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nLE REFUS DE LA TRADITION MISOGYNE GRECQUE CHEZ PLATONJJ DR SORO G. A. DAVID MUSA Assistant, Département de philosophie, Université de Bouaké (Côte d'Ivoire) Résumé Ahstract Che: les Gre is, lu supr ématie masculine était li lu foi . IIl1e doun é« idéoloxi/fue et IIIre donn ée effective. Lu sphère pllhliqlll! répillée Itl plll . pre itigieus« élu4., r éservée IIlIX IIl1l11me Le domaine d' femmes était ce/ II i de 1 vil! domestique. Aristote Il 'II pa ' rompu ive c celle idéologie, .1 11 con/mire l'a-t-il ratlonulls ée en l'inscrivant duns une perspective de droit naturel, le mérite de Platon, c'est 11'1I1'oir r éu si li montr er la fnus eté de celle id éttllsation de III subnrdlnation de 111 femme Cil fai ant d'elle, du point de l'U pnlltiquc, i'égu!« de t'Iunnme. DI! lC fait, Pltttan peut être COli ld ér é colt/me ft' pltllo.\flplte grec dont ln pensée sur la femme .\ I! présente à l'avant- garde dn II/OUl'el1U!tI1 de lib ération féminin 'fui s 'e.'p rime aujourd'hul dans le 11IIJ1Idl!, Mots clés: mythe, femme, misogynie, égalité . III Ancient Greece, supremacy Il'11.\' bath 1111 ùlenlogy 111I(1 (In uctunl fil cl. Public llfe, which WII\ a socùuetl wltlt prestige. Wtl.\ earmurked for m e". W,WWII' reulm 11'(1.\' lill/ilet! 10 filllùly life. Arlstotie tlhl nol di. ugree with thut ideology. He rationallsetl il lnsteatl, ranking il with natural laws. Pluto tleserves credit ill I/IM Ile hlghllghteü the fullacy of ideali: ing the uburüination 0/ the womun. Ile uer Il' U being equat tu mUII ill the fie/cl of potitics. Pluto cali therefore he considercd, among Greek philosoplters. to he Ille pioneer ofthe current global wa",lm tiberatlon muvemell', Key words : rnyth, woman, misogyny, equality INTRODUCTION Les Grecs ont développé une attitude faite d'hostilité et de pré- jugés négatifs à l'égard de la femme. Ils y ont opposé radicale- ment l'homme à la femme com- me s'il s'agissait de deux races distinctes. Dans la hiérarchie des sexes qu'ils ont établie, la femme est si-tuée au rang inférieur. A la question implicite, existe-t-il une nature féminine différente de la nature masculine? Aristote a ré- pondu par l'affirmative. Or, mal- gré sa formule célèbre: «amicus Plato sed rnagis arnica veritas», qui traduit sa préférence pour la vérité sur l'amitié, il reste un dis- ciple de Platon. On peut donc penser que Platon, en plus du fait qu'il est issu de la pure Aristo- cratie athénienne, ne peut être étranger à l'attitude misogyne d'Aristote dont il est le maître; mieux, on est en droit de penser que c'est plutôt Aristote qui re- produit ce qu'il a appris et pris à l'Académie. Pour ces deux rai- sons (l' origine aristocratique de Platon et son rapport avec Aristote), on peut présumer que Platon partage l'héritage grec de la condition de la femme. Mais contre toute certitude facile, il n'en est rien. Au contraire, on trouve des indices dans la pensée politique de Platon, surtout dans le livre V de la République, qui laissent penser qu'il a essayé de faire de la femme l'égale de l'homme. Voilà qui justifie cette étude que nous intitulons : «Le refus de la tradition misogyne grecque chez Platon ». Quel est le problème? C'est celui de la condition de la fem- me. La femme est-elle le sexe se- cond à tous égards comme le pré- tend la tradition grecque et dont la meiIleure expression se trouve consignée dans le mythe et dans la pensée politique d'Aristote ou faut-il au contraire considérer avec Platon qu'elle est l'égale de l'homme et de ce fait, a les mêmes droits que l'homme? Les préjugés habituels, qui présentent la femme en général et la femme africaine en particulier

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nLE REFUS DE LA TRADITION MISOGYNE GRECQUECHEZ PLATONJJ

DR SORO G. A. DAVID MUSA

Assistant, Département de philosophie,Université de Bouaké (Côte d'Ivoire)

Résumé Ahstract

Che: les Gre is, lu supr ématie masculine était li lufoi. IIl1e doun é« idéoloxi/fue et IIIre donn ée effective. Lusphère pllhliqlll! répillée Itl plll . pre itigieus« élu4., r éservée

IIlIX IIl1l11me • Le domaine d' femmes était ce/IIi de 1 vil!domestique. Aristote Il 'II pa ' rompu ivec celle idéologie,. 111 con/mire l'a-t-il ratlonulls ée en l'inscrivant duns uneperspective de droit naturel, Moi~ le mérite de Platon,c'est 11'1I1'oir r éu si li montrer la fnus eté de celleid éttllsation de III subnrdlnation de 111 femme Cil fai antd'elle, du point de l'U pnlltiquc, i'égu!« de t'Iunnme. DI!lC fait, Pltttan peut être COli ld ér é colt/me ft' pltllo.\flpltegrec dont ln pensée sur la femme .\ I! présente à l'avant­garde dn II/OUl'el1U!tI1 de lib ération féminin 'fui s 'e.'p rimeaujourd'hul dans le 11IIJ1Idl!,

Mots clés:

mythe, femme, misogynie, égalité .

