10
L'INFORME TEMPOREL: S'ANÉANTIR POUR EXISTER Sylvie Le Poulichet Association Recherches en psychanalyse | Recherches en psychanalyse 2005/1 - no 3 pages 21 à 29 ISSN 1767-5448 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-recherches-en-psychanalyse-2005-1-page-21.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Le Poulichet Sylvie, « L'informe temporel: s'anéantir pour exister », Recherches en psychanalyse, 2005/1 no 3, p. 21-29. DOI : 10.3917/rep.003.0021 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Association Recherches en psychanalyse. © Association Recherches en psychanalyse. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © Association Recherches en psychanalyse Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © Association Recherches en psychanalyse

Le Puli Chet Inform

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le Puli Chet Inform

L'INFORME TEMPOREL: S'ANÉANTIR POUR EXISTER Sylvie Le Poulichet Association Recherches en psychanalyse | Recherches en psychanalyse 2005/1 - no 3pages 21 à 29

ISSN 1767-5448

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-recherches-en-psychanalyse-2005-1-page-21.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Le Poulichet Sylvie, « L'informe temporel: s'anéantir pour exister »,

Recherches en psychanalyse, 2005/1 no 3, p. 21-29. DOI : 10.3917/rep.003.0021

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Association Recherches en psychanalyse.

© Association Recherches en psychanalyse. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 2: Le Puli Chet Inform

Recherches en psychanalyse, 2005, 3, 21-29.

Je voulais dessiner la conscience d’exister et l’écoulement du temps.Comme on se tâte le pouls.

Henri MICHAUX

Que convient-il d’entendre par « l’informe temporel » ? Il s’agit d’une altérationradicale de la formedu temps : la liaison des phénomènes dans le cours du temps n’estplus supportée par le « Je », qui n’a donc plus le sentiment de l’effectuer, ni a fortioride lemaîtriser.Une illustration de cette déliaison particulière a été donnée d’une façonsaisissante parHenriMichaux à la suite d’expériences répétées de prises de drogueshallucinogènes. Il note que « l’accélération incontrôlable de la pensée, des impres-sions, des images, de la parole » rend tout méconnaissable. Ou encore : « les senti-ments tiennent du projectile où les images intérieures, aussi accentuées qu’accélé-rées, sont violentes, vrillantes…». Elles défilent en « un ruissellement extrême oùtout reste ambigu », « tout se dérobe à une définitive détermination ». Les pulsationsvibratoires, l’accélération démesurée et les turbulences de l’infini épousent alors des« rafales d’images » en déformation 1.

Comme le noteMauriceDayan commentantL’Infini turbulent deMichaux : « Ilne s’agit pas là de purs produits mescaliniens ». «Ces prodiges de l’hallucination etde l’excitation accélératrice sont également ancrés dans une constellation psychiquedont la singularité a une histoire » 2.

L’informe temporel :s’anéantir pour exister

Sylvie Le Poulichet

1. Michaux H., (1957) Passages, Paris, Gallimard, 1963, p. 132-133.2. Dayan M., «Révélation du démon», in Les addictions, Monographie de psychopathologie,

Paris, P.U.F., 2000, p. 212.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 3: Le Puli Chet Inform

22 RECHERCHES EN PSYCHANALYSE

Ilme paraît aussi que ces phénomènes relèvent fondamentalement d’un informetemporel lié à desmouvements psychiques singuliers (dont la vie onirique livre par-fois les sensations),même si cesmouvements peuvent se trouver ultérieurement pro-voqués et amplifiés par l’usage de certaines drogues mettant en œuvre des défor-mations de sensations et de perceptions, aussi bien par des procédés d’accélération,de fondu-enchaîné, d’infinisation, que par des impressions de dilatation, de ralen-tissement ou de décomposition du temps.

