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1 MÉMOIRE Présenté par : François REBOUL-SALZE Dans le cadre de la dominante d’approfondissement : IDEA (Ingénierie de l’Environnement, Eau, Déchets et Aménagements durables) Caractéristiques agronomiques et socio-économiques de la de la sylviculture du teck dans la municipalité de Vientiane et le district de Luang Prabang (RDP Laos). Evaluation des conséquences pour la conservation des sols. Pour l’obtention du : DIPLÔME D’INGENIEUR d’AGROPARISTECH Cursus ingénieur agronome et du DIPLÔME D’AGRONOMIE APPROFONDIE Stage effectué du 20/04/09 au 20/10/09. A : Laboratoire Bioemco (IRD Laos- BP 5992 – Ventiane ; Laos) Enseignant responsable : Philippe MARTIN Maître de stage : Alain PIERRET Soutenu le : 27/10/09

Le rapport final compress - Agro ParisTechsiafee.agroparistech.fr/docrestreint.api/60/446d95ab3e...Prabang (LP) et dans la municipalité de Vientiane (VTE), quelles sont les pratiques

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MÉMOIRE

Présenté par : François REBOUL-SALZE

Dans le cadre de la dominante d’approfondissement : IDEA (Ingénierie de l’Environnement, Eau, Déchets et Amé nagements durables)

Caractéristiques agronomiques et socio-économiques de la de la sylviculture du teck dans la municipalité de

Vientiane et le district de Luang Prabang (RDP Laos ). Evaluation des conséquences pour la conservation de s

sols.

Pour l’obtention du :

DIPLÔME D’INGENIEUR d’AGROPARISTECH

Cursus ingénieur agronome et du DIPLÔME D’AGRONOMIE APPROFONDIE

Stage effectué du 20/04/09 au 20/10/09. A : Laboratoire Bioemco (IRD Laos- BP 5992 – Ventiane ; Laos) Enseignant responsable : Philippe MARTIN

Maître de stage : Alain PIERRET

Soutenu le : 27/10/09

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3

Auteurs et contributeurs : Je remercie les personnes suivantes pour avoir partagé avec moi leur expérience et les résultats de leurs travaux. Emmanuel Bourdon pour son travail sur la pédologie de la zone d’étude de Luang Prabang. Jean-Luc Maeght pour ses protocoles de mesure au sein des plantations. Guillaume Lestrelin pour sa thèse et les discussions autour du sujet de cette étude. Insavay Sittivohane et Leuly Nortourlee les deux stagiaires laotiens qui m’ont aidé dans mon travail autour du district de Luang Prabang. Khampaseuth Xayyathip et Hinsila Phoutthavong qui m’ont aidé dans mon travail de la municipalité de Vientiane.

Remerciements : Je remercie toute l’équipe du laboratoire Bioemco et de l’IWMI pour leur aide lors de cette étude. Je remercie particulièrement Alain Pierret, Guillaume Lestrelin et Jean-Luc Maeght pour leurs conseils au cours de mon stage et lors de la rédaction du rapport. Enfin je remercie les stagiaires laotiens (Insavai, Leuly) mais aussi l’assistant Bounsamaï Soulileuth ainsi que Khampaseuth et Hinsila sans qui la rédaction de ce rapport n’aurait jamais été possible.

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Sommaire

Introduction : ______________________________________________________________ 6

L’essor du teck en RDP Laos. __________________________________________________ 8

1.1. La RDP Laos, situation géographique. ________________________________________ 8

1.2. Généralités sur le teck (Tectona grandis). _____________________________________ 9

1.3. Contexte de l’établissement de la culture du teck en RDP Laos. __________________ 11

1.3.1. Objectifs et politique agricole du gouvernement laotien. _______________________________ 11 a. Stratégie de la politique agricole des Lowlands (correspondant à l’échantillon de Vientiane). _ 12 b. Stratégie de la politique agricole des Uplands (correspondant à l’échantillon de Luang Prabang).

12 c. Discussion. ____________________________________________________________________ 13

1.3.2. La politique forestière jusqu’en 2020. ______________________________________________ 15 a. De 1975 à 1989. ________________________________________________________________ 15 b. De la Conférence Nationale sur les Forêts en 1989 à 1996. _____________________________ 15 c. La loi forestière depuis 1996. _____________________________________________________ 17

1.3.3. A propos des terres et droits de propriété. __________________________________________ 18 1.3.4. Pourquoi planter du teck ? _______________________________________________________ 19

1.4. Objectifs. ______________________________________________________________ 20

1.5. Matériels et méthodes. ___________________________________________________ 21

1.5.1. Collecte de données de terrain. ___________________________________________________ 21 1.5.2. Les enquêtes. __________________________________________________________________ 23

2. Profil et pratiques culturales des planteurs de teck dans le district de Luang Prabang

et la municipalité de Vientiane. _______________________________________________ 25

2.1. Préambule. ____________________________________________________________ 25

2.1.1. Profils types visés par la politique gouvernementale. __________________________________ 25 2.1.2. Représentativité de l’échantillon. __________________________________________________ 25 2.1.3. Localisation des parcelles étudiées. ________________________________________________ 25

2.2. Profils des planteurs de teck. ______________________________________________ 26

2.2.1. Présentation de l’échantillon de Vientiane et de Luang Prabang. ________________________ 26 a. Ethnie, famille et âge. ___________________________________________________________ 26 b. Niveau d’éducation. ____________________________________________________________ 29

2.2.2. Raisons évoquées pour planter du teck. ____________________________________________ 30 2.2.3. Les relations propriétaire/gestionnaire. _____________________________________________ 32 2.2.4. Niveau de richesse des planteurs de teck. ___________________________________________ 32

2.3. Les pratiques culturales. __________________________________________________ 33

2.3.1. Le semis et l’espacement. ________________________________________________________ 34 a. Les semis. _____________________________________________________________________ 34 b. L’espacement initial. ____________________________________________________________ 36

2.3.2. La gestion en cours de croissance. _________________________________________________ 37 2.3.3. L’abattage et la vente.___________________________________________________________ 37

2.4. Les objectifs des propriétaires. _____________________________________________ 39

3. L’érosion sous couvert de teck. ___________________________________________ 40

3.1. Etat de l’art et observations. ______________________________________________ 40

5

3.2. Confrontation de l’érosion de la croissance et du type de sol observé. _____________ 42

3.3. Gestion des mauvaises herbes et surface du couvert végétal. ____________________ 44

3.4. Connaissances relatives aux techniques anti-érosion. __________________________ 47

3.5. Discussion et recommandations. ___________________________________________ 50

Conclusion : _______________________________________________________________ 52

Bibliographie : _____________________________________________________________ 53

Webographie : ____________________________________________________________ 54

Annexes : _________________________________________________________________ 55

Annexe 1 : Listing des macros utilisées pour le calcul de la surface des couverts végétaux et de la

canopée. _____________________________________________________________________ 55

Annexe 2 : Questionnaire de terrain (en anglais). ____________________________________ 56

Annexe 3 : Localisation des parcelles de teck analysées à Luang Prabang et à Vientiane. _____ 61

Annexe 4 : Comparaison des niveaux d’éducation intra et extra Luang Prabang. ___________ 63

Annexe 5 : Gestionnaires et propriétaires : ratios et localisations _______________________ 64

Annexe 6 : Le semis des plantations de teck à Vientiane et Luang Prabang.________________ 65

Annexe 7 : Espacement moyen observé dans les plantations analysées. Comparaison du

diamètre et de la densité de plantation observée dans les parcelles en fonction de l’âge de la

plantation. ___________________________________________________________________ 66

Annexe 8 : Considérations sur les revenus générés par le teck (Luang Prabang). ____________ 68

Annexe 9 : Diamètres moyens mesurés à hauteur de torse dans les parcelles observées à

Vientiane et à Luang Prabang. ____________________________________________________ 69

Annexe 10 : Raisons évoquées par les propriétaires et les gestionnaires de teck pour couper le

sous bois de leurs plantations à Luang Prabang et à Vientiane. Gestion du sous bois à Vientiane.

____________________________________________________________________________ 70

Annexe 11 : Calendriers de désherbage selon l’âge des plantations de teck (il y a parfois 2, 3 voir

4 passages par an) à Luang Prabang. _______________________________________________ 71

Annexe 12 : Connaissance sur les techniques anti-érosives de Vientiane. _________________ 73

Annexe 13 : Classification des pédo-comparateurs en 5 grandes cathégories de sols. Les sous

groupes ont été définis en fonction de l’indice de rouge (droit à l’image Emmanuel BOURDON).

____________________________________________________________________________ 74

Annexe 14 : Techniques anti-érosion connues et techniques utilisées dans les plantations de teck

à Luang Prabang. ______________________________________________________________ 75

Annexe 15 : Pourcentage moyen d’arbres morts observé dans les parcelles de VTE et de LP en

fonction de la getion du couvert végétal. ___________________________________________ 76

Executive Summary: ________________________________________________________ 77

Résumé: __________________________________________________________________ 78

6

INTRODUCTION : Le teck est une espèce d’arbre endémique du Sud Est Asiatique. En République Démocratique Populaire du Laos (RDP Laos), il se rencontre, entre autres, dans les forêts primaires. Cet arbre donne l’un des bois d’œuvre les plus demandés au monde (MIDGLEY, 2006). La RDP Laos est caractérisée par une population ethniquement très variée et peu dense. Il s’agit d’un des pays les plus pauvres d’Asie1 et 80% de sa population s’emploie à l’agriculture. La culture du teck est en expansion dans plusieurs provinces du pays dont celle de Luang Prabang et dans une moindre mesure dans la municipalité de Vientiane. (MIDGLEY et al, 2007). L’importance de ce développement est à mettre en relation avec la politique conjointe du gouvernement et des agences de développement internationales (Banque Mondiale, Banque de Développement Asiatique, Nation Unies…) qui voient dans le secteur forestier une possibilité de limiter la culture sur brûlis, vue comme une source de déforestation et de contraintes sur l’environnement, de réduire la pauvreté et d’ouvrir aux petits villages l’accès aux marchés régionaux ou globaux. Cette étude correspond à un approfondissement de travaux menés par les chercheurs du Laboratoire Bioemco (Biogéochimie et écologie des milieux continentaux) de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) sur la culture du teck. En effet, des mesures effectuées par des membres de ce laboratoire indiquent qu'il peut y avoir, dans certains contextes biophysiques et en conjonction avec certaines techniques de gestion, un important détachement du sol sous l'effet des gouttes de pluie transmises par la canopée du teck (VALENTIN et al, 2008). Un des objectifs de ce travail a donc, dans cette perspective, été de renseigner l'éventail des pratiques et des milieux utilisés pour la sylviculture du teck, afin 1. d’évaluer si, et dans quelle mesure, l'érosion constatée lors de précédentes études était liée a des facteurs déterminants clairement identifiables et 2. de déterminer si des mesures simples et facilement adoptables par les exploitants pouvaient être mises en œuvre pour minimiser l'impact de cette érosion. Lors du travail sur le terrain, il est rapidement apparu que l'érosion du sol sous teck était très probablement le produit d’un ensemble complexe de paramètres. Le type de sol, les caractéristiques de la plantation (âge, espacement et hauteur des tecks) sont bien sûr les premiers facteurs auxquels on pense. Mais d’autres critères, aussi variés que le niveau d’éducation des propriétaires, les croyances locales, la quantité d’information diffusée par les organisations internationales ou les agences décentralisées de l’Etat, l’itinéraire technique appliqué dans les teckeraies ou encore l’incitation des politiques agricoles rentrent en jeu. Il faut donc savoir, quelles sont les pratiques des gestionnaires de plantations et quels facteurs/ raisons les entraînent à agir comme ils le font. Il semble important aussi de caractériser le profil des planteurs de teck (agriculteur ou particulier) dans le district de Luang Prabang et dans la municipalité de Vientiane pour estimer leur intérêt dans la conservation des sols et pour cibler nos recommandations. Afin d’obtenir un éclairage nouveau sur ces considérations, et de comprendre la cause de l’érosion observée, notre étude va donc caractériser les points suivants:

• Qui sont les différents acteurs de la culture du teck ? • Quelles sont les raisons qui les ont incités à planter du teck ? • Quelles pratiques culturales mettent-ils en œuvre et pourquoi ? • Comment ces pratiques influencent la conservation des sols.

1 Voir http://hdr.undp.org/en/reports/global/hdr2007-2008/news/asiapacific/title,6282,en.html

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La première partie de cette étude décrira brièvement la biologie du teck et s’attachera à présenter le contexte actuel dans lequel les propriétaires de parcelles ont planté leur teck. On y présentera les lois qui ont participé au développement rapide de cette culture ; les arguments avancés par le gouvernement pour inciter à cultiver du teck ainsi que les méthodes mises en place pour y arriver. Cette partie nous permettra de mieux comprendre le contexte politique et économique du développement de cette culture, les profils d’individus observés dans nos échantillons et d’étudier les justifications avancées par les propriétaires avec l’information la plus complète possible. Au cours de la deuxième partie, nous verrons qui plante du teck dans le district de Luang Prabang (LP) et dans la municipalité de Vientiane (VTE), quelles sont les pratiques culturales utilisées, ainsi que les raisons que les propriétaires ont évoquées pour planter du teck grâce aux données que nous avons collectées sur le terrain. Nous croiserons les résultats obtenus lors des enquêtes avec les objectifs affichés par l’Etat. Nous prendrons en compte cette information dans la caractérisation de l’érosion sous teck présenté dans la troisième partie. Enfin, dans la troisième partie, nous décrirons l’effet de la culture du teck sur l’érosion des sols. Nous y exposerons les connaissances sur l’érosion des propriétaires de plantation, leur gestion du sous bois et son importance quant à la conservation des sols. Nous intègrerons à cette partie l’information présentée dans la seconde partie. Nous finirons par une discussion critique de l’impact de cette culture sur l’environnement et sur les populations ainsi qu’une présentation des recommandations étayées par les résultats les plus significatifs de cette étude.

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L’ ESSOR DU TECK EN RDP LAOS. 1.1. La RDP Laos, situation géographique.

La RDP Laos, pays d’Asie du Sud-est a une superficie de 236 800 km². Il est bordé par la Chine et le Viêt Nam au Nord et à l’Est, le Cambodge et la Thaïlande au Sud et au Myanmar (ex Birmanie) à l’Ouest (Figure 1). La forêt occupe encore 40 % du territoire et 20 parcs nationaux s’étalent sur 12,5% du territoire (AUBERTIN, 2003). Le paysage varie beaucoup suivant les provinces, des montagnes très boisées au nord aux plaines sèches du sud. La mousson influence le climat et on retrouve une saison sèche de novembre à février suivie d’une saison sèche chaude en mars/avril ainsi qu’une saison humide de mai à octobre. Le Mékong traverse le pays du nord-ouest au sud-est.