III Ancient Greece, II/1I/~' supremacy Il'11.\' bath 1111ùlenlogy 111I(1 (In uctunl fil cl. Public llfe, which WII\

a socùuetl wltlt prestige. Wtl.\ earmurked for me".W,WWII' reulm 11'(1.\' lill/ilet! 10 filllùly life. Arlstotie tlhl noldi. ugree with thut ideology. He rationallsetl il lnsteatl,ranking il with natural laws. Pluto tleserves credit ill I/IM

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equat tu mUII ill the fie/cl ofpotitics. Pluto cali therefore heconsidercd, among Greek philosoplters. to he Ille pioneerofthe current global wa",lm tiberatlon muvemell',

Key words :

rnyth, woman, misogyny, equality

INTRODUCTION

Les Grecs ont développé uneattitude faite d'hostilité et de pré­jugés négatifs à l'égard de lafemme. Ils y ont opposé radicale­ment l'homme à la femme com­me s 'il s'agissait de deux racesdistinctes. Dans la hiérarchie dessexes qu'ils ont établie, la femmeest si-tuée au rang inférieur. A laquestion implicite, existe-t-il unenature féminine différente de lanature masculine? Aristote a ré­pondu par l'affirmative. Or, mal­gré sa formule célèbre: «amicusPlato sed rnagis arnica veritas»,qui traduit sa préférence pour lavérité sur l'amitié, il reste un dis­ciple de Platon. On peut donc

penser que Platon, en plus du faitqu'il est issu de la pure Aristo­cratie athénienne, ne peut êtreétranger à l'attitude misogyned'Aristote dont il est le maître;mieux, on est en droit de penserque c'est plutôt Aristote qui re­produit ce qu'il a appris et pris àl'Académie. Pour ces deux rai­sons (l' origi ne aristocratique dePlaton et son rapport avecAristote), on peut présumer quePlaton partage l'héritage grec dela condition de la femme . Maiscontre toute certitude facile, iln'en est rien. Au contraire, ontrouve des indices dans la penséepolitique de Platon, surtout dansle livre V de la République, quilaissent penser qu'il a essayé

de faire de la femme l'égale del'homme. Voilà qui justifie cetteétude que nous intitulons : «Lerefus de la tradition misogynegrecque chez Platon».

Quel est le problème? C'estcelui de la condition de la fem­me. La femme est-elle le sexe se­cond à tous égards comme le pré­tend la tradition grecque et dontla meiIleure expression se trouveconsignée dans le mythe et dansla pensée politique d'Aristote oufaut-il au contraire considéreravec Platon qu'elle est l'égalede l'homme et de ce fait, a lesmêmes droits que l'homme?

Les préjugés habituels, quiprésentent la femme en général etla femme africaine en particulier

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comme un être inférieur, oppri­mé, exploité, sans liberté d'ac­tion, subissant l'histoire sans riencréer, rencontrent dans la civili­sation grecque une certaine simi­litude des points de vue. Maisune telle similitude des points devue ne peut-elle pas laisser pen­ser qu'on est dans la vérité? Cet­te étude aura le mérite de montrerque les Grecs ne s'accordent pastous sur la question de la condi­~ : (\n de la femme comme cela afJU quelque fois le laisser penser.La preuve en est qu'un philo­sophe comme Platon, issu de lapure aristocratie athénienne, dé­veloppe des idées sur la femmequi peuvent être considéréescomme des idées avant-gardistesdu mouvement contemporain delibération de la femme.

Notre itinéraire comprendraquatre moments:

le premier moment sera con­sacré à l'étude du statut de lafernme dans le mythe grec;le deuxième moment étudierala continuité de cette traditionmisogyne grecque dans la phi­losophie politique d'Aristote;le troisième moment se con­sacrera à l'étude de la rupturequ'opère Platon relativementau mythe et à la philosophiepolitique d'Aristote;

- enfin le quatrième momentessayera de prouver l'exem-

. plarité de la position de Platonà la lumière des faits scienti­fiques et des démentis qu'ap­porte l'engagement politiquedes femmes d'hier et d'au­jourd'hui.

