révéler :- à lʼécole, milieu inadapté à ses capacités intellectuelles et à sa rapidité de compréhension; - au sein de la famille qui, surtout lorsque le milieu est culturellement défavorisé, nʼapporte pas toujours à l̓ enfant les réponses aux questions qu i̓l se pose (quʼest-ce que la vie ? quʼest-ce que la mort ? dʼoù venons-nous ? quʼest-ce que lʼunivers ? etc…) et le pousse, par culpabilité, à renoncer à “être brillant”; - dans ses relations avec les autres enfants : l̓ enfant précoce préférera dialoguer avec des camarades plus âgés que lui, mais, lorsquʼil sʼagira de jouer à un sport, son développement physique ne lui permettant pas de suivre ses aînés, il sʼorientera plus naturellement vers les enfants de son âge.

2) Le psychologue et lʼenfant précoce

Jʼai ainsi découvert que derrière cette “toute-puissance intellectuelle” quʼon lui reconnaît se cachent en vérité beaucoup de particularités affectives et de grands problèmes dʼadaptation, dʼestime de soi, de relation sociale, et que l̓ enfant précoce, loin dʼêtre une “machine à penser”, souffre autant et même peut-être plus quʼun autre enfant de son âge.

Pour comprendre alors les raisons de cette paradoxale inadaptation au monde (lʼintelligence, nʼest-ce pas sʼadapter ?), pour connaître les caractéristiques de développement des enfants précoces, leurs structures cognitives les plus avancées, les causes et les effets de leur singularité, j̓ ai choisi de réaliser mon stage de Licence auprès dʼeux. Je me suis alors tourné vers les associations françaises spécialisées. Elles sont au nombre de trois :

1- lʼALREP (Association, Loisirs, Rencontres et Éducation pour les enfants et adolescents Précoces) qui organise chaque année des camps de vacances réunissant des enfants précoces; 2- lʼANPEIP (Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces) présidée par Jean-Charles TERRASSIER, ancien membre du Comité exécutif du Conseil mondial pour les enfants doués et talentueux, qui a un rôle très actif dans la recherche sur la précocité; 3- lʼAFEP (Association Française des Enfants Précoces) qui est certainement l̓ association la plus répandue et la plus reconnue en France. Elle vise à lʼouverture de classes spécialisées (sur lesquelles nous reviendrons plus loin) dans les collèges. Elle accueille aussi les parents dʼenfants intellectuellement précoces, les instituteurs désireux de comprendre cette particularité, et elle regroupe chercheurs, pédagogues et psychologues. Ensemble, ils cherchent à apporter quelques réponses sur la précocité et les diffusent par des réunions, colloques et congrès. Les psychologues membres de cette association sont indiqués aux familles qui

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croient leur enfant précoce afin qu i̓l passe un test de QI. Le résultat au test, validé par le psychologue, est un document nécessaire pour le saut de classe ou pour lʼadmission de lʼenfant dans une classe adaptée à la précocité intellectuelle.

3) Présentation du psychologue, tuteur du stage : Martine KOELSCH

Cʼest auprès des psychologues membres de lʼAFEP que j̓ ai effectué ma demande de stage. Beaucoup mʼont répondu et me soutiennent encore dans mon étude sur la précocité, mais la plupart, en libéral, ne purent mʼaccueillir. Seule Madame KOELSCH, Psychologue diplômée de lʼUniversité de Rennes II accepta que je partage avec elle ses entretiens et passations auprès dʼenfants précoces, et également ses interventions en tant que “psychologue scolaire” (nous définirons plus précisément son statut dans une prochaine partie) dans certaines écoles privées de Bayeux et de Caen, qui, sans être spécialisées dans la précocité, nous a permis de rencontrer quelques uns de ces enfants.

Il faut en effet rappeler que mon stage, bien quʼorienté vers lʼétude de la précocité, se devait dʼobserver surtout le psychologue au sein de lʼinstitution.

Martine KOELSCH est Psychologue Clinicienne, avec une spécialisation en psychopathologies des activités cognitivo-langagières et logico-mathématiques.

Elle est également présidente du GREPS (Groupe de Recherche et dʼEnseignement en Pédagogie Spécialisée). Cette association organise, à travers stages, conférences et séminaires, “des actions de formation permanente à contenus centrés sur la pédagogie spécialisée auprès des sujets (enfants, adolescents, adultes) présentant des retards de développement affectif, cognitif et langagier.” Elle propose aussi, et tout particulièrement, de nouvelles méthodes pédagogiques afin de lutter contre l̓ illétrisme et de faire acquérir à tous cet “acte du lire/écrire”.

Martine KOELSCH intervient alors dans les différents domaines suivants :- la formation spécialisée, en tant que formatrice-psychologue, en participant aux activités du GREPS;- l̓ information, en tant que psychologue praticienne, en faisant part auprès dʼ enseignants, directeurs dʼétablissements scolaires, parents ou personnes intéressées par la précocité intellectuelle de son expérience des enfants précoces;- lʼécole, en tant que “psychologue scolaire”, dans ses interventions auprès de certaines institutions du Calvados;- le libéral, en tant que psychologue clinicienne, où elle rencontre des enfants en difficulté affective ou cognitive, ou des enfants dont la précocité est pressentie.

Je ne traiterai, dans ce rapport de stage, que de ses fonctions au sein des écoles qui mʼont été permis dʼobserver.

Je commencerai donc par présenter le cadre institutionnel scolaire avec ses acteurs et les classes spécialisées dʼaide pour les enfants en difficulté.

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Puis je développerai les différents rôles du psychologue dans lʼEcole avec les relations qu i̓l entretient avec l̓ enfant, les parents, l̓ instituteur et les enseignants AIS (Aide dʼInsertion Scolaire).

Enfin je conclurai sur les nouvelles pédagogies qui sont proposées aux enfants, sur lʼintérêt de plus en plus prégnant porté à lʼenfant dans sa singularité; et sur ce quʼil me semble pouvoir être apporté aux enfants précoces en particulier.

Je terminerai chacune des parties en faisant part de mon vécu de stage et sur une parenthèse sur la précocité que je distinguerai des autres parties dʼune encre bleue.

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II/ PRÉSENTATION DE LʼINSTITUTION :LʼÉCOLE PRIVÉE

Martine KOELSCH est sous contrat dans plusieurs écoles, et organise donc son emploi du temps de façon à voir le plus régulièrement et le plus souvent possible les enfants qui lui sont indiqués. Chaque jour, sur un cycle pouvant varier dʼune semaine à un trimestre selon le budget et la demande des établissements, elle se rend dans une école différente.

Jʼai pu participer à ses interventions dans 4 écoles privées, 1 sur Caen et 3 sur Bayeux, chacune insérée dans des quartiers plus ou moins favorisés. Ce sont alors des enfants très différents les uns des autres que nous avons vus, avec des sources de difficulté scolaire très variées.

École laïque ou école privée, le sujet a déjà fait couler beaucoup dʼencre et ce nʼest pas le sujet de notre rapport. Toutefois, la terminologie “privée” véhicule deux notions essentielles (que l̓ on retrouve, quoique pas pas exactement sous ces termes, dans la Loi Debré du 31 Décembre 1959) qui ont à voir avec notre sujet : Liberté et Autonomie. Une liberté dʼenseigner et de fonctionnement qui ouvre sur de nouvelles pédagogies et qui invite à repenser lʼéducation pour un enseignement et un suivi plus proches de lʼélève, prompts à donner des résultats scolaires, mais aussi individuels, à travers lʼépanouissement de l̓ enfant. Une autonomie face à l̓ Etat qui oblige à une organisation propre à chaque établissement privée. Ces deux notions ont deux répercutions sur la psychologie, lorsquʼelle est présente à lʼécole : elle est, tout dʼabord, toujours demandée et donc désirée par le directeur de lʼétablissement. Son apport nʼest alors jamais remis en question et ses “bienfaits” toujours reconnus. De plus, le psychologue intervenant dans lʼétablissement a le titre et une formation de psychologue et non de psychologue scolaire. On peut supposer alors que son approche est plus “psychologique” que “scolaire”, plus apte à prendre lʼenfant dans toute sa complexité multidimensionnelle.

1) Quel rôle pour lʼécole ?

La loi dʼorientation sur l̓ éducation du 10 Juillet 1989 stipule que “lʼéducation est la première priorité nationale”, et reconnaît à chacun le droit à lʼéducation “afin de développer sa personnalité, dʼélever son niveau de formation initiale et continue, de sʼinsérer dans la vie sociale et professionnelle, dʼexercer sa citoyenneté”.

Lʼécole pose alors de multiples objectifs : psychologique, social, professionnel, culturel et civique quʼelle cherche à atteindre par la mise en place de multiples systèmes institutionnels mieux adaptés aux caractéristiques communes à certains enfants.

Lʼécole est un tremplin pour la vie après lʼécole.

Toutefois, quelques auteurs, comme LÉVINE et BOURDIEU, démystifient lʼapport

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de lʼécole et lui prêtent dʼautres rôles. LÉVINE (1977) décrit le système scolaire comme un accord tacite entre les

parents de lʼenfant et lʼinstitution. Les parents demanderaient à lʼécole quʼelle prenne leurs enfants à un âge de plus en plus précoce; quʼelle prépare leur insertion sociale par la transmission de savoirs; mais surtout quʼelle leur subordonne leurs enfants par un dressage pulsionnel.

Pierre BOURDIEU et J.C. PASSERON (1970) estiment, eux, que le rôle essentiel de lʼécole consiste à reproduire la structure hiérarchique des rapports des catégories socioculturelles par le biais de la répartition inégale du capital culturel entre les classes.

Lʼécole est un moyen de conservatisme et de cohésion sociale.

Je définirais, quant à moi, lʼécole comme le tuteur du développement intellectuel et social de l̓ enfant. En effet, dès lʼécole primaire, certaines capacités cognitives et représentationnelles sont exigées de l̓ enfant. Celui-ci doit apprendre à lire, à écrire, à compter et doit repousser les limites langagières quʼon lui accordait jusquʼalors. De plus, en entrant dans une infrastructure où se trouvent dʼautres enfants, des enseignants et dʼautres intervenants, il doit trouver de lui-même sa position dans une hiérarchie tout en acceptant lʼautorité extra-parentale.