Figure 1:Situation géographique de la RDP Laos (Carte, Hachette)

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Avec 6 368 481 habitants, la densité de la population humaine du pays est très faible, soit 26,9 habitants/km². Cependant, la population ne cesse de croître, l’indice de fécondité s’élevant à 6,8 enfants par femme. Néanmoins l’espérance de vie reste très faible avec 55,49 ans, le taux de mortalité infantile étant de 83,31 pour mille et l’âge médian atteignant 18,9 ans (LABATUT, 2009). Trois groupes ethniques majoritaires sont présentes dans le pays, les Lao loum ou Lao des plaines pour 69%, les Lao theung ou Lao des collines pour 22%, et les Lao soung ou Lao des montagnes pour 9% (incluant les Hmongs et les Yao). Le laotien est la langue officielle et aujourd’hui la majorité des habitants la pratique. Cependant, chaque ethnie conserve son propre langage ou dialecte, et beaucoup de personnes âgées gardent des souvenirs de français. Toutefois, la langue en pleine expansion est l’anglais. La RDP Laos est l’un des pays les plus pauvres du monde, et ce, malgré un taux d’alphabétisation de 66,4%. En moyenne, les laotiens passent 9 ans à l’école. (LABATUT, 2009) La monnaie laotienne est le Kip ; son cours actuel Octobre 2009, est de 8500 Kip pour 1 $US.

1.2. Généralités sur le teck (Tectona grandis). Le teck est une espèce endémique d’Asie du Sud Est, ses pays d’occurrence naturelle sont l’Inde, la Birmanie, la Thaïlande et la RDP Laos (Fig.2). Mais aujourd’hui il est largement implanté dans d’autre pays du sud de l’Asie, en Afrique, en Australie et en Amérique latine (PANDEY, BROWN, 2000).

Figure 2: Aire d'occurrence naturelle du teck (Tectona grandis) en Asie. (Source : Peter L. Weaver, 1993)

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De la famille des Verbénacées, Le teck est une espèce d'arbre à croissance lente ou rapide, selon les conditions environnementales. Son tronc est droit et cylindrique et peut atteindre un diamètre de 1,5 m pour une hauteur de 27 à 30 m avec 10 à 20 m sous branches et un houppier arrondi pouvant culminer à 46 m. Les feuilles du teck sont opposées et mesurent 30 à 60 cm de longueur. Elles sont larges-elliptiques, veloutées. Il fleurit chaque année à partir de l'âge de 8-10 ans. Les fleurs sont groupées en cyme, blanches, odorantes. Le fruit est une drupe ronde produite en abondance (WEAVER, 1993). Le climat optimal pour le teck inclut 3 à 5 mois de saison sèche; entre 1500 et 2000 mm de pluie par an et des températures comprises entre 16 et 40°C. Il peut tout de même grandir dans des régions qui ne rentrent pas dans ces critères et qui ont même de légères gelées (WHITE, 1991). Concernant les sols, le teck peut coloniser des milieux aux pédologies très diverses et des sols neutres à acides. Il grandit mieux cependant sur des sols alluviaux, bien drainés, poreux et profonds. Les plantations de teck dégradent la porosité du sol et augmentent sa densité. Les facteurs limitant le plus la croissance du teck sont des sols superficiels, inondés, compactés, ou des argiles lourdes, qui ont une faible concentration en Ca et en Mg car c’est une culture qui en demande beaucoup (CHAVES, FONSECA, 1991). Le calcium doit être sous forme échangeable au minimum à 0,3%. Aussi, à l’âge de 15 ans, la demande minimale annuelle en nutriments du teck, en kg/ha, est de 556 de potassium, 328 d’azote, 357 de calcium, 76 de phosphore et 62 de magnésium (NWOBOSHI, CHELUNOR, 1984). Une altitude importante (supérieure à 1000m) et des pentes trop fortes influencent aussi négativement sa croissance (WEAVER, 1993). Les fleurs du teck sont pollinisées par des abeilles. La floraison a lieu entre juin et septembre (elle dure 2 à 4 semaines) ; le fruit se forme entre février et avril. Les graines de régions plus sèches sont plus fines. Elles sont ramassées en avril-mai et sont stockées dans des gros sacs dans une pièce bien ventilée. Elles sont viables pendant 2 ans. Les arbres de plus de 30 ans produisent des graines ayant un meilleur taux de germination que les plus jeunes. En Thaïlande, la germination est accélérée par des alternances de trempage/ séchage des graines dans des eaux courantes pendant 3 jours (WEAVER, 1993). Pour le développement des plantules, la meilleure opération est de planter des petits arbres après les avoir fait pousser en pépinière. En Inde, les plantules atteignent en 4 mois un diamètre de 4,7 cm à la base et une hauteur de 42cm avec une fertilisation NPK. Une étude réalisée en Inde montre que la croissance maximale des tecks est entre 10 et 50 ans, après elle réduit. Même si beaucoup de facteurs influencent la production d’une plantation (densité, âge de la plantation, fréquence des éclaircissements…) on rapporte une production moyenne du teck de 10 à 25 m3/an/Ha (la plupart des résultats situés dans la partie basse de cette fourchette) (WEAVER, 1993). Les racines du teck sont pivotantes (pénétration verticale de la racine et ramification autour d’une racine principale). Elles sont très sensibles à un manque d’oxygène et poussent bien dans un sol aéré. La plus grosse partie des racines (verticales et latérales) est concentrée dans les 30 premiers cm de sol. Le ratio partie aérienne / sous terraine est d’environ 5/1 (WEAVER, 1993). Le bois du teck est blanc pour le bois d’aubier et brun à rougeâtre pour le bois de cœur. C’est un bois tendre qui se travaille facilement. Sa masse volumique est de 600 à 800 kg/m3 ce qui

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en fait un bois mi-dur. Les bois durs, comme le chêne ou le bois de rose, étant compris entre 750 et 900 kg/m3. Le teck n’est donc pas apprécié pour sa dureté (souvent synonyme de longévité) mais pour son bois de cœur qui contient des agents chimiques qui le rendent relativement imputrescible et résistant aux thermites. Cette caractéristique, lui assure une très bonne durée de vie, notamment comme meuble d’extérieur. Il est aussi apprécié pour la couleur de son bois de cœur. Le bois d’aubier du teck a donc peu de valeur et certaines scieries n’achètent les billots de teck qu’en fonction du diamètre du bois de cœur et non de celui de l’arbre. (Wikipedia). Aujourd’hui quelques 15.000 hectares de teck sont plantés en RDP Laos dont environ 12.000 autour de Luang Prabang (MIDGLEY, 2006).

1.3. Contexte de l’établissement de la culture du teck en RDP Laos. Dans cette partie, nous cherchons à présenter les motifs et le contexte qui ont favorisé le développement du teck en RDP Laos. En effet, il est primordial pour cette étude de bien savoir quels sont les objectifs recherchés par l’Etat et le Ministère des Forêts et de l’Agriculture (MAF) en termes de politique agricole et forestière afin de pouvoir estimer quelles sont les personnes visées par ces politiques. Nous pourrons ainsi comparer leurs objectifs de résultat avec les données recueillies sur le terrain (présentées en deuxième partie). Nous verrons aussi quels sont les arguments de l’Etat pour inciter à la culture du teck afin de pouvoir les comparer à nouveau avec nos résultats et évaluer leur pertinence.

1.3.1. Objectifs et politique agricole du gouvernement laotien.

Les objectifs du gouvernement Laotien pour ce qui touche au secteur agricole sont au nombre de quatre :

• Assigner des stratégies et des priorités en fonction du zonage agro-géographique. • Privilégier une approche orientée vers le double objectif de réduction de la pauvreté et

d’une utilisation durable des ressources naturelles. • Assurer la sécurité alimentaire pour tous et augmenter les revenus des paysans à

travers l’amélioration et la diversification de l’agriculture et des systèmes agricoles. • Accélérer le développement des cultures de rente, de l’élevage et de la pisciculture

pour les marchés locaux et pour augmenter l’exportation. Ces objectifs s’insèrent dans une distinction essentielle entre deux types d’agriculture : celle des « Lowlands » ou plaines alentour du corridor du Mékong (20% de la surface nationale) et celle des « Uplands » ou régions montagneuses (80% de la surface nationale). Au niveau des Lowlands, l’agriculture est présentée comme plus moderne et utilise l’irrigation. Les productions sont vendues dans des marchés. Pour les Uplands, en revanche la situation est différente : il s’agit d’une agriculture de subsistance le plus souvent pratiquée sur brûlis. Le gouvernement décrit ces agriculteurs comme emprisonnés dans une fosse de pauvreté créée par un manque d’accès aux marchés régionaux, une absence de productivité et un manque de capital pour pouvoir investir dans la technologie nécessaire à la transformation de cette agriculture. (GoL., 1999) C’est cela dont il est question dans l’assignement des stratégies gouvernementales en fonction du zonage agro-géographique. La politique agricole de la RDP Laos a donc clairement séparé les Uplands des Lowlands et présente deux stratégies bien distinctes pour ces deux ensembles géographiques. C’est pourquoi les deux échantillons de cette étude ont été pris autour de Luang Prabang (situé dans la catégorie des Uplands) et autour de Vientiane (dans la catégorie

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des Lowlands) afin de voir si les politiques gouvernementales avaient influencé la culture du teck dans des directions différentes. Présentons donc les objectifs et les stratégies gouvernementales pour améliorer l’agriculture de ces deux ensembles géographiques (GoL., 1999).

a. Stratégie de la politique agricole des Lowlands (correspondant à l’échantillon de Vientiane).

L’objectif est ici de maintenir le rythme des changements agricoles imposés par le marché, d’assurer la sécurité alimentaire et d’accélérer le développement des cultures de rente, de l’élevage et de la pisciculture pour faire croitre les marchés locaux et l’exportation. La stratégie est la suivante :

1. Diversifier et intensifier élevage, culture de rentes et pisciculture. 2. Etendre et intensifier les entreprises qui produisent de la valeur ajouté aux récoltes en

incitant les investissements locaux et étrangers dans les agro-business. 3. Mener des recherches, sponsorisées par le domaine privé et le gouvernement sur le

marché, les systèmes d’information décrivant le marché et les liens commerciaux entre les producteurs, les vendeurs et les acheteurs au sein de la région.

4. Développer des standards de production reconnus à l’international 5. Développer et étendre l’accès aux crédits ruraux grâce à une libre compétition et des

taux d’intérêts fixés par le marché. 6. Réhabiliter et intensifier l’irrigation lors de la saison sèche grâce à une démarche

participative basée sur une gestion communautaire.

b. Stratégie de la politique agricole des Uplands (correspondant à l’échantillon de Luang Prabang).

Les objectifs sont plus nombreux que dans les Lowlands. Il s’agit d’effectuer une transition vers une agriculture intégrée à l’échelle des bassins versants et développée par des organismes décentralisés de l’état. Il faut aussi éradiquer la pauvreté, sédentariser l’agriculture et stabiliser la culture sur brûlis. La stratégie est la suivante :

1. Zonage de l’utilisation des terres en fonction de la pente et de la capacité des sols ainsi que des facteurs socio-économiques.

2. Attribution participative des terres aux agriculteurs. 3. Incitation à la gestion communautaire des ressources naturelles. 4. Diversification des procédés agricoles utilisés et développement de l’agroforesterie à

travers une recherche adaptative et des essais menés sur les champs des agriculteurs. 5. Développement des systèmes d’irrigations communautaires. 6. Extension de la taille des fermes contrôlée par la demande des agriculteurs. 7. Gestion durable des terres avec une réduction de l’érosion et un reboisement. 8. Inciter à l’investissement par la mobilisation des économies des paysans et l’extension

des crédits bancaires. 9. Systèmes de finance rurale dont les taux d’intérêts sont basés sur les prix du marché

dans la plupart des secteurs avec des tarifs préférentiels dans quelques secteurs pour favoriser l'adoption de technologies parmi les strates socio-économiques les plus pauvres.

13

10. Ouverture vers le marché grâce à de nouvelles routes et à la communication d’informations sur le marché.

Nous voyons donc qu’entre ces deux ensembles géographiques, les stratégies, menant à des lois, sont totalement différentes. Dans un cas, il s’agit de développer le secteur agricole en l’intégrant encore plus dans l’économie de marché et dans l’autre il s’agit plutôt de définir quels espaces sont à utiliser de façon à diminuer les impacts sur l’environnement.

c. Discussion. L’idée sous jacente est bien décrite dans les travaux de LESTRELIN, 2009. En fait, l’Etat et les grosses agences de développement présentes dans le pays (Nation Unies, Banque Mondiale, Commission de rivière du Mékong, Banque de Développement Asiatique), voient la culture sur brûlis comme une culture archaïque qui lance une spirale négative (chain of degradation) tirant tout le pays vers le bas. Le postulat est le suivant : l’augmentation des populations des Uplands entraine une hausse de la demande en nourriture et donc de la culture du riz pluvial sur brûlis. La culture sur brûlis et l’abattage intempestif d’arbres dans les forêts naturelles entraînent une déforestation massive ainsi qu’une mise à nue des sols. Ces deux facteurs conjugués augmentent la quantité des eaux de ruissellement et donc entrainent plus d’érosion ainsi qu’une perturbation des régimes hydrauliques augmentant l’intensité des crues et des sécheresses (les nappes ne pouvant plus jouer le rôle de tampon). Les Lowlands sont par la suite victimes du surplus de sédiments présent dans l’eau, qui comble les réservoirs et les zones inondées, ainsi que de crues et de sécheresses plus marquées. De plus, pour les habitants des Uplands, ce système de culture n’est pas viable car les sols s’érodent et perdent, de leur productivité par conséquent. Voici la façon dont les autorités Laotiennes décrivent ce phénomène (traduction personnelle): « Les abondantes ressources naturelles de la RDP Laos, particulièrement l’eau et les forêts, sont un bon socle pour le développement national Cependant, une intendance minutieuse est requise afin de les développer durablement. […] Les taux de déforestation menacent d’épuiser de nombreuses forêts de haute valeur sur les décennies à venir. […] Les effets majeurs de la déforestation sont : une augmentation du ruissèlement des eaux de pluies et des crues ; une réduction de la recharge des aquifères ; une érosion des sols et ses conséquences sur l’envasement des fleuves et des marécages ; une perte de biodiversité due à la destruction des habitats ; et des changements climatiques. » (GoL., 1999) Ou encore, présenté de façon similaire par les Nations Unies (traduction personnelle): «Le couvert des forêts est en train de décliner rapidement suite à la création de nouvelles parcelles par les agriculteurs, aux cultures sur brûlis, aux abattages d’arbres illégaux et non durables, à la collecte de bois de chauffage et aux feux de forêts. La déforestation et la perte de surfaces forestières autour des villages entrainent une chute de la fertilité des sols et une augmentation des taux d’érosion qui provoquent par conséquent la défriche de nouvelles forêts pour pouvoir produire à nouveau […]. Ces chutes dans la fertilité des sols, l’augmentation du nombre de mauvaises herbes et l’accroissement des taux d’érosion ont réduit les productivités agricoles, tandis que, la perte continue des surfaces en forêt ont réduit la stabilité des régimes hydrauliques dans les bassins versants, augmentant les ruissèlements de surface et la vulnérabilité des Lowlands aux crues et aux destructions d’habitats ». (UN. 2000.)

