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nLE REFUS DE LA TRADITION MISOGYNE GRECQUECHEZ PLATONJJ
DR SORO G. A. DAVID MUSA
Assistant, Département de philosophie,Université de Bouaké (Côte d'Ivoire)
Résumé Ahstract
Che: les Gre is, lu supr ématie masculine était li lufoi. IIl1e doun é« idéoloxi/fue et IIIre donn ée effective. Lusphère pllhliqlll! répillée Itl plll . pre itigieus« élu4., r éservée
IIlIX IIl1l11me • Le domaine d' femmes était ce/IIi de 1 vil!domestique. Aristote Il 'II pa ' rompu ivec celle idéologie,. 111 con/mire l'a-t-il ratlonulls ée en l'inscrivant duns uneperspective de droit naturel, Moi~ le mérite de Platon,c'est 11'1I1'oir r éu si li montrer la fnus eté de celleid éttllsation de III subnrdlnation de 111 femme Cil fai antd'elle, du point de l'U pnlltiquc, i'égu!« de t'Iunnme. DI!lC fait, Pltttan peut être COli ld ér é colt/me ft' pltllo.\flpltegrec dont ln pensée sur la femme .\ I! présente à l'avantgarde dn II/OUl'el1U!tI1 de lib ération féminin 'fui s 'e.'p rimeaujourd'hul dans le 11IIJ1Idl!,
Mots clés:
mythe, femme, misogynie, égalité .
III Ancient Greece, II/1I/~' supremacy Il'11.\' bath 1111ùlenlogy 111I(1 (In uctunl fil cl. Public llfe, which WII\
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Key words :
rnyth, woman, misogyny, equality
INTRODUCTION
Les Grecs ont développé uneattitude faite d'hostilité et de préjugés négatifs à l'égard de lafemme. Ils y ont opposé radicalement l'homme à la femme comme s 'il s'agissait de deux racesdistinctes. Dans la hiérarchie dessexes qu'ils ont établie, la femmeest si-tuée au rang inférieur. A laquestion implicite, existe-t-il unenature féminine différente de lanature masculine? Aristote a répondu par l'affirmative. Or, malgré sa formule célèbre: «amicusPlato sed rnagis arnica veritas»,qui traduit sa préférence pour lavérité sur l'amitié, il reste un disciple de Platon. On peut donc
penser que Platon, en plus du faitqu'il est issu de la pure Aristocratie athénienne, ne peut êtreétranger à l'attitude misogyned'Aristote dont il est le maître;mieux, on est en droit de penserque c'est plutôt Aristote qui reproduit ce qu'il a appris et pris àl'Académie. Pour ces deux raisons (l' origi ne aristocratique dePlaton et son rapport avecAristote), on peut présumer quePlaton partage l'héritage grec dela condition de la femme . Maiscontre toute certitude facile, iln'en est rien. Au contraire, ontrouve des indices dans la penséepolitique de Platon, surtout dansle livre V de la République, quilaissent penser qu'il a essayé
de faire de la femme l'égale del'homme. Voilà qui justifie cetteétude que nous intitulons : «Lerefus de la tradition misogynegrecque chez Platon».
Quel est le problème? C'estcelui de la condition de la femme. La femme est-elle le sexe second à tous égards comme le prétend la tradition grecque et dontla meiIleure expression se trouveconsignée dans le mythe et dansla pensée politique d'Aristote oufaut-il au contraire considéreravec Platon qu'elle est l'égalede l'homme et de ce fait, a lesmêmes droits que l'homme?
Les préjugés habituels, quiprésentent la femme en général etla femme africaine en particulier
Sciences sociales el humaines _
comme un être inférieur, opprimé, exploité, sans liberté d'action, subissant l'histoire sans riencréer, rencontrent dans la civilisation grecque une certaine similitude des points de vue. Maisune telle similitude des points devue ne peut-elle pas laisser penser qu'on est dans la vérité? Cette étude aura le mérite de montrerque les Grecs ne s'accordent pastous sur la question de la condi~ : (\n de la femme comme cela afJU quelque fois le laisser penser.La preuve en est qu'un philosophe comme Platon, issu de lapure aristocratie athénienne, développe des idées sur la femmequi peuvent être considéréescomme des idées avant-gardistesdu mouvement contemporain delibération de la femme.