1. LA FEMME DANS LEMYTHE GREC

Dans son recueil de textes In­sultes, Arthur Schopenhauer af­firme : «les femmes sont le sexussequior, le sexe second à tout

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égard, faits pour se tenir à l'écartet au second plan » (Schopen­hauer, 1988 : 62). Pour lui, ce quirend les femmes particulièrementaptes à soigner et à élever notrepremière enfance, c'est qu'ellesrestent elles-mêmes juvéniles, fu­tiles et, une sorte d'intermédiaireentre l'enfant et l'homme (Scho­penhauer, 1988 : 52). C'est pour­quoi, pense-t-il, qu'elles «de­vraient toujours être soumises àla tutelle de l'homme, celle dupère, du mari, du fiIs ou de l'Etatcomme dans l' 1nde » (Schopen­hauer, 1988 : 63).

Cette position de Schopen­hauer est en parfait accord avecla conception grecque de la fem­me dont elle tire par ailleurs sonorigine (Schopenhauer, 1988 :60). Pour les Grecs, la femme estenvisagée du point de vue del'homme. Elle remplit deux fonc­tions : une fonction de pacifica­tion et une fonction de reproduc­tion. En tant qu'elle remplit unefonction de pacification, elle estdonnée en mariage en vue desceller une alliance entre grou­pes antagonistes. Au même titrequ 'une rançon, elle peut servirà clore une vendetta (Vernant,1994 : 170). Elle est saisie com­me objet plutôt que sujet. C'estun objet qui participe à la paci­fication de la sphère sociale et àla résolution des crises entregroupes antagonistes, et en tantqu 'elle remplit une fonction dereproduction, elle a la charge dela perpétuation de l'espèce. Ellepermet aux hommes d'une lignéede faire souche d'une progénitureet d'assurer ainsi la survie de lamaison (Vernant, 1994: 171).

L'image qui révèle le mieuxcette double fonction de la fem­me, c'est celle du «sillon». Chezles Grecs, le mariage est unlabour dont la femme est le sillonet l'homme le laboureur. Plu­tarque mentionnant l'existence, à

Athènes, de trois cérémonies delabours sacrés ajoute que: «leplus sacré de tous est l'ensemen­cement et le labour conjugal quien vue de la procréation desenfants » (Vernant, 1994 : 172).

Il Ya une injustice ici. Et cetteinjustice c'est que la femme, bienqu'instrument de production, doitincarner non pas sa terre , maiscelle de son mari. Autrement dit,elle contribue à faire grandir lamaison de son mari dans laquelleelle est perçue comme une étran­gère. «C 'est la terre de Mycène,selon Vernant, qui, à travers Cli­termnestre mais aussi contre Cli­termnestre l'étrangère, fait ger­mer et grandir l'arbre dont l'om­bre en s'allongeant, délimite enson entier le territoire rattaché àla maison des atrides » (Vernant,1994: 172).

En plus de cette double fonc­tion, la femme est perçue commeincarnant tout ce qui est mal. Parexemple, chez Pythagore, «il y aun principe bon qui a créé l'or­dre, la lumière et l'homme et unprincipe mauvais qui a créé lechaos, les ténèbres et la femme»(Le Diascorn, J 986 : 67). Pourlui, la femme est la source desmalheurs et des souffrances del'homme. Cette position est en­tièrement partagée dans le mythegrec.

A travers les personnages desBacchantes, se traduit aussi lacroyance à une liaison entre lafemme, l'irrationnel et le mal­heur. Le dionysisme qui apparaîtcomme une culture du délire etde la folie, est considéré commele propre de la femme . C'est cequi fait dire à Vernant que lesfemmes en tant que telles sontexclues de la vie politique.

La vertu religieuse qui lesqualifie, en tant que Bacchai,pour jouer un rôle majeur dans lareligion dionysiaque leur interd itde participer à la direction

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des affaires de la cité (Vernant,1994 : 356).

La femme y est aussi assimi­lée aux forces du désordre et dela destruction. Elle est souventcomparée à la terre qui tout enétant principe de fécondité, estpuissance de destruction. Ainsile mythe présente-t-il la femmecomme épuisant l'énergie du mâ­le, dilapidant ses efforts, le dessé­chant sans torche, si vigoureuxqu'il soit, le livrant à la vieillesseet à la mort, en engrangeant dansson ventre le fruit de ses peines(Vernant, 1994 : 39).

Même lorsqu'i ' lui arrive derelever quelques aspects positifsde la femme, comme la féconditéet la médiation de fertilité , le my­the grec associe toujours la fé­minité au monde de «ceux d'en

. bas», à l'univers souterrain et té­nébreux des morts. Une analogieest même établie entre le graingermant sous la terre et la se­mence humaine qui se développedans l'obscurité de la cavernematernelle (Le Diascorn, 1986 :70) .

Le mythe grec présente lafemme comme un être faible.Mais il s'agit moins d'une fai­blesse physique que d'une fai­blesse morale. On y trouvel'équivalent du mythe religieuxmisogyne de la genèse où Evetentée par le Diable tente à sontour Adam et lui fait manger lefruit interdit de l'arbre de la con­naissance; ce qui a eu pour con­séquence la punition de Dieudont les résultats sont : le travail,la souffrance et la mort.