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Voici en résumé ce que LESTRELIN nomme la « chaine de dégradation » qui a été le levier essentiel dans la politique de reforestation et d’allocation des terres des Uplands. C’est pour ces raisons que l’Etat cherche à réduire la culture sur brûlis au travers de sa politique agricole. C’est aussi pour cette raison qu’il différencie très fortement les deux types d’agriculture au sein de sa politique agricole. Il souhaite que l’agriculture des Lowlands plus productive et plus rentable serve d’exemple ou influence l’agriculture des Uplands qui exerce une forte pression sur l’environnement et entraine des conséquences sévères pour ses voisins des plaines. L’extrait suivant, issu du rapport du gouvernement sur l’éradication de la pauvreté et la stratégie de croissance nationale nous éclaire sur ce point (traduction personnelle) : « Les Uplands sont enfermés dans un cercle vicieux de pauvreté. Les terrains montagneux ont rendu difficile et très coûteux de construire des routes à l’épreuve des intempéries. Par conséquence, les villages restent isolés et manquent d’accès aux marchés et aux services présents dans la plupart des régions des Lowlands. L’irrigation est limitée et la culture sur brûlis est très largement pratiquée. La culture de subsistance est toujours la norme pour la plupart des foyers, laissant peu, voire rien pour des investissements offrant un meilleur futur ». (GoL., 2003) Ajoutons que, dans la littérature, très peu de preuves concrètes sont disponibles pour confirmer la réalité de ce discours sur la dégradation des terres en RDP Laos. Certaines études, menées à l’échelle de bassins versants, ont même montré que la culture sur brûlis entrainait moins d’érosion que les cultures fixes en rotation préconisées par le MAF (VALENTIN et al, 2008). Ce discours environnemental semble donc basé en partie sur des assertions ayant pour but d’appliquer certaines mesures politiques et de suivre des exigences économiques. Certaines nuances sont cependant à prendre en compte. Aujourd’hui, le discours actuel de la Banque Mondiale a changé : il ne préconise plus l’éradication de la culture sur brûlis mais plutôt sa stabilisation. Le gouvernement utilise aussi ce terme mais d’une façon plus ambigu (traduction personnelle) (Gol., 2020): « Le plan stratégique de développement socio-économique jusqu’en 2020 […] a été approuvé par l’Assemblée Nationale en 2001. En accord avec les objectifs énoncés, la culture sur brûlis doit être stabilisée à l’horizon 2005 et complètement stabilisée (éradiquée) d’ici 2010 ». Le discours actuel est donc en train de changer sous l’influence de la communauté scientifique qui critique très fortement les stratégies (présentées plus haut) mises en place conjointement par le gouvernement et les grosses agences de développement (AUBERTIN, 2003 ; DWEYER, 2007 ; GOLDMAN, 2001 ; LESTRELIN, 2009 ; VALENTIN et al, 2008 ; FUJITA et PHANVILAY, 2004).

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1.3.2. La politique forestière jusqu’en 2020.

Cette partie a été écrite à partir du rapport officiel de juillet 2005 sur la stratégie forestière de la RDP Laos jusqu’en 2020 (GoL., 2005). Il est important de bien comprendre l’évolution de cette stratégie afin de percevoir comment les plantations de teck (ou d’hévéas, d’eucalyptus, d’acacias…) se sont développées à travers le pays. Nous résumerons ici, les étapes clés et les transformations qui ont abouti à la politique forestière actuelle. Faut-il préciser ici que la politique forestière est directement liée à la politique agricole citée ci-dessus et que la stratégie de l’une conforte les objectifs de l’autre. La politique forestière vise à gérer protéger et créer des forêts et des ressources forestières avec l’objectif triple d’un développement économique, d’une amélioration du niveau de vie et d’une protection environnementale. Cette politique a évolué au cours de trois grandes étapes dans l’histoire de la RDP Laos :

a. De 1975 à 1989.

A la fin des années 70, les objectifs du secteur forestier étaient : � Utiliser les ressources forestières pour le bien-être et le développement des

populations et pour créer du capital � S’assurer que l’abattage d’une forêt était suivi par sa replantation. � Investir le capital créé dans des industries forestières et agricoles.

Dans cette optique 9 Entreprises de Forêt d’Etat ont été établies dans la fin des années 70 afin de réaliser ces objectifs. A chacune on a alloué entre 200.000 et 300.000 ha de forêts de production à gérer (planifier, planter, récolter, protéger les forêts et traiter les produits). Ce système n’a pas prouvé son efficacité et malgré le fait que replanter ait été fortement encouragé, l’établissement des plantations est resté limité.

La première législation complète après 1975 fut l’Instruction N°74 sur la protection des forêts du 17 juillet 1979. Elle contenait entre autre, des dispositions sur la propriété des ressources naturelles, sur la prohibition des cultures sur brûlis dans les zones de délimitation des bassins versants, sur l’utilisation traditionnelle des forêts par les populations locales et les premières promotions sur la reforestation. Cependant, due à une limitation de l’équipement, de finances et de ressources humaines, son exécution fût réduite.

Le 4ème congrès du parti en 1986 adopta un Nouveau Mécanisme Economique pour faire évoluer le système vers une économie de marché dirigée par l’Etat. Ce 2ème plan de développement socio-économique (1986 à 90) insista sur la stabilisation de la culture sur brûlis mettant en avant que 300.000 ha de forêt sont détruits chaque année par cette pratique. Cette mesure ne serait pas appliquée par la force mais plutôt en proposant des cultures alternatives ou des modes de vie différents afin de faire progressivement disparaître ce système de culture.

b. De la Conférence Nationale sur les Forêts en 1989 à 1996.

Cette conférence de mai 1989 orienta la politique forestière dans les trois directions suivantes :

� Préserver, améliorer et augmenter la capacité biologique des forêts existantes en améliorant tout particulièrement les systèmes de gestion et de protection actuels.

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� Faire un usage rationnel des forêts et des bénéfices associés afin d’améliorer les revenus dégagés par les ressources forestières.

� Créer un lien entre réhabilitation, préservation, expansion des forêts et les besoins alimentaires, ainsi que la création d’activités économiques permanentes pour les populations des Uplands.

Cette conférence a aussi fixé pour objectif un couvert forestier de 70% d’ici 2020. Le gouvernement ne tarda pas à répondre aux mesures décrites lors de cette conférence et en octobre 1989, le conseil des ministres publia deux décrets : le N°117 sur la gestion et l’utilisation des terres forestières et le N°118 sur le contrôle et la gestion des animaux aquatiques, sur la faune sauvage, la chasse et la pêche.

Concernant la stabilisation de la culture sur brûlis, une partie du décret N°117 présentait une allocation de forêts aux villages et aux villageois comme une solution à celle-ci. Ce décret contenait les arrangements suivants :

� Attribuer 2 à 5 ha de forêts ou de terres forestières à chaque foyer et 100 à 500 ha à chaque village.

� Permettre aux villageois de gérer et utiliser la forêt allouée tant que le volume de bois augmente.

� Permettre aux villageois d’hériter ou de transmettre les forêts allouées à d’autres personnes.

� D’attribuer la propriété de terres dégradées à des individus ou groupe de personnes qui y auraient planté des arbres, régénéré les terres, fait poussé des cultures ou y auraient fait de l’élevage.

A l’époque de la conférence, les Entreprises de Forêt d’Etat, créées à la fin des années 70, tournaient à perte à cause d’un manque de capacité de gestion du personnel, entrainant un très faible retour sur investissement des subventions attribuées. A la suite de la conférence, ces entreprises furent dissoutes, privatisées et/ou louées à des entreprises étrangères pour de longues périodes.

Le décret N°117 stipule aussi, que les abattages d’arbres ne pourraient plus avoir lieu que dans les forêts inventoriées comme productrices, que les redevances d’abattage devraient être systématiquement payées et des replantations compensatoires entreprises.

En 1993, deux décrets importants furent promulgués : le N°164 sur l’établissement d’espaces naturels nationaux pour la conservation de la biodiversité et le N°169 sur l’utilisation des forêts et des terres associées. Le décret N°164 aboutit à la formation de 18 parcs nationaux couvrant 2,8 millions d’ha soit 12% du territoire. Ces forêts de conservation, enrichies par deux nouveaux sites ajoutés dans les années qui suivirent, constituent le socle de la conservation de la biodiversité en RDP Laos. Le décret N°169 remplaça le N°117 de 1989 et constitua une base pour la future loi forestière qui sera écrite en 1996. Il est composé de 54 articles qui définissent différents types de forêts (Protection, Conservation, Production, Régénération et forêt Dégradée) ce que l’on peut y faire, les contrats de management, les interdictions dans les forêts de protection ou de conservation.

Même si ce décret fût abrogé par la loi forestière de 1996, il joua un rôle très important dans le développement du cadre d’allocation des terres et des forêts. Dans les différents contrats de gestions décrits par la loi forestière de 1996, celui des FFMC (Family Forest Management

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Contract) attribue les usages prolongés des terres après trois ans d’exécution réussis du contrat.

En octobre 1994 parait le décret N°186 sur la délinéation et l’allocation de terres et de forêts pour des plantations et de la protection. Ce décret promeut la plantation d’arbres en exemptant de taxes les plantations d’arbres qui contiennent plus de 1.100 arbres/ha. De plus, les arbres plantés (utilisation, abattage, vente, transfert et héritage) seront exemptés, entre autre, de toute redevance. Le premier motif de ce décret a été de stimuler les investissements étrangers et nationaux dans la plantation d’arbres.

Deux documents législatifs majeurs parurent en 1996: l’ordre du Premier Ministre N°3 et l’instruction du ministère de l’agriculture et des forêts (MAF) N°822. A eux deux, ces documents offrent le cadre législatif et les lignes directrices nécessaires à l’exécution du programme d’allocation des terres et des forêts (esquissé par le décret N°169 trois ans plus tôt).

Ce programme a deux composantes principales. La première, c’est l’attribution de terres arables ou dégradées aux foyers par un certificat temporaire de trois ans permettant les cultures, les plantations d’arbres et le pâturage. Une performance satisfaisante permettait aux foyers d’obtenir le titre de propriété. La deuxième, c’est l’allocation de forêts communautaires, dans les limites de surface des villages, classées comme forêts de protection, d’utilisation, de réhabilitation… un accord sur les règles de gestion de chaque type de forêt sera alors signé. Les objectifs essentiels de ce programme d’allocation des terres et des forêts sont :

� D’inciter à la culture fixe pour remplacer les cultures sur brûlis grâce à l’allocation et à la délimitation des terres de production.

� De protéger les forêts à travers leurs classifications. � D’utiliser les forêts communautaires sur des bases durables.

De 1995/96 à 2002/03, ce programme a été mis en place dans 6830 villages (>50% du total national) avec un total des terres allouées de plus de 9 millions d’hectares. Plus de 420. 000 foyers (>60% des agriculteurs) reçurent des terres pour l’agriculture, l’élevage et la plantation d’arbres.

c. La loi forestière depuis 1996. Depuis 1996, plusieurs lois sur les forêts ont été approuvées et promulguées par l’Assemblée Nationale. Il y eu, entre autre, la loi forestière de 1996, la loi des terres de 1997, la loi de protection de l’environnement de 1999 et la loi sur les procédés industriels de 1999. Dans la loi forestière de 1996, les 5 différents types de forêts ont été classés comme suit (traduction littérale des textes de lois) (EVRARD, 2004):

• Forêts de production ("Village Use Forest" au niveau local) : zones forestières utilisées pour les besoins quotidiens des villageois dans les limites imposées par la loi.

• Forêts de conservation: protection et conservation d'espèces animales ou végétales et d'autres espaces à valeur culturelle, touristique ou scientifique.

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• Forêts de protection: protection des basins versants contre l'érosion ainsi que certaines zones importantes pour la sécurité nationale.

• Forêts de régénération: jachères de moins de cinq ans protégées pour permettre

aux arbres d'atteindre leur maturité et à l'écosystème d'atteindre un équilibre naturel.

• Forêts dégradées: zones forestières déjà dégradées ; destinées à la plantation ou à

l'allocation à des individus ou à des organisations pour des besoins économiques en accord avec la planification effectuée par les autorités.

Approuvé par l’Assemblée Nationale en 2001, le plan stratégique de développement socio-économique pour les années 2005, 2010 et 2020, vise à éradiquer la culture sur brûlis d’ici 2010. De plus, il affiche un objectif de 134.000 ha de forêt à planter entre 2001 et 2005. Enfin, sa dernière priorité est d’accélérer la classification et la délinéation des forêts de protection, de conservation et de production.

La plupart des investissements dans les plantations étant dues à des investisseurs étrangers, le gouvernement a décidé de placer une taxe lors du reboisement en plus des redevances d’abattage afin de créer, grâce aux revenus dégagés, des pépinières pour produire des plants distribuées gratuitement aux villageois.

La régulation du MAF sur la gestion des forêts de village est sortie en Juin 2001. On y autorise la collecte de produits forestiers non ligneux (Non Timber Forest Products : NTFPs) à but lucratif à condition qu’elle se fasse selon un plan de gestion approuvé. Les NTFPs ont pendant longtemps été reconnus comme une des rares sources de revenus pour les villageois, sans reconnaissance légale. Cette régulation la leur donne pour la première fois.

1.3.3. A propos des terres et droits de propriété.

L’allocation des terres et des droits de propriété sont deux éléments dont la réalité n’est pas toujours évidente à décrire. En effet, même si les textes sont assez clairs sur ce point, la réalité du terrain est tout autre. Comme nous l’avons évoqué plus haut, chaque famille se voit attribuer, après les délimitations des différents types de forêts et des zones réservées à l’agriculture par les techniciens du DAFO (office du district de l’agriculture et des forêts), jusqu’à 22 ha maximum (dont 2 à 5 ha de forêt dégradée). Ils obtiennent pour ces terres un certificat temporaire pour trois ans d’utilisation qui pourra, à l’issu de cette période se transformer en titre de propriété définitif si les terres ont été utilisées pour des cultures, des plantations d’arbres ou du pâturage. Jusque là, le certificat temporaire peut légalement être transmis mais ne peut être vendu. (EVRARD). Au sein des 22 hectares officiellement, un maximum de 1 ha est autorisé à la culture du riz pluvial, 15 ha pour les pâturages, 3 ha pour les cultures de rente et 3 ha pour les vergers et plantations d’arbres. (LESTRELIN) Dans les premières périodes de l’exécution de ces lois, les techniciens passaient jusqu’à deux mois pour définir l’allocation des terres pour un village avec l’aide du chef de village et de ses habitants. Plus tard, le manque de moyens et de personnel ont réduit la durée de ces études à 2 jours parfois, rendant l’allocation des terres obsolète et inappliquée. Le MAF le reconnait lui-même (traduction personnelle):

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«Cependant, le personnel et les finances nécessaires à l’établissement des systèmes liés à un mode de vie sédentaire […] ne sont pas disponibles. Cela résulte en une tendance des provinces et districts à effectuer des raccourcis qui aboutissent à des méthodes plus simples mais inappropriées comme des allocations de terres effectuées à la va vite ou des relocalisations mal préparées.» (GoL., 2005) Lors de mes missions sur le terrain plusieurs propriétaires de plantations détenaient le certificat temporaire de trois ans qui était périmé depuis longtemps : peut-on acheter ces titres en toute sécurité ? Autour des grandes villes, les terrains constructibles sont considérés différemment et ils ne sont pas inclus dans le programme d’allocation des terres. Les rizières irriguées des Lowlands ne sont pas prises en compte non plus dans ce système. Dans ce contexte légal complexe, où l’Etat cherche à tout prix à promouvoir les cultures sédentaires et les plantations forestières, quels vont être les choix des laotiens par rapport au teck? Quels sont les arguments de l’Etat en faveur de cette culture ?