Notre itinéraire comprendraquatre moments:
le premier moment sera consacré à l'étude du statut de lafernme dans le mythe grec;le deuxième moment étudierala continuité de cette traditionmisogyne grecque dans la philosophie politique d'Aristote;le troisième moment se consacrera à l'étude de la rupturequ'opère Platon relativementau mythe et à la philosophiepolitique d'Aristote;
- enfin le quatrième momentessayera de prouver l'exem-
. plarité de la position de Platonà la lumière des faits scientifiques et des démentis qu'apporte l'engagement politiquedes femmes d'hier et d'aujourd'hui.
1. LA FEMME DANS LEMYTHE GREC
Dans son recueil de textes Insultes, Arthur Schopenhauer affirme : «les femmes sont le sexussequior, le sexe second à tout
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égard, faits pour se tenir à l'écartet au second plan » (Schopenhauer, 1988 : 62). Pour lui, ce quirend les femmes particulièrementaptes à soigner et à élever notrepremière enfance, c'est qu'ellesrestent elles-mêmes juvéniles, futiles et, une sorte d'intermédiaireentre l'enfant et l'homme (Schopenhauer, 1988 : 52). C'est pourquoi, pense-t-il, qu'elles «devraient toujours être soumises àla tutelle de l'homme, celle dupère, du mari, du fiIs ou de l'Etatcomme dans l' 1nde » (Schopenhauer, 1988 : 63).
Cette position de Schopenhauer est en parfait accord avecla conception grecque de la femme dont elle tire par ailleurs sonorigine (Schopenhauer, 1988 :60). Pour les Grecs, la femme estenvisagée du point de vue del'homme. Elle remplit deux fonctions : une fonction de pacification et une fonction de reproduction. En tant qu'elle remplit unefonction de pacification, elle estdonnée en mariage en vue desceller une alliance entre groupes antagonistes. Au même titrequ 'une rançon, elle peut servirà clore une vendetta (Vernant,1994 : 170). Elle est saisie comme objet plutôt que sujet. C'estun objet qui participe à la pacification de la sphère sociale et àla résolution des crises entregroupes antagonistes, et en tantqu 'elle remplit une fonction dereproduction, elle a la charge dela perpétuation de l'espèce. Ellepermet aux hommes d'une lignéede faire souche d'une progénitureet d'assurer ainsi la survie de lamaison (Vernant, 1994: 171).
L'image qui révèle le mieuxcette double fonction de la femme, c'est celle du «sillon». Chezles Grecs, le mariage est unlabour dont la femme est le sillonet l'homme le laboureur. Plutarque mentionnant l'existence, à
Athènes, de trois cérémonies delabours sacrés ajoute que: «leplus sacré de tous est l'ensemencement et le labour conjugal quien vue de la procréation desenfants » (Vernant, 1994 : 172).
Il Ya une injustice ici. Et cetteinjustice c'est que la femme, bienqu'instrument de production, doitincarner non pas sa terre , maiscelle de son mari. Autrement dit,elle contribue à faire grandir lamaison de son mari dans laquelleelle est perçue comme une étrangère. «C 'est la terre de Mycène,selon Vernant, qui, à travers Clitermnestre mais aussi contre Clitermnestre l'étrangère, fait germer et grandir l'arbre dont l'ombre en s'allongeant, délimite enson entier le territoire rattaché àla maison des atrides » (Vernant,1994: 172).
En plus de cette double fonction, la femme est perçue commeincarnant tout ce qui est mal. Parexemple, chez Pythagore, «il y aun principe bon qui a créé l'ordre, la lumière et l'homme et unprincipe mauvais qui a créé lechaos, les ténèbres et la femme»(Le Diascorn, J 986 : 67). Pourlui, la femme est la source desmalheurs et des souffrances del'homme. Cette position est entièrement partagée dans le mythegrec.
A travers les personnages desBacchantes, se traduit aussi lacroyance à une liaison entre lafemme, l'irrationnel et le malheur. Le dionysisme qui apparaîtcomme une culture du délire etde la folie, est considéré commele propre de la femme . C'est cequi fait dire à Vernant que lesfemmes en tant que telles sontexclues de la vie politique.