Mais le système scolaire ne peut agir seul. Le soutien et le complément familial de lʼactivité éducative permet à l̓ enfant de trouver une cohérence, une harmonie dans son enseignement.

Lʼécole est “the one step ahead” vygotskyen.

2) Lʼécole primaire dans la taxonomie des différentes classes spécialisées

Toutefois, lʼécole primaire ne convient pas à tous les enfants, et certains, dont le rythme dʼapprentissage et dʼacquisition des connaissances est plus lent que la moyenne, les enfants handicapés ou les enfants socialement en difficulté, suivent un enseignement spécialisé, plus proche de leurs compétences et de leur particularité. Cet enseignement vise à leurs intégrations scolaire et sociale.

Lʼenseignement spécialisé peut se faire dans une classe ordinaire en action avec le RASED (Réseau dʼAides Spécialisées aux Enfants en Difficulté). Celui-ci a pour objectif, selon la circulaire ministérielle du 9 Avril 1990, de “favoriser lʼajustement progressif des conduites émotionnelles, corporelles et intellectuelles, l̓ efficience dans les différents apprentissages et activités proposés par lʼécole, et de restaurer chez l̓ enfant le désir dʼapprendre et lʼestime de soi”.

Lʼenseignement spécialisé peut aussi sʼinscrire dans une institution particulière de lʼEducation Nationale ou dans dʼautres institutions privées :

a) Les écoles SEGPA (Sections dʼEnseignement Général et Professionnel Adapté)

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Elles accueillent les élèves en graves et persistantes difficultés scolaires dont les perturbations, non assimilables au retard mental, peuvent être atténuées ou surmontées en plusieurs années.

Les SEGPA proposent une formation générale technologique et professionnelle en vue dʼune insertion dans le monde du travail et dans le monde social. Lʼadolescent est alors orienté, suivi et formé à un diplôme de CAP.

b) les CLIS (Classe dʼIntégration Scolaire)

Elles sont définies comme “un dispositif départemental dʼintégration scolaire des enfants handicapés à lʼécole primaire” (circulaire ministérielle 91034 du 18 Novembre 1991). Les CLIS accueillent alors des élèves handicapés physiques, handicapés sensoriels ou handicapés mentaux et, en adaptant lʼenseignement à leurs capacités et à leur handicap, leur offre un cursus scolaire le plus proche possible de lʼordinaire.

Les CLIS ont donc un rôle dʼintégration sociale, parce quʼelle favorise un enseignement général tout en évitant “les effets ségrégatifs du placement spécialisé”.

c) les CMPP (Centres Médico-PsychoPédagogiques)

Ceux-ci ne dépendent pas de l̓ Education Nationale et sont en général des organismes privés. Ils ont pour mission de dépister les inadaptations et les handicaps chez les enfants dʼâge scolaire et dʼeffectuer des traitements qui leur soient adaptés.

3) Acteurs et intervenants dans lʼécole privée

Lʼinstitution scolaire regroupe des acteurs et intervenants dont les formations et les missions sont différenciées et complémentaires.

a) Le directeur de lʼétablissement

Le directeur dispose, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, de la liberté dʼorganiser son établissement, qu i̓l sʼagisse de son statut juridique (association, société ou fondation), du recrutement du personnel ou des modalités dʼaccueil. Le contrôle de l̓ Etat ne sʼexerce que dans dʼétroites limites, celles quʼimpose lʼordre public.

Pour offrir le meilleur enseignement aux élèves de son établissement, le directeur pourra agir :

- au niveau des instituteurs et des enseignants spécialisés;- au niveau des infrastructures en créant des classes spécialisées;- au niveau du suivi individuel en créant au sein de son établissement des postes dʼenseignant(s) spécialisé(s) et de psychologue(s);- au niveau familial par des échanges avec les parents sur lʼenfant.

b) Lʼenseignant ou instituteur

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Lʼenseignant a un rôle essentiellement éducatif. Il se doit de transmettre les connaissances, les savoir-faire et les savoir-être aux enfants de sa classe en fonction de leur âge de développement. De plus, à chaque âge correspond une attente sociale et familiale particulières. Lʼinstituteur, en accord avec ces attentes, doit moduler son enseignement pour donner à lʼenfant les bases nécessaires suffisantes à son intégration dans le monde.

Toutefois, plus quʼun transmetteur de connaissances, lʼenseignant devient, durant la période de l̓ enfance puis de lʼadolescence, le principal intermédiaire entre l̓ enfant et l̓ éducation. Il véhicule alors la motivation, le goût dʼaccèder au système éducatif que lʼenfant ressentira et qui le conditionneront dans son propre désir dʼapprendre. Lʼenseignant ne peut faire abstraction de sa dimension subjective, de son “degré de maturation affective”. G. MAUCO (1968) écrit à ce propos quʼavant tout, “le maître enseigne ce quʼil est”.

De plus, comme nous lʼavons souligné plus haut, l̓ éducation devra se faire dans un équilibre dual entre lʼenseignant et les parents. Cʼest cet équilibre qui apportera à l̓ enfant une cohérence stimulante et lʼencouragera à compléter son instruction.

c) Lʼinstituteur spécialisé CAPSAIS

Lʼexamen du CAPSAIS (Certificat dʼaptitude aux Actions Pédagogiques Spécialisées dʼAdaptation et dʼIntégration Scolaires) est ouvert aux instituteurs et professeurs des écoles voulant acquérir une formation leur permettant une intervention plus efficace auprès des enfants en difficulté scolaire. Quelle que soit lʼoption du CAPSAIS choisie (lʼannexe 1 présente les 7 spécialités du certificat), le rôle des enseignants AIS (aide à lʼAdaptation et à lʼIntégration Scolaires) est :

- dʼapporter à lʼélève un enseignement spécialisé en tenant compte de ses particularités et en recherchant les conditions optimales dʼaccès aux apprentissages scolaires et sociaux;- de prévenir les difficultés dʼapprentissage et dʼadaptation scolaires;- de promouvoir lʼintégration scolaire et lʼinsertion sociale et professionnelle;- dʼéchanger et de communiquer avec l̓ enfant et les familles, ainsi quʼavec dʼautres professionnels (plus loin, je ferai part de mon expérience de réunions entre enseignants AIS, psychologue et directeur dʼétablissement scolaire).

Madame PHILIPPE, enseignante AIS à lʼécole St Joseph à Bayeux, mʼa présenté un compte-rendu de ses expériences, recherches et réflexions sur lʼapport du jeu dans lʼenseignement spécialisé aux enfants en difficulté. Le jeu, outre lʼaspect ludique qui retient toujours lʼattention de lʼenfant, lui apprend :

1- dʼun point de vue social, à se conformer et à respecter des règles, à porter attention à autrui -certains jeux de société nécessitent, pour gagner, une collaboration entre partenaires- et à accepter la présence dʼun superviseur -quelques jeux demandent un maître de jeu-;2- dʼun point de vue cognitif, à utiliser et à enrichir ses acquis, logico-mathématiques, par exemple, à travers calculs et opérations;3- dʼun point de vue individuel, à retrouver confiance en soi-même et en ses

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capacités et à mieux équilibrer internalité-externalité du locus of control (à ne pas toujours sʼattribuer les raisons de l̓ échec par exemple) par le renouement avec la réussite.

d) Le psychologue

Une partie de ce rapport lui étant entièrement consacrée, j̓ introduirai sa place dans l̓ institution scolaire en soulignant deux modes essentiels dʼintervention intrinsèquement liés, dont le premier fut longtemps, dans lʼhistoire de la psychologie à lʼécole, prédominant sur le second.

Le premier mode dʼintervention sʼapplique à lʼélève. Lʼexamen psychologique se porte alors sur ses compétences et capacités dʼapprentissage. Lʼélève est-il capable dʼassimiler, de comprendre et de se servir des connaissances qui lui sont transmises par son instituteur ? Cʼest un diagnostic, suivi dʼun pronostic, que le psychologue effectue alors sur la base des structures intellectuelles de lʼélève.

Le second mode dʼintervention, postérieur au premier, se porte sur lʼenfant. Lʼélève nʼest plus “une machine à apprendre”, il est aussi considéré dans toute sa dimension affectivo-historique. Cʼest la dynamique personnelle de l̓ enfant avec sa dynamique relationnelle familiale que le psychologue cherche à saisir. Lʼapproche multidimensionnelle prévaut dans lʼexamen psychologique en tentant dʼéclaircir et dʼenrichir lʼinterprétation des résultats aux tests dʼaptitudes.

4) Une école pour les enfants précoces ?

Lʼenfant précoce est à prendre au même titre que l̓ enfant en difficulté : les classes ordinaires ne sont pas adaptées à ses besoins et à ses compétences.

Il existe, comme nous lʼavons vu, des classes et des enseignements spécialisés pour les enfants handicapés ou en difficulté scolaire, en vue de leur intégration dans le milieu éducatif et dans le monde social. Quant aux enfants précoces, on croit bien souvent qu i̓l leur est plus facile de sʼadapter à un niveau qui leur est inférieur que leurs camarades “en retard”. Néanmoins, plus de 30 % dʼentre eux sont en échec scolaire et 30 % réussissent moyennement. Ne pourrait-on penser quʼau contraire leur avance intellectuelle concourt obligatoirement à leur réussite ?

Face à une classe dont le niveau ne lui convient pas, l̓ enfant précoce réagit de plusieurs manières :

- “il deviendra distrait pour se défendre contre l̓ ennui engendré par une ambiance peu stimulante” (J.C. TERRASSIER, 1981) (lʼannexe 3, tiré du cite Web de lʼécole Saint-Louis au Mans, décrit schématiquement lʼennui de lʼenfant précoce);- il cherchera uniquement à résoudre des problèmes difficiles pour y trouver un intérêt motivationnel. Cʼest ce que E. de BONO nomme “lʼeffet Everest”. Mais lʼenfant ne saura résoudre les tâches simples, les traitant superficiellement;- il se pliera à ce quʼon lui demande en sʼauto-mutilant intellectuellement et en

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cherchant à penser en fonction de ce quʼon attend de lui et du modèle présenté par lʼenseignant. J.C. TERRASSIER décrit cette attitude sous le terme “dʼeffet pygmalion négatif”. Lʼenfant se créera alors une représentation de soi mensongère, propre à la prédominance dʼun faux-self, selon la terminologie de D.W. WINNICOTT.