1.3.4. Pourquoi planter du teck ?

D’après les entretiens que j’ai réalisés avec une personne du MAF, le directeur du centre de recherche forestière de Ban Phoum Thong, les techniciens du DAFO qui nous ont suivis lors de certaines de nos missions de terrain et d’un rapport du gouvernement (GoL., 2005) ; les arguments avancés pour planter du teck ont été les suivants:

• Planter du teck assure un revenu important après un investissement modeste et est donc accessible aux strates les plus pauvres de la population rurale.

• Les plantations de tecks peuvent dégager un revenu par le simple fait de les vendre. Dans ce cas il n’est pas nécessaire d’attendre 15 ou 20 ans avant de pouvoir vendre les premiers arbres.

• Planter du teck demande peu de travail et le retour sur temps de travail est bien meilleur que pour les cultures sur brûlis.

• Les plantations de tecks protègent les terres contre l’érosion et conservent ainsi la fertilité des sols.

• Les plantations de tecks sécurisent les terres en assurant à coup sûr l’obtention du droit de propriété définitif à l’issue des trois années du certificat d’utilisation temporaire.

• Les plantations sont exonérées de taxes et ne coûtent donc rien excepté du temps de travail.

• La demande mondiale en teck, toujours croissante, est très importante. Les marchés en pleine expansion des pays voisins : Thaïlande, Sud de la Chine, Viêtnam ainsi que la réduction de leur surface en forêts offre un contexte favorable à l’établissement de cette plantation en RDP Laos (GoL., 2005).

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1.4. Objectifs. Rappelons ici les objectifs de notre étude. Après avoir décrit le contexte politique et législatif dans lequel se développe la plantation du teck, nous souhaitons:

• Caractériser les populations qui plantent du teck dans la municipalité de Vientiane et le district de Luang Prabang afin de découvrir à qui profite cette culture.

• Ensuite, nous souhaitons identifier leurs pratiques culturales, et les raisons évoquées pour leur utilisation.

• Enfin, nous souhaitons établir un lien entre ces pratiques, le type de sol au sein de la plantation et les signes d’érosion observés dans les parcelles.

Il est important pour faire une évaluation socio-économique et environnementale de la culture du teck afin de savoir si les objectifs affichés par la politique agricole de l’Etat ont été atteints. Savoir qui plante du teck et pour quelle raison, est donc un des objectifs primaire de notre étude. Nous caractériserons ensuite les bénéfices qu’ils tirent de cette culture et essayerons de présenter la situation actuelle quand aux transactions et au prix de vente dans ce domaine. Une fois que nous aurons présenté ces critères socio-économiques, nous pourrons les relier aux pratiques culturales : de quel type sont-elles pour un citadin par rapport à un agriculteur rural ? Ayant ces données en tête, nous présenterons d’une façon plus complète leur impact et l’érosion observée sous couvert de teck. Nous estimerons quels sont les facteurs déterminants de son intensité : pente, sol, gestion du couvert, brûlis… Pour chaque teckeraie à analyser, nos objectifs étaient doubles. Le premier était de récupérer des données brutes au sein des plantations sur les sols, leur niveau d’érosion, l’aspect de surface ainsi que des données sur l’état de la parcelle (surface du couvert végétal, de la canopée, espacement des arbres, circonférence des arbres…). Le deuxième objectif était d’interviewer les responsables des parcelles, propriétaires ou non, afin de comprendre leurs choix et leurs pratiques culturales tout en découvrant leurs origines, les raisons invoquées pour planter du teck ainsi que les objectifs qu’ils recherchent concernant leurs plantations et leurs niveaux de connaissance sur les techniques anti-érosives. Ces informations ont été collectées en partenariat avec deux stagiaires laotiens de l’IRD. Il s’agit de deux étudiants de l’école d’agronomie de Luang Prabang. Ils ont étudié la couleur des sols ainsi que la croissance et le développement de l’arbre et de ses racines dans les plantations de teck. Pour collecter les données nécessaires à cette étude et aux leurs, nous avons donc travaillé en équipe dans les teckeraies de Luang Prabang et de Vientiane. Sans eux, je n’aurai jamais pu récupérer toute l’information présentée dans la suite du rapport.

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1.5. Matériels et méthodes. Dans cette section, nous allons décrire les outils et instruments que nous avons utilisés afin de mener à bien cette étude.

1.5.1. Collecte de données de terrain.

Nous avons sélectionné les parcelles afin d’avoir une bonne représentativité de l’échantillon. Nous avons cherché à avoir plusieurs répétitions pour chaque gamme de pentes/reliefs et de sols ainsi que des tailles et âge des plantations. Nous n’avons pas prospecté dans des parcelles trop petites (moins d’une centaine d’arbres) car elles ne sont pas ou peu entretenues et n’ont aucun espacement déterminé. Il s’agit souvent de quelques arbres plantés à côté des maisons afin d’apporter de la fraicheur et du bois pour des constructions futures. Comme évoqué ci-dessus, les données de terrain que nous récupérerions dans les parcelles peuvent être séparées en deux domaines : celui lié à la croissance des arbres et aux pratiques culturales et celui lié à la pédologie et à l’érosion. Bien que ces champs soient mélangés lors de l’interprétation des données dans la suite du rapport, nous décrirons leur collecte de façon séparée dans cette section.

• Croissance des arbres et pratiques culturales : Dans chaque parcelle nous avons choisi un emplacement qui se voulait représentatif du reste de la plantation. Nous y avons délimité un carré de dix mètres de côté dans lequel nous effectuions nos mesures sur les arbres et nous enregistrions notre positionnement géographique grâce au GPS ‘Garmin’™map60. Nous avons mesuré la distance moyenne entre les arbres (ligne et rang), la circonférence de tous les arbres à hauteur de poitrine (1m50), ainsi que le nombre d’arbres morts. Ensuite, à l’aide d’un clinomètre nous avons estimé la hauteur de l’arbre moyen. Nous avons également pris soin de baguer l’arbre situé dans le coin inférieur gauche pour pouvoir retrouver le lieu de la mesure et effectuer un suivi de sa croissance afin d’estimer la production annuelle des plantations. Dans un deuxième temps, nous avons pris des photographies de la parcelle afin de pouvoir conserver une trace de son aspect ainsi que de la forme du relief. Nous avons aussi photographié le couvert végétal et la canopée afin d’estimer leurs surfaces grâce à une analyse d’image. Pour le couvert végétal, nous avons construit un instrument télescopique permettant de placer l’appareil photo à 3,5m du sol sans que l’ombre de la structure soit visible sur la photo (la surface au sol de la photo étant d’environ 3x3m). Les photos de la canopée étaient prises au même endroit que celles du couvert végétal afin d’éviter de biaiser la qualité des mesures. Le traitement des images a été assuré par deux programmes (listing en Annexe 1), conçus au cours du stage, avec le logiciel ImageJ2. Le premier permet de calculer la surface occupée par la végétation (par un seuil établi sur la couleur de l’image) au niveau du sol en pourcentage de l’image total Le deuxième, calcule la surface de la canopée en déduisant celle occupée par la lumière du jour du total de l’image (Fig.3).

2 Il s’agit de la version 1.41o de ce logiciel libre créé par l’Institut national de la santé USA 2004. http://rsbweb.nih.gov/ij/

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Figure 3: Calcul des surfaces par l'analyse d'images sous ImageJ.

• Pédologie et érosion : Dans chaque parcelle, nous avons décrit la forme du relief (convexe ou concave), l’emplacement (bas de pente, creux de talweg…) et la pente grâce au clinomètre. Nous avons aussi creusé une fosse d’une trentaine de cm (Fig.4) où nous pouvions observer les différents horizons et effectuer des prélèvements. A cette description du sol s’ajoutait une description de la surface (traces de brûlis, activité microbienne, présence d’algues, turricules de verres de terres, des termites…). Après avoir pris des photographies des premiers horizons et de la surface du sol, nous avons collecté les échantillons de sols pour leur analyse et leur confrontation grâce aux pédo-comparateurs (Fig.5). Les échantillons ont été pris comme suit : en surface, de 0 à 5 cm, de 5 à 10 cm puis de 20 à 30 cm. Ensuite, nous avons évalué l’intensité de l’érosion grâce à des indices compris entre 0 et 3 pour chacun des facteurs suivants : exposition des racines, ravines, piédestal et glissement de terrain.

23,9%23,9%23,9%23,9%

74,5%74,5%74,5%74,5%

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Figure 4 et 5 Photographie d'une fosse et du pédo-comparateur associé

1.5.2. Les enquêtes.

Afin de connaitre les pratiques culturales des gestionnaires de parcelles, leurs origines, leur niveau de vie ainsi que les raisons qui les ont poussés à planter du teck, nous devions interviewer les propriétaires ou les gestionnaires des parcelles que nous avons échantillonnées. Si ces deux personnes étaient différentes, nous choisissions de préférence le gestionnaire car c’est lui qui a suivi toute la croissance de la plantation. Il ne connait peut-être pas les objectifs recherchés par le propriétaire, mais il sait quelles ont été les pratiques culturales ainsi que les données techniques que nous souhaitons obtenir (nombres de jours de travail dans la plantation, gestion des mauvaises herbes…). Les interviews étaient de type directif car nous avons souhaité obtenir une information facile à traiter, une structure claire de l’information, ainsi qu’un nombre de réponses important aux questions que nous nous sommes posées concernant cette culture. Cependant, nous avons essayé de toujours utiliser le questionnaire comme un simple fil directeur de conversation afin de laisser plus de liberté d’expression à l’interviewé et de rendre cet exercice moins monotone.

00--55 ccmm

55--1100 ccmm

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Figure 6: Photographie d’enfants d'un village Hmong attirés par l’interview.

Le questionnaire (Annexe 2) était organisé en six grandes parties : 1. Généralités sur l’interviewé : son ethnie, le nombre d’enfants, son âge, son niveau

d’étude… 2. Son niveau de connaissance concernant l’érosion des sols et sa gestion des mauvaises

herbes. 3. Des informations sur la/leurs plantation(s) : est-ce qu’elle lui appartient, pourquoi il l’a

plantée/achetée, quelles ont été les différentes influences qu’il a ressenties, des données sur les plantations (âge, nombre d’arbres déjà coupés, le type de sol…).

4. Ses pratiques culturales du semis jusqu’à la coupe. 5. Des informations socio-économiques : ses autres sources de revenus, combien touche

son foyer par an ; l’argent apporté par le teck… 6. Un espace « commentaires » où l’interviewé peut parler librement et où l’on note tout

ce qui ne répondait pas directement aux questions.

Toutes les données collectées sur le terrain (pédologie/géologie et botanique/sylviculture) et au cours des questionnaires ont ensuite été informatisées sous forme d’une base de données Access®3 dont les trois différentes tables sont reliées par le nom de la parcelle. Cela nous permettra de croiser aisément les différentes informations au cours de l’analyse qui suit. Après avoir décrit clairement le contexte politique dans lequel la culture du teck se développe, les objectifs de cette étude ainsi que les méthodes mises en place pour y arriver, rentrons maintenant dans le cœur de notre analyse.

3 Logiciel du Pack Office de Microsoft (ici la version 2003).

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2. PROFIL ET PRATIQUES CULTURALES DES PLANTEURS DE TECK DANS LE DISTRICT DE LUANG PRABANG ET LA MUNICIPALITE DE VIENTIANE .

2.1. Préambule. 2.1.1. Profils types visés par la politique gouvernementale.

D’après ce qui a été décrit plus haut, le développement des cultures forestières est sensé toucher essentiellement la population rurale pauvre de Uplands ainsi que, dans une moindre mesure les investisseurs étrangers et nationaux. En effet, l’agroforesterie et le reboisement font partie des priorités du MAF pour la politique agricole des Uplands. Ils y voient une solution qui dégagera, pour ces foyers, le revenu nécessaire pour investir dans du matériel agricole moderne afin de s’assurer un meilleur avenir. De plus, le contexte législatif permet à ces habitants de récupérer de nouvelles terres s’ils y plantent des arbres. Ils pourront aussi y cueillir des produits forestiers non ligneux afin de se nourrir et de les commercialiser, générant ainsi une nouvelle source de revenus. De leur coté, les investisseurs nationaux et étrangers peuvent être intéressés par le coût faible des terres (souvent sous évaluées) et les bonnes conditions climatiques. Mais ils sont inquiets car ils craignent que leur investissement ne soit pas sécurisé (i.e. fluctuation des lois et manque de soutien des investisseurs). (MIDGLEY, 2006)

2.1.2. Représentativité de l’échantillon.

Cette étude a très largement été basée dans le district de Luang Prabang. C’est ici que l’on trouve le plus de plantations de teck de toute la RDP Laos avec près de 12.000 ha dans ce district à comparer avec environ 15.000 ha pour tout le pays (MIDGLEY et al, 2007). Le nombre de parcelles analysées est de 43 à Luang Prabang (représentant 40 propriétaires différents) et de 14 à Vientiane. Le nombre d’interviews réalisées est de 38 à Luang Prabang et de 14 à Vientiane. Les deux échantillons collectés n’ont donc pas un caractère exhaustif et nous ne pourrons pas tirer de conclusions définitives. Cependant, la recherche de situations variées sur le plan géographique, géologique et agronomique lors de la collecte de nos échantillons nous offre un point de vue d’ensemble sur la culture du teck dans ces deux localités. Lors de nos enquêtes de terrain, nous avons donc couvert une large gamme de situations. Nous ne pouvons pas pour autant affirmer que notre échantillon est représentatif. Voyons où sont situées les parcelles visitées.

2.1.3. Localisation des parcelles étudiées.

La localisation spatiale des parcelles a été effectuée grâce à un GPS ‘Garmin’™map60. Les coordonnées des plantations ainsi marquées furent ensuite transférées sur Google Earth4 (Annexe 3). Ce logiciel, nous a permis d’apprécier les reliefs et de choisir l’emplacement de nos futurs lieux de prospection en fonction des formations géologiques que nous souhaitions examiner (Fig7.).

4 Logiciel gratuit propriété de Google depuis 2005. C’est la version 5 qui a été utilisée dans notre étude. http://earth.google.com/intl/fr/

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Figure 7 : Utilisation du relief grâce au logiciel Google Earth.

Observons maintenant qui sont les personnes composant l’échantillon et comparons ces séries avec le profil type établi en 2.1.1.

2.2. Profils des planteurs de teck. 2.2.1. Présentation de l’échantillon de Vientiane et de Luang Prabang.

a. Ethnie, famille et âge. Nous avons collecté quelques données de base sur les deux échantillons de Vientiane (VTE) et de Luang Prabang (LP) afin de savoir quels genres de personnes ont été interviewés.