Parallèlement, d’un point de vue psychanalytique, l’informe temporel s’insèredans la problématique plus générale de la clinique de l’informe, où il s’articule aux«vacillements identificatoires » et à « l’instabilité de l’image spéculaire » qui rendentfort précaires une délimitation des contours du corps, une représentation du visageou un sentiment de continuité d’existence. De plus, toute la dimension de l’angoissede disparition dans des trous du temps – dont j’évoquerai plus bas la spécificité –appartient bien à cette catégorie de l’informe temporel.

En cette clinique de l’informe, toute limite étant indécidable, la vie ne cessera jus-tement de se porter aux limites pour tenter d’être éprouvée. J’ajouterai qu’en cetteclinique, nous serons sans cesse confrontés à des paradoxes qu’il s’agit d’accueilliret de déployer, plutôt que de les réduire à des significations univoques. Le propre dela clinique de l’informe est de mettre en œuvre simultanément une chose et soncontraire, car il existe une sorte de réversibilité et non une frontière étanche entre lesdeux : par exemple – comme nous le verrons à travers la clinique ici présentée – iln’y a pas de limites claires entre l’autodestruction et l’autoconservation, entre la sen-sation d’anéantissement et la subite impression d’exister, entre l’affirmation d’undésir propre et l’aspiration à la disparition, ou encore entre l’angoisse liée aux défor-mations engendrées par une vitesse démesurée et l’étrange réinvention d’une conti-nuité temporelle par le défilé des images déformées entrelacées.

L’informe corporel se noue tout particulièrement à l’informe temporel quand lesparoles se perdent dans l’infini et le vide, dès lors qu’un autre primordial n’a pasrecueilli et reconnu les mots portés par la voix, grâce à son écoute et à son regard.Cela ne peut êtremieux exprimé que par les formules de cette analysante lorsqu’elledébutait sa cure :

« J’ai toujours peur que derrière ma peau il y ait un magma, tout défait. Je medéguise enmettant une peau.Mais ça ne le fait pas ici avec vous. Avec vous, c’est lapremière fois que je peux me laisser aller, je n’ai pas peur de vous. Quand je vousparle ça va quelque part, ça ne part pas dans le vide. D’habitude, je ne tiens pas lesmorceaux ensemble, je change d’état très vite, je ne suis pas quelqu’un d’identifiable.

Je n’arrive pas à renoncer à me perdre, j’aime être emportée, être un point,comme si je me retrouvais dans un évanouissement où je suis présente à moi-mêmetout en étant partie. Il faut que je passe d’une chose à une autre, très vite. Sinon jeressasse toujours lemême truc qui n’a pas de nom : savoir ce quemon père avait der-rière la tête.»

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 4: Le Puli Chet Inform

23

En effet, « ce qui n’a pas de nom» peut menacer l’articulation du corps au pen-ser. A travers l’expérience clinique, il apparaît souvent que « ce truc qui n’a pas denom»n’est autre qu’un lien incestuel énigmatique.N’être pas identifiable et se perdredans la vitesse peuvent alors constituer l’un des aspects de la défense qui s’imposeau « Je».Demêmeque la vitesse peut engendrer un enchaînement dans l’effacement,« n’être pas identifiable » garantit qu’aucune surface du moi délimité ne pourra setrouver capturée et recevoir l’effraction. «Etre là tout en étant partie » permet essen-tiellement de ne pas se trouver totalement assigné à une place d’objet de l’autre.

Il s’agissait très précisément pour cette analysante de « se retrouver dans l’éva-nouissement », dans la quête désespérée d’un pur penser qui lui donnerait la preuvede son existence. Paradoxalement, c’est donc au cœur de l’informe temporel qu’étaitrecherchée la marque du sujet dans le temps :

«Quand j’étais petite, disait l’analysante, il y avait les points lumineux sonoresqui revenaient (elle faisait alors en séance le geste de se boucher les oreilles). Jemeconcentrais et me disais : “je vais penser sans penser que je pense”; c’était trèsimportant pour moi, il fallait tenir très fort, mais ça pouvait durer seulement uneseconde, c’est comme si jem’évanouissais. Plus tard j’ai pris de l’héroïne : je voyaisdéfiler des visages déformés, sans cesse, de plus en plus vite ; c’est ça que je cher-chais : le point d’évanouissement. C’est-à-dire quemon rôle était d’arrêter le défiléquelques instants pour éprouver un pur “je pense” sans pensée.»