Une quinzaine dʼétablissements privés ou publics ont ouvert une classe spécialisée qui accueille les enfants précoces. La pédagogie est alors adaptée à leurs particularités et vise :

- à leur apporter un enseignement plus en profondeur afin de garder leur attention et stimuler leur appétence;- à leur donner le goût de lʼécriture. En effet, beaucoup dʼenfants précoces détestent écrire, parce que leur maladresse psychomotrice dont ils sont conscients contraste douloureusement avec leur rapidité dʼesprit, mais aussi parce quʼune fois le problème résolu de tête, poser la solution sur papier ne leur semble plus dʼaucun intérêt;- à leur enseigner des méthodes de travail. La facilité avec laquelle lʼenfant précoce assimile et résout les exercices quʼon lui a demandés, ne lʼencourage pas à structurer sa manière de travailler. Pourtant, au lycée et dans les classes supérieures, il faut avoir acquis une méthode de travail suffisante pour pouvoir réussir;- à leur redonner confiance en eux en leur montrant quʼils ne sont pas seuls et que dʼautres enfants partagent avec eux les mêmes particularités et la même “façon de penser”.

5) Vécu de stage : deux heures dans une classe dʼenfants précoces

Mr et Madame VANDENWEGHE, directeurs du collège Saint Louis au Mans, ont eu la gentillesse de me proposer de visiter leur établissement et plus particulièrement de rencontrer les enfants précoces réunis, au début de lʼannée scolaire 1997, dans une classe de 6ème adaptée à leur besoin. Celle-ci regroupe 23 élèves dont le Q.I. a été évalué au WISC III au dessus de 130. La plupart de ces enfants ont un ou deux ans dʼavance dans leur scolarité.

Nous sommes donc convenus dʼun jour qui, malheureusement, tomba dans une période dʼexamens du second trimestre. Je nʼai alors pu assister quʼà deux cours répartis sur deux heures : anglais et géographie. En attendant, Monsieur et Madame VANDENWEGHE mʼont expliqué les raisons de lʼouverture dʼune classe spécialisée dont je présente le projet, en annexe 3, et que lʼon peut consulter sur le site internet http://www.cybercable.tm.fr/~stlouis.

A l̓ heure des cours auxquels je pouvais assister, je me suis mêlé, en tant quʼobservateur et cherchant à me faire le plus petit possible, à la classe. Ce qui frappe dʼemblée, cʼest lʼeffervescence non sans une certaine turbulence qui se dégage de ce groupe dʼenfants. Le cours dʼanglais se déroula pour 9/10 à l̓ oral, avec des jeux de mime, de questions/réponses et dʼautres jeux encore auxquels tous les enfants participèrent avec une

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énergie débordante. Les quelques moments plus calmes furent ceux où lʼenseignante leur demanda de recopier les 6 phrases (de 5 mots tout au plus) inscrites au tableau, dans une protestation générale. Au bout de plusieurs minutes, quelques uns, oisifs, nʼavaient toujours pas commencé à écrire.

Lʼheure de géographie se passa dans la même effervescence et la même dissipation. Par contre, la matière se prêtant mieux aux réflexions et aux questions, j̓ ai été surpris par le désir, venant de tous les élèves, dʼen savoir davantage sur tel ou tel sujet. De comprendre pourquoi, par exemple, (la leçon du jour portant sur les pays développés et sous-développés) lʼAmérique du Sud a tant de disparités entre ses différentes régions et même tant dʼécarts socio-économiques dans une même ville. Ce que jʼai repéré également, cʼest que lorsquʼun enfant pose une question, elle est tout autant adressée à lʼenseignante quʼaux autres enfants de la classe qui lui répondent aussitôt. Cela amène rapidement une cacophonie difficilement maîtrisable et vite insupportable.

Là encore, les quelques phrases à noter sur le cahier, dictées par l̓ institutrice, semblèrent être un véritable calvaire ! Même si la plupart suivit le rythme de la dictée, il fallut répéter la phrase plusieurs fois à dʼautres, non pas parce quʼils nʼavaient pas compris, mais parce quʼà un moment donné ils avaient regardé par la fenêtre et leur esprit sʼétait évadé.

Ces deux heures étant les seules passées dans une classe dʼenfants précoces, il mʼest difficile de porter un jugement, dʼinférer ou de conclure sur la base dʼune aussi faible expérience. Néanmoins, jʼémettrai deux remarques.

Il mʼest tout dʼabord apparu très enrichissant pour lʼenfant de se retrouver avec ses pairs. Il mʼa semblé que la classe était en grande harmonie, que les enfants étaient assez solidaires entre eux et quʼune certaine compétitivité stimulante prédominait dans leurs rapports. Je nʼai pas remarqué dʼélève isolé, en retrait, ou tout au moins exclu par les autres. Les enfants du “dernier rang” me sont apparus dʼun tempérament plus inhibé, plus solitaire, mais ont toujours participé aux activités de la classe et nʼont jamais porté de désintérêt à ce qui leur était enseigné.

De plus, lʼenseignant joue un rôle essentiel dans la transmission du savoir, comme nous lʼavons vu précédemment, mais peut-être encore plus particulièrement avec ces enfants. Plus que des connaissances, il faut leur enseigner une discipline et une méthode de travail et leur apprendre à “canaliser leur pensée”. Savoir utiliser les acquis avec pertinence, savoir sélectionner ce quʼils savent en fonction du sujet engagé, apprendre aussi à se résigner à ne pas tout comprendre, sont des éléments structuraux qui manquent, je crois, aux enfants précoces et qui leur permettraient certainement de mieux gérer leur impulsivité intellectuelle.

Pour cela, lʼenseignant doit les atteindre et garder leur attention, en commençant par sʼimposer à eux en tant que maître, maître-enseignant et maître-intellectuellement-dominant. Cʼest ici quʼintervient la confiance quʼa lʼenseignant en lui-même et en ses capacités. Un professeur, présent à une réunion dʼinformation pédagogique en vue de lʼouverture dʼune classe de sixième spécialisée pour enfants précoces au Collège St Pierre à Caen, mʼa fait part de la réticence de beaucoup de ses collègues à ce projet dʼouverture. Selon lui, lʼenseignant a peur de ne pas être à la hauteur face à ces enfants, et peur, par conséquent, de son propre reflet. Dʼaprès lui, pourtant, plus que des connaissances, le professeur doit apporter “de lʼattention et de lʼamour”.

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Il mʼa semblé que lʼenseignante de géographie au collège St Louis manquait de cette confiance en soi et, par peur quʼon la corrige dans son travail, cherchait continuellement à reprendre ses élèves afin de leur prouver, en quelque sorte, quʼelle en savait toujours davantage quʼeux. Cette réaction provoque alors chez l̓ enfant le désir de trouver “la faille” (dʼoù les questions et les remarques incessantes) ou entraîne une dévalorisation du professeur dans le moi idéal de l̓ enfant. Certains mʼont dit, au sujet de cette enseignante, “quʼelle était nulle, quʼils nʼapprenaient rien avec elle et quʼils nʼavançaient pas”. Des propos assez communs chez les adolescents, mais bien plus rares chez des enfants de 9 ou 10 ans.

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III/ LE PSYCHOLOGUE DANS LʼÉCOLE

Le tuteur de mon stage, Martine KOELSCH, a écrit un article informatif (que l̓ on trouvera en annexe 2) sur la fonction du psychologue scolaire dans lʼécole (le terme de “psychologue scolaire” étant ici pris dans un souci de clarté). On comprendra que la définition que Madame KOELSCH donne dʼelle-même a une énorme influence sur celle que je peux faire à mon tour de ses fonctions.

Bien entendu, le psychologue présent dans lʼécole est là pour lʼélève, pour découvrir et comprendre l̓ enfant qu i̓l est, afin de l̓ aider et dʼaider ceux qui lʼaident, aussi, à mieux le seconder. Mais pour considérer l̓ enfant dans toute sa dimension, le psychologue doit tenir compte de son environnement familial, social et scolaire. Cʼest pourquoi, après le psychologue avec l̓ enfant, nous présenterons le psychologue avec les différentes personnes qui entourent l̓ enfant et avec lesquelles il interagit : les parents, l̓ instituteur et dans certaines circonstances lʼenseignant AIS.

1) Le psychologue et lʼenfant

a) Entretiens sur demandes

La demande que l̓ enfant soit vu par le psychologue peut émaner de différentes personnes mais se fait toujours avec lʼaccord des parents. Cette demande peut venir :

- des parents eux-mêmes, lorsquʼils ne sentent pas leur enfant épanoui dans l̓ institution scolaire. Une mère, par exemple, a demandé à Madame KOELSCH quʼelle rencontre son fils, T. qui ne voulait plus - et il était impossible de l̓ en obliger - aller à lʼécole. La rencontre avec l̓ enfant nʼa toutefois pas pu avoir lieu, celui-ci refusant dʼentrer dans lʼétablissement scolaire. Mais lʼentretien avec la mère, dont nous verrons lʼimportance dans notre prochaine partie, a permis dʼéclaircir quelques raisons de cette “rupture scolaire”;- de lʼinstituteur, lorsque son élève a un comportement en classe qu i̓l considère inadapté ou lorsquʼil souhaite connaître les raisons de son retard et de ses difficultés. Il y a alors trois types de demandes de lʼenseignant : lʼun principalement dʼordre de bilan affectif, lʼautre de bilan cognitif, le troisième affectivo-cognitif.Une institutrice sʼinquiétait du comportement violent et agressif de B. qui se bagarrait avec ses camarades et rapportait en classe des lames de rasoir. Madame KOELSCH a pu mettre en évidence que ses relations violentes étaient liées non pas au plaisir de détruire et de faire mal, mais à une affirmation excessive de soi en tant quʼadulte capable de protéger la fratrie, le père étant souvent absent. Lʼenfant était alors en conflit avec ce qu i̓l était, un enfant de 9 ans avec toute la fragilité liée à cet âge, et ce quʼon attendait de lui, être lʼhomme de la maison;