La vertu religieuse qui lesqualifie, en tant que Bacchai,pour jouer un rôle majeur dans lareligion dionysiaque leur interd itde participer à la direction
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des affaires de la cité (Vernant,1994 : 356).
La femme y est aussi assimilée aux forces du désordre et dela destruction. Elle est souventcomparée à la terre qui tout enétant principe de fécondité, estpuissance de destruction. Ainsile mythe présente-t-il la femmecomme épuisant l'énergie du mâle, dilapidant ses efforts, le desséchant sans torche, si vigoureuxqu'il soit, le livrant à la vieillesseet à la mort, en engrangeant dansson ventre le fruit de ses peines(Vernant, 1994 : 39).
Même lorsqu'i ' lui arrive derelever quelques aspects positifsde la femme, comme la féconditéet la médiation de fertilité , le mythe grec associe toujours la féminité au monde de «ceux d'en
. bas», à l'univers souterrain et ténébreux des morts. Une analogieest même établie entre le graingermant sous la terre et la semence humaine qui se développedans l'obscurité de la cavernematernelle (Le Diascorn, 1986 :70) .
Le mythe grec présente lafemme comme un être faible.Mais il s'agit moins d'une faiblesse physique que d'une faiblesse morale. On y trouvel'équivalent du mythe religieuxmisogyne de la genèse où Evetentée par le Diable tente à sontour Adam et lui fait manger lefruit interdit de l'arbre de la connaissance; ce qui a eu pour conséquence la punition de Dieudont les résultats sont : le travail,la souffrance et la mort.
Dans le mythe grec, c'est Pandora qui joue le rôle de Eve. Pandora reçoit une boîte bien close(Commelin, 1960 : 119) de Zeusafin de la porter à Prométhée.Mais par curiosité, elle l'ouvre.Or, Zeus y avait enfermé tous lesmaux de l'humanité. La boîte ouverte, ceux-ci se répandirent sur
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la Terre. C'est pourquoi les Grecsdisent que: Si la femme n'avaitpas soulevé le couvercle de lajarre où étaient enfermés lesmaux, les hommes auraient continué à vivre, comme auparavant,«à l'abri des souffrances, du labeur pénible, des maladies quiapportent le trépas » (Vernant,1994 : 38).
La similitude entre Eve etPandora est grande . Les deux enplus d'être des femmes, ont ététentées de la même manière: lacuriosité. C'est la curiosité qui aconduit Eve à manger le fruit del'arbre de la connaissance dubien et du mal. C'est cette mêmecurio-sité qui a poussé Pandora àouvrir le couvercle de la boîteclose . Ainsi, comme dans le mythe biblique, toutes les souffrances qu'endure l'humanité: fatigue, misère, maladies, angoisse,sont-elles le fait de la femme.
C'est pourquoi pour le Grec,l'homme doit se protéger de lafemme et aussi la protéger contresa propre faiblesse . Cette doubleaction de protection passe nécessairement par le maintien de lafemme «à l'intérieur» du fait que«l' extérieur» auquel l'homme aaccès et qui est sa sphère d'activité est dangereuse pour elle.
La femme a donc une vocation domestique. Elle doit rester à la maison, au foyer, s'occuper d'élever les enfants et destâches domestiques. C'est la gardienne des choses de l'intérieurde la maison. Par contre , «L' homme représente au contrai re dansl'oikos, l'élément centrifuge:C'est à lui de quitter l'enclosrassurant du foyer pour affronter les fatigues, les dangers , lesimprévus de l'extérieur, à luid'établir les contacts avec le dehors, d'entrer en commerce avecl'étranger. Qu'il s'agisse du travai l, de la guerre, du négoce, desrelations d'amitié, de la vie pu-
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blique, qu'il soit au champ àl'agora, sur la mer ou par route,les activités de l'homme sontorientées vers le dehors » (Vernant, 1994 : 162).
Cette conception phallocratique du mythe va être transport éeavec la culture grecque chez lesLatins. Selon Ehouman et ZadiZaourou, citant Fustel De Coulanges dans la Cit é Antique, quilui-même cite Caton l'Ancien,«le mari est juge de sa femme,son pouvoir n'a pas de limite; ilpeut ce qu'il veut. Si elle acommis quelque faute, il lapunit; si elle a bu du vin, il lacondamne; si elle a eu commerce avec un autre homme , il latue » (Ehouman et Zadi Zahourou, 1975 : 113).