Dans le mythe grec, c'est Pan­dora qui joue le rôle de Eve. Pan­dora reçoit une boîte bien close(Commelin, 1960 : 119) de Zeusafin de la porter à Prométhée.Mais par curiosité, elle l'ouvre.Or, Zeus y avait enfermé tous lesmaux de l'humanité. La boîte ou­verte, ceux-ci se répandirent sur

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la Terre. C'est pourquoi les Grecsdisent que: Si la femme n'avaitpas soulevé le couvercle de lajarre où étaient enfermés lesmaux, les hommes auraient con­tinué à vivre, comme auparavant,«à l'abri des souffrances, du la­beur pénible, des maladies quiapportent le trépas » (Vernant,1994 : 38).

La similitude entre Eve etPandora est grande . Les deux enplus d'être des femmes, ont ététentées de la même manière: lacuriosité. C'est la curiosité qui aconduit Eve à manger le fruit del'arbre de la connaissance dubien et du mal. C'est cette mêmecurio-sité qui a poussé Pandora àouvrir le couvercle de la boîteclose . Ainsi, comme dans le my­the biblique, toutes les souffran­ces qu'endure l'humanité: fati­gue, misère, maladies, angoisse,sont-elles le fait de la femme.

C'est pourquoi pour le Grec,l'homme doit se protéger de lafemme et aussi la protéger contresa propre faiblesse . Cette doubleaction de protection passe néces­sairement par le maintien de lafemme «à l'intérieur» du fait que«l' extérieur» auquel l'homme aaccès et qui est sa sphère d'ac­tivité est dangereuse pour elle.

La femme a donc une vo­cation domestique. Elle doit res­ter à la maison, au foyer, s'occu­per d'élever les enfants et destâches domestiques. C'est la gar­dienne des choses de l'intérieurde la maison. Par contre , «L' hom­me représente au contrai re dansl'oikos, l'élément centrifuge:C'est à lui de quitter l'enclosrassurant du foyer pour affron­ter les fatigues, les dangers , lesimprévus de l'extérieur, à luid'établir les contacts avec le de­hors, d'entrer en commerce avecl'étranger. Qu'il s'agisse du tra­vai l, de la guerre, du négoce, desrelations d'amitié, de la vie pu-

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blique, qu'il soit au champ àl'agora, sur la mer ou par route,les activités de l'homme sontorientées vers le dehors » (Ver­nant, 1994 : 162).

Cette conception phallocrati­que du mythe va être transport éeavec la culture grecque chez lesLatins. Selon Ehouman et ZadiZaourou, citant Fustel De Cou­langes dans la Cit é Antique, quilui-même cite Caton l'Ancien,«le mari est juge de sa femme,son pouvoir n'a pas de limite; ilpeut ce qu'il veut. Si elle acommis quelque faute, il lapunit; si elle a bu du vin, il lacondamne; si elle a eu commer­ce avec un autre homme , il latue » (Ehouman et Zadi Zahou­rou, 1975 : 113).

On le voit, hormis le fait quela femme soit l'élément mobiledont la circulation fait Je lienentre groupes fam i1iaux antago­nistes ou différents, pour le my­the grec, il est plus convenablepour la femme de rester à lamaison que d'être au dehors, plushonteux pour l' homme de de­meurer au-dedans que de s' occu­per de l'extérieur (Vernant, 1994:163).

Il y a donc chez les Grecs unenature féminine différente de lanature masculine qui est au ranginférieur dans la hiérarchie dessexes. Mais quel crédit Aristoteaccorde à cette conception my­thique de la femme dans saphilosophie politique? Sa penséepolitique est-elle en rupture ou encontinuité avec cette conceptionmisogyne grecque?

2. L A REPR ESE NTATI O NUE LA FEMME CH EZ ARI S­TOTE

«Les philosophes , écrivaitMarx dans ses écrits de jeunesse,ne sortent de terre comme deschampignons. Ils sont les fruits

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de leur époque, de leur peupledont les énergies les plus subtiles,les plus précieuses et les moinsvisibles s'expriment dans leursidées philosophiques » (Marx,1963,17).

Ce que Marx voulait mettre enrelief à travers cette réflexion,c' était l'idée que toute véritablephilosophie est la quintessencespirituelle de son temps et de sonespace et qu 'elle ne peut êtrecomprise que lorsqu'elle est re­placée dans ce cadre.

Mais d'où tirait-il son inspi­ration ? N'est-ce pas sans doutede la pratique philosophique qui,de tout temps, lui semblait tirerson origine de l'histoire des peu­pies? Cette hypothèse n'est pas àexclure; entendu que de l'anti­quité grecque à aujourd'hui, ilnous est donné de constater queles philosophes ont toujours phi­losophé en s'inscrivant dans descatégories qui ne sont pas tou­jours étrangères à leurs expérien­ces spatio-temporelles Leurs con­sciences philosophiques n'ayantjamais été autre chose que laconscience du temps et de l'es­pace auxquels ils appartiennent,on peut comprendre que Aristotesoit héritier de la tradition miso­gyne grecque telle que véhiculéedans le mythe.