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- du directeur quelquefois, lorsquʼil a connaissance de lʼinadaptation dʼun enfant et quʼune orientation en classe spécialisée est à envisager.- de lʼenseignant AIS, pour mesurer lʼévolution des acquis et structures cognitifs de lʼenfant quʼil suit en classe dʼadaptation.

b) Lieu et contexte de la rencontre avec lʼenfant

Que l̓ enfant se sente bien, décontracté, durant sa rencontre avec le psychologue, est essentiel. La pièce doit être :

- confortable, le psychologue et l̓ enfant assis convenablement l̓ un en face de l̓ autre avec un bureau ni trop étroit pour pouvoir disposer le matériel du psychologue, ni trop large pour ne pas prendre trop de distance avec lʼenfant. Il est aussi important que les chaises soient à la même hauteur pour qu i̓l nʼy ait pas de sentiment dʼinégalité, et quʼelles soient “grandes, pour adultes”, car l̓ enfant doit se sentir considéré dans toute sa dimension individuelle, pris comme une personne responsable que lʼon respecte, et avec qui les échanges, entre personnes mâtures, seront pris au “sérieux”;- chauffée, afin de pouvoir travailler en hiver sans gants (!) et pour que l̓ enfant puisse se décontracter;- lumineuse, pour éviter les biais perceptifs lors de passations de tests;- silencieuse, parce quʼil peut être préjudiciable, pour la disponibilité de l̓ enfant au psychologue, dʼentendre l̓ instituteur dans la classe dʼà côté ou les bruits de jeux dʼenfants lors des moments de récréations.

Le décor aussi a son importance. Il est alors préférable que la pièce ne soit pas une salle de classe parce quʼil est impératif que l̓ enfant ne considère pas le psychologue comme un autre enseignant et qu i̓l se dégage de son rôle dʼélève, ce qui pourrait inhiber chez lui certains propos et l̓ amener à adopter un comportement particulier sous l̓ influence de lʼeffet pygmalion. Cela qui ne veut pas dire pour autant que le lieu doit être totalement aseptisé.

Il est toutefois difficile dʼévaluer lʼimpact que peuvent avoir tous ces éléments perturbateurs sur la passation et le bilan psychologique.

Vécu de stage : le ballet des tables et des chaisesAu cours de mon stage, j̓ ai assisté à différentes rencontres, entre Madame

KOELSCH et un enfant, dans différents contextes :- une salle de réunion, très neutre dans sa décoration (peut-être même impersonnelle) mais trop grande, mal chauffée en hiver et donnant juste sur la cours de récréation;- une salle sous les combles, très au calme, mais un peu “fourre-tout”, peu propice à solliciter la pleine attention de lʼenfant;- une classe dʼenseignant AIS, surchargée de dessins et dʼaffichettes en tout genre;- le bureau de la Directrice, très confortable, mais avec quelques inconvénients perturbateurs comme des allées et venues pour la photocopieuse et des appels

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téléphoniques.Je nʼai donc pas vu de bureau réservé au psychologue, mais ceci peut sʼexpliquer

par le manque dʼespace dans lʼétablissement scolaire et les visites trop peu fréquentes du psychologue à lʼécole. Il faut donc que Madame KOELSCH sʼadapte à chaque contexte et modifie lʼenvironnement, en déplaçant quelquefois les tables et les chaises à sa manière, pour une disposition propre à un échange optimum avec l̓ enfant. Néanmoins, les intervenants et acteurs au sein de lʼétablissement sont conscients de lʼimportance de ses interventions et ont à coeur de lui fournir tous les éléments nécessaires à un travail efficace.

Un dernier élément perturbateur pouvait être ma présence. Madame KOELSCH demandait alors à chaque rencontre avec l̓ enfant sʼil acceptait que je vienne avec eux. Aucun nʼa refusé ma présence. Je me mettais alors hors du champ visuel de lʼenfant mais assez près et suffisamment bien placé pour pouvoir observer toutes ses interactions avec Madame KOELSCH.

c) Comment lʼenfant perçoit-il le psychologue ?

• La présentation du psychologue à lʼenfantLa perception du psychologue par l̓ enfant dépend en grande partie de la façon

dont le psychologue se présente à lʼenfant. Cette présentation varie elle-même en fonction :- de lʼâge de l̓ enfant. Un enfant, au plus jeune avant 8 ans, risque de ne pas bien comprendre le rôle du psychologue, et la complexité du mot, comme celle de la définition, compliqueront sa perception plus quʼelle ne lʼéclairciront;- de la raison pour laquelle l̓ enfant rencontre le psychologue. Dans le cas dʼun bilan affectif, le psychologue se présentera davantage comme un confident que dans le cas dʼun bilan cognitif.

Au cours de mon stage, la présentation du psychologue se faisait dans un contexte et un “cérémonial” particuliers importants à préciser, me semble-t-il. Madame KOELSCH va toujours chercher l̓ enfant dans sa classe. Le parcours quʼil y a de la classe à son “bureau” est une étape de transition pour lʼenfant. Celui-ci se familiarise avec l̓ adulte qu i̓l rencontre et tous les deux (ou tous les trois lorsque jʼétais là) vont ensemble là où ils pourront échanger et entrer en interaction. Leur démarche devient alors commune et ils sʼinvestissent mutuellement. Je crois que si lʼenfant était appelé par le psychologue et se présentait à lui directement dans son bureau, il y aurait, dʼune certaine manière, une confrontation de lʼenfant à un milieu nouveau et à une personne nouvelle, peu favorable à le mettre à l̓ aise et à lui donner le sentiment dʼégalité hiérarchique.

Durant cette étape transitoire, Madame KOELSCH se présente à l̓ enfant comme une personne qui est là pour l̓ aider (l̓ enfant rencontré est toujours plus ou moins conscients quʼil a des problèmes ou des difficultés) et quʼensemble ils parleront et feront quelques jeux.

• Un interlocuteur neutreQuelle que soit la fonction que le psychologue présente à l̓ enfant, il est impératif

que sʼétablisse entre eux-deux un climat de confiance, voire de confidence, qui aidera l̓ enfant

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à extérioriser ce quʼil a “sur le coeur”. Pour créer “ce climat dʼapaisement, de sécurité, dʼaccueil sans jugement”1, le psychologue doit donner à lʼenfant une figure neutre de sa personne, ni maternelle (ou paternelle), ni dominante. Comme nous lʼavons souligné en présentant lʼimportance du contexte, lʼenfant doit se sentir considéré comme une personne à part entière, ni comme un élève parce que son niveau scolaire, bon ou faible, influerait sur son comportement (lʼélève en difficulté scolaire se sentirait abaissé dans lʼestime de son interlocuteur) ni comme un enfant face à un adulte dominant parce qu i̓l adopterait les comportements quʼil croit attendus par lʼadulte.

• Vécu de stage : La mise en confiance par lʼentretien, lʼécoute et lʼintérêt portés à lʼenfantPour amener ce climat de confiance, Madame KOELSCH pose quelques

questions à l̓ enfant (combien il a de frères et de soeurs, comment sʼappellent ses parents, les matières quʼil aime en classe et celles quʼil nʼaime pas, ce qu i̓l aime faire à la maison et ce qu i̓l nʼaime pas faire, etc.). Bien entendu, ces questions ont leur importance pour cerner et comprendre l̓ enfant, mais cʼest surtout lʼattitude que Madame KOELSCH a face à lʼenfant qui lʼamène à avoir confiance en son interlocuteur. Elle lʼécoute attentivement, le laisse sʼexprimer entièrement, note ce qu i̓l dit et lui explique, si l̓ enfant paraît surpris: “tu vois, je note tout ce que tu me dis parce que tout ce que tu me dis mʼintéresse”. je nʼai pas rencontré dʼenfant qui ne se sente pas en confiance, même compris, par Madame KOELSCH.

d) Le choix de lʼoutil psychologique par rapport à la demande

Je ne présenterai ici que les tests et les outils que jʼai vus en application en cours de passations. Madame KOELSCH a néanmoins cherché à me montrer le plus dʼoutils possible, dans la limite de ceux dont elle dispose.

• Le bilan affectifDans le cas dʼune demande de bilan affectif, le psychologue à lʼécole utilise l̓ outil

“projectif”. Celui-ci pourra être choisi en fonction des premiers échanges avec lʼenfant. En effet, tous les tests projectifs nʼutilisent pas la même méthode projective. Le Rorschach, par exemple, sera une projection à travers la capacité imaginative du sujet et sur la base dʼun support visuel. Le C.A.T. comme le “Patte Noire” seront davantage accès sur lʼidentification projective. Enfin, les fables de Duss, par leur support auditif, nécessiteront une capacité de représentation mentale plus élaborée, mais laisseront peut-être sʼexprimer plus librement lʼimaginaire de lʼenfant.

Sans informations particulières qui permettraient de choisir un test plutôt quʼun autre, Madame KOELSCH utilise un ou plusieurs des tests suivants : les Fables de Duss, le C.A.T., Patte Noire, le dessin du bonhomme et le dessin de la famille. Les fables de Duss ont, la plupart du temps, un bon écho auprès des enfants. A lʼaide de ce support, il mʼa semblé que ceux-ci avaient plus de facilité à sʼexprimer et que leur protocole était plus riche que lorsquʼils avaient à commenter les planches de Patte Noire ou du C.A.T.1 Annexe 2 : Le psychologue scolaire dans lʼécole

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Enfin, quelque soit le bilan demandé, Madame KOELSCH conclut toujours sa rencontre avec lʼenfant avec un dessin de lʼarbre, quʼelle considère très révélateur du schéma de soi de l̓ enfant. Il est vrai, lorsquʼon sait analyser lʼarbre, que l̓ on retrouve dans le dessin beaucoup dʼéléments affectifs déjà exprimés par l̓ enfant et dʼautres éléments qui peuvent éclaircir, clarifier, approfondir voire remettre en question le bilan affectif.