On le voit, hormis le fait quela femme soit l'élément mobiledont la circulation fait Je lienentre groupes fam i1iaux antagonistes ou différents, pour le mythe grec, il est plus convenablepour la femme de rester à lamaison que d'être au dehors, plushonteux pour l' homme de demeurer au-dedans que de s' occuper de l'extérieur (Vernant, 1994:163).
Il y a donc chez les Grecs unenature féminine différente de lanature masculine qui est au ranginférieur dans la hiérarchie dessexes. Mais quel crédit Aristoteaccorde à cette conception mythique de la femme dans saphilosophie politique? Sa penséepolitique est-elle en rupture ou encontinuité avec cette conceptionmisogyne grecque?
2. L A REPR ESE NTATI O NUE LA FEMME CH EZ ARI STOTE
«Les philosophes , écrivaitMarx dans ses écrits de jeunesse,ne sortent de terre comme deschampignons. Ils sont les fruits
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de leur époque, de leur peupledont les énergies les plus subtiles,les plus précieuses et les moinsvisibles s'expriment dans leursidées philosophiques » (Marx,1963,17).
Ce que Marx voulait mettre enrelief à travers cette réflexion,c' était l'idée que toute véritablephilosophie est la quintessencespirituelle de son temps et de sonespace et qu 'elle ne peut êtrecomprise que lorsqu'elle est replacée dans ce cadre.
Mais d'où tirait-il son inspiration ? N'est-ce pas sans doutede la pratique philosophique qui,de tout temps, lui semblait tirerson origine de l'histoire des peupies? Cette hypothèse n'est pas àexclure; entendu que de l'antiquité grecque à aujourd'hui, ilnous est donné de constater queles philosophes ont toujours philosophé en s'inscrivant dans descatégories qui ne sont pas toujours étrangères à leurs expériences spatio-temporelles Leurs consciences philosophiques n'ayantjamais été autre chose que laconscience du temps et de l'espace auxquels ils appartiennent,on peut comprendre que Aristotesoit héritier de la tradition misogyne grecque telle que véhiculéedans le mythe.
Le statut de la femme dans lapensée politique d'Aristote semble obéir à cette réflexion deMarx. On peut penser que ce sontles idées de la tradition misogynegrecque qui sont exprimées danssa pensée politique. De part saproximité avec le pouvoir politique et son imprégnation desidées philosophiques, sociales,politiques, morales et religieuses,Aristote traduit le mieux la signification politique de cetteimage de la femme.
Certes, sa pensée politique tiretoute sa substance de son ontologie, mais cette ontologie elle-
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même, est une rationali sation dumythe. A l'instar du mythe grec,pour Aristote, il existe des inégalités naturel/es . Et tout être , entant qu'il est en puissance, tendvers son acte.
C'est précisément cet achèvement de sa nature qu'on appellesa fin, sa perfection, son bien.Pour connaître ce qui est bienpour l'homme, pense-t-il, il fautconnaître sa nature, sa finalitépropre, l'activité qui lui convient naturellement, son «oïkeïonergon».
Pour Aristote, il ne s 'agit pasd'échapper à sa nature, mais deréaliser parfaitement son «arét è»;fonction normale du plein épanouissement de la nature propre(Verges et Huisman, 1966 : 46).C'est à la lumière de cetteréflexion théorique, qu'il fautcomprendre la différence qu 'ilétablit entre l'homme et la femme.
Aristote établit donc une classification fondée sur le droit naturel. Ainsi, pour lui, certainshommes ont inévitablement unenature d'hommes libres, d'autresune nature proche de celle del'esclave. Et la femme appartientà cette dernière catégorie.
Mais en fait, pour être plusprécis, il y a l'homme libre apteau commandement, l'enfant mâle, la femme et l'esclave. «Tousces gens pos-sèdent les diversesparties de l'âme, mais différemment: l'esclave est totalementdépourvu de la faculté de délibérer, la femme la possède maissans autorité, l'enfant la possède mais non encore développée ».(Aristote, 1983 : 61).