Le statut de la femme dans lapensée politique d'Aristote sem­ble obéir à cette réflexion deMarx. On peut penser que ce sontles idées de la tradition misogynegrecque qui sont exprimées danssa pensée politique. De part saproximité avec le pouvoir po­litique et son imprégnation desidées philosophiques, sociales,politiques, morales et religieuses,Aristote traduit le mieux la si­gnification politique de cetteimage de la femme.

Certes, sa pensée politique tiretoute sa substance de son onto­logie, mais cette ontologie elle-

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même, est une rationali sation dumythe. A l'instar du mythe grec,pour Aristote, il existe des inéga­lités naturel/es . Et tout être , entant qu'il est en puissance, tendvers son acte.

C'est précisément cet achève­ment de sa nature qu'on appellesa fin, sa perfection, son bien.Pour connaître ce qui est bienpour l'homme, pense-t-il, il fautconnaître sa nature, sa finalitépropre, l'activité qui lui con­vient naturellement, son «oïkeïonergon».

Pour Aristote, il ne s 'agit pasd'échapper à sa nature, mais deréaliser parfaitement son «arét è»;fonction normale du plein épa­nouissement de la nature propre(Verges et Huisman, 1966 : 46).C'est à la lumière de cetteréflexion théorique, qu'il fautcomprendre la différence qu 'ilétablit entre l'homme et la fem­me.

Aristote établit donc une clas­sification fondée sur le droit na­turel. Ainsi, pour lui, certainshommes ont inévitablement unenature d'hommes libres, d'autresune nature proche de celle del'esclave. Et la femme appartientà cette dernière catégorie.

Mais en fait, pour être plusprécis, il y a l'homme libre apteau commandement, l'enfant mâ­le, la femme et l'esclave. «Tousces gens pos-sèdent les diversesparties de l'âme, mais différem­ment: l'esclave est totalementdépourvu de la faculté de déli­bérer, la femme la possède maissans autorité, l'enfant la possè­de mais non encore développée ».(Aristote, 1983 : 61).

Pour Aristote, la femme estmoins capable de «se dominer»que l'homme, c'est-à-dire de sou­mettre son âme entière à la partierationnelle ; elle est sur ce pointcomme l'enfant, menée par Jedésir. Cette incapacité de la

femme de soumettre son âme à larationalité est un fait de naturec'est la nature qui la distingue del'homme.

Cette distinction, Aristote l'é­tend à l'aptitude au commande­ment. Pour Aristote, «la naturene fait rien en vain » (Aristote,1983 : 40) et «commander et êtrecommandé sont non seulementnécessaires mais utiles. Et c'estdès leur naissance qu'une distinc­tion a été faite entre celui quidoit être commandé et celuiqui doit commander» (Aristote,1983 : 44).

La femme est une partiede l'homme. Elle lui appartientcomme un bien meuble . Elle nepeut donc pas commander. Depar sa position d'être inférieur,elle ne peut prétendre au cern­mandement. Elle a certes uneâme rationnelle, mais étant donnéqu'elle est moins capable de sedominer que l'homme c'est-à­dire de soumettre son âme entièreà sa partie rationnelle , elle nepeut commander.

C'est pourquoi , écrit- il :«Chez l'homme, il y a un cou­rage de chef, chez la femme uncourage de subordonné » (Aris­tote, 1983 : 61) .

Tout comme il sied que «lecorps soit commandé par l'âme,et que 1:, partie affective de l'âmele soit par l'intellect, c'est-à-direpar la partie qui possède la rai­son, les mettre sur un pied d'éga­lité ou intervertir leurs places estnuisible à tous» (Aristote, 1983 :46). De même, la femme est faitepour être commandée et l'hommepour commander. Parce que seull'homme est intellectuellementcapable de commander, la femmepar nature, serait alors apte .àexécuter physiquement un ordre.

Ceux qui sont éloignés deshommes libres comme le corpsl'est de l'âme, sont par natureproches de l'esclave ; Et pour

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eux, être commandés par un mai­tre est une bonne chose. Ils n'ontpas la faculté de commander

Comme on le voit , Aristote,en rationalisant l'idéologie miso­gyne mythique grecque nie à lafemme tout droit politique.

A l'instar du mythe grec, ilpense que la femme n'est jamaistotalement majeure. Son destin ,c'est d'être toujours soumise à latutelle de l'homme. Elle n'a quedes devoirs. Elle est la propriétéde l'homme. L'homme est appeléà décider pour elle. C'est pour­quoi, elle ne saurait accéder à lagestion des affaire: de la cité. Laseule vertu qui est pour elle uneparure, c'est son silence>; (Aris ­tote, ]983 : 61).

Aristote rationalise donc lemythe en instaurant un droitnaturel qui fait que chaque chosedoit être à sa place.

Les différences entre l'hommeet la femme mais aussi entre l' es­clave et l' enfant sont fondées ennature et non en droit.