• Le bilan cognitif Le bilan cognitif peut donner lieu à trois types de mesures :1- un “Q.I. Standard”, défini par le rapport entre lʼâge mental de l̓ enfant et lʼâge chronologique. Il permet une évaluation des compétences cognitives et une comparaison des performances intellectuelles de l̓ enfant avec lʼâge synchronique de référence. Cet âge de référence suit la dispersion par rapport à la moyenne relative dans le groupe dʼâge de lʼenfant. Cette dispersion se fait selon la courbe de la Loi Normale. Ce type de Q.I. est généralement mesuré par le WISC, WIPPSI, WAIS ou le K.ABC;2- un “Q.I. dʼâge” qui définit le retard ou lʼavance du développement intellectuel de l̓ enfant. Cette évaluation se fait à lʼaide du test Binet-Simon ou du NEMI. On peut noter cependant qu i̓l est possible dʼétablir un Q.I. dʼâge avec les tests de Q.I. standard cités précédemment;3- une mesure qualitative des structures cognitives. Elle se fait sur la base de tests divers.

Madame KOELSCH utilise à cet effet différents outils, qui peuvent être des subtests à certains tests de Q.I. (par exemple Assemblage dʼimage du WISC III, Matrice analogique du K. ABC, etc.); des tests piagétiens avec de la pâte à modeler (tests de conservation du volume, de la matière, de la longueur); des tests mesurant chez l̓ enfant les capacités de sériations, de compréhension de consigne, de correspondance, d i̓nclusion et dʼexclusion. A lʼaide des résultats obtenus, Madame KOELSCH établit un bilan des capacités cognitives de l̓ enfant, en soulignant les faiblesses de certaines structures ou au contraire leur parfaite acquisition.

• Le bilan affectivo-cognitifDans ce type de demande, cʼest bien souvent le temps qui vient à manquer pour

un approfondissement des états affectifs ou cognitifs de l̓ enfant. Il est aussi nécessaire de sʼadapter aux particularités, aux difficultés ou aux troubles rencontrés chez l̓ enfant au cours de la passation pour approfondir certains domaines de sa “psychologie”.

e) Diagnostics, prescriptions et orientations

Une fois le bilan psychologique demandé effectué, il sʼagit dʼapporter quelques solutions aux problèmes diagnostiqués et identifiés. Le psychologue devra alors rencontrer la personne apte à aider l̓ enfant pour lui soumettre son diagnostic; ou orienter l̓ enfant, par

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lʼintermédiaire des parents, vers des services ou institutions spécialisés. Parfois, le psychologue donnera son opinion quant à la meilleure façon de résoudre les problèmes de l̓ enfant.

• Rencontre et dialogue avec lʼenvironnement social de lʼenfantLes premières personnes informées après la rencontre avec l̓ enfant sont ses

parents (nous décrirons cette rencontre entre parents et psychologue plus en détail dans une prochaine partie). Cʼest parfois à eux que revient la responsabilité dʼopérer des changements propres au mieux être de l̓ enfant. Bien souvent, les parents ne savent pas comment réagir face à leur enfant et lʼentretien avec le psychologue peut leur apporter quelques réponses.

Lʼinstituteur fait aussi partie de lʼenvironnement social de lʼenfant et cʼest parfois lui (à qui nous consacrerons aussi une partie de ce rapport) qui doit opérer le changement pour que lʼenfant se sente mieux.

• Lʼenseignant AISLorsque les difficultés de l̓ enfant sont liées à des “carences” cognitives, cʼest

lʼenseignant AIS qui sera le plus apte à les résoudre. Le psychologue lui fera part de son bilan cognitif et du retard de l̓ enfant dans certains domaines (logico-mathématiques, langagier,…).

• La thérapieQuelquefois, les troubles affectifs sont trop graves pour être résolus par la seule

action des parents et parfois même cʼest une aide extérieure qui sʼimpose pour guérir l̓ enfant de ses maux psychologiques. Il arrive alors que l̓ enfant soit orienté, sur les conseils du psychologue aux parents, vers un psychothérapeute.

• La CCPE (Commission de Circonscription Préscolaire et Élémentaire)La CCPE prend en charge et étudie les dossiers dʼenfants handicapés, en graves

difficultés scolaires ou présentant de grands troubles du comportement auxquels un établissement spécialisé est conseillé. La CCPE décidera de l̓ orientation de l̓ enfant sur la base :

- dʼun rapport de l̓ instituteur ou de lʼenseignant spécialisé qui suit l̓ enfant dans sa scolarité;- dʼun rapport du médecin et dʼun membre du service infirmier;- dʼun bilan psychologique;- dʼune réunion présidée par lʼInspecteur Départemental de lʼEducation Nationale et réunissant le médecin scolaire, le psychologue du réseau dʼaide de l̓ Education Nationale, l̓ assistance sociale de l̓ éducation Nationale, l̓ instituteur spécialisé, le directeur dʼun établissement spécialisé médico-social et les parents ou les représentants des parents.Quelle que soit la décision de la CCPE, ce nʼest quʼavec l̓ accord des parents que

lʼenfant pourra être réorienté.Enfin, cʼest à la CDES (Commission Départemental dʼEducation Spécialisée) que

revient la responsabilité du dossier de lʼenfant lorsque celui-ci est orienté, sur la décision de la

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CCPE, vers un établissement spécialisé. Cʼest aussi la CDES qui décide du taux dʼinvalidité minimal nécessaire à lʼentrée dans lʼinstitution spécialisée.

On trouvera en annexe 4 les différentes orientations de l̓ enfant en fonction de ses difficultés dʼintégration scolaires ou sociales.

f) La détection de lʼenfant précoce

Lʼenfant précoce est un enfant auquel le système scolaire nʼest pas adapté : son quotient scolaire (âge scolaire sur âge mental) est nettement inférieur à un.

• Lʼanalyse du comportementNous avons vu l̓ enfant précoce adopter certains comportements qui pouvaient

cacher sa précocité, comme une conduite agitée ou distraite, des étourderies dans la résolution de problèmes simples ou encore une auto-mutilation intellectuelle avec un effet pygmalion négatif. Pour venir en aide à lʼenfant, il faut avant tout savoir reconnaître et identifier sa précocité malgré ces comportements paradoxaux. J.-C. TERRASSIER (1981) rapporte, dʼaprès une étude de WALTON en école maternelle, que 45 % des surdoués dʼune classe sont identifiés par le professeur (ce résultat est appelé “efficacité” et sʼobtient par le rapport entre le nombre de surdoués correctement identifiés et le nombre total de surdoués confirmés par un test de Q.I.), et parmi les enfants identifiés surdoués par le professeur, 34 % le sont réellement (ce résultat est appelé “efficience” et sʼobtient par le rapport entre le nombre de surdoués correctement identifiés et le nombre dʼenfants désignés surdoués par les enseignants). CORNISH obtient, dans une étude en école élémentaire, une efficacité de 31 % et une efficience de 42 %.

PEGNATO et BIRCH expliquent les erreurs de jugement par le fait que “le choix des professeurs se fait souvent en fonction de la personnalité plaisante et conformiste de lʼélève, de sa forte motivation scolaire, ou de lʼévidence dʼun talent dans un domaine particulier.”

Il me paraît alors indispensable : - dʼinformer le membre enseignant de lʼexistence de la précocité. Lʼenfant précoce nʼest pas un mythe;- de présenter ses particularités de comportements afin quʼelles puissent être identifiées et diagnostiquées à un premier niveau;- que lʼenseignant déclare, dès le moindre doute, la précocité au psychologue de lʼécole qui le confirmera ou lʼinfirmera.

• Le bilan mixteLorsquʼun enfant est présenté au psychologue comme étant précoce, cʼest avant

tout un test de Q.I. qui permettra de vérifier lʼhypothèse. Il se fera alors sur la base du WISC III, les enfants en école primaire ayant, en général, entre 6 et 12 ans. Les enfants précoces présentent quelques caractéristiques particulières à certains subtests, comme un faible résultat au codage par rapport aux autres scores. Cette particularité est due à la dyssynchronie sur le plan intellectuel et psychomoteur.

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Mais le Q.I. nʼest pas le seul indicateur dʼune précocité intellectuelle. A travers lʼentretien avec lʼenfant, il est également possible de rendre compte de sa précocité. Lʼenfant précoce a une avidité de savoir, un savoir quasi-scientifique. Quelque soit son âge, il nʼacceptera rien sans lʼavoir compris. Chez l̓ enfant précoce, les choses ne sont pas prises telles quelles. Elles seront analysées, filtrées et modifiées si nécessaire à travers son esprit critique.

Lors de mon stage, nous avons rencontré plusieurs enfants précoces dans les écoles, dont P., 9 ans, à qui Madame KOELSCH a demandé, lors du passage du test de Patte Noire, quel âge avait le petit cochon. Lʼenfant a hésité, réfléchi, puis a répondu : “Étant donné quʼun cochon ça ne vit pas très longtemps (2 ou 3 ans tout au plus), je dirai qu i̓l a 8 mois.” Lors de la passation du WISC III, au subtest des connaissances, P. nʼa pas su répondre à “Qui a écrit les misérables ?”. 3 semaines plus tard, lorsque P. a revu Madame KOELSCH en ma compagnie, il lui a dit au début de leur rencontre : “Cʼest Victor Hugo qui a écrit les Misérables, jʼai regardé dans le dictionnaire.”

• LʼorientationLorsquʼun enfant est reconnu précoce, la décision dʼune nouvelle orientation reste

délicate. Plusieurs solutions sʼoffrent à lʼenfant et aux parents:- si l̓ enfant est et se sent assez mûr pour faire un saut de classe, cela pourra être envisagé à la nouvelle rentrée de septembre. Néanmoins, toutes les classes nʼont pas le même degré dʼimportance. Le C.E.2, par exemple, est un approfondissement du C.E.1. Peu de choses nouvelles sont apportées et son saut, si l̓ enfant est suffisamment avancé, ne pourra être que bénéfique. Par contre en C.M.1, de nouvelles matières sont apprises à l̓ enfant, et ce saut peut être préjudiciable pour la suite de la scolarité de lʼenfant;- si l̓ enfant a beaucoup dʼavance sur ses camarades et sʼil sa précocité est dépistée suffisamment tôt dans l̓ année, il est possible qu i̓l passe rapidement, au bout de quelques mois, dans la classe supérieure;- si lʼenfant est en C.M.2, il pourra être orienté vers un collège accueillant les enfants précoces en classe de 6ème spécialisée.