Pour Aristote, la femme estmoins capable de «se dominer»que l'homme, c'est-à-dire de soumettre son âme entière à la partierationnelle ; elle est sur ce pointcomme l'enfant, menée par Jedésir. Cette incapacité de la
femme de soumettre son âme à larationalité est un fait de naturec'est la nature qui la distingue del'homme.
Cette distinction, Aristote l'étend à l'aptitude au commandement. Pour Aristote, «la naturene fait rien en vain » (Aristote,1983 : 40) et «commander et êtrecommandé sont non seulementnécessaires mais utiles. Et c'estdès leur naissance qu'une distinction a été faite entre celui quidoit être commandé et celuiqui doit commander» (Aristote,1983 : 44).
La femme est une partiede l'homme. Elle lui appartientcomme un bien meuble . Elle nepeut donc pas commander. Depar sa position d'être inférieur,elle ne peut prétendre au cernmandement. Elle a certes uneâme rationnelle, mais étant donnéqu'elle est moins capable de sedominer que l'homme c'est-àdire de soumettre son âme entièreà sa partie rationnelle , elle nepeut commander.
C'est pourquoi , écrit- il :«Chez l'homme, il y a un courage de chef, chez la femme uncourage de subordonné » (Aristote, 1983 : 61) .
Tout comme il sied que «lecorps soit commandé par l'âme,et que 1:, partie affective de l'âmele soit par l'intellect, c'est-à-direpar la partie qui possède la raison, les mettre sur un pied d'égalité ou intervertir leurs places estnuisible à tous» (Aristote, 1983 :46). De même, la femme est faitepour être commandée et l'hommepour commander. Parce que seull'homme est intellectuellementcapable de commander, la femmepar nature, serait alors apte .àexécuter physiquement un ordre.
Ceux qui sont éloignés deshommes libres comme le corpsl'est de l'âme, sont par natureproches de l'esclave ; Et pour
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eux, être commandés par un maitre est une bonne chose. Ils n'ontpas la faculté de commander
Comme on le voit , Aristote,en rationalisant l'idéologie misogyne mythique grecque nie à lafemme tout droit politique.
A l'instar du mythe grec, ilpense que la femme n'est jamaistotalement majeure. Son destin ,c'est d'être toujours soumise à latutelle de l'homme. Elle n'a quedes devoirs. Elle est la propriétéde l'homme. L'homme est appeléà décider pour elle. C'est pourquoi, elle ne saurait accéder à lagestion des affaire: de la cité. Laseule vertu qui est pour elle uneparure, c'est son silence>; (Aris tote, ]983 : 61).
Aristote rationalise donc lemythe en instaurant un droitnaturel qui fait que chaque chosedoit être à sa place.
Les différences entre l'hommeet la femme mais aussi entre l' esclave et l' enfant sont fondées ennature et non en droit.
En intégrant cette représentation mythique dans sa philosophie politique, Aristote donneune signification rationnelle à cequi appartenait au domaine dumythe. Mais qu 'en est-il dePlaton? S'inscrit-il dans la mêmetradition misogyne ? Tout laissepen-ser qu'il est en rupture avecla tradition misogyne grecque.
3. LA RUPTURE PLATONICIENNE COMME CRITIQUEDE LA TRADITION GRECQUE DU STATUT DE LAFEMME
Sur la question du statut de lafemme, Platon semble contredirel'argument de Marx qui veut quela véritable philosophie soit laquintessence spirituelle de sontemps et de son espace . Platon nepartage pas la position traditionnelle grecque qui veut que lafemme soit située au rang infé-
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rieur dans la hiérarchie des sexestelle que véhiculée à travers lemythe et légitimé politiquementpar Aristote. C' est un anticonformiste, un iconoclaste avant lalettre. II rompt avec une idéologieséculaire qui fait essentiellementde la femme la gardienne fidèledes choses de l'intérieu r de lamaison (Aristote , 1983 : 163). Tlest vrai qu'on peut relever ça etlà quelques points à polémiques sur la condition de la femmedans la philosophie politique dePlaton qui pourraient laisser penser à une tendance phallo cratique. Mais malgré ces points quipourraient prêter à polémique,dans l'ensemble, Platon semblecroire à l'idée d'égalité des sexes.