En intégrant cette représenta­tion mythique dans sa philo­sophie politique, Aristote donneune signification rationnelle à cequi appartenait au domaine dumythe. Mais qu 'en est-il dePlaton? S'inscrit-il dans la mêmetradition misogyne ? Tout laissepen-ser qu'il est en rupture avecla tradition misogyne grecque.

3. LA RUPTURE PLATONI­CIENNE COMME CRITIQUEDE LA TRADITION GREC­QUE DU STATUT DE LAFEMME

Sur la question du statut de lafemme, Platon semble contredirel'argument de Marx qui veut quela véritable philosophie soit laquintessence spirituelle de sontemps et de son espace . Platon nepartage pas la position tradition­nelle grecque qui veut que lafemme soit située au rang infé-

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rieur dans la hiérarchie des sexestelle que véhiculée à travers lemythe et légitimé politiquementpar Aristote. C' est un anticon­formiste, un iconoclaste avant lalettre. II rompt avec une idéologieséculaire qui fait essentiellementde la femme la gardienne fidèledes choses de l'intérieu r de lamaison (Aristote , 1983 : 163). Tlest vrai qu'on peut relever ça etlà quelques points à polémi­ques sur la condition de la femmedans la philosophie politique dePlaton qui pourraient laisser pen­ser à une tendance phallo crati­que. Mais malgré ces points quipourraient prêter à polémique,dans l'ensemble, Platon semblecroire à l'idée d'égalité des sexes.

A la question existe-t- il unenature féminine différente de lanature mascul ine, Platon n'estpas tout à fait sûr comme lesGrecs de l'infériorité de la fem­me. La hiérarchisation des sexesau profit de l'homme n'attire pastout à fait son adhésion. Sa posi­tion semble trancher avec celledes Grecs et même de son disci­ple Aristote . Pour en arriver làqu'est-ce qui a pu se passer ?

Pour opérer la rupture avecl'idéologie grecque sur la placede la femme , Platon s ' est laissévolontiers instruire par les ani­maux et en particulier les chiens:«Estimons-nous que les femellesdes chiens doivent coopérer avecles mâles à la garde, chasser aveceux et faire tout le reste en com­mun ou bien qu'elles doiventrester au chenil , incapables d'au­tre chose parce qu 'elles enfan­tent et nourr issent les petits,tandis que les mâles travaillent etassument toute la charge du trou­peau ? (Platon, 1966 : 205)

Cette question, pour Platon, aune réponse qui se veut naturel­le : Nous disons, que tout leursoit commun, réserve faite que ,pour les services que nous atten-

Sciences sociales et humaines

dons d' eux, nous traiterons lesfemelle s comme plus faible s etles mâles comme plus forts. Laréponse est donc claire, les ani­mau x nous instruisent qu 'h om­mes et femme s doivent faire lesmêmes choses. Il n'y a pas deraison que la femme reste à «l' in­téri eur » et l'h omme à «l' exté­rieur».

Partant de cette analogie, Pla­ton passe aisément à la revendi­cation d'une éduc ation et d 'unegestion politique mixtes. L'é ga­lité de la femme et de l'hommeest possible à condition quel'éducation soit mixte. De lagymnastique en passant par lamusique, l'art de la guerre, lesfemme s et les hommes doiventêtre formés dans les mêmes con­ditions. L'éducation qui formerales femm es ne do it pas être dif­férente de celle qu i forme ra leshomme s (Platon, 1966 : 206). Ence qui concerne la gymnastiquepar exemple, «tout comme cesvieillards qui , ridés et d' aspectpeu agréable, continuent à seplaire aux exercices du gymna­se», les vieilles femmes doiventaussi s'adonner à la gymnastiquedans les mêmes conditions (Pla­ton, 1966 : 206). Si l'éducationest donc mixt e, l'exercice dupou voir politique ne doit plusêtre la chasse gardée d'un sexe.Les critères qui doivent guiderles choi x de ceux qui auront lacharge de la cité ne doivent plusse fonder sur le sexe. Les seulscritères recevables chez lui, sontceux de la science. Pour gouver­ner , il faut être philosophe oualors se laisser visiter par la phi­iosophi e. C'est à l' homme quiaime la science sous sa formeuniverselle, et non telle ou tel­le sci ence particulière (Platon,]966 : 32). Celui qui a réussi àouvrir son âme sur le monde desidées, le monde de l'immuable etde l'éternel, c'est à lui qu'il faut

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confier la gestion de la cité. Peuimporte qu'il soit homme oufemme. Seule la compétencecompte ici. Celui qui réussit àfaire l'ascension dialectique, quiréussit à atteindre la science an­hypothétique, c'est celui-là quidoit être considéré comme apteau commandement. Cette posi­tion de Platon apparaît clairementà travers les éléments constitutifsde sa cité paradigmatique.