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Figure 8 à 13: Age, nombre d’enfants et ethnie des personnes interviewées

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Les différents graphiques nous indiquent que les populations interviewées sont plutôt âgées avec l’essentiel de l’échantillon compris entre 40 et 80 ans dans les deux cas. Cela peut sans doute s’expliquer par le fait que nous avons prospecté des parcelles assez développées de 10 ans ou plus dans 84% des cas pour LP et 92% des cas pour VTE. Les plantations très jeunes (moins de 3 ans) étaient quasi inexistantes à Vientiane. Pour le nombre d’enfants par famille, la similitude des deux graphiques est frappante mais ne nous renseigne pas sur le niveau de pauvreté des habitants de LP. Il n’y a pas de différence significative à LP sur le nombre d’enfants par famille selon que l’on habite la ville ou non (moyenne et écarts types identiques à 4% et 2,2% respectivement). Cette différence existe pour VTE avec 2,2 enfants par famille urbaine et 4,8 enfants par famille hors VTE. Enfin, concernant les ethnies nous n’avons pas eu beaucoup de diversité dans nos échantillons malgré nos efforts pour varier les villages prospectés. A Vientiane, L’intégralité de l’échantillon s’est déclaré Lao Loum (Lao des plaines) et à Luang Prabang seuls 21% des personnes interviewées se sont déclarées d’une ethnie différente. D’après un rapport du gouvernement, la répartition des groupes ethniques est dominée par 4 grands groupes : les Lao (53%), les Khmu (11%), les Phutai (10%) et les Hmong (7%) ; les 44 autres groupes représentant tous 3% ou moins de la population (GoL., 1999). Si l’on considère qu’il n’y a pas de Phutai dans le district de LP, les proportions sont bien respectées et notre échantillon est représentatif des statistiques nationales et non pas régionales. Mon sentiment est que certaines personnes mentent sur leur ethnie car les minorités sont souvent décrites par les textes officiels (GoL. 2003.) et par la population urbaine comme sous-développées ou retardées. Un extrait d’une conversation que j’ai eue avec un habitant de Vientiane (issu d’une famille pauvre) éclairera mon propos: « Nous, les gens des plaines (Lao Loum), on sait bien monter des business car on réfléchit à l’avenir. En revanche dans les petits villages des montagnes les gens plantent juste du riz sans réfléchir parce qu’ils ont toujours fait ça ; ils ne savent pas faire de l’argent ». Voilà pourquoi il faut être prudent avec l’utilisation du critère ethnique dans l’analyse de nos résultats. Voyons donc si nous observons des différences de niveau d’éducation entre LP et VTE.

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b. Niveau d’éducation.

Figure 14 et 15: Niveau d'éducation des échantillons de Vientiane et de Luang Prabang.

Lorsque l’on observe ces graphiques, un sentiment mitigé se dégage. Dans le cas de LP, Les personnes n’ayant fait aucunes études sont rares (8%). Elles sont bien plus fréquentes à VTE (22%). En revanche, il y a plus de personnes ayant réalisé des études post-bac à VTE (35%) qu’à LP (19%). Au final, l’impression est que tout le monde va à l’école à LP, mais peu ont les moyens de payer des études supérieures, et qu’à VTE, ceux qui commencent les études les font jusqu’au bout. Les habitants de VTE ont plus de possibilité d’études supérieures car il y a plus d’universités à la capitale. Si l’on compare l’éducation ville/campagne de l’échantillon de LP (Annexe 4), le seul assez grand pour effectuer cette comparaison, on observe qu’à la campagne plus de personnes se sont arrêtées au niveau du primaire qu’en ville et moins ont réalisé des études supérieures. Rappelons ici qu’il ne s’agit pas de chiffres qui reflètent des tendances nationales mais uniquement celles des planteurs/gestionnaires de teck de notre échantillon, ce qui établit vraisemblablement un biais par rapport à la réalité. Intéressons nous maintenant aux motifs qui ont poussé ces personnes à planter du teck.

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2.2.2. Raisons évoquées pour planter du teck.

Les résultats présentés dans cette partie n’ont pas toujours atteint la précision que nous recherchions pour plusieurs raisons : (1) la barrière de la langue avec les stagiaires laotiens, avec qui j’ai réalisé les enquêtes, qui nous a empêché d’échanger des informations précises, limitait les nuances, essentielles pour cette partie, et réduisait la qualité de l’information recueillie. (2) L’appropriation du questionnaire par ces stagiaires : à partir d’un certain nombre d’interviews, ils avaient l’impression de connaître à l’avance la réponse de la personne sans prendre le temps de l’écouter. Par exemple, ils ne considéraient jamais que le choix de planter puisse venir d’une incitation extérieure et posaient directement la question : « quels sont vos raisons pour avoir planté du teck ? ». (3) Le questionnaire a légèrement été modifié pour les interviews de VTE. Pour LP, influence extérieure et choix personnel étaient tous deux dans la même question, il fallait choisir l’un ou l’autre en fonction de la réponse de l’interviewé et remplir la case associée. Après, Pour VTE, le choix personnel et l’influence extérieure ont été placés dans deux questions différentes ce qui limitait les confusions (cf. Annexe 2 ; partie III ; questions 3 et 4).

Figure 16 : Influences ou choix personnels évoqués par les propriétaires/ gestionnaires pour planter du teck dans le district de Luang Prabang.

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Figure 17: Influences ou choix personnels évoqués par les propriétaires/ gestionnaires pour planter du teck dans la municipalité de Vientiane.

Dès la première lecture, on peut s’apercevoir que les raisons évoquées par les propriétaires sont très dissemblables d’une série à l’autre. A Luang Prabang, les deux objectifs principaux sont d’assurer le futur des enfants et d’avoir un plus d’argent pour gérer des frais domestiques courants. A Vientiane, c’est autre chose, les propriétaires plantent pour ne pas laisser leurs terres en friches (afin d’éviter une préemption par l’Etat) et pour ne pas payer de taxes. Ils plantent aussi parce qu’ils en ont envie, pour avoir un endroit frais où construire une future maison ou parce qu’ils veulent faire comme un ami. Ces contrastes sont assez difficiles à interpréter mais résultent vraisemblablement d’un mélange complexe de différences de richesses, de surfaces et de qualité des terres agricoles mais aussi de politique agricole entre la riche plaine alluviale de Vientiane et le district montagneux de Luang Prabang.

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2.2.3. Les relations propriétaire/gestionnaire.

Sur les 38 personnes interviewées de LP, il y a 25 propriétaires et 13 gestionnaires (anciennement propriétaires ou non). Sur les 14 interviews de VTE, il y a 7 propriétaires et 7 gestionnaires (dont une plantation qui appartient au Forestry Research Department de Ban Phoum thong). Dans l’échantillon de LP, 32% des propriétaires habitent la ville. Pour VTE, 22% des propriétaires habitent la ville. Les différents graphiques à partir desquels ces chiffres sont extraits sont placés en Annexe 5. Sur les 23 personnes habitant en dehors de LP (zones rurales visées par la politique agricole décrite en I.) 13 personnes sont encore propriétaires de parcelles de plus de 7 ans, 7 les ont déjà vendues et 3 personnes ne sont pas propriétaires mais s’occupent de plantations familiales. Dans notre échantillon, cela signifie qu’environ un tiers des agriculteurs qui ont décidé de planter du teck ont vendu la parcelle sans avoir pu attendre les premiers abattages. Nous voyons ici que le temps de retour sur investissement du teck, généralement de15 à 20 ans avant de couper les premiers arbres, est trop long pour certains agriculteurs qui sont contraints de vendre à l’avance leurs parcelles n’ayant pas assez d’argent pour patienter plus longtemps. Nous mettons ici le doigt sur l’un des premiers problèmes lié à cette culture. Autre point intéressant, il s’agit du paradoxe lié aux certificats de propriétés. Autrefois les terres n’appartenaient à aucun individu, c’était la propriété de l’Etat. Les agriculteurs voulaient « sécuriser » leurs terres en y accolant un titre de propriété. Or, depuis que ces titres de propriété existent un marché de spéculation a vu le jour et les citadins achètent de plus en plus de terre aux ruraux. Cela a l’effet inverse de la sécurisation recherchée en premier lieu. Quant à VTE, le troisième graphique de l’Annexe 5 nous indique qu’il y a beaucoup de gestionnaires qui entretiennent la parcelle du propriétaire, moyennant des contrats en nature. Par exemple, une famille entretient la parcelle de teck en échange du droit de commercialiser les fruits des 8 manguiers présents dans la parcelle. D’autres propriétaires échangent l’entretien de la parcelle contre le prêt de terres irrigables pour la culture du riz. Ils récupèrent des sacs de riz lors de la récolte. Le nombre de sacs dépend la taille de la parcelle de teck à entretenir et de la superficie de la rizière prêtée.

2.2.4. Niveau de richesse des planteurs de teck.

Comme nous l’avons évoqué dans le paragraphe ci-dessus, il y a une distinction nette entre les propriétaires et les gestionnaires des plantations de teck. A la fin de l’interview nous demandions quel était le revenu annuel du foyer. Certains n’étaient pas très sûrs, et d’autres ont peut-être réduit la réalité, pour ne pas paraître trop riches. Le graphique suivant regroupe les réponses recueillies au cours des interviews. Dans chaque catégorie sont représentés le minimum, le maximum, la moyenne, et l’écart type des revenus annoncés sous forme d’une boite à moustache.

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Figure 18: Comparaison des revenus annuels des propriétaires et gestionnaires de teck.

Les résultats observés sur LP laissent assez perplexe. Il semblerait que les gestionnaires et les propriétaires aient en moyenne les mêmes revenus. Les revenus générés par les plantations de tecks ne sont donc peut-être pas très imortants. La différence peut aussi être atténuée par le fait que beaucoup des propriétaires n’ont toujours pas vendu d’arbres (50%) ou que certains gestionnaires de plantations sont en charge de plantations familiales par souci de proximité et qu’ils en touchent eux aussi l’usufruit. A VTE en revanche, la différence est frappante : bien que les plantations ne soient pas plus grosses, les propriétaires sont beaucoup plus riches que la moyenne (Fig.18) et l’écart avec les gestionnaires est bien marqué. Cela conforte l’idée que nous avions eue dans la partie sur les raisons de planter autour de VTE où nous avions insisté sur le fait que les propriétaires ne plantaient pas pour faire de l’argent mais plutôt par envie ou par commodité… Nous savons désormais quels sont les profils des personnes que nous avons interviewées : leurs niveaux d’éducation, leurs raisons de planter du teck… Voyons maintenant comment ils cultivent le teck et quels résultats ils obtiennent afin de caractériser la rentabilité de cette culture.

2.3. Les pratiques culturales. A LP, la plupart des planteurs de teck font pousser du riz pluvial dans leurs plantations les deux ou trois premières années. Le teck est ensuite trop grand pour permettre le bon développement des plants de riz. Cette culture, dans les premiers stades de la plantation, assure un couvert végétal et des récoltes supplémentaires sur les terres immobilisées pour le teck.

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Figure 19: Parcelle de teck où l'on observe du riz pluvial

2.3.1. Le semis et l’espacement.

a. Les semis. Plusieurs choses sont à prendre en compte. Il faut savoir : (1) si le teck est planté à l’état de graine, de plante entière ou de plante coupée. La technique des plantes coupées est beaucoup utilisée en RDP Laos. Elle consiste à couper la tête et une bonne partie des racines du jeune plant de teck avant de le planter, afin de n’avoir quasiment qu’une baguette de bois à planter. Cela rend le transport et la plantation très aisés. En revanche, cela entraine parfois la formation d’un tronc double lors de la repousse, réduisant fortement la valeur de l’arbre et rendant le jeune plant plus sensible à la dessiccation dans les débuts. (2) Il faut connaitre l’origine de la graine, si le propriétaire fait grandir ses plants par lui-même ; ou l’origine du plant, si le propriétaire achète ses plants dans une pépinière : sont-ils sélectionnées ou non? A LP, sur les 38 personnes interviewées, 16 plantent des plantes coupées et 22 des plantes entières (Fig.20). Hormis les personnes à qui l’on a donné les jeunes plants lors d’initiatives du gouvernement et ceux qui n’ont pas répondu à la question, 57% des personnes interviewées ont fait pousser eux même leurs jeunes tecks avant de les planter dans leurs parcelles, contre 43% qui les ont achetés. Parmi ceux qui font pousser, seuls 15% achètent des graines sélectionnées, les autres ramassent leurs graines dans les plantations de teck puis les plantent directement (45%) ou les sélectionnent selon leurs tailles et leurs aspects (40%) (Annexe 6).

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Figure 20: Ratios plantes entières/coupées dans l'échantillon de Luang Prabang

A VTE, seule la parcelle appartenant au centre de recherche forestière a été plantée avec des plantes coupées. Tout le reste de l’échantillon a acheté des plantes entières non sélectionnées sauf un qui a acheté des graines sélectionnées de la province de Sayaboury pour les faire pousser lui-même et les planter sous forme de plantes entières (Annexe 6). Notons que la moitié de plants achetés est sélectionnée dans l’échantillon de LP et qu’aucun ne l’est pour celui de VTE. Précisons aussi que dans presque tous les cas, les tecks sont plantés à l’âge d’un an environ. Nous observons ici qu’il n’y a pas de méthode de semis typique au sein des deux échantillons. En revanche, nous observons que presque tous les habitants de VTE payent leurs plants (aujourd’hui entre 300 et 800 KIP/pièce pour des arbres de 1 an, d’après leurs affirmations) alors que ceux de LP font pousser dans plus de la moitié des cas. Cela est peut-être du à une différence de richesse entre VTE et LP. Le département des forêts, et donc l’Etat, détient 100 espaces de production/collection de graines d’arbres naturels étalés dans 17 provinces avec plus de 665.000 arbres source et 28 espèces représentées (données obtenues lors de l’interview du directeur du centre de recherche forestière de Ban Phoum Thong). Malgré cela, il ne semble pas être en mesure d’approvisionner le district de LP. Les agents forestiers n’ont pas réussi à fixer une technique plus intéressante qu’une autre au près de la population locale, cela témoigne de leur manque d’influence. Calculons ici le prix lié à l’achat de plants sélectionnés achetés au centre de recherche sur les forêts, pour un hectare planté à 2 mètres par 2 mètres. Chaque plant coûte 650KIP (prix de la pépinière du centre de recherche forestière de Ban Phoum Thong) et il faut 2500 plants. Cela revient à un investissement initial, en plus de la préparation du terrain et de la main d’œuvre pour planter les tecks, de 190 US$/ha. Il s’agit d’un investissement relativement faible mais qui peut paraitre assez élevé pour les strates rurales les plus pauvres (GoL., 2003). On comprend mieux pourquoi ils font grandir eux même leurs plantules. L’argument de vente du teck comme étant un investissement faible semble fondé ici.

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b. L’espacement initial. Les données présentées dans cette partie sont issues des réponses aux questionnaires. Les distances mesurées sur le terrain sont présentées dans l’Annexe 7. La mort de certains arbres, les coupes d’éclaircissement ou encore une mauvaise mémoire du propriétaire sont autant de facteurs qui peuvent expliquer certaines différences observées.

Figure 21 et 22: Espacement des arbres à VTE et à LP

Les arbres sont plantés avec des espacements très faibles dans les échantilons observés. Rappelons que le décret N°186 de 1994 (cf.1.3.2.b.) oblige les plantations à avoir un minimum de 1.100 arbres par hectare si les propriétaires veulent être exemptés de taxes. Ce nombre correspond à un espacement maximal de 3x3 m. Les propriétaires plantent donc bien plus séré en moyenne et cette loi ne semble pas constituer une gène. Planter les tecks sérés les aide à pousser bien droit et avec un haut fût (partie située entre le sol et les premiers rameaux) mais les empêche de grossir en diamètre basal Il faut pour cela effectuer des coupes d’éclaircissement au cours de la croissance des arbres (WEAVER, 1993). En Annexe 7, nous avons tracé le diamètre moyen des arbres, mesuré dans les parcelles, en fonction de l’âge de la plantation à VTE et à LP. A LP, nous observons qu’il y a une diminution du diamètre moyen entre 15 et 20 ans, âge auquel les laotiens commencent à vendre le teck (JICA, 2001). Cela indique qu’ils vendent les plus beaux arbres et laissent les plus petits grandir plus avant de les abattre. Cette idée est confortée par l’observation du graphique de la densité moyenne d’arbres en fonction de l’âge de la plantation (Annexe 7). Nous constatons qu’il y a une chute importante de la densité lorsque la plantation a entre 15 et 20 ans. Cet ‘éclaircissement par le haut’, souvent observé sur le terrain, est une pratique courante à LP. Mais elle ne constitue pas une bonne technique de gestion au niveau de la plantation. Le principe de l’éclaircissement est de couper les arbres diformes ou petits, ayant peu de valeur, pour laisser aux grands plus d’espace, augmentant ainsi leur taux de croissance et par la suite, leur valeur marchande. A VTE en revanche, nous n’observons pas ce phénomène (Annexe 7).Malgré la faible taille de notre échantillon, nous pouvons supposer que les propriétaires, biens plus riches que ceux de LP (Fig. 18), ne sont pas aussi pressés de récupérer leur investissement. Voyons si cette l’éclaircissement, évoqué plus haut, est pratiqué dans les teckeraies étudiées.