A la question existe-t- il unenature féminine différente de lanature mascul ine, Platon n'estpas tout à fait sûr comme lesGrecs de l'infériorité de la femme. La hiérarchisation des sexesau profit de l'homme n'attire pastout à fait son adhésion. Sa position semble trancher avec celledes Grecs et même de son disciple Aristote . Pour en arriver làqu'est-ce qui a pu se passer ?
Pour opérer la rupture avecl'idéologie grecque sur la placede la femme , Platon s ' est laissévolontiers instruire par les animaux et en particulier les chiens:«Estimons-nous que les femellesdes chiens doivent coopérer avecles mâles à la garde, chasser aveceux et faire tout le reste en commun ou bien qu'elles doiventrester au chenil , incapables d'autre chose parce qu 'elles enfantent et nourr issent les petits,tandis que les mâles travaillent etassument toute la charge du troupeau ? (Platon, 1966 : 205)
Cette question, pour Platon, aune réponse qui se veut naturelle : Nous disons, que tout leursoit commun, réserve faite que ,pour les services que nous atten-
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dons d' eux, nous traiterons lesfemelle s comme plus faible s etles mâles comme plus forts. Laréponse est donc claire, les animau x nous instruisent qu 'h ommes et femme s doivent faire lesmêmes choses. Il n'y a pas deraison que la femme reste à «l' intéri eur » et l'h omme à «l' extérieur».
Partant de cette analogie, Platon passe aisément à la revendication d'une éduc ation et d 'unegestion politique mixtes. L'é galité de la femme et de l'hommeest possible à condition quel'éducation soit mixte. De lagymnastique en passant par lamusique, l'art de la guerre, lesfemme s et les hommes doiventêtre formés dans les mêmes conditions. L'éducation qui formerales femm es ne do it pas être différente de celle qu i forme ra leshomme s (Platon, 1966 : 206). Ence qui concerne la gymnastiquepar exemple, «tout comme cesvieillards qui , ridés et d' aspectpeu agréable, continuent à seplaire aux exercices du gymnase», les vieilles femmes doiventaussi s'adonner à la gymnastiquedans les mêmes conditions (Platon, 1966 : 206). Si l'éducationest donc mixt e, l'exercice dupou voir politique ne doit plusêtre la chasse gardée d'un sexe.Les critères qui doivent guiderles choi x de ceux qui auront lacharge de la cité ne doivent plusse fonder sur le sexe. Les seulscritères recevables chez lui, sontceux de la science. Pour gouverner , il faut être philosophe oualors se laisser visiter par la phiiosophi e. C'est à l' homme quiaime la science sous sa formeuniverselle, et non telle ou telle sci ence particulière (Platon,]966 : 32). Celui qui a réussi àouvrir son âme sur le monde desidées, le monde de l'immuable etde l'éternel, c'est à lui qu'il faut
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confier la gestion de la cité. Peuimporte qu'il soit homme oufemme. Seule la compétencecompte ici. Celui qui réussit àfaire l'ascension dialectique, quiréussit à atteindre la science anhypothétique, c'est celui-là quidoit être considéré comme apteau commandement. Cette position de Platon apparaît clairementà travers les éléments constitutifsde sa cité paradigmatique.
Pour Platon donc : «JI n'estaucun emploi concernant l'administration de la cité qui appartienne à la femme en tant quefemme ou à l'homme en tantqu'homme; Au contraire, les aptitudes naturelles sont égalementreparties entre les deux sexes, etil est conforme à la nature que lafemme aussi bien que l'homme,participe à tous les emplois ».(Platon, J 966 : 210) La différence de nature qui existe entrel'homme et la femme, est unedifférence sous le rapport de laforce de l'homme et de la faiblesse de la femme. Quant à leuraptitude au commandement ou àla garde de la cité, ils ne diffèrentpas l'un de l'autre. «La femme etl'homme ont même nature sousle rapport de leur aptitude à garder la cité, réserve faite que lafemme est plus faible et l'hommeplus fort» (Platon, 1966: 210). Iln'est même pas impossible, estime-t-il, que nombre de femmes soient supérieures à nombred'hommes en maints travaux.
Pour Platon donc, il faut abandonner les stéréotypes qui font dela femme un être inférieur dupoint de vue du commandement." faut opérer un saut de rupturequi consiste à abandonner cettevieille attitude misogyne pourconsidérer la femme sur un même pied d'égalité que l'homme.