Toutes les orientations possibles sont toutefois à envisager avec toute la dimension affective de l̓ enfant et sa dyssynchronie. Le saut de classe peut devenir un échec si l̓ enfant ne sʼintègre pas aux groupes de ses camarades. Lʼécole est aussi bien un lieu dʼéchanges sociaux que dʼapprentissages scolaires.

2) Le psychologue et les parents de lʼenfant

Le psychologue à lʼécole intervient à plusieurs niveaux dans la systémique de l̓ enfant. Les parents sont le composant systémique qui a le plus dʼinfluence dans la vie de l̓ enfant.

Après la rencontre avec l̓ enfant, le psychologue prend rendez-vous avec les parents pour leur faire part du bilan psychologique et les aider à mieux comprendre leur enfant

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pour favoriser son épanouissement.Cʼest aussi à travers cet échange privilégié avec les parents qu i̓l est possible

dʼapporter de nouveaux éléments à la compréhension et à lʼappréhension des problèmes de lʼenfant.

a) Lieu et moment de la rencontre

Généralement, la rencontre entre les parents et le psychologue se fait dans le même contexte que la rencontre entre l̓ enfant et le psychologue. Lʼimportance du lieu dʼéchange est moindre avec les parents. Toutefois, il convient que la conversation se fasse assise. Il est nécessaire que les parents ne puissent être totalement réceptifs à ce qui sera dit par le psychologue, et totalement ouvert à lui, pour lui apporter encore certains détails de l̓ organisation de la fratrie qui pourraient être indispensables à la compréhension du comportement de lʼenfant.

Enfin, il est préférable que la rencontre avec les parents se fasse après la rencontre avec lʼenfant et le plus rapidement possible; le soir même, après les cours, étant le moment idéal. Cela permet au psychologue dʼêtre encore imprégné de son contact avec lʼenfant pour un échange plus “dynamique” avec les parents.

b) La perception du psychologue par les parents

La perception du psychologue par les parents a, elle aussi, son importance au même titre celle de lʼenfant. Beaucoup dʼa priori et de préjugés sont véhiculés par lʼimage que l̓ on peut avoir du psychologue, et si les parents se ferment à lʼéchange, cela peut réduire considérablement l̓ intérêt de la rencontre avec l̓ enfant, car la première personne concernée par l̓ enfant et à qui l̓ éclaircissement du psychologue peut apporter quelques éléments de réponse à son mieux-être est bien entendu le parent.

• “Ciel, mon enfant est fou !”Le principal reflet que renvoie le psychologue est la folie connotée de déficience

mentale. “Lorsquʼon voit un psychologue, cʼest quʼon est malade mental”. Malgré une information de plus en plus présente dans les écoles et auprès des parents, cette représentation du psychologue persiste encore malheureusement dans beaucoup dʼesprits. Cela provient probablement dʼune confusion entre la psychologie et la psychiatrie, cette dernière renvoyant immédiatement lʼimage dʼhôpitaux psychiatriques et dʼaliénés.

Madame AUBIN, Directrice de lʼécole St JOSEPH à Bayeux, mʼavait fait la remarque que selon elle, lʼappellation “psychologue scolaire” était mal choisie par le milieu scolaire, car trop souvent associée au psychiatre.

Le psychologue doit alors corriger la fausse image que l̓ on peut avoir de lui pour gagner la confiance des parents. Cʼest à travers cette confiance que lʼéchange pourra sʼétablir dans un rapport dʼentente mutuelle.

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• Importance de lʼentretienLʼentretien entre le parent et le psychologue apporte à l̓ un comme à l̓ autre une

source dʼéléments inconnus de chacun :- lʼéchange avec le parent permet au psychologue de découvrir ou de confirmer certains facteurs qui pourraient être la cause du comportement de lʼenfant;- lʼéchange avec le psychologue permet au parent de trouver chez lui un nouveau regard sur son enfant.

c) Explication et présentation de lʼenfant : vers une nouvelle approche

La rencontre et lʼentretien donnent aux parents une vision neuve de leur enfant.

• Des mots sur des maux pour mieux comprendre lʼenfantCette nouvelle approche de lʼenfant se fonde sur les mots que le psychologue va

appliquer aux caractéristiques de l̓ enfant qu i̓l a rencontré. Ces mots vont permettre une nouvelle représentation de l̓ enfant chez ses parents. Les mots expliquent, dédramatisent et décomplexifient les problèmes que les parents peuvent rencontrer avec leur enfant. De plus, et puisque le psychologue, par son métier, sa neutralité et son expérience, sait se centraliser sur les difficultés majeures de l̓ enfant, les parents sont éclairés et guidés dans la compréhension des attitudes de leur enfant.

• Quels conseils donner aux parents ?Bien entendu, les conseils donnés aux parents dépendent du type de difficultés

rencontrées avec lʼenfant. Toutefois, je crois que lʼon peut dégager certaines généralités :- considérer lʼâge de lʼenfant. Lʼenfant a besoin de grandir et pour cela a besoin que ses parents le voient grandir. Lʼenfant acquiert, à un certain âge, une autonomie qu i̓l faut reconnaître en lui laissant le moyen de lʼexprimer. Cette autonomie le construira en tant quʼêtre libre. A lʼopposé, lʼenfant a besoin de passer par toutes les étapes nécessaires à la construction de son identité. Lʼenfant est encore enfant, enfant plus âgé, plus mûr et plus autonome quʼhier, mais nʼest pas encore une personne qui peut sʼassumer entièrement;- donner à lʼenfant les moyens de sʼexprimer. Dʼexprimer ce quʼil acquiert au fur et à mesure de ses apprentissages afin qu i̓l puisse construire son moi sur la base dʼexpériences diverses. Lʼexpression langagière fait ici partie de cette expression comportementale. La parole et lʼexpression ne sont quʼun moyen permettant de confronter ses idées avec celles des autres. Cette confrontation est la base de lʼéchange et de l̓ interaction entre les individus. Lʼexpression comportementale est lʼexpression de tout lʼindividu. Lʼenfant peut lʼévaluer et lʼaccommoder à son environnement;- expliquer à lʼenfant. Lʼenfant est capable de comprendre. La compréhension, comme on lʼentend généralement, se base sur la compréhension des termes lexicaux. Néanmoins, la compréhension sʼétablit aussi sur lʼaccessibilité au domaine sémantique. Lʼenfant, même s i̓l nʼest pas capable de comprendre tous les mots, peut comprendre le sens de ce qui lui est dit. Ne pas expliquer un événement à

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lʼenfant parce quʼon croit quʼil ne le comprendra pas, lui en laisse la libre interprétation au lieu de lui en cacher le sens.

d) Vécu de stage : lʼenfant et le déterminisme parental

Une expérience met en évidence lʼimportance de la formulation des maux par le psychologue et lʼéclaircissement, par les mots, des causes du trouble de lʼenfant.

Jʼai déjà présenté cet enfant, P., qui ne voulait plus aller à lʼécole, à ce point que la rencontre entre lui et Madame KOELSCH avait été impossible. Cʼest donc la mère qui était venue au rendez-vous en sʼexcusant de lʼabsence de son fils. Néanmoins, Madame KOELSCH put mettre en évidence certaines raisons de cette peur de lʼécole.

Tout dʼabord, un psychiatre, qui avait pu voir l̓ enfant, avait diagnostiqué une “phobie scolaire”, sans en préciser le sens. Les parents avaient alors interpréter cette appellation comme une “peur de lʼécole”, peut-être liée à une autorité extraparentale non acceptée, ou assimilable à une agoraphobie par ses rapports avec le monde extérieur, l̓ inconnu, lʼangoisse face à lʼespace non conquis ou l̓ inaccoutumé. Les recherches de la résolution de cette phobie scolaire portaient alors sur le contexte scolaire, les camarades et le professeur.

Mais lʼentretien révéla que la mère avait été obligée de se séparer de P. alors qu i̓l avait un an à peine. Depuis cette période, P. faisait systématiquement une crise dʼangoisse chaque fois que sa mère le quittait, ne serait-ce que pour quelques heures. Ainsi, la peur nʼétait pas liée à lʼécole, mais à la peur de se séparer de la mère, ce qui définit précisément la “phobie scolaire” qui avait été mal interprétée, faute dʼexplication.

On retrouve alors lʼimportance de la relation entre lʼenfant et la mère, relation pouvant être à lʼorigine de psychose ou de névrose obsessionnelle, comme cʼest le cas chez P.. On voit aussi la réelle nécessité dʼexpliquer aux parents les diagnostics établis après lʼentretien avec lʼenfant.

Les parents sont autant de causes problématiques que de sources de résolutions. Il appartient alors au psychologue de leur faire partager les résultats et conclusions de sa rencontre avec lʼenfant.

3) Le psychologue et lʼinstituteur

La demande que l̓ enfant soit vu par le psychologue peut provenir aussi de l̓ instituteur. L i̓nstituteur a donc un rôle important dans lʼanalyse et la description des comportements et conduites de l̓ enfant. Le psychologue tient compte du rapport de lʼenseignant et cherchera à mettre des mots, à comprendre et à définir les raisons qui peuvent pousser l̓ enfant à agir de telle ou telle façon. Après sa rencontre avec l̓ enfant, il importe également que le psychologue fasse part de son analyse à l̓ instituteur, qui pourra, si nécessaire, modifier son approche de l̓ enfant pour mieux lʼappréhender et lʼaider à résoudre son problème. L i̓nstituteur est une des personnes qui interagit le plus avec l̓ enfant pendant de sa période scolaire.