Ainsi, commepour ne pas être envahie par lamasse informe des points lumineuxsonores, il lui fallait atteindre un pur « Je pense sans penser que je pense ». Et n’est-ce pas là chercher un pur « effet de sujet », l’essence même du sujet qui ne peut ques’évanouir après avoir surgi ? Comme si une étonnante intuition s’était ainsi préco-cement présentée à cette enfant, elle devait sauver cela : « le point d’évanouisse-ment », juste quelques instants, au-delà dumagma des points lumineux sonores quirisquaient probablement de pénétrer les orifices corporels. Cette façon de faire sur-gir un pur « je pense » avait le pouvoir de faire apparaître un trait qui cerne l’imagedu corps.

L’analysante ajoutait :«J’ai l’impression de passermon temps àm’étourdir parceque je suis en friche. Je me sens être dans l’anéantissement. Il y a quelque chose enmoi qui n’arrive pas à relier les choses.Mais pourmoi les mots ça colle trop, ça faitpeur, il n’y a plus de distance. »

Je lui dis : «Coller n’est pas relier ».Elle : «Pour moi les mots ça ne passe pas, c’est comme si je transgressais ou

comme si je faisais un impensable. Quand j’ai dit àmon père que je l’aimais, c’étaitdans des situations où tout était destructuré, donc ce n’était pas grave. C’est commeavec la drogue : être destructurée pour exister.

Mais mon père je le détestais car je n’avais pas le droit de vivre : avec lui jen’avais pas d’espace pour penser ni parler, il n’a jamais eu de dimension humaine.Ma stratégie de défense, c’était une chute. J’avais du mal à m’inscrire dans uneforme, car avant c’était des formes qui n’étaient pas àmoi. En prenant de l’héroïne,

SYLVIE LE POULICHET – L’INFORME TEMPOREL :S’ANÉANTIR POUR EXISTER

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 5: Le Puli Chet Inform

24 RECHERCHES EN PSYCHANALYSE

je pouvais me couler dans une forme indéterminée. »Commentmieux définir la fonction de certaines toxicomanies ? Etre destructuré

pour exister, se couler dans une forme indéterminée lorsqu’une « forme propre » netient pas, noyée dans une glue incestuelle, là où les mots collent.

Dans ces toxicomanies, se couler dans une forme indéterminée revient à engen-drer une nouvelle surface spatio-temporelle : à la fois une « forme autogénérée » 3quipermet de se protéger de la terreur, selon l’expression deFrancesTustin, et une «auto-chronie » 4, c’est-à-dire unmode de temps circulaire qui exclut l’altérité. S’inventerainsi un nouveau corps, revient à prendre forme chaque jour en incorporant un corpsétranger toxique, afin de devenir soi-même un corps étranger, séparé. Mais simul-tanément, il s’agit de se faire disparaître en ce toxique, de rester destructuré en cettenouvelle « forme autogénérée ».On retrouve bien là l’ambiguïté et la réversibilité dupharmakon, cet autre nom du toxique dans la «Pharmacie de Platon » 5: ce qui est àla fois remède et poison et qui ne cesse de se renverser en son propre contraire. L’ap-parente autodestructionmise en acte à travers les toxicomanies s’entend aussi commeune sorte d’automédication. C’est au cœur de ce paradoxe que peut s’exercer chaquejour un impératif d’auto-engendrement. Lemontage de toxicomanie représente bienalors une véritable « suppléance narcissique » : une ultime tentative pour rassembleret conserver un corps menacé d’envahissement. Car ces patients toxicomanes ten-tent de constituer un nouveau corps qui puisse les arracher à une dépendance bienplus fondamentale que la toxicomanie : l’aspiration dans la figure d’un autre enva-hissant ou anéantissant, ou encore l’aspiration dans ce que Freud nommait en 1921une « formation en foule à deux » 6. Cependant, ces patients sont le plus souventconfrontés à deux types de liens anéantissants.