Il peut paraître étonnant quePlaton soit le défenseur de lafemme. A priori, il est partisan du
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droit naturel pour chacun derester à sa place. Telle est lagrande conclusion de la République: il n'y a de justice que dansl'ordre. Et l'ordre ici, c'est que legouvernant gouverne, le plébéientravaille et le soldat assure lagarde. On peut penser que Aristote ne fait qu 'appliquer les principes de ce droit. En, plus le problème de la communauté desfemmes peut soulever des resserves sérieuses sur son intention de faire de la femme l'égaIe de l 'homme. Car on peutse demander, comment concilierl'idée du communisme des femmes avec celle de la liberté dela femme ? Dans une conception de communauté des femmes, la femme ne reste-t-ellepas essentiellement un objet deplaisir?
Nous pensons que ni l'une nil'autre c observations ne mettent en doute la bonne foi dePlaton à lutter pour une conditionheureuse de la femme. La femmene constitue pas une classe à partchez Platon. Il y a trois classes:la classe de l'élite philosophique, les gouvernants, la classedes guerriers, et la classe desplébéiens. Nul part, il n'y a tracede l'existence d'une classe spécifique aux femmes. On peut doncsupposer que les femmes s'intègrent dans chaque classe selonleurs natures intrinsèques . Sidonc elles s'intègrent selon leursnatures, la communauté des femmes participerait de la volonté dePlaton de perpétuer la classe desgouvernants où d'éviter que ledroit naturel ne se transforme endroit de castre. En effet, la communauté permettrait à chacun deconcevoir avec n'importe quellefemme et l'ordre sera fait sur labase de la vraie valeur et non parla naissance. La communauté nedevrait pas être perçue commeune pratique dévalorisante qui
viendrait contredire la volonté dePlaton de valoriser l'image de lafemme. Il ne s 'agit pas d'éleverla femme, ni de la rabaisser.Cette communauté, au contraire,s'inscrit dans la recherche de lajustice, point névralgique de laphilosophie de Platon.
4. L'EXE M P .JARITE DELA COI CEPTlON PLATONICI ENNE DE LA CO NDITI ONDE LA FEMME
y a-t-il une différence de nature entre l'homme et la femmequi rend le premier apte au commandement et empêche le secondde prendre part à 1a gestion desaffaires de la cité ? Sur le planstrictement biologique, il n'ya pas de différence entre j'homme et la femme sous le rapportde l'aptitude au commandement.L'homme et la femme ont chacunvingt trois chromosomes. Maisbien que la 23eme paire établisseune différence, cette différencen'a pas d'autre signification quela détermination des sexes. Elleintervient simplement dans la détermination du sexe des progénitures . C'est une marque indicatrice que l'homme est chargé dedéterminer le sexe de l'enfantcomme la femme est chargée 'd'accueillir et de porter la grossesse.
Au plan hormonal. la femmeprésente deux chromosomes etl'homme une seule. Les honu .ines féminines qui sont la progestér r-nc et l'œstrogène sont responsables du développement desattributs féminins . L'œstrogèneest responsable du développement des caractères secondaires.La progestérone, elle, n'est produite qu'après la puberté. Sonaction est indispensable pour quel'organisme devienne apte à assurer une grossesse . L'hormonemâle qu'est la testostérone est
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responsable du développementdes caractères sexuels mascul insà la puberté (Tavernier, 1996 :244).
Cette différence hormonalen'altère guère la capacité de commandement de la femme. On nepeut pas lier la différence hormonale à la capacité ou à l'incapacité de commander. Il est vraique des stéréotypes féminin s ontfait de la femme un être faible ,capricieux, hystérique, sensible,peureux , émotif, puéril , frivole,bavard, incohérent, maniéré, secret, étourdi, mais il n'en est rien.Ces idées toutes faites sur la femme sont loin de refléter la réalité.Il s'agit de cliches qu 'il convientde mettre au compte d'une att itude faite d'hostilité et de préjugés négatifs à l'égard des femmes. Les faits nous indiquent quedes femmes ont assumé des responsabilités politiques et n'ontpas été ridicules. Elles ont mêmefait mieux que ne l'auraient faitdes hommes dans la même position.