Pour Platon donc : «JI n'estaucun emploi concernant l'admi­nistration de la cité qui appar­tienne à la femme en tant quefemme ou à l'homme en tantqu'homme; Au contraire, les ap­titudes naturelles sont égalementreparties entre les deux sexes, etil est conforme à la nature que lafemme aussi bien que l'homme,participe à tous les emplois ».(Platon, J 966 : 210) La diffé­rence de nature qui existe entrel'homme et la femme, est unedifférence sous le rapport de laforce de l'homme et de la fai­blesse de la femme. Quant à leuraptitude au commandement ou àla garde de la cité, ils ne diffèrentpas l'un de l'autre. «La femme etl'homme ont même nature sousle rapport de leur aptitude à gar­der la cité, réserve faite que lafemme est plus faible et l'hommeplus fort» (Platon, 1966: 210). Iln'est même pas impossible, es­time-t-il, que nombre de fem­mes soient supérieures à nombred'hommes en maints travaux.

Pour Platon donc, il faut aban­donner les stéréotypes qui font dela femme un être inférieur dupoint de vue du commandement." faut opérer un saut de rupturequi consiste à abandonner cettevieille attitude misogyne pourconsidérer la femme sur un mê­me pied d'égalité que l'homme.

Il peut paraître étonnant quePlaton soit le défenseur de lafemme. A priori, il est partisan du

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droit naturel pour chacun derester à sa place. Telle est lagrande conclusion de la Républi­que: il n'y a de justice que dansl'ordre. Et l'ordre ici, c'est que legouvernant gouverne, le plébéientravaille et le soldat assure lagarde. On peut penser que Aris­tote ne fait qu 'appliquer les prin­cipes de ce droit. En, plus le pro­blème de la communauté desfemmes peut soulever des res­serves sérieuses sur son inten­tion de faire de la femme l'éga­Ie de l 'homme. Car on peutse demander, comment concilierl'idée du communisme des fem­mes avec celle de la liberté dela femme ? Dans une concep­tion de communauté des fem­mes, la femme ne reste-t-ellepas essentiellement un objet deplaisir?

Nous pensons que ni l'une nil'autre c observations ne met­tent en doute la bonne foi dePlaton à lutter pour une conditionheureuse de la femme. La femmene constitue pas une classe à partchez Platon. Il y a trois classes:la classe de l'élite philosophi­que, les gouvernants, la classedes guerriers, et la classe desplébéiens. Nul part, il n'y a tracede l'existence d'une classe spéci­fique aux femmes. On peut doncsupposer que les femmes s'intè­grent dans chaque classe selonleurs natures intrinsèques . Sidonc elles s'intègrent selon leursnatures, la communauté des fem­mes participerait de la volonté dePlaton de perpétuer la classe desgouvernants où d'éviter que ledroit naturel ne se transforme endroit de castre. En effet, la com­munauté permettrait à chacun deconcevoir avec n'importe quellefemme et l'ordre sera fait sur labase de la vraie valeur et non parla naissance. La communauté nedevrait pas être perçue commeune pratique dévalorisante qui

viendrait contredire la volonté dePlaton de valoriser l'image de lafemme. Il ne s 'agit pas d'éleverla femme, ni de la rabaisser.Cette communauté, au contraire,s'inscrit dans la recherche de lajustice, point névralgique de laphilosophie de Platon.

4. L'EXE M P .JARITE DELA COI CEPTlON PLATONI­CI ENNE DE LA CO NDITI ONDE LA FEMME

y a-t-il une différence de na­ture entre l'homme et la femmequi rend le premier apte au com­mandement et empêche le secondde prendre part à 1a gestion desaffaires de la cité ? Sur le planstrictement biologique, il n'ya pas de différence entre j'hom­me et la femme sous le rapportde l'aptitude au commandement.L'homme et la femme ont chacunvingt trois chromosomes. Maisbien que la 23eme paire établisseune différence, cette différencen'a pas d'autre signification quela détermination des sexes. Elleintervient simplement dans la dé­termination du sexe des progéni­tures . C'est une marque indica­trice que l'homme est chargé dedéterminer le sexe de l'enfantcomme la femme est chargée 'd'accueillir et de porter la gros­sesse.

Au plan hormonal. la femmeprésente deux chromosomes etl'homme une seule. Les honu .i­nes féminines qui sont la proges­tér r-nc et l'œstrogène sont res­ponsables du développement desattributs féminins . L'œstrogèneest responsable du développe­ment des caractères secondaires.La progestérone, elle, n'est pro­duite qu'après la puberté. Sonaction est indispensable pour quel'organisme devienne apte à as­surer une grossesse . L'hormonemâle qu'est la testostérone est

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responsable du développementdes caractères sexuels mascul insà la puberté (Tavernier, 1996 :244).