Notamment chez l’analysante dont j’évoque ici le parcours, le père qui condam-nait systématiquement et violemment tout plaisir et tout désir de sa fille – lamettantà la merci de sa loi insensée – n’était pas l’unique figure de l’autre anéantissant. Eneffet, la mère qui ne pouvait apparemment supporter que sa fille grandisse et luiéchappe, se faisait complice du père. Plus fondamentalement, la fille avait toujourseu peur que sa mère ne « s’effrite » ou soit perdue dans le vide. La fille ne pouvaitdonc puiser aucune forme dans le regard et la parole de cette mère, qui disait seule-ment : «ma vie n’est rien ».Alors la fille devait toujours être là pour « lui chanter deschansons gaies » ou pour – d’unemanière ou d’une autre – la réanimer, comme celaréapparaissait à travers les rêves de l’analysante adulte. Mais le plus effrayant pourla fille était la menace que sa mère ne se déforme de façon obscène : que l’intérieur

3. Tustin F., Le trou noir de la psyché, Paris, Seuil, 1989.4. Le Poulichet S., « Toxicomanie : l’invention d’une autochronie », in L’œuvre du temps en

psychanalyse, Payot/Rivages, 1994, pp. 157-180.5. Je me suis inspirée du texte de J. Derrida intitulé «La pharmacie de Platon » (Tel Quel n°32,

1968), afin de situer les fonctions du pharmakon au sein de la clinique des toxicomanies, dans monouvrage Toxicomanies et psychanalyse. Les narcoses du désir, P.U.F., 1987.

6. Freud S., « Psychologie des foules et analyse du moi », in Essais de psychanalyse, Payot, 1981,p. 180.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 6: Le Puli Chet Inform

25

de son corps ou que ses paroles ne se mettent à déborder n’importe comment, ouencore que cette mère se « transforme brutalement en sorcière ».

On reconnaît là l’élaboration d’une véritable « théorie infantile de l’informe» –telle que je l’ai définie dans mon ouvrage Psychanalyse de l’informe 7 – qui luttecontre lamétamorphose d’un autre primordial. La transformation de samère en sor-cière était liée à sa crainte que samère, parfois haineuse après s’êtremontrée exces-sivement « gentille », ne l’engraisse pour pouvoir la manger. Comme dans toute« théorie infantile de l’informe», une fondamentale relation de persécution se trouveici mise en jeu. Et la « théorie » tente de donner une signification à une dimensionincompréhensible et menaçante de l’adulte, tout en construisant un lien érotisablequoique destructeur, par exemple ici : « Je compte pour elle puisque je suis bonne àcroquer ».Mais là encore, il aurait fallu prendre le risque de disparaître pour exister.La fille avait d’autant plus peur que sa mère ne l’incorpore, ne la ramène dans sesentrailles, que cettemère semblait vouloir prendre sa place en se comportant commeune petite fille. Finalement, la peur initiale que sa mère déborde, se déforme, n’aitpas de fond et l’avale, avait été relayée par une identification inconsciente à cettemèresouffrante, perdue, déformée et violente. Cela ne s’était pas produit uniquement pour« tenter de maintenir l’autre dans une forme humaine » – tel que je l’avais explicitéà propos des « théories infantiles de l’informe» – mais aussi, ultérieurement, pourrépondre à une culpabilité issue de la rivalité avec cettemère, dont le lien sexuel avecle père était dénié par la fille.