En Afrique par exemple, enplus du fait que la femme estcréatrice de beauté: tissage, coiffures, parures , poterie, vanneries ,danses , chants, langage, proverbes, rites (Houeto, 1975 : 58),elle n'est pas restée insensible àla gestion de société. Il est prouvé que des femm es ont assumédes responsabilités politiques depremier plan. En pays Tonga(Zambie), par exemple, on a connu des femmes chefs. En Afriquede l'Ouest on repère une traditionde femmes -chefs dans le centredu Cameroun préallemand ouchez les Flup de Casamance ausud du Sénégal. On trouve aussi des femm es-chefs che z lesMende et les Sherbo du Sierraleone (Coquery- Vidrovitch , ]994 :65). On connaît l'histoire de laReine Nzinga Mbande qui résistalongtemps aux Portugais dans
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leur avancée vers le sud du royaume du Kongo . On conn aîtaussi, en pays Haussa, l'histoirelégendaire de la Reine am inade Zazzau (Coquery-Vidrovitch,1994 : 75). Yaa Asantewa organisa devant la capitale Kumasi unsiè ge qui dura deux mois . Pourparvenir à bout des quelques 40 à50 000 Ashanti qui suivai entleur reine, les Britanniques durent mobiliser 1 400 hommes menus des armes les plus modernes(Coquery- Vidrovitch, 1994 : 7879). C'est pourquoi il ne seraitpas prétentieux de dire avecColette Houeto que «c'est sur lesgenoux des femmes que s' édifient les nations» (Houeto , 1975 :58).
Il ne s'agit pas d'être commel'h istorien Joseph Ki-Zerbo, nostalgique d'une cert aine femmeafricaine libre et heureuse , mais1'histoire nous enseigne tout demême que de nombreuses femmes ont accédé à des responsabilités politiques suprêmes enAfrique (Ki-Zerbo, 1972 : 610).Cette même observation faite surla femme afri ca ine est valablepour les femmes des autres continents. Le masculin pris pourJe tout est donc trompeur. Lesexemples sont légion qui montrent que la femme est capable decommander et de le faire trèsbien.
Par ailleurs , il existe des hommes qui présentent des caractèresclassés féminins comme on trouve des femmes qui développentdes comportements dits masculins. Il n' y a pas de rupture qu' ilfaille faire sur le plan strictementdu sexe. La caractérologie quiétudie les manières d'être et d'agir n'instaure pas une discrimination entre l'homme et la femme. De la classific ation hippocratique en sanguins , mélancol iques, colériques, lymphatiques ,à la classification de Sheldon
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(1942 ) montrant les relations entre temp éraments et caractères,en passant par la c lassificationfranç aise de Sigaud et de MasAuliffe, italienne avec viola,Krestschner et de Jung, il n'y aaucun indice notable montrantune distinction faite sur la basedu sexe (Daco, 1977 : 336-357).
Hommes et femmes possèdentles mêmes aptitudes sous le rapport du commandement. La position traditionnelle qu i confère àla femme une nature différent e decelle de l'homme et partant larend inapte au commandement,doit être mise au compte d'un déficit de connaissance scientifiquesur la femme . Aujourd'hui , leprogrès des sciences nous permetde dire qu'entre homme et femme il n' y a pas de différencequant à l'aptitude au commandement dans de nombreux travauxréserve faite que la femme estplus faible physiquement. Maisavec le progrès des techniques etde la science, la force laisse deplus en plus la place à la scienceet de la technique. Et sur cepoint , la femme et l'homme sontd'égale valeur.
CONCLUSION
Au terme de cette étude, onpeut retenir que les Grecs ontdéveloppé une tradition qui rendla femme inférieure à l'homme.Cette tradition misogyne, malgré l' effort de rational isation faitpar Aristote, ne peut se justifierscientifiquement. Qu 'il s'agissedes sciences de l' homme ou dessciences du viv ant, toutes lessciences qui traitent de l'hommedu point de vue du comportementou de la structure biologique,montrent que sous le rapport ducommandement, j'homme et lafemme ont les mêmes aptitudes ;réserve faite que la femme estplus faible et l'homme plus fort.
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Le mérite de Platon c'estd'avoir su découvrir très tôt cettevérité (de l'égalité de l'homme etde la femme) et de l'avoir intégrée comme élément de base dela construction de sa cité paradigmatique.
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