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Les raisons qui amènent lʼinstituteur à orienter lʼenfant vers le psychologue de lʼécole sont multiples.

a) De lʼélève à lʼenfant : lʼinstituteur et lʼapproche affective

L i̓nstituteur a un rapport hiérarchique avec l̓ enfant. Lʼenfant est son élève. Néanmoins, lʼinstituteur nʼen oublie pas pour autant quʼil a affaire à un enfant, et sa relation, bien quʼétablie sur la base dʼune interaction “unidirectionnelle” (allant de l̓ instituteur à lʼélève), peut sʼorienter vers une relation dʼadulte à enfant, une interaction réciproque, équilibrée et non hiérarchisée. Lʼinstituteur, par son contact privilégié avec l̓ enfant et sa contribution à son épanouissement développemental, devient alors parent. Par ce lien et cette approche particulière, lʼenseignant porte un intérêt plus affectif que cognitif à lʼenfant. Ce qui lui importe, cʼest que lʼenfant derrière lʼélève se sente bien.

Par ce souci, les comportements inhabituels, les actes de violence (comme nous en avons décrit un cas précédemment), les mises en retrait de l̓ enfant et tout ce qui peut témoigner dʼun mal-être sera considéré et rapporté au psychologue afin que celui-ci puisse rencontrer lʼenfant et donner à lʼenseignant quelques éclaircissements sur ces comportements alarmants.

b) De lʼenfant à l'élève : lʼinstituteur et lʼapproche cognitive

A lʼinverse, l̓ instituteur pourra avoir un rapport avec son élève structurellement hiérarchisé. Dans ce cas, lʼélève prédominera sur l̓ enfant. Les attentes de lʼenseignant seront alors différentes de celles décrites précédemment. L i̓nstituteur cherchera en son élève le meilleur potentiel cognitif. Lʼélève devra savoir répondre aux questions, comprendre ce qui lui est demandé et être réceptif à lʼenseignement transmis. Le cognitif prédomine ici sur lʼaffectif.

Cʼest sur cette base que l̓ enfant sera orienté vers le psychologue qui fera un bilan des compétences intellectuelles de l̓ enfant sur la demande de lʼinstituteur si un problème est décelé.

c) Le psychologue, bête noire de lʼinstituteur

Certains instituteurs nʼorientent jamais leurs élèves vers le psychologue, même si le comportement de certains enfants devient alarmant. Cette réaction peut sʼexpliquer par un sentiment de culpabilité de lʼenseignant qui sʼattribue la raison des conduites de ses élèves. La mise en évidence dʼun problème dʼordre affectif ou cognitif chez l̓ enfant révélerait à lʼinstituteur ses failles et limites éducatives.

De plus, le psychologue peut être perçu comme un juge de lʼéducation que donne lʼenseignant à ses élèves. La révélation de certaines difficultés scolaires peut être prise pour une accusation voire une condamnation des méthodes et pratiques éducatives de lʼenseignant.

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4) Le psychologue, lʼenfant, les parents et lʼinstituteur

a) Lʼapproche systémique

Lʼenfant est à prendre dans une multitude de dimensionnalités, une dimension individuelle (affective et cognitive), mais aussi sociale (parentale et scolaire).

Le déterminisme parental, le rapport entre lʼélève et l̓ instituteur, influencent et contribuent au développement de l̓ enfant. Il est alors indispensable que tout puisse être articulé dans un seul et même objectif : comprendre l̓ enfant. Le psychologue doit tenir compte de tous ces facteurs dans son bilan, quʼil soit affectif ou cognitif.

Les questions que pose Madame KOELSCH à l̓ enfant au début de la rencontre (“quʼest-ce que tu aimes faire à lʼécole; quʼest-ce que tu aimes faire à la maison ?”) est un moyen de dégager certains éléments des deux contextes sociaux de lʼenfant tout en lʼarticulant aux propres représentations de lʼenfant.

b) Le psychologue, arbitre de la triade

A l̓ instar de la nécessité dʼun entretien entre les parents et l̓ instituteur, il est important, dans certains cas, que les parents, l̓ enfant et lʼenseignant se rencontrent pour échanger; le psychologue établira le lien entre ces trois protagonistes. A nouveau, ce sont des mots qui seront mis sur des mésententes, parce quʼil arrive que lʼenfant soit “lʼotage” des désaccords entre parents et enseignant.

Par son rôle de médiateur, le psychologue pourra rééquilibrer la triade parents-enfant-instituteur et éviter ainsi à lʼenfant dʼêtre pris entre deux feux.

5) Le psychologue et lʼenseignant AIS

Suite à la rencontre entre l̓ enfant et le psychologue, celui-ci peut orienter l̓ enfant vers une aide spécialisée dirigée par lʼenseignant AIS, dont nous avons présenté le rôle précédemment. Sur la base du diagnostic psychologique et sur celle de son propre diagnostic, lʼenseignant AIS définit un projet pédagogique : “Lorsquʼune action dʼaide spécialisée à dominante pédagogique (ou rééducative) a été décidée, lʼintervenant concerné poursuit lʼanalyse des difficultés de lʼélève, développe en fonction de ses compétences ses propres observations et sʼefforce de saisir tous les aspects des difficultés éprouvées par l̓ enfant.”2 Cʼest à partir de ce projet que sʼétablira la relation entre lʼenseignant AIS et lʼenfant.

a) On efface tout et on recommence !

2 Circulaire du 9 avril 1990. Mise en place et organisation des réseaux dʼaides spécialisées aux élèves en difficulté.

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Lʼenfant nʼest pas une “tabula rasa” mais déjà une personne avec des acquis, un certain vécu, une expérience, un savoir. Lʼenfant en difficulté a besoin que certaines de ses structures soient reprises dès leur niveau déviant. La rééducation nʼest pas de reprendre tout à zéro et de réinstruire l̓ enfant, ce qui serait tout simplement impossible, mais se doit de prendre en compte, dans sa démarche, la globalité de lʼenfant. Ainsi, le projet pédagogique est établi et ajusté aux compétences à développer, aux stratégies à mettre en oeuvre et aux structures cognitives déjà acquises chez l̓ enfant. Le but des situations pédagogiques étant “non pas de travailler la connaissance du monde, mais les structures qui permettent la connaissance du monde.” (MK).

Pour considérer lʼenfant dans sa globalité et pour pouvoir lʼaider, il est nécessaire de :

- prendre en compte lʼensemble des éléments du contexte familial, culturel et scolaire;- formuler avec lui les objectifs et les progrès observés;- mettre en correspondance ses nouvelles acquisitions avec sa classe de référence.

b) Vécu de stage : indispensables réunions

Deux enseignants AIS exercent à lʼécole St Joseph à Bayeux. Chaque vendredi, une réunion est organisée après les cours entre ces deux enseignants, la Directrice de lʼétablissement et la psychologue, Madame KOELSCH. Cette réunion permet de faire le point sur :

- les enfants rencontrés pendant la journée par la psychologue;- lʼévolution dʼun enfant pris en charge par un enseignant AIS;- lʼaide à apporter à un enfant diagnostiqué par la psychologue;- la réorientation dʼun enfant dont la prise en charge en classe dʼadaptation nʼaboutit

pas à des résultats suffisants pour quʼil poursuive une scolarité générale;- l̓ orientation en institution spécialisée dʼun enfant rencontré par la psychologue et

inadapté à la présente institution scolaire.

Mais bien plus que cela encore, ces réunions sont des moments de détente et dʼéchange pendant lesquels alternent sujets graves et sujets plus légers. Cʼest une table ouverte dont le sujet est lʼenfant, et dont chaque décision, chaque sujet abordé est noté sur un cahier afin de garder trace de ce qui a été dit.

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IV/ CONCLUSION ET PROBLÉMATIQUE.EVOLUTION DES APPROCHES ET DES MENTALITÉS :

VERS LʼENFANT UNIQUE ET MULTIFACTORIEL

Faut-il que je précise à quel point ce stage a complètement modifié mon approche de la psychologie ?

Il me semble que la psychologie sʼaffirme sur deux plans complémentaires : la théorie et la pratique.

Elle crée de la théorie par la mise en place dʼanalyses, de recherches, dʼétudes expérimentales dont elle dégage, à partir de modèles et paradigmes, des généralités qui permettent de comprendre les comportements humains. Lʼhomme nʼa plus dʼacte gratuit; chacune de ses actions est finalisée, répond à une représentation interne et sʼexécute à partir dʼun système corporel interne complexe.

A lʼopposé, mais sans contradiction, la psychologie applique son savoir à lʼhomme. Elle lʼaide dans ses démarches, dans sa compréhension de soi-même et des autres, et quand il est enfant, lʼaide à grandir.

Dʼun côté, la psychologie construit lʼhomme. De lʼautre, elle lʼaide à vivre.

Il me manquait cette deuxième approche dont je ne pouvais avoir idée. Au fil des heures que je passais avec Madame KOELSCH dont jʼobservais les actions auprès des enfants, j̓ ai compris alors à quel point lʼhomme nʼétait pas seul dans son développement. Toute action éducative tend à son épanouissement. Lʼenfant est continuellement repensé; il est sujet de discussions, de débats et de congrès. La psychologie, représentée par le psychologue, est au coeur des dialogues et des actions.

Madame KOELSCH, comme je l̓ ai souligné au début de ce rapport, sʼest substituée à l̓ institution scolaire. Ce nʼest pas une psychologie scolaire quʼelle mʼa fait découvrir, mais une psychologie de lʼenfant et de lʼindividu.

Je croyais, en la rencontrant, quʼelle confirmerait mon choix dʼétude sur l̓ enfant précoce. Elle a fait bien plus que cela : elle a réouvert mon champ dʼanalyse en mʼencourageant à découvrir et à comprendre tous les enfants, sans pour autant abandonner mes recherches sur ceux qui sont reconnus précoces.