L’analysante précisait que sa révolte contre ses parents s’était manifestée brus-quement au début de l’adolescence, elle disait : «J’ai fait toutes les transgressionspour ne pas être avalée parmamère et détruite parmon père, j’étais obligée de fairedu pire pour avoir l’impression d’exister. Comme dans l’anorexie, personne ne pou-vait me rattraper, ou bien plus tard avec « la roulette russe »: traverser tout Paris envoiture la nuit en brûlant tous les feux rouges, car je ne savais pas quelle était maplace. Ma façon de m’en sortir c’était la violence. Déjà dans l’enfance, je m’exer-çais à provoquer la douleur et à lutter contre elle pour la contrôler. Je m’étranglaispresque jusqu’à l’évanouissement, puis je sniffais de l’eau écarlate ou de l’éther. J’es-sayais d’apprendre à quittermon corps. Plus tard, l’héroïneme vaccinait des chosesinhumaines. Je suis restée dans ce truc où je ne suis pas là. »

Ilme faut préciser que l’analysante percevait toujours en elle ce vide,mais qu’ellene consommait plus de drogues « dures » lorsqu’elle est venueme rencontrer. Quantaux quelques « transgressions » qui subsistaient et qui lui avaient en fait permis desurvivre, elles disparaissaient une par une au fil de la cure, dès qu’elle en percevaitle sens et se séparait dumême coup des liens fantasmatiques aux figures parentales.

L’analysante dit encore qu’un écart était en train de se creuser entre elle et lemonde et que cela la soulageait, mais elle ajoutait : «Si vous n’étiez pas là, je n’au-rais pas un corps recollé, mais explosé, dispersé partout. En ce moment, avant devenir en séance, j’ai des diarrhées violentes, peur de me vider, est-ce que j’ai peur

SYLVIE LE POULICHET – L’INFORME TEMPOREL :S’ANÉANTIR POUR EXISTER

7. Le Poulichet S., Psychanalyse de l’informe. Dépersonnalisations, addictions, traumatismes,Paris, Aubier-Flammarion, 2003, pp. 24-48.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 7: Le Puli Chet Inform

26 RECHERCHES EN PSYCHANALYSE

que les mots se répandent ? Et puis non, finalement je m’aperçois que tout tient, lecorps et les mots. Petite j’avais vraiment peur des mots-choses demon père. Quandmon père hurlait, ses mots me prenaient avec eux. Je faisais un rêve où j’avais cettechose horrible dans la bouche. »

Je questionnais : «Un de ses mots-choses dans votre bouche ? »Elle répondait : «Oui. Celame fait penser au hêtre deGiono : il y avait un cadavre

dedans et les animaux tournaient autour. Quand je fais l’amour, c’est autour de cehêtre que je tourne : le sexe de l’homme».

Je demandais encore : «Ya-t-il un cadavre dedans ? ». «Oui, disait-elle, c’est lavie et c’est la mort. Faire l’amour ça m’emporte comme les cris. J’étais soulagéequand mon père a commencé à me frapper : quelque chose était posé, ça ne partaitpas à l’infini.

J’ai peur qu’il n’y ait pas de loi. Il fallait que je fasse tout l’arbitraire demonpère.Il disait tout le temps que j’étais nulle. Et sa rage, c’est que j’étais une fille : quandj’existais, il me détruisait sur place. J’ai gardé cette peur avec les hommes :ma pre-mière tentative de suicide, c’était quand je suis partie en vacances avec un amou-reux, un homme marié : je ne savais pas ce que je devais faire dans la seconde sui-vante. Rien n’était possible. J’avais peur du vide dans la seconde d’après. J’étaistellement angoissée, çam’est arrivé souvent : jem’ouvrais les veines, là je savais cequ’il fallait faire : sentir la douleur. Cet homme, je crois que je lui prêtais des chosesqu’il n’avait pas, comme à mon père. Pendant notre relation, j’étais obligée deprendre de l’héroïne, car je devais être parfaite et vivante.»