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2.3.2. La gestion en cours de croissance.

Lors de la croissance des arbres, les gestionnaires effectuent différentes tâches comme le désherbage, l’ajout d’engrais, les coupes d’éclaircissement ou de l’élagage. Le désherbage ne sera pas évoqué dans cette partie car il sera présenté en détail dans la troisième partie du rapport. L’ajout d’engrais est très rare à LP et on le rencontre parfois à VTE (3 cas sur 14) où il est ajouté dans les stades jeunes de la plantation. L’élagage est effectué en même temps que le désherbage mais n’est pas méthodique : un simple coup de machette placé près du tronc la plupart du temps (pas d’angle de coupe particulier pris en compte). L’éclaircissement n’est que très peu pratiqué. A VTE, aucun des gestionnaires ne l’effectue : un seul abat les arbres lorsqu’ils sont tordus. Les bonnes périodes d’éclaircissements sont à l’âge de 4, 8, 12, 18, 26 et 35 ans (MIDGLEY et al, 2007). Même le département de recherche forestière de Ban Phoum Thong, qui est pourtant au courant des bonnes périodes d’éclaircissement, ne les a pas réalisées… A LP cependant, beaucoup de propriétaires réalisent des coupes d’éclaircissement (20 interviews sur 38). Le graphique suivant regroupe les réponses recueillies au cours des interviews. Tous n’effectuent pas trois coupes d’éclaircissement (2 cas sur 20), d’autres en effectuent deux (2 cas sur 20) la plupart n’en effectuent d’ailleurs qu’une seule (16 cas sur 20). Dans chaque catégorie sont représentés le minimum, le maximum, la moyenne, et l’écart type sous forme d’une boite à moustache.

Figure 23 : Périodes d'éclaircissement des plantations de teck pour les personnes interviewées de LP.

Ces résultats sont encourageants et confirment le fait que les plantations de teck sont bien plus courantes à LP qu’à VTE et que le savoir associé en est de même. Précisons ici que le Tropical Forest Trust et l’ACIAR (deux instituts de recherche australiens spécialisés dans l’agronomie et les forêts) essayent, entre autres, de promouvoir ces techniques dans la région de LP afin d’augmenter la productivité des plantations et d’assurer de meilleurs revenus aux planteurs de teck. Voyons désormais quand et combien les propriétaires vendent leur teck.

2.3.3. L’abattage et la vente.

Dans cette partie nous commencerons par décrire à quel âge les propriétaires vendent leurs premiers tecks et les prix associés. Puis, dans un deuxième temps, nous parlerons de la vente de parcelles.

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Les réponses collectés lors des questionnaires ont été difficiles à analyser cette fois car beaucoup ont coupé des arbres mais ne savent plus combien ou quand ils les ont vendus ; à quel prix… Le graphique ci-dessous regroupe toutes les réponses qui ont été jugées fiables : il n’y a que des propriétaires de LP car les 14 parcelles de VTE n’ont pas encore été coupées (sauf l’éclaircissement de la forêt du centre de recherche de Ban Phoum Thong).

Figure 24 : Prix de vente des arbres sur pied en fonction de l’âge de la plantation.

Nous observons tout d’abord que beaucoup ont vendu des arbres très jeunes (ici à 8 ans pour le plus jeune) malgré leur prix très faible. Nous constatons aussi que bien que les prix suivent une ligne directrice exponentielle générale, ils fluctuent énormément. Nous avons ici l’exemple d’arbres de 30 et de 40 ans coûtant environ le même prix ou même moins cher que certains de 22 ans. Cela confirme le manque de connaissance des véritables prix du marché des propriétaires du teck. Nous ne savons pas si les arbres vendus dans la parcelle de 20 ans constituent un point atypique ou pas. Il y a un important manque d’information. Pour ce qui est du revenu dégagé par la culture du teck, l’Annexe 8 présente plusieurs considérations avec notamment le revenu moyen annuel pour ceux qui ont déjà commencé à vendre teck ou terrains, les prix de vente des parcelles en fonction de leur surface et de leur ancienneté ou encore une comparaison des revenus entre ceux qui vendent des plantations et ceux qui gardent les plantations et coupent du bois. Les données de cette annexe sont basées sur LP uniquement car comme nous l’avons dit ci-dessus, à VTE ils n’ont toujours pas vendu le bois de leurs parcelles et pour ce qui est des terrains, un seul propriétaire a vendu une parcelle de 13 ans mesurant 1rai (0,16ha) pour 50.000.000 Kip (5890$US). Les résultats sont que d’une part les prix de rachat des parcelles sont tout aussi flous voir plus, que ceux des arbres ; et que d’autre part il y a souvent des rachats inter familles avec des prix cassés ou des échanges de services… On constate aussi que pour ceux qui ont déjà vendu des arbres ou des terrains, le revenu annuel moyen est de 650 US$ en moyenne sur l’échantillon (avec un étalement assez important) ce qui constitue un apport non négligeable si l’on considère les revenus annuels présentés en 2.2.4. Reprenons l’exemple de la plantation présenté en 2.3.1) dont les plants, espacés à 2x2 m nous ont coûtés 190 US$/ha. Si l’on considère les prix présentés dans la figure 24 et un taux de

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mortalité des arbres de 30% (valeur moyenne pour les plantations de LP) nous obtenons après 20 ans d’attente une plantation ayant une valeur sur pied de 17.500 US$/ha. Cela multiplie l’investissement initial par 90. Il faut ensuite retirer à ce prix la valeur de la main d’œuvre qui a travaillé dans la plantation ainsi que la valeur que représente une autre utilisation de cette terre (plantation de riz, d’ananas...) pendant 20 années. Aussi, même s’il semble que les 12 scieries du district de LP ont largement la capacité de récupérer toute cette production d’un seul coup (par une coupe à blanc) (MIDGLEY et al, 2007), dans l’ensemble, les laotiens préfèrent couper les arbres au fur et à mesure en fonction de leurs besoins que tout récupérer d’un coup. Dans les interviews de LP un propriétaire sur 38 a évoqué l’envie de faire une coupe à blanc. A VTE en revanche, 28% des personnes interviewées veulent effectuer des coupes à blanc. Une fois encore, la vision des teckeraies à LP et à VTE diffère.

2.4. Les objectifs des propriétaires. Cette partie regroupe les informations sur les objectifs de diamètre et d’âge des arbres au moment de la coupe. Sur les 38 interviews de LP, tous les propriétaires, souhaitent obtenir des arbres d’un diamètre de plus de 30 cm à hauteur de torse (1m50), sauf un qui vise entre 25 et 30 cm. Hormis trois personnes, tous souhaitent couper après au minimum 30 ans. Avec les résultats que nous avons déjà présentés, cela semble très difficile à croire. Nous avons déjà présenté de nombreuses personnes qui ont vendu des arbres très jeunes et de tailles bien inférieures à 30 cm de diamètre. A VTE les avis sont plus nuancés. Pour ce qui est des diamètres par exemple, deux personnes ont répondu que cela dépendait de l’offre qui leur était faite ; 2 ne souhaitent pas vendre, 4 visent plus que 30 cm, un entre 20 et 25 cm et un entre 25 et 30 cm, les autres sont des gestionnaires qui ne connaissent pas les souhaits du propriétaire. En Annexe 9, les diamètres moyens des tecks des parcelles de LP et de VTE, mesurés à hauteur de torse, sont tracés en fonction de l’âge des plantations. On y voit que les diamètres moyens sur les 54 parcelles observées ne dépassent pas 21 cm. Nous observons peut-être ici le résultat de ‘l’éclaircissement par le haut’ : des parcelles âgées dont les tecks ont un faible diamètre moyen. A LP les objectifs des propriétaires sont donc assez loin des résultats qu’ils obtiennent en réalité et l’on s’aperçoit que l’appât du gain ou la nécessité de trouver rapidement de l’argent les conduit à réviser ces objectifs à la baisse. A VTE en revanche, les gens sont plus réalistes concernant leurs plantations et ils ont des objectifs plus vraisemblables. Nous avons décrit les méthodes et les pratiques culturales des échantillons de LP et de VTE ainsi que les résultats économiques qu’ils obtiennent. Voyons à présent quels effets ont ces pratiques sur l’érosion des sols.

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3. L’ EROSION SOUS COUVERT DE TECK. 3.1. Etat de l’art et observations.

Malgré le fait que les forêts soient réputées pour être de bonnes protections pour les sols et qu’elles limitent grandement l’érosion par les gouttes de pluie, le teck a été pointé du doigt comme une plantation érosive (VALENTIN et al, 2008). La canopée très dense de cette plantation ralentit le développement du sous bois. Ensuite lorsqu’en saison sèche les arbres perdent leurs feuilles et que les villageois les brûlent (comme c’est souvent le cas à LP), le sol est laissé totalement nu et très sensible à l’érosion du début de la saison des pluies. (MIDGLEY et al) Mais d’autres scientifiques vont encore plus loin et affirment que ce sont les feuilles du teck elles même qui sont en cause. Ces grandes feuilles, d’environ 60 cm, forment une gouttière et collectent l’eau de pluie pour la faire tomber plus concentrée au niveau du sol, augmentant ainsi l’effet splash associé. Les travaux CALDER, 2001, sur la cinétique des gouttes d’eau sous différentes canopées décrit que pour que le diamètre des gouttes d’eau frappant le sol soit réduit par l’intervention du couvert de teck, le seuil d’intensité de pluie de 3000 mm*h-1 doit être dépassé, ce qui n’a jamais été atteint pour une pluie naturelle. Dans une autre étude menée en RDP Laos (VALENTIN et al, 2008) sur neuf mini parcelles d’un mètre carré chacune installées sous couvert de teck avec des pentes variées (9-58%, moyenne 32%), il a été mis en évidence que 2 mm de la terre superficielle étaient érodés chaque année dans ces parcelles ce qui représente 10 fois ce qui est considéré aujourd’hui comme une perte de sol ‘tolérable’. De notre côté, au cours de nos prospections dans les parcelles de teck nous avons pu voir de nombreuses figures d’érosion : des piédestaux, des ravines, des racines exposées. La photo ci-dessous est un exemple de ce que l’on trouve communément dans les parcelles de teck de LP.

Figure 25: Effet protecteur du couvert végétal contre l'effet splash sous teck.

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C’est donc à partir de ces considérations que nous avons souhaité faire le lien entre les pratiques observées à LP et l’érosion des parcelles. Nous n’avons pas considéré VTE car nous n’avons pas observé d’érosion importante dans les plantations que nous avons prospectées. Les données associées ont cependant été calculées et placées en (Annexe 10 et 12). Nous n’avons que des données qualitatives quant aux figures d’érosion observées dans les parcelles. Par contre, nous possédons des données solides sur les pratiques des gestionnaires, leur vision des mauvaises herbes et les techniques anti-érosion qu’ils connaissent. Nous pourrons aussi essayer de faire un parallèle entre les différents types de sols que nous avons délimités et le couvert végétal, calculé par l’analyse d’image (cf.1.5.1).

Figure 26 à 28: Indicateurs d'érosion et couvert végétal observé dans les plantations de LP.

Les résultats présentés dans les figures ci-dessus nous permettent de constater l’importance de la présence d’un couvert végétal dans une plantation de teck pour y limiter l’érosion. On y observe que chaque phénomène d’érosion décrit comme intense (d’indices 2 ou 3) est associé à une absence de couvert végétal (ou d’une surface au sol inférieur à 35%). Cependant, on peut aussi ajouter que les stigmates d’érosion ne sont pas toujours présents dans les parcelles où le couvert végétal est faible. Cela tient peut-être à d’autres facteurs comme le type de sol ou encore l’ancienneté du dernier désherbage. En effet, les parcelles ont été étudiées au cours de la saison sèche et en début de saison humide. Or, dans les plantations de plus de 7 ans, le désherbage est pratiqué en saison sèche essentiellement ou en début de saison des pluies (Annexe 11). Certaines parcelles ont donc été prospectées peu après leur entretien et d’autres plusieurs mois après. Dans le premier cas, beaucoup moins de pluie est

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tombée sur le sol nu au moment des mesures. Par conséquent, si nous effectuons les mesures peu de temps après le désherbage de la parcelle, les indicateurs d’érosion peuvent être très faibles, même si nous avons observé une absence de couvert végétal. En revanche, lorsqu’il y a effectivement de l’érosion, et que les indicateurs ont des valeurs élevées, on peut observer la présence ou l’absence de couvert sans être influencé par le biais décrit ci-dessus. La forme générale en équerre des nuages de points des figures 26 à 28 confirme donc bien notre hypothèse de l’importance du couvert végétal quant à la réduction de l’érosion sous couvert de teck.

3.2. Confrontation de l’érosion de la croissance et du type de sol observé.

Au cours de notre travail de terrain, l’analyse des pédo-comparateurs et du positionnement de la parcelle sur le relief nous a conduits à constituer 5 classes pédologiques distinctes pour l’échantillon de LP. Ces 5 classes sont présentées dans l’Annexe 13. Dans les graphiques ci-dessous la numérotation des classes correspond au type de sol suivant :

• Classe 1 : il s’agit de collines et montagnes avec pente de forme concave. La roche mère5 est ignée (porphyrite, gabbros et dolérites).

• Classe 2 : il s’agit de collines et montagnes avec pente de forme complexe. La roche mère est sédimentaire (schisto-gréseuse) et ignée (porphyrite, gabbros et dolérites).

• Classe 3 : il s’agit de collines avec une pente de forme convexe. La roche mère est sédimentaire (schisto-gréseuse bleue, verte ou noire).

• Classe 4 : il s’agit de terrasses. La roche mère est un dépôt quaternaire (alluvial).

• Classe 5 : il s’agit d’un groupe de fortes pentes et de talwegs. La roche mère est un dépôt quaternaire (colluvial).

5 Issu de la carte géologique du Viêt-Nam, Cambodge, Laos, échelle 1/ 2.000.000 (J.Fromaget et al, 3ième édition, 1971).

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Figure 29: Caractérisation de l'effet sol sur l'érosion observée.

Figure 30: Caractérisation de l'effet sol sur la croissance observée. N est le nombre d’échantillons dans la classe.