Le contact avec Mme KOELSCH et les enfants a suscité chez moi certaines réflexions qui pourraient faire lʼétude de recherches plus approfondies :

1) Les nouvelles pédagogies

Les nouvelles pédagogies se basent sur la pulsion épistémophillique définie par Mélanie KLEIN et reprise par BION. Cette pulsion de désir de connaissance habite chaque enfant mais est quelquefois complètement inhibée. Plus tard, C. ROGERS établit le modèle de la non-directivité. Celui-ci se base sur le désir naturel de savoir que possède chaque

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individu, et la thérapie Rogérienne prend soin de libérer et dʼactualiser ce désir.Les perspectives de lʼenseignement changent alors. Il nʼest plus question

dʼimposer à l̓ enfant des savoirs, et l̓ instituteur, du statut de maître, passe au statut de professeur des écoles. Lʼenseignant ne contrôle plus. Il nʼest plus la cause, mais lʼoccasion de lʼapprentissage chez l̓ enfant. Lʼenseignant devient alors un “facilitateur” : “une personne qui se pose en vérité et fait part, au besoin, des sentiments qui proviennent de son implication dans la relation pédagogique.”3

Lʼaction pédagogique porte non seulement sur le groupe, la classe dont est responsable lʼenseignant, mais aussi sur l̓ enfant. L i̓nstituteur doit aider l̓ enfant à passer, sans trop de rupture, du groupe dans lequel sʼexerce son apprentissage, au milieu où il vivra demain. Le but de la formation nʼest pas alors dʼacquérir des connaissances mais dʼacquérir la capacité dʼacquérir des connaissances.

Dans le projet et l̓ action pédagogiques, se pose aujourdʼhui le problème de l̓ enfant en tant que sujet, en tant quʼêtre singulier. Il est de moins en moins question de structures pour la moyenne des enfants. La moyenne se divise en plusieurs autres moyennes, de sorte que chacune de ces nouvelles moyennes soit de plus en plus proche des caractéristiques de chaque enfant. A lʼexcès, la notion de moyenne nʼexiste plus et cʼest le sujet lui-même qui est pris dans sa globalité, comme référence dʼune seule et même entité.

Les nouvelles pédagogies suivent aussi lʼévolution de la notion dʼadaptation inhérente à notre société. A l̓ instar de lʼergonomie en psychologie du travail qui cherche, non plus à adapter lʼhomme à la machine, mais la machine à lʼhomme, les nouvelles pédagogies adaptent, non plus lʼenfant à lʼenseignement, mais lʼenseignement à lʼenfant.

Cela implique de connaître l̓ enfant de façon approfondie, de le comprendre et de se donner le temps de lʼévaluer. Cʼest ainsi quʼintervient le psychologue et cʼest dans cette perspective qu i̓l devient essentiel, maillon indispensable à l̓ éducation de l̓ enfant. Seul le psychologue, par sa formation, son expérience et sa position, peut accéder à la connaissance de l̓ enfant. Le psychologue est le lien extérieur qui permet lʼentente entre l̓ enfant et lʼenseignant. Le psychologue améliore la relation, la réévalue, la transforme si nécessaire, la recrée si elle disparaît, lui redonne une dimension symbolique.

2) Les générations “Internet” : quelle place pour lʼenseignant ?

Les nouvelles technologies obligent à repenser l̓ action de lʼhomme. Lʼhomme, pour être efficace, doit dorénavant interagir avec la machine. Plus quʼun outil utile, les technologies dʼaujourdʼhui sont un prolongement des capacités cognitives de lʼindividu.

Une application des nouvelles technologies prend place dans le système éducatif : le micro-ordinateur avec les CD-ROM éducatifs.

Le CD-ROM éducatif, qui se limitait auparavant au contexte familial, est aujourdʼhui introduit dans certaines écoles. Quelques cours dʼapprofondissement et de vérification de 3 RESWEBER J.P., Les pédagogies nouvelles, 1986, Paris, P.U.F.

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l̓ acquisition des connaissances se font dans des salles informatiques où chaque élève a pour nouvel enseignant : lʼordinateur.

Lʼordinateur sʼadapte quantitativement à l̓ enfant. Lʼordinateur reprend là où l̓ enfant ne sait plus; il lui explique et lui réexplique la notion à apprendre jusquʼà ce quʼil lʼait comprise. Lʼordinateur répète mais ne modifie pas son enseignement. Lʼordinateur va alors au rythme de l̓ enfant, que celui-ci ait une compréhension lente ou rapide. Les résultats dans les écoles ayant adopté un tel enseignement montrent que lʼenfant progresse plus rapidement que dans les autres classes à pédagogie traditionnelle. Cette progression sʼévalue parfois comme deux fois plus rapide par rapport aux autres enfants. Un programme de C.E.2 a déjà été entièrement étudié en 4 mois dans une classe à enseignement par CD-ROM éducatif. Néanmoins, il semblerait que les connaissances acquises avec de tels dispositifs ne soient pas adaptables à certains contextes. Lʼenfant ne saurait pas généraliser ses connaissances et ne saurait pas accommoder certaines stratégies cognitives assimilées sur ordinateur.

Il serait alors intéressant de mesurer la différence entre la représentation interne des problèmes présentés sur ordinateur et la représentation interne des problèmes présentés par lʼenseignant. Tout porte à croire que les schémas constructifs de pensée sont dissemblables selon “la nature de lʼéducateur”.

3) La précocité non diagnostiquée : gâchis dʼintelligence ou gâchis dʼenfance ?

a) Lʼenfant précoce dʼaujourdʼhui sera le génie de demain !

Lorsquʼon parle dʼenfant intellectuellement précoce, on fait rapidement référence à ses capacités de réussites scolaires et sociales, donc à son potentiel. Le potentiel de lʼenfant précoce inquiète, obsède, fait tourner les têtes. On en vient à avoir peur de le perdre, de ne pas donner à lʼenfant précoce la chance de réussite quʼil est en droit dʼattendre.

Aux Etats-Unis, des écoles détectent la précocité des enfants et sʼattachent à leur donner les moyens dʼexprimer leur potentialité, non pas dans un souci dʼépanouissement individuel, mais dans un souci dʼépanouissement intellectuel. Ces écoles deviennent alors des Ecoles de formation précoce pour enfants surdoués. Leur objectif : former lʼélite de la nation le plus tôt possible.

Je pense que ce genre dʼenseignement est préjudiciable à l̓ enfant parce qu i̓l valorise ce qu i̓l sera demain et non ce quʼil est aujourdʼhui. Certes, Lʼenfant précoce a besoin dʼexprimer son potentiel intellectuel, mais il est avant tout un enfant fragile et en conflit (par les dyssynchronies présentées au début de ce rapport), ce qui nécessite quʼon le considère avant tout comme un enfant plutôt que comme un “petit génie”.

b) La précocité et lʼenfant : Intelligence et Estime de soi

Considérer l̓ enfant, cʼest prendre en compte sa dimension intellectuelle et affective. Lʼaffectif de lʼenfant précoce est complexe, voire paradoxal. Certaines recherches, aujourdʼhui, tentent de définir ces états affectifs particuliers de l̓ enfant précoce en sʼappuyant sur les

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nouvelles théories qui considèrent les représentations quʼa lʼindividu de lui-même et l̓ influence de ces représentations dans son rapport avec lʼenvironnement.

LʼImage de soi est actuellement au coeur du débat. Véronique DUFOUR a démontré dans sa thèse en psychologie clinique, pathologique et psychanalytique soutenue le 16 mai 1997 à Paris V, que “lʼintelligence peut participer à un processus général adaptatif mais quʼelle peut aussi participer à un processus général désadaptant. Elle nʼest pas en elle-même un processus adaptatif. Lʼintelligence élevée peut-être en relation avec un profil spécifique dʼinadaptation.”4 Ainsi, “bien que les enfants surdoués témoignent de meilleurs résultats scolaires que les autres (enfants dʼintelligence moyenne), leurs images de soi apparaissent bien plus négatives.” Véronique DUFOUR souligne également que “le comportement du surdoué est plus fermé à lʼentourage”, avant de conclure que “certains enfants intellectuellement surdoués, même en situation scolaire favorable, souffrent dʼimage dʼeux-mêmes et parentales dévalorisées, rapportent des comportements dʼéchecs ou dʼévitement face à lʼentreprise, et cela beaucoup plus que des enfants dʼintelligence moyenne dont les situations scolaires sont moins bonnes et les situations dʼinadaptation aussi graves.”

Sur la base de cette étude, il serait intéressant dʼapprofondir les schémas parentaux, en particulier celui du père qui peut être rapporté au secteur éducatif et scolaire, en tant qu i̓nstance symbolique qui opère dans lʼinstitution et dont tout enfant dépend. Véronique DUFOUR remarque en effet que “dans le groupe des surdoués, le père évoqué (dans le test du DPI -test projectif thématique établit par Roger PERRON) est plutôt étranger, faible, sadique selon les cas. Il y a difficulté et faille dans la relation.”

En sʼinspirant des recherches de Florence LABRELL sur “lʼapport spécifique du père au développement cognitif du jeune enfant” qui pourrait être assigné dʼune différence de Q.I. entre les enfants, une étude pourrait être entreprise sur lʼapport spécifique du père au développement affectif chez les enfants dʼintelligence moyenne et chez les enfants précoces.

Une nouvelle variable peut donc être ajoutée aux recherches en psychologie du développement : le Q.I. distinguant lʼenfant précoce de lʼenfant non précoce. Cela permettrait une diffusion plus prégnante dans la Recherche de lʼexistence des surdoués et de lʼintérêt quʼil y aurait à leur porter attention.

4 LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES, Février 1998, n°154

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BIBLIOGRAPHIE

CAGLAR H. La psychologie scolaire. Presse Universitaire de France, 1983.

CHAUVIN R. Les surdoués. Stock, 1996.

RESWEBER J.-P. Les nouvelles pédagogies. Presse Universitaire de France, Paris, 1986.

TERRASSIER J.-C. Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante. ESF, Paris, 1981.

WINNER E. Surdoués Mythes et réalités. Aubier, Paris, 1997.

THÈSES

AARON C. Recherche sur les surdoués. Paris V, 1983

DUFOUR V. Intelligence et adaptation : les enfants intellectuellement surdoués en situation dʼinadaptation. Paris V, 1997

GAUVRIT A. Etude de 145 enfants “surdoués” admis en internat psycho-pédagogique pour difficultés scolaires et/ou troubles de la personnalité. Bordeaux II, 1984

PLANCHE P. Fonctionnement et développement cognitifs de lʼenfant précoce. Aix-Marseille I, 1984