L’angoisse de la seconde d’après, pensais-je, n’est autre que lamenace de ce trouoù pourrait chuter le « Je », là où l’autre l’attend, comme lorsque l’on dit : « il m’at-tend au tournant ». Si cet autre est supposé détenteur desmots-choses, ceux qui vouscollent, vous dépossèdent et vous emportent, alors, forcément, il risque de n’y avoirpersonne dans la seconde d’après : le « Je » aura été emporté par le mot d’ordre oule cri supposés de l’autre. Cette problématique évoque directement ce que j’avaisnommé« l’instant catastrophique» 8, ou l’instant devenu catastrophe du « Je», ce troudans le temps où il n’y a plus qu’à tomber : ce que Descartes appelait « l’épouvantedu manque dans le temps, l’angoisse la plus forte de toutes » 9. «L’instant catastro-phique » surgit lorsque la trame du temps se défait et que le « Je » est soudain préci-pité dans l’immédiateté, lorsqu’il ne peut plus s’appréhender dans une durée et qu’ilest réduit à la pointe de l’instant présent, au bord du vide. En fait, le point d’où le « Je»se voyait auparavant s’est déplacé sous le coup d’une rencontre avec un autre sup-posé tout-puissant qui semble ravir au « Je» toute consistance et toute continuité.Afind’anticiper l’événement effrayant de la chute dans un « trou du temps », la perspec-tive du suicide ou l’arrêt dans la douleur corporelle sont souvent appelés au secours.En effet, l’angoisse apparaît démesurée lorsque le « Je » coïncide avec une scène quil’exclut ou qui l’annule et qu’il se trouve épinglé là où il ne peut se voir (à cemoment

8. Le Poulichet S., L’œuvre du temps en psychanalyse, op.cit., pp. 119-153.9. Poulet G., Etudes sur le temps humain, Plon, 1952, p. 73.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 8: Le Puli Chet Inform

27

d’ailleurs il n’est plus possible de s’approcher d’unmiroir). Seul l’autre est censé voiret penser : en cette extrême dévolution de pouvoir à l’autre, le temps, les images etle langage se désarticulent. Et tout mouvement de reprise ou de ressaisie qui engen-drerait un « effet de sujet » semblemis en échec. La clinique ici évoquée nemontre-t-elle pas qu’il s’agit aussi de faire offrande de sa propre disparition à l’autre, commeà travers les tentatives de suicide que cette analysante avait inconsciemment adres-sées à un substitut du père ? C’est là l’interprétation que je lui proposais.

Il apparaissait bien que l’autre supposé détenteur desmots-choses, celui qui lais-sait cette analysante face au vide et au trou dans le temps, était aussi un phallus demort: « le cadavre dans le hêtre ». C’était bien la première fois, dansma pratique, quej’entendais résonner une telle figure et que cette hypothèse concernant un phallus demort se présentait : le symbole d’un phallus demort serait à la fois ce qui suscite l’in-forme et l’autodestruction,mais il empêcherait néanmoins un effondrement complet.

La verticalité et la dureté de ce phallus paternel avaient constitué pour cette futureanalysante un véritable ancrage,même si un cadavre ne cessait de se décomposer enlui, insinuant chez elle simultanément un impératif de quitter son propre corps et l’ap-préhension d’un risque permanent de déformation des mots, du temps, des choseset des êtres. Ce risque trouvait d’ailleurs sa première origine dans l’informe mater-nel, en cet « autre à double face » qui demandait à être réanimémais qui manifestaitsa haine. Or, aussi violente soit-elle, la force de destruction du père venait ériger uneverticalité. Et les séances suivantes ont permis de préciser ces éléments :

«Je passe beaucoup de temps à faire tenir les choses disait l’analysante, c’est uneffort constant pour que tout ne se délite pas, tout pourrait s’effondrer tout le temps :c’est pour cela que tout doit aller très vite comme quand je prenais de l’héroïne enfaisant défiler les visages déformés. »

«C’est une vitesse et une déformation qui donnent l’impression d’une continuité »disais-je à ce moment.

«Oui, répondit-elle, c’est comme avec les mots que je sors trop vite comme pourcolmater un trou. Mais maintenant j’ai envie de faire attention aux mots. Et je n’aiplus envie de me servir du sexe de l’homme pour tenir debout …comme avec lecadavre dans le hêtre : avant, je m’enroulais autour du sexe des hommes.