Cette différence hormonalen'altère guère la capacité de com­mandement de la femme. On nepeut pas lier la différence hor­monale à la capacité ou à l'inca­pacité de commander. Il est vraique des stéréotypes féminin s ontfait de la femme un être faible ,capricieux, hystérique, sensible,peureux , émotif, puéril , frivole,bavard, incohérent, maniéré, se­cret, étourdi, mais il n'en est rien.Ces idées toutes faites sur la fem­me sont loin de refléter la réalité.Il s'agit de cliches qu 'il convientde mettre au compte d'une att i­tude faite d'hostilité et de préju­gés négatifs à l'égard des fem­mes. Les faits nous indiquent quedes femmes ont assumé des res­ponsabilités politiques et n'ontpas été ridicules. Elles ont mêmefait mieux que ne l'auraient faitdes hommes dans la même posi­tion.

En Afrique par exemple, enplus du fait que la femme estcréatrice de beauté: tissage, coif­fures, parures , poterie, vanneries ,danses , chants, langage, prover­bes, rites (Houeto, 1975 : 58),elle n'est pas restée insensible àla gestion de société. Il est prou­vé que des femm es ont assumédes responsabilités politiques depremier plan. En pays Tonga(Zambie), par exemple, on a con­nu des femmes chefs. En Afriquede l'Ouest on repère une traditionde femmes -chefs dans le centredu Cameroun préallemand ouchez les Flup de Casamance ausud du Sénégal. On trouve aus­si des femm es-chefs che z lesMende et les Sherbo du Sierra­leone (Coquery- Vidrovitch , ]994 :65). On connaît l'histoire de laReine Nzinga Mbande qui résistalongtemps aux Portugais dans

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leur avancée vers le sud du ro­yaume du Kongo . On conn aîtaussi, en pays Haussa, l'histoirelégendaire de la Reine am inade Zazzau (Coquery-Vidrovitch,1994 : 75). Yaa Asantewa orga­nisa devant la capitale Kumasi unsiè ge qui dura deux mois . Pourparvenir à bout des quelques 40 à50 000 Ashanti qui suivai entleur reine, les Britanniques du­rent mobiliser 1 400 hommes me­nus des armes les plus modernes(Coquery- Vidrovitch, 1994 : 78­79). C'est pourquoi il ne seraitpas prétentieux de dire avecColette Houeto que «c'est sur lesgenoux des femmes que s' édi­fient les nations» (Houeto , 1975 :58).

Il ne s'agit pas d'être commel'h istorien Joseph Ki-Zerbo, nos­talgique d'une cert aine femmeafricaine libre et heureuse , mais1'histoire nous enseigne tout demême que de nombreuses fem­mes ont accédé à des respon­sabilités politiques suprêmes enAfrique (Ki-Zerbo, 1972 : 610).Cette même observation faite surla femme afri ca ine est valablepour les femmes des autres con­tinents. Le masculin pris pourJe tout est donc trompeur. Lesexemples sont légion qui mon­trent que la femme est capable decommander et de le faire trèsbien.

Par ailleurs , il existe des hom­mes qui présentent des caractèresclassés féminins comme on trou­ve des femmes qui développentdes comportements dits mascu­lins. Il n' y a pas de rupture qu' ilfaille faire sur le plan strictementdu sexe. La caractérologie quiétudie les manières d'être et d'a­gir n'instaure pas une discrimi­nation entre l'homme et la fem­me. De la classific ation hippocra­tique en sanguins , mélancol i­ques, colériques, lymphatiques ,à la classification de Sheldon

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(1942 ) montrant les relations en­tre temp éraments et caractères,en passant par la c lassificationfranç aise de Sigaud et de MasAuliffe, italienne avec viola,Krestschner et de Jung, il n'y aaucun indice notable montrantune distinction faite sur la basedu sexe (Daco, 1977 : 336-357).

Hommes et femmes possèdentles mêmes aptitudes sous le rap­port du commandement. La posi­tion traditionnelle qu i confère àla femme une nature différent e decelle de l'homme et partant larend inapte au commandement,doit être mise au compte d'un dé­ficit de connaissance scientifiquesur la femme . Aujourd'hui , leprogrès des sciences nous permetde dire qu'entre homme et fem­me il n' y a pas de différencequant à l'aptitude au commande­ment dans de nombreux travauxréserve faite que la femme estplus faible physiquement. Maisavec le progrès des techniques etde la science, la force laisse deplus en plus la place à la scienceet de la technique. Et sur cepoint , la femme et l'homme sontd'égale valeur.

CONCLUSION

Au terme de cette étude, onpeut retenir que les Grecs ontdéveloppé une tradition qui rendla femme inférieure à l'homme.Cette tradition misogyne, mal­gré l' effort de rational isation faitpar Aristote, ne peut se justifierscientifiquement. Qu 'il s'agissedes sciences de l' homme ou dessciences du viv ant, toutes lessciences qui traitent de l'hommedu point de vue du comportementou de la structure biologique,montrent que sous le rapport ducommandement, j'homme et lafemme ont les mêmes aptitudes ;réserve faite que la femme estplus faible et l'homme plus fort.

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Le mérite de Platon c'estd'avoir su découvrir très tôt cettevérité (de l'égalité de l'homme etde la femme) et de l'avoir inté­grée comme élément de base dela construction de sa cité para­digmatique.

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