La croissance radiale annuelle a ici été calculée en divisant le diamètre moyen par l’âge moyen de chaque classe. L’observation des figures 29 et 30 indique que l’érosion observée est la plus forte dans la classe 3. La classe 2 est celle qui présente la moins forte érosion et les meilleurs résultats de croissance radiale annuelle, mais c’est aussi elle qui a l’intervalle de confiance le plus large. La classe 4 est la seule qui peut être significativement séparé des 4 autres par une différence de croissance radiale. Cela vient peut-être d’un effet sol mais d’autres facteurs comme la pente ou le type de couvert peuvent influencer ce résultat. Ici nous voyons que l’interprétation d’un effet sol n’est vraiment pas aisée : il faudrait prendre en compte la variabilité des facteurs. Peut-être que nous ne voyons pas un fort effet sol car ils ne sont pas si différents les un des autres. Voyons si la gestion du couvert végétal donne des résultats plus faciles à interpréter.

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3.3. Gestion des mauvaises herbes et surface du couvert végétal. La nudité des sols nous a frappés lorsque nous rentrions dans les parcelles de teck. En effet, comme évoqué plus haut, certains gestionnaires de LP brûlent l’importante litière des tecks en saison sèche (environ 1kg/m2 de feuille par an dans les plantations de teck de Lak Sip) (BOURDON et al, 2008). Mais tout au long de la vie des tecks, la plupart des gestionnaires désherbent leurs parcelles, rendant ainsi les sols plus sensibles à l’érosion. Le camembert ci-dessous nous montre que seuls 11% des gestionnaires laissent pousser le sous bois. 55% binent une ou deux fois par an leurs parcelles de teck, lorsqu’elles ont plus de 7 ans, entrainant une érosion mécanique artificielle en plus de l’érosion liée au ruissèlement naturel. Précisons que 29% des personnes ont « déclaré » brûler les mauvaises herbes mais en réalité nous avons observé des traces de brûlis dans 62% des parcelles analysées à LP. Certains disent que ce sont les flammes du champ d’à côté qui brûlent leur parcelle car ils savent que le gouvernement veut progressivement éradiquer cette pratique (GoL., 2005). Dans la figure ci-dessous, l’âge de 7 ans a été choisi pour étudier la gestion du couvert végétal par les laotiens car c’est à partir de cet âge (voire parfois à 5 ans) que le teck devient résistant au passage du feu, qualité très appréciée de cet arbre en RDP Laos (WEAVER, 1993). Précisons qu’à cet âge la canopée du teck est bien développé (65 à 70% de couverture en surface dans nos échantillons pour des arbres de 7 ou 8 ans) et que les arbres sont hauts (entre 16 et 17 mètres en moyenne pour les même arbres) limant fortement la croissance du sous-bois par effet de compétition.

Figure 31 : Ratio sur la gestion du sous bois des plantations de teck (au-delà de 7 ans)

Dans 70% des cas, les propriétaires évoquent une réduction de la croissance des tecks comme raison pour couper le sous bois. Dans 22% des cas c’est pour pouvoir pénétrer dans les plantations. Les risques de feux accidentels n’ont jamais été évoqués comme une raison (cf. Annexe 10).

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Figure 32: Comparaison des différents types de gestion du couvert végétal par rapport aux indicateurs d’érosion.

Ce graphique nous permet de comparer rapidement les effets de la gestion du couvert végétal sur l’érosion. On constate que les gestionnaires qui laissent pousser librement leur couvert végétal ont le moins d’érosion des quatre ensembles présentés ici. Ceux qui désherbent sans brûler (deuxième ensemble), forment l’équivalent d’un mulch6 dans leur plantation. Ils diminuent ainsi, par un obstacle physique, la vitesse de ruissellement au sein de la parcelle et réduisent l’arrachement associé ici à l’exposition des racines et à la création de ravines. En revanche, même si ce mulch couvre le sol, il le protège moins contre l’effet splash qu’un couvert sur pied. Cela explique sans doute pourquoi nous observons plus de piédestaux (ou cheminées de fée) que de ravines et d’exposition des racines dans ce deuxième ensemble. Enfin, nous observons que ceux qui brûlent le sous bois chaque année ont le plus d’érosion. Ils passent d’une érosion moyenne quasi nulle (qualitativement), dans le cas de ceux qui laissent pousser le sous couvert végétal dans leurs plantations, à une érosion homogène et d’intensité moyenne plus forte. Cette technique, très prisée par les agriculteurs pour sa rapidité et sa simplicité, apparait néfaste pour la plantation qui perd, par son utilisation, les précieux premiers centimètres de l’horizon organique7. Contrairement aux résultats présentés en 3.2 sur l’effet sol, les résultats sont ici très parlants. Il semble que la gestion du couvert végétal soit un des facteurs clefs pour limiter l’érosion des sols. Si l’on reconsidère les figures 26 à 28, on peut emmètre l’idée que l’érosion des sols est significativement réduite au-delà d’un seuil minimum de couvert végétal Il semble que ce seuil se situe entre 40 et 45% de surface couverte. En effet, nous avons le sentiment qu’en en dessous de ce seuil, le couvert végétal n’est pas assez dense pour limiter les phénomènes de ravinement en réduisant la vitesse de ruissèlement. De plus, au-delà de ce seuil, nous n’avons jamais observé de phénomène d’érosion d’intensité supérieure à 1 (sur notre échelle de 0 à 3). Le graphique suivant, montre le temps passé à travailler dans la plantation selon son âge dans la région de LP. Nous avons des propriétaires qui ont 13 ha de teck et d’autre seulement 0,2

6 Voir http://www.agfiber.org/mulch.html 7 Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Sol_%28p%C3%A9dologie%29

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ha. C’est pourquoi, afin d’homogénéiser les résultats, nous avons présenté le temps de travail par individu et par hectare. Etant donné qu’ils n’effectuent très peu d’éclaircissement (cf.2.3.2), la quasi-totalité des journées présentées ici sont utilisées pour faire du désherbage.

Figure 33: Nombres de jours passés à travailler dans la plantation en fonction de son âge. Résultats moyennés sur les enquêtes de LP et rapportés à un hectare.

Nous observons, que certains passent beaucoup de temps dans leurs plantations à désherber les deux premières années. Cela peut s’expliquer par le fait que beaucoup plantent du riz dans les teckeraies les deux premières années. Pour les années qui suivent, etant donné qu’ils effectuent très peu d’éclaircissement (cf.2.3.2), la quasi-totalité des journées présentées ici sont utilisées pour faire du désherbage. Beaucoup des laotiens travaillent ensemble pour désherber lorsque la parcelle de teck est grande. Mais ici ce sont les chiffres rapportés à la main d’œuvre d’une seule personne. D’après les résultats présentés plus haut, il semble que les gestionnaires de parcelles peuvent améliorer le taux de croissance du teck en limitant l’érosion des sols s’ils ne désherbent pas aussi souvent. En Annexe 11, sont présentés les calendriers moyens de désherbage pour les 4 étapes du graphique ci-dessus.

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3.4. Connaissances relatives aux techniques anti-érosion. Cette partie recense les techniques évoquées par les planteurs de teck de LP. Les quelques réponses récoltées à VTE ont été placées en Annexe 12 pour information.

Figure 34: Ratios des connaissances et opinions sur l’utilité, l’application et la connaissance des techniques anti-érosives.

Ces chiffres sont pour le moins surprenants : tous trouvent important de travailler sur l’érosion des sols mais seuls 8 sur les 23 personnes connaissant des techniques les appliquent dans leurs plantations. Le graphique suivant décrit les techniques anti-érosion connues par les gestionnaires/ propriétaires de LP. L’Annexe 14 contient deux autres graphiques où sont séparés ceux qui ont déjà rencontré des personnes leur ayant parlé d’érosion et ceux qui appliquent ces techniques dans leurs plantations.

Figure 35 : Techniques anti-érosion évoquées par les personnes interviewées de LP.

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Il est vraiment intéressant de voir que 60% des personnes interviewées connaissent des techniques qui peuvent limiter l’érosion des sols. Les techniques qu’ils connaissent sont dans l’ensemble efficaces et permettraient de garantir une érosion moindre et une conservation plus durable de leurs sols8. Or, seuls 8 appliquent ces techniques. Nous n’avons pas de raisons pour expliquer ce fait étrange. En revanche, nous pouvons présenter les réponses avancées lorsque nous avons questionné sur l’utilité de ces techniques :

Figure 36 : Raisons évoquées en réponse à la question : pourquoi trouvez-vous ces techniques utiles ou inutiles ?

Nous sommes ici devant un nouveau dilemme : précédemment, nous avons vu que les gestionnaires coupaient leurs mauvaises herbes, essentiellement car ils pensaient qu’elles réduisaient la croissance de leurs arbres (68% des réponses). Or, l’absence de couvert végétal entraine de l’érosion et 16% des interviewés pensent à nouveau que les nutriments et la matière organique vont être érodés, entrainant une diminution de la croissance des arbres. Ce chiffre est faible, il faut donc arriver à convaincre la population de LP que planter des arbres n’entraine pas toujours une disparition de l’érosion, surtout dans le cas du teck. Et qu’ils doivent laisser en permanence un couvert végétal protecteur sous le teck afin de gagner en productivité, en rétention d’eau, en diminution du ruissèlement… De plus, cela leur éviterait un travail important. Le graphique ci-dessous présente les résultats de croissance générale observés dans les parcelles de LP en fonction du type de gestion du couvert.

8 Voir, http://www.agrireseau.qc.ca/agroenvironnement/navigation.aspx?sid=1043

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Figure 37: Influence de la gestion du couvert sur la croissance du teck pour les deux échantillons (n=nombre de représentations).

Ce graphique, même s’il regroupe de nombreux échantillons, nous apporte les éléments dont nous avons besoin pour montrer que le sous couvert végétal ne réduit pas la croissance des arbres si les propriétaires des plantations le laissent pousser. Nous pouvons observer que le meilleur taux de croissance radiale est atteint dans les parcelles où les propriétaires laissent le couvert pousser librement. Les intervalles de confiance, fixés ici à 5%, semblent suivre également cette tendance. Pour ce qui est du pourcentage d’arbres mort, la graphique de l’Annexe 15 indique qu’en moyenne ce sont aussi ces parcelles où la mortalité est la plus faible. En revanche les intervalles de confiance sont beaucoup plus larges. Cela nous empêche de conclure sur ce point. Ainsi, même si nous ne pouvons pas ici confirmer que la présence d’un couvert végétal améliore de façon sûr les résultats obtenus dans les plantations de teck par rapport au brûlis (ce que nous montre apparemment ce graphique), nous pouvons au moins affirmer qu’elle ne réduit pas la croissance des arbres.

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3.5. Discussion et recommandations. Nous avons vu au cours de ce rapport que la culture du teck a été développée dans le souci de limiter la culture sur brûlis et pour permettre aux familles ayant des revenus faibles d’obtenir une nouvelle source d’argent. Elle avait aussi été mise en avant pour limiter l’érosion et les effets sur les Lowlands. Bien que nos échantillons ne puissent pas être qualifiés comme représentatifs, nous avons observé une distinction très nette entre les raisons pour planter du teck et les objectifs de résultats évoquées par des propriétaires de plantations entre le district de LP et la municipalité de VTE. A LP, les plantations sont vues comme une ‘banque verte’ qui va pouvoir aider le foyer dans les moments difficiles (dans 80% des cas observés) ou lors d’investissements : il ne faut pas couper toute la plantation en une seule fois et il ne faut vendre qu’en cas de nécessité. A VTE en revanche, la plantation de teck est une façon d’occuper intelligemment ses terres : cette culture permet de conserver les droits de propriété (pas de préemption par l’Etat des terres laissées sans entretien), d’être exonéré de taxes pendant toute la durée de la croissance des arbres et en plus, éventuellement, ces arbres seront vendus et génèreront beaucoup d’argent malgré le faible investissement qu’ils représentent. D’autres ne souhaitent même pas vendre leurs arbres et seulement les conserver pour avoir un endroit frais où construire une future maison. Nous avons aussi vu que les propriétaires de VTE sont environ trois fois plus riches que ceux de LP (Fig. 18) et que la politique agricole varie énormément entre ces deux ensembles géographiques (cf. 1.3.1). Ceci explique sans doute cette différence de point de vue par rapport à l’immobilisation de terres agricoles. Cette culture a souvent été mise en place au détriment d’une ancienne parcelle agricole : cela réduit la quantité de nourriture produite progressivement et pose la question de la durabilité de telles pratiques. En effet, la politique d’allocation des terres jumelée avec la politique de relocalisation du gouvernement ont limité grandement les terres attribuées à chaque foyer (LESTRELIN, 2009). Si sur les trois parcelles familiales, on en utilise une pour la production du teck, fatalement, les productions agricoles vont chuter. Ainsi, le teck grandit au détriment du riz… Autre point, la culture du teck attire des investisseurs privés habitant la ville, ils peuvent acheter le certificat de propriété de la plantation et s’emparer des terres agricoles. Nous avons vu dans l’échantillon de LP qu’un tiers des agriculteurs ruraux ont vendu leurs plantations à des investisseurs de LP avant qu’elle n’atteigne l’âge recommandé pour les premières coupes d’arbres (15 à 20 ans). Cette durée semble trop longue pour ces agriculteurs. Une étude menée au Laos à l’échelle d’un bassin versant montre qu’au cours des rotations traditionnelles brûlis/riz pluvial/jachère, une augmentation du nombre de jachères entraine une diminution importante des réserves en eau dans les nappes souterraines en limitant leur recharge (RIBOLZI et al, 2008). Nous pouvons ici effectuer un parallèle avec la culture du teck. En effet, l’évapotranspiration d’une plantation de teck est plus importante que celles de cultures traditionnelles comme le riz (ATTAROD et al, 2005). L’augmentation des surfaces occupées par le teck au détriment des cultures peut d’une façon analogue à l’augmentation du ratio surface jachère/ surface cultures présentée dans l’étude de RIBOLZI, entrainer un assèchement des cours d’eau lors de la saison sèche (avec toutes ses conséquences pour les villages débiteurs en aval). Le teck n’est pas encore très rentable. Le taux de croissance moyen annuel du teck en RDP Laos oscille entre 6 et 15 m3/an /ha (MIDGLEY et al). A en juger par les résultats que nous

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avons présentés dans la partie II, nous nous situons dans la tranche inférieure de la production. Cela provient du manque de techniques utilisées par les laotiens à LP comme à VTE et notamment d’une absence d’éclaircissement systématique ou pire encore d’un éclaircissement par le haut (couper les beaux arbres en premier). Cependant, nos résultats ont montré qu’à LP, 52% des propriétaires de l’échantillon effectuent des coupes d’éclaircissement dans leurs plantations (aucun à VTE). En revanche, dans 16 cas sur 20 ils n’effectuent qu’une seule coupe d’éclaircissement. Ces résultats sont pour le moins prometteurs et montrent l’envie qu’ont les laotiens d’améliorer leur productivité. Ceci donc est un point important sur lequel il faut travailler si le gouvernement souhaite véritablement que les propriétaires s’enrichissent avec le teck. Un manque d’information a clairement été identifié lors de nos enquêtes de terrain. Les propriétaires de LP essentiellement, ne connaissent pas assez bien le prix du bois de teck sur le marché ou le prix de vente d’une parcelle avec son terrain. La pauvreté de certains agriculteurs de LP les entraine à vendre très tôt les arbres malgré leurs très faibles prix d’achat (cf. 2.3.3). L’érosion aussi a été abordée. Contrairement aux idées reçues, nous avons vu que la culture du teck ne constitue pas une bonne protection pour les sols. L’érosion était vraiment moins importante cependant, si un couvert végétal était en place. Qualitativement, les résultats ont montré beaucoup plus d’érosion si le couvert végétal était brûlé chaque année que s’il poussait librement (Fig. 32). C’est pourquoi nous recommandons de conserver le sous bois au maximum et d’éviter le désherbage systématique ou le brûlis en saison sèche. Une formation/sensibilisation pourrait être envisagée et serait vraisemblablement un succès. En effet, 20% des propriétaires de LP appliquent des techniques anti-érosion dans leurs plantations et 100% des personnes interviewées trouvent que c’est important de travailler à la conservation des sols (Fig. 34). Cette problématique est donc déjà une préoccupation pour les populations locales. Cela permettra à ces formations d’avoir plus d’impact. Mais le développement de la culture du teck a aussi des points positifs. Il a permis aux paysans d’obtenir de nouvelles terres dégradées et de se les approprier ; de générer un revenu important lors de la vente de petites parcelles au bout de seulement quelques années. Il constitue une banque verte que l’on peut transmettre à ses enfants sans payer de droit de succession. Il augmente les surfaces occupées par un couvert permanent.