Ma façon dem’en sortir avec le père c’était de croire que c’était érotique.Quandmon père a commencé à me frapper, j’ai pensé que c’était sa façon de me fairel’amour,mais demanière générale, je n’étais pas un truc réel, il n’y avait pas de fond,j’étais comme aspirée par du sable.

Mon père a encore osé le répéter dimanche dernier : lorsque je suis née, il a dit :«Celle-là, elle ne va pas nous emmerder. On l’enfermera dans la salle de bains eton la laissera brailler. De toute façon, moi je ne voulais pas vraiment d’enfant. »

Mamère, ça l’a fait rire.Moi j’ai pleuré longtemps quand ils sont partis. J’ai sou-vent eu l’impression qu’il fallait que j’offre ma mort à mon père. »

Je pensais qu’elle n’avait jamais cessé de la lui offrir en semettant gravement endanger tout au long de sa vie, souvent à la faveur d’une question insue : «Veux-tu demamort ? », comme lorsqu’elle avait brûlé les feux rouges la nuit dans Paris, en filantà toute vitesse pour savoir si ça passerait, ou encore lorsqu’elle faisait des tentatives

SYLVIE LE POULICHET – L’INFORME TEMPOREL :S’ANÉANTIR POUR EXISTER

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 9: Le Puli Chet Inform

28 RECHERCHES EN PSYCHANALYSE

de suicide.Devoir faire offrandede samort au père, n’est-ce pas là encore unemanièrede faire exister unphallus demort?Simultanément, elle avait eu régulièrement recoursà « l’idée de mourir » comme à une « forme-réceptacle » 10. Elle avait dit un jour enséance que « l’idée demourir ou de se suicider était un soulagement, quand il existaitune tension énorme qui n’avait pas de forme». Et je pensais que la « douleur contrô-lée » pouvait également agir commeune« forme-réceptacle » pour une tension incon-nue et sans fin.C’était là d’ailleurs ce quem’avaient souvent fait entendre des patientstoxicomanes qui se portaient aux limites pour arriver à se donner forme.

Toujours à propos de la mort, l’analysante avait évoqué une peur particulière deson enfance : près de chez ses parents se trouvait un ancien cimetière où elle allaitjouer avec les enfants voisins. «On jouait entre les tombes défoncées, disait-elle,maisj’avais peur de m’égratigner et qu’un bout de mort n’entre en moi ». Cette associa-tion avait permis d’entendre les liens existant entre l’angoisse des trous dans le tempset sa phobie des miettes et des microbes qui pouvaient entrer dans son corps, dontles orifices étaient supposés non-fermés.

Sa peur de se vider par manque de sphincters, de devenir nulle et de devenirinforme était liée à l’image de son corps non fermé, menacé de pénétration par lesmots-choses dans les cris du père, par les vœux de mort du père, mais aussi menacéfantasmatiquement par la pénétration sexuelle du père : ces trois éléments pénétrantsétaient indissociables, et leur association définit sans doute le phallus de mort.

Quand je lui avais proposé l’image d’un « corps aux orifices non fermés », elleavait aussitôt dit : «Oui, j’essaye de le fermer avec mes phobies, par exemple toutlaver et fermer sans cesse par peur que les microbes n’aillent dans mon sexe.» Sesphobies remontaient à une scène d’enfance où, dans la cuisine, le père ramassait lesmiettes de pain sur la table alors que ses hanches et son sexe sous le pantalon étaientcollés à cette table. Par la suite, la petite n’a plus supporté lesmiettes, censées la conta-miner et la faire tomber enceinte ou dans la mort. Les «miettes de sperme» du pèreétaient bien associées aux bouts de mort qui pouvaient entrer en elle dans le cime-tière. Elles étaient aussi reliées à une première scène d’enfance, où elle avait éprouvédu plaisir lors du frottement de son propre sexe contre la nuque du père qui la por-tait sur ses épaules. Le symptôme phobique possédait bien l’organisation de la for-mation d’un symptôme dans l’après-coup, par condensation de plusieurs scènes.

Plus tard, les prises d’héroïne qui auraient pu lamener à lamort, lui avaient simul-tanément permis de sentir les orifices du corps bien fermés « en se coulant dans uneforme indéterminée ». L’héroïne lui avait ainsi accordée une paradoxale protection,plus précisément un tenant-lieu de pare-excitation qui séparait l’intérieur et l’exté-rieur du corps.

«Quand on se shoote, disait-elle, on nemange pas, donc rien ne rentre et ne sortet le dehors ne peut rentrer dedans». Cependant, l’héroïne permettait aussi de liertous les instants les uns aux autres dans la continuité des déformations grâce à lavitesse du défilé des images : il n’y avait plus de trou dans le temps et, passagèrement,

10. Le Poulichet S., Psychanalyse de l’informe, op. cit., pp. 83-84.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse

Page 10: Le Puli Chet Inform

29SYLVIE LE POULICHET – L’INFORME TEMPOREL :S’ANÉANTIR POUR EXISTER

l’angoisse de la seconde suivante n’existait plus. Elle ne pouvait donc plus être aspi-rée par les vides ou les « orifices » dans le temps. Elle put néanmoins arrêter touteconsommation d’héroïne et se replier sur la douleur engendrée par unemaladie. Puis,dans la cure s’est s’élaboré son désir d’être incarnée dans le temps, d’y prendre forme,d’être née sans que cette naissance soit toujours remise en question. Dumême coup,elle put sentir et dire qu’il y avaitmaintenant du temps entre les choses qui arrivaientet elle-même, puis qu’un écart entre elle et lesmots se construisait, créant un lieu pourla pensée.

Je concluerai sur le rôle du transfert dans la reconstitution d’une forme tempo-relle et dans la lutte contre les métamorphoses de l’autre. Ce rapport à l’autre peutse trouver transmuté dans la relation transférentielle où l’analyste incarne un lieu fixeet fiable dans l’espace et le temps : un lieu où l’on peut ne plus « tomber sans cesse ».Dans ces conditions, le recollement des parties du corps et desmorceauxde la penséese révèle corrélatif de l’inscription dans un temps où l’avenir devient enfin repré-sentable et investissable.Car, en cette clinique, se donner un avenir et neplus se perce-voir dans l’imminence de la disparition implique l’invention d’un lien inimaginableauparavant : un lien faisant résonner la parole dans la présence, et qui déjoue toutemenace d’idéalisationmortifère ainsi que tout vertige d’une absorption dans un autrevide et sans fond.

Sylvie LE POULICHETProfesseur de Psychopathologie à l’Université Paris 7

15 rue de Charenton75012 Paris

Sylvie Le Poulichet – L’informe temporel : s’anéantir pour exister

Résumé : Penser l’informe temporel – cette particulière altération de la forme dutemps – nous permet d’appréhender certaines caractéristiques de la clinique de l’informe,notamment dans le champ des toxicomanies et des mises en acte suicidaires. La présen-tation d’un cas clinique nous amène ici à resituer les angoisses de disparition dans des« trous du temps », associées à différents paradoxes inhérents aux fonctions du toxique.

Mots-clés : Informe – Temporalité – Toxicomanies – Conduites suicidaires.

Sylvie Le Poulichet – The Temporally Formless – Destroying Oneself as a Means ofExisting.

Summary : Thinking the temporally formless – this particular deformation of thetime-form relationship – allows us to shed fresh light on the clinical characteristics offormlessness, notably in the field of drug addiction and suicide. We shall look at a clini-cal case and at the anxiety linked with disappearing into ‘time holes’ associated with thedifferent inherent paradoxes of addiction.

Key-words : Formlessness – Temporality – Addiction – Suicidal behaviour.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité d

e P

aris

7 -

-

81.1

94.2

2.19

8 -

24/1

0/20

13 0

1h07

. © A

ssoc

iatio

n R

eche

rche

s en

psy

chan

alys

e D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Université de P

aris 7 - - 81.194.22.198 - 24/10/2013 01h07. © A

ssociation Recherches en psychanalyse