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CONCLUSION :

Cette étude nous a permis de mieux comprendre le développement de la culture du teck dans deux ensembles géographiques aux caractéristiques pédologiques et socio-économiques distinctes. Aussi, même si nous pouvons critiquer une politique agricole laotienne qui sépare le pays en deux pour y fixer différents objectifs ; nous ne pouvons pas nier que, concernant la culture du teck, les approches des personnes interviewées dans cette étude varient grandement entre les Uplands et les Lowlands. En effet, les réponses des personnes du district de Luang Prabang ont suggérés qu’ils voyaient les plantations de teck comme une ‘banque verte’ qui subviendra à leurs besoins dans les moments difficiles ou lors d’investissements alors que ceux de la municipalité de Vientiane voient ces plantations comme une façon intelligente d’occuper leurs terre (généralement inexploitées). Un manque d’information sur le prix de vente du teck ou des plantations a aussi été soulevé lors de cette étude. Nous avons aussi appris à connaître les pratiques culturales appliquées par les laotiens dans leurs parcelles. Des lacunes sur les techniques d’éclaircissement et de gestion des plantations de teck en sont ressorties. Nous avons enfin traité le sujet de l’érosion sous couvert de teck. Nous y avons montré que des mesures simples comme la gestion du couvert végétal du sous bois pouvait réduire fortement ce phénomène tout en gagnant du temps de travail et sans limiter la croissance des arbres (contrairement aux croyances locales). Ainsi, malgré un développement important des plantations de teck à travers le Laos, cette culture ne semble pas aujourd’hui assez maitrisée pour en tirer un profit maximal et pour limiter ses impacts sur l’environnement.

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ANNEXES : Annexe 1 : Listing des macros utilisées pour le calcul de la surface des couverts végétaux et de la canopée.

• Macro pour la canopée : open("C:\\Users\\françois\\Desktop\\IRD laos\\boulo t\\stations de vientiane\\VT14\\P8250106.JPG"); run("HSB Stack"); run("Stack to Images"); close(); close(); setAutoThreshold(); //run("Threshold..."); setThreshold(100, 255); run("Convert to Mask"); run("Set Measurements...", " area_fraction redirec t=None decimal=1"); run("Invert"); run("Open"); run("Measure");

• Macro pour le couvert végétal : open("C:\\Users\\françois\\Desktop\\IRD laos\\boulo t\\stations de vientiane\\VT14\\P8250103.JPG"); run("HSB Stack"); run("Stack to Images"); close(); close(); setAutoThreshold(); //run("Threshold..."); setThreshold(50, 120); run("Convert to Mask"); run("Open"); run("Measure");

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Annexe 2 : Questionnaire de terrain (en anglais).

Questioner on teak production

• PLOT N°: • Data of the interviewed farmer:

Name: … ……………………………………… Address : ……………………………………………………… ……………………………………………………… Phone: ………………………………………………………

• Interviewer’s name : …………………………………

• Interview date: … / … / 2009

PART TO ASK AT THE RESPONSIBLE OF THE CULTIVATED AREA: I) Generalities about the interviewee :

1) What ethnie are you from: 2) Gender : � Male � Female 3) Age : 4) Are you married? � Yes � No 5) Do you have children? � Yes � No 6) If yes, how many? : 7) Are you the head of the household? If no, precise your linkage to the head :

� Yes � No (precise): 8) Can you write? � Yes � No 9) Study level :

� No studies �Primary (6-10years) � Secondary (10-17) � College (17-20) �Higher education (precise):

10) Since when do you live in this village? (year of arrival):

II) General knowledge on soil erosion : 1) Have you already met people who told you about soil erosion?

� Yes � No

2) Do you think it is important to work on soil conservation? � Yes � No

3) Do you know some techniques that limit soil erosion in cultivated fields? � Yes � No

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4) If yes, which ones? :

5) At which point do you think you are familiar with these techniques? : �Very familiar �Familiar �A little familiar �Not familiar

6) Do you use one of these techniques in your teak plantations? :

� Yes � No

7) If yes, which one(s)? :

8) Do you think these techniques are useful? : � Yes � No

9) Why? :

10) How do you manage your weeds (From the 7th year)? :

� You burn them � You weed them with a specific tool � You let them grow naturally � Else, precise: ………………….…………….

11) If you take away weeds in your teak plantation; why? Because (choose the most appropriate answer): � They make it difficult for you to enter and walk in the plantation? � You think they reduce the growth of your trees? � It is a risk of accidental fire during the dry season? � Other reason (please explain)? :

12) Frequency and period of the weeding (starting from the plantation). Fill in the month of the weeding. Add a mark * if the weeds are burnt :

0 to year 1 year 1 to 3 year 3 to 7 year 7 and more

1st time 2nd time 3rd time 4th time

III) Concerning your plantations:

1) Do your plantations belong to you?

� Yes � No

2) If no, -Who is the real owner? :

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-Do you have a special contract with him? What is the deal you concluded? :

3) What were your personal reasons to grow teak? :

4) Did you get an external help/influence to make you grow teak (government…)? Who? Which one? When?

5) Did you get money from other parts to grow your teak plantations? Who? How much? :

6) How many different teak plots have you got? : 7) Information for each plot of plantation :

IV) Cultural practices :

1) In which form do you plant the teaks? � Seed � Full plant � Cut plant (stump)

2) If Full plant , how old is it?

Year(s): Month(s): Week(s): 3) If Cut plant, how old is it?

Year(s): Month(s): Week(s):

4) Do you buy them or do you grow them? : �Buy them �Grow them

5) If you grow them; the seed you use is a : �Bought non selected seed �Bought selected seed �Collected non selected seed � Collected selected seed

Plot

number

Surface

(in Ha)

Distance to

the closest

road (in m)

Distance to

your house

(in m)

Soil’s local

name

How old is the

plantation?

(in years)

How many trees

do you cut each

year? (trees/

plot/year)

1

2

3

4

5

6

7

59

6) If you buy them, are your plants selected? �Yes �No

7) Which distance do you put between your trees when you plant them? : � 0-1,5x1,5m �1,5-2,5x2,5m �2,5-3,5x3,5m � More than 3,5x3,5m �Else (precise): ………………………………………………………….

8) How often do you make thinning?

Age of the plantation 1st time 2nd time 3rd time No thinning

9) Do you use slash and burn techniques in you plantations during the growing of the

trees? � Yes � No

10) What tree density do you have for objective at the end of the production? � 2,5-3,5x3,5m � 3,5-4,5x4,5m � 4,5-5,5x5,5m � More than 5,5x5,5m �Else (precise): ………………………………………………………….

11) What diameter at torso high (about 1m40) do you aim at the end of the production?

� 10-15cm � 15-20cm � 20-25 cm � 25-30 cm � More than 30cm �Else (precise): ………………………………………………………….

12) How many years do your trees take to accomplish this objective (estimation)?

� 10-15 years � 15-20 years � 20-25 years � 25-30 years � More than 30 years �Else (precise): ………………………………………………………….

13) Do you cut all the trees at the same moment or is it a selective procedure? � All at the same moment �Selective

V) Socio economic information 1) Do you grow other cultures than teak?

� Yes � No 2) Is teak your only income of money?

� Yes � No; what other one? :

3) How much is the household’s global annual income? (Kip/year) : 4) How much do you earn from your teak production each year? (estimation)

(Kip/year):

60

5) How much time do you spend working in your teak plantations in average? (In days of work / year)? :

Age of the plantation

0 to year 1 year 1 to 3 year 3 to 7 year 7 and more

Days of Work /year

�Else (precise):

6) Who is responsible for the teak plantation in your family? �You �Your wife /husband �Your children �Else (precise):

7) How do you wish to spend your teak money? :

8) Would you like to know more about the soil conservation techniques in the future? � Yes � No

VI) Farmers comments/advise:

61

Annexe 3 : Localisation des parcelles de teck analysées à Luang Prabang et à Vientiane.

Luang Prabang

62

Vientiane

63

Annexe 4 : Comparaison des niveaux d’éducation intra et extra Luang Prabang.

64

Annexe 5 : Gestionnaires et propriétaires : ratios et localisations.

65

Annexe 6 : Le semis des plantations de teck à Vientiane et Luang Prabang.

66

Annexe 7 : Espacement moyen observé dans les plantations analysées. Comparaison du diamètre et de la densité de plantation observée dans les parcelles en fonction de l’âge de la plantation.

67

68

Annexe 8 : Considérations sur les revenus générés par le teck (Luang Prabang).

69

Annexe 9 : Diamètres moyens mesurés à hauteur de torse dans les parcelles observées à Vientiane et à Luang Prabang.

70

Annexe 10 : Raisons évoquées par les propriétaires et les gestionnaires de teck pour couper le sous bois de leurs plantations à Luang Prabang et à Vientiane. Gestion du sous bois à Vientiane.

71

Annexe 11 : Calendriers de désherbage selon l’âge des plantations de teck (il y a parfois 2, 3 voir 4 passages par an) à Luang Prabang.

ANNEE 1

ANNEES 2 et 3

72

ANNEE 4 à 6

ANNEE 7 et PLUS

73

Annexe 12 : Connaissance sur les techniques anti-érosives de Vientiane.

74

Annexe 13 : Classification des pédo-comparateurs en 5 grandes cathégories de sols. Les sous groupes ont été définis en fonction de l’indice de rouge (droit à l’image Emmanuel BOURDON).

75

Annexe 14 : Techniques anti-érosion connues et techniques utilisées dans les plantations de teck à Luang Prabang.

76

Annexe 15 : Pourcentage moyen d’arbres morts observé dans les parcelles de VTE et de LP en fonction de la getion du couvert végétal.

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EXECUTIVE SUMMARY : This study focussed on the cultural attitudes of agricultural teak production in the Luang Prabang Province and the Vientiane Municipality, Lao PDR. Analysis was undertaken regarding the reasons for the increase in teak production through the study of current forestry legislation, national agricultural policy and personal interviews with teak producers. Research into the reasons for varying soils erosion rates was also undertaken via an analysis of agricultural techniques used by producers and the variation in soil. Data were gathered through 58 site plots of teak plantations distributed through the two studied regions, with a total of 52 interviews of plot owners conducted. Although our sample cannot be qualified as representative of each studied zone, the search of varied situations during our sampling as regards to geography, geology and agronomy offers us a general point of view on teak farming in these two localities. During our survey, we covered a large range of situations. Results from both teak plantations studied showed major differences in the reason why plantation owners grow teak. Survey results from plantations in the Luang Prabang Province indicate growers view their plantations as ‘green banks’ that will provide them with money during hard economic times and a method of future income generation. Conversely, teak plantation owners in the Vientiane Municipality viewed their plantations as an intelligent method of land occupation (otherwise unexploited). The different views on teak plantation are believed to be due to several reasons: the complex variation in geographical soil differences, terrain and the quality of agricultural land. Differences in policy regarding the alluvial plains of Vientiane and the mountainous regions of Luang Prabang are also considered significant factors in the variation of opinions from plantation owners. The analysis of agricultural techniques applied by Laotian teak plantation owners demonstrated a lack of information regarding timber management principles, such as tree thinning practices. A lack of knowledge regarding teak pricing and selling was also observed in both regions, leading to owners receiving inadequate financial benefits when selling their harvested teak or their plantations. Local knowledge regarding soil erosion was also studied, with results showing plantation owners are misinformed, regarding soil erosion minimisation techniques, but that they are concerned by this issue. Results indicated that the application of inexpensive and simple measures could greatly reduce the rate of soil erosion without diminishing the growth rate of teak. This report demonstrates that the Lao PDR has experienced a significant increase in the number of teak plantations now occurring in the Lao PDR. However environmental impacts associated with soil erosion can be greatly improved, as well as economic profits gained by teak plantation owners.

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RESUME:

Cette étude s’intéresse à la culture du teck dans la province de Luang Prabang et la municipalité de Vientiane. Dans un premier temps, elle souhaite comprendre les raisons qui expliquent son essor à travers le pays en s’appuyant sur les textes de lois forestières, sur la politique agricole nationale et sur des interviews auprès des producteurs de teck. Ce rapport cherche aussi à expliquer l’érosion observée sous couvert de teck grâce à une analyse des pratiques agricoles utilisées par les propriétaires et à une classification des sols. Notre étude s’appuie sur un ensemble de données de terrain collecté dans 58 parcelles réparties sur les deux zones d’études, ainsi que de 52 interviews des propriétaires de parcelles analysées.

Même si notre échantillon ne peut être qualifié de représentatif pour chaque zone étudiée, la recherche de situations variées sur le plan géographique, géologique et agronomique lors de la collecte de nos échantillons nous offre un point de vue d’ensemble sur la culture du teck dans ces deux localités. Lors de nos enquêtes de terrain, nous avons donc couvert une large gamme de situations.

Il est ressorti de notre analyse que les propriétaires de teck des deux zones étudiées, ne considèrent pas du tout cette culture de la même manière: les réponses d’interviews dans le district de Luang Prabang suggèrent qu’ils voient les plantations de teck comme une ‘banque verte’ qui subviendra à leurs besoins dans les moments difficiles ou lors d’investissements alors que ceux de la municipalité de Vientiane voient ces plantations comme une façon intelligente d’occuper leurs terre (généralement inexploitées). Il a été mis en avant que ce contraste provenait vraisemblablement d’un mélange complexe de différences de richesses, de surfaces et de qualité des terres agricoles mais aussi de politique agricole entre la riche plaine alluviale de Vientiane et le district montagneux de Luang Prabang.

L’analyse des pratiques culturales appliquées par les laotiens dans leurs parcelles a mis en évidence un manque d’information sur le prix de vente du teck ou des plantations ainsi que des lacunes sur les techniques d’éclaircissement et de gestion des plantations de teck. Ces deux points minimisent le bénéfice obtenu par les laotiens lors de la vente du teck.

Nous avons enfin traité le sujet de l’érosion sous couvert de teck. Nous y avons montré que des mesures simples et gratuites comme une meilleure gestion du couvert végétal du sous bois pouvait réduire fortement ce phénomène tout en gagnant du temps de travail et sans limiter la croissance des arbres (contrairement aux croyances locales).

Ainsi, malgré un développement important des plantations de teck à travers le Laos, cette culture ne semble pas aujourd’hui assez maitrisée pour en tirer un profit maximal et pour limiter ses impacts sur l’